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La lecture, entre famille et école : comment se développe
le goût de lire
Conférence de consensus sur la lecture Document de travail pour le jury
Catherine Reverdy Veille et analyses
Institut français de l’Éducation – ENS de Lyon
Janvier 2016
C. Reverdy – La lecture, entre famille et école : comment se développe le goût de lire 2
Sommaire
La lecture, une pratique culturelle unique .......................................................................... 3 Que disent les dernières enquêtes sociologiques des pratiques culturelles des Français ? ............... 3 Les pratiques de lecture restent plus différenciées que les autres pratiques culturelles .................... 4 Nouvelles manières d’aborder la transmission des pratiques culturelles ................................................. 5
L’importance de la famille dans la naissance du goût de la lecture chez les enfants ............ 6 Quel rôle des parents dans la transmission culturelle ? ..................................................................................... 6 Il faut lire aux enfants pour développer leur vocabulaire et leur donner le goût de lire ..................... 7 L’influence des manières de lire aux enfants sur leurs dispositions scolaires ......................................... 8
L’importance de l’école et des pairs pour l’affirmation des goûts de lecture ..................... 10 La fonction sociale des pratiques culturelles chez les adolescents : apparence, appartenance et affirmation de soi .............................................................................................................................................................. 10 Favoriser la lecture par plaisir pour améliorer les performances à l’écrit à l’école ............................ 11 Comment l’école peut-‐elle aider l’élève à avoir un rapport personnel à la lecture ? .......................... 12
Bibliographie ................................................................................................................... 12
C. Reverdy – La lecture, entre famille et école : comment se développe le goût de lire 3
« La lecture est à la fois un apprentissage technique, une culture, une appartenance : elle est un véritable enjeu social en tant que pivot de la démocratisation culturelle » (Bonaccorsi, Le devoir de lecture, 2007).
L’acquisition des compétences en lecture est aujourd’hui un enjeu social puisqu’il s’agit de compétences de base indispensables à tout individu vivant dans notre société. L’école joue bien entendu un rôle primordial dans cet apprentissage mais, plutôt que d’aborder cet enjeu exclusivement d’un point de vue scolaire, nous nous intéresserons ici à la manière dont le goût de lire naît et se développe chez les enfants. De manière générale, la lecture peut être appréhendée selon différents points de vue sociologiques : pratique culturelle, pratique artistique pour la lecture ou l’écriture d’œuvres littéraires, pratique commerciale pour l’édition des livres, etc. Nous nous intéressons ici au point de vue culturel. Après avoir examiné ce qui distingue la lecture des autres pratiques culturelles des enfants et des adolescents (comme la musique), nous mettrons en évidence, grâce à une approche centrée davantage sur les manières de lire et les pratiques de lecture, le rôle primordial de la famille dans la naissance du goût de lire des enfants et le rôle de l’école dans l’affirmation des lectures des adolescents, notamment à travers l’influence de leurs groupes d’amis.
La lecture, une pratique culturelle unique La lecture est considérée aujourd’hui comme la plus légitime des pratiques culturelles1, en ce sens qu’elle s’apprend à l’école, lieu traditionnel des savoirs, et qu’elle symbolise le rapport savant à l’écrit. Depuis les années 2000, « la France lit plus mais les Français lisent moins » comme le note le sociologue Baudelot en 1999. Ce qui signifie que l’on compte moins de forts lecteurs, mais qu’il y a globalement davantage de lecteurs. La lecture est une pratique culturelle qui est plus que les autres dépendante des origines et des caractéristiques sociales des lecteurs, puisqu’elle reste la plus légitime des pratiques culturelles. Le rapport à la lecture change depuis une décennie, avec l’apparition de la notion de « littératie »2. Il peut y avoir un rapport utilitaire à l’écrit, qui entraîne des lectures pratiques (presse régionale, livres de cuisine, manuels de jardinage…), et qui coexiste avec le rapport plus distancié au livre, pour lequel la lecture permet de s’évader, et est une fin en soi. Le numérique apporte encore plus de diversité à ces rapports à l’écrit et à la lecture, comme nous allons le voir à travers les enquêtes nationales sur les pratiques culturelles, qui se sont échelonnées entre 1973 et 2008 (Donnat, 2011).
Que disent les dernières enquêtes sociologiques des pratiques culturelles des Français ?
