je suis rentré de Roumanie

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séjour diplomatique du côté de Tulcea, le delta du Danube!

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Je suis rentré de Roumanie...

gérard marty-frédéric sancere

Je suis rentré de Roumanie...

Après 24h de voyage, il ne manquait plus que le bateau. Que c'est long.

J'ai l'impression d'être en transit depuis des jours entiers. Nous sommes constamment ballotés, notre tête et nos oreilles explosent sous le bruit des réacteurs. les places à l'arrière de l'avion sont les plus bruyantes. les passages successifs et les attentes dans ces hôtels, aéroports et aérogares, non lieux par excellence, finissent de nous abrutir.

En posant le pied à Bucarest, je respire et suis heureux. Il pleut légèrement.

Enfin, je pense pouvoir avoir un peu de répit. le répit ne durera que le temps de récupérer ma valise et de faire les deux premières photos du voyage.A l'extérieur Claudiau nous attend.son camion Mercedes est fin prêt pour nous conduire jusqu'à Tulcea, dans le delta du Danube.Après quelques hésitations, nous ne passerons finalement pas voir l'immense palais des Ceausescu au centre du Bucarest. Nous serions arrivés très tard à Tulcea. On ne connaitra donc pas ce coup ci la démesure de ce palais et la folie de ses concepteurs. Plus tard, juste avant de reprendre l'avion du retour, je ramènerai la copie du palais en magnets.

Il EsT 20 hEuREs, NOus sOMMEs à TulCEA, à l'hôTEl DElTA***...

Croyant notre voyage terminé, nous soufflons un grand coup, nos corps sont fatigués, nos têtes abruties, il nous faut souffler et le calme de l'hôtel semble être le bienvenu.

Bien qu'à l'extérieur de l'hôtel quelques dizaines de bateaux sont à quai, ceux la même qui font les visites sur le delta du Danube, nous ne pensions pas en entrant dans la salle de restaurant tomber dans ce qui ressemble fort à la salle de bal d'un paquebot de croisière. Comme dans toutes les croisières il y a un orchestre, bien sûr il joue très fort, une sorte de musique internationale chantée ici en Roumain, ailleurs en Italien, en Chinois, en Espagnol. C'est assourdissant, nous n'en pouvons plus, les heures de voitures, de camions, d'avion nous ont assommé. Nous mangeons vite et avant le dessert disparaissons, nous quittons le navire et partons marcher quelques instants à l'extérieur sur les berges du Danube. Aujourdhui, il ne manquait plus que le bateau.

l'hôTEl DElTA***, TulCéA, MINuIT lE 6/11.

l'hôtel Delta*** est grand et relativement chic.Il y traine cette même mélancolie que quand nous traversons les plaines roumaines.le hall est grand, les plafonds hauts, les canapés larges, les portes lourdes et les moquettes sont confortables et bien molles.

Tout est maintenant calme, il est minuit. Je pense à ces histoires. Cette journée que je n'oublierai pas.

Je m'en vais reposer mes rhumatismes. Je dormirai bientôt.

l'AIglE DE lA ROuTEEn route, Claudiau notre chauffeur, quand il n'est pas au téléphone, se retourne et nous parle tout du long.

Il explique, entre autres choses, que dans son pays la corruption est importante et que si tu as un accident et que tu tues quelqu'un, il faut savoir qu' ici, tu peux tout acheter, la vie d'un homme aussi. Cette phrase doit seule légitimer la vitesse folle que nous allons avoir pendant les cinq jours de voyage.

Quelques trous, des milliers plutôt, quelques chiens, des carrioles, des voitures dans tous les sens mais pas de morts.

Nous n'aurons pas à payer ce soir...

lEs IsOlOIRs DE sERATJu

A seratju, nous sommes en réunion face aux isoloirs, on a dû voter il y a quelques temps. Nous sommes en Roumanie et ces isoloirs ont au maximum une vingtaine d'années.

Ici, comme ailleurs, la présence d'isoloirs ne garantit pas l'exercice d'une démocratie pleine et entière.

Ici, comme ailleurs, la présence d'isoloirs ne garantit pas l'exercice d'une démocratie pleine et entière.

