Nouveaux marqueurs du cancer de la prostate

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pratique | immunologie

22 OptionBio | Lundi 23 mars 2009 | n° 415

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué. Il est unique parmi les tumeurs solides puisqu’il existe

sous deux formes : une forme latente ou histo-logique, qui peut être identifiée chez 30 % des hommes de plus de 50 ans et 60 à 70 % des hommes de plus de 80 ans, et une forme clinique évidente qui affecte approximativement 1 homme sur 9 dans les pays développés. D’une manière générale, les formes cliniques sont détectées sous forme strictement localisée à la glande prostatique dans un tiers des cas, sous forme commençant à disséminer dans un tiers des cas, et sous forme métastatique, dont le pronostic est largement plus péjoratif, dans un tiers des cas.Le cancer de la prostate débute par une néoplasie intra-épithéliale et évolue en cancer localisé ou métastatique (dont une sous-forme qui devient androgéno-indépendante). Comme pour toutes les tumeurs solides, un certain nombre d’altérations génétiques peuvent être retrouvées, mais ne sont en aucune façon pathognomoniques d’une forme de cancer donnée.

L’antigène spécifique de la prostateL’antigène spécifique de la prostate (PSA) ou kalli-créine 3 (hK3) est une sérine protéase appartenant à la superfamille des kallicréines. Sa concentra-tion sérique doit impérativement être interprétée en tenant compte de l’âge du patient (tableau I).Le PSA est présent dans la circulation sous forme libre (environ 10 à 15 %) et sous forme complexée (85 à 90 %) en particulier à l’alpha1-antichymotrypsine. Le PSA total (PSAt) dosé est la

somme des formes libre (PSAL) et complexée. Il n’est toutefois pas spécifique du cancer, mais du tissu prostatique (tableau II).L’une des grandes avancées du dosage de PSA a été de proposer, à côté du PSAt, le dosage du PSAL, sachant qu’en cas de cancer la proportion de PSAL diminue (figure 1). De fait, l’utilisation du rapport PSAL/PSAt a permis d’augmenter la sensibilité et la spécificité du marqueur pour le dépistage du cancer.Sous peu, les fabricants devraient proposer des dosages de sous-fractions de PSA libre :– PSA intact (correspond à 40 % du PSAL), dimi-nué dans le cancer ; forme associée à l’hypertro-phie bénigne de la prostate (HBP) ;– benign PSA (bPSA) (environ 30 % du PSAL), augmenté dans l’HBP ;– proPSA-7 (propeptide du PSA), augmenté en cas de cancer, surtout de carcinome agressif. L’utili-sation du rapport proPSA/bPSA augmente encore la sensibilité du dépistage du cancer.

Faire du neuf avec le PSA ?Une équipe belge a proposé de rapporter la valeur de PSAt au volume de la glande prostatique (PSA density), sachant que le PSA est produit de manière plus importante par le tissu cancéreux que par le tissu hyperplasique. Ce “marqueur” implique donc un dosage de PSA et une mesure du volume de la glande, par un échographiste expérimenté pour obtenir des valeurs reproductibles.Puis il a été proposé de rapporter le PSA au volume de la zone transitionnelle (rarement le siège d’une tumeur) : PSA zone transition density ou PSA tzd. Mais ce paramètre reste difficile à standardiser.L’avancée la plus importante concerne la vélocité du PSA (PSA velocity) qui correspond à la pente d’augmentation du marqueur lorsque sont faits des dosages itératifs de PSA. La vélocité nor-male est estimée à 0,04 ng/mL/an. Il a été mon-tré qu’une vélocité supérieure à 0,75 ng/mL/an était un marqueur d’évolution vers le cancer (à la condition d’effectuer les dosages dans le même laboratoire).

