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LE FIGARO mercredi 15 mai 2013 CHAMPS LIBRES 17 ETUDES POLITIQUES FIGARO-CEVIPOF Infographie Évolution des cotes d'avenir des principales personnalités de gauche (entre juin 2012 et mai 2013) Hommes et femmes de gauche auxquels les sympathisants de gauche accordent le plus d'avenir (mai 2013) ÉVOLUTION Dans le gouvernement 37 M. Valls M. Valls L. Fabius A. Montebourg P. Moscovici N. Vallaud-Belkacem C. Duflot M. Sapin C. Taubira C. Taubira Sympathique Honnête* Sincère Défend les intérêts de la France Juste Proche des préoc- cupations des Français Compétent Sait où il va Items qui s’appliquent au “charisme en politique” Capable de rassembler A de l'autorité B. Hamon V. Peillon A. Filippetti B. Delanoë B. Delanoë M. Aubry J.-L. Mélenchon J.-L. Mélenchon S. Royal O. Besancenot O. Besancenot MAI2013 41 -4 24 35 -11 23 34 -11 19 32 -13 22 30 -8 20 29 -9 16 27 -11 28 26 +2 16 25 -9 16 25 -9 15 23 -8 28 42 -14 31 40 -9 29 39 -10 24 33 -9 28 28 = JUIN 2012 Hors du gouvernement 55 55 52 48 M. Aubry 50 54 48 40 37 37 49 39 SONDAGE : A-t-on besoin d'un vrai chef en France pour remettre de l'ordre ? SONDAGE : Pour chacun des termes suivants, diriez-vous qu'il s'applique plutôt bien à François Hollande ? Total pas d’accord Total d’accord 13 % 87 % EN % Baromètre Figaro MAGAZINE / TNS-SOFRES. Échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française, âgée de 18 ans et plus, interrogé du 24 au 27 avril 2013, selon la méthode des quotas. Sondage Ipsos pour Le Point. Échantillon de 967 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogé les 5 et 6 avril 2013, selon la méthode des quotas. Sondage Ifop-Fiducial /Europe 1. Échantillon de 1 967 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogé du 11 au 15 avril 2013, selon la méthode des quotas. Baromètre Figaro MAGAZINE / TNS-SOFRES / SOPRA GROUP (juin 2012). Échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française, âgée de 18 ans et plus, interrogé du 24 au 27 mai 2012 (pour juin 2012) et du 24 au 27 avril 2013 (pour mai 2013), selon la méthode des quotas. 52 50 43 37 36 30 27 20 18 14 EN % EN % ÉLECTEURS SE SITUANT À GAUCHE ÉLECTEURS SE SITUANT À L’EXTRÊME GAUCHE Jamais égalée sous la V e Ré- publique, la perte de confiance qui affecte la pré- sidence de François Hollande touche aussi la garde mon- tante de la gauche au pou- voir : « Le renouvellement n’a pas porté ses fruits. À l’ex- ception de Manuel Valls, tous ceux qui de près ou de loin sont mêlés à la victoire de 2012 subissent une sanction », souligne Pascal Perrineau. Le directeur du Cevipof pointe les écueils d’un remaniement soulignant que François Hol- lande ne dispose pas « d’une relève d’hommes et de femmes nouveaux pouvant redonner un second souffle au pouvoir en place ». D’autant que la posture d’anti-leader du chef de l’État est à contre- emploi. En mal d’autorité, droite et gauche rêvent d’un leader charismatique gaul- lien pour conjurer la crise et mener à bien le redresse- ment national. J. A. Néanmoins, « le besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre » s’avère être un vœu quasi unanime, toutes sympathies politiques confon- dues ; selon l’enquête Ipsos-Le Point (infographie ci-contre), ce souhait est très largement partagé à gauche par 70 % des sympathisants socialistes et 72 % de ceux du Front de gauche. Dans le même temps, l’enquête Ifop- Europe 1 (infographie ci-dessous) met à jour les failles de la « présidence molle » de François Hollande qui cumule dans l’opinion tous les handicaps du lea- dership : 86 % lui reprochent son défaut d’autorité, 82 % son incapacité à ras- sembler les Français, 80 % sa difficulté à fixer un cap, 73 % ses faibles compéten- ces et, dans une moindre mesure, 63 % son incapacité à défendre les intérêts de la France. Toutefois, crédité « d’honnête » par 50 %, François Hollande dispose encore de cet atout selon Frédéric Dabi, polito- logue à l’Ifop. Dans un climat de défian- ce politique, « cette qualité s’affirme comme une attente forte dans l’opinion ; elle s’impose maintenant comme un item constitutif du leadership présidentiel ». Preuve, selon lui, que le