« Les effets des progrès de la scolarisation sur la participation à la vie culturelle ont donc été globalement positifs puisque le doublement de la population titulaire d’un diplôme égal ou supérieur au bac au cours de la période n’a pas entraîné de recul généralisé de son engagement dans les pratiques culturelles. Toutefois, les baisses enregistrées dans les domaines du
1 N’oublions cependant pas que les romans-‐feuilletons par exemple étaient considérés comme subversifs au XIXe siècle pour certains publics (femmes, milieux populaires), alors que les publics lettrés avaient la capacité d’en réaliser une lecture plus savante. La lecture a eu également un poids politique important au fil de l’histoire, certaines institutions comme l’église et l’État ayant cherché à contrôler les écrits. 2 D’après le ministère de l’Éducation nationale, la littératie est l’« aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités. »
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théâtre, des concerts classiques et du cinéma […] et, surtout, le recul important de la lecture d’imprimés donnent la mesure des transformations qui ont affecté l’univers culturel des milieux diplômés. » (Donnat, 2011)
De manière générale, les résultats des grandes enquêtes sur les pratiques culturelles des Français indiquent qu’il existe toujours un lien entre le niveau de diplôme et la participation à la vie culturelle (et ce depuis 35 ans selon Donnat, 2011). Cependant, le clivage entre ceux qui pratiquent régulièrement une activité culturelle et les autres se situe aujourd’hui dans l’enseignement supérieur et non plus au niveau du baccalauréat, puisque le niveau moyen d’études de la population a augmenté. La participation à la vie culturelle est inégalement répartie dans la société française, et dépend notamment, outre du niveau du diplôme, de l’accès à la culture et de la familiarité avec le monde de l’art (même si l’offre culturelle a augmenté et s’est considérablement diversifiée, comme avec la Fête de la musique, les nombreux festivals, etc.), ainsi que des moyens d’accès via le numérique. Les enquêtes mettent également en avant le poids de l’appartenance à une génération. Souvent, les habitudes acquises lors de la jeunesse perdurent par la suite, et ces habitudes sont également reprises par les générations suivantes, sans grande rupture depuis 1980 (la génération du baby-‐boom est à l’origine de la contre-‐culture des années 1970, et participe aujourd’hui au vieillissement des publics culturels). Pour les adolescents, on peut parler de « culture juvénile » spécifique, pour laquelle la variable générationnelle réduit le poids des variables sociales. Cette culture n’est pas la culture académique ou légitime, ni la culture de la classe dominante, et elle est moins contestataire qu’il y a plusieurs décennies, sans changement radical de valeurs par rapport aux générations précédentes. Elle correspond également à une période de la vie propice à l’expérimentation et à la découverte, et son succès s’explique peut-‐être par le fait que le temps de la jeunesse s’est rallongé et que « le désir de rester jeune s’est généralisé » (Donnat, 2011). Cette culture juvénile est plus proche de la culture populaire, comme on peut le voir par exemple pour la musique. Ces enquêtes mettent en effet en évidence, avec le numérique, un recul de l’utilisation de la télévision et de la radio chez les jeunes générations (Français entre 15 et 35 ans en 2008), qui va de pair avec une montée en puissance de l’écoute musicale quotidienne, ainsi qu’une préférence pour les films et musiques anglaises ou américaines. Les jeunes sont enfin des cibles de choix pour les industries culturelles (cinéma, musique ou télévision) et les médias, qui voient en eux un marché actuel et futur de consommateurs culturels. Les effets de féminisation constatés dans l’ensemble des pratiques culturelles depuis 1970 et les effets de génération sont liés : les nouvelles générations de femmes sont celles qui ont le plus bénéficié de la démocratisation scolaire (elles sont majoritaires parmi les titulaires du baccalauréat ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur), ont plus souvent que les hommes un emploi favorisant les pratiques culturelles et s’investissent plus qu’eux dans l’éducation des enfants, en transmettant ainsi davantage leurs pratiques culturelles.
Les pratiques de lecture restent plus différenciées que les autres pratiques culturelles En ce qui concerne plus spécifiquement la lecture, il y a un recul général de la lecture régulière depuis plusieurs décennies : une partie des forts lecteurs sont devenus des moyens ou faibles lecteurs, une partie des moyens lecteurs ont abandonné la lecture. Ceci est plus marqué dans la population masculine, ce qui a entraîné de fait une
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féminisation du lectorat3, visible aussi dans la fréquentation des bibliothèques. Les effets de génération se font ressentir sur les forts lecteurs (20 livres ou plus dans l’année) et les lecteurs de presse, qui sont de plus en plus âgés. Lors de l’enquête de 2008, 57 % des cadres supérieurs et 18 % des ouvriers déclaraient avoir lu plus de 10 livres en une année ; 8 % des cadres et 42 % des ouvriers déclaraient n’en avoir lu aucun, ce qui montre bien une différenciation sociale du lectorat. Cette différenciation s’exerce aussi bien au niveau des supports de lecture (la presse régionale a plus de lecteurs chez les agriculteurs et commerçants, la presse nationale et les livres chez les cadres supérieurs) que des genres (la littérature non fictionnelle est davantage présente chez les cadres, qui mélangent souvent sans le vouloir la lecture par plaisir et la lecture professionnelle ; les pratiques de lecture des professions intermédiaires sont plus diversifiées, voir Coulangeon, 2010). Une enquête menée entre 2002 et 2008 auprès d’enfants entre 11 et 17 ans, « L’enfance des loisirs », indique que la lecture de livres et de bandes dessinées est en baisse constante entre 11 et 17 ans et que la proportion des non-‐lecteurs de livres augmente fortement : ils sont 14 % à 11 ans et 46 % à 17 ans4. Côté genre littéraire, les lectures enfantines de primaire font place à la science-‐fiction et aux romans d’aventure et historiques au lycée. Les enfants de 17 ans fréquentent moins les bibliothèques que leurs cadets de 11 ans : ils sont respectivement 21 % et 44 % à y être allés, plus souvent avec leurs parents ou frères et sœurs pour les enfants de 11 ans. Des loisirs privilégiés à 11 ans que sont la télévision, le sport, la musique et les livres, il ne reste plus que la musique et l’ordinateur à 17 ans (même si on observe derrière l’usage du numérique une diversification des pratiques, voir Octobre & Berthomier, 2011). La lecture reste également une pratique socialement différenciée pour les 11-‐17 ans, puisque les enfants de cadres sont 43 % et 16 % (respectivement à 11 et 17 ans) à lire tous les jours des livres, contre 29 % et 5 % (respectivement à 11 et 17 ans) des enfants d’ouvriers. Cette différence est davantage marquée que celle entre garçons et filles (même si les garçons sont un peu moins lecteurs que les filles), contrairement aux autres pratiques culturelles, différenciées plutôt en fonction du sexe.
