Le détour par la peinture pour construire des compétences de lecture littéraire Partie 1

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Le détour par la peinture pour construire des compétences de lecture littéraire Partie 1. Marie-Sylvie Claude, IUFM de l’académie de Créteil, Paris 12. 1. Echos et écarts entre les deux arts. - PowerPoint PPT Presentation

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• Le détour par la peinture pour construire des compétences de

lecture littéraire

Partie 1

Marie-Sylvie Claude, IUFM de l’académie de Créteil, Paris 12.

• 1. Echos et écarts entre les deux arts.

• 2. Ce que l’enseignement de la lecture littéraire peut gagner du détour, les obstacles qu’il lève dans la construction d’une posture adéquate face à l’œuvre d’art

• 3. Quelques exemples de compétences de lecture littéraire renforcées par le détour.

• Echos entre les deux arts.

• « Ut pictura poesis erit » Horace

• Le mythe d’Apollon et Marsyas. • Marsyas, jeune satyre (divinité de la terre, à corps

humain et à pieds et cornes de bouc), a ramassé une flûte maudite et jetée par Athéna, car elle lui déformait le visage quand elle en jouait. Enchanté par les sons mélodieux qui s’en échappent, il fait la folie de défier Apollon, dieu des arts (mais aussi de la jeunesse, du soleil et de la beauté) : il lui demande de faire avec lui un concours musical. Le dieu accepte, à condition que le vaincu subira le châtiment imposé par le vainqueur. Marsyas joue de la flûte puis Apollon de la lyre ; évidemment les Muses, divinités inspiratrices des artistes, déclarent Apollon vainqueur. Apollon pour punir Marsyas le fait écorcher vif.

Ovide, les Métamorphoses, livre VI. Début du I° siècle

Pourquoi me déchires-tu ? s'écriait Marsyas. Ah ! je me repens de mon audace. Fallait-il qu'une flûte me coûtât si cher" ! Cependant tous ses membres sont dépouillés de la peau qui les couvre. Son corps n'est qu'une plaie. Son sang coule de toutes parts. Ses nerfs sont découverts. On voit le mouvement de ses veines; on voit ses entrailles palpitantes, et l'œil peut compter ses fibres transparentes.[392] Les dieux des forêts, les Faunes champêtres, les Satyres ses frères, Olympus, son disciple célèbre, les Nymphes, et tous les bergers de ces contrées, donnent des pleurs à son malheureux sort.

Ponge, Le Parti pris des choses, 1942. « L’Huître ».

L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde opiniâtrement clos. Pourtant, on peut l’ouvrir : il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un couteau ébréché et peu franc, s’y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles : c’est un travail grossier. Les coups qu’on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d’une sorte de halos*. A l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament* (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en-dessus s’affaissent sur les cieux d’en-dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords. Parfois, très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner.

• Proust, Essais et articles.

• « (…) au-dessus de vous un monstre étrange, frais encore comme la mer où il ondoya, une raie est suspendue, dont la vue mêle au désir de la gourmandise le charme curieux du calme ou des tempêtes de la mer, dont elle fut le formidable témoin, faisant passer comme un souvenir du Jardin des Plantes à travers un goût de restaurant. Elle est ouverte et vous pouvez admirer la beauté de son architecture délicate et vaste, teintée de sang rouge, de nerfs bleus et de muscles blancs, comme la nef d'une cathédrale polychrome. A côté, dans l'abandon de leur mort, des poissons sont tordus en une courbe raide et désespérée, à plat ventre, les yeux sortis. Puis un chat, superposant à cet aquarium la vie obscure de ses formes plus savantes et plus conscientes, l'éclat de ses yeux posés sur la raie, fait manœuvrer avec une hâte lente les velours de ses pattes sur les huîtres soulevées et décèle à la fois la prudence de son caractère, la convoitise de son palais et la témérité de son entreprise »

•« (…) au-dessus de vous un monstre étrange, frais encore comme la mer où il ondoya, une raie est suspendue, dont la vue mêle au désir de la gourmandise le charme curieux du calme ou des tempêtes de la mer, dont elle fut le formidable témoin, faisant passer comme un souvenir du Jardin des Plantes à travers un goût de restaurant. Elle est ouverte et vous pouvez admirer la beauté de son architecture délicate et vaste, teintée de sang rouge, de nerfs bleus et de muscles blancs, comme la nef d'une cathédrale polychrome. A côté, dans l'abandon de leur mort, des poissons sont tordus en une courbe raide et désespérée, à plat ventre, les yeux sortis. Puis un chat, superposant à cet aquarium la vie obscure de ses formes plus savantes et plus conscientes, l'éclat de ses yeux posés sur la raie, fait manœuvrer avec une hâte lente les velours de ses pattes sur les huîtres soulevées et décèle à la fois la prudence de son caractère, la convoitise de son palais et la témérité de son entreprise »

