L’enseignement de l’allergologie pendant les études médicales en France

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L’enseignement de l’allergologie pendant les etudes medicales en France

The learning of Allergy during medical studies in France

Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 48 (2008) 564–566

L’enseignement de l’allergologie au cours des étudesmédicales n’a sûrement pas la place qu’il mérite si l’on tientcompte de la fréquence et de l’augmentation des maladiesallergiques et de la demande médicale qui en découle.Néanmoins, contrairement à une idée reçue largementrépandue, il n’est ni inexistant ni même en régression, bienau contraire. C’est ce que nous vous proposons de vérifier dansles lignes qui suivent.

1. Petit rappel de l’organisation des études médicales enFrance

Les études médicales comportent trois cycles.Le premier cycle (PCEM 1 et 2) est consacré à l’acquisition

des connaissances biocliniques et sémiologiques de l’hommenormal. Elles sont poursuivies et complétées au cours de lapremière année du deuxième cycle (DCEM 1) où sontégalement abordés les grands processus d’altération de l’étatnormal. La deuxième partie du deuxième cycle (DCEM 2, 3 et4) a pour objectif l’acquisition des compétences cliniques etthérapeutiques et des capacités professionnelles. Elles doiventpermettre à l’étudiant d’exercer son activité dans la filière danslaquelle il s’engagera en troisième cycle, filière au cours delaquelle est acquise la professionnalisation. Cette deuxièmepartie du deuxième cycle a connu en 2001 une profonderéforme caractérisée par la disparition de l’enseignement parspécialités au profit d’un enseignement reposant sur desmodules transdisciplinaires et sur l’approche diagnostique etthérapeutique par grands syndromes. Le programme de cetenseignement comporte 11 modules et une liste de 345 ques-tions dont chacune comporte des objectifs spécifiques.L’ensemble du programme de DCEM est consultable sur lesite www.cnci.univ-paris5.fr. L’objectif clairement affiché decette réforme est de favoriser l’approche transversale etinterdisciplinaire en abordant le malade et la maladie danssa globalité y compris dans ses aspects psychosociaux. À titred’exemple, le module 1, intitulé « Apprentissage de l’exercicemédical », comporte 14 questions dont la première « La relationmédecin malade, l’annonce d’une maladie grave, la formationdu patient atteint de maladie chronique, la personnalisation dela prise en charge médicale » comporte plusieurs objectifs

0335-7457/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservdoi:10.1016/j.allerg.2008.10.003

centrés sur la relation et la communication avec le malade. Lafin du deuxième cycle est sanctionnée par un examen classantnational (ECN) qui remplace l’ancien concours d’internat. Cetexamen repose sur une épreuve d’analyse de neuf dossierscliniques reprenant les questions du programme du deuxièmecycle. Il s’agit d’un examen obligatoire, classant (et non pasvalidant. À partir de 2009, il comportera également une épreuvede lecture critique d’article) qui ouvre l’accès au troisièmecycle. En fonction de son classement, l’étudiant pourra alorschoisir, d’une part, une filière professionnelle et, d’autre part, leCHU dans lequel il complétera sa formation pour déboucheraprès trois, quatre ou cinq ans d’internat (selon la filière) sur sonexercice professionnel définitif sanctionné par l’obtention d’undiplôme d’études spécialisées (DES), et ce y compris pour lafilière médecine générale. Chaque DES répond à une maquettespécifique qui comporte un nombre variable de semestres dansdes services validant et un enseignement théorique organisé àl’échelon régional et interrégional (voire parfois national). Lasoutenance d’un mémoire en fin de cursus devant un juryinterrégional permet l’obtention du diplôme. Le DES peut être,le cas échéant, complété par un diplôme d’études spécialiséescomplémentaire (DESC). La réalisation d’un DESC nécessitedes conditions de validations particulières et des aménagementsde la maquette du DES auquel il est associé. Nous y reviendronsplus loin puisque c’est dans ce cadre que s’inscrit le DESCd’allergologie et d’immunologie clinique.

