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1 La maintenance des centrales
nucléaires : une politique remise à
niveau, des incertitudes à lever
_____________________ PRÉSENTATION _____________________
Le parc des 58 réacteurs nucléaires d’EDF a produit 77 % de l’électricité en France en 2014. Le secteur nucléaire représente environ 220 000 emplois directs et indirects et un chiffre d’affaires total de 46 Md€, dont 5,6 Md€ à l’exportation.
Un programme global de près de 100 Md€2013, d’ici à 2030, est nécessaire pour maintenir le parc actuel en état de répondre à la consommation électrique et aux normes de sûreté nucléaire, durcies après la catastrophe de Fukushima.
La réalisation de ce programme compte pour une grande part dans les besoins de recrutement de l’ensemble de la filière nucléaire estimés à environ 110 000 emplois directs et indirects d’ici 2020.
Sa mise en œuvre s’inscrit enfin dans le contexte énergétique remodelé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui vise, notamment, à redéfinir la place du nucléaire parmi les sources de production d’électricité.
Le projet d’EDF concerne la totalité du parc actuel : les mesures prévues par la loi de transition énergétique devraient amener à redéfinir très largement ce projet. L’analyse de la maintenance des centrales nucléaires françaises s’inscrit notamment dans la suite des publications de la Cour sur le coût de la filière électronucléaire
45, dont elle représente
une part non négligeable.
45 Cour des comptes, Rapport public thématique : Les coûts de la filière électronucléaire. La Documentation française, janvier 2012, 438 p., et son actualisation, Cour des comptes, Communication à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : Le coût de production de l’électricité nucléaire. Mai 2014, 227 p., disponibles sur www.ccomptes.fr
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Ainsi, bien que la politique de maintenance des centrales nucléaires soit maîtrisée jusqu’à présent (I), la réussite du projet
industriel d’EDF, porteur de lourds enjeux, présente un niveau élevé d’incertitudes (II).
Le programme « Grand Carénage »
EDF a regroupé l’ensemble des investissements de maintenance
prévus sur la période 2014 à 2025 sous la terminologie de « Grand
Carénage ». Ce projet industriel vise à améliorer la sûreté des centrales
nucléaires, en particulier à la suite de la catastrophe de Fukushima, à
redresser les performances d’exploitation après une période de dégradation
de la disponibilité46
des centrales et à rendre possible la prolongation de
l’exploitation du parc au-delà de 40 ans, durée pour laquelle les centrales
ont été conçues à l’origine. Toute prolongation de la durée d’exploitation
d’un réacteur est soumise à autorisation délivrée par l’Autorité de sûreté
nucléaire (ASN)47
.
Estimé à 55 Md€2011, soit 56,4 Md€2013, ce programme correspond
au seul montant des investissements prévus sur cette période de 11 ans.
Le périmètre et la période retenue par la Cour, pour l’évaluation des
dépenses de maintenance, sont différents. Elle prend pour référence une
période plus longue, 16 ans, de 2014 à 2030, et ajoute les dépenses
d’exploitation à celles d’investissement. En effet, les opérations de
maintenance exigent non seulement des opérations de remplacement ou
requalification lourde (investissements), mais aussi des opérations
d’entretien (exploitation).
Les deux évaluations sont cohérentes. Les dépenses
d’investissement sont estimées à 74,73 Md€2013 entre 2014 et 2030 et
celles d’exploitation à 25,16 Md€2013 pendant la même période.
46 Il s’agit de la durée pendant laquelle les réacteurs produisent effectivement de
l’électricité. 47 L’ASN est la seule autorité habilitée à autoriser la poursuite de l’exploitation d’un
réacteur pour une durée de 10 ans supplémentaires. Les autorisations sont délivrées
après des travaux menés lors d’opérations de contrôle regroupées sous le terme
« visite décennale ». En dehors des visites périodiques, la mise à l’arrêt définitif d’un
réacteur peut néanmoins intervenir à tout moment, soit par décision de l’exploitant,
soit pour des motifs de sûreté par décision du Gouvernement.
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LA MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES :
UNE POLITIQUE REMISE À NIVEAU, DES INCERTITUDES À LEVER
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Carte n° 1 : parc des centrales nucléaires françaises en 2015*
Source : Autorité de sûreté nucléaire
*L’EPR de Flamanville est en cours de construction
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I - Une politique de maintenance
remise à niveau
A - Les indicateurs de performance se redressent
1 - La dégradation de la performance des réacteurs nucléaires
entre 2006 et 2011
Entre 2006 et 2011, le parc des réacteurs nucléaires français a affiché de mauvaises performances et sa disponibilité s’en est trouvée affectée, ainsi que le résultat de l’entreprise. En 2013, la perte de production due à la prolongation des arrêts de tranches
48 a pu ainsi être
estimée à près de 800 M€. Plusieurs raisons, dont les effets se sont combinés, expliquent cette situation. L’entretien des réacteurs, dont l’âge moyen atteint 30 ans
49, implique des opérations de maintenance lourde,
sources d’aléas, qui rendent le redémarrage des réacteurs plus difficile, notamment en raison du remplacement de gros équipements.
La standardisation des procédures de maintenance, définie de manière excessivement centralisée, a parfois négligé les contraintes d’exploitation locales. Ainsi, par exemple, celles liées à la corrosion sont plus fortes pour une centrale proche de la mer et nécessitent des actions spécifiques.
La politique de forte externalisation des opérations de maintenance suivie des départs à la retraite d’une proportion importante d’agents expérimentés dans le nucléaire, non systématiquement remplacés, dans les années 2000, a entraîné une perte de compétences internes pour EDF.
Enfin, les seules dépenses annuelles d’investissement pour la maintenance des centrales ont évolué lentement jusqu’en 2007, sans dépasser 800 M€, en raison de la priorité donnée par EDF à ses investissements internationaux. Ce niveau était insuffisant pour répondre aux besoins du parc. Il a considérablement augmenté par la suite, jusqu’à atteindre 4,40 Md€2013, ce qui a permis de redresser les indicateurs de performance.
48 La tranche est une unité de production d’électricité, qui comprend le réacteur et
l’ensemble des équipements nécessaires à son fonctionnement. Les centrales d’EDF
comptent entre deux et six tranches. 49 Les réacteurs du parc d’EDF ont été mis en service entre 1977 et 1999. Il regroupe
34 réacteurs de 900 MW, 20 réacteurs de 1 300 MW et 4 réacteurs de 1 400 MW dont
les âges moyens sont respectivement de 34, 28 et 18 ans en 2015.
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LA MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES :
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Graphique n° 1 : évolution des dépenses d’investissements
de maintenance des centrales nucléaires (en M€ courants)
Source : Cour des comptes
* prévision 2014.
2 - Une amélioration des indicateurs depuis 2011
mais des efforts à consolider
La qualité de la maintenance d’une centrale nucléaire peut être
appréciée à partir des indicateurs de référence mesurant la capacité de
cette dernière à produire de l’électricité dans les conditions de sûreté
réglementaires et à des coûts maîtrisés.
Premier indicateur de l’amélioration de cette qualité, la capacité
technique des réacteurs à produire de l’électricité se redresse après une
période de dégradation. D’une part, le coefficient de disponibilité50
, qui
ne prend en compte que les indisponibilités techniques (arrêts
programmés et fortuits) et caractérise donc la performance industrielle
d’une centrale, a cessé de se dégrader et s’est maintenu au-dessus d’un
plancher de 78 %, niveau dépassé en 2011 et 2014 (80 %). Il reste
néanmoins inférieur au taux de 83,6 % atteint en 2006.
50 Le coefficient de disponibilité est le pourcentage de l’énergie maximum pouvant
être produite si les capacités installées fonctionnent toute l’année.
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Graphique n° 2 : évolution du coefficient de disponibilité
du parc nucléaire français
Source : Cour des comptes d’après données EDF
D’autre part, le coefficient d’indisponibilité fortuite qui mesure le
taux d’arrêts fortuits sur les installations et constitue donc également un
indicateur de l’efficacité de la maintenance, tant au niveau préventif que
curatif, est passé de 5,2 % en 2010 à 2,4 % en 2014.