Nouvelles manières d’aborder la transmission des pratiques culturelles La sociologie de la culture se fonde en grande partie sur la théorie de la légitimité et de la transmission d’un capital culturel développée par Bourdieu dans les années 1970. Il s’agit d’expliquer les préférences et la hiérarchisation des pratiques culturelles constatées des Français par une transmission culturelle de parents à enfants : un héritage matériel des productions culturelles dans les familles, mais également un héritage immatériel, par le fait que les enfants possèdent des habitudes et des manières de penser reprises de leurs parents. Mais cette théorie de Bourdieu, même si elle explique globalement la distribution sociale de consommations culturelles des Français, ne prend pas en compte des phénomènes relativement récents, comme la diversité des pratiques culturelles et l’importance croissante des cercles d’influence des pratiques. On ne peut en effet négliger le fait que les pratiques culturelles se renouvellent ou évoluent à chaque génération et selon les transformations de la société. C’est pourquoi aujourd’hui les sociologues s’intéressent toujours aux grandes tendances données par les enquêtes quantitatives, mais cherchent 3 « Les femmes ont aujourd’hui un engagement plus fort dans le monde du livre que les hommes dans tous les milieux sociaux, à la fois parce qu’elles sont plus nombreuses à lire quand elles sont jeunes et qu’elles résistent mieux à la diminution du rythme de lecture qui accompagne l’avancée en âge. » (Donnat, 2011) 4 A 17 ans, « seuls 9 % lisent des livres tous les jours mais 41,5 % d’entre eux s’y déclarent très attachés » (Octobre & Berthomier, 2011). Il semblerait cependant que « le détachement juvénile à l’égard de la lecture apparaît alors comme le symptôme d’une pratique qui aurait perdu de sa valeur d’enjeu, tant identitaire que scolaire. » (Périer, 2007)
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à approfondir ces enquêtes par des études plus spécifiques et qualitatives portant sur une population précise. Ils tentent d’expliquer les différentes manières d’appréhender leurs pratiques culturelles par l’influence complexe et changeante de tous leurs cercles de relations (pairs surtout, famille et école ensuite)5. C’est ainsi que les différences sociales qui portaient autrefois sur les objets culturels (comme les genres de livres, les types de musiques, etc.) portent aujourd’hui sur les personnes : les sociologues distinguent ici une opposition entre les « univores », issus plutôt des classes populaires et dont les pratiques sont assez peu diversifiées, et les « omnivores », plutôt issus des classes favorisées et qui adoptent de nombreux genres différents. Octobre et Berthomier précisent pour les adolescents (11-‐17 ans) que la socialisation n’est plus « considérée comme l’adoption des normes d’un groupe mais comme le déploiement des moyens disponibles à l’individu pour se réaliser lui-‐même » (2011). Nous abordons ces questions complexes des influences relatives de l’environnement (familial, scolaire, amical) dans la naissance et le développement du goût de la lecture chez les enfants puis chez les adolescents.
L’importance de la famille dans la naissance du goût de la lecture chez les enfants Comme nous l’avons vu, la famille et ses caractéristiques sociales jouent un grand rôle dans les transmissions culturelles, surtout dans le cadre de la lecture, puisque le goût de lire se crée dans l’environnement familial. Mais quelles sont exactement les différences de transmission ? Comment s’exercent-‐elles aux différents âges des enfants ? Y a-‐t-‐il des rôles différenciés de la mère, du père ou de la fratrie ?
Quel rôle des parents dans la transmission culturelle ? Selon Octobre et al. (2011), si les parents maîtrisent de manière globale le rapport au temps (pour « articuler, sans les dissocier ni les opposer, idéal d’épanouissement dans le travail et multiplication des activités pour le développement personnel »), alors les enfants seront investis dans les loisirs. Côté enfants, cela dépend aussi de leur envie, pas seulement du capital transmis : 15 % d’enfants n’ont pas l’envie alors qu’ils pourraient s’investir fortement dans ces loisirs. Un fort investissement dans les loisirs de la part des parents est « transmis » aux enfants, même si les types de loisirs sont différents. Ceci se révèle particulièrement vrai pour les loisirs artistiques, dont les goûts se transmettent autant que les biens et les pratiques. Pour Julhe et Mirouse (2010), reprenant les travaux de Lahire, ceci correspond à une socialisation dite « silencieuse », « qui renvoie aux effets non intentionnels d’une situation (comme le fait de voir ses parents pratiquer une activité) » ou une socialisation par « inculcation de croyances, fondées sur les discours normatifs des parents, valorisant et légitimant telle activité ou dénigrant telle autre ». Ces deux types de socialisation correspondent plutôt aux familles aisées et peuvent se traduire par un « climat familial » propice plutôt qu’un réel projet parental explicite. Pour la pratique de la lecture, Aquatias évoque une « sensibilisation active à la lecture » dans ces familles (2012 ; Octobre & Berthomier, 2011). 5 « Les modèles, les références et les contraintes spécifiques à l’œuvre au sein de ces différents espaces de socialisation (la famille et son “climat”, les copains, l’école...) fonctionnent comme des ressources en partie indépendantes les unes des autres, que les enfants et les adolescents peuvent mobiliser ou rejeter à différents moments et selon des combinaisons variables en fonction de leur identité sexuée, de leur origine sociale, mais aussi de la place assignée aux différentes activités dans la construction de soi au fil du temps. » (Octobre et al., 2011)
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Il existe un autre type de socialisation culturelle, par entraînement ou par pratique mutuelle, pour lequel les parents et les enfants pratiquent ensemble une activité culturelle. Cette socialisation correspond plutôt aux familles de position sociale intermédiaire, qui prennent en compte les enjeux potentiels des loisirs (rentabilité scolaire ou constitution de réseaux sociaux). Il y a donc une différence d’investissement des parents dans les pratiques culturelles de leurs enfants selon leur position sociale. Les familles aisées peuvent même, par manque de disponibilité, adopter des stratégies pour déléguer l’investissement culturel à d’autres, comme les assistants maternels par exemple dans le cas des jeunes enfants. Dans le cas de la lecture, ces stratégies de délégation semblent moins utilisées, étant donné le fort caractère légitime de la lecture et la très forte dépendance qu’elle entretient avec le cadre scolaire.
