View
2
Download
0
Category
Preview:
Citation preview
1346-1352 : La peste noire ravage le monde
En haut, la mort étrangle un malade de la peste, enluminure de Bohème, XIVe siècle.
A droite, Le triomphe de la mort, Palazzo Abbatellis, Palerme (1446)
Document 1 : La diffusion de la peste noire au XIVe siècle
En 1346, le comptoir de Caffa en Crimée était assiégé par les Mongols. N’ayant pu vaincre les marchands génois qui y étaient retranchés, ils lancèrent avec leur trébuchet (comme dans l’illustration ci-contre) des cadavres de pestiférés.
Une fois le siège levé, les navires génois suivirent les routes de commerce maritime, et contaminèrent tous les ports dans lesquels ils s’arrêtèrent. La peste s’est donc répandue en Europe par les routes commerciales.
Bientôt les cercueils ne furent plus suffisants et on enterra les morts dans des fosses communes.
La peste à Tournai, Chronique de Gilles Le Muisit, XIVe siècle.
Document 2
Cette année-là (1348) à Paris et dans le royaume de
France, et autant, à ce que l’on raconte, dans le monde
entier, et à l’année suivante il y eut une si grande
mortalité des personnes des deux sexes, et davantage
des jeunes que des vieux, qu’à peine pouvait-on les
ensevelir. Tout juste malades depuis deux ou trois jours,
ils mouraient cependant de manière subite, comme s’ils
étaient en bonne santé. Tel qui était en bonne santé
aujourd’hui était mort le lendemain et porté à la fosse.
Ils avaient soudain des bubons sous les aisselles ou à
l’aine ; leur apparition était un signe infaillible de la
mort. Cette maladie ou pestilence était qualifiée
d’épidémie par les médecins. Une telle multitude de la
population mourut alors, c’est-à-dire en l’an du
Seigneur 1348 et en 1349, qu’on n’avait jamais entendu
parler, vu ou lu une telle chose dans le passé. Cette
mort et cette maladie arrivaient par contact et par
contagion ; car celui qui était en bonne santé, visitait un
malade, n’échappait au péril de la mort que de peu ou
rarement.
Jean de Venette, Continuation de la chronique de
Guillaume de Nangis, 1348.
En suivant les routes de commerce, terrestres et maritimes, la peste se répand dans toute l’Europe
La peste adopte deux formes cliniques : une forme bubonique et une forme pneumonique.
La bacille est transmis à l’homme par une piqure de puce provenant d’un rongeur malade, tel le rat noir, qui vit dans l’environnement proche de l’homme.La peau devient noire autour de la piqûre, d’où le nom de peste noire.
Les ganglions infectés gonflent et deviennent douloureux, ils donnent des bubons associés à une forte fièvre. Cette forme bubonique est mortelle dans 60 à 70% des cas au bout de une à deux semaines.
Lorsque le temps est froid la peste peut prendre une forme pneumonique. Elle se transmet alors de personne à personne, par la toux ou des crachats de sang, et par l’inhalation de gouttelettes infectées en suspension dans l’air. La forme pneumonique est toujours mortelle en deux à trois jours.
Nadeije Lanerye-Dagen, Les grandes tragédies, article Peste noire, Larousse, 1994.
Un médecin incise un bubon, gravure sur bois, Allemagne, XVe siècle.
Une malade atteinte de la peste est soignée, fresques de l’église de Lanslevillard, XVe siècle
Un malade atteint de la peste est soigné dans son lit, puis ses funérailles sont célébrées. En temps de peste, du fait du grand nombre de victimes, les morts n’avaient souvent pas droit à un service religieux.Fresque de l’église St François à Bastia Mondovì, XVe siècle.
Une femme, cloîtrée dans sa maison, jette le contenu de son pot de chambre par la fenêtre. Albrecht Dürer, la nef des fous, 1494.
En cas d’épidémie de peste, le confinement des malades est une des premières mesures prises par les autorités.
Evacuation des corps de pestiférés dans une ville italienne au XIVe siècle, enluminure vénitienne, XIVe siècle
La forte mortalité due à la peste a pour conséquence le déplacement des cimetières autour des villes. Parfois, mais plus rarement, les corps sont brûlés comme ici.
Une mortalité qui atteint des niveaux jamais vus jusqu’alors.