contexte poli- tico-social fait évoluer les critères et la perception dans l’opinion du leadership à la française. IMAGINÉE lors de circonstances histori- ques exceptionnelles (instabilité politi- que, guerre d’Algérie) et taillée pour la personnalité hors normes du général de Gaulle, la fonction présidentielle de la V e République suppose d’être exercée par un leader charismatique, politique par vocation et non par profession, ayant une vision et un projet rassembleur le plaçant au-dessus des partis. Bien que faisant figure de singularité « monarchique » pour une démocratie moderne, le modèle du leadership du fondateur de la V e République reste le point de référence de la culture politique française : « Ce mythe du leader weberien incarné par de Gaulle reste un marqueur puissant de la V e République », affirme Laurence Morel dans son étude sur les fi- gures du leadership au prisme de la cam- pagne présidentielle française de 2012 (Le Vote normal, Sciences Po-Cevipof). La dénonciation de la personnalisation du pouvoir figurant parmi les actes fon- dateurs du Parti socialiste - François Mitterrand dénonçait la V e République comme « le coup d’État permament » -a contribué à brider les leaders. De plus, les circonstances de la candidature par dé- faut de François Hollande autant que son tempérament consensuel l’ont conduit à opter pour un nouveau style de leader : celui de l’« homme normal » qui prend le contre-pied de l’hyperprésidence et du volontarisme de Nicolas Sarkozy, son adversaire dans la campagne présiden- tielle de 2012. Ainsi placé sous le signe de la « nor- malité », François Hollande devra en- suite s’efforcer d’adopter un style plus régalien censé le qualifier de « prési- dentiable », en réunissant « toutes les qualités du leadership au risque de finir par apparaître comme l’homme sans qua- lité », assène Laurence Morel. « Honnête » Pour le professeur Jean Garrigues, auteur des Hommes providentiels, histoire d’une fascination française (Seuil), « François Hollande, formé à HEC comme un certain nombre de ses condisciples de l’ENA, est l’homme d’une génération de gestionnai- res et d’experts arrivés au pouvoir dans les années 1980 qui ont imposé dans l’exercice du pouvoir politique la suprématie du com- merce au sens de culture de l’échange et du consensus. Cette formation est très utile pour gérer les oppositions dans les partis mais elle est en contradiction avec les qua- lités de commandement en chef qu’exigent la crise et le redressement national ». PASCAL PERRINEAU Directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) LE RENOUVELLEMENT engagé par François Hollande il y a un an n’a provoqué aucun choc durable de confiance. Pourtant, le président de la République n’avait pas lésiné sur les moyens : sur 35 ministres du premier gouvernement Ayrault, 30 étaient des novices voulant constituer une vraie « garde montante », 17 étaient des femmes et 7 des moins de 40 ans. Tous ces signes forts de renouveau n’ont pas emporté la conviction, et la défiance semble, un an plus tard, porter son om- bre sur la quasi-totalité du personnel gouvernemental et, au-delà, sur l’en- semble du personnel politique de la gauche tous courants confondus. Un des indicateurs les plus évidents de ce malaise est que, sur les cinq hommes politiques auxquels les Français accor- dent, en ce mois de mai 2013, le plus d’avenir, un seul est de gauche (Manuel Valls, 37 %) et quatre de droite ou du centre (François Fillon 37 %, François Bayrou 35 %, Nicolas Sarkozy 35 %, Jean-Louis Borloo 34 %). Aujourd’hui, à gauche seul le minis- tre de l’Intérieur, avec 37 % de person- nes interrogées qui souhaitent « lui voir jouer un rôle important dans les mois et les années à venir », dépasse la barre des 30 %. En mai 2008, un an après l’élection de Nicolas Sarkozy et en dépit de la forte érosion qui avait touché l’en- semble de la majorité de l’époque, trois ministres (Kouchner, Borloo, Dati) dé- passaient largement cette barre. L’im- popularité gouvernementale semble aujourd’hui nettement plus prononcée, et beaucoup de ministres sont sous la barre des 20 % (Moscovici, Sapin, Peillon, Hamon, Filippetti), même dans des