« Du côté de la lecture, on pourrait résumer le rôle du milieu familial ainsi : une sensibilisation à la lecture active et impliquée produit une relative disponibilité des enfants aux œuvres inscrites dans les programmes, un bon climat familial – sans sensibilisation particulière à la lecture – tend à entraîner une soumission à l’ordre scolaire, qui peut ou non permettre l’accès aux œuvres, un désintérêt familial, de mauvaises relations entre parents et enfants ou encore une soumission trop forte aux sociabilités juvéniles (ces différents éléments pouvant bien sûr s’associer) amènent plus facilement à un rejet de la lecture, souvent associé à un rejet de la scolarité. » (Aquatias, 2012)
Au-‐delà du rôle des parents, les frères et sœurs peuvent jouer un rôle, la plupart du temps implicite, dans la naissance des goûts culturels, mais il s’agit plutôt d’un rôle de participation qu’un rôle d’influence, rôle davantage tenu par les amis qui prennent une place de plus en plus grande dès la fin de l’école primaire.
Il faut lire aux enfants pour développer leur vocabulaire et leur donner le goût de lire Plusieurs périodes correspondent à des changements d’environnement et donc des influences différentes sur les pratiques de lecture des enfants :
• avant 3 ans, les influences se situent plutôt dans la sphère privée ; • de 3 à 6 ans, avec l’influence de la scolarisation ; • après 6 ans, lors de l’apprentissage de la lecture.
Le fait de lire des histoires à ses enfants, même tout-‐petits, leur permet d’acquérir un vocabulaire beaucoup plus riche que celui des enfants à qui les parents n’ont pas lu de livre, et ce dès leurs premières années, avant même l’entrée à l’école. Cette « lecture partagée » entre parents et enfants familiarise les enfants avec l’objet qu’est le livre et leur permet d’appréhender le monde de la lecture, qui leur sera quotidien dès l’école maternelle. L’enquête PISA 2009 comprenait un volet destiné aux parents de 14 pays, et les interrogeait sur leur milieu socio-‐économique, leur environnement familial, leurs habitudes de lecture, seuls et avec leurs enfants. Les résultats montrent que le fait de lire à son enfant durant ses premières années est le facteur qui favorise le plus les performances en compréhension de l’écrit et le plaisir de lire des jeunes de 15 ans. Ceci est encore vrai si l’on compare des élèves de milieux socio-‐économiques similaires. Dans une moindre mesure, raconter des histoires et chanter des chansons contribuent à éveiller le plaisir de lire chez les enfants, contrairement aux activités qui s’intéressent aux mots hors contexte (jeux avec l’alphabet par exemple). Les résultats montrent également que la participation des pères est moindre que celles des mères dans ce type d’activités. Le programme suédois « Las For Mej, Pappa » vise spécialement à engager les pères à lire à leurs enfants, alors que d’autres programmes
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en Pologne par exemple encouragent de manière globale la lecture à la maison (OCDE, 2012). La période de 3 à 6 ans est très importante pour la socialisation de l’enfant, puisque c’est le début des influences sociales publiques de l’école, qui se confrontent à celles privées de la famille. Beaucoup d’études se concentrent sur les pratiques de lecture des enfants de cet âge, ainsi que sur les pratiques de lecture lors de son apprentissage à l’école (après 6 ans). C’est aussi une période pendant laquelle les enfants sont de « très grands lecteurs » par procuration, puisqu’ils abordent plusieurs histoires par semaine, spécialement à l’école maternelle où la lecture est quotidienne. La rencontre matérielle avec le livre et ses caractéristiques se fait à ce moment-‐là, l’école maternelle insistant sur l’utilité de la lecture, en abordant cette pratique par l’aspect ludique, l’encouragement de l’imaginaire et le plaisir (Waty, 2009). Arrêtons-‐nous un instant sur le rôle spécifique de la mère dans la transmission du goût de la lecture aux enfants de 3 à 5 ans. D’après une enquête menée en 2003, les enfants de cet âge qui possèdent en propre des livres sont plus nombreux chez les enfants de cadres et dont la mère est titulaire d’un diplôme supérieur au baccalauréat. Les mères inactives anciennement actives lisent plus d’histoires à leurs enfants, mais pas forcément de manière quotidienne, contrairement aux mères cadres (Letroublon, 2010).