La sensibilité de telles mesures est particulièrement élevée
puisqu’une augmentation du taux de disponibilité des réacteurs de 2 %
représente la production annuelle d’un réacteur de 1 300 MW et un
chiffre d’affaires potentiel de près de 340 M€ sur le marché intérieur et à
l’exportation.
La sûreté nucléaire est un deuxième indicateur de la qualité de la
maintenance qui s’impose à EDF. Au niveau international, l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA) a constaté la conformité de
l’exploitation du parc des réacteurs français à ses standards51
. Au niveau
national, la sûreté nucléaire est mesurée de façon continue par l’Autorité
de sûreté nucléaire (ASN) et elle est, jusqu’à présent, conforme aux
référentiels normatifs français.
51 Lors d’un audit mené pour la première fois en 2014 (Corporate Operational Safety
Review Team OSART).
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Comme tout opérateur nucléaire, EDF doit déclarer à l’ASN les événements significatifs qui surviennent dans les centrales nucléaires et chacun fait l’objet d’un classement par l’ASN sur l’échelle internationale de gravité des événements nucléaires
52. Au cours des dix dernières
années, un seul événement de niveau 2 est survenu. Les autres événements, de niveau 0 ou 1 et liés, pour moitié, à des opérations d’exploitation ou de maintenance, ont connu une évolution à la hausse depuis 2004. Le maintien du niveau de sûreté atteint jusqu’à présent implique donc une vigilance constante de la part d’EDF.
S’agissant du coût de maintenance et d’exploitation des centrales, une étude comparative des parcs des centrales nucléaires américaines et françaises sur la période 2003 à 2012, menée par l’association internationale EUCG (Electric Utility Cost Group)
53, a mis en évidence
de meilleurs résultats pour le parc français.
Enfin, un indicateur interne à EDF, le « temps métal », est représentatif du degré d’organisation des opérations de maintenance lors d’un arrêt de réacteur. Il mesure le temps effectif passé par un agent d’EDF ou un prestataire extérieur à accomplir le geste professionnel. Il exclut donc le temps passé, par exemple, en formalités administratives ou d’accès au site. Le « temps métal » des prestataires de maintenance ne dépasse pas 50 %. Il pourrait être augmenté significativement, notamment en réduisant le temps d’attente de leurs agents.
B - Les mesures prises par EDF pour améliorer
la maintenance de son parc nucléaire
1 - Une meilleure coordination nationale et locale
Pour répondre à la dégradation de la performance de son parc de
réacteurs nucléaires tout en préparant la prolongation de leur durée de
fonctionnement, EDF a lancé, en 2011, le projet « Grand Carénage » qui
doit s’exécuter jusqu’en 2025. Il couvre l’ensemble des investissements
de maintenance des centrales nucléaires et est considéré par EDF comme
un projet industriel unique, depuis les études d’ingénierie jusqu’à la mise
en œuvre concrète sur les sites.
52 Échelle INES (International Nuclear Events Scale) qui compte huit niveaux gradués
de 0 à 7, ce dernier correspondant aux événements les plus graves. Les niveaux 0 et 1
correspondent à des niveaux de simple information, en général liés, s’agissant de la
maintenance, à des opérations non conformes à un référentiel de qualité. 53 EUCG Incorporated (Electric Utility Cost Group) est une association enregistrée
aux États-Unis, à but non lucratif et regroupant l’ensemble des producteurs
d’électricité américains ainsi qu’une dizaine d’exploitants internationaux.
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Sur le plan organisationnel, le « Grand Carénage » s’est traduit par
la mise en place, au niveau national, d’une instance spécifique54
qui doit
coordonner et arbitrer en permanence les projets selon les ressources
humaines et financières disponibles. Ce schéma a été reproduit au niveau
local, pour chaque centrale nucléaire. En outre, les équipes chargées de la
maintenance ont été renforcées soit par des créations de postes, soit par la
mise en place de services d’appui mutualisés.
2 - Une organisation révisée des arrêts de réacteurs
Le volume des travaux de maintenance augmente avec l’âge des
réacteurs nucléaires. Afin de limiter la durée des arrêts et donc de la
production électrique, tout en améliorant la qualité des interventions, EDF
a cherché à en optimiser l’organisation.
L’entreprise a donc, en 2014, accordé la priorité à la maîtrise
industrielle des arrêts de tranche. Des postes ont été créés pour faciliter
les opérations de maintenance et un centre opérationnel de pilotage a
également été mis en place. Il est destiné à traiter les alertes de manière
plus réactive et à mieux anticiper les activités. Selon l’entreprise, le
nombre des interventions sur les installations a été réduit d’au moins
10 % et leur programmation a aussi été optimisée.
3 - Une gestion rénovée des équipements
Fin 2007, EDF a adopté une nouvelle politique de suivi des
équipements, inspirée d’une méthodologie mise en œuvre par l’industrie
nucléaire américaine55
. Elle vise à adapter en permanence les
programmes de maintenance des matériels à enjeux en fonction des
contraintes locales réelles. Le déploiement de cette méthodologie a induit
un accroissement significatif des opérations de maintenance.
EDF a également renouvelé la gestion de ses pièces de rechange.
Avant 2010, chaque site gérait un stock local, mais, selon EDF, la
disparité des nomenclatures rendait difficile la vision globale et la gestion
des urgences. À partir de cette date, la gestion des pièces de rechange a
commencé à être intégrée dans sa politique de maintenance, avec la
volonté d’homogénéiser les pratiques et de regrouper les commandes aux
fournisseurs. L’entreprise a donc désigné un de ses services centraux,
responsable de l’approvisionnement de toutes les pièces de rechange.
54 L’instance de commandite technique (ICT). 55 Méthodologie dite « AP913 ».
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Enfin, les technologies utilisées au sein des centrales nucléaires ont
évolué avec le temps, rendant certains équipements obsolètes, notamment
les composants électriques et électroniques. EDF a donc mis en place une
politique de traitement de l’obsolescence des matériels, basée sur
l’analyse au cas par cas de la meilleure stratégie à adopter, soit l’achat et
le stockage préventif, soit la recherche d’un produit de substitution.
C - La maîtrise des conditions d’externalisation
doit rester une priorité pour EDF
1 - Le cadre d’intervention des prestataires externes
EDF externalise 80 % des opérations de maintenance. Ces
opérations sont confiées à des prestataires externes dans le cadre des
règles de concurrence et de transparence fixées par une directive
européenne56
et transposée en droit interne par une ordonnance de 200557
.
Ces règles sont complétées par un cahier des charges social élaboré
par le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN), que les
exploitants58
peuvent intégrer dans leurs appels d’offres pour toutes les
activités de services et de travaux sur les installations nucléaires. Il vise à
garantir la transparence des procédures d’achat, un niveau élevé de
qualification et de bonnes conditions d’intervention et de sécurité des
prestataires. Depuis 2013, ce cahier des charges social a été intégré par
EDF dans ses consultations et appels d’offres en tant que pièce
contractuelle.
56 Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004
portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de
l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. 57 Ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes
publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et ses décrets
d’application (décrets du 20 octobre 2005 et du 30 décembre 2005). 58Au-delà d’EDF, le terme désigne les organismes, comme le CEA, AREVA ou
encore l’ANDRA, chargés d’exploiter des installations mettant en jeu des substances
radioactives et appelées « installations nucléaires de base » (INB) soumises à la loi du
13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN).
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Dans ce cadre, EDF a mis en place des systèmes de qualification59
des entreprises à qui elle confie, par contrats, des prestations sur les centrales du parc nucléaire.
Par ailleurs, les entreprises prestataires doivent respecter la charte de progrès et de développement durable d’EDF, signée par 13 organisations professionnelles. Elle vise à améliorer la radioprotection des intervenants, à détecter d’éventuelles situations anormales de sous-traitance et à garantir la sûreté nucléaire. Enfin, en raison de l’intermittence des interventions des salariés des entreprises sous-traitantes, elle cherche à accroître la stabilité de leurs emplois.
Dans le prolongement de cette charte, en octobre 2006, EDF et trois organisations syndicales ont signé un accord sur la sous-traitance socialement responsable, afin de garantir aux entreprises et à leurs salariés que les interventions pour le compte d’EDF s’effectuent dans les meilleures conditions d’emploi, de qualification, de travail et de sécurité, en toute connaissance des risques inhérents aux activités exercées.
