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Le bi-hebdomadaires des étudiants en presse écrite de l'ISCPA (promo 2008-2009).
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MAFIASMenace sur les Etats
ALIMENTATIONBombes géopolitiques
PRINTEMPS ARABEL’histoire en marche
CANTONALESLa der des ders
B 01170 - 1 - F : 4,90€ - AB
3 mars 2011 - N°1 - 4,90€
2
33 mars 2011
SommaireiNterNAtioNAlPages 22-27
mafias : les sociétéscriminelles del’ombre
DoSSierPages 16-21
le prix des denréesalimentaires met lefeu aux poudres
ActualitésDes sondages plus transparentsréformes fiscales, l’enjeu politiqueParis, capitale du hip-hoples droits des patients généralisésHigh tech : l’obsolescencela NASA vers l’infini et au-delàDes alternatives à l’iPadlivres, DVD et disquesla fellation : mise en bouchel’humeur de Karma Duquesne
Rédaction :
Rédactrice en chef : Karma Duquesne
Secrétaire général de rédaction : Pascal Golfier
Maquette : Benoît Magistrini et Antoine Delthil
Chef des informations générales : Laetitia Reboulleau
Rédacteurs : Nadine Achoui-Lesage, Alexandre Benha-
did, Alexandra Bresson, Yann Casseville, Wilfried
Corvo, Audrey Loussouarn, Valentin Marcinkowski,
Eléonore Quesnel, Laurence Riatto, Emmanuelle Ringot,
Clémentine Santerre
Directrice de publication : Mireille Pallarès
PolitiquePages 34-37
Cantonales :dernières électionsavant les « super-conseillers »
iNterNAtioNAlPages 28-33
monde Arabe :passé, présent, futurd’une vague révolutionnaire
SoCiétéPages 48-49
Concordat d’Alsace-moselle : imbrogliopolitique
eCoNomiePages 44-47
Assurances-vie :Arnaquespost mortem
SPortPages 52-53
NBA : le championatmenacé
CulturePages 50-51
Gondry fait son cinéma au CentrePompidou
DR
DR
DR
DR
DR
DR
DR
DR
Pages 4-15 :Pages 40-41 :Pages 42-43 :Page 54-55 :Page 56 :Page 57 :Page 58-60 :Page 61 :Page 62-64 :Page 65 :Page 66 :
4 3 mars 2011
actulumière sur
Feue notre diplomatie ?«L
a diplomatie française n’existe plus ». Tels
sont les mots de Martine Aubry, le 22 fé-
vrier sur BFM TV et RMC. Dans une tri-
bune du Monde du 23 février, des diplomates
–anonymes- dénonçaient incohérences et dysfonction-
nements. Et trois mois seulement après sa nomination au
poste de ministre des Affaires Etrangères, Michelle Al-
liot-Marie, dépassée et fustigée, est amenée à démission-
ner. «Nicolas Sarkozy prétendait, avec la présidence du
G20, « diriger » les affaires du monde. Avec la révolution
tunisienne, il vient de faire la démonstration qu’il n’ar-
rivait même pas à maîtriser les dossiers qui concernent
la France, dans une région avec laquelle nous sommes
historiquement et affectivement liés », condamne Gaétan
Gorce, député PS de la Nièvre et membre de la Commis-
sion des Affaires Etrangères.
C’est à Alain Juppé qu’incombe la lourde tâche de redo-
rer le blason international de la France. Alors qu’en juil-
let dernier, le maire de Bordeaux cosignait avec Hubert
Védrine, un texte dans Le Monde titré «Cessez d'affai-
blir le Quai d'Orsay ! », il succède aujourd’hui à Mi-
chelle Alliot-Marie à un poste qu’il a déjà occupé entre
1993 et 1995. Alain Juppé, alors néophyte en relations
internationales, laisse pourtant un bon souvenir de son
premier passage au Quai d’Orsay. Son retour à la tête
des affaires étrangères seize ans après ne s’avère pour-
tant pas facile. Jugé « plus expérimenté » que son prédé-
cesseur par François Baroin, le nouveau chef de la
diplomatie devra mener de front plusieurs batailles. Il
doit rendre sa cohérence à la politique étrangère de la
France tout en s’évertuant à canaliser autant que possible
les initiatives diplomatiques hasardeuses de l’Elysée.
«Le retour dans l’OTAN en 2007 marque l’extinction de
la voix internationale de la France. Nous avons perdu
notre indépendance vis-à-vis des Etats-Unis », explique
Jean-Charles Jauffrey.
Le fossé séparant l’idéologie diplomatique constitution-
nelle et la realpolitik est devenu trop grand. Le discours
doit être réadapté aux possibilités effectives et désirées,
sans renier les acquis des cinquante dernières années qui
sont encore des atouts de valeur. La vision gaullienne de
la politique étrangère a en effet considérablement proté-
gés et promus des fondamentaux tels que la défense et
la diffusion des Droits de l’homme, pilier de la démo-
cratie contemporaine, et la primauté effective des inté-
rêts français. « La France a une vocation universelle.
Elle s’est toujours positionnée en faveur de la libérali-
sation des pays du tiers-monde en prônant les droits de
l’homme » témoigne Jean-Charles Jauffrey, professeur
d’Histoire des Relations Internationales à l’Institut
d’études politiques d’Aix-en-Provence. Pour Gaëtan
Gorce, à ces atouts historiques il faut ajouter des
hommes compétents : « notre diplomatie dispose de pro-
fessionnels solides, d'une expertise forte. Il lui manque
juste une orientation », souligne-t-il. Une mission diffi-
cile pour Alain Juppé que François Mitterrand considé-
rait pourtant comme l’un de ses meilleurs ministres.
Emmanuelle Ringot
53 mars 2011
ACtUEUroPE
Reprise des procèsBerlusconi
Transfert de neuronesà l’épreuve
Antonio Tajani et Michel
Barnier jettent un pavé dans
la marre. Les deux commis-
saires européens, respectivement
chargés de l’Industrie et du Marché
Intérieur, ont demandé à José Ma-
nuel Barroso, d’étudier le sujet du
transfert des technologies qui pêche
tant en Europe. Pour cause, celle-ci
prône depuis 50 ans la libre circula-
tion des marchandises mais n’a ja-
mais réellement traité le problème de
la vente de brevets. Des pays comme
la Chine et la Russie sont jugés non
respectueux de l'idée de propriété in-
tellectuelle et apparaissent dans le
collimateur de l’Union européenne.
Pour l'économiste Marc Guillaume,
les entreprises chinoises sont les
maîtres en la matière : « Elles tentent
de profiter du rapport de force ac-
tuel entre les pays développés qui
sont les plus performants en matière
de recherche et développement.
Grâce à leurs tarifs attractifs, elles
se permettent d'exiger au moment de
la signature des contrats un partage
absolu des savoirs ». Principal
bémol dans cette affaire : comment
empêcher des entreprises étrangères,
qui par exemple s’installent sur le
territoire, d’employer des ingénieurs
nationaux pour leur « emprunter »
leurs idées innovantes ? « L'arro-
gance des pays occidentaux et leur
prise de risque est sûrement à revoir
pour leur permettre de changer la
donne. C'était le cas d'Areva qui
avait perdu un rachat face aux Asia-
tiques à Abu Dhabi », propose-t-il.
Comme le souligne l’économiste,
notre société « n'est pas au bout de
ses peines ».
Audrey Loussouarn
Playstation 3 bloquées
La cour de justice européenne
a ordonné aux douanes de
bloquer les importations de
Playstation 3 en Europe de
Sony. La société sud-coréenne
LG reproche à la marque japo-
naise d’avoir enfreint plu-
sieurs brevets sur le Blu-ray.
Ce blocage, d’une dizaine de
jours, ne devrait pas mettre
en péril les ventes de la
console de Sony, qui dispose
de trois semaines de stock en
Europe.
Grèves de la faim
49 migrants en situation illé-
gale ont été hospitalisés mardi
1er mars à Athènes en raison
d’une grève de la faim prolon-
gée. Plus de 200 personnes
originaires d’Afrique du Nord,
en attente de régularisation,
ont cessé de s’alimenter dans
la capitale depuis plus d’un
mois. Ils souffrent de graves
problèmes cardiaques et ré-
naux. Selon le corps médical,
la vie de ces grévistes serait
menacée.
Capgemini avec EDF
Un contrat d’infogérance entre
la filiale britannique du groupe
français Capgemini et EDF
Energy, filiale britannique d’EDF
a été signé. Ce contrat, en vi-
gueur jusqu’en 2015, s’élève à
environ 120 millions d’euros,
avec une option de prolongation
de deux ans. Il aura pour but
d’apporter des services standar-
disés et de grande qualité aux
différentes unités du groupe
EDF Energy en Grande-Bre-
tagne.
Une fois n’est pas coutume : à
peine recommencé, déjà
ajourné. Le procès de Silvio
Berlusconi pour fraude fiscale et faux
en bilan, qui avait repris le lundi 28
février, a été ajourné jusqu’au 11 avril
prochain. Après 10 mois d’interrup-
tion à cause d’une loi de mars 2010
lui accordant l’immunité pénale, les
différents procès à l’encontre du chef
du gouvernement italien avaient re-
pris petit à petit depuis quelques se-
maines. L’immunité devait durer
jusqu’au mois de septembre 2011,
mais a été partiellement annulée par
la Cour Constitutionnelle italienne
mi-janvier. Silvio Berlusconi n’a pas
jugé utile de se présenter à la pre-
mière séance, mandatant ses avocats,
Me Nicollo Ghedini et Me Piero
Longo. Leur client, entrainé dans une
spirale de procès, doit concilier ses
différentes audiences avec ses activi-
tés de chef du gouvernement.
La priorité de la défense était donc de
faire établir un «calendrier des au-
diences tenant compte des autres pro-
cès» de Silvio Berlusconi. Un
problème simplifié par l’ajournement
du procès, qui lui fait gagner un mois
et demi de tranquillité.
Laetitia Reboulleau
DR
Remaniement : cumul,parité et polémique
Ce que l’on appelait à l’époque
la « jurisprudence Jospin »,
qui interdisait à un ministre
de détenir un pouvoir exécutif local
[notamment en tant que maire, ndlr]
n’existe définitivement plus. Au-
jourd’hui, les ministres conservant
leur poste de maire sont légions dans
le nouveau gouvernement. A l’instar
d’Alain Juppé, Xavier Bertrand et
Nathalie Kosciusko-Morizet, Fillon
IV ne compte pas moins de huit mi-
nistres cumulant ce mandat à celui de
maire. En revanche, net recul de la
parité. Le départ de Michèle Aliot-
Marie fait chuter le nombre de
femmes ministres à dix, tandis que le
sexe fort totalise dans ses rangs vingt
ministres. Lors de son accession au
pouvoir en 2007, Nicolas Sarkozy
avait mis un point d’honneur à res-
pecter la parité au gouvernement. Au
fil des remaniements, le nombre de
femmes ministres s’amoindrit comme
peau de chagrin. En pleine recon-
quête politique avant 2012, l’égalité
homme-femme et le non-cumul des
mandats gouvernementaux / locaux
ne sont clairement plus à l’ordre du
jour. Les promesses n’engagent que
ceux qui les écoutent.
Laetitia Reboulleau
6 3 mars 2011
ACtU FRANCE
Le fantôme Chiracenfin en justice
Le dialoguiste Michel Au-
diard a écrit : « La justice,
c’est comme la Sainte-
Vierge, si on ne la voit pas de temps
en temps, le doute s’installe ». Le 7
mars, Jacques Chirac sera le premier
président à comparaître devant la
justice, jugé au tribunal correction-
nel de Paris. Longtemps, l’ancien
maire de la capitale a pu échapper à
la justice grâce à différentes ré-
formes durant son mandat présiden-
tiel. Aujourd’hui, il n’est plus
intouchable. « Intouchable ? », c’est
d’ailleurs titre du livre de Thierry
Lévêque, journaliste judiciaire à
l’agence Reuters. Selon lui, « il y a
une incompréhension de Chirac
face à ces procédures ». L’avocat de
l’ancien président, Me Jean Veil a
réussi à repousser plusieurs fois les
dates d’audiences. D’ailleurs,
Jacques Chirac n’honorera pas de sa
présence l’ouverture du procès,
consacrée à des questions de procé-
dure, dispensé par le tribunal correc-
tionnel à la demande de ses avocats.