L’influence des manières de lire aux enfants sur leurs dispositions scolaires Depuis quelques décennies, les livres pour enfants ont connu en France une évolution et un développement importants : réservés auparavant aux enfants lecteurs eux-‐mêmes, donc à partir de 7 ans, ils ont évolué pour s’adresser désormais aux enfants et à leurs parents, dans une « lecture partagée » très tôt dans l’âge de l’enfant. Les albums de jeunesse (comportant des illustrations en plus du texte) sont également massivement utilisés à l’école pour l’apprentissage de la lecture et l’entrée dans la littérature. Comment les familles prennent-‐elles en compte cette évolution et quel est leur rôle dans cette « socialisation lectorale », en complément de l’école maternelle ? Dans ces albums, l’enfant est considéré comme un lecteur à part entière (avec des connaissances sur la manière dont est construit un livre par exemple) et non plus comme un « liseur », déchiffreur de mots (Bonnéry, 2012, reprenant Poslaniec, 2002). Le support qu’est l’album de jeunesse suppose aujourd’hui le plus souvent une manière de lire spécifique, très cultivée, puisque l’enfant doit, pour profiter pleinement de sa lecture, faire des liens entre différents éléments du livre dans le temps (entre le début et la fin de l’histoire par exemple), dans l’espace (entre texte et images illustrant le texte), ou dans des registres différents (références ponctuelles à des chansons, des contes…), plus ou moins explicites selon les albums.
L’album de jeunesse devient un intermédiaire « entre les influences qui se sont déposées en lui et ont pris une forme toujours spécifique, et les influences qu’il exerce à son tour en cadrant l’activité de lecture de l’enfant et de l’adulte. Et en tant que tel, il peut constituer l’un des rouages potentiels du processus de transmission-‐appropriation inégal. » (Bonnéry, 2012)
Comme la lecture des albums de jeunesse est partagée entre parents et enfants (en tout cas pour les enfants scolarisés en maternelle qui ne savent pas encore lire), on comprend que les parents, plus ou moins familiers avec cette « connivence avec la culture cultivée », vont devoir aider leurs enfants à faire ces mises en relation nécessaires pour l’entière compréhension des albums. Bonnéry et Joigneaux (2015), en étudiant 74 familles en Île-‐de-‐France, constatent en effet que les manières de lire, ces
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sortes de « littératies familiales »6, sont socialement situées et vont avoir un impact sur les dispositions scolaires futures. Ils distinguent en effet trois types de lectures partagées :
• les lectures-‐oralisations (pour les familles populaires les moins scolarisées), pour lesquelles l’oralisation est bien articulée et qui ne comporte pas de questions ou de demande d’indices à l’enfant ;
• les lectures dirigées (pour les familles populaires les plus scolarisées, jusqu’au collège ou en lycée professionnel), pour lesquelles il peut y avoir interruption de l’oralisation pour montrer des indices facilement accessibles, souvent en lien avec les images, ou pour poser des questions très dirigées par l’adulte, qui peut éventuellement mettre en scène la situation narrative ;
• les lectures indiciaires (pour les familles à fort capital culturel, qui ont fait des études longues dans les domaines éducatifs, des arts et des lettres), pour lesquelles l’enfant est incité à prendre lui-‐même en charge les liens entre les indices, à répondre à des questions ouvertes.
Les enfants dont les parents utilisent ce type de « lecture indiciaire » peuvent réutiliser ces dispositions à l’école maternelle, par exemple en suspendant leur attention pour répondre à une consigne donnée, alors que d’autres enfants moins familiarisés à cette lecture indiciaire peuvent plus facilement « oublier » la consigne et porter leur attention sur tout autre chose. Ces différences se retrouvent par la suite dans les cours de littérature, puisque les « techniques et activités intellectuelles [acquises sont celles] qui sous-‐tendent les manières de lire les plus rentables durant la suite de la scolarité » (Bonnéry & Joigneaux, 2015). Comme les manières de lire sont différentes dans les familles, c’est à l’école de développer la compréhension de ces albums de jeunesse difficiles à appréhender, par exemple en commençant avec les plus petits par des lectures de récits traditionnels, mis en album de manière plus explicite qu’actuellement (Bonnéry, 2012). Une étude portant particulièrement sur les mères et leur statut d’activité indique également des différences entre les manières de lire, comme par exemple pour les mères inactives anciennement actives, qui sont « les plus nombreuses à privilégier un usage pédagogique lors de leur lecture de livres à leurs enfants, et également à leur apprendre à lire et écrire quelques mots, ce qui est également davantage une caractéristique des mères exerçant une profession intermédiaire ou des mères ouvrières que des mères cadres. Une explication avancée réside dans le fait que ces mères ont expérimenté les difficultés du marché du travail et cherchent, à travers leur investissement dans la lecture, à anticiper les difficultés futures de leurs enfants, au niveau scolaire ou professionnel » (Letroublon, 2010). Pour les enfants plus grands qui ont appris à lire, les manières qu’ont les parents de les accompagner lors de leurs devoirs changent en fonction des codes familiaux, issus des souvenirs scolaires des parents, et qui sont dans certains cas en contradiction avec les codes scolaires. Dans le cas de la lecture-‐compréhension à l’entrée au collège, les enfants doivent mobiliser à la fois des traitements locaux (comprendre les mots et les phrases) et des traitements globaux (représentation cohérente de l’ensemble du texte). Un encouragement familial à l’oralisation du texte ou à une compréhension locale (via l’orthographe des mots par exemple), ou encore à un recours systématique du dictionnaire semblent contreproductifs dans l’apprentissage de cette lecture-‐compréhension et place les enfants en porte-‐à-‐faux vis-‐à-‐vis des exigences scolaires (Kakpo, 2012). 6 Cette expression désigne les « pratiques relatives à l’écrit (orales ou écrites) […] propres aux différentes familles étudiées », c’est-‐à-‐dire les différents usages de l’écrit dans ces familles (Bonnéry & Joigneaux, 2015).