Enfin, les intervenants des entreprises prestataires sont soumis à des obligations de formation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection, d’assurance-qualité avec une « habilitation nucléaire ». La réalisation effective de ce cursus est vérifiée lors des formalités d’accès sur les sites. Au total, le cursus de formation des prestataires aux spécificités du nucléaire a représenté 866 000 heures de formation en 2013, délivrées par des organismes de formation audités par EDF.
2 - Les indicateurs de protection des travailleurs :
encore des marges de progrès
Des indicateurs de sûreté, fixés et mesurés sous le contrôle de
l’ASN et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)60
,
permettent d’apprécier les conditions de travail dans les centrales
nucléaires.
59 La qualification d’une entreprise est délivrée à la suite d’une évaluation fondée sur ses
capacités techniques (capacités humaine, matérielle et organisationnelle et maîtrise de sa
propre sous-traitance), socio-économique (management, solidité financière, portefeuille
des clients et activités, existence d’une grille salariale), son traitement de la sécurité, de
la radioprotection et de l’environnement (notamment pour les activités en zone nucléaire
via la certification CEFRI 2 du Comité français de certification des entreprises pour la
formation et le suivi des personnels travaillant sous rayonnements ionisants) et sa culture
de la sûreté et de la qualité (respect de la norme ISO 9001 complétée en tant que de
besoin par des référentiels EDF supplémentaires). 60 Établissement public à caractère industriel et commercial qui exerce des missions
d’expertise et de recherche sur l'ensemble des risques liés aux rayonnements naturels
et aux rayonnements ionisants de l'industrie et de la médecine.
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L’exposition individuelle aux rayonnements ionisants (« dosimétrie individuelle »)
61 est le principal indicateur de la capacité
d’EDF à garantir la sécurité des travailleurs intervenant en zone exposée. Au cours de la période 2005-2013, aucune exposition individuelle supérieure à la limite réglementaire
62 pour les travailleurs du nucléaire
n’a été enregistrée. Par ailleurs, le nombre de personnes ayant reçu une dose comprise entre 16 et 20 mSv est passé de 28 en 2005 à 0 en 2013. Ce résultat a été relevé par l’Inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection (IGSNR)
63 et l’ASN dans leurs rapports respectifs.
La dosimétrie collective mesure la dose totale reçue par l’ensemble des personnels intervenant dans les centrales sur une année. Elle tend à augmenter ces dernières années, mais elle est à mettre en rapport avec le volume de maintenance, qui a également augmenté. L’ASN a signalé l’augmentation, plus importante que prévu, de la dosimétrie collective par réacteur d’environ 18 % par rapport à l’année 2012. Elle a considéré qu’EDF devait « accentuer ses actions pour limiter l’augmentation attendue de la dosimétrie collective ».
Le taux de fréquence des accidents du travail, mesuré par l’ASN64
, a régulièrement diminué de 2004 à 2013, malgré augmentation du volume de maintenance. Ainsi, en 2013, il s’élevait à 3,3 accidents avec arrêt pour un million d’heures travaillées, contre 5,5 en 2004. Mais, comme le soulignait l’IGSNR dans son rapport sur l’année 2013, outre la survenance de trois accidents mortels
65, cette valeur globale cache toutefois de fortes disparités
entre les sites (entre 1 et 9,2), d’autant plus que le niveau des résultats enregistrés sur certains sites fluctue également. Il explique cette situation par l’insuffisante implication de l’encadrement sur cette question et par la prolongation des arrêts de tranche. Ces constats illustrent des faiblesses d’organisation que l’entreprise doit encore corriger.
61 L’unité de mesure de la dosimétrie est déclinée en millisievert (mSv) pour la
dosimétrie individuelle et hectosievert (hSv) pour la dosimétrie collective. La mesure
de la dosimétrie individuelle est réalisée par l’IRSN à partir de l’exploitation des
dosimètres passifs portés en permanence et obligatoirement par les travailleurs du
nucléaire. Les données sont enregistrées dans le système SISERI géré par l’IRSN et
font l’objet d'une publication annuelle. La dosimétrie collective est calculée par EDF
sous le contrôle de l’IRSN. 62 Vingt millisievert (mSv) mesurés sur 12 mois glissants. 63 Organe de contrôle interne rendant compte directement au président-directeur
général d’EDF. Il élabore un rapport annuel rendu public. 64 En application de l’article R. 8111-11 du code du travail, l’Autorité de sûreté
nucléaire est chargée de l’inspection du travail pour l’exploitant EDF. 65 Les accidents sont survenus dans les centrales de Cattenom et de Chinon par la
chute d’une nacelle d’entretien et un accident de grue. Aucun accident mortel n’est
survenu en 2014.
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Enfin, depuis 2000, EDF conduit chaque année une enquête
anonyme auprès de plus de 2 000 prestataires, dont les résultats sont
exploités par le centre de recherche en gestion de l’École polytechnique.
Cette compilation donne lieu à la parution d’un baromètre annuel des
prestataires. Celui-ci fait apparaître une amélioration lente, mais régulière
de la satisfaction globale des prestataires depuis plusieurs années. Elle
atteint un niveau de 78 % en 2013, dont 90 % au titre de la sécurité.
II - Un programme de maintenance ambitieux
mais soumis à de nombreuses incertitudes
A - Un projet visant à sécuriser la production
d’électricité
1 - Un programme global de maintenance construit
sur une prolongation de la durée d’exploitation
des cinquante-huit réacteurs nucléaires français
La réglementation française n’impose aucune limite à la durée
d’exploitation des réacteurs nucléaires, mais la conditionne au respect des
normes de sûreté imposées par les prescriptions de l’ASN.
Le projet de maintenance d’EDF a pour objectif de permettre au parc
actuel d’être exploité avec le meilleur rendement, si possible au-delà de 40
ans, durée pour laquelle les réacteurs d’EDF ont été conçus dès l’origine.
Le projet s’échelonne sur une longue période, puisque les réacteurs les plus
récents pourraient encore fonctionner jusqu’en 2050 et au-delà66
.
Afin d’y parvenir et d’optimiser l’organisation des opérations de
maintenance, leurs coûts et leurs effets sur la capacité de production
d’électricité, EDF a élaboré son projet sur le long terme67
et à l’échelle
des besoins pour l’ensemble du parc existant de 58 réacteurs.
66 Le plus récent des 34 réacteurs de 900 MW pourrait obtenir en 2017 l’autorisation de
poursuivre son exploitation au-delà de 30 ans pour 10 ans supplémentaires. Pour les plus
anciens réacteurs de 900 MW, les autorisations de poursuite d’exploitation au-delà de 40
ans pourraient être délivrées entre 2019 et 2030. Les autorisations pour une exploitation
au-delà de 30 ans des 20 réacteurs de 1 300 MW pourraient être délivrées entre 2015 et
2023, celles des quatre réacteurs de 1 400 MW à partir de 2028. 67 Les opérations de maintenance sur le parc sont programmées par EDF jusque dans
les années 2030 et suivantes. En 2030, le parc nucléaire actuellement en service aurait
un âge moyen de 45 ans.
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2 - Des dépenses importantes programmées entre 2014 et 2030
La réalisation du programme de maintenance du parc nucléaire
d’EDF pourrait atteindre 100 Md€2013 entre 2014 et 2030, soit 1,7 Md€2013
en moyenne par réacteur. Un quart sont des dépenses d’exploitation
(25 Md€2013) et les trois autres quarts, des dépenses d’investissement
(75 Md€2013).
Les investissements sont liés, pour la moitié de la somme environ,
à la sûreté des réacteurs. Dans cette catégorie, le principal poste de
dépenses concerne les contrôles réglementaires et les épreuves des
appareils à pression ainsi que le déploiement des nouveaux référentiels de
sûreté. L’autre poste significatif regroupe les modifications à apporter aux
installations nucléaires consécutivement à l’accident de Fukushima. Elles
concernent essentiellement la mise en place d’une Force d’action rapide
nucléaire (FARN) et la réalisation du « noyau dur » 68
prescrit par l’ASN.