Pour autant, en Roumanie, leur longue absence permet de penser avec plus de certitude qu'on s'était détourné de l'exercice démocratique.

A BEIDAuD, NOus DANsONs.Ce soir, nous avons dansé. En ronde. le pas est simple, peu rapide, sans trop de variation. Tous sont là, les vieux à l'énergie incroyable, les parents et leurs enfants. les adolescents dansent ensemble et avec les vieux.

le village danse. les adolescents sont les mêmes que chez nous, mêmes habits, même coiffure. Ils sont beaux, nous discuterons un moment avec eux.

Quelle soirée incroyable ! Nous avons dansé dans une école, nous y avons mangé, bu et beaucoup rigolé. Existe-t-il le même type de rassemblement le soir venu dans les écoles en France ?

A EN PERDRE l'ukRAINE.Aujourd'hui, comme hier, sur la grande table de réunion, on trouve en bonne place et en grand nombre des bouteilles d'alcool divers. Au fur et à mesure que l'après midi s'étire, les visages de nos interlocuteurs s'allongent et rougissent, leurs yeux devenant de plus en plus rieurs. Ils ont tellement louché sur les bouteilles, qu'elles seront bientôt vides. Parviendront-ils seulement à se lever ?Je l'ignore.Je suis, pourtant, rassuré en sortant. l'incroyable trio de bouilleur de cru, fin bourré, m'explique que ce ne sont pas les Roumains qui boivent, ce sont les ukrainiens. Ouf ! D'ailleurs l'eau de vie qu'ils préparent est pour ces soiffards d'ukrainien. Eux n'en font rien.Et l'ukraine ? Ce n'est pas très loin. seulement à quelques kilomètres. Mais de quel côté déjà ? leurs bras s'agitent, me montrent plusieurs directions. Ils ne sont pas d'accord entre eux. Aujourd'hui on a perdu l'ukraine.

A luNCAvITA, DANs lA PETITE FERME DE MR TuDOR, le bouilleur de cru restera flou

Pour qu'elle soit plus forte, le trio de bouilleur de cru nous explique qu'il passe à 2 reprises l'eau de vie dans l'alambic. Elle passe de cette façon de 40 degré à 60 degré voire 65 degré, elle y perd son goût de fruit pour exploser en bouche. Avec ce degré d'alcool, elle nous brule de l'intérieur, bronzage assuré !Ils ont les yeux rouges, le visage rieur, ils boivent leurs verres très vite et les enchainent, ils sont excités. Ils n'ont pas l'air d'avoir très froid. Je ne parviendrai jamais à prendre une photo nette d'eux.

J'ignore si c'est moi ou eux qui sont flous.

lEs BOuTEIllEs DE NICulITElNous aurions pu boire. souvent et beaucoup.

Ce matin là, juste au sortir du petit déjeuner, nous visitons un domaine viticole. le chef de l'exploitation nous présente son domaine. Des hectares de vignes à perte de vue. Pendant sa présentation, le jeune oenologue n'arrêtera jamais d'ouvrir des bouteilles. C'est la fête du tire bouchon. Nous pourrions en boire 3 ou 4 chacun. Je suis content ! les petits déjeuners sont très copieux à l'hôtel Delta***. C'est parti, il est 9h10 et nous buvons du vin Roumain.Ce matin, nous avons le bras léger.

vIOlETA, ANgElA ET lEs AuTREsA lucavinta, les femmes sont dans la salle.

Elles sont belles et tout laisse à penser qu'elles y font attention. Elles sont coiffées, habillées, maquillées, elles ont des bijoux et ont, semble t-il, le caractère bien trempé. Elles jouent entre elles, rient, elles sont partout, c'est les premières que nous croisons ainsi.

Ici, une petite femme, très belle, nous écrit son mail, pour avoir les nôtres. Avec sa copine elles veulent connaître notre âge, nous donne les leurs. Elle a la quarantaine discrète. En pleine réunion, elles se débrouillent pour se faire prendre en photo avec gérard et moi. leurs yeux pétillent, elles s'amusent et bougent sans cesse. On rit, beaucoup et aux éclats. surtout lorsqu'elles s'envoient entre copines et en pleine réunion, des sms d'un bout à l'autre de la salle, se laissant surprendre.Nous comprendrons plus tard qu'il y était question de nous.

