La gauche française en mal de relève

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LE FIGARO mercredi 15 mai 2013

CHAMPS LIBRES 17ETUDES POLITIQUES FIGARO-CEVIPOF

Infographie

Évolution des cotes d'avenirdes principales personnalités de gauche (entre juin 2012 et mai 2013)

Hommes et femmes de gauche auxquels les sympathisantsde gauche accordent le plus d'avenir (mai 2013)

ÉVOLUTIONDans le gouvernement37M. Valls

M. Valls

L. Fabius

A. Montebourg

P. Moscovici

N. Vallaud-Belkacem

C. Duflot

M. Sapin

C. Taubira

C. Taubira

Sympathique

Honnête*

Sincère

Défend les intérêtsde la France

Juste

Proche des préoc-cupations des Français

Compétent

Sait où il va

Items quis’appliquent au

“charismeen politique”

Capable de rassembler

A de l'autorité

B. Hamon

V. Peillon

A. Filippetti

B. Delanoë

B. Delanoë

M. Aubry

J.-L. Mélenchon

J.-L. Mélenchon

S. Royal

O. Besancenot

O. Besancenot

MAI2013

41 -4

2435 -11

2334 -11

1932 -13

2230 -8

2029 -9

1627 -11

2826 +2

1625 -9

1625 -9

1523 -8

2842 -14

3140 -9

2939 -10

2433 -9

2828 =

JUIN 2012

Hors du gouvernement

55

55

52

48

M. Aubry 50 54

48

40

37

37 49

39

SONDAGE : A-t-on besoin d'un vrai chefen France pour remettre de l'ordre ?

SONDAGE : Pour chacun des termes suivants, diriez-vousqu'il s'applique plutôt bien à François Hollande ?

Totalpas d’accord

Totald’accord

13 %

87 %

EN %

Baromètre Figaro MAGAZINE / TNS-SOFRES. Échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française, âgée de 18 ans et plus,

interrogé du 24 au 27 avril 2013, selon la méthode des quotas.

Sondage Ipsos pour Le Point. Échantillon de 967 personnes représentatif de la population

française âgée de 18 ans et plus, interrogé les 5 et 6 avril 2013, selon la méthode des quotas.

Sondage Ifop-Fiducial /Europe 1. Échantillon de 1 967 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus,

interrogé du 11 au 15 avril 2013, selon la méthode des quotas.

Baromètre Figaro MAGAZINE / TNS-SOFRES / SOPRA GROUP (juin 2012). Échantillon de 1 000 personnes représentatif

de la population française, âgée de 18 ans et plus, interrogé du 24 au 27 mai 2012 (pour juin 2012) et du 24 au 27 avril 2013 (pour mai 2013),

selon la méthode des quotas.

52

50

43

37

36

30

27

20

18

14

EN %

EN %

ÉLECTEURS SE SITUANTÀ GAUCHE

ÉLECTEURS SE SITUANTÀ L’EXTRÊME GAUCHE

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Jamais égalée sous la Ve Ré-publique, la perte deconfiance qui affecte la pré-sidence de François Hollandetouche aussi la garde mon-tante de la gauche au pou-voir : « Le renouvellement n’apas porté ses fruits. À l’ex-ception de Manuel Valls, tousceux qui de près ou de loinsont mêlés à la victoire de2012 subissent une sanction»,souligne Pascal Perrineau. Ledirecteur du Cevipof pointeles écueils d’un remaniementsoulignant que François Hol-lande ne dispose pas «d’unerelève d’hommes et de femmesnouveaux pouvant redonnerun second souffle au pouvoiren place ». D’autant que laposture d’anti-leader duchef de l’État est à contre-emploi. En mal d’autorité,droite et gauche rêvent d’unleader charismatique gaul-lien pour conjurer la crise etmener à bien le redresse-ment national. � J. A.

Néanmoins, « le besoin d’un vrai chefen France pour remettre de l’ordre »s’avère être un vœu quasi unanime,toutes sympathies politiques confon-dues ; selon l’enquête Ipsos-Le Point(infographie ci-contre), ce souhait esttrès largement partagé à gauche par70 % des sympathisants socialistes et72 % de ceux du Front de gauche.

Dans le même temps, l’enquête Ifop-Europe 1 (infographie ci-dessous) met àjour les failles de la «présidence molle»de François Hollande qui cumule dansl’opinion tous les handicaps du lea-dership : 86% lui reprochent son défautd’autorité, 82% son incapacité à ras-sembler les Français, 80% sa difficulté àfixer un cap, 73% ses faibles compéten-ces et, dans une moindre mesure, 63%son incapacité à défendre les intérêts dela France.