L’autre moitié du montant des investissements est nécessaire pour
permettre le maintien de la production d’électricité. Ils concernent
essentiellement des opérations de remplacement ou de rénovation de
composants lourds tels que les générateurs de vapeur, les alternateurs, les
transformateurs ou encore des opérations de maintenance lourde sur
certains composants tels que les aéroréfrigérants. Elle exclut la cuve et
l’enceinte de confinement des réacteurs, qui sont les seuls composants
non remplaçables d’une centrale nucléaire.
3 - Une baisse de production aurait des conséquences
plus importantes sur les coûts que la hausse des dépenses
de maintenance
Le coût de production de l’électricité nucléaire a connu une hausse importante entre 2010 et 2013, passant de 49,6 €/MWh à 59,8 €/MWh, notamment en raison de la forte hausse des investissements de maintenance. Sur la base des derniers paramètres disponibles au second
68 Ensemble de « dispositions matérielles et organisationnelles robustes visant, pour
les situations extrêmes étudiées dans le cadre des Évaluations Complémentaires de
Sûreté, à prévenir un accident avec fusion du combustible ou en limiter la progression,
limiter les rejets radioactifs massifs et permettre à l’exploitant d’assurer les missions
qui lui incombent dans la gestion d’une crise » – décisions de l’ASN de juin 2012 et
janvier 2014.
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semestre 2014, le coût de production peut être évalué à 62,6 €2013/MWh pour une production annuelle moyenne de 410 TWh
69.
En raison d’une quasi stabilité du budget annuel d’investissements de maintenance, à hauteur de 4,40 Md€2013 sur la période 2014-2030, et de la part relativement limitée de ces dépenses dans le total du coût de production, le projet industriel d’EDF ne devrait avoir qu’un impact limité sur ce dernier
70.
Dans une vision pessimiste, l’hypothèse d’une augmentation de 50 % des investissements
71 porterait le coût de production à
65 €2013/MWh, soit moins de 5 % de hausse. Dans le cas d’une augmentation de 100 %, le coût de production atteindrait 70 €2013/MWh, soit une hausse de 12 %.
À titre de comparaison, à parc constant, une baisse de 50 % de la production moyenne entraînerait un doublement du coût de production (125 €/MWh). Le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire est plus sensible au volume d’électricité produite qu’au montant des investissements de maintenance. Le projet industriel de maintenance qu’EDF a défini est conçu pour permettre d’éviter toute baisse de production du parc nucléaire actuellement en service, voire d’en améliorer le niveau tout en maîtrisant les coûts.
Mais, en raison de son ampleur technique et financière, les incertitudes sont nombreuses. Elles concernent essentiellement la stratégie industrielle du groupe EDF, l’évolution du référentiel de sûreté, l’évaluation des opérations et l’entrée en vigueur des dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
69 Production estimée pour le parc des centrales nucléaires existant au 31 décembre
2014 et sur la période 2011-2025. 70 Par rapport aux coûts d’exploitation et au loyer économique. Cf. Cour des comptes,
Rapport public thématique : Les coûts de la filière électronucléaire et Communication
à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : Le coût de production de
l’électricité nucléaire, op. cit. 71 Ce calcul a été réalisé en excluant les marges pour incertitudes et aléas. La base
d’investissements hors marges s’élève ainsi à 55,78 Md€2013 entre 2011 et 2025.
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LA MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES :
UNE POLITIQUE REMISE À NIVEAU, DES INCERTITUDES À LEVER
125
B - Les incertitudes sur la réalisation du programme
de maintenance
1 - Des besoins industriels insuffisamment anticipés
La plupart des opérations d’investissements de maintenance du
projet industriel d’EDF seront réalisées par des prestataires extérieurs. La
mise en œuvre de cette stratégie est néanmoins dépendante de la capacité
du tissu industriel à répondre aux besoins.
a) La nécessité d’externaliser les opérations de maintenance
Les opérations de maintenance réalisées lors d’arrêt de réacteur
font appel à des compétences rares dans des métiers tels que la
chaudronnerie, la robinetterie, la réparation et l’expertise. EDF ne
pourrait pas assurer une activité suffisante pour entretenir ce type de
compétences en interne. Elle fait appel à des entreprises spécialisées qui
interviennent aussi pour d’autres secteurs industriels, ce qui leur permet
de disposer d’un plan de charge suffisant.
Toutefois, EDF doit s’assurer de conserver des compétences lui
permettant d’exercer sa responsabilité de maître d’ouvrage (rédaction des
cahiers des charges, définition et mise en œuvre des programmes de
surveillance, notamment).
Par ailleurs, les arrêts de réacteur pour raison de maintenance, sont,
pour la plupart, réalisés sur une période de huit mois, entre mars et
octobre, période pendant laquelle la demande en électricité est la moins
forte. Cette saisonnalité nécessite, dans des délais courts, un apport très
important de main d’œuvre qualifiée. Ainsi, une visite décennale d’un
réacteur, indispensable pour que l’autorisation de poursuivre son
fonctionnement soit donnée par l’ASN, nécessite l’intervention de plus de
1 500 salariés dans les différents métiers.
Ces dernières années, entre 22 000 et 23 000 salariés extérieurs ont
ainsi été régulièrement mobilisés par les entreprises prestataires sur les
sites nucléaires. Ils travaillent aux côtés de près de 11 000 salariés d’EDF
qui assurent la maintenance quotidienne des unités en fonctionnement, la
préparation, le pilotage et la vérification de la bonne exécution des
interventions durant les arrêts programmés pour maintenance.
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COUR DES COMPTES
126
b) Des ressources humaines insuffisantes
L’ensemble des projets industriels d’EDF et leurs répercussions sur
la filière nucléaire devraient nécessiter 110 000 recrutements d’ici 202072
dans les emplois directs et indirects73
, dont environ 70 000 recrutements
allant du niveau Bac professionnel au niveau Bac + 3, dans un contexte
de forte tension pour les recrutements de profils techniques. Près des deux
tiers des entreprises de la filière connaissent, en effet, des difficultés de
recrutement en personnel qualifié dans plusieurs segments industriels,
notamment techniques, comme la tuyauterie-soudage ou encore la
robinetterie, mais aussi dans les bureaux d’étude.
EDF a également identifié une faiblesse de la ressource
d’encadrement, générale à tous les segments, alors même que les délais
de formation sont longs (3 à 5 ans). Plus généralement, l’entreprise
considère que les capacités des dispositifs de formation sont
sous-dimensionnées.
La filière nucléaire est donc confrontée à un défi, puisque les
capacités des entreprises, déjà en deçà des besoins actuels d’EDF, sont
appelées à augmenter considérablement avec le programme « Grand
Carénage ».
c) Les actions entreprises
Face à ces difficultés, EDF organise des séances d’information et
annonce la publication future de ses consultations au Journal officiel de
l’Union européenne (JOUE) pour impliquer le plus en amont possible ses
entreprises partenaires. EDF anticipe également l’augmentation de son
activité de maintenance en établissant des contrats cadres avec les
prestataires sur les segments stratégiques, afin de les fidéliser et de leur
assurer une visibilité à moyen terme sur leur activité.
Mais l’action d’EDF ne peut aboutir sans l’implication des
pouvoirs publics (éducation nationale, régions, service public de l’emploi,
etc.) et des acteurs de la filière nucléaire. Il est notamment nécessaire de
mettre en place des formations et de les promouvoir.
72 Source : Comité stratégique de la filière nucléaire de juillet 2013 du Conseil
national de l’industrie (ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique). 73 Y compris pour répondre aux besoins du groupe dans ses nouveaux projets
nationaux et à l’export.
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UNE POLITIQUE REMISE À NIVEAU, DES INCERTITUDES À LEVER
127
Dans le cadre des « États généraux de l’industrie », un Comité
stratégique de la filière nucléaire (CSFN), réunissant l'ensemble des
acteurs de la filière nucléaire74
a été mis en place. Placé sous la
présidence du ministre chargé de l’industrie et la vice-présidence du
président-directeur général d’EDF, il a pour mission de renforcer les
relations et les partenariats entre les différents acteurs de l'industrie
nucléaire. Son plan d’action s’articule autour de l’emploi et de l’activité,
la structuration, l’innovation et le développement de la filière.