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En grandissant, les enfants s’affirment, s’affranchissent des goûts de leurs parents en matière culturelle, commencent à sortir sans eux et la logique de la filiation fait place à une logique identitaire, voire de l’affiliation à l’entrée au collège. Ainsi les enfants qui s’intéressaient aux jeux, à la lecture et au sport deviennent pour la plupart au début du collège des préadolescents qui lisent moins, multiplient les expériences de loisirs et affirment une plus grande autonomie de goûts culturels. À la fin du collège, ces adolescents développent leurs goûts et les confrontent à ceux du groupe de pairs, dans un processus de « culturalisation des identités ». Avec l’indépendance culturelle et l’autonomie relationnelle, la grande adolescence se caractérise par l’expressivité et la structuration des goûts au-‐delà des groupes de pairs (Octobre & Berthomier, 2011). Mais la famille garde encore un rôle à jouer sur les pratiques de lecture de ces adolescents, au-‐delà du rôle d’accompagnement à la scolarité de leurs enfants : le partage de lectures et les discussions sur différents sujets favorisent les performances en compréhension de l’écrit et le plaisir de lire des jeunes de 15 ans (OCDE, 2012).
L’importance de l’école et des pairs pour l’affirmation des goûts de lecture L’école joue tout d’abord un rôle d’ouverture culturelle et de démocratisation, révélé dans des enquêtes comme « L’enfance des loisirs », surtout pour les activités culturelles légitimes, comme les sorties scolaires aux musées, à des spectacles de danse, de théâtre, d’opéra7. Ces sorties bénéficient avant tout aux enfants dont les familles n’ont pas l’habitude de fréquenter les équipements culturels ; les enfants de familles à fort capital culturel font aussi des sorties culturelles avec leurs parents. Côté lecture, l’institution scolaire (notamment les CDI, Centres de documentation et d’information) et la société dans son ensemble à travers les actions des bibliothèques, des médiathèques, des centres sociaux, etc. cherchent à encourager la lecture pour le plaisir et à faire découvrir la diversité des supports écrits, pour développer le goût de lire chez tous les enfants, et les familiariser avec les différents types de support écrit qu’ils auront à rencontrer dans leur vie quotidienne. Mais une plus grande proximité de l’offre ne se traduit pas forcément par une égalité d’accès, et l’école aurait tout intérêt à s’adapter à la réalité des pratiques culturelles des adolescents pour mieux les faire (re)venir à la lecture. L’école est bien un lieu de socialisation majeur, par l’influence des enseignants sur les goûts de lecture, mais surtout par l’influence des pairs, soulignée dans les analyses portant sur la jeunesse (Thibert, 2014). On parle de socialisation horizontale (entre pairs) et non plus verticale (par les parents).
La fonction sociale des pratiques culturelles chez les adolescents : apparence, appartenance et affirmation de soi La « culture juvénile » se construit entre pairs et commence à partir de la fin de l’école primaire (sur les différents âges de l’adolescence et de la jeunesse). L’adolescence correspond souvent à la puberté, mais c’est aussi une notion sociale, un processus culturel. Pour ces adolescents, il s’agit de « passer dans le monde des adultes en assimilant entre pairs » la structure de la culture du monde adulte (Arléo & Delalande, 2011). Les adolescents s’affirment dès l’arrivée au collège, sur les plans personnel, relationnel, social, affectif, à travers le regard du groupe de pairs (via l’école et le numérique). Cela se traduit par le rôle majeur de l’apparence, qui leur permet d’afficher des pratiques
7 Dès l’école maternelle, les enfants fréquentent très régulièrement les équipements culturels : 75 % des enfants du CP ont déjà fait 5 sorties scolaires (dont le cinéma et la bibliothèque pour la plupart, voir Waty, 2009).
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culturelles (goûts musicaux, pratiques sportives par exemple) conformes au groupe. Il y a une différence de ce point de vue entre garçons et filles, les pratiques culturelles des garçons étant considérées implicitement supérieures à celles des filles. Les pratiques culturelles sont donc un prétexte ou un support à la sociabilité. L’entrée dans l’adolescence passe plutôt par une contrainte du groupe de pairs, une certaine pression au conformisme, que par un accompagnement des pairs (Mardon, 2010). Aquatias (2012) évoque, dans une étude sur les pratiques culturelles des élèves de l’enseignement secondaire, une séparation vers 16 ans entre des pratiques de lecture relativement homogènes (marquées cependant selon le sexe : heroic fantasy chez les garçons et sagas romantiques pour les filles8) et une diversification des pratiques et des goûts en 3e, à laquelle s’ajoutent les lectures par obligation scolaire. En effet, la culture scolaire reste fortement présente dans cette période adolescente, en plus de la culture juvénile. Ce sont tous ces cercles d’influence dont il leur faut s’inspirer pour construire leurs propres aspirations culturelles, leurs propres goûts, et au-‐delà leur personnalité.