Plus important, Bertrand Delanoë et
la ville de Paris ont décidé de ne
plus se constituer partie civile. Pour
le moment, il n’y a plus de réel
contradicteur pour le procès Chirac.
En outre, le parquet a déjà fait sa-
voir qu’il requiert la relaxe pour
l’ancien président. Les chances
s’amenuisent de voir Jacques Chi-
rac. Il paraît plus facile de pêcher
des sardines que d’attraper le gros
poisson.
Wilfried Corvo
Cohn-Bendit flou
Après avoir déclaré considérer
Martine Aubry comme la candi-
date la plus légitime pour les pri-
maires du PS, Daniel Cohn-Bendit
a annoncé mardi que son soutien
irait finalement à Dominique
Strauss-Kahn. Un revirement du
chef de file d’Europe Ecologie-Les
Verts qui ne sera sans doute pas
le dernier d’ici aux primaires du
mois d’octobre.
Le Pen risque la prison
Les affiches de campagne «Non à
l’islamisme» du Front National
pourraient bien valoir une peine
de prison avec sursis et une
amende à Jean-Marie Le Pen, re-
quise par le procureur de la Ré-
publique du tribunal de Nanterre
à la demande du Mouvement
contre le Racisme et pour l'Amitié
entre les Peuples (Mrap). Ces af-
fiches sont considérées comme
une incitation à la haine envers la
population musulmane et les
personnes d'origine algérienne.
Le temps libre de MAM
Malgré son départ du gouver-
nement, Michèle Alliot-Marie
entend bien rester active en
politique. L’ex-ministre des af-
faires étrangères considère
l’arrivée d’Alain Juppé comme
« une page qui se tourne », et
compte profiter de son nou-
veau temps libre pour écrire
des livres sans être tenue à la
langue diplomatique. « On va
m’entendre, déclare-t-elle, je
reste en politique ».
Le départ de Michèle Alliot-Marie a remisen cause la parité au gouvernement
DR
DR
73 mars 2011
ACtuSoCIété
La galèrede l’adoption
Une étude publiée par
l’Académie de Médecine
démontre que pour 20 000
familles en attente d’adoption,
moins d’une sur quatre y accède.
La majorité des dossiers concerne
des enfants étrangers.
Adopter un enfant en France re-
lève du parcours du combattant.
Malgré le soutien des associations,
et les différentes lois votées au fil
des années pour faciliter le par-
cours, les procédures n’en sont pas
moins compliquées. « Pour valider
une procédure d’adoption, il faut
passer par plusieurs ministères
différents, et c’est encore pire
pour adopter un enfant étranger,
explique Pierrette, mère adoptive
de trois enfants. Mes petits vien-
nent du Sri Lanka, du Bengladesh
et de Madagascar. Chaque procé-
dure a duré plusieurs années. Plus
de quatre ans pour mon dernier
fils, arrivé en France à sept
ans ! ».
En 2008, 726 enfants français (mal-
traités, nés sous X ou orphelins)
seulement étaient adoptés, contre
1 749 en 1985, tandis que 3 160 en-
fants originaires de l’étranger trou-
vaient un foyer en France, contre
960 en 1985. Des chiffres que
l’Académie de Médecine explique
par « le lien biologique, dans le
cadre de l’intérêt supérieur de l’en-
fant », qui entraine le placement du
petit dans sa famille proche, plutôt
que dans un foyer adoptif.
Laetitia Reboulleau
Pour un plan alerteenlèvement européen
Le plan alerte enlèvement, ins-
piré de l’« Amber alert » aux
Etats-Unis, pourrait être
élargi et se perfectionner sur Internet.
Avec la possible implication du
Royaume-Uni dans une convention
avec la France et la Belgique, c’est un
plan européen qui pourrait voir le
jour. «J’avais préconisé un élargisse-
ment à l’Europe. Je suis beaucoup in-
tervenue en Suisse et en Belgique. Ils
ont maintenant leur propre plan »,
explique Nicole Guedj, secrétaire
d’Etat aux Droits des victimes sous le
gouvernement Raffarin de 2004 à
2005 et à l’initiative de ce projet en
France.
Un partenariat avec Facebook pour-
rait aussi voir le jour. « L’idée, c’est
d’asservir les technologies au service
des victimes, signale Nicole Guedj.
Cela multiplie le nombre de per-
sonnes qui peuvent démasquer les ra-
visseurs ». Un pas de plus pour
confondre ces criminels qui utilisent
de plus en plus les technologies pour
leurs crimes.
Wilfried Corvo
Le jour des Femmes
Chaque 8 mars se tient la JournéeInternationale des Droits de laFemme depuis 1975, dont le butest de travailler sur l'égalité desdroits, de meilleures conditionsde travail et le droit de vote desfemmes. Cette année, il est ques-tion de réfléchir à «l'égalité d'ac-
cès à l'éducation, la formation, les
sciences et technologies pour as-
surer un comme moyen d'assurer
de l'emploi aux femmes».
Le ministère de laJustice condamné
Jacques Mariani, figure du ban-ditisme corse, à obtenu gain decause face à l’administration pé-nitentiaire. Son avocat, MeDavid Metaxas, a obtenu lacondamnation du ministère dela Justice pour placement abusifà l’isolement au sein de la pri-son de Luynes (Bouches-du-Rhône). L’Etat a été condamné àverser 1 000 € de dommages etintérêts à Jacques Mariani.
«Joue pas au con»
Réseaux Ferrés de France s’estassocié au rappeur Kamini pourune nouvelle campagne de pré-vention sur les dangers desvoies ferrées. « Joue pas au con »,campagne au nom provocateur,a majoritairement été lancéesur Youtube, Dailymotion etFacebook afin de toucher unmaximum de jeunes, cible prin-cipale de la RFF, qui espère ré-duire le nombre d’accidentsmortels causés par la négligencedes ados chaque année.
Nicole Guedj, secrétaire d’Etat auxDroits des victimes de 2004 à 2005.
DR
DR
Les Grecs saignésà blanc
Un an après le scandale de la
banque Goldman Sachs, ac-
cusée d’avoir profité du su-
rendettement d’Athènes pour spéculer
contre la Grèce, le pays pleure encore.
De nombreux affrontements ont lieu
depuis quelques jours dans le pays,
entre manifestants et forces de l’ordre.
L’objet de la discorde? La politique
d'austérité menée par le gouvernement
à la demande de ses créanciers,
l'Union européenne et le Fonds Moné-
taire International, pour réduire la
dette du pays. Une dette de 152,6% de
son PIB. Le mouvement rassemble
une population hétéroclite dans une
lutte commune contre des mesures ju-
gées draconiennes. «La police a es-
sayé de disperser le rassemblement en
entourant les manifestants et en nous
menaçant, mais on essaye de tenir le
coup», explique Herbert, originaire
d’Athènes, où les manifestations ont
été particulièrement violentes. Les ap-
pels au calme du ministre de la Protec-
tion du citoyen sont pour l’instant
restés sans résultats. De nombreux
blessés sont d’ores et déjà recensés
parmi les forces de l’ordre comme
chez les manifestants, notamment en
raison de l’utilisation massive de cock-
tails molotov et de gaz lacrymogènes.
La pilule amère imposée par le FMI ne
passe pas.
Laetitia Reboulleau
8 3 mars 2011
ACtU MoNDE
Bébés volés en Argentine
Un procès historique sur le vol
de bébés sous la dictature ar-
gentine s’est ouvert lundi 28 fé-
vrier à Buenos Aires. Les
dictateurs Jorge Videla et Rey-
naldo Bignone se retrouvent sur
le banc des accusés. Ils doivent
répondre de l’enlèvement et du
changement d’identité de plu-
sieurs dizaines d’enfants. De
nombreuses familles sont au-
jourd’hui encore à la recherche
de leurs enfants disparus à cette
époque.
Nouvelle-Zélande : leséisme fait 159 morts
Plus d’une semaine après le
séisme en Nouvelle-Zélande, la
situation humanitaire semble
loin de s’améliorer. Les 200 000
tonnes de limon et de sable re-
mués par les rafales de vents de
130 km à l’heure gênent les se-
cours et empêchent de faire un
bilan exact des victimes. Mer-
credi, le pays recensait 159
morts. Environ un tiers du cen-
tre-ville de Christchurch a été
détruit.
Le mariage homosexuelautorisé en Californie ?
Le procureur général de Cali-
fornie a déclaré mardi 1er mars
vouloir rétablir le mariage ho-
mosexuel dans son Etat après
que l’interdiction soit jugée an-
ticonstitutionnelle. En 2008,
les électeurs avaient voté pour
une interdiction du mariage
entre personnes du même
sexe. Dans tous les Etats-Unis
seulement cinq Etats améri-
cains et le district fédéral de
Washington autorisent cette
pratique.
Georges Papandreou, premier ministre grec
DR
9
UE: Prévisions économiques positives
L'inquiétude générale sur
l'état financier en Europe
semble sur le point de s'es-
tomper. Pour cause, les prévisions
de croissance pour la zone euro par
la Commission européenne s'élè-
vent à 1,8 % du PIB dans l'Union
(contre 1,7 % auparavant), à 1,6 %
dans la zone euro (contre 1,5 %), et
à 1,7 % en France (contre 1,6 %).
Point noir de ce début d'année, le
taux de chômage record de l'Es-
pagne avec 20,4 %. L'inflation, elle,
dépasse de nouveau la barre des 2 %
avec un taux de 2,4 %.
Pour l'économiste Marc Guillaume,
ces regains de croissance sont cau-
sés « par une coopération euro-
péenne efficace et une crise de
l'euro qui n'a pas affaibli, comme
chacun le pense, mais bien renforcé
l'Union ». Le cas de la Grèce, lui,
semble isolé. Malgré les bonnes in-
fluences des pays de l’Union, ses
caisses sont à sec et les investis-
seurs étrangers fuient le pays.
Des problèmes de taille dans l'im-
mobilier ou dans la dette publique
de l'Espagne coûtent également à
l’Europe. Ce dernier pourrait cepen-
dant profiter des atouts financiers de
pays comme l'Allemagne.
Et Marc Guillaume de conclure :
« Le principal pour une économie
européenne, c'est que les citoyens
et les entreprises enregistrent
davantage ces derniers points
pour préserver un optimisme fi-
nancier ».
Audrey Loussouarn
10 3 mars 2011
ACtU ECoNoMIE
PMU: rachats douteux
Mille trois-cent soixante-
quatorze points de vente de
PMU, la seule et unique li-
cence permettant de parier sur les
courses hippiques, attisent les convoi-
tises. Une commission rogatoire inter-
nationale a récemment été lancée par
le juge d’instruction Jean-Christophe
Hullin, du TGI de Paris, concernant
plusieurs rachats douteux et demandes
de licences PMU. «Ces licences assu-
rent un afflux de client et sont très de-
mandées par les cafetiers, explique le
service communication du PMU. En
2010, nous en avons délivré 800 nou-
velles». Un nombre important qui li-
mite les possibilités de vérifications,
souvent effectuées à la va vite, raison
pour laquelle les rachats suspects n’ont
pas été détectés tout de suite. Fin 2009,
plusieurs demandes émanant de Chine
sont parvenues au PMU: «La procé-
dure pour obtenir une licence n’est
pas compliquée, explique le service
communication. Il faut d’abord dépo-
ser un dossier à l’agence régionale du
PMU, qui sera transféré à la brigade
course et jeux du ministère de l’Inté-
rieur. Les patrons devront ensuite jus-
tifier l’origine de leurs fonds». Cette
dernière procédure permet d’éviter les
blanchiments d’argent sous couvert
d’une activité commerciale, ce qui a
mené à déceler les rachats douteux.