Mais, malgré ces initiatives, la mobilisation des acteurs n’est pas à
la hauteur des enjeux en matière de recrutement et de formation. L’État
peine à se mobiliser, notamment en matière de formation professionnelle.
La planification d’un programme de formation n’a été jusqu’ici réalisée
qu’en région Bourgogne. Il devrait être poursuivi et décliné dans les
autres régions en fonction des besoins du « Grand Carénage ».
2 - Les incertitudes liées au référentiel de sûreté nucléaire
La moitié des investissements relatifs à la maintenance correspond
à des investissements de sûreté, qu’ils soient réalisés à la suite de la
catastrophe de Fukushima ou pour obtenir l’autorisation de prolonger la
durée d’exploitation des réacteurs.
Les solutions techniques de maintenance retenues par EDF doivent
être validées par l’ASN qui considère que chaque réacteur nucléaire en
service, même parmi les plus anciens, doit pouvoir répondre aux
dernières exigences de sûreté, avant d’être autorisé à fonctionner pour une
durée supplémentaire de dix années.
EDF et l’ASN ont mis en place une procédure d’échanges, afin
d’examiner et de programmer les actions à entreprendre. La plus grande
part du programme des modifications à apporter aux réacteurs les plus
anciens75
devra être validée avant la fin 2018. Or des impératifs
techniques nouveaux, que l’entreprise n’aurait pas envisagés, pourraient
encore survenir et être imposés par l’ASN.
En conséquence, les incertitudes relatives au référentiel de sûreté
pourraient modifier le projet industriel d’EDF, tant dans son calendrier,
74 Sociétés d’ingénierie, fournisseurs de services, fabricants d’équipements,
entreprises du cycle du combustible, donneurs d'ordres, sous-traitants, organisations
syndicales représentatives des salariés. 75 Trente-quatre réacteurs d’une puissance de 900 MW.
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128
ses options techniques que son coût. Le niveau de marge pour aléas fixé
par EDF, pour les opérations en arrêt de tranche comme pour celles
relevant du domaine post-Fukushima, est censé pouvoir y répondre, sans
être en mesure d’en chiffrer finement les conséquences. Mais cette
provision forfaitaire ne couvre pas certains aléas76
qui sont à ce jour hors
devis et qu’EDF estime, au minimum, à 5 Md€2013.
3 - Une évaluation des paramètres du projet à améliorer
Comme tout projet industriel, le programme de maintenance est
soumis à des incertitudes d’autant plus importantes que le terme de sa
réalisation est lointain. Les évaluations actuelles des coûts futurs
d’investissements intègrent un niveau important de marges pour aléas et
incertitudes. Elles représentent 13,30 Md€2013 entre 2014 et 2030 et leur
proportion, par rapport au coût total du projet, augmente de façon
significative à compter de 2020, passant d’environ 15 % en 2014 à 24 %
en 2030.
Néanmoins, EDF reconnaît ne pas être en mesure d’estimer avec
précision certaines opérations de maintenance en raison des insuffisances
de son modèle d’évaluation des coûts et malgré la mise en place de
cellules d’évaluation spécialisées. EDF doit donc améliorer ce dernier et
effectuer une mise à jour permanente de ses prévisions.
4 - Les conséquences de la loi relative à la transition énergétique
pour la croissance verte
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte se donne pour ambition de définir une stratégie
énergétique nationale et apporte, à ce titre, des éléments de visibilité à
moyen et long termes et les outils de programmation pour la décliner77
.
La loi ne comporte pas de disposition sur la durée d’exploitation
des centrales. L’autorisation de leur exploitation et de leur prolongation
76 Niveaux sismiques extrêmes sur certains sites, températures extrêmes par exemple. 77 La loi prévoit notamment une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui
établit les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des
formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental. Tout exploitant produisant
plus du tiers de la production nationale d’électricité doit établir un plan stratégique qui
prend en compte les orientations de la PPE, dans les six mois de son approbation.
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UNE POLITIQUE REMISE À NIVEAU, DES INCERTITUDES À LEVER
129
continue de dépendre du respect par EDF du référentiel de sûreté accepté
par l’ASN et des décisions de cette dernière quant à la fermeture ou non
de chaque réacteur.
Pour autant, la loi a modifié deux articles du code de l’énergie qui
devraient avoir pour conséquence une fermeture de réacteurs avant
l’échéance potentielle envisagée par EDF et nécessiter, de sa part, une
profonde révision de son programme de maintenance de l’ensemble du
parc nucléaire. En effet, comme il a été indiqué ci-dessus, le programme
de maintenance a été conçu pour permettre d’éviter toute baisse de
production du parc nucléaire actuellement en service. Toute réduction de
la production aurait un impact sur les coûts de l’électricité, sur le chiffre
d’affaires de l’entreprise et donc sur l’équilibre économique et financier
du programme. La Cour a cherché à en mesurer les impacts pour EDF et
son programme de maintenance des centrales nucléaires.
a) Deux dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour
la croissance verte pourraient réduire la durée potentielle de
fonctionnement de plusieurs réacteurs
L’article L. 311-5-5 du code de l’énergie dispose qu’une
autorisation administrative indispensable à l’exploitation d’une
installation de production d’électricité « ne peut être délivrée lorsqu’elle
aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production
d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 GW ».
Le plafonnement de la capacité nucléaire correspond à la puissance
du parc aujourd’hui installé. L’entrée en exploitation du futur EPR de
Flamanville, d’une puissance de 1,65 GW, devrait donc avoir pour
conséquence d’imposer à EDF de proposer l’arrêt d’un ou, probablement,
de deux réacteurs. Leur fermeture devrait intervenir avant l’année de mise
en service de l’EPR dont le report à 2018 a été annoncé en septembre
201578
. Mais, en octobre 2015, EDF a adressé au ministère chargé de
l’énergie une nouvelle demande de report à 2020. Dans ce cadre, et pour
respecter l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie, l’entreprise déclare se
préparer « à étudier l’unique hypothèse de la fermeture des deux réacteurs
900 MW du site de Fessenheim » 79
.
78 Communiqué de presse d’EDF du 3 septembre 2015. 79 Le ministère chargé de l’énergie a accusé réception de la demande de report dans un
courrier du 15 octobre 2015 et précisé que la demande engageant la procédure de
fermeture des deux réacteurs de Fessenheim devrait être déposée avant juin 2016.
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130
L’article L. 100-4 (5°) du code de l’énergie dispose que la
politique énergétique nationale a notamment pour objectif de réduire la
part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon
202580
. À hypothèses constantes de consommation et d’exportation
d’électricité à cet horizon, l’objectif fixé par la loi aurait pour
conséquence de réduire d’environ un tiers la production nucléaire, soit
l’équivalent de la production de 17 à 20 réacteurs81.82
.
Seule une augmentation très significative de la consommation
électrique ou des exportations serait de nature à limiter le nombre des
fermetures. Or, à l’horizon 2030, l’hypothèse d’une telle augmentation
n’est pas retenue par les experts. Au contraire, le rapport Énergies 205083
confirme les équilibres actuels. En effet, sur les 21 scénarios de sources
diverses qui ont été analysés, 15 considèrent que la demande d’électricité
en France se situera, à cette date, entre 500 et 600 TWh, deux seulement
considèrent qu’elle sera supérieure.
b) Le projet de maintenance d’EDF devrait être intégralement révisé
Le plan de maintenance du parc des réacteurs nucléaires a été
conçu par EDF de façon globale, afin d’optimiser ses opérations et ses
dépenses afférentes. Il repose sur l’hypothèse du prolongement de la
80 Pour mémoire, la production nucléaire en 2014 s’est élevé à 416 TWh sur une
production électrique totale de 541 TWh, soit 77 % (source : RTE, Bilan électrique
2014). 81 Trois hypothèses ont été retenues : baisse de 5 %, stagnation et hausse de 5 % de la
production nette d’électricité par rapport à la référence 2012, soit 545 TWh (source :
CEA, Les centrales nucléaires dans le monde - Édition 2013) et un facteur de charge
de 74 %. 82 La fermeture d’une vingtaine de tranches est également la conclusion d’un rapport
parlementaire de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle
budgétaire, Rapport d’information sur le coût de la fermeture anticipée de réacteurs
nucléaires : l’exemple de Fessenheim, 30 septembre 2014. Le rapport a retenu le
scénario énergétique « Nouveau Mix » de RTE, Bilan prévisionnel de l’équilibre
offre-demande d’électricité en France - Édition 2014. La fermeture serait la
conséquence de la « diversification des modes de production et d’une stagnation de la
consommation d’électricité. Dans ce cadre, RTE anticipe une baisse de près de 37 %
de la production nucléaire pour 2030, soit un ratio du nucléaire dans le mix de
production de 50 % ». 83 Ministère de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, Énergies 2050,
février 2012. Le rapport a analysé 21 scénarios élaborés par des institutions de
sensibilités diverses : ADEME, organismes de recherches, organisations syndicales,
MEDEF, AREVA, CEA, Association Sauvons le climat, Association Négawatt,
Syndicat des énergies renouvelables, etc.