Favoriser la lecture par plaisir pour améliorer les performances à l’écrit à l’école Y a-‐t-‐il un lien entre la lecture par plaisir et les résultats scolaires ? Cela dépend-‐il du genre de livres lus ? D’après les résultats de PISA 2009 (interrogeant les élèves de 15 ans dans une soixantaine de pays), ils sont plus d’un tiers, voire 40 % dans certains pays, à ne pas lire du tout pour leur plaisir, et un autre tiers à lire par plaisir, moins de 30 minutes par jour. La performance en compréhension de l’écrit mesurée par PISA 2009 pour les élèves qui ne lisent pas du tout pour leur plaisir est largement inférieure au score moyen de l’OCDE, mais ce score devient supérieur au score moyen de l’OCDE pour les élèves lisant un peu par plaisir. Cette performance varie aussi selon le type de lecture par plaisir : ce sont les livres de fiction qui entraîne une différence de score la plus marquée, avant la lecture de magazines et de bandes dessinées. Les garçons sont plus susceptibles de lire des journaux, des bandes dessinées et les filles, des livres de fiction, des magazines (voir OCDE, 2015).
« Bien que les résultats de l’enquête PISA suggèrent que n’importe quel type de lecture vaut mieux qu’aucune lecture du tout, les enseignants et les parents tentent souvent de détourner les garçons de certaines lectures, comme les magazines de sports ou les bandes dessinées, estimant qu’elles ne sont pas les plus appropriées pour renforcer leurs compétences en compréhension de l’écrit. Pourtant, pour diverses raisons, les garçons peuvent ne pas aimer lire des livres de fiction ou ne pas choisir de le faire, et en les décourageant de lire ce qu’ils préfèrent, on court le risque de leur ôter totalement l’envie de lire » (OCDE, 2015).
Concernant les différences entre filles et garçons, entre 2000 et 2009, les élèves ont un moindre intérêt pour la lecture, mais les filles lisant par plaisir sont plus nombreuses que les garçons. Une large part des écarts de performance entre les sexes dans ce domaine pourrait s’expliquer par les différences de temps que les garçons et les filles consacrent à la lecture pour leur plaisir et aux activités de lecture en général9. On observe cependant un rattrapage des garçons dans la vie professionnelle, où leurs compétences en littératie sont au niveau, voire plus élevées que celles des filles.
8 Une étude sur l’appropriation des mangas par les filles et les garçons de cet âge a été faite par Détrez (2011) et confronte production sexuellement différenciée et réceptions effectives chez les adolescents. 9 Au Royaume-‐Uni, le programme « Boys’ Reading Commission » a émis en 2012 des recommandations pour encourager la lecture des garçons à l’école mais aussi à la maison, notamment par l’identification à un modèle masculin de lecteur.
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Comment l’école peut-‐elle aider l’élève à avoir un rapport personnel à la lecture ? La question de la conciliation par l’école de la prise en compte de la diversité des pratiques de lecture des enfants avec les exigences littéraires implique que l’école doit favoriser l’engagement des élèves dans la lecture de manière globale.
« La lecture pâtit sans doute de son lien très étroit avec le monde scolaire, qui durant des années incite à lire, souvent par contrainte et pour des bénéfices extrinsèques à la lecture elle-‐même (depuis le fait d’avoir de bonnes notes jusqu’à la capacité de débattre) […] Ainsi, l’école semble ne pas parvenir à construire un rapport personnel au livre, qui soit basé sur des bénéfices intrinsèques, certes toujours moins faciles à définir : le plaisir ? l’imagination ? » (Octobre, 2016)
Dans les familles ayant un fort capital culturel, la lecture sert l’épanouissement personnel avant la réussite scolaire, alors que pour les familles populaires, la lecture sert d’abord à la réussite scolaire. C’est peut-‐être la raison pour laquelle le suivi des lectures des enfants est encore présent dans les premières familles, pour qui « l’école apparaît comme le lieu d’entraînement et de validation de savoirs et savoir-‐faire acquis ailleurs » ; alors que les familles populaires commencent à encourager la lecture une fois que le déchiffrage se fait à l’école. La pratique de la lecture des enfants à la maison peut ainsi être « rescolarisée » par les parents, pensant qu’elle sera synonyme de réussite scolaire : mais ils découragent par là la lecture par plaisir, associée pourtant comme on l’a vu à une meilleure réussite scolaire (Octobre & Berthomier, 2011 ; Renard, 2011 ; Kakpo, 2012). Depuis plusieurs décennies se développent des recherches en littérature sur le fait que le lecteur est partie prenante de sa lecture, au sens où il faut une interaction entre le lecteur (son contexte et son histoire) et le texte (Gaussel, 2015). On passe ainsi d’un lecteur modèle, idéalisé, à un lecteur réel, un sujet lecteur. Pour les élèves, cette approche introduit une dimension subjective dans les études de textes, qui peut permettre une meilleure implication et compréhension des textes étudiés. Les chercheurs en didactique du français ont proposé l’utilisation d’un carnet de lecteur pour faciliter les expériences de lecture, à remplir par les élèves au fur et à mesure de leur compréhension ou de leurs remarques sur le texte (Ahr & Joole, 2013). Sur un autre registre, pour que l’école accepte de prendre en compte les pratiques culturelles des adolescents telles qu’elles sont, en particulier la diversification de leurs goûts, une piste proposée par Périer (2007) est de désacraliser le livre, pour permettre à tous les élèves d’accéder à un statut de lecteur à part entière, de faire partager par les élèves leurs expériences de lecture, à l’instar du « Goncourt des lycéens » ou de la construction par les élèves d’une bibliothèque commune au CDI, et de transformer le CDI en véritable lieu de passage entre usages scolaires et animation culturelle, pour réconcilier les jeunes avec la lecture.