secteurs importants (Économie et Finances, Travail, Éducation nationa- le). L’érosion qui a touché les ministres est souvent profonde. Seul Manuel Valls limite les dégâts (- 4 entre juin 2012 et mai 2013), Christiane Taubira étant la seule à accroître légèrement son capital de popularité (+ 2) à l’issue du processus législatif du mariage dit « pour tous ». Si la gauche au pouvoir a enregistré un petit frémissement sur ce marqueur culturel qu’est le mariage homosexuel, elle a connu en revanche un véritable effondrement sur les marqueurs écono- miques et sociaux. Les reculs les plus forts de popularité concernent le mi- nistre de l’Économie et des Finances (- 13 points), le ministre du Travail et de l’emploi (- 11), le ministre du Redresse- ment productif (- 11) et celui des Affai- res étrangères (- 11). Indépendamment de ce dernier secteur, c’est le cœur de l’État-providence socialiste qui est visé. Sauf le cas particulier du ministre de l’Intérieur, la jeune garde réformiste (Moscovici, Peillon, Touraine, Le Foll, Filippetti) ne parvient pas à gagner la bataille de l’opinion et laisse les pre- miers rôles à la vieille garde (Aubry, Taubira, Royal, Delanoë, Fabius) ou à la gauche protestataire (Mélenchon, Be- sancenot). L’érosion de popularité touche les nouveaux (Montebourg, Vallaud-Belk- acem, Filippetti) comme les anciens (Fabius, Sapin, Moscovici), les réfor- mistes (Moscovici, Sapin) comme les plus radicaux (Montebourg, Hamon), les socialistes comme leur allié Vert (Duflot). Il en est de même en dehors des cé- nacles gouvernementaux où la gauche de protestation (Mélenchon) est at- teinte comme la gauche de gouverne- ment (Dela- noë, Royal), la relève socia- liste éventuel- le (Aubry, De- lanoë, Royal) comme ceux qui sont au pouvoir. Tous ceux qui ont été mêlés à la victoire de 2012 subissent aujour- d’hui une sanction en termes d’opi- nion. Les plus vives critiques de gau- che des dérives réelles ou supposées de la gauche au pouvoir ne semblent pas capables de récupérer les « déçus du socialisme gouvernemental ». Le désamour touche l’ensemble de la gauche dans toutes ses sensibilités, dans toutes ses générations et dans tous ses styles. Le meneur de la contestation de gauche qu’est Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à capitaliser les décep- tions vis-à-vis de la gauche de gouver- nement : il a perdu 10 points en un an et même 17 points dans l’électorat de gau- che. Les leaders qui pourraient préten- dre constituer une relève (Aubry, Dela- noë, Royal) connaissent tous une forte chute de popularité, et leur capacité à régénérer une équipe au pouvoir fati- guée en est d’autant plus affaiblie. La gauche est prise dans une double difficulté. La première est qu’aucune fi- gure marquante de la nouvelle généra- tion gouvernementale promue en mai 2012 – sauf le cas de Manuel Valls, qui bénéficie de soutiens confortables à droite - ne semble s’imposer comme « poids lourd » en termes d’opinion. La deuxième est que le sang neuf venant de l’extérieur est déjà relativement ané- mié. Seule Martine Aubry dépasse très légèrement la barre des 30 % et semble encore s’imposer dans son propre camp : c’est la seule dirigeante de gau- che à rassembler une majorité absolue d’électeurs à la fois à gauche (54 %) et à l’extrême gauche (50 %). Mais, même au sein de la gauche, la maire de Lille a perdu en un an 15 points (contre 9 dans l’ensemble de la population). Que la gauche ait exercé ou non le pouvoir, la tendance est la même. L’en- semble du dispositif de la gauche a été déstabilisé par la première année de présidence Hollande ; cela rend plus difficile une relève qui, au travers de la nomination d’hommes et de femmes nouveaux, pourrait redonner un se- cond souffle au pouvoir en place. Le président de la République a annoncé que le remaniement viendrait « en son temps ». Et, ni le choix du moment de la relève ni la nouvelle distribution des rôles gouvernementaux ne seront tâ- ches faciles. La jeune garde réformiste ne parvient pas à gagner la bataille de l’opinion (…) et laisse les premiers rôles à la vieille garde (…) ou à la gauche protestataire (…) JOSSELINE ABONNEAU [email protected]

