FÉVRIER 2018 – LE MONDE 6 7 E ONDE – FÉVRIER 2018...

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Les chiites du Koweït, d’Arabie saou-dite ou de Bahreïn ont une tradition forteet ancienne d’opposition politique natio-nale, qu’illustrent notamment les parti-sans de l’ayatollah koweïtien Moham-mad Al-Shirazi. Mais, s’ils ont bénéficiédu soutien de l’Iran révolutionnaire, ilsont vite pris leurs distances avec le nouvel État iranien, dont l’ingérence affaiblissait leur construction d’uneopposition nationale unifiée (5). EnAfghanistan, l’Iran soutient depuistoujours les chiites hazaras, en leurapportant une formation religieuse oumilitaire ainsi qu’une aide humanitaire,dans un contexte toujours instable ; maiscette population très minoritaire neconstitue qu’un allié marginal. Il doits’appuyer également sur les persano-phones tadjiks sunnites pour contrer l’in-fluence des talibans. Les chiites afghans,mais aussi pakistanais, ont cependantfourni de nombreux miliciens en Syrie,l’ensemble des forces étrangères repré-sentant environ une dizaine de milliersd’hommes, dont deux à trois mille Ira-niens, provenant essentiellement desforces Al-Qods. Au Yémen, la minoritéchiite hétérodoxe des zaydites n’avaitaucune relation avec l’Iran chiite duo-décimain, mais la révolte houthiste quiles fédère contre les intérêts saoudiens

offrait à Téhéran une occasion de contrerla politique de Riyad en Syrie.

Les relations avec l’Irak sont d’unenature différente et bien plus complexe.C’est dans les villes irakiennes de Nadjafet Kerbala, et non à Qom ou à Machhad,que se trouvent les grandes écoles reli-gieuses et les lieux saints chiites. Cetterivalité entre les chiismes perse et arabeest accentuée par l’antagonisme entreles États iranien et irakien, et surtout parl’opposition de l’ayatollah Ali Al-Sis-tani – très influent en Irak – à la doctrineiranienne du guide suprême (doctrine duvelayat-e faqih), qui accorde au clergéun rôle prépondérant. Le renversementde Saddam Hussein par les Américainsen 2003 a permis à Téhéran de construireune relation de bon voisinage délicate :appui au nouveau gouvernement à majo-rité chiite, relations commercialesintenses, entretien de puissants réseauxd’influence et de milices. Souvent enva-hissante, cette présence iranienne seheurte à un nationalisme irakien toujoursfort, héritier d’un siècle d’indépendanceet de centralisme du parti Baas et ren-forcé par les huit années de guerre(1980-1988), qui ont consolidé la fron-tière entre les anciens Empires ottomanet safavide.

Damas, un pouvoir ami, indépendant etstable. La victoire contre le califat,même si elle passe par un compromis àcourt terme avec ce régime discrédité,est vécue en Iran comme une réactionlégitime à une agression extérieure com-parable à l’attaque irakienne de 1980.

Une nouvelle génération de gardiensde la révolution et de miliciens, victorieuxdans une guerre proactive et non plus derésistance, semble en voie de formation.L’archipel chiite, nouvel instrument depolitique extérieure, interpelle les paysvoisins, mais également les Iraniens par-tisans de la stricte tradition nationaliste,et surtout les partisans de l’ouverture, quicraignent un renforcement de la compo-sante islamique du système. Il inquièteaussi les anciens combattants de la guerreIrak-Iran et les révolutionnaires de 1979,qui voient émerger des rivaux.

On constate aujourd’hui que la socia-lisation des femmes, la montée des jeunesgénérations et les progrès de l’instructionont profondément transformé l’Iran,devenu paradoxalement l’un des pays lesplus sécularisés de la région. Si l’islaminstitutionnel reste très visible et répressif,il doit désormais répondre aux exigencesd’une société où la modernité n’est plusl’apanage d’une minorité occidentali-sée (6). Après l’expérience de l’islampolitique, l’Iran voudrait sortir sans crisemajeure de cette utopie révolutionnaire,au moment où plusieurs de ses voisins,notamment après les «printemps arabes»,cherchent dans des variantes de celle-cila solution à leurs problèmes.