Les attestations d’apports, provenant
toutes de la même étude notariale lo-
calisée en Chine, se sont révélées
fausses. Des preuves étayées d’aveux,
qui ne suffisent cependant pas à prou-
ver un quelconque blanchiment. Les
enquêteurs espèrent cependant coincer
le faussaire, et peut-être faire tomber
un réseau.
Laetitia Reboulleau
Quatre euros etun scandale
En décembre dernier, l’INSEE
publiait une étude sur le coût
horaire du travail en France.
Une erreur de quatre euros
s’est glissée dans le document.
Des chiffres immédiatement
repris par le syndicat patronal
MEDEF. Frédéric Lefèvre sur-
réagit et convoque une as-
semblée extraordinaire pour
traiter le sujet. Entre temps,
l’INSEE avait retiré ses statis-
tiques. Beaucoup de bruit
pour rien.
Les loyers en hausse
2,5 % de plus pour les loyers en
2010, soit 12,3 € par m² en
moyenne sur toute la France,
dévoile l’observatoire Clameur.
Après plusieurs années d’accal-
mie, durant lesquelles les loyers
n’avaient pas connu d’augmen-
tation significative, le marché
des logements du parc privé est
reparti à la hausse. Des chiffres
qui restent cependant faibles,
comparés à l’envolée des prix
qu’a connu le marché au début
des années 2000.
Chômage, nouveau plan
Nicolas Sarkozy a présenté le
1er mars un nouveau plan pour
lutter contre le chômage des
jeunes. Une aide de 250 mil-
lions d’euros financera 50 000
nouveaux contrats profession-
nels, qui s’ajoutent aux
390 000 déjà prévus par l’état.
L’objectif annoncé par le prési-
dent est de porter à 800 000 le
nombre de jeunes en alter-
nance d’ici 2015, contre
600 000 actuellement.
113 mars 2011
ACtUEnviRonnEmEnt
Stades climatisés…à l’énergie solaire?
Un petit match sous une
température de 50°C ?
L’annonce de l’organisa-
tion de la coupe du monde de foot-
ball de 2022 au Qatar avait
soulevé de vives protestations, no-
tamment basées sur l’impossibilité
de jouer sous une chaleur aussi
étouffante. La solution avancée
par les organisateurs était de met-
tre en place des stades couverts et
climatisés, proposition fortement
décriée par tous les écologistes de
la planète.
Le cheikh Mohammad ben Hamad
Al-Khalifa, fils de l'émir et prési-
dent du Comité d'organisation
Qatar 2022, avait annoncé vouloir
utiliser la technologie solaire
pour juguler la température et
« construire des stades où le thér-
momètre ne dépassera pas les 27
degrés centigrades ». Pour Simon
Lee, expert en énergies solaires, le
pari est difficilement réalisable :
« Certes l’ensoleillement est fort et
permettra de produire beaucoup
d’énergie, mais pour réduire à ce
point la température [entre 45 et
50°C en été, ndlr], il faudrait des
champs entiers de panneaux so-
laires ». La solution serait dans ce
cas d’utiliser une technologie hy-
bride, plus polluante que l’énergie
solaire, mais permettant aux spor-
tifs de jouer dans de bonnes
conditions. Les lobbies du sport
ne connaissent pas les contraintes
écologiques.
Laetitia Reboulleau
Pavillon VertSalon de l’auto de Genève
Le Salon de l’automobile de
Genève voit, cette année en-
core, vert. Sur les 170 avant-
premières dévoilées au public du 3
au 13 mars, pas moins d’une quaran-
taine sont « propres », c’est-à-dire
électriques, hybrides ou fonction-
nant au GPL. Le Salon ouvrira pour
la deuxième année consécutive son
Pavillon Vert, la vitrine écolo de
l’événement. Au programme : les
modèles les plus attendus bien sûr
- déjà commercialisés ou encore au
stade de prototype - comme la Kan-
goo Maxi ZE (pour zéro émission),
la Twizy compacte de Renault ou
l’hybride Q5 d’Audi, mais pas seu-
lement. « Il n’y a pas que les grands
constructeurs qui viennent présenter
leurs modèles, note Tony Staub, res-
ponsable marketing du Pavillon Vert.
On a aussi des petites start-ups, dont
les réalisations intéressent les visi-
teurs ». D’autant plus qu’ils pourront
conduire certains véhicules inno-
vants (allant du moto-cross élec-
trique au quadricylce futuriste à la
Tron) sur une piste d’essai…
Eléonore Quesnel
Les dangers despesticides
De nouveaux cas d’intoxications
et de maladies pathologiques
dues à l’utilisation massive de
pesticides dans les cultures
agricoles ont été recensés. C’en
est trop pour les agriculteurs
qui ont décidé de se battre pour
briser les tabous autour de ces
maladies. Lassés de ne pas être
écoutés par le gouvernement, ils
ont décidé de monter une asso-
ciation de défense des victimes
des pesticides.
Succès du Salon del’Agriculture
L’année 2011 est un bon cru
pour le Salon de l’Agriculture
qui a rassemblé 678 732 visi-
teurs. Un chiffre nettement su-
périeur aux objectifs des
organisateurs cette année,
preuve que ni les Français, ni
les hommes politiques, pré-
sents en masse lors du salon,
ne se désintéressent du secteur
agricole. 2011 est pourtant une
année difficile de plus pour les
agriculteurs qui subissent tou-
jours la crise économique de
plein fouet.
L’aspartame au cœurdu débat
L’aspartame dangereux ou non
pour la santé ? La bataille entre
l’Autorité européenne de sécu-
rité des aliments (Efsa) et le
Réseau Environnement Santé
(RES) continue. Alors que
l’Efsa a une nouvelle fois es-
timé que l’aspartame ne pré-
sentait pas de danger pour la
santé, le RES demande une vé-
ritable étude sur les risques
cancérigènes d’une dose quoti-
dienne trop élevée.
Le concept car Renault R-Space, enpremière mondiale à Genève.
DR
Les inshootables
L’heure est à la réconciliation
entre deux organismes ma-
jeurs du cyclisme. L’Agence
Française de Lutte contre le Dopage
(AFLD) a émis le souhait d’une
« coopération loyale » avec l’Union
Cycliste Internationale (UCI). « Un
dialogue s'est instauré. Une négocia-
tion est en cours, elle n'est pas défi-
nitivement stabilisée mais j'ai le
sentiment que nous avons pro-
gressé», déclare le nouveau président
de l’AFLD, Bruno Genevois. Pierre
Bordry, son prédécesseur entretenait
des rapports conflictuels avec Pat
McQuaid, président de l’UCI, jusqu’à
voir son agence écartée des tests an-
tidopage du Tour de France 2010.
Au cœur de la polémique : un traite-
ment privilégié que l’UCI aurait ac-
cordé, selon l'AFLD, à Armstrong et
Contador durant le Tour 2009. Un
rendez-vous a été pris entre les deux
présidents à Aigle (Suisse), le 26
mars. Cependant, L’AFLD ne compte
pas renoncer à sa politique : «Rappro-
chement ne signifie pas reddition.
L’AFLD ne se couchera pas à sa fa-
meuse politique de contrôles ciblés
inopinés », insiste le professeur Mi-
chel Rieu, conseiller scientifique de
l’agence. Les deux organismes ont
quatre mois pour établir une coopéra-
tion viable avant le départ du Tour de
France 2011, le 2 juillet prochain.
Alexandra Bresson
12 3 mars 2011
ACtU SPoRt
Ligue des Champions :l’analyse d’Elie Baup
Entraîneur champion deFrance avec Bordeaux en1999, Elie Baup évoque leschances de qualification deLyon (contre le Real Ma-drid, 1-1 à l’aller) et de Mar-seille (contre ManchesterUnited, 0-0 à l’aller). L’OMse déplace en Angleterre le15 mars tandis que Lyondéfie les Madrilènes le lendemain.
«Pour Marseille, le 0-0 au Vélodrome
est un bon résultat. Leur objectif est
atteint : ils n’ont pas pris de but à do-
micile. Pour Lyon le bilan est mitigé
car si on en restait là, ils seraient éli-
minés. L’OM peut faire un gros coup
et la défaite de Manchester contre
Chelsea est un motif d’espoir. Il fau-
dra tout de même être costaud à Old
Trafford. Ce sera plus compliqué pour
les Lyonnais. Le Real a fait de la
Ligue des Champions son principal
objectif. Ils ont les moyens de varier
leur jeu d’attaque avec Adebayor ou
Benzema. Lyon bête noire de Madrid?
Oui pour le côté psychologique, mais
ça, c’était avant Mourinho. C’est lui
le plus fort mentalement».
Valentin Marcinkowski
et Yann Casseville
Bahreïnreprogrammé ?
Bernie Ecclestone, le grand ar-
gentier de la Formule 1, ne dés-
espère pas de reprogrammer
dès cette année le grand prix de
Bahreïn, annulé en raison des
troubles politiques qui secouent
actuellement le pays. La course
pourrait avoir lieu cet été, ne
reste plus qu’à trouver la date
exacte, en accord avec la Fédéra-
tion Internationale Automobile
(FIA). La décision devrait inter-
venir avant le 27 mars.
Le rugby tremble
L’AMI stadium, l’enceinte de
rugby de la ville de Christchurch
en Nouvelle-Zélande a été fer-
mée jusqu'au 15 mars pour éva-
luer les dégâts consécutifs au
séisme qui a frappé le Nord de
l’île le 17 février dernier. Un rap-
port d’experts sera remis à cette
date afin de déterminer si l’en-
ceinte de 50 000 places pourra
ou non accueillir des rencontres
de la Coupe du Monde en sep-
tembre prochain.
Pires voit plus loin
A 37 ans, Robert Pires, un des
derniers champions du monde
98 en activité, n’a toujours pas
l’intention d’arrêter sa carrière.
Alors que son contrat avec les
Anglais d’Aston Villa se termine
dans six mois, le milieu français
souhaiterait le prolonger par
« amour » du club. « Le plus im-
portant pour moi est d'aider
l'équipe par mon expérience », a
par ailleurs indiqué le joueur.
DR
DR
DR
13
L’année d’une bonneplay-Liszt
Liszt est au classique ce que
les Beatles sont au rock : un
père fondateur. Le pianiste
hongrois de génie est cette année
célébré en France - où il est arrivé à
l’âge de douze ans - avec des
concerts, colloques et autres confé-
rences, à l’occasion du bicentenaire
de sa naissance.
Moderne parmi les modernes, l’ar-
tiste, qui influença des composi-
teurs comme Wagner ou Chopin,
clamait, deux siècles et demi avant
que John Cage ne fasse scandale
avec ses plages vaporeuses quasi-si-
lencieuses : « Ma seule ambition de
musicien était et serait de lancer
mon javelot dans les espaces indé-
finis de l’avenir… »
« Liszt est même meilleur que
les Beatles, corrige Jean-Yves Clé-
ment, commissaire de l’événement
et auteur de Franz Liszt chez Actes
Sud. Il était seul sur scène pour
jouer, ce qui ne se faisait pas avant,
il a transformé le piano en orches-
tre, associé la musique aux autres
arts, anticipé les concerts humani-
taires bien avant les Restos du
Cœur… Une vraie rock star ! »
Eléonore Quesnel
14 3 mars 2011
ACTU CULTUre
L’impasse mexicaine
L’année du Mexique en
France va d’incertitude en
annulation depuis la déci-
sion du Mexique de se retirer de
la manifestation culturelle. Les
artistes mexicains ont désormais
interdiction de se rendre en France
malgré les 22 millions d'euros
investis par Mexico pour leur
participation. Autre mauvaise sur-
prise : l’exposition d’ouverture, Les
masques de jade Maya, de la Pina-
cothèque de Paris est annulée juste
avant son ouverture. « C’est un bil-
let de 7 millions d’euros qui n'en-
trera pas dans les caisses de la
Pinacothèque » proteste son direc-
teur, Marc Restillini.