Toutefois, crédité « d’honnête » par50%, François Hollande dispose encorede cet atout selon Frédéric Dabi, polito-logue à l’Ifop. Dans un climat de défian-ce politique, «cette qualité s’affirmecomme une attente forte dans l’opinion ;elle s’impose maintenant comme un itemconstitutif du leadership présidentiel».Preuve, selon lui, que le contexte poli-tico-social fait évoluer les critères et laperception dans l’opinion du leadershipà la française. �

IMAGINÉE lors de circonstances histori-ques exceptionnelles (instabilité politi-que, guerre d’Algérie) et taillée pour lapersonnalité hors normes du généralde Gaulle, la fonction présidentielle de laVe République suppose d’être exercéepar un leader charismatique, politiquepar vocation et non par profession, ayantune vision et un projet rassembleur leplaçant au-dessus des partis.

Bien que faisant figure de singularité« monarchique » pour une démocratiemoderne, le modèle du leadership dufondateur de la Ve République reste lepoint de référence de la culture politiquefrançaise: «Ce mythe du leader weberienincarné par de Gaulle reste un marqueurpuissant de la Ve République», affirmeLaurence Morel dans son étude sur les fi-gures du leadership au prisme de la cam-pagne présidentielle française de 2012 (LeVote normal, Sciences Po-Cevipof).

La dénonciation de la personnalisationdu pouvoir figurant parmi les actes fon-dateurs du Parti socialiste - FrançoisMitterrand dénonçait la Ve Républiquecomme « le coup d’État permament » - acontribué à brider les leaders. De plus, lescirconstances de la candidature par dé-

faut de François Hollande autant que son tempérament consensuel l’ont conduit àopter pour un nouveau style de leader :celui de l’« homme normal » qui prendle contre-pied de l’hyperprésidence etdu volontarisme de Nicolas Sarkozy, sonadversaire dans la campagne présiden-tielle de 2012.

Ainsi placé sous le signe de la « nor-malité », François Hollande devra en-suite s’efforcer d’adopter un style plusrégalien censé le qualifier de « prési-dentiable », en réunissant « toutes lesqualités du leadership au risque de finirpar apparaître comme l’homme sans qua-lité », assène Laurence Morel.

« Honnête »Pour le professeur Jean Garrigues, auteurdes Hommes providentiels, histoire d’unefascination française (Seuil), «FrançoisHollande, formé à HEC comme un certainnombre de ses condisciples de l’ENA, estl’homme d’une génération de gestionnai-res et d’experts arrivés au pouvoir dans lesannées 1980 qui ont imposé dans l’exercicedupouvoir politique la suprématie du com-merce au sens de culture de l’échange et duconsensus. Cette formation est très utilepour gérer les oppositions dans les partismais elle est en contradiction avec les qua-lités de commandement en chef qu’exigentla crise et le redressement national».

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PASCALPERRINEAU

Directeur du centrede recherchespolitiquesde Sciences Po (Cevipof)

LE RENOUVELLEMENT engagé parFrançois Hollande il y a un an n’aprovoqué aucun choc durable deconfiance. Pourtant, le président de laRépublique n’avait pas lésiné sur lesmoyens : sur 35 ministres du premiergouvernement Ayrault, 30 étaient desnovices voulant constituer une vraie« garde montante », 17 étaient desfemmes et 7 des moins de 40 ans. Tousces signes forts de renouveau n’ont pasemporté la conviction, et la défiancesemble, un an plus tard, porter son om-bre sur la quasi-totalité du personnelgouvernemental et, au-delà, sur l’en-semble du personnel politique de lagauche tous courants confondus. Undes indicateurs les plus évidents de cemalaise est que, sur les cinq hommespolitiques auxquels les Français accor-dent, en ce mois de mai 2013, le plusd’avenir, un seul est de gauche (ManuelValls, 37 %) et quatre de droite ou ducentre (François Fillon 37 %, FrançoisBayrou 35 %, Nicolas Sarkozy 35 %,Jean-Louis Borloo 34 %).