Verlaine, Fêtes Galantes, «Clair de lune», 1864

Votre âme est un paysage choisiQue vont charmant masques* et bergamasques*,Jouant du luth, et dansant, et quasiTristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineurL’amour vainqueur et la vie opportune,Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheurEt leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,Qui fait rêver les oiseaux dans les arbresEt sangloter d’extase les jets d’eauLes grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.

• Ecarts entre les deux arts.

• Lire la peinture?

• Une autre façon de faire sens: les signes plastiques ne constituent pas une langue.

• Certains signes plastiques semblent parfois fonctionner comme des idéogrammes mais on ne peut pas parler d’articulation arbitraire et conventionnelle d’un signifié sur un signifiant comme dans le langage verbal.

• Il existe des conventions iconographiques qui permettent de reconnaître un personnage par ses attributs ou de connaître la valeur symbolique d’un élément particulier

Le Sueur Vénus présente l'Amour à Jupiter vers 1646-47

Poussin Echo et Narcisse, vers 1630

Bernadino Luini Salomé reçoit la tête de Jean Baptiste 1532

Philippe de Champaigne la Cène, vers 1652

• Ce que l’enseignement de la lecture littéraire peut gagner du détour, les obstacles qu’il lève dans la construction d’une posture adéquate face à l’œuvre d’art.

• 1.Premier obstacle: les erreurs dans le décodage du sens littéral peuvent invalider les hypothèses de lecture ou les bloquer.

•A votre avis :•Qui est ce jeune homme ? Qui

est cette jeune fille ? Qui est cet enfant ? Où sont-ils ? Que se passe-t-il ?

• 2. Second obstacle : la naturalisation du texte, qui n’est pas perçu comme un objet langagier porteur d’intentions et virtuellement riche d’effets de sens à construire par le lecteur.

• 3. Troisième obstacle: la vision du texte littéraire comme media d’un message plus ou moins transparent que l’essentiel serait d’expliciter, la forme n’étant alors perçue que comme le support d’un sens univoque entièrement contenu dans l’enchaînement logique des signifiés.

• 4. Quatrième obstacle: la difficulté de mettre à distance le texte comme objet d’analyse et d’adopter un discours adéquat au commentaire littéraire.

• Quelques exemples de compétences de lecture littéraire

renforcées par le détour.

Comprendre la notion de mouvement littéraire et culturel.

Classicisme, néo classicisme

Corneille, Horace, 1640

Horace dialogue avec Curiace avant le combat (Acte II, scène 3)

« Contre qui que ce soit que mon pays m’emploie,J’accepte aveuglément cette gloire avec joie ;Celle de recevoir de tels commandementsDoit étouffer en nous tous autres sentiments.[…]Rome a choisi mon bras, je n’examine rien :Avec une allégresse aussi pleine et sincère Que j’épousai la sœur, je combattrai le frère. »

Corneille, Horace, 1640

Le vieil Horace s’adresse à ses fils avant le combat (Acte II, scène 7):

Qu’est ceci mes enfants ? écoutez-vous vos flammes ?Et perdez-vous encor le temps avec des femmes ?Prêts à verser du sang, regardez-vous des pleurs ?Fuyez, et laissez-les déplorer leurs malheurs. 

Corneille, Horace, 1640

Après la victoire d’Horace celui-ci s’adresse ainsi à sa sœur Camille (Acte IV, scène 5) :

« Ma sœur voici le bras qui venge nos deux frères,Le bras qui rompt le cours de nos destins contraires,Qui nous rend maîtres d’Albe ; enfin voici le brasQui seul fait aujourd’hui le sort des deux Etats. »

Humanisme

RabelaisGargantua. 1534

Comment Gargantua feut institué par Ponocrates

en telle discipline, qu'il neperdoit heure du iour.

Chap. xxi.