Le musée de Saint-Romain-en-Gal,
qui devait présenter Les cultures an-
tiques de Veracruz s’est également
retiré, les conservateurs mexicains
ayant démonté « en larmes » les ob-
jets de l’exposition. Les Rencontres
photographiques d'Arles, pendant
lesquelles douze expositions autour
du Mexique étaient prévues, sont
« extrêmement fragilisées » par l'an-
nulation indique François Hébel, le
directeur des Rencontres. Et aux
dernières nouvelles, les dix statues
de l’artiste Rivelino, qui devaient
naviguer sur la Seine pour l’exposi-
tion itinérante Nuestros Silencios,
sont amarrées à Rotterdam. A Tou-
louse, le festival Rio Loco (du 15 au
19 juin) est maintenu, mais sans le
label Année du Mexique. Le doute
plane encore sur d’autres grands
événements de l’année. En atten-
dant, la France clame toujours son
désir de maintenir ce partenariat cul-
turel que devra défendre le nouveau
ministre des affaires étrangères
Alain Juppé.
Alexandra Bresson
Le Discours d’un Roicensuré
Le film de Tom Hooper, récom-
pensé de quatre oscars le 27
février, va apparaître dans sa
version édulcorée sur les
écrans américains. Jugé trop
vulgaire pour cette nation puri-
taine, c’est expurgé de toute
grossièretés que le film sera
diffusé. L’acteur principal Colin
Firth se dit offusqué de cette
décision. Il rappelle que les ju-
rons font partie intégrante du
processus de guérison, et donc
de l’histoire.
Sexion d’Assautse repent
Les propos homophobes tenus
il y a quelques mois par les
membres du groupe Sexion
d’Assaut sont loin d’être ou-
bliés. Après avoir subi l’annula-
tion de nombreux concerts, le
groupe a demandé pardon une
nouvelle fois, par le biais d’un
« concert de repentance » mardi
1er mars, à Paris. Il espère ainsi
maintenir les concerts prévus
pour le printemps dans diffé-
rents festivals.
Tim Burton adapteNotre-Dame
Le réalisateur Tim Burton au-
rait décidé de s’attaquer au
chef d’œuvre de Victor Hugo,
Notre-Dame de Paris. L’acteur
Josh Brolin, actuellement à
l’affiche de True Grit pourrait
par ailleurs faire partie du cas-
ting. Un projet de plus pour le
réalisateur qui travaille déjà
sur une adaptation de La Fa-
mille Adams, le tournage immi-
nent de Dark Shadows et une
adaptation du court métrage
Frankenweenie.
Franz Liszt
DR
153 mars 2011
ACTuCuLTurE
Le luxe intolérant
L’univers du luxe souhaite pré-
server un certain standing.
Mieux vaut ne pas faire
tâche si l’on tient à en faire partie.
Certaines boutiques de l’enseigne
Marionnaud l’ont bien compris
lorsqu’elles se sont vu retirer leurs
autorisations de vente des produits
de la marque Chanel, sous prétexte
qu’elles ne respectaient pas les
« critères d'exigence en termes de
présentation et d'environnement » de
la luxueuse griffe. Les boutiques
concernées se trouvent majoritaire-
ment dans les banlieues dites « sensi-
bles », et la commercialisation de
produits Chanel dans ces zones ferait
baisser l’image de marque de la mai-
son. « Chanel estime avoir un certain
standing à respecter, explique Na-
thalie, conseillère en parfumerie. Peu
de boutiques sont autorisées à pro-
poser leurs produits. Ils pensent pou-
voir conserver l’image luxueuse de
leur marque en cultivant la rareté ».
Chanel n’est pas la seule maison à
vouloir préserver son image. Jeudi
dernier, le directeur artistique de
Dior, John Galliano, a été interpelé
pour insultes à caractères antisé-
mites, et immédiatement suspendu
de ses fonctions par Christian Dior
« pour la durée de l’enquête judi-
ciaire ». Une sanction définitive,
Christian Dior ayant engagé une pro-
cédure de licenciement, en raison des
retombées négatives sur la maison de
l’avenue Montaigne.
L’univers du luxe déjà entaché en
2010 par les propos de Jean-Paul
Guerlain : « Pour une fois, je me suis
mis à travailler comme un nègre. Je
ne sais pas si les nègres ont toujours
tellement travaillé, mais enfin... »
Démonstration d’un bel état d’esprit.
Laetitia Reboulleau
Les tendances de lafashion week
Le marathon des fashion weeks
a commencé le 10 février à
New York et se termine cette
semaine (le 8 mars) à Paris. De
grandes tendances se dégagent déjà.
La rue va assister à un retour en force
du cuir et de la soie. Bien qu’oppo-
sées, ces deux matières naturelles ont
été mises en valeur. Chez Mulberry, à
Londres, la soie s’est faite légère sur
des pièces imprimées tout comme au
défilé BCBG Max Azria, à New York.
Ralph Lauren, quant à lui, s’est servi
du cuir pour casser ses silhouettes.
Les années 60 continuent également
d’inspirer les créateurs « avec beau-
coup de jupes-culottes ou de jupes
longueur midi chez Gucci par exem-
ple » précise Ilaria Casati, rédactrice
en chef mode de grazia.fr. Les cou-
leurs flashy vont égayer le gris et le
noir ; « notamment l’orange, le vert
et le bleu », toujours selon elle. Re-
marquées chez Rag n Bone, ces
joyeuses pigmentations sont atten-
dues chez Hermès et Gustavo Lins
cette semaine à Paris. Si ces ten-
dances devraient être suivies dans la
capitale, pas dit que les créateurs pa-
risiens ne veuillent pas surprendre.
Clémentine Santerre
Décès de l’écrivainArnost Lustig
L’écrivain tchèque Arnorst Lus-
tig est décédé le 26 février der-
nier, à l’âge de 84 ans à Prague.
Considéré comme la « mémoire
de l’holocauste », il avait ra-
conté à travers de nombreux
ouvrages la terreur et la mort
des juifs durant la guerre. Fils
de juifs, déporté à l’âge de 16
ans, il a connu Terezin, Buchen-
wald et Auschwitz avant de
parvenir à s’enfuir et de dé-
noncer les horreurs des camps
dans ses écrits.
Embarquement à borddu paquebot « France »
L’exposition 2011 du musée na-
tional de la Marine est consa-
crée au paquebot France, bateau
mythique et dernier des grands
transatlantiques. Sur un espace
de 1000 m², elle propose de dé-
couvrir l'histoire de ce navire
inauguré par le général de
Gaulle en 1960. C'est aussi une
traversée dans les arts décora-
tifs des années cinquante qui
s'offre aux visiteurs jusqu’au 23
octobre 2011.
Japan Expo
Du 30 juin au 3 juillet 2011, le
Parc des Expositions de Paris-
Nord Villepinte accueille de
nouveau la Japan Expo. Comme
d'habitude, ce sera l'occasion
de découvrir la culture nippone
dans son ensemble : littérature,
jeux vidéos, costumes. Le salon
abordera également les nou-
velles technologies et les pro-
grès de l'industrie automobile
japonaise. Cette année le billet
donnera aussi accès au salon
voisin, le festival des cultures
imaginaires.
DR
Défilé Rag & Bone
16 3 mars 2011
dossier nutrition
Denrées alimede pire en
En hausse constante depuis l’été dernier, lesprix des matières premières alimentairesont aujourd’hui atteint leur pic historique.La crise couvait, elle a éclaté. Comme en2008. Et si, dans un contexte politique mon-dial brûlant, explosif, cette flambée était ledétonateur d’un enchaînement d’émeutes?
Par Yann Casseville
Des paysans africains s’attellent à la récolte du blé. L’Afrique est le continent le plus touché par l’augmentation des prix des denrées alimentaires
173 mars 2011
dossiernutrition
Les chiffres sont effa-
rants. Le rapport publié
début février par la
Food and Agriculture
Organization (FAO, or-
ganisme des Nations Unies), montre
que les prix des matières premières
alimentaires continuent de flamber.
En janvier, septième mois de hausse
consécutif, l’indice FAO des prix des
produits alimentaires (donnée statis-
tique de référence) atteint 231 points,
son plus haut total depuis sa création
en 1990. Le sucre à 420 points, les
huiles et matières grasses à 278, les
céréales à 245 : les records de 2008 ne
sont pas battus, mais l’escalade des
prix, persistante, fait peur. Le prix du
café ? +47 % en 6 mois. Dans le
même laps de temps, +37 % pour le
soja, +33% pour le sucre, +30% pour
le blé. Aujourd’hui, 44 millions de
personnes supplémentaires vivent
sous le seuil de l’extrême pauvreté
(1,25 dollar par jour), portant le total
à 1,2 milliards d’individus. « Nous
avons atteint la cote d’alerte, assure
le président de la Banque Mondiale,
Robert Zoellick. Des chocs politiques
peuvent se produire, les gouverne-
ments tomber et les sociétés basculer
dans le désordre ». Une déclaration
aux allures d’avertissement : l’esca-
lade des prix, de tout temps, entraîne
une escalade de la révolte. La faim
justifie les moyens. Ceux qui n’ont
plus rien à se mettre sous la dent ont
encore leur voix pour manifester et
leurs bras pour se battre. Des émeutes
dans les pays acculés par la flambée
des prix sont inéluctables.
Pire qu’en 2008?Et si l’histoire ne faisait que recom-
mencer ? En 2008, la hausse du prix
des denrées alimentaires est déjà à
l’origine d’une crise mondiale. Entre
février 2007 et février 2008, l’indice
FAO des prix des produits alimen-
taires bondit de 139 à 219 points ; de
178 à 278 points pour les produits
laitiers, de 152 à 178 pour les cé-
réales ; les prix du blé et du riz sont
multipliés par deux, etc. 2008 s’ou-
FA
O
ntaires :prix?
vre sur une bien mauvaise nouvelle :
plus 75 millions de personnes mal
nourries dans le monde, portant le
total à 923 millions. La FAO liste
alors 37 pays ayant besoin d’une
aide extérieure. Cette flambée des
prix entraîne des émeutes au Maroc,
au Cameroun, au Pakistan, au
Mexique, en Bolivie, en Indonésie…
2011, nouveau 2008 ? « Les deux
crises se ressemblent », commente
l’économiste et membre du Cercle
des économistes Marc Guillaume.
« Si on regarde les graphiques, on
voit que c’est un recommencement »,
confirme Pierre Dockès, lui aussi
économiste et membre dudit cercle.
Mais au moment d’estimer l’am-
pleur de la crise actuelle par rapport
à la précédente, les avis divergent. Si
Marc Guillaume a « l’intuition que
celle d’aujourd’hui, à l’instar de la
deuxième secousse d’un tremblement
de terre, est moins forte que la pre-
mière, parce que les gens sont mieux
armés », d’autres contestent cet ar-
gument. « Les populations ont été
fragilisées par la crise en 2008 donc
c’est plus compliqué aujourd’hui
d’en absorber une nouvelle »,
avance Hanna Mattinen, experte en
sécurité alimentaire à Action contre
la faim. « C’est pire qu’en 2008 !
tonne Philippe Collin, porte-parole
de la Confédération Paysanne. Et ce
pour une raison structurelle. A
l’époque, les Etats-Unis transfor-
maient 40 millions de tonnes de maïs
en éthanol, en 2010 on était à 130-
140 millions de tonnes et les pers-
pectives sont de 180-200 millions de
tonnes d’ici trois ou quatre ans. La
consommation pour les politiques
énergétiques augmente beaucoup
plus rapidement que la production
agricole, qui ne peut pas suivre ».
Le fait que telle crise soit plus grave
ou non que l’autre importe peu, reste
le constat du moment, implacable :
« la situation est préoccupante »,
comme le déclare Marie Wentzell,
porte-parole du Programme Alimen-
taire Mondial en France (PAM,
agence de l’ONU qui lutte contre la
faim dans le monde).
Quand la finances’en mêleLa crise actuelle est la conséquence
d’une équation entre l’offre et la de-
mande qui ne se résout pas, tant
l’offre chute quand la demande ex-
plose, notamment « parce que les
pays émergents ont toujours plus de
besoins », explique Pierre Dockès.