Nouveaux marqueurs proposésLe PSA est un marqueur imparfait, notamment lorsqu’il est compris entre 4 et 10 ng/mL, zone où se pose la question d’un diagnostic différen-tiel entre HBP et cancer, mais également pour des valeurs comprises entre 0 et 4 (15 % des patients ayant un cancer ont un PSA inférieur à 4 ng/mL).Le PSA étant une kallicréine, d’autres kallicréines ont été proposées, notamment hK2, éventuelle-ment rapportée au PSA (hK2/PSA ou PSAL/hK2), mais cette piste a été abandonnée car elle n’ap-portait rien de plus que le PSA.Grâce à l’utilisation de puces et à une approche génomique de la maladie, quatre gènes d’in-térêt ont été identifiés : AMACR (codant l’alpha méthylCoA racémase), le gène codant l’hepcine (une protéine transmembranaire), EZH2 (un gène régulateur), et Stat 6. Ils sont actuellement étu-diés en anatomopathologie, notamment EZH2 et AMACR, dont l’augmentation d’expression serait un marqueur d’agressivité tumorale.D’autres marqueurs ont été identifiés en biochimie dont deux semblent prometteurs.• EPCA-2 (Early Prostate Cancer Antigen), décrit en 2005, est un marqueur sanguin précoce et spécifique du cancer de la prostate. Deux études récentes ont montré l’intérêt de son dosage dans le sérum, avec, au seuil de 30 ng/mL, une spé-cificité de 94 % et une sensibilité de 92 % pour le diagnostic de cancer de la prostate. En outre, EPCA2.22 (un des deux antigènes décrits avec EPCA2.19) permettrait de différencier les tumeurs

Nouveaux marqueurs du cancer de la prostate

Le cancer de la prostate est dépisté par le dosage de l’antigène spécifique de la prostate. Mais ce dépistage connaît des limites lorsque le taux de l’antigène est compris entre 4 et 10 ng/mL, zone où se pose la question du diagnostic différentiel entre hypertrophie bénigne de la prostate et cancer. Pour contrer ces difficultés, les praticiens pourraient soit recourir à de nouveaux marqueurs soit s’orienter vers une approche multiparamétrique, voire vers un dépistage des cellules tumorales circulantes.

Tableau I. Variations des valeurs “normales” du PSA total en fonction de l’âge.

PSA total (ng/mL)

40-50 ans < 2,5

50-60 ans < 3,5

60-70 ans < 4,5

70-90 ans < 6,5

Tableau II. Probabilité de cancer de la prostate en fonction des valeurs de PSA total sérique.

PSAt (ng/mL) Probabilité de cancer de la prostate (%)

0-2 1

2-4 15

4-10 25

> 10 > 50

Monsieur C., 34 ans, est hos-pitalisé en février 2007 pour

spléno mégalie et diminution sou-daine de l’acuité visuelle. Sa numé-ration-formule sanguine (NFS) mon-tre une hyperleucocytose (49,5 G/L) et une thrombopénie (plaquettes : 10 G/L). Le frottis sanguin est très riche : il comporte notamment 50 % de polynucléaires neutrophiles, 24 % de myélocytes et 9 % de promyélo-cytes. Un syndrome myéloprolifératif est suspecté.

Une leucémie, de myéloïde chronique à aiguë lymphoblastiqueLe myélogramme est riche, montrant une hyperplasie granuleuse sans excès de blastes. M. C est atteint d’une leucémie myéloïde chronique

(LMC). Il est traité par cytaphérèse et traitement hypo-uricémiant. En quelques jours, l’hyperleucocytose régresse. Puis, un traitement par Glivec® est instauré, et se révèle efficace.Mais en janvier 2008, des pétéchies apparaissent sur ses bras, son tho-rax, ses membres inférieurs et sa rate est à nouveau palpable. Un nou-veau myélogramme est effectué et montre une moelle très pauvre, avec 27 % de blastes, typés en cytomé-trie de flux : il s’agit d’une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) pré-B. Le caryotype retrouve le chromo-some Philadelphie et des anomalies supplémentaires. Au total, il s’agit d’un diagnostic de LMC avec une courte rémission sous Glivec®, puis une aggravation en LAL pré-B.