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UNE POLITIQUE REMISE À NIVEAU, DES INCERTITUDES À LEVER
131
durée d’exploitation des centrales au-delà de quarante ans et du maintien
du parc dans son périmètre actuel.
Or la Cour avait déjà relevé84
que, pour un industriel « classique »,
les investissements de maintenance85
« ne seraient réalisés qu’avec la
perspective qu’ils pourront être amortis « normalement », c’est-à-dire
avec des durées d’exploitation des réacteurs supérieures à 40 ans. Sinon,
sauf « obligation » de faire fonctionner les centrales jusqu’à 40 ans, une
grande partie de ces investissements ne seraient pas réalisés : ils
pourraient soit être remplacés, pour certains, par des investissements
moins coûteux, mais à durée de vie plus courte (et probablement moins
productifs), soit provoquer l’arrêt des réacteurs en cas de panne.
La perspective de fermeture de plusieurs réacteurs implique la
nécessité pour l’entreprise d’élaborer un nouveau programme de
maintenance, afin d’assurer que les réacteurs encore en service produisent de
l’électricité dans des conditions de sûreté et avec une rentabilité suffisantes,
tout en l’adaptant aux réacteurs dont la fermeture est programmée.
c) Les conséquences économiques d’une modification du projet de
maintenance ne sont pas encore évaluées
Aucune évaluation n’a encore été réalisée, ni par l’État, ni par
EDF, sur les conséquences économiques potentielles de l’application de
la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
La Cour a procédé à des estimations à partir de conventions de
calcul, arrêtées sur la base de données propres au parc actuellement en
service et aux prévisions de dépenses de maintenance retenues dans le
projet industriel d’EDF. Elles permettent de mettre en évidence que les
enjeux s’élèvent à plusieurs milliards d’euros par an.
Ainsi, le plafonnement de la puissance nucléaire à 63,2 GW
implique qu’EDF adapte son projet pour éviter des dépenses inutiles sur
le ou les réacteurs concernés. Au regard des dépenses d’exploitation et
d’investissements de maintenance, évaluées sur la période 2014-2030 à
1,72 Md€2013 par réacteur, le montant des dépenses pour les deux
réacteurs, dont la fermeture est évoquée plus haut, peut être estimé à
3,44 Md€2013.
84 Cf. Cour des comptes, Communication à la commission d’enquête de l’Assemblée
nationale : Le coût de production de l’électricité nucléaire, op. cit. 85 Autres que ceux liés à la sûreté qui doivent être réalisés quelle que soit l’échéance
du fonctionnement des installations.
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COUR DES COMPTES
132
Le plafonnement de puissance fait également supporter à l’État le
risque de devoir indemniser le préjudice subi par EDF. À cet égard, le
Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 201586
, a rappelé que
la loi de transition énergétique ne méconnaissait pas le droit d’EDF de
prétendre à une indemnisation.
Mais l’ampleur des conséquences financières du plafonnement de
puissance serait inférieure à celle de la réduction à 50 % de la part du
nucléaire dans la production, dans la mesure où 17 à 20 réacteurs
pourraient être arrêtés87
.
En effet, d’une part, la décision d’arrêt de réacteurs nucléaires
aurait un effet sur le résultat d’EDF par la réduction des charges et des
produits liés à leur exploitation. Elle aurait également pour effet
d’anticiper leurs charges de démantèlement. Ainsi, dès 2025, à supposer
que le fonctionnement actuel perdure jusqu’en 2024, les charges
d’exploitation pourraient être réduites jusqu’à 3,9 Md€ courants88
annuels
et les pertes de recettes pour EDF pourraient s’élever annuellement
environ à 5,7 Md€ courants89
.
D’autre part, la décision d’arrêt des réacteurs aurait pour
conséquence de réduire le montant des investissements nécessaires à leur
maintenance, sans pour autant mettre fin à toutes les dépenses de ce type
en raison du délai nécessaire à la fermeture effective des réacteurs et,
notamment, des charges liées aux obligations de sûreté qu’EDF doit
86 Décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, Journal officiel n° 0189 du 18 août
2015. 87 Les conséquences ne peuvent être estimées en valeur absolue et globale dans la
mesure où le calcul nécessiterait de connaître précisément le calendrier des fermetures
d’ici 2025 et de considérer que les autorisations de poursuite d’exploitation auraient
toutes été délivrées par l’ASN jusqu’au terme potentiel de fonctionnement, ce qui ne
peut être assuré. 88 Sur la base des travaux de la Cour sur le coût du nucléaire, les charges économisées
par EDF peuvent être estimées à 27,6 € courants/MWh, soit 24,4 €/MWh de charges
d’exploitation, auxquels s’ajoutent 3,2 €/MWh de provisions pour gestion des déchets
et des combustibles usés. Le calcul est réalisé pour une production annuelle de
410 TWh. 89 Le prix de vente retenu pour réaliser le calcul est celui de l’ARENH (Accès régulé à
l’électricité nucléaire historique) qui permet à des fournisseurs d’électricité autre
qu’EDF de bénéficier de la compétitivité du parc historique des réacteurs nucléaires
d’EDF.
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UNE POLITIQUE REMISE À NIVEAU, DES INCERTITUDES À LEVER
133
continuer d’assurer. Le poids des investissements de maintenance pourrait
ainsi être diminué jusqu’à 1,5 Md€ annuels90
.
Le patrimoine d’EDF serait également réduit de la valeur des actifs
de production fermés et la perte de valeur pourrait être évaluée entre
1,7 Md€ et 2 Md€201391
annuels.
Enfin, les estimations de la Cour ne tiennent pas compte des effets
des fermetures potentielles des réacteurs sur le coût de l’énergie et donc
sur l’emploi et la croissance, ni des éventuelles compensations que EDF
pourrait obtenir de l’État et dont le montant ne peut être encore évalué.
En outre, l’entreprise pourrait être amenée à indemniser les industriels
avec lesquels elle a signé des contrats d’allocation de production
électrique en contrepartie du règlement de leurs quotes-parts dans les
coûts de construction, d’exploitation et de démantèlement de tranches
nucléaires92
.
La loi a prévu que l’adoption de la programmation pluriannuelle de
l’énergie (PPE), dont l’échéance est prévue pour avril ou mai 2016, soit
assortie d’une étude sur l’impact économique, social et environnemental
de la programmation et sur la soutenabilité pour les finances publiques93
.
Au regard de leurs enjeux, les implications de la loi sur le projet de
maintenance du parc des réacteurs nucléaires devront notamment y être
spécifiquement identifiées et évaluées. Ces données sont nécessaires pour
qu’EDF puisse arrêter le volet « maintenance » du plan stratégique94
intégrant les orientations de la PPE.