« Les Indiens se mettent à manger
des yaourts, les Chinois de la
viande », donne comme exemples
Bruno Parmentier, auteur du livre
18 3 mars 2011
dossier nutrition
La malnutrition touche 920 millions de personnes dans le monde.
DR
Nourrir l’humanité (éditions La Dé-
couverte). Or justement, comme
l’atteste Hanna Mattinen, « produire
de la viande demande plus d’éner-
gie que cela n’en donne, donc conti-
nuer ainsi n’est pas durable ».
Concernant la raréfaction de l’offre,
elle est le fait de plusieurs causes.
« Une mauvaise récolte et une ab-
sence de stocks », liste tout d’abord
Philippe Collin. « Un tiers de la ré-
colte mondiale n’est pas utilisée
parce qu’il n’y a pas assez de
stocks, mais aussi parce que dans
certains pays, comme la France, on
jette beaucoup trop de nourriture »,
continue Bruno Parmentier. « Avec
ces éléments incontestables, tous les
opérateurs interviennent pour se-
courir. Est-ce qu’on peut reprocher
à un meunier d’acheter du grain
quand il sera plus cher le lende-
main ? interroge Philippe Collin.
C’est l’histoire de la tulipomanie,
quand aux Pays-Bas au XVIIe siècle
un bulbe de tulipe a valu le prix
d’un château ». S’ajoute à cela la
volatilité climatique. 2010 a été tris-
tement marquée par les catastrophes
naturelles, au nombre de 950 dans
l’année selon le rapport du groupe
allemand Munich Re. Inondations
au Pakistan, en Australie, incendies
de forêt en Russie, les exemples
sont nombreux. Ces éléments n’ex-
pliquent pas tout. « Il y a deux fa-
milles de causes, analyse Marc
Guillaume. Les réelles, avec les in-
cidents climatiques, et les finan-
cières. On voit de très nets effets de
spéculation » Le mot est lâché : spé-
culation. « Il s’est greffé sur les au-
tres problèmes une incroyable
spéculation », alarme aussi Pierre
Dockès. Dans le contexte actuel où
les acheteurs veulent acheter de
suite pour se mettre à l’abri du pire,
de l’après, mais où les vendeurs
n’ont donc pas intérêt à vendre im-
médiatement, l’escalade des prix est
rapide. Derrière la crainte de voir les
prix des denrées alimentaires s’en-
voler plane le spectre financier. « Il
y a une ombre portée de la finance,
par spéculation, sur l’alimentaire,
commente Marc Guillaume. Pour
ironiser, on pourrait dire que Gold-
man Sachs a participé au processus
de démocratisation en Tunisie. Le
système financier s’est jeté sur les
matières premières et à partir de là
on a observé beaucoup de mouve-
ments spéculatifs. La finance anti-
cipe la hausse, donc cette hausse
anticipée se réalise ». Comme une
lame de fond, la spéculation cham-
boule le marché actuel. Le rend fou.
« Quand il y a un incident clima-
tique, il n’y a plus de marchandises
à mettre sur le marché donc tout
le monde prend peur », regrette
Philippe Collin.
Vers de nouvellesémeutes?Les conséquences de cette crise, les
premiers foyers d’incendie suivant
cette flambée des prix sont déjà visi-
bles. En France, la guerre entre les
céréaliers et les éleveurs est déclarée.
La hausse du cours des céréales est
favorable aux premiers mais accule
les seconds. « Les éleveurs sont en
détresse ! alerte Philippe Collin. Je
n’en connais pas un qui pourrait
acheter durablement les céréales au
prix où elles sont et je ne connais pas
un céréalier qui soit prêt à lui vendre
du grain au prix où l’éleveur serait
en mesure de le payer ». Si le ciel
s’assombrit dans l’Hexagone, où ris-
quent de tomber les premières
averses, c’est un puissant orage qui
menace de frapper certains pays à
l’étranger. Voire qui a déjà frappé. Il
y a le souvenir des émeutes de 2008 ;
il y a surtout les récentes révolutions
dans le monde arabe. « Les inquié-
tudes au sujet des produits de pre-
mière nécessité ont contribué en
partie aux troubles récents dans plu-
sieurs pays d’Afrique du Nord. La
suppression des subventions sur les
denrées dans certains pays en 2011
pourrait entraîner des troubles so-
ciaux », acquiesce Marie Wentzell.
193 mars 2011
dossiernutrition
En Egypte, la hausse des prix a été l’élément déclencheur des récentes révoltes.
«On se dirige vers une émeute sociale, une guerre civile»
Marion G
uenard
20 3 mars 2011
dossier nutrition
« On se dirige vers une émeute so-
ciale, une guerre civile, redoute Phi-
lippe Collin. Si certains ne veulent
pas se faire couper le cou par ceux
qui ont faim, il faudra qu’ils revoient
leur politique ! Les dirigeants de-
vraient observer ce qu’il s’est passé
en Tunisie, en Egypte, en Algérie, les
événements ont tous démarré sur la
question du prix des produits alimen-
taires ». La hausse des prix des ma-
tières premières alimentaires a tout
du détonateur, de la mèche qui fait
exploser la révolte, « la goutte d’eau
qui fait déborder le vase », selon
Hanna Mattinen. « La prochaine ré-
colte de blé a lieu en juillet, d’ici là,
de mars à juin, il y aura de nouvelles
émeutes, des gouvernements vont
sauter », avance Bruno Parmentier.
Divergences politiquesComment annihiler cette crise ? Par
la création d’une institution suprana-
tionale en charge de la régulation de
l’alimentation mondiale ? L’hypo-
thèse a été soulevée. « Je trouve ça
illusoire dans l’état actuel, sachant
qu’il y a des pays qui disent : on est
structurellement exportateurs donc
on ne voit pas pourquoi on serait
bridés, et d’autres pays qui disent :
on est structurellement importateurs,
on a besoin de se protéger », regrette
Philippe Collin. « On n’a pas un pro-
blème de production mais un pro-
blème de répartition et d’usage. Par
exemple il y a des problèmes en Bo-
livie avec la hausse du prix du sucre.
Or le Brésil, qui produit des millions
de tonnes de cannes à sucre préfère
transformer sa production en étha-
nol, ce qui assèche encore le mar-
ché ». Pour régler un tel problème,
les regards se tournent vers le monde
politique, mais, et c’est là que le bât
blesse, les divergences d’intérêts
entre pays sont tellement grandes
qu’un consensus international sem-
ble chimérique. En février, Nicolas
Sarkozy a profité de la présidence
française au G20 pour réclamer plus
de transparence sur les marchés ali-
mentaires. Un vœu pieux. Plusieurs
pays, à l’instar de la Chine, ne sont
pas particulièrement enclins à don-
ner aussi facilement des informa-
tions sur l’état de leurs récoltes ou de
leur consommation. Equilibre entre
offre et demande rompu, diver-
gences d’intérêts politiques : la situa-
tion semble aller droit vers le point
de non-retour. « On ne sait pas ce
qu’il peut se passer dans six mois,
les prix peuvent continuer de grim-
per », déclare Hanna Mattinen. « Il
ne faut pas être alarmiste, nuance
Marc Guillaume. Mais il y aura des
bulles sur certaines matières, cer-
taines régions. Ce ne sera pas la
bulle Internet ou la bulle des sup-
brimes mais des microbulles comme
pour le riz en Asie. Des microbulles
un peu partout qui peuvent mener à
l’explosion ».
Et en 2050?Dès lors, comment compter nourrir
neuf, voire dix milliards de personnes
en 2050 ? « Ce chiffre fait peur, af-
firme Hanna Mattinen. Les questions
de la quantité, de la qualité, et des
habitudes de consommation se po-
sent. On peut y arriver, mais comment
et avec quelles conséquences? Com-
bien de temps la planète va tenir ? »
Bruno Le Maire, ministre français de
l’agriculture, de l’alimentation, de la
pêche, de la ruralité et de l’aménage-
ment du territoire, n’a pas caché ses
craintes devant l’assemblée des Na-
tions Unies le 17 février dernier à
New York : « Nous nous étions fixés
un objectif ambitieux en 2005 : ré-
duire de moitié à l’horizon 2015 la
proportion de la population mondiale
qui souffre de la faim [de 800 mil-
lions à 500 millions de personnes,
mais aujourd’hui, selon la FAO, les
900 millions sont dépassés, ndlr].
Nous devons avoir conscience qu’il
nous reste des progrès considérables
Le maïs n’est pas épargné par la hausse générale du prix des denrées alimentaires.
«Nous devons avoir conscience qu’il nous restedes progrès considérables à accomplir»
DR
213 mars 2011
dossiernutrition
à accomplir. Le défi alimentaire, c’est
aussi être capable de produire plus
pour nourrir les neuf milliards d’in-
dividus sur la planète en 2050. Pour
cela, une hausse de la production
agricole de 70% d’ici 2050 est néces-
saire. Est-ce que nous en serons ca-
pables ? » Le ministre lui-même est
apparu dubitatif, rappelant immédia-
tement que « la production agricole
mondiale aujourd’hui ne croît plus
que de 1,5 % par an, alors qu’elle
augmentait de 3 % par an entre les
années 1960 et 1990 ». Des chiffres
qui tendent à rendre utopique le re-
dressement espéré. Bruno Le Maire a
d’ailleurs repoussé au sommet du
G20 de novembre l’espoir de voir
proposer «des solutions concrètes».
D’ici là, c’est le statu quo ante poli-
tique. Les prix des denrées alimen-
taires, eux, n’attendent pas. Ils
flambent. Les premières braises ap-
paraissent, l’incendie menace. g
Le prix du pain a historiquement été la source de grandes révoltes, à l’image de la Révolution Française, ou ici des révoltes de fin 2010 en Tunisie.
« Khadafi nous a permis de vivre »
L’Afrique est le continent qui subit le plus cette hausse des prix
des denrées alimentaires mais le constat n’est pas le même dans
chaque pays africain. A l’inverse de certains de ses voisins, le
Mali résiste plutôt bien, comme l’explique Amidou Tambadou,
du ministère des mines du Mali.
«Le gouvernement avait pris ses précautions, il est arrivé à quelque chose
de bien. Le sucre par exemple reste à un prix abordable, comme le riz ou
l’huile. On a augmenté l’espace de terre pour produire, on a amélioré le sys-
tème alimentaire. Notre production est suffisante. On n’aura pas de pro-
blème avec l’agriculture en 2011, d’autant que le Mali a travaillé avec la
Lybie de Mouammar Kadhafi. Quand notre agriculture avait commencé à
être en difficulté, il nous avait permis de vivre [Kadhafi a lancé à l’automne
2010 avec le gouvernement malien le projet agricole Malibya, qui consistait
à l’aménagement par la Lybie et Malybia - société malienne dédiée au dé-
veloppement de l’agriculture au Mali - d’un espace de 100000 hectares au
Mali pour la riziculture, ndlr]. Et grâce à notre démocratie, on se porte mieux
que certains pays d’Afrique. Au Niger, malgré les nouvelles élections pré-
sidentielles, ça ne va pas du tout. Ce pays risque d’avoir de sérieux pro-
blèmes avec la hausse des prix, comme au Sénégal, où je viens de passer
quelques jours».
DR
22 3 mars 2011
international Mafias
Mafias:la pieuvre qui
enserre lesEtats
Mafias italiennes, triades chinoises, yakuzas japonais, cartels mexicains… Autant d’or-ganisations criminelles apparues entre le XVIe et le XIXe siècle, toujours actives au-jourd’hui. Si elles ont survécu aussi longtemps, voire prospéré pour certaines, c’estqu’elles ont su s’adapter. Une évolution progressive de leurs activités et de leurs modesd’influence qui a mené à l’émergence de «provinces mafieuses» où les représentantsde l’Etat ne sont plus que des pantins corrompus.