Bibliographie Vous retrouverez ces références et quelques autres dans notre bibliographie collaborative disponible en ligne.
• Ahr Sylviane & Joole Patrick (2013). Carnet/journal de lecteur/lecture. Quels usages, pour quels enjeux, de l’école à l’université ? Namur : Presses universitaires de Namur.
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• Aquatias Sylvain (2012). Se différencier ou se conformer : enjeux de la recherche en sociologie sur les cultures juvéniles, enjeux des cultures juvéniles... Nouvelles perspectives en sciences sociales, vol. 8, n° 1, p. 83-‐117.
• Arléo Andy & Delalande Julie (2011). Cultures enfantines. Universalité et diversité. Rennes : Presses universitaires de Rennes.
• Bonnéry Stéphane (2012). Les outils sémiotiques et les dispositions sollicitées dans le Père Castor (Premières lectures) et la littérature enfantine depuis 1945 : sociologie historique des « lecteurs supposés ». Communication présentée au séminaire « Paul Faucher (1898-‐1967) : L’édition au service de l’Éducation nouvelle », Paris.
• Bonnéry Stéphane & Joigneaux Christophe (2015). Des littératies familiales inégalement rentables scolairement. Le français aujourd’hui, n° 190, p. 23-‐34.
• Coulangeon Philippe (2010). III. La lecture à l’épreuve de la culture de masse. In Sociologie des pratiques culturelles. Paris : La Découverte, p. 33-‐55.
• Détrez Christine (2011). Des shonens pour les garçons, des shojos pour les filles ? Apprendre son genre en lisant des mangas. Réseaux, n° 168-‐169, p. 165-‐186.
• Donnat Olivier (2011). Pratiques culturelles, 1973-‐2008. Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales. Culture études, n° 7.
• Gaussel Marie (2015). Lire pour apprendre, lire pour comprendre. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 101, mai. En ligne : http://ife.ens-‐lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=101&lang=fr.
• Julhe Samuel & Mirouse Stéphanie (2010). Pratiques culturelles enfantines et stratégies éducatives des parents : effets de la délégation dans la transmission des pratiques culturelles. Communication présentée au colloque international « Enfance & Cultures », Paris. En ligne : http://www.enfanceetcultures.culture.gouv.fr/?id_page=colloque&lang=fr.
• Kakpo Séverine (2012). Les devoirs à la maison. Mobilisation et désorientation des familles populaires. Paris : PUF.
• Letroublon Claire (2010). Les effets du statut d’activité des mères sur les loisirs des enfants : la découverte de la lecture par les 3 à 5 ans. Communication présentée au colloque international « Enfance & Cultures », Paris. En ligne : http://www.enfanceetcultures.culture.gouv.fr/?id_page=colloque&lang=fr.
• Mardon Aurélia (2010). Sociabilités et travail de l’apparence au collège. Ethnologie française, vol. 40, n° 1, p. 39-‐48.
• OCDE (2012). PISA. Lisons-‐leur une histoire ! Le facteur parental dans l’éducation. Paris : OCDE.
• OCDE (2015). PISA. L’égalité des sexes dans l’éducation : Aptitudes, comportement et confiance. Paris : OCDE.
• Octobre Sylvie (2016). L’usage du numérique et les jeunes : source d’une révolution culturelle ? Observatoire québécois du loisir, vol. 13, n° 6.
• Octobre Sylvie & Berthomier Nathalie (2011). L’enfance des loisirs. Éléments de synthèse. Culture études, n° 6.
• Octobre Sylvie, Détrez Christine, Mercklé Pierre & Berthomier Nathalie (2011). La diversification des formes de la transmission culturelle : quelques éléments de réflexion à partir d’une enquête longitudinale sur les pratiques culturelles des adolescents. Recherches familiales, n° 8, p. 71-‐80.
• Périer Pierre (2007). La lecture à l’épreuve de l’adolescence : le rôle des CDI des collèges et lycées. Revue française de pédagogie, n° 158, p. 43-‐57.
• Renard Fanny (2011). La construction des habitudes de lecture. Savoir agir, n° 17, p. 75-‐79.
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• Thibert Rémi (2014). Une jeunesse fantasmée, des jeunesses ignorées ? Dossier de veille de l’IFÉ, n° 95, octobre. En ligne : http://ife.ens-‐lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=95&lang=fr.
• Waty Bérénice (2009). L’inscription des pratiques culturelles chez les 3-‐6 ans. Le livre, le monument, l’art. Synthèse du projet « Graines de culture » pour le ministère de la Culture et de la Communication.
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