90 Les dépenses d’investissements de maintenance sont estimées, entre 2014 et 2030 et
pour chaque réacteur, à 75,8 M€2013 par an soit 1,3 Md€2013 et 1,5 Md€2013 annuels
pour 17 et 20 réacteurs fermés. 91 Ce calcul a été réalisé sur la base de la valeur du loyer économique que la Cour
avait chiffré dans le rapport public thématique sur les coûts de la filière
électronucléaire, et le nombre d’années d’exploitation pendant lesquelles les réacteurs
auraient encore pu produire. Ce loyer économique annuel, pour une production de
410 TWh, s’élève à 8,29 Md€2013 pour le parc actuel dans la perspective d’une durée
de vie de 50 ans. Le calcul a été réalisé en retenant l’hypothèse théorique que les 20
tranches fermées seraient les plus anciennes (Fessenheim, Bugey, Tricastin, Blayais,
Dampierre et Gravelines 1 et 2). 92 Fessenheim 1-2, Cattenom 1-2, Bugey 2-3, Tricastin 1 à 4, Chooz B1-B2. 93 Article L. 141-3 du code de l’énergie dans sa version applicable à compter du
1er janvier 2016. 94 Article L. 311-5-7 du code de l’énergie dans sa version applicable à compter du
1er janvier 2016.
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134
_________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La politique de maintenance des centrales nucléaires d’EDF a permis jusqu’ici de répondre aux besoins de la consommation électrique
et d’exploiter le parc dans des conditions de sûreté conformes aux
exigences réglementaires et normatives qui s’imposent à EDF.
Le recours à l’externalisation, notamment, a fait l’objet d’une
attention particulière de la part de l’entreprise et, au vu des indicateurs disponibles auprès d’institutions pour la plupart externes à l’entreprise,
les interventions des prestataires externes ont été réalisées dans le
respect des normes de sûreté applicables.
L’entreprise a pu enrayer, au prix d’un effort d’investissement
accentué après 2007, la dégradation des indicateurs de performance du
parc, due pour l’essentiel à un sous-investissement dans les années 2000 et à des faiblesses dans l’organisation des arrêts de tranche.
La réalisation du programme de maintenance du parc nucléaire d’EDF pourrait atteindre 100 Md€2013 entre 2014 et 2030. Malgré les
incertitudes identifiées à ce jour, estimées environ à 13,30 Md€, les effets
de ce programme sur le coût de production de l’électricité nucléaire sont limités.
En matière d’emploi, l’enjeu représenté par le recrutement de 110 000 salariés d’ici 2020 doit être souligné, ainsi que les difficultés de
formation et de disponibilité de la main d’œuvre dans certains domaines
techniques.
La mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique pour
la croissance verte est susceptible de remettre en cause les
investissements envisagés et d’obliger l’entreprise à fermer un tiers de ses réacteurs, avec des conséquences importantes en termes d’emplois,
sans écarter l’éventualité d’une indemnisation prise en charge par l’État.
Pour autant, et malgré ces enjeux majeurs pour l’entreprise et
l’État, aucune évaluation économique de ces conséquences potentielles
n’a été réalisée avant la publication de la loi. Cette évaluation doit être réalisée à l’occasion de l’élaboration de la PPE.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
1. identifier dans l’étude d’impact de la PPE, prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ses
conséquences industrielles et financières sur le programme de maintenance des réacteurs nucléaires ;
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135
2. dans la perspective de l’élaboration du plan stratégique d’EDF, arrêté dans le cadre de la PPE, mettre à jour les évaluations des
opérations de maintenance en tenant compte des incertitudes et aléas qui leurs sont associés ;
3. en raison des difficultés attendues en matière de recrutement et de
formation, intensifier la mobilisation des acteurs de la filière, publics
et privés, visant à combler les pénuries de compétences identifiées
dans la perspective du « Grand Carénage ».
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Réponses
Réponse de la ministre de l’écologie, du développement durable
et de l’énergie ......................................................................................... 138
Réponse du président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) .............. 140
Réponse du président-directeur général d’Électricité de France (EDF) . 141
Destinataires n’ayant pas répondu
Ministre des finances et des comptes publics et secrétaire
d’État chargé du budget
Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique
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138
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE,
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE
La Cour souligne l'importance d'une exploitation efficace du parc
nucléaire, et en particulier d'un coefficient de disponibilité élevé, d'une
maintenance maîtrisée et de cellules d'évaluation des coûts. Je partage
cette préoccupation qui est l'une des clés de la maîtrise des coûts et donc
des prix de l'électricité pour les consommateurs.
La garantie d'un bon niveau de disponibilité du parc constitue un
objectif majeur poursuivi par le projet industriel de maintenance et de
rénovation du parc nucléaire historique d'EDF.
La maîtrise des coûts du programme d'investissement revêt
également une importance significative, même si le calcul du
« coût courant économique », présenté par la Cour, tend à en minimiser l'impact. À cet égard, il convient de rappeler, comme la Cour l'a noté
elle-même dans de précédents rapports, que l'approche du « coût courant économique », souvent utilisée pour comparer entre elles différentes
technologies de production, n'est pas adaptée pour fixer un tarif,
puisqu'elle ne prend pas en compte la part de l'amortissement des centrales qui a déjà été payée par le consommateur. Cela explique,
notamment, que le « coût courant économique » soit estimé par la Cour aux environs de 60 €/MWh dans son rapport, alors que l'accès régulé à
l'électricité nucléaire historique est fixé à un niveau de 42 €/MWh.
Le projet industriel de maintenance et de rénovation du parc nucléaire historique d'EDF, qui ne trouve de précédent que dans la
période de construction des réacteurs, constitue un relais d'activités
créatrices d'emplois, et sera crucial pour l'avenir de la filière nucléaire.
Aussi, je partage l'ensemble des préoccupations du rapport
relatives aux conditions de recrutement et de formation des personnels. Je souhaite que le Comité stratégique de filière nucléaire (CSF-N)
poursuive et amplifie ses efforts sur les thématiques liées au renforcement
des relations au sein de la filière, à son attractivité dans un contexte de renouvellement de génération et à la formation des personnels.
Comme le souligne la Cour, le projet industriel d'EDF va devoir
être adapté pour prendre en compte les objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les décisions à venir
dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Toutefois, dans tous les cas, EDF devra réaliser des investissements
significatifs dans son parc nucléaire.
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L'entreprise peut donc fournir, dès à présent, de premières orientations concrètes sur ce projet industriel, contribuant à la visibilité
nécessaire aux recrutements et aux investissements des acteurs de la filière.
L'article 1er
de la loi relative à la transition énergétique pour la
croissance verte prévoit un objectif de réduction de la part du nucléaire
dans la production d'électricité afin de diversifier le mix électrique en
faveur des énergies renouvelables. La Cour estime dans ses conclusions
que la satisfaction de cet objectif pourrait se traduire par la fermeture d'un tiers des réacteurs d'EDF.
Je souhaite souligner que ce calcul repose sur des hypothèses de consommation électrique et de choix de réacteurs à fermer qui sont
aujourd'hui très incertaines.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui fixera les orientations de l'État dans le domaine de l'énergie pour les prochaines
années, devra intégrer un jeu d'hypothèses qui aboutiront à considérer différents scénarios contrastés, qui seront affinés dans les PPE
successives. Ces scénarios devront prendre en compte les incertitudes
existantes, autant sur l'évolution de la demande électrique que sur celle du parc de production européen d'électricité.
EDF établira un plan stratégique présentant les actions à mettre
en œuvre pour respecter les objectifs de la PPE, dans les six mois suivant l'approbation de la programmation.
Il appartiendra donc à EDF de définir une stratégie visant à optimiser les conséquences économiques et financières des évolutions de
ses installations de production d'électricité nécessaires à l'atteinte des
objectifs de la PPE.
Le Gouvernement sera attentif à ce que le plan stratégique assure
la préservation de l'empreinte industrielle nationale de la filière nucléaire et de son excellence technique.
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RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ
NUCLÉAIRE (ASN)
Le rapport intitulé « La maintenance des centrales nucléaires : une
politique remise à niveau, des incertitudes à lever » appelle de ma part
les commentaires suivants :
1) Le rapport mentionne le rôle de l’ASN et de son appui technique
l’IRSN dans le contrôle de la sûreté des installations. Il souligne également l’accroissement considérable des investissements réalisés par
EDF sur ses installations, qui intervient de plus dans un contexte de
renouvellement des compétences et de remise à niveau du tissu industriel.