Document 3
Le Decameron de Boccace offre un témoignage saisissant de
l’épidémie de peste qui frappe Florence en 1347. Alors que les
plus riches florentins se confinent dans leur maison de campagne,
le petit peuple resté en ville souffre de la peste.
Le menu peuple, et, peut-être, nombre de gens de la classe
moyenne, offraient un spectacle plus misérable : car, l’espérance
ou la pauvreté les maintenant pour la plupart dans leurs maisons,
dans leurs quartiers, c’est par milliers qu’ils tombaient malades
chaque jour, et, n’étant servis ni assistés en rien, tous mouraient
presque sans rémission. Beaucoup d’entre eux, de jour comme de
nuit, succombaient sur la voie publique ; beaucoup, quoique
morts chez eux, faisaient d’abord connaître aux voisins leur décès
par la puanteur de leurs corps corrompus. (…) Les choses en
étaient venues à un tel point qu’on ne se souciait pas plus d’une
mort d’homme qu’on ne prendrait garde aujourd’hui à celle d’une
chèvre.(…) On creusait dans les cimetières des églises de très
grandes fosses dans lesquelles on mettait les nouveaux arrivants
par centaines ; et, entassés là comme les marchandises qu’on
empile dans les navires, ils étaient recouverts d’un peu de terre.
Boccace, le Décameron, 1349-1353.
Le thème de la mort est omniprésent. Ici, dans l’aître Saint Maclou, à Rouen, construit au temps de la peste pour accueillir les cadavres
Les squelettes symbolisant la mort par la peste entraînent de droite à gauche, le pape, le roi, la reine, le cardinal, l'évêque, le moine, le bourgeois, l'usurier, le jeune homme, l'estropié et finalement l'enfant sortant de son berceau. Ni l’argent, ni la puissance, ni la religion ne protègent contre la peste : elle touche tout le monde sans distinction.
Scène de danse macabre, fresques du XVe siècle de l’église de la sainte trinité à Hrastovljeen Slovénie.
Flagellants, chronique de Nuremberg, 1493.
Organisés en groupes de 50 à 300 personnes, les flagellantsse déplacent de ville en ville.
Ils pensent que la peste est une punition de Dieu. Ils subissent deux fois par jour sur les places publiques des villes, la pénitence exigée pour les fautes dont ils demandent le pardon : des coups de fouet à trois lanières terminées par des pointes de fer!
Une ambiance de psychose s’installe. On cherche des boucs émissaires. Ci-dessus, des juifs sont brûlés à Strasbourg le 14 juillet 1349. Ils ont été accusés par la population d’avoir empoisonné les puits et répandu la Peste noire. Les flagellants sont souvent à l’origine de ces massacres.Chronique de Gilles Le Muisit, XIVe siècle.
Les conséquences démographiques de la peste
Les sources documentaires sont assez éparses et couvrent
généralement une période plus longue, mais elles permettent
une approximation assez fiable. Les historiens s’entendent
pour estimer la proportion de victimes entre 30 et 50 % de la
population européenne, soit entre 25 et 45 millions de
personnes. Les villes sont plus durement touchées que les
campagnes, du fait de la concentration de la population, et
aussi des disettes et difficultés d’approvisionnement
provoquées par la peste.
En France, entre 1340 et 1440, la population a décru de 17 à
10 millions d'habitants, une diminution de 41 %. La France
avait retrouvé le niveau de l'ancienne Gaule. Le registre
paroissial de Givry, en Saône-et-Loire, l'un des plus précis,
montre que pour environ 1 500 habitants, on a procédé à 649
inhumations en 1348, dont 630 de juin à septembre, alors
que cette paroisse en comptait habituellement environ 40 par
an : cela représente un taux de mortalité de 40,6 %. D'autres
registres, comme celui de l'église Saint-Nizier de Lyon,
confirment l'ordre de grandeur de Givry (30 à 40 %). A Paris,
on estime à un tiers de la population les pertes en 1348, sous
les deux formes de la maladie : pulmonaire ou bubonique.
D’après Claude Gauvard, le temps des Valois, PUF, 2013 et
wikipedia.fr
Illustrations de Cy est la danse macabre des femmes, 1491
N’hésitez pas à faire une petite recherche sur le thème des « danses macabres »! Pourquoi cette manière originale de représenter la mort ? Où les trouvait on ? Quels autres exemples de danses macabres pourriez-vous citer ?
Recommended