L’originalité du cas iranien tient àl’existence d’une classe moyenne impor-tante et diverse, que la République isla-mique a renforcée bien souvent malgréelle. Une grande partie de la population,laissée pour compte à l’époque du chah,a vu sa situation s’améliorer. La guerreIrak-Iran a accéléré la promotion socialedans les petites villes des banlieues et descampagnes en mobilisant des millions depersonnes : cadres de l’armée, gardiensde la révolution et surtout simples bas-sidji. Tous ces vétérans ont ensuite béné-ficié d’avantages financiers, sociaux oupolitiques qui les ont fait entrer dans lanouvelle classe moyenne, voire parmi lesnouvelles élites, grâce notamment à l’ins-truction publique et à la démocratisationde l’enseignement supérieur. Tout en res-tant liée au pouvoir islamique dont elleest issue, cette nouvelle classe moyennepopulaire a commencé à découvrir – et àapprécier – le monde extérieur.

Les émeutes de janvier 2018 dans lespetites villes ont rendu visible cettepopulation longtemps occultée par l’at-tention exclusive portée par les grands

médias occidentaux à la bourgeoisie« occidentalisée » – et minoritaire – desgrandes villes, qui s’était insurgée en2009 contre la fraude électorale. En2018, la révolte a mobilisé l’Iran pro-fond. Les anciens combattants de larévolution et de la guerre Irak-Iran ontaujourd’hui plus de 60 ans. Ils ne sontpas opposés à l’ouverture, mais, commel’a demandé le Guide suprême Ali Kha-menei après avoir accepté l’accord surle nucléaire, ils veulent continuer derésister à une ouverture qu’ils ne maî-trisent pas et qui risque de leur faire per-dre le pouvoir. Leurs enfants restentinsérés dans la culture de la républiqueislamique et subissent son contrôlesocial, bien plus fort dans les villespetites et moyennes que dans lesgrandes. Massivement instruits, ils for-ment aussi la génération la plus nom-breuse du pays, âgées de 25 à 40 ans.Ils connaissent le monde extérieurmieux que leurs parents et osent exigerplus de justice sociale et économique.

Ils commencent à contester le pouvoir,les méthodes et la corruption de ceuxqui gouvernent le pays, mais auxquelsils sont liés... Pour eux, la question n’estpas de changer de régime – une ambi-tion pour le moment inconcevable fautede solution de rechange –, mais d’obte-nir d’abord une amélioration des condi-tions de vie.

La nécessité criante d’un développe-ment économique plus rapide se heurteà deux obstacles. Le premier, quiempêche toute ouverture internationale,est l’absence de réforme profonde desstructures financières ou bancaires, etsurtout le poids d’une élite économiquecorrompue. Ce problème a longtempsparu insurmontable à M. Rohani, quidevait se contenter de trouver un équi-libre entre les forces en présence et desatisfaire les courants conservateurspour préserver l’accord sur le nucléaire,en espérant une expansion économiquepar la levée des sanctions. Mais les pro-testations des nouvelles classesmoyennes et populaires changent lesrapports de forces, en suscitant de trèsvifs débats entre ceux qui veulenttoujours résister au changement et ceuxqui jugent préférable de faire desconcessions pour garder le pouvoir.

L’autre obstacle à l’ouverture écono-mique est américain. Certes, M. Trumpn’a pas dénoncé formellement l’accordsur le nucléaire ; il vient même, à la mi-janvier, de le reconduire, mais en annon-çant que ce serait la dernière fois. LeCongrès a surtout maintenu et accentuéd’autres sanctions, non reconnues parl’ONU ou par l’Union européenne, jus-tifiées par la situation des droits humainset par le « terrorisme» (en l’occurrence,le soutien au Hezbollah). En violationdes lois internationales, les États-Unisinterdisent aux entreprises européennesqui ont des intérêts outre-Atlantique d’in-vestir en Iran ou de commercer avec lui.Ils empêchent ainsi un véritable décol-lage des relations commerciales avecl’Occident et attisent l’impatience de lapopulation. Les sanctions américainesétant principalement motivées par le sou-tien de l’Iran au Hezbollah et par sonhostilité à Israël, de nombreuses voixs’élèvent, notamment au sein des géné-rations qui n’ont pas connu la révolutionet la guerre, pour que cette politique s’ap-puyant sur l’archipel chiite passe ausecond plan. Il n’existe cependant aucuneforce constituée ni aucun responsablepour porter un tel changement.

7 LE MONDE diplomatique – FÉVRIER 2018

(5) Laurence Louër, Sunnites et chiites. Histoirepolitique d’une discorde, Seuil, Paris, 2017.