L’ASN souligne que les moyens consacrés au contrôle n’ont pas
évolué en proportion avec les projets des exploitants nucléaires. L’ASN
fait face à des enjeux sans précédent : renforcement de la sûreté des installations à la suite de l’accident de Fukushima, éventuelle
prolongation de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires, mise en service du réacteur EPR de Flamanville ou encore montée en
puissance de la problématique du démantèlement. L’ASN a souligné à
plusieurs reprises la nécessité de renforcer rapidement ses moyens humains et financiers ainsi que ceux de son appui technique, l’Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour assurer ses missions face à ces enjeux. L’ASN pourrait être contrainte dans les prochaines
années de devoir concentrer ses actions de contrôle sur les actions les
plus prioritaires en termes de sûreté.
L’ASN n’a pas d’a priori sur les modalités (budgétaires,
redevance, taxe affectée, système mixte) d’accroissement de ses moyens
humains (ETPT et masse salariale).
2) Il est mentionné à plusieurs reprises que la poursuite du
fonctionnement des réacteurs est soumise à autorisation de l’ASN. Le cadre réglementaire en vigueur ne limite pas dans le temps l’autorisation
de fonctionnement d’une installation nucléaire :
il impose un réexamen périodique de son niveau de sûreté pouvant
conduire à une évolution de ses conditions de fonctionnement. EDF
doit ainsi procéder tous les dix ans à un réexamen de la sûreté de
chacun de ses réacteurs, à l’issue duquel il transmet au ministre chargé de la sûreté nucléaire et à l’ASN un rapport présentant
notamment les dispositions qu’il envisage pour améliorer la sûreté de
ses installations. Sur la base de ce rapport, l'ASN prend position sur la poursuite de fonctionnement du réacteur et peut imposer des
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prescriptions techniques pour prévenir les risques qu’elle estime insuffisamment prévenus ;
la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique
pour la croissance verte a complété ce dispositif en soumettant à une autorisation de l’ASN, après enquête publique, les améliorations de
sûreté proposées par l’exploitant dans le cadre des réexamens de
sûreté après 35 ans.
3) Le paragraphe I.C.1.2 porte sur l’évolution des indicateurs de
sûreté mais de fait ne mentionne que des indicateurs en relation avec la protection des travailleurs : exposition individuelle, dosimétrie collective,
taux de fréquence des accidents.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
D’ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF)
EDF partage pour l’essentiel les constats de la Cour des comptes.
1 – La politique de maintenance mise en œuvre par EDF permet
d’exploiter le parc dans de bonnes conditions de sûreté et EDF a mis en place des mesures visant à en améliorer les conditions de réalisation,
comme l’illustrent les bons résultats de l’année 2014. Le projet industriel d’EDF ne devrait avoir qu’un impact limité sur le coût de production.
Le programme dit du « Grand Carénage », destiné à maintenir et
rénover le parc nucléaire existant en France et à en augmenter encore le niveau de sûreté constitue un axe fort du projet industriel d’EDF sur les
années à venir.
Comme la Cour le mentionne dans son rapport, il me paraît
opportun de rappeler les conclusions très favorables de l’Agence
internationale de I’énergie atomique (AIEA), suite à la Corporate OSART (Operational Safety Review Team) de 2014. L’AIEA a estimé que
l’exploitation du parc nucléaire d’EDF était conforme à ses standards.
2 - Ce programme est créateur de richesse aussi bien pour l’entreprise que pour le pays. Sa mise en œuvre a déjà eu pour effet
d’améliorer significativement les performances du parc. Les bons résultats de 2014 en matière de production en sont l’illustration : un
niveau de production satisfaisant de 415,9 TWh, un coefficient
d’indisponibilité fortuite en baisse à 2,4 % (contre 5,2 % en 2010), et une disponibilité en période d’hiver atteignant 93,4 % en 2014-2015. Cette
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tendance à l’amélioration se confirme sur les six premiers mois de l’année 2015 et devrait se prolonger au-delà.
Les incertitudes sur le chiffrage du programme de maintenance du parc nucléaire, qui existent nécessairement sur de tels projets de long
terme, ont des effets limités sur le coût de production et n’affectent pas la
rentabilité de ce programme.
S’agissant de la réglementation, la Cour souligne la difficulté à
disposer d’un périmètre technique fiabilisé et approuvé par l’Autorité de
sûreté nucléaire. Il est de fait que la réglementation s’est fortement complexifiée ces dernières années. Une stabilisation, voire une
simplification, permettrait de réduire significativement les incertitudes et les coûts associés. Elle faciliterait en outre les actions nécessaires à la
garantie d’une bonne sûreté des installations au quotidien.
3 - EDF a estimé le programme de maintenance à environ 55 Md€ d’investissements sur la période 2014-2025. Ce montant renvoie à un
niveau récurrent d’investissements de maintenance d’environ 3 Md€ par an et des investissements supplémentaires de l’ordre de 1 à 2 Md€ par
an, correspondant au caractère exceptionnel du « Grand Carénage ».
Après 2025, les investissements rejoignent progressivement leur niveau récurrent antérieur. Les chiffres présentés par la Cour portent sur un
horizon de temps plus long, allant jusqu’à 2030, et un périmètre plus
large incluant, au-delà des investissements, certaines dépenses d’exploitation. Ces écarts conduisent à produire des montants différents
des estimations d’EDF, alors qu’ils sont en réalité cohérents avec son chiffrage sur la période 2014-2025.
4 - S’agissant du cadre législatif, le « Grand Carénage » est un
élément essentiel de la transition énergétique, car il la régule au plan des effets économiques tout en maîtrisant le caractère progressif. Le
programme industriel détaillé sera mis en cohérence avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et avec la
programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) : les investissements
relatifs au franchissement du cap des 40 ans seront engagés progressivement, avec l’objectif d’absence de coûts échoués.
La programmation pluriannuelle de l’énergie sera déclinée dans le
plan stratégique d’entreprise (PSE) qu’EDF devra élaborer et faire approuver par son conseil d’administration.
Concernant l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025, il est difficile d’en évaluer à ce stade les conséquences,
tant que cet objectif et les hypothèses sous-jacentes ne sont pas déclinés
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de façon plus précise. La publication de la PPE devrait permettre de mieux cerner ces points.
La loi prévoit à cet égard que la PPE comporte une étude d’impact évaluant notamment les conséquences économiques, sociales et
environnementales – en particulier sur les émissions de CO2 – de la
programmation.
5 – La reconnaissance par la Cour de l’attention particulière
apportée par EDF aux conditions d’externalisation d’une partie de la
maintenance est un encouragement pour l’ensemble de l’entreprise. EDF continuera à mettre en œuvre les mesures garantissant aux prestataires
de pouvoir intervenir dans les meilleures conditions d’emploi, de qualification, de travail et de sécurité.
6 - La Cour relève que le programme nécessite une mobilisation
particulièrement forte du tissu industriel, qui a besoin d’une bonne visibilité pour procéder aux embauches et aux investissements
nécessaires. EDF appelle également de ses vœux cette mobilisation de l’ensemble des acteurs publics et des entreprises, tout particulièrement
pour renforcer l’attractivité de la filière qui sera créatrice d’emplois
qualifiés pour les jeunes générations qui entrent sur le marché du travail.
La filière nucléaire est l’une des seules filières du Conseil national
de l’industrie à ne pas avoir reçu, à ce jour, de financement de l’État,
contrairement aux filières aéronautique, navale ou automobile. L’enjeu pour la filière nucléaire est que le comité stratégique de la filière
nucléaire (CSFN) puisse être éligible à des financements publics, nationaux et européens, permettant de structurer la filière, au travers par
exemple d’appels à projets comme ceux du « programme
d’investissements d’avenir » (PIA) et des « Partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi ».
Je précise que les besoins très importants de recrutement de la filière nucléaire, qui avaient été estimés en 2012 par le CSFN à 110 000
emplois directs et indirects d’ici 2020, ne se limitent pas aux seuls
besoins de maintenance, ni même à l’ensemble des besoins nécessaires à l’exploitation du parc nucléaire français existant. Ils incluent les besoins
de l’ensemble de la filière nucléaire, y compris les besoins relatifs aux
projets neufs et à l’export.
Enfin, je souligne qu’EDF a présenté en janvier 2015 à ses grands
partenaires industriels les perspectives de commandes pour les cinq ans à venir et qu’elle s’apprête à faire connaître à ses fournisseurs les
commandes précises à venir pour 2016 et 2017.
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