La gauche française en mal de relève

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Page FIGARO/CEVIPOF MAI 2013

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Page 1: La gauche française en mal de relève

LE FIGARO mercredi 15 mai 2013

CHAMPS LIBRES 17ETUDES POLITIQUES FIGARO-CEVIPOF

Infographie

Évolution des cotes d'avenirdes principales personnalités de gauche (entre juin 2012 et mai 2013)

Hommes et femmes de gauche auxquels les sympathisantsde gauche accordent le plus d'avenir (mai 2013)

ÉVOLUTIONDans le gouvernement37M. Valls

M. Valls

L. Fabius

A. Montebourg

P. Moscovici

N. Vallaud-Belkacem

C. Duflot

M. Sapin

C. Taubira

C. Taubira

Sympathique

Honnête*

Sincère

Défend les intérêtsde la France

Juste

Proche des préoc-cupations des Français

Compétent

Sait où il va

Items quis’appliquent au

“charismeen politique”

Capable de rassembler

A de l'autorité

B. Hamon

V. Peillon

A. Filippetti

B. Delanoë

B. Delanoë

M. Aubry

J.-L. Mélenchon

J.-L. Mélenchon

S. Royal

O. Besancenot

O. Besancenot

MAI2013

41 -4

2435 -11

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1625 -9

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2842 -14

3140 -9

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JUIN 2012

Hors du gouvernement

55

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M. Aubry 50 54

48

40

37

37 49

39

SONDAGE : A-t-on besoin d'un vrai chefen France pour remettre de l'ordre ?

SONDAGE : Pour chacun des termes suivants, diriez-vousqu'il s'applique plutôt bien à François Hollande ?

Totalpas d’accord

Totald’accord

13 %

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EN %

Baromètre Figaro MAGAZINE / TNS-SOFRES. Échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française, âgée de 18 ans et plus,

interrogé du 24 au 27 avril 2013, selon la méthode des quotas.

Sondage Ipsos pour Le Point. Échantillon de 967 personnes représentatif de la population

française âgée de 18 ans et plus, interrogé les 5 et 6 avril 2013, selon la méthode des quotas.

Sondage Ifop-Fiducial /Europe 1. Échantillon de 1 967 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus,

interrogé du 11 au 15 avril 2013, selon la méthode des quotas.

Baromètre Figaro MAGAZINE / TNS-SOFRES / SOPRA GROUP (juin 2012). Échantillon de 1 000 personnes représentatif

de la population française, âgée de 18 ans et plus, interrogé du 24 au 27 mai 2012 (pour juin 2012) et du 24 au 27 avril 2013 (pour mai 2013),

selon la méthode des quotas.

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Jamais égalée sous la Ve Ré-publique, la perte deconfiance qui affecte la pré-sidence de François Hollandetouche aussi la garde mon-tante de la gauche au pou-voir : « Le renouvellement n’apas porté ses fruits. À l’ex-ception de Manuel Valls, tousceux qui de près ou de loinsont mêlés à la victoire de2012 subissent une sanction»,souligne Pascal Perrineau. Ledirecteur du Cevipof pointeles écueils d’un remaniementsoulignant que François Hol-lande ne dispose pas «d’unerelève d’hommes et de femmesnouveaux pouvant redonnerun second souffle au pouvoiren place ». D’autant que laposture d’anti-leader duchef de l’État est à contre-emploi. En mal d’autorité,droite et gauche rêvent d’unleader charismatique gaul-lien pour conjurer la crise etmener à bien le redresse-ment national. � J. A.

Néanmoins, « le besoin d’un vrai chefen France pour remettre de l’ordre »s’avère être un vœu quasi unanime,toutes sympathies politiques confon-dues ; selon l’enquête Ipsos-Le Point(infographie ci-contre), ce souhait esttrès largement partagé à gauche par70 % des sympathisants socialistes et72 % de ceux du Front de gauche.

Dans le même temps, l’enquête Ifop-Europe 1 (infographie ci-dessous) met àjour les failles de la «présidence molle»de François Hollande qui cumule dansl’opinion tous les handicaps du lea-dership : 86% lui reprochent son défautd’autorité, 82% son incapacité à ras-sembler les Français, 80% sa difficulté àfixer un cap, 73% ses faibles compéten-ces et, dans une moindre mesure, 63%son incapacité à défendre les intérêts dela France.