2. Place de l’allergologie dans les différents cycles desétudes médicales

Au cours du premier cycle et du début du deuxième cycle(DCEM 1) l’allergologie est logiquement abordée à traversl’enseignement de l’immunologie. L’allergie représente un desprocessus parmi les plus fréquents de dérèglement du systèmeimmunitaire, et des connaissances immunologiques fondamen-tales sont indispensables pour la compréhension de la prise encharge des pathologies allergiques.

Mais c’est véritablement au cours de la deuxième partie dudeuxième cycle (DCEM 2, 3 et 4) que les pathologiesallergiques sont directement enseignées. Le texte de la réformedu deuxième cycle de 2001 précise que « les enseignements ne

és.

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doivent pas chercher à couvrir l’ensemble des champsdisciplinaires, mais doivent considérer comme essentiel cequi est fréquent ou grave ou constitue un problème de santépublique. . . », toutes choses dont on conviendra qu’elles nepeuvent que favoriser l’enseignement de l’allergologie. C’estainsi que trois questions d’allergologie sont clairementidentifiées dans le programme du module 8 intitulé« Immunopathologie-réaction inflammatoire », il s’agit de laquestion 113 « Allergies et hypersensibilités chez l’enfant etl’adulte. . . » de la question 114 « Allergies cutanéomuqueuseschez l’enfant et l’adulte » et 115 « Allergies respiratoires chezl’enfant et l’adulte ». Les grincheux ne manqueront pas de faireremarquer qu’il ne s’agit que de trois questions sur les 345 duprogramme (0,9 %). Néanmoins, l’identification de questionsspécifiques qui peuvent faire l’objet de dossiers pour l’ECN estindiscutablement un progrès par rapport à la situation d’avant2001. On signalera également que l’allergologie peut aussi êtreabordée dans d’autres questions du programme, comme laquestion 211 « ¨dème de Quincke et anaphylaxie » ou laquestion 226 « Asthme de l’enfant et de l’adulte », voire dansdes questions plus générales qui touchent, par exemple, àl’éducation du patient ou à la relation médecin–malade dans lamaladie chronique. Les enseignants impliqués dans l’ensei-gnement de l’allergologie ont un rôle essentiel de sensibilisa-tion des conseils de facultés et des conseils pédagogiques desfacultés de médecine à l’importance des pathologies allergiquesdans la formation des futurs médecins. Ils doivent revendiquerune participation systématique dans l’enseignement de toutesles questions ou l’allergologie, discipline transversale parexcellence, peut avoir une place.

Au cours du troisième cycle des études médicales,l’allergologie est clairement identifiée par un DESC d’allergo-logie et d’immunologie clinique. Sous l’impulsion desenseignants d’allergologie et d’immunologie, un programmenational d’enseignement théorique a été établi. La premièreannée est constituée par un tronc commun aux deux options(allergologie et immunologie clinique). Elle est organisée sousforme de trois séminaires nationaux et sanctionnée par unexamen national. La deuxième année, l’enseignement del’option allergologie est organisé à l’échelon interrégional. Leprogramme de cette deuxième année reprend celui de lacapacité d’allergologie, à l’exception des questions d’immu-nologie qui sont abordées dans le tronc commun. Pour validerce DESC, l’étudiant doit effectuer quatre stages pratiques d’unsemestre dans des services validant l’allergologie et/oul’immunologie clinique. Deux stages doivent être réaliséspendant la durée du DES auquel il est inscrit (dermatologie,pneumologie, médecine générale, pédiatrie par exemple) etdeux semestres après la validation du DES, par exemple sur unposte de chef de clinique ou d’assistant, voire sur des vacations.Les services validants sont agréés dans chaque région parune commission médicoadministrative sur proposition deschefs de service et après avis du coordonnateur interrégional del’enseignement du DESC. Le DESC d’allergologie etd’immunologie est théoriquement ouvert à tous les étudiantsquel que soit leur DES d’origine. Un des facteurs limitantessentiel est l’adéquation du DESC en termes de stage en