(6) Amélie Myriam Chelly, Iran, autopsie duchiisme politique, Cerf, Paris, 2017.

(7) Olivier Roy, L’Échec de l’islam politique,Seuil, 2015 (1re éd. 1992).

(1) Cf.Xavier de Planhol, Les Nations du Prophète.Manuel géographique de politique musulmane, Fayard,Paris, 1993.

(2) «Nationalism and the Islamic Republic ofIran », dans Meir Litvak (sous la dir. de), ConstructingNationalism in Iran : from the Qajars to the IslamicRepublic, Routledge, Abingdon, 2017.(3) Voir Philippe Descamps et Cécile Marin, «Une

mollahrchie constitutionnelle», Le Monde diploma-tique, mai 2016.(4) Houchang Chehabi et Hassan Mneimneh (sous

la dir. de), Distant Relations : Iran and Lebanon inthe Last 500 Years, I. B. Tauris, Londres, 2006.

ET MUTATIONS DE LA SOCIÉTÉ

en puissance régionalevue combattre contre trois forces coali-sées : l’Irak, les monarchies pétrolièreset les pays occidentaux.

L’attaque irakienne de septembre 1980a scellé l’imbrication du nationalisme etde l’islamisme. Les ambitions universa-listes de la révolution islamique ont viteété débordées par la nécessité de défendreles frontières. Les gardiens de la révolu-tion et les miliciens (bassidji) sont deve-nus les héros de la patrie. La victoire deKhorramshahr et la reprise de cette ville,le 22 mai 1982, marquent ainsi la libéra-tion du territoire national, et non la vic-toire de l’islam politique, dont elle repré-sente en réalité un premier effacement.La force du pouvoir politique du clergéchiite et du Guide suprême reste une réa-lité, mais elle repose sur la possibilité demobiliser des millions d’anciens combat-tants qui ont défendu à la fois l’Iran et lajeune république islamique.

Le nationalisme iranien cultive l’espritde « résistance », mais pas celui deconquête. Au cours de sa longue histoire,l’Iran a souvent été envahi. Et, depuis sacréation comme État moderne auXVIe siècle, il a perdu les guerres contreses voisins, ainsi que des territoires. Il aseulement réussi quelques incursions,quelques razzias, par exemple contreDelhi en 1739 ou Tbilissi en 1795. Parcequ’il est à la fois iranien et chiite, entouréde populations turques ou arabes, sunnitesou chrétiennes, le royaume de Perse n’apas cherché à conquérir des territoiresextérieurs, mais a seulement vouluconserver une influence sur les zonestampons qui entourent le plateau iranien :rive orientale du Tigre, Transcaucasie,mer Caspienne, steppe turkmène, pro-vinces de Herat et de Helmand en Afgha-nistan, et bien sûr golfe Arabo-Persique.

Après la seconde guerre mondiale, l’ar-mée du chah avait pour principale voca-tion de faire face à une hypothétiqueagression soviétique. La politique mili-taire de la République islamique s’inscritdans cette stratégie défensive, par néces-sité – l’embargo sur l’armement la privede tout matériel moderne : missiles, avia-tion, tanks, artillerie... –, mais surtout parconformité à la tradition nationale. Les

forces armées, conçues pour une guerreasymétrique défensive, autour de forcespopulaires et de milices, n’ont pas lacapacité de se projeter durablement àl’extérieur. L’Iran est donc nationalistemais pas impérialiste – ce qui impliquetout de même de disposer de moyens dedéfense efficaces.

Les anciens combattants de la guerrecontre l’Irak, qui détiennent aujourd’huile pouvoir et contrôlent les administra-tions, entretiennent le souvenir de laguerre des villes, des dommages causéspar les missiles irakiens dans les centresurbains. C’est pourquoi ils ont fait de laproduction d’engins balistiques une prio-rité, d’autant moins négociable que lespays voisins disposent d’un arsenal infi-niment plus puissant et efficace, fourni

LE PRINCIPAL adversaire de la nouvellepolitique d’ouverture, c’est toujours cevieux nationalisme qui fait préférer ladéfaite, le «martyre » et le repli sur soià une victoire qui impliquerait le contactavec d’autres mondes. Mais la craintedu désordre et de la guerre qui ravagentles pays voisins, tout comme le souvenirdes drames de la révolution, favorisentla stabilité du système. Depuis son élec-tion en 2013, M. Rohani incarne cetesprit de modération qui permet de pré-server un jeu électoral certes trèscontraint, mais réel, et la prédominanceinstitutionnelle du clergé (3).