Toutefois, crédité « d’honnête » par50%, François Hollande dispose encorede cet atout selon Frédéric Dabi, polito-logue à l’Ifop. Dans un climat de défian-ce politique, «cette qualité s’affirmecomme une attente forte dans l’opinion ;elle s’impose maintenant comme un itemconstitutif du leadership présidentiel».Preuve, selon lui, que le contexte poli-tico-social fait évoluer les critères et laperception dans l’opinion du leadershipà la française. �

IMAGINÉE lors de circonstances histori-ques exceptionnelles (instabilité politi-que, guerre d’Algérie) et taillée pour lapersonnalité hors normes du généralde Gaulle, la fonction présidentielle de laVe République suppose d’être exercéepar un leader charismatique, politiquepar vocation et non par profession, ayantune vision et un projet rassembleur leplaçant au-dessus des partis.

Bien que faisant figure de singularité« monarchique » pour une démocratiemoderne, le modèle du leadership dufondateur de la Ve République reste lepoint de référence de la culture politiquefrançaise: «Ce mythe du leader weberienincarné par de Gaulle reste un marqueurpuissant de la Ve République», affirmeLaurence Morel dans son étude sur les fi-gures du leadership au prisme de la cam-pagne présidentielle française de 2012 (LeVote normal, Sciences Po-Cevipof).

La dénonciation de la personnalisationdu pouvoir figurant parmi les actes fon-dateurs du Parti socialiste - FrançoisMitterrand dénonçait la Ve Républiquecomme « le coup d’État permament » - acontribué à brider les leaders. De plus, lescirconstances de la candidature par dé-

faut de François Hollande autant que son tempérament consensuel l’ont conduit àopter pour un nouveau style de leader :celui de l’« homme normal » qui prendle contre-pied de l’hyperprésidence etdu volontarisme de Nicolas Sarkozy, sonadversaire dans la campagne présiden-tielle de 2012.

Ainsi placé sous le signe de la « nor-malité », François Hollande devra en-suite s’efforcer d’adopter un style plusrégalien censé le qualifier de « prési-dentiable », en réunissant « toutes lesqualités du leadership au risque de finirpar apparaître comme l’homme sans qua-lité », assène Laurence Morel.

« Honnête »Pour le professeur Jean Garrigues, auteurdes Hommes providentiels, histoire d’unefascination française (Seuil), «FrançoisHollande, formé à HEC comme un certainnombre de ses condisciples de l’ENA, estl’homme d’une génération de gestionnai-res et d’experts arrivés au pouvoir dans lesannées 1980 qui ont imposé dans l’exercicedupouvoir politique la suprématie du com-merce au sens de culture de l’échange et duconsensus. Cette formation est très utilepour gérer les oppositions dans les partismais elle est en contradiction avec les qua-lités de commandement en chef qu’exigentla crise et le redressement national».

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PASCALPERRINEAU

Directeur du centrede recherchespolitiquesde Sciences Po (Cevipof)

LE RENOUVELLEMENT engagé parFrançois Hollande il y a un an n’aprovoqué aucun choc durable deconfiance. Pourtant, le président de laRépublique n’avait pas lésiné sur lesmoyens : sur 35 ministres du premiergouvernement Ayrault, 30 étaient desnovices voulant constituer une vraie« garde montante », 17 étaient desfemmes et 7 des moins de 40 ans. Tousces signes forts de renouveau n’ont pasemporté la conviction, et la défiancesemble, un an plus tard, porter son om-bre sur la quasi-totalité du personnelgouvernemental et, au-delà, sur l’en-semble du personnel politique de lagauche tous courants confondus. Undes indicateurs les plus évidents de cemalaise est que, sur les cinq hommespolitiques auxquels les Français accor-dent, en ce mois de mai 2013, le plusd’avenir, un seul est de gauche (ManuelValls, 37 %) et quatre de droite ou ducentre (François Fillon 37 %, FrançoisBayrou 35 %, Nicolas Sarkozy 35 %,Jean-Louis Borloo 34 %).

Aujourd’hui, à gauche seul le minis-tre de l’Intérieur, avec 37 % de person-nes interrogées qui souhaitent « lui voirjouer un rôle important dans les mois etles années à venir », dépasse la barredes 30 %. En mai 2008, un an aprèsl’élection de Nicolas Sarkozy et en dépitde la forte érosion qui avait touché l’en-semble de la majorité de l’époque, troisministres (Kouchner, Borloo, Dati) dé-passaient largement cette barre. L’im-popularité gouvernementale sembleaujourd’hui nettement plus prononcée,et beaucoup de ministres sont sous la