Ce jour là, à lucavinta, nous en oubliions les véritables raisons de notre voyage. la longue réunion diplomatique nous aura que rarement absorbés. Nous y avons vu que les femmes, nous y avons vu le feu. un feu de paille.

l'ulTRA DEs MONTs DE MACINQuand vient son tour de présenter son projet, le directeur du Parc national des Monts de Macin se lève et entame son monologue qui ne sera quasiment jamais interrompu pendant la petite heure qui suivra. C'est un costaud. Il ne parle pas, il hurle.

Ceux qui s'étaient assoupis se réveillent en sursaut. ses voisins font gaffe à ses mains qui moulinent dans tous les sens. Nous, nous sommes loin mais avons l'impression qu'il est dans notre oreille.

C'est un ultra. ultra investi, ultra présent. Il voit loin, il développe et porte un projet ambitieux. Il connaît tout sur son Parc. Il est incroyable.sa présence réconforte. Au point que lorsque nous partons en sa compagnie, faire un tour de nuit dans la forêt, on se dit que même un ours peut surgir, avec lui on ne risque rien.

CINQ JOuRs QuE çA DuREJ'ignore ce qu'il en sortira. Je suis perdu.Il n'y a rien d'évident et la coopération bat de l'aile. Nous ne nous comprenons pas et le fossé devient abime au fur et à mesure que notre séjour s'écoule.

Cinq jours que ça dure et plus on avance, plus les yeux de notre accompagnatrice noircissent. Elle est vraiment dure ! Elle tient la boutique, on a l'impression qu'elle tient ce pays entier. ses yeux tabassent dur, ils t'assomment. souvent une vieille chanson me revient: "elle a les yeux revolvers, elle a le regard qui tue"......

JE N'IMAgINAIs PAs çA.

Nous ne rencontrerons personne pour nous parler de la période communiste.sauf à de très rares exceptions ou au détour d'une phrase, mais il sera très difficile d'aborder ce sujet tout autant que celui des roms d'actualité en France.

MIhAElA.

seulement Mihaela nous parlera les larmes aux yeux de son pays, de son histoire. Elle est triste, furieuse de devoir cumuler plusieurs boulots, inquiète et rageuse de voir ses parents se tuer au travail et rester pauvre. Cette discussion, nous l'aurons la veille de notre départ. Nous en resterons là.

Ce matin là, nous partons. la route est longue. les paysages de steppes s'étendent à n'en plus finir.

seuls les vieux silos à grain viennent casser la monotonie de ces paysages. Ils sont immenses et semblent abandonnés.

Jamais nous n'avons vu le ciel bleu, jamais un rayon de soleil pour donner un peu de lumière.

Jamais nous n'avons vu le ciel bleu, jamais un rayon de soleil pour donner un peu de lumière.

Je n'imaginais pas ça.

Il y a de la mélancolie dans ces paysages, quelque chose de brut, de quoi perdre son regard.

Pourtant, c'est beau. les quelques bergers que nous croisons sur les routes, avec leur troupeau de brebis en liberté, ont des gueules incroyables.

les nombreuses carrioles sont autant de chargements improbables. les palais que nous apercevons sont aussi grands qu'ils ont l'air vide. Nous partons.

C'était tellement rapide que j'ai parfois l'impression de ne jamais avoir été là. Des images resteront, des humeurs, des visages et des paysages.

Et toujours ces femmes, celles qui nous accompagnaient, celles que nous rencontrions dans les réunions, celles que nous apercevions et celles, nombreuses, qui se mariaient la veille de notre départ. Elles nous ont donné l'impression de tenir leur pays à bout de bras. Elles sont là et bien là.

la Roumanie a quelque chose de féminin et de mélancolique.

JE suIs RENTRé DE ROuMANIE!J'en ai rêvé. Je pars et ne l'oublierai pas. C'était le Delta du Danube. C'était un rêve.

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