L’État iranien moderne a été fondé auXVIe siècle autour du chiisme par ladynastie turcophone des Safavides ; maisl’islam était devenu un facteur politiquemarginal dans l’Iran des Pahlavi. En sedéfinissant comme « islamique », lajeune république renouait avec un héri-tage qui a facilité l’unité contre le chah.Et si le clergé et l’ayatollah RouhollahKhomeiny ont capté le processus révo-lutionnaire à leur profit, ils ont dû tenircompte de la marginalité des chiites ira-niens dans l’océan sunnite en affirmantl’unité de l’oumma, la communauté descroyants, afin de ne pas bloquer lesambitions universalistes de la révolution.

L’opposition radicale à Israël fut immé-diatement privilégiée comme un moyend’être accepté dans le monde musulman.

En fait, rien de cela n’a fonctionné.Pour défendre l’État et résister à l’inva-sion irakienne, la république islamiquea rapidement dû se replier sur son iden-tité à la fois iranienne et chiite afin detrouver des alliés dans un archipel deterritoires dispersés, peuplés de minori-tés ethniques ou religieuses. Arméniens,Tadjiks persanophones d’Afghanistan etmême Kurdes d’Irak opposés au pouvoirbaasiste de Bagdad dans les années 1970ont fait partie de cet archipel, dont l’es-sentiel est constitué de minorités chiites,parfois hétérodoxes, dispersées dans lemonde sunnite arabe ou turc (voir lacarte ci-dessous). Cette géographie faited’îlots exclut toute continuité territoriale,et expose au risque de l’encerclement.

Le Hezbollah libanais constitue assu-rément le fleuron de cet archipel chiite.Depuis plusieurs siècles, la forte commu-nauté chiite libanaise entretient des liensétroits avec l’Iran (4). La police du chah,la Savak, était déjà très active à Beyrouthdans les années 1970 pour soutenir leparti chiite modéré Amal, et surtout pourcontrôler les membres du clergé chiitelibanais, comme l’ayatollah Moussa Sadr,qui était en relation avec Khomeiny. Cesréseaux libanais furent immédiatementutilisés par la République islamique pourfrapper, à travers des prises d’otages etdes attentats, les pays qui soutenaientl’Irak et dont les troupes séjournaient auLiban, comme la France ou les États-Unis. L’invasion israélienne du Liban enjuillet 1982 est intervenue au moment oùl’Iran, vainqueur sur le front irakien, exi-geait – en vain – de l’Organisation desNations unies (ONU) que Bagdad soitreconnu comme l’agresseur. Elle a étédéterminante pour inciter l’Iran à renfor-cer ses positions au Liban, dans la pers-pective évidente d’un prolongement dela guerre Irak-Iran.

Le Hezbollah fut alors construit pourconstituer un allié stable à trois titres :comme acteur politique majeur dans unpays arabe, comme force armée capabled’actions militaires ou non convention-nelles, et comme fer de lance du Frontdu refus contre Israël. Le succès de cettestratégie transparaît nettement avec lafin de l’occupation israélienne du Libansud en mai 2000, la participation du Hez-bollah au gouvernement libanais depuis2005 et son rôle central dans la guerrede Syrie, aux côtés des forces spécialesiraniennes et des milices chiites, en sou-tien au régime de M. Bachar Al-Assad.Ce succès reste en fait le seul obtenu parl’Iran, qui a du mal à fidéliser ses sou-tiens dans les autres communautés del’archipel chiite.

par les pays occidentaux. Le consensusnational dans ce domaine est encore plusfort que celui sur le nucléaire.

Malgré des dissensions sur la nécessitéde posséder l’arme atomique, la popula-tion s’accordait pour estimer que le paysavait le droit d’en décider. Le choix de ladiplomatie pour régler la crise dunucléaire a étendu avec succès le champd’application de l’esprit de résistance.L’Iran n’est pas peu fier d’avoir contraintdes grandes puissances à négocier aveclui sur un pied d’égalité et sur un sujetmajeur. Désormais, les autorités ne ces-sent d’affirmer leur attachement aux loisinternationales et recherchent le soutiende l’Union européenne, de la Russie etde la Chine pour contrecarrer le revire-ment des États-Unis.