barre des 20 % (Moscovici, Sapin,Peillon, Hamon, Filippetti), même dansdes secteurs importants (Économie etFinances, Travail, Éducation nationa-le). L’érosion qui a touché les ministresest souvent profonde. Seul Manuel Vallslimite les dégâts (- 4 entre juin 2012 etmai 2013), Christiane Taubira étant laseule à accroître légèrement son capitalde popularité (+ 2) à l’issue du processuslégislatif du mariage dit « pour tous ».Si la gauche au pouvoir a enregistré unpetit frémissement sur ce marqueurculturel qu’est le mariage homosexuel,

elle a connu en revanche un véritableeffondrement sur les marqueurs écono-miques et sociaux. Les reculs les plusforts de popularité concernent le mi-nistre de l’Économie et des Finances(- 13 points), le ministre du Travail et del’emploi (- 11), le ministre du Redresse-ment productif (- 11) et celui des Affai-res étrangères (- 11). Indépendammentde ce dernier secteur, c’est le cœur del’État-providence socialiste qui est visé.Sauf le cas particulier du ministre del’Intérieur, la jeune garde réformiste(Moscovici, Peillon, Touraine, Le Foll,Filippetti) ne parvient pas à gagner labataille de l’opinion et laisse les pre-miers rôles à la vieille garde (Aubry,Taubira, Royal, Delanoë, Fabius) ou à la

gauche protestataire (Mélenchon, Be-sancenot).

L’érosion de popularité touche lesnouveaux (Montebourg, Vallaud-Belk-acem, Filippetti) comme les anciens(Fabius, Sapin, Moscovici), les réfor-mistes (Moscovici, Sapin) comme lesplus radicaux (Montebourg, Hamon),les socialistes comme leur allié Vert(Duflot).

Il en est de même en dehors des cé-nacles gouvernementaux où la gauchede protestation (Mélenchon) est at-teinte comme la gauche de gouverne-

ment (Dela-noë, Royal), larelève socia-liste éventuel-le (Aubry, De-lanoë, Royal)comme ceuxqui sont au

pouvoir. Tous ceux qui ont été mêlés àla victoire de 2012 subissent aujour-d’hui une sanction en termes d’opi-nion. Les plus vives critiques de gau-che des dérives réelles ou supposées dela gauche au pouvoir ne semblent pascapables de récupérer les « déçus dusocialisme gouvernemental ».

Le désamour touche l’ensemble de lagauche dans toutes ses sensibilités,dans toutes ses générations et dans tousses styles. Le meneur de la contestationde gauche qu’est Jean-Luc Mélenchonne parvient pas à capitaliser les décep-tions vis-à-vis de la gauche de gouver-nement : il a perdu 10 points en un an etmême 17 points dans l’électorat de gau-che. Les leaders qui pourraient préten-

dre constituer une relève (Aubry, Dela-noë, Royal) connaissent tous une fortechute de popularité, et leur capacité àrégénérer une équipe au pouvoir fati-guée en est d’autant plus affaiblie.

La gauche est prise dans une doubledifficulté. La première est qu’aucune fi-gure marquante de la nouvelle généra-tion gouvernementale promue en mai2012 – sauf le cas de Manuel Valls, quibénéficie de soutiens confortables àdroite - ne semble s’imposer comme« poids lourd » en termes d’opinion. Ladeuxième est que le sang neuf venant del’extérieur est déjà relativement ané-mié. Seule Martine Aubry dépasse trèslégèrement la barre des 30 % et sembleencore s’imposer dans son proprecamp : c’est la seule dirigeante de gau-che à rassembler une majorité absolued’électeurs à la fois à gauche (54 %) et àl’extrême gauche (50 %). Mais, mêmeau sein de la gauche, la maire de Lille aperdu en un an 15 points (contre 9 dansl’ensemble de la population).

Que la gauche ait exercé ou non lepouvoir, la tendance est la même. L’en-semble du dispositif de la gauche a étédéstabilisé par la première année deprésidence Hollande ; cela rend plusdifficile une relève qui, au travers de lanomination d’hommes et de femmesnouveaux, pourrait redonner un se-cond souffle au pouvoir en place. Leprésident de la République a annoncéque le remaniement viendrait « en sontemps ». Et, ni le choix du moment de larelève ni la nouvelle distribution desrôles gouvernementaux ne seront tâ-ches faciles. �

� La jeune garde réformiste ne parvient pasà gagner la bataille de l’opinion (…)et laisse les premiers rôles à la vieille

garde (…) ou à la gauche protestataire (…)�

JOSSELINE [email protected]