Par Pascal Golfier
Au Japon, les yakuzas restent des clans attachés aux valeurshistoriques des samouraïs. Parmi leurs traditions, le tatouage est unpassage obligatoire qui détermine notamment le statut de l’individutout en évoquant sa personnalité.
233 mars 2011
internationalMafias
Sicile, début du XIXe siè-
cle. Napoléon Bonaparte
frappe aux portes de la
petite île après avoir
conquis les territoires
italiens. Bénéficiant de la protection
britannique, la Sicile se développe en
vase clos sous l’égide des Bourbons.
En 1812, plusieurs réformes mènent
à l’adoption d’une constitution qui
permet l’abolition des privilèges féo-
daux et l’émergence d’une petite
bourgeoisie. Mais quelques années
plus tard, les guerres entre Napoléon
et l’Alliance (Russie, Prusse, Grande-
Bretagne) mènent au congrès de
Vienne lors duquel l’Italie est entiè-
rement redécoupée. La Sicile se rat-
tache alors au Royaume de Naples,
qui fonctionne encore selon les règles
abolies peu avant dans l’île. Les
premières tensions ne tardent pas à
apparaître et, en 1820, les révolution-
naires de Palerme réclament l’indé-
pendance. Des hommes se dressent
alors dans l’ombre, faisant jouer leurs
relations, investissant leur fortune
dans la résistance. Défi à l’autorité
étatique, sabotages, attaques de poli-
ciers, les « mafiosi » agissent en
bandes criminelles éparses qui vont
se renforcer et se lier à mesure que
l’anarchie la plus totale s’installe.
Elles jouent un rôle non négligeable
lors des révolutions de 1848 et 1860
et acquièrent par leurs hauts faits
cette aura de peur et de respect qui les
caractérise. Les bases de la Cosa Nos-
tra, la plus puissante mafia sicilienne,
viennent d’apparaître.
Sous d’autres formes, sous d’autres
cieux, « l’aventure» sicilienne trouve
ses pendants. En Chine, au Japon, en
Russie, au Mexique, en Colombie,
même dans le Sud dans la France
avec la «pègre» marseillaise. Toutes
ces « mafias », ou pieuvres selon le
terme consacré, plus ou moins déri-
vées et parfois même exportées direc-
tement à partir de l’Italie font bien
mieux que survivre. Si leur réel âge
d’or respectif, à l’exception des orga-
nisations russes, se trouve derrières
elles, les mutations qu’elles ont su-
Japansubculture
24 3 mars 2011
international Mafias
bies les portent vers l’international et
leur assurent encore un «bel» avenir.
L’heure est à l’influence sur les pou-
voirs locaux et aux relations inter-or-
ganismes. « Les mafias du monde
entier ont constitué un syndicat du
crime international depuis bien long-
temps, témoigne Hélène Blanc, poli-
tologue et écrivaine française. Elles
sont toutes en contact et représentent
un danger certain». Soyez prévenus,
en ce début de XXIe, les mafieux ne
connaissent pas le blues…
Lestriadeschinoises
Violentes, sanglantes, sans scrupules,
la réputation des triades s’est forgée
au fil des siècles puisqu’elles forment
sûrement les organisations crimi-
nelles mafieuses les plus anciennes au
monde. Il faut plonger au cœur du
XVIIe siècle pour en trouver l’origine
à la chute de la dynastie Ming.
Chongzhen, seizième et dernier em-
pereur Ming se pend en 1644 à Pékin
alors que les attaques de l’armée
mandchoue se multiplient. C’est le
début de la suprématie mandchoue
sur l’Empire du Milieu, la naissance
de la dynastie Qing qui règnera
jusqu’en 1911. Pour les Han, l’ethnie
chinoise majoritaire, la domination
d’un peuple étranger fait figure d’in-
sulte. Les premières organisations se-
crètes apparaissent alors avec pour
volonté de remettre un des rares Ming
survivant sur le trône impérial. Dès
leur création, ces sociétés de l’ombre,
dont la survie passe par l’anonymat et
la discrétion les plus totales, abritent
donc de fortes revendications poli-
tiques. Elles s’articulent autour des
grandes villes, comme Shanghaï ou
Pékin, en cellules locales qui œuvrent
dans un but commun : éliminer l’en-
nemi mandchou et libérer l’empire.
La connotation politique est une spé-
cificité des organisations chinoises
qui va perdurer, jusqu’à l’émergence
des triades telles qu’elles existent
aujourd’hui. Après des décennies
d’existence difficile sous une domi-
nation mandchoue impossible à
contrer efficacement, elles vont renaî-
tre avec la proclamation de la Répu-
blique de Chine. Avec son entrée dans
l’ère moderne, la Chine se politise et
les partis se développent, comme le
Parti Communiste (PC), alors puis-
samment soutenu par le voisin russe.
La première action imputable à une
triade a lieu à cette période, en 1927,
lors du soulèvement du PC chinois.
La triade de la Bande Verte, dont le
chef était un riche commerçant en re-
lation avec les Français, alors nom-
breux dans le pays, fut « mandatée »
pour écraser la révolte. Sous la forme
d’une milice, elle réprima violem-
ment les émeutes, et assura la stabilité
de la présidence de Tchang Kaï-chek
qui, dit-on, aurait lui-même été intro-
nisé dans l’organisation.
Après la Seconde Guerre mondiale,
lorsque Mao s’opposa ouvertement à
Tchang Kaï-chek, les triades jouèrent
là aussi un rôle central. Mao s’assura
le soutien de nombreuses triades lo-
cales que la Bande Verte comme le
gouvernement furent bien incapables
de contrer. En 1949, lorsque la Répu-
blique Populaire de Chine est procla-
mée, les membres de la Bande Verte
s’enfuirent pour la plupart vers Hong
Kong et Taïwan où ils rejoignirent
des sociétés déjà puissantes comme la
Sun Yee On. Aujourd’hui encore,
cette association criminelle aux nom-
breuses activités de façade légales
passe pour être la triade la plus puis-
sante, regroupant quelque 40 000
membres à travers le monde.
Mais de nos jours, les triades sont
passées du statut de sujet des poli-
Les triades chinoises font partie des organisations criminelles les plus violentes et les mieuxstructurées. Comme au Japon, le tatouage est une étape incontournable.
La France, elle, abrite parmi sa communauté chinoisedes membres de la Sun Yee On et des Soleil Rouge
DR
tiques à celui d’empereur. La Sun Yee
On, dirigée par les frères Huang,
contrôle une grande partie du cinéma
de Hong Kong et rackette allègre-
ment les producteurs. Idem pour le
marché du jeu à Macao, paradis des
mafieux chinois, où le «boss» des ca-
sinos Stanley Ho entretiendrait de très
étroites relations avec les membres de
la Sun Yee On et des 14K. « Leur
pouvoir est considérable car elles as-
sument un rôle d’interface entre la
sphère légale et la sphère crimi-
nelle», explique Roger Faligot, écri-
vain et journaliste auteur de L’Empire
invisible, les mafias chinoises. Le
pouvoir financier, et donc corrupteur
de structures comme la Sun Yee On
est colossal. Au niveau local, l’in-
fluence se fait d’autant plus lourde
que «des considérations comme l’ap-
partenance à une même région, voire
à une même famille entrent en jeu. Il
existe une très forte corruption des
gouvernements régionaux qui im-
plique des arrestations régulières de
politiques quand leurs liens avec les
criminels deviennent trop évidents»,
reprend-il. Mais les liens peuvent
aller beaucoup plus loin, comme en
témoigne l’auteur : « Parfois cela
mène à un véritable double jeu de la
part de représentants de l’Etat qui, à
la fois, travaillent sur le crime orga-
nisé au sens large, avec le concours
d’instances internationales, et font
partie ou entretiennent des relations
avec une organisation criminelle».
Prostitution, trafic de réfugiés, ate-
liers clandestins, salles de jeux illé-
gales, paris truqués, le tout sur fond
de corruption des pouvoirs locaux ; le
«modèle» chinois s’exporte au grand
dam de certains pays, Canada en tête.
Depuis plus de dix ans, l’Etat nord-
américain lutte contre les membres
du Cercle Rouge, une triade compo-
sée à la base d’anciens gardes rouges
expatriés. La France, elle, abrite
parmi sa communauté chinoise des
membres de la Sun Yee On et des So-
leil Rouge qui semblent particulière-
ment intéressés depuis quelques
années par le rachat des bars PMU
parisiens. Blanchiment d’argent ? Le
juge d’instruction du TGI de Paris,
Jean-Christophe Hullin, le soupçonne
et vient, à la suite d’une commission
rogatoire internationale, de partir en
Chine pour y mener son enquête.
Lesyakuzasjaponais
Dans le Japon d’aujourd’hui, les ya-
kuzas ou «yakouzes» selon le terme
péjoratif, semblent plus ne faire fi-
gure que de criminels à peine mieux
organisés que la moyenne, grande-
ment affaiblis par le plan anti-gang
mené par le gouvernement depuis les
années 90. Pour autant, les valeurs
autour desquelles les clans de yaku-
zas se sont formés perdurent, tout
comme leur influence dans les
sphères économiques et politiques.
« L’apparition des yakuzas résulte
de l’agrégation de deux grands
courants de hors-la-loi au XIXe siè-
cle : les bakutos (joueurs itinérants)
et les tekiyas (marchands itinérants
dont les produits étaient souvent
trafiqués ou volés) », raconte Jé-
rôme Pierrat, journaliste, spécialiste
français des yakuzas. A la chute du
shogunat Tokugawa en 1868 et avec
la restauration de l’ordre impérial,
de très nombreux samouraïs se re-
trouvent sans maître. Nombre de
ces rônins basculent dans la crimi-
nalité, sans renier pour autant le
code de la chevalerie qui fait leur
253 mars 2011
internationalMafias
Les neuf règles du ninkyôdô, le code de conduitedes yakuzas
1. tu n'offenseras pas les bons citoyens.
2. tu ne prendras pas la femme du voisin.
3. tu ne voleras pas l'organisation.
4. tu ne te drogueras pas.
5. tu devras obéissance et respect à ton supérieur.
6. tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui.
7. tu ne devras parler du groupe à quiconque.
8. en prison tu ne diras rien.
9. il n'est pas permis de tuer un katagari (personne ne faisant pas par-
tie de la pègre).
Le 20 avril 2002, les membres du Yamaguchi Gumi, le clan de yakuza le plus puissant duJapon, enterraient leur «boss», victime d’un règlement de compte.
japanfo
cus.o
rg
26 3 mars 2011
international Mafias
honneur. Ils apportent alors aux orga-
nisations criminelles existantes cette
rigueur, ces codes qui font la réputa-
tion des yakuzas. Ce code, le nin-
kyôdô (voir encadré), assure la survie
des clans puisqu’il leur fait adopter
une conduite irréprochable assurant
leur discrétion.
«L’activité des clans a explosé dans
les années 80 avec la bulle écono-
mique qu’a connu le Japon. Avec ces
perspectives de profits, les yakuzas
sont passés de recouvreurs de dettes
à usuriers, de fournisseurs de main
d’œuvre à investisseurs immobiliers,
reprend Jérôme Pierrat. Ils sont pas-
sés du statut d’hommes de main,
quand le pouvoir et les Etats-Unis
leur laissaient carte blanche pour en-
diguer le communisme à partir de
1945, à celui d’acteurs ». Mais des
acteurs qui touchent également aux
domaines criminels : « Les clans se
font beaucoup d’argent avec les am-
phétamines (shabu) dont le Japon est
le premier marché au monde».
Le Japon abriterait encore environ
80000 yakuzas répartis en 25 organi-
sations mafieuses dont la plus puis-
sante : le Yamaguchi Gumi, est basé
vers la ville de Kobe. Son chef est en-
core aujourd’hui considéré comme le
boss suprême des yakuzas et l’in-
fluence locale de telles structures,
dont il faut s’offrir la « protection »,
se révèle incontournable. « Le pou-
voir des yakuzas réside aussi dans le
fait que des liens forts et des alliances
existent entre les clans. Tout comme
des instances de régulation internes
qui permettent de prévenir les conflits
entre clans ». Un moyen de s’accor-
der une discrétion toute salutaire alors
que le gouvernement leur mène la vie
dure.