Après en tel train d'estude le mist qu'il ne perdoit heure quelconques du iour: ains tout son temps consommoit en letres & honeste sçavoir. Se esveilloit doncques Gargantua environ quatre heures du matin. Ce pendent qu'on le frotoit, luy estoit leue quelque pagine de la divine escripture haultement & clerement avec pronunciation competente à la matière, & à ce estoit comis un ieune page natif de Basché, nommé Anagnostes. Selon le propos & argument de ceste leczon, souventesfoys se adonnoit à reverer/ adorer/ prier & supplier le bon Dieu: duquel à la lecture monstroit la maiesté & iugemens merveilleux. Puys s'en alloit es lieux secretz fayre excretion des digestions naturelles. Là son precepteur repetoit ce que avoit esté leu: luy exposant les poinctz plus obscurs & difficiles. Eux retornans consideroient l'estat du ciel, si tel estoyt comme l'avoient noté au soir precedent: & quelz signes entroit le Soleil, aussi la Lune pour icelle iournée. Ce faict estoit habillé, peigné/ testonné/ acoustré/ & parfumé, durant lequel temps on luy repetoit les leczons du iour davant. (…)

Ce faict on aportoit des chartes, non pour iouer, mais pour y apprendre mille petites gentillesses, & inventions nouvelles. Lesquelles toutes yssoient de Arithmeticque. En ce moyen entra en affection de ycelle science numeralle, & tous les iours après disner & souper y passoient temps aussi plaisantement, qu'il souloyt es dez ou es chartes. (…) Et non seulement d'ycelle, mais des aultres sciences mathematicques, comme Geometrie, Astronomie, & Musicque. Car attendans la concoction & digestion de son past, ilz faisoient mille ioyeulx instrumens & figures Geometricques, & de mesmes practiquoient les canons Astronomicques. Après se esbaudissoient à chanter musicalement à quatre et cinq parties, ou suz un theme à plaisir de guorge. Et au regard des instrumens de musicque, il aprint à iouer du luc, & l'espinette, de la harpe, de la flutte de Alemant et à neuf trouz, de la viole & de la sacqueboutte.

Percevoir des filiations artistiques

• Rapporté par Antonin Proust, dans Edouard Manet, souvenirs  : en 1862, alors que les deux hommes flânaient à Argenteuil en regardant les jolies baigneuses, Manet lui aurait dit : « Il paraît qu’il faut que je fasse un nu. Eh bien, je vais leur en faire un. Quand nous étions à l’atelier, j’ai copié les femmes de Giorgione, les femmes avec les musiciens. Il est noir ce tableau. Les fonds ont repoussé. Je veux refaire cela et le faire dans la transparence de l’atmosphère et avec des femmes comme celles que nous voyons là-bas ».

Note de Picasso au dos d’une enveloppe de la galerie d’exposition où il voit le Déjeuner sur l’herbe en 1929:

« Quand je vois le Déjeuner sur l’herbe de Manet, je me dis: des douleurs pour plus tard. »

Mignonne, allons voir si la rose Mignonne, allons voir si la roseQui ce matin avait décloseSa robe de pourpre au Soleil,A point perdu cette vêpréeLes plis de sa robe pourprée,Et son teint au vôtre pareil. Las ! voyez comme en peu d’espace,Mignonne, elle a dessus la place,Las ! las ! ses beautés laissé choir!Ô vraiment marâtre Nature,Puisqu’une telle fleur ne dure,Que du matin jusqu’au soir !

Donc, si vous me croyez mignonne,Tandis que votre âge fleuronneEn sa plus verte nouveauté,Cueillez, cueillez votre jeunesse :Comme à cette fleur la vieillesseFera ternir votre beauté. 

Ronsard, Odes, Livre I. 1550

A Cassandre

Queneau, « Si tu t’imagines… », L’instant fatal, 1948.

Sur un t’aime de Ronsard…

Si tu t’imaginesSi tu t’imaginesFillette filletteSi tu t’imaginesXa va xa va xaVa durer toujoursLa saison des zaLa saison des zaSaison des amoursCe que tu te gouresFillette filletteCe que tu te gouresSi tu crois petiteSi tu crois ah ah

Que ton teint de roseTa taille de guêpeTes mignons bicepsTes ongles d’émailTa cuisse de nympheEt ton pied légerSi tu crois petiteXa va xa va xa Va durer toujoursCe que tu te gouresFillette filletteCe que tu te gouresLes beaux jours s’en vontLes beaux jours de fêteSoleils et planètesTournent tous en rondMais toi ma petiteTu marches tout droit

Vers sque tu vois pasTrès sournois s’approcheLa ride véloceLa pesante graisseLe menton tripléLe muscle avachiAllons cueille cueilleLes roses les rosesRoses de la vieEt que leurs pétalesSoit la mer étaleDe tous les bonheursAllons cueille cueilleSi tu le fais pas Ce que tu te gouresFillette filletteCe que tu te goures