AVEC l’intervention des gardiensde la révolution en Syrie et en Irak, l’Irana, pour la première fois de son histoiremoderne, remporté une bataille militaireà l’extérieur de ses frontières. Le21 novembre 2017, le président HassanRohani proclamait la fin de l’Organisa-tion de l’État islamique (OEI), tandisque le général Ghassem Soleimani, com-mandant des forces spéciales Al-Qods,se félicitait de cette « victoire détermi-nante ». Ce succès contre les djihadistesparticipe de la renaissance sur la scèneextérieure de l’Iran, qui avait déjà rem-porté une victoire diplomatique ensignant avec six grandes puissances, le14 juillet 2015, un accord sur lenucléaire devant permettre au pays de

* Directeur de recherche émérite au Centre nationalde la recherche scientifique (CNRS), laboratoireMondes iranien et indien, Paris.

sortir de son isolement diplomatique etcommercial.

En réalité, la République islamique netire guère de bénéfice de ces victoires. Ellese voit accuser d’ambitions hégémoniques,tandis que le gouvernement américain deM. Donald Trump entrave le renouveauéconomique tant espéré en refusant defacto de lever les sanctions. À l’évidence,après bientôt quatre décennies de mise àl’écart, d’endiguement, d’embargo inter-national et de menaces de guerre, l’Iranest loin d’être reconnu comme une puis-sance régionale «normale». Le pays s’esthabitué à vivre retranché, à « résister àl’agression étrangère» et à rester à l’écartde la mondialisation.

6SUCCÈS MILITAIRES

L’Iran se réinvente

FÉVRIER 2018 – LE MONDE diplomatique

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PAR BERNARD HOURCADE *

Dans la guerre froide régionale qui l’oppose à l’Arabiesaoudite, l’Iran peut s’appuyer sur un archipel de minoritéschiites ou assimilées. La république islamique a su leurapporter un soutien décisif, en particulier pour combattreles djihadistes en Syrie et en Irak. Mais la source de larivalité entre les deux puissances du Golfe apparaît biendavantage politique qu’ethnique ou religieuse.

BABAK KAZEMI. – « Sir Yes Sir » (Chef, oui chef !), de la série « Common Memories » (Souvenirs communs), 2009

Ancienneté des réseaux libanais

Une révolte de la nouvelle classe moyenne

Dynamique d’ouverture

L’islam rattrapé par le nationalismeBIEN des analystes cherchent l’expli-cation de cet isolement dans un passésouvent lointain, en invoquant l’Empireachéménide du Ve siècle avant J.-C., laculture persane ou le chiisme et son clergé.Trop souvent, on néglige les transforma-tions profondes de la société et de la viepolitique depuis la révolution de 1979.Nationalisme, islamisme, ouverture : cescomposantes n’ont cessé d’évoluer, de seconcurrencer, de se combiner. Aucune nesaurait disparaître, et le juste équilibreentre elles anime la vie politique.

Malgré l’opposition des religieux, lesentiment national, à son apogée sous lerègne de Reza Pahlavi (1925-1941), quiglorifiait le passé préislamique, puis lorsde la nationalisation du pétrole en 1953,n’a jamais faibli. Il existe un consensusautour du mythe du bel Iran éternel, dupays des Aryens – Iranzamin – qui a suconserver son identité, sinon son indé-pendance, en résistant aux invasions desGrecs, des Arabes, des Turcs et des Mon-gols ou aux menaces des Empires otto-man, russe et britannique (1). De façonparadoxale, la République islamique atotalement assumé cet héritage. Elle aconsolidé l’État central (2) dès les pre-mières années de la révolution, qui l’ont

LE PREMIER ministre irakien HaïdarAl-Abadi apprécie le développement desrelations économiques avec Téhéran etle soutien tant des forces Al-Qods quedes milices chiites appuyées ou contrô-lées par l’Iran pour combattre l’OEI.Mais il cherche désormais à affirmer uneplus grande indépendance que son pré-décesseur. La libération de Mossoul ad’abord été le fait de la division d’or del’armée irakienne, laissant peu de placeaux forces directement contrôlées parTéhéran. La realpolitik et la priorité à ladéfense nationale de l’Iran lui imposentla prudence ; il n’a d’autre choix que deconsolider son influence dans la zonetampon le long de la frontière, de Bassoraau Kurdistan, dans les villes saintes duchiisme, tout en cherchant à renforcer unÉtat irakien unifié et stable.