Les«cartels»mexicains
Après la lutte anti-gang menée avec
un certain succès par Alvaro Uribe en
Colombie, avec le soutien des Etats-
Unis, les «cartels» les plus puissants
d’Amérique Latine se situent désor-
mais au Mexique. «Les organisations
criminelles mexicaines se sont déve-
loppées autour du trafic de drogue,
Les rues de Ciudad Juarez sont régulièrement le théâtre d’affrontements entre forces de l’ordre et membres des cartels mexicains. La ville estréputée pour être l’une des plus violentes au monde.
Associa
ted P
ress
après la Seconde Guerre mondiale,
mais elles étaient dominées par les
cartels colombiens, analyse Jean Ri-
velois, chercheur à l’Institut de re-
cherche pour le développement et
spécialiste français des cartels mexi-
cains. A partir des années 90, avec la
chute du cartel de Cali et l’arresta-
tion de Pablo Escobar, les Mexicains
ont commencé à s’assurer le contrôle
de l’intégralité des routes de la
drogue. Des sites de production en
Amérique centrale jusqu’à la fron-
tière des Etats-Unis voire au-delà ».
Dans cette région du monde, c’est le
contrôle des routes qui confère de la
puissance à une organisation plutôt
qu’à une autre. Le Mexique se situe
entre les Etats-Unis et l’Amérique
centrale qui n’est qu’un long corridor
orienté Nord-ouest /Sud-est. Dominer
les voies d’acheminement de la
drogue revient à disposer d’une situa-
tion de quasi monopole et d’une
manne financière considérable. Selon
Jean Rivelois, « tout cela s’est déve-
loppé grâce au climat favorable ins-
tauré par le Parti Révolutionnaire
Institutionnel, au pouvoir jusqu’en
2000 ». Mais l’alternance politique
n’a pas amené d’amélioration nota-
ble, bien au contraire. Décidé à lutter
contre le fléau de la drogue, sur le
modèle adopté par la Colombie, le
président Felipe Calderón fait les
frais des graves crises économiques
qu’a connu le Mexique dans les an-
nées 2000. « La pauvreté amène le
trafic de stupéfiants à se développer
encore plus, reprend le spécialiste. Le
marché mexicain s’est alors diversifié
et il y a désormais autant de drogue
consommée au Mexique qu’exportée
aux Etats-Unis».
Les cartels profitent de cette situation
pour s’implanter d’autant plus pro-
fondément dans le tissu local. «Dans
certaines régions, comme à Ciudad
Juárez [ville du nord du pays située
juste à côté de la frontière américaine
et réputée pour être un point de pas-
sage de clandestins et de drogue,
ndlr], il existe des restaurants vides
en permanence. Un moyen comme un
autre de blanchir l’argent de la
drogue, détaille Jean Rivelois. La po-
lice s’achète facilement, à tel point
que le gouvernement doit envoyer
l’armée pour lutter contre les crimi-
nels. Une situation dont la popula-
tion, excédée par les violences,
souffre. Elle réclame d’ailleurs le re-
tour à des négociations ouvertes avec
les cartels». Mais traiter ouvertement
avec des criminels amènerait l’Etat à
hypothéquer définitivement son pou-
voir. Seul «espoir», que les différents
cartels finissent par s’entretuer dans
leur lutte pour la domination.
Le reste du monde enquelques motsSi les grandes heures de la Bratva, la
mafia russe, sont passées avec la fin
du mandat de Boris Eltsine, les in-
fluences douteuses, elles, perdurent.
Les richesses du pays sont entre les
mains de quelques oligarques par
l’intermédiaire de sociétés de premier
plan (Gazprom, Ioukos, Rosoboro-
nexport, etc.) dont d’ex-membres du
KGB, Vladimir Poutine le premier,
ne sont jamais loin.
Outre-Atlantique, les familles ita-
liennes expatriées aux Etats-Unis per-
pétuent la tradition. A New York, les
«cinq familles» continuent de diriger
dans l’ombre une partie des affaires
criminelles de la ville, malgré des
coups de filet policiers réguliers. Le
dernier en date a permis 127 arresta-
tions de membres présumés de la
Cosa Nostra en janvier dernier.
Quant à la France, amputée de son
«dernier parrain», Jacques Imbert, le
mystère plane concernant l’état de la
pègre marseillaise, très active dans
les années 80 et 90. Ses membres
n’apparaissent plus qu’épisodique-
ment dans les pages des faits divers,
souvent en tant que victimes de règle-
ments de compte. g
273 mars 2011
internationalMafias
Dans les années 20 et 30, Al Capone, parrain de la mafia de Chicago, était une figureincontournable du crime organisé aux Etats-Unis. Il siégeait au Syndicat national du crime.
Le dernier coup de filet a permis 127 arrestationsde membres présumés de la Cosa Nostra en janvier
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monde arabeinternational
3 mars 201128
L’éveildémocratique
Les révolutions tunisiennes et égyptiennes ont inspiré leurs voisins du Monde Arabe.Mais l’aspiration légitime à la démocratie ne pourra se faire qu’en fonction de l’his-toire de chaque pays. Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Histoire etprospectives.
Par Nadine Achoui-Lesage et Wilfried Corvo
Le 17 novembre 2010
à Sidi Bouzid, en
Tunisie, Mohamed
Bouazizi, marchand
ambulant de fruits et
légumes, s’immole par le feu. Sa
marchandise avait été confisquée par
les autorités tunisiennes. C’est le
point de départ de la « révolution de
jasmin » en Tunisie. Ces révoltes ré-
vèlent l’éveil des populations face à
un pouvoir accaparé par les mêmes
dirigeants depuis plusieurs décen-
nies. Seuls Zine el-Abidine Ben Ali,
l’ancien président tunisien, entre la
vie et la mort en Arabie Saoudite, et
Hosni Moubarak, en Egypte, ont
cédé le pouvoir alors que Mouam-
mar Kadhafi, autoproclamé « chef et
guide de la révolution », résiste à la
révolte à son encontre en Lybie,
quitte à faire couler le sang de son
propre peuple. Kadhafi aura peut-
être moins de chance que Mahmoud
Ahmadinejad en juin 2009, dont la
répression avait calmé les ardeurs ré-
volutionnaires en Iran. Au fil des se-
maines, la vague de protestation est
amplifiée par un vent d’Ouest. La
contagion s’est maintenant répandue
jusqu’au Moyen Orient. Certaines
convergences dans les revendica-
tions sont notables entre les pays :
plus de liberté, plus de démocratie,
plus de partage des richesses. Mais
certaines divergences sont égale-
ment notables dans ces territoires
dans la nature-même des révoltes.
En Lybie comme au Yémen et au
Bahreïn, l’influence des tribus pour-
rait représenter une menace au pou-
voir. A travers ces protestations,
certains opposants aux régimes ac-
tuels revendiquent aussi plus de pou-
voir. Les cas de la Tunisie et de
l’Egypte sont déclencheurs, plus que
modèles. D’ailleurs, les dirigeants
encore en place jouent plutôt la carte
du dialogue et de la négociation pour
passer entre les mailles du filet. Ar-
rivée aux portes de la Syrie, la vague
révolutionnaire inquiète des monar-
chies inoxydables comme l’Arabie
Saoudite. g
monde arabe international
3 mars 2011 29
DR
30 3 mars 2011
international monde arabe
Au Maroc, la royauté, symbole de l’unité du pays, n’est pas encore remise en cause.
Algérie, Maroc: L’impasse?
Faisant face à des contestations de masse,le Maroc et l’Algérie sont en plein boule-versement et gèrent de manière différenteles contestations, utilisant tantôt la force,tantôt l’écoute.
Par Nadine Achoui-Lesage
Les deux pays les plus
ouverts du Maghreb
ont gardé des liens
forts avec l’Europe
mais font face à des
difficultés sociales et économiques
profondes. En Algérie et au Maroc,
la richesse est clairement mal répar-
tie. L’Algérie, riche en pétrole, a un
excédent budgétaire de plus de
170 milliards de dollars. De son côté,
le Maroc affiche une croissance de
plus de 5 % chaque année. Un dyna-
misme qui en fait la cinquième puis-
sance économique d’Afrique avec un
PIB de 100 milliards de dollars.
Néanmoins, ces chiffres ne représen-
tent pas la réalité. A Alger, officielle-
ment, le taux de chômage est de
10 %, mais les inégalités géogra-
phiques prouvent qu’il atteint 40 %
dans certaines régions.
Peur des dirigeantsMême schéma au Maroc, avec des
régions pauvres, notamment celle
d’Al Hoceima ou le PIB par habitant
ne dépasse pas celui d’un pays
comme le Togo (152e en 2010 selon
le FMI). Abdelaziz Bouteflika, en
place depuis 1999 en Algérie, a
connu cinq jours d’émeutes depuis
janvier qui ont fait cinq morts. La
levée de l’état d’urgence, en place
depuis 19 ans, implique une baisse de
pouvoir de l’armée et l’autorisation
de manifester. Pour autant, l’armée
continue d’invoquer des raisons de
sécurité pour interdire ces rassemble-
ments. Résultat : le président algérien
a annoncé, le 22 février, des mesures
concernant le logement et l’emploi
pour tenter d’apaiser les insurgés.
Mohammed VI, aussi au pouvoir de-
puis 1999 au Maroc, mène la même
politique sociale pour calmer la rue.
Des manifestations sont prévues
quotidiennement et le chef de la po-
lice a annoncé qu’aucun membre
des forces de l’ordre « ne frapperaitun manifestant ». Dignité, liberté,
droit du travail, droit à la santé, les
revendications sont similaires. De-
puis la fuite de Zine el-Abidine Ben
Ali et celle de Hosni Moubarak, « lapeur a changé de camp, elle estmaintenant chez les dirigeants »,
souligne Salam Kawakibi, directeur
de recherche à l’Initiative de Ré-
forme Arabe.
IncertitudeLes deux voisins ont des spécificités
qui ne permettent pas de se projeter
sur un éventuel changement. « Bou-teflika n’a aucun pouvoir. Il a desprivilèges, mais tout le monde saitque l’armée détient le pouvoir, etque changer de président ne servi-rait à rien. C’est une dictature mili-taire qui utilise les élites civilespour diriger l’État. Ce sera plus dif-ficile en Algérie qu’en Tunisie », ex-
plique Lahouari Addi, Professeur à
l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon au journal Le Progrès. A Rabat
également, la refonte du système
n’est pas à l’ordre du jour. Salam
Kawakibi précise : « Le roi est en-core vu comme le symbole d’unitédu pays. Ce n’est pas en changeantle système qu’on aura une démocra-tie. En Libye, Kadhafi a renversé leroi… Et maintenant, ils ont Ka-dhafi ! ». Pas de bouleversement
prévu dans ces deux pays qui jouent
la carte de l’apaisement. g
Denompour
«Dans le voyage démo-cratique, il y a tou-jours des lacunes. On
ne peut pas les résoudre par la vio-lence», clame Nasser Al Belooshi,
l’ambassadeur du Bahreïn. Pourtant la
police a sévi lors des manifestations
sur la place de la Perle de Manama.
Le 18 février, le prince héritier, Sal-
man Al Khalifa, a appelé le peuple et
les forces de l’ordre au calme. Le
Yémen et la Jordanie voient aussi leur
régime contesté. Comme en Lybie, les
différentes tribus et cultures dans ces
pays ont un poids qui peut ébranler le
pouvoir. Encore faut-il qu’il y ait un
pouvoir. «Le Yémen n’est pas vrai-ment un Etat-Nation. Avec le prési-dent Ali Abdallah Saleh, il n’y a pasde réel gouvernance», indique Frédé-
ric Encel, docteur en géopolitique.
Le pouvoir des opposantsPour garder le pouvoir, Mahmoud Ah-
madinejad a utilisé la répression en
Iran en juin 2009. Une autre mé-
thode : s’entendre avec les différentes
composantes de la nation. Mouammar
Kadhafi avait choisi cette méthode en
travaillant avec les tribus.