À retenirLe Glivec® a révolutionné le trai-tement des LMC : la plupart des patients sont aujourd’hui en rémis-sion prolongée. Lorsque la LMC (différenciation granuleuse) se transforme, dans environ un quart des cas, elle évolue en hémopathie lymphoïde. Ce phénomène est peu documenté actuellement, mais pour-rait relever de trois mécanismes :– un phénomène de rétrocontrôle posi-tif entre des kinases impliquées dans la maladie et BCR-ABL. Ces kinases ont en commun certaines cibles molé-culaires avec BCR-ABL, amplifiant le mécanisme et contribuant à la leu-cémogenèse. La crise blastique lym-phocytaire requiert certaines de ces kinases, ce que confirment d’autres études d’ARN interférence ;

– anomalies de certains gènes sup-presseurs de tumeurs. Il a été mon-tré que la crise blastique myéloïde était davantage associée à la perte de p53, alors que la crise blastique lymphoïde est plutôt associée à une délétion de p16, protéine contrôlant le cycle cellulaire ;– mécanismes épigénétiques. Des anomalies de la méthylation de l’ADN ont été constatées au cours de la LMC, avec des variations lors de l’évolution en LAL. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

carole.emile@dbmail.com

Les granuleux deviennent lymphoïdes

SourceCommunication de C. Bret et J.-F. Schved, lors du 37e colloque national des biologistes des hôpitaux, octobre 2008, Clermont-Ferrand.

cas clinique – hématologie

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localisées des tumeurs extracapsulaires. Le kit de dosage devrait être disponible prochainement.• Le second marqueur d’intérêt est PCA3 (Prostate Cancer Antigen 3). D’ores et déjà disponible sur le marché (Test Progensa™ PCA3), il s’agit d’un test moléculaire réalisé dans les urines obtenues après la réalisation d’un massage “doux” de la prostate. Un ratio est réalisé entre le taux d’ARNm du PCA3 et le taux d’ARNm du PSA. La valeur médiane de ce ratio est fixée à 35. Plus le ratio s’éloigne de 35 dans les valeurs basses, plus le risque d’avoir une biopsie positive est bas ; à l’inverse, pour un ratio supérieur à 35, la probabilité s’élève d’autant plus que l’on s’éloigne vers les valeurs hautes. Ce test statistique est actuellement proposé en seconde

intention, après la réalisation d’une première biop-sie négative, pour le suivi de ces patients.

Vers une approche multiparamétrique ?L’intérêt d’une approche multiparamétrique a été montré dans le cancer de l’ovaire en combinant les dosages de leptine, prolactine, ostéopontine et IGF-II. Dans le cancer de la prostate, nous n’en sommes qu’aux balbutiements (dosages proposés de viline, IgG, etc.). Mieux encore serait de réaliser des profils d’évolution standardisée, c’est-à-dire observer de 1 000 à 10 000 protéines et établir un profil patho-gnomonique de la maladie, mais cette approche suppose de se doter de matériels coûteux.

Dépistage des cellules tumorales circulantes et perspectivesLe dépistage des cellules tumorales circulantes permettrait de suivre la maladie résiduelle, c’est-à-dire d’évaluer le risque de récidives. Actuelle-ment, les cellules tumorales circulantes peuvent être quantifiées par RT-PCR, mais le résultat est difficile à interpréter car le malade ne peut être que son propre témoin (on ne peut distinguer s’il existe “n” transcrits d’ARN présent dans une cel-lule ou “n” cellules exprimant un seul transcrit). Malgré tout, il semble que la présence de ces cellules en préopératoire ait un effet péjoratif sur la survie des patients.Depuis quelques années, de nouvelles techni-ques d’imagerie cellulaire par immunohistochi-mie couplée à un analyseur d’images permettent de visualiser et quantifier les cellules tumorales. À l’avenir, la protéomique devrait permettre le développement de nouveaux marqueurs, et amé-liorer la prise en charge des malades. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

carole.emile@dbmail.com

4 < PSAt < 10 ng/mLPSAt < 4 ng/mL

suivi du patient (PSAt + PSA velocity

annuels)

rapport PSAL/PSAt

TR normal

négatives positives

suivi du patient traitement

Biopsies prostatiques

ou ouTR anormal

PSAt > 10 ng/mL

PSA velocity > 0,75 ng/mL/an

Dépistage du cancer de la prostate : toucher rectal (TR) + dosage du PSA

biopsies prostatiques

> 0,2 < 0,2

SourceCommunication de S. Loric, Séminaire Acorata de biologie prospec-tive, juin 2008, Compiègne.

Figure 1. Dépistage du cancer de la prostate. |

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