En Syrie, il n’y a quasi pas de popu-lation réellement chiite. Les alaouitesont été officiellement qualifiés de« chiites » du temps du président HafezAl-Assad (1971-2000) pour consoliderl’alliance entre Damas et Téhéran. Leprésident syrien fut, après Yasser Arafat,le premier chef d’État à se rendre en Iranaprès la victoire de la République isla-mique pour sortir son pays de l’isole-ment. Par la suite, cette alliance a tenulors de toutes les guerres régionales, et

notamment dans le combat contre lesforces djihadistes. L’Iran craignait unevictoire de celles-ci à Damas puis à Bag-dad, ce qui aurait créé à sa frontière unimmense territoire sous la dominationdirecte ou indirecte de l’Arabie saouditeet des monarchies pétrolières.

Les relations avec l’archipel chiiteprennent de l’importance dans lecontexte d’une rivalité exacerbée avecl’Arabie saoudite, inquiète du regaind’influence de Téhéran. L’Iran a béné-ficié, sans l’avoir cherché, de la politiqued’intervention américaine dans larégion – renversement des talibansafghans en 2001 et chute de SaddamHussein en 2003 –, puis des échecs dji-hadistes. Aux yeux des Iraniens, Riyadsymbolise l’arrogance de régimesmonarchiques qui ont profité de la miseà l’écart de l’Iran depuis 1979 pourconstruire un empire économique,médiatique et politique imposant sesvues dans toute la région avec l’appuiinconditionnel des États occidentaux. Leconflit avec l’Arabie saoudite et la luttecontre les takfiri (« excommunicateurs»)de l’OEI et d’Al-Qaida suscitent doncun large consensus, non pour soutenir lerégime de M. Al-Assad, considérécomme un incapable, mais pour éviterl’encerclement saoudien en soutenant, à

COMME l’avait prédit OlivierRoy (7), l’islam a peu à peu été margi-nalisé par la politique. Les Iraniens res-tent fidèles à leur foi, mais ils sont deve-nus républicains. Un nouveau consensusen faveur de l’ouverture du pays rap-proche aujourd’hui les diverses compo-santes de la classe moyenne, y compriset surtout ceux qui respectent l’héritagede la révolution, de la résistance pendantla guerre et de l’islam.

Voir l’Iran actuel sous la seule dimen-sion du chiisme et d’un activisme incarnépar le Hezbollah serait une erreur. Ceserait ignorer les changements sociaux etpolitiques des quarante dernières années.La République islamique devient unacteur de premier plan au Proche-Orientet bouscule l’ordre régional. Mais la forceactuelle du pays ne tiendrait-elle pas plu-tôt à la capacité d’attraction de la répu-blique, à la socialisation des femmes, auxpotentialités de développement écono-mique ou à l’influence des artistes et descinéastes? Certes, l’État iranien reste des-potique, et les batailles politiques inté-rieures sont loin d’être achevées, mais lesenjeux de la lutte contre le djihadismesemblent imposer que l’on place les réa-lités et les dynamiques avant les mythes.

L’exportation de la révolution isla-mique, qui contenait aussi des ambitionsd’indépendance, de liberté et de répu-blique, a été contenue au début des années1980. Mais la dynamique actuelle d’ouverture internationale donne à ses slo-gans une nouvelle vie, en particulier entreKaboul et Beyrouth, dans cet ensemble

de « républiques» au centre desquelles,sans remonter à l’époque abbasside, l’Irana toujours eu une influence. Entre Omanet la Jordanie, en revanche, règnent desmonarchies sur lesquelles l’Iran n’a jamaiseu vraiment prise. Après avoir résisté pouraffirmer son identité islamique et natio-nale, puis avoir organisé son réseau régio-nal d’influence, le pays, ou plus exacte-ment sa population, cherche à affirmerson originalité en tant que puissance éco-nomique, industrielle, culturelle.

C’est dans le mode de régulation de lavie politique et sociale, davantage quedans l’opposition entre Arabes et Persansou entre sunnites et chiites, que se trouvele cœur de la rivalité entre l’Iran et l’Ara-bie saoudite. Pour éviter une escalademilitaire, on parle de plus en plus, notam-ment à Paris, de la recherche d’un pactede non-agression comparable aux accordsd’Helsinki de 1975 entre Occidentaux etSoviétiques. Car ces deux puissancesémergentes que tout oppose sont aussi lesseules capables d’imposer un minimumde sécurité dans la région, non plus seu-lement pour assurer les exportations depétrole et de gaz du golfe Arabo-Persique,mais aussi pour répondre aux aspirationsde leurs sociétés.

BERNARD HOURCADE.

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