Aujourd’hui, à gauche seul le minis-tre de l’Intérieur, avec 37 % de person-nes interrogées qui souhaitent « lui voirjouer un rôle important dans les mois etles années à venir », dépasse la barredes 30 %. En mai 2008, un an aprèsl’élection de Nicolas Sarkozy et en dépitde la forte érosion qui avait touché l’en-semble de la majorité de l’époque, troisministres (Kouchner, Borloo, Dati) dé-passaient largement cette barre. L’im-popularité gouvernementale sembleaujourd’hui nettement plus prononcée,et beaucoup de ministres sont sous la

barre des 20 % (Moscovici, Sapin,Peillon, Hamon, Filippetti), même dansdes secteurs importants (Économie etFinances, Travail, Éducation nationa-le). L’érosion qui a touché les ministresest souvent profonde. Seul Manuel Vallslimite les dégâts (- 4 entre juin 2012 etmai 2013), Christiane Taubira étant laseule à accroître légèrement son capitalde popularité (+ 2) à l’issue du processuslégislatif du mariage dit « pour tous ».Si la gauche au pouvoir a enregistré unpetit frémissement sur ce marqueurculturel qu’est le mariage homosexuel,

elle a connu en revanche un véritableeffondrement sur les marqueurs écono-miques et sociaux. Les reculs les plusforts de popularité concernent le mi-nistre de l’Économie et des Finances(- 13 points), le ministre du Travail et del’emploi (- 11), le ministre du Redresse-ment productif (- 11) et celui des Affai-res étrangères (- 11). Indépendammentde ce dernier secteur, c’est le cœur del’État-providence socialiste qui est visé.Sauf le cas particulier du ministre del’Intérieur, la jeune garde réformiste(Moscovici, Peillon, Touraine, Le Foll,Filippetti) ne parvient pas à gagner labataille de l’opinion et laisse les pre-miers rôles à la vieille garde (Aubry,Taubira, Royal, Delanoë, Fabius) ou à la

gauche protestataire (Mélenchon, Be-sancenot).

L’érosion de popularité touche lesnouveaux (Montebourg, Vallaud-Belk-acem, Filippetti) comme les anciens(Fabius, Sapin, Moscovici), les réfor-mistes (Moscovici, Sapin) comme lesplus radicaux (Montebourg, Hamon),les socialistes comme leur allié Vert(Duflot).

Il en est de même en dehors des cé-nacles gouvernementaux où la gauchede protestation (Mélenchon) est at-teinte comme la gauche de gouverne-

ment (Dela-noë, Royal), larelève socia-liste éventuel-le (Aubry, De-lanoë, Royal)comme ceuxqui sont au

pouvoir. Tous ceux qui ont été mêlés àla victoire de 2012 subissent aujour-d’hui une sanction en termes d’opi-nion. Les plus vives critiques de gau-che des dérives réelles ou supposées dela gauche au pouvoir ne semblent pascapables de récupérer les « déçus dusocialisme gouvernemental ».

Le désamour touche l’ensemble de lagauche dans toutes ses sensibilités,dans toutes ses générations et dans tousses styles. Le meneur de la contestationde gauche qu’est Jean-Luc Mélenchonne parvient pas à capitaliser les décep-tions vis-à-vis de la gauche de gouver-nement : il a perdu 10 points en un an etmême 17 points dans l’électorat de gau-che. Les leaders qui pourraient préten-

dre constituer une relève (Aubry, Dela-noë, Royal) connaissent tous une fortechute de popularité, et leur capacité àrégénérer une équipe au pouvoir fati-guée en est d’autant plus affaiblie.

La gauche est prise dans une doubledifficulté. La première est qu’aucune fi-gure marquante de la nouvelle généra-tion gouvernementale promue en mai2012 – sauf le cas de Manuel Valls, quibénéficie de soutiens confortables àdroite - ne semble s’imposer comme« poids lourd » en termes d’opinion. Ladeuxième est que le sang neuf venant del’extérieur est déjà relativement ané-mié. Seule Martine Aubry dépasse trèslégèrement la barre des 30 % et sembleencore s’imposer dans son proprecamp : c’est la seule dirigeante de gau-che à rassembler une majorité absolued’électeurs à la fois à gauche (54 %) et àl’extrême gauche (50 %). Mais, mêmeau sein de la gauche, la maire de Lille aperdu en un an 15 points (contre 9 dansl’ensemble de la population).

Que la gauche ait exercé ou non lepouvoir, la tendance est la même. L’en-semble du dispositif de la gauche a étédéstabilisé par la première année deprésidence Hollande ; cela rend plusdifficile une relève qui, au travers de lanomination d’hommes et de femmesnouveaux, pourrait redonner un se-cond souffle au pouvoir en place. Leprésident de la République a annoncéque le remaniement viendrait « en sontemps ». Et, ni le choix du moment de larelève ni la nouvelle distribution desrôles gouvernementaux ne seront tâ-ches faciles. �

� La jeune garde réformiste ne parvient pasà gagner la bataille de l’opinion (…)et laisse les premiers rôles à la vieille

garde (…) ou à la gauche protestataire (…)�

JOSSELINE ABONNEAUjabonneau@lefigaro.fr

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