services validants avec la maquette du DES d’origine. Ce pointest particulièrement crucial pour les étudiants de la filièremédecine générale car leur maquette est courte (trois ans) et,sauf dérogation, il ne leur est pas possible d’effectuer plus d’unstage en CHU, les autres semestres devant être réalisés en CHG.Or il y a peu de services validant l’allergologie en dehors desCHU. De même, pour les étudiants de la filière médecinegénérale, la réalisation de deux semestres en services validantsaprès l’obtention du DES peut aussi être problématiquepuisqu’il n’existe pas encore, dans cette filière, de véritablestatut post-DES à l’inverse de ce qui existe dans les autresfilières avec les postes de chef de clinique ou d’assistant deshôpitaux. Il est donc important que les étudiants de cette filière,intéressés par l’allergologie, prennent, très tôt dans leur cursus,contact avec le coordonnateur régional du DESC d’allergologieafin de négocier avec leur faculté et l’administration unparcours personnalisé. Malheureusement, cette démarche n’estpas toujours bien perçue par les enseignants du DES demédecine générale dont l’objectif est, on le comprend, deformer des médecins généralistes et non pas des médecins àexercice particulier comme peuvent l’être les allergologues oules angiologues.

Quant à la capacité d’allergologie, même si ses jours sont,semble-t-il, comptés du fait de la mise en place du DESC, ellereste pour l’instant maintenue et aucune date pour sasuppression n’a été avancée. Rappelons qu’elle s’adresse àdes médecins déjà détenteurs d’une thèse de médecine,spécialistes ou généralistes. Les responsables de cet ensei-gnement, qui s’effectue sur deux ans et est sanctionné par unexamen national, ont cependant noté une très nette diminutiondes inscriptions depuis quelques années. Il n’est pas impossibleque cette diminution soit en partie liée aux incertitudesconcernant l’avenir de l’exercice de l’allergologie compte tenunotamment de la dévalorisation des actes dans la nouvelletarification.

3. Conclusion : un bilan en demi-teinte, mais avec deréelles perspectives d’amélioration

L’enseignement de l’allergologie est clairement identifié aucours des différents cycles des études médicales et c’estindiscutablement un progrès par rapport à la situation quiexistait il y a quelques années. La réforme du deuxième cycledes études médicales qui met l’accent sur le caractèretransversal et interdisciplinaire de l’enseignement médicalest un autre élément favorable à notre discipline qui offrel’opportunité d’intéresser très tôt les jeunes médecins enformation à l’allergologie. Néanmoins, cet enseignement estencore, d’une part, sous-représenté dans la masse desconnaissances que doivent ingurgiter les étudiants en médecineet, d’autre part, d’un accès difficile dans le troisième cycle quiconduit à l’exercice professionnel au moins pour une certainefilière (en particulier la médecine générale).

Il y a donc du travail en perspective pour les enseignantsd’allergologie qui doivent rester vigilants à l’échelon de chaquefaculté sur la place qui leur est accordé. Leur regroupement ausein d’un collège d’enseignants, tel qu’il existe dans toutes les

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autres spécialités, est un élément essentiel qui leur permettra depeser sur les programmes en exigeant une place plus importantedans la formation et des aménagements des maquettes de DESen troisième cycle favorisant l’accès d’un plus grand nombred’étudiants au DESC d’allergologie et d’immunologie clinique.

Mais les enseignants ne sont pas les seuls concernés,l’allergologie n’apparaîtra comme une discipline attractivepour les étudiants que si elle est solidement défendue par toutesses autres composantes. C’est ainsi que la SFA (Sociétéfrançaise d’allergologie) se doit d’amplifier sa politique desoutien à la recherche de haut niveau et de maintenir encollaboration avec l’Anaforcal (Association nationale pour laformation continue en allergologie) l’organisation de réunions

scientifiques de qualité. Quand aux syndicats leur rôle estessentiel dans la défense et la juste valorisation d’un exerciceprofessionnel spécifique qui nécessite à la fois du temps àl’écoute des patients et du temps pour des explorationscomplémentaires. C’est grâce à ces efforts conjugués que nouspourrons convaincre les jeunes étudiants de s’engager dans uneexpérience professionnelle passionnante qui concerne unnombre sans cesse croissant de patients.

A. Didier

Faculté de médecine Toulouse-Rangueil, hôpital Larrey,CHU de Toulouse, 31059 Toulouse, FranceAdresse e-mail : didier.a@chu-toulouse.fr.

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