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26 I L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE
La planète en danger
Déchets, les recycleurs et les recyclés
a montagne de déchets issus de la production et de la consommation encombre chaque jour un peu plus les
sociétés urbaines. Non seulement la population augmente vite et consomme plus, mais encore les produits indus-triels, souvent « suremballés », ont une durée de vie moyenne qui raccourcit. Les produits fabriqués actuellement sont par ailleurs composés d’un nom-bre grandissant de matériaux diffi ci-lement dégradables, comme certains plastiques. Les capacités de gestion des déchets étant largement moindres que celles mises en œuvre pour produire les biens de consommation, l’accumulation s’annonce diffi cile à freiner, surtout au regard du taux de croissance de certains pays d’Asie très peuplés.
Lorsqu’on s’intéresse aux imports-exports de déchets, la première surprise est de constater la diffi culté de rassem-bler des données. Créée en 1989 sous l’égide des Nations unies, la conven-tion de Bâle est une institution inter-gouvernementale chargée de contrôler et de réglementer la production ainsi que les mouvements transfrontaliers des déchets. Elle fournit des chiffres délicats à interpréter.
Une trentaine de pays ont refusé de ratifi er la convention et ne transmettent pas de statistiques. Plus étonnant encore, 110 pays sur 165 – soit environ 70 % des pays membres – ne communiquent pas de données, y compris la Norvège dont la politique environnementale se veut pourtant très en pointe. Cela en rai-son de la complexité des procédures de
déclaration et des différentes méthodes d’évaluation nationales.
Ces statistiques partielles permettent néanmoins de faire quelques constats intéressants : elles montrent une nette augmentation du volume de déchets en mouvement : pour 50 pays décla-rants, les volumes échangés sont pas-sés de 2 millions de tonnes en 1993 à 8,5 millions de tonnes en 2001. Les trois quarts des cargaisons ont fait l’objet d’échanges entre les pays de l’Organi-sation de coopération et de développe-ment économiques (OCDE). Presque tous ces déchets étaient classés comme « dangereux », selon la terminologie officielle – une terminologie hasar-deuse, car des déchets a priori inoffen-sifs, s’ils sont mal gérés, peuvent eux aussi devenir nocifs.
Promouvoir un modèle
de croissance fondé
sur le productivisme
et la consommation a bien
des désavantages,
le plus préoccupant étant
la création exponentielle
de déchets dont il est diffi cile
de se débarrasser. Les
statistiques ne permettent
pas vraiment de mesurer
l’ampleur du phénomène,
surtout s’agissant
des déchets industriels, qui
font l’objet d’un commerce
international et voyagent
parfois sur de très longues
distances.
L
Thimbu
Okinawa(Japan)
Tachkent
Kaboul
Bichkek
Douchanbe
Almaty
(Mer du japon)
CACHEMIRE
Guam(É.-U.)
PALAUBandar Seri Begawan
Spratley
Hainan(Chine)
Paracels
Katmandou
TIBET
Colombo
Male
MALDIVESMICR
PAN
GU
BRUNEÏ
ZBEKISTAN
Pyongyang
Phnom Penh
Bangkok
VientianeHanoï
Dakha
Rangoon
Kuala Lumpur
Jakarta
Manila
Taïpeh
Sea ofOman
Macao
Shangai
Shantou125 sites
180 sites
Depuis 2000, l’importation de déchets électroniques estofficiellement interdite en Chine (qui jusque là recevait 90%dutrafic): les déchets arrivent maintenant à Hongkong où ils sontdémantelés avant d’être envoyés en Chine pour recyclage.
Golfe duBengale
sites le long de la rivière Yangtze
BHUTANNEPALInd
usIslamabad
SéoulTokyo
MALAYSIE
CAMBODGE
THAÏLANDE
LAOSBIRMANIE
AFGHANISTAN
TADJIKISTAN
KIRGHIZSTAN
COREE DU NORD
SRILANKA
NEPALBHOUTAN
Océan Indien
OcéanPacifique
CORÉEDU SUD
JAPON
AUSTRALIE
PHILIPPINES
INDONÉSIE
BANGLADESH
CHINE
INDE
PAKISTAN TAÏWAN
SINGAPOUR
VIETNAM
Pékin
Hongkong
Taizhou
CantonNew Delhi
KarachiGuiyu
NanhaiSher Shah
Madras
Bombay
AhmedabadAlang
Chittagong
Kao-hsiung
Shanghaï
Enprovenance
du GolfeEn provenance
d’Amériquedu Nord
En provenanced’Europe
0 1 000 2 000 kmSources : Basel Action Network (BAN) ; Silicon Valley Toxics Coalition ; Toxics LinkIndia, Scope (Pakistan) ; Greenpeace ; International Labour Organization (ILO) ;International Maritime Organization (IMO).
Principaux pays « recycleurs »
Sites de démantèlement et de « recyclage »
de cargos en fin de vie
de cargos en fin de vie
de déchets électroniques
de déchets électroniques connus supposés
Ports de transit importantsPrincipaux mouvements de déchets électroniques
Flux importants
Les déchets électroniques et les cargos empoisonnent l’Asie
-1-la planète en danger.indd 26-1-la planète en danger.indd 26 2/02/06 13:02:312/02/06 13:02:31
L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE I 27
Au cours des années 1980, les nor-mes environnementales se sont considé-rablement renforcées dans les pays occi-dentaux, entraînant un développement du trafi c de déchets notamment vers l’Afrique. Suite à plusieurs scandales (tel celui du cargo Zanoobia, chargé de déchets toxiques italiens en 1988), une série d’accords internationaux ont étésignés, réglementant voire interdisant les transits vers les pays du Sud.
SOURCE DE PROFIT
Le trafi c s’est alors dirigé vers les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS, puis rapidement recentré sur les gros-ses nations elles-mêmes productrices de déchets. Cela pour deux raisons essen-tielles : d’une part, le marché potentiel du traitement des déchets dangereux est plus qu’alléchant pour les industriels du secteur et, d’autre part, il nécessitedes technologies et des infrastructures diffi ciles à fi nancer dans les pays pau-vres. Les déchets dangereux sont ainsi passés du statut de problème à celui de source de profi t.
Plus pernicieux, c’est aujourd’hui au nom du « recyclage » que les pays occidentaux envoient en Asie ou en Afri-que des déchets au traitement jugé trop polluant ou trop peu rentable. Le cas
des déchets électroniques (ordinateurs, téléphones portables…) est représen-tatif : leur volume augmente de façonexponentielle, leur durée d’utilisa-tion diminue constamment, plusieurs des composants utilisés sont toxiques (cadmium, plomb, mercure), et ils sont envoyés en Chine, en Inde ou en Afrique du Sud pour être démantelés et « recy-clés ». Non seulement cette activité met en danger la santé des travailleurs, dont les conditions de travail demeurent ina-daptées aux substances qu’ils manipu-lent, mais elle contamine l’air, les sols et les nappes phréatiques. Il en va de même avec le démantèlement des vieux cargos, spécialité de la Chine, de l’Indeet du Bangladesh (voir p. 25).
Nombre d’écologistes dénoncent ce type de recyclage et se mobilisent pour promouvoir de nouvelles alternatives : repenser la production en tenant compte du devenir des produits, traiter les déchets au niveau local pour éviter leur transfert sur de longues distances, les revaloriser en tant que matière première ou source d’énergie, mais d’abord et avant tout maîtriser la consommation. Commun àde nombreux débats actuels sur l’envi-ronnement, cet objectif semble constituer la seule issue crédible pour une planètequi, d’ici à 2050, devrait compter plus de 9 milliards de personnes.
Sources : Basel Action Network, mai 2005 ; Secrétariat de chacune des conventions.
Qui s’engage ?Nombre de conventionssignées (mai 2005)
UneDeuxTrois
Aucune
QuatreDonnées non disponibles
Convention de BâleProtocole de LondresConvention de RotterdamConvention de Stockholm
Quatre conventions internationales intergouvernementales ont pour vocationde réglementer la production et les mouvements de déchets dangereux :
Mouvements transfrontaliers (1989)Rejets en mer (1996)Exportations de produits chimiques (1998)Polluants organiques permanents (2001)
600
500
400
300
200
100
0Source : Environmental Outlook for the Chemicals Industry,OCDE, 2001.
Industrie
Agricultureet sylviculture
Mines
Constructionet démolition
Déchetsmunicipaux
Productiond’énergie
Purificationde l’eau
Autres
Millions de tonnes
700
800
900
1 000
1 100Production totalede déchets pour
les pays de l’OCDE :4 milliards de tonnes
Production de déchets par secteur d’activité
100
120
140
160
180
200
220
240 ProjectionsBase 100 en 1980
Source : OCDE, 1999.
PNB
Productionde déchetsmunicipaux
Population
Pays de l’OCDE
1980 1990 2000 2010 2020
Plus on est riche, plus on jette
D’où viennent-ils ?
Des conventions encore largement ignorées
Sur la Toile g Secrétariat de la convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux : www.basel.int
g Basel Action Network (BAN) : www.ban.org
g « Exporting Harm : The High-Tech Trashing in Asia » (Basel Action Network/ Silicon Valley Toxics Coalition) : www.crra.com/ewaste/ttrash2/ttrash2/#ewaste
g Electronic Waste Guide : www.ewaste.ch
g « Is There a Decent Way to Break Up Ships ? » (Organisation internationale du travail – OIT) : www.ilo.org/public/english/dialogue/sector/papers/shpbreak
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