Au Bahreïn, elles sont plutôt favora-
bles à la famille Al Khalifa, dynastie
sunnite au pouvoir depuis 200 ans,
malgré une majorité de chiites dans le
royaume (70%). Mais Hassan Ma-
chaimaa, opposant chiite et leader du
MLD (Mouvement des libertés et de
la démocratie ) en exil au Liban, jugé
par contumace pour acte de terro-
risme, doit rentrer le 1er mars au Bah-
reïn. Il souhaite rejoindre la
contestation même s’il risque l’arres-
tation. Au Yémen, l’un des pays les
plus pauvres du monde, le peuple
multiplie les manifestations pour le
départ du président Saleh, qui ne se
présentera pas aux élections de 2013.
Le pouvoir n’a pu empêcher les
guerres civiles depuis la réunification
en 1990. En Jordanie, la population
manifeste pour obtenir des réformes
constitutionnelles. Le roi Abdallah II
a officiellement lancé la lutte contre la
corruption. «Le problème jordanientient plus du conflit israélo-palesti-nien et du manque de ressourcesnaturelles», explique cependant Fré-
déric Encel.
Manipulations et stratégiesBarack Obama protège les intérêts
américains. Il a, sans hésiter, envoyé
Michael Mullen, le chef d’Etat-major
des armées pour rassurer le Bahreïn.
«Une simple visite de courtoisie au
retour du roi Hamad II au pays »,
argue Nasser Al Belooshi. La cin-
quième flotte est présente dans le pays
depuis 63 ans. «Bahreïn est une zoneextrêmement intéressante pour sesressources en gaz», explique Frédéric
Encel. Un intérêt que l’Iran partage
même si l’entente n’est pas toujours
cordiale avec son voisin. Les tribus ne
veulent pas être inféodées au pouvoir
iranien, mais les opposants les plus
farouches pourraient le vouloir. Ah-
madinejad cultive encore la contradic-
tion. Il critique la répression excessive
et sanglante de Mouammar Kadhafi
en Lybie et a salué la révolte
égyptienne.
Au Moyen-Orient, la manière forte
n’est pas la solution pour les diri-
geants. Un choix stratégique qui pour-
rait leur permettre de garder le
pouvoir. Aux rois et chefs d’Etat de
composer avec cette fièvre démocra-
tique qui pousse chez leur population,
ou de se faire éjecter. g
313 mars 2011
internationalmonde arabe
Les dirigeants du Monde Arabe doivent maintenant dialoguer avec les tribus.
Magharebia
Factions, tribus, le réveildes contre-pouvoirs
En Tunisie et en Egypte, une population uniforme s’est élevée face à la dictature, réclamant ladémocratie et la liberté. Mais au Moyen-Orient, l’autorité des tribus leur confère un rôle depremier plan.
Par Wilfried Corvo
C’est une révolution
sur fond de guerre
civile qui se dé-
roule actuellement en
Libye. Plusieurs fac-
teurs ont déclenché cette révolte qui
se transforme chaque jour un peu
plus en un bain de sang. « Même sil’indice de développement humainest élevé, les rentes pétrolières nesont pas généreusement réparties etle pays souffre de 30 % de chômage,et compte 10 % de la population
sous le seuil de pauvreté », explique
Saïd Haddad, maître de conférences
à Saint-Cyr. A cela s’ajoute une
prise de conscience collective nour-
rie par un ras-le-bol général.
Depuis 42 ans, le colonel Kadhafi
est à la tête de la Jamahiriya arabe
libyenne, les facteurs socio-écono-
miques et l’ouverture de la jeunesse
sur le monde, poussent le pays dans
un chaos. « Le système politique li-byen a évolué différemment des au-tres de la région. Kadhafi s’obstine
dans une démarche africaine, soli-taire, souligne Driss Abbassi, cher-
cheur associé à l’Institut de
Recherche et d’Etude sur le Monde
Arabe et Musulman (IREMAM) et
historien. On est face à un décalageénorme entre un système politiquesclérosé et le peuple qui évolue versla démocratie ».
Seulement, le colonel Kadhafi
compte sur ses alliés pour rester en
place face à une foule qui ne déco-
lère pas. « Il y a une diversité des
32 3 mars 2011
international monde arabe
Depuis le 13 janvier, la contestation libyenne grandit. Des villes entières sont tombées du côtédes insurgés. Mouammar Kadhafi a promis qu'il « se battrait jusqu'à la dernière goutte de sang».
Par Nadine Achoui-Lesage
DR
Libye : l’impossible fin?
forces de frappe du colonel. Dans safermeté il peut compter sur l’armée,même si cette dernière est moins or-ganisée qu’ailleurs dans la région,mais surtout sur sa garde rappro-chée et les mercenaires qu’il faitvenir d’Afrique », commente Del-
phine Perrin, chercheur au CARIM
(Consortium Euro-méditerranéen
pour la recherche appliquée sur les
migrations internationales) et à l’Ins-
titut européen de Florence.
Les mercenaires sont arrivés en
masse de divers pays africains
comme le Tchad, pays anciennement
annexé par Kadhafi, mais également
du Nigéria. Certains sont aussi issus
des tribus libyennes restées fidèles au
Livre vert. Ils seraient environ 30000
hommes armés selon les estimations
de l’ONG Human Rights Solidarity.
Disséminés dans tout le pays, princi-
palement à l’Est, ils forment l’ancien
réseau du colonel. Historiquement
proche de lui, ils s’en prennent à la
population à l’intérieur même des hô-
pitaux et n’hésitent pas à tirer dans la
foule contre de l’argent.
Une fin peu prévisible Plusieurs scénarios sont possibles
pour définir la suite de ce mouve-
ment sanglant. « Soit le régime, dansun bain de sang, écrase les manifes-tations. Soit la communauté interna-tionale s’en mêle notamment auniveau pétrolier - qui représente 80%des revenus de l’Etat - en coupant lerobinet de l’or noir, ce qui pourraitébranler les plans du colonel », ex-
plique Saïd Haddad. Cependant, Ka-
dhafi possèderait 200 milliards de
dollars de réserve et de placements
à l’étranger.
Pour l’heure les analystes restent
sceptiques sur la tournure des événe-
ments : «Dans son discours, Kadhafia été très clair en annonçant uneguerre civile. Je ne vois pas le colonelpartir, ce n’est pas dans sa nature. Etmalheureusement je ne vois une suiteque dans la violence», souligne Del-
phine Perrin. Les discours se multi-
plient et semblent de plus en plus
violents et surréalistes, où les libyens
sont traités de « drogués » agissant
sous la coupe de Ben Laden.
Des scénarios sur fond d’incertitude
et une communauté internationale
fébrile ne permettent pas, à l’heure
actuelle, de se projeter sur l’issue du
conflit. « Kadhafi joue la carte duchantage, on est donc dans une pé-riode de conditionnalité migratoire.Mais tout est possible dans lemonde arabe. La Tunisie et l’Egypteen sont la preuve actuelle », conclut
Saïd Haddad. g
333 mars 2011
internationalmonde arabe
Kadhafi cherche à reprendre la main sur l’est du pays, actuellement aux mains des rebelles.La ville d’Ajdabiyâ est la cible de bombardements.
«Kadhafi possèderait 200 milliards de dollars deréserve et de placements à l’étranger»
Tunisie : l’après
Débarrassée depuis le 13 janvier de Zine el-Abidine Ben Ali, qui
détenait le pouvoir depuis 23 ans, la Tunisie offre aujourd’hui la
preuve formelle qu’un peuple peut se soulever pour renverser un
système inégalitaire et dictatorial.
nouveau rebondissement à tunis, ou les manifestations continuent pour
éradiquer tous les membres du rdC, le parti de l’ex président ben ali.
le premier ministre, mohammed Ghannouchi a démissionné dimanche
27 février sous la pression de la rue. C’est maintenant à béji Caïd essebsi,
réputé pour être libéral, et plusieurs fois ministre sous la présidence
d’Habib bourguiba, de mener le pays jusqu’aux élections, prévues
mi-juillet.
entre ennahba, le parti islamiste, les membres du rdC toujours en poste
et les autres, les élections s’annoncent confuses. les manifestations se
poursuivent et cinq personnes ont été tuées par les forces de l’ordre le
week-end du 26 février. mais aux yeux du monde arabe, la tunisie de-
meure ce pays qui a insufflé le vent de la révolution, celui par qui « tout
est devenu possible ».
34
35
Conseillers territoriaux:Deux élus en un
La course au remanie-
ment est lancée. Pas
pour le gouvernement
non, mais bien pour les
politiques locaux. Les
conseillers territoriaux - fonction-
naires hybrides mi-conseillers géné-
raux et mi-conseillers régionaux -
devraient faire leur apparition en
2014. Les élections cantonales de la
fin du mois seront donc les dernières.
Gros chantier pour le gouvernement
qui s’attire les foudres des concernés
depuis le début des propositions.
Vingt motions ont déjà été mises à
plat par l’ancien Premier ministre
Edouard Balladur, aidé d’un comité
chargé d’établir de nouveaux objec-
tifs liés à la réforme territoriale. Le
but : réduire le nombre d’élus locaux
à 3000. Avec 5917 conseillers régio-
naux et généraux pour 63 millions
d'habitants, la France détient jusqu’ici
le record du monde dans le domaine.
Le gouvernement l’affirme : il n’y
aura pas de suppression de postes.
Pourtant, en fusionnant deux fonc-
tions en une, il y aura forcément un
sacrifice d’élus. Trêve de sentimen-
talisme pour le gouvernement qui fait
la sourde oreille. Le premier volet de
la loi, voté le 16 février 2010, a per-
mis d’organiser les deux élections de
mars 2010 pour les conseillers régio-
naux puis pour les cantonales des 20
et 27 mars 2011. Il a ainsi fait
concorder leur fin de mandat, laissant
place à l’élection des conseillers ter-
ritoriaux dans trois ans. Une ordon-
nance définira ensuite leur dispersion
dans les cantons. La première propo-
sition met déjà les points sur les « i » :
la loi devra favoriser les regroupe-
ments volontaires de régions pour en
réduire le nombre à une quinzaine au
lieu de vingt-deux.
Dossier épineuxPourquoi cette réforme - que la plu-
part des électeurs ne remarquera
même pas - des collectivités territo-
riales ? «Pour simplifier le système
administratif français tout en renfor-
çant la démocratie locale», dixit le
gouvernement. Entre les villes, les
communautés d’agglomération, les
cantons, les départements et les ré-
gions, cela devenait en effet un peu
compliqué. L’Etat s’est rendu
compte que les Français ne compre-
naient rien à qui faisait quoi, et ne sa-
vaient même pas s’ils devaient se
tourner vers la région ou la « com-
munauté de communes » pour faire
construire une sanisette pour chiens
dans leur quartier. Avec cette ré-
forme, finalement, ils ne sauront tou-
jours pas. Il restera des élus à la ville
et aux inter-communes en plus des
conseillers territoriaux. Et puis sur-
tout, toutes ces collectivités, mises
bout à bout, coûtent quand même
bien plus cher qu’un bon bourgmes-
tre des familles. «Entre 2003 et
2007, les dépenses locales ont aug-
menté de 40 milliards d’euros, soit
six fois le budget de la Justice», s’in-
surge Luc Chatel, alors porte-parole,
le 26 octobre 2009. Parmi les chan-
gements prévus, outre l’apparition
du conseiller territorial, les com-
munes vont devoir également,
36 3 mars 2011
Politique Cantonales
La réforme territoriale n’est pas encore en vigueur - elle arrivera dans nos régions en 2014 -et, juste avant les cantonales, elle suscite déjà l’inquiétude des élus de gauche comme de droite.
Par Eléonore Quesnel et Audrey Loussouarn
Les dernières élections cantonales du 20 et 27 mars laisseront place aux «super-conseillers»dits territoriaux.
DR
Des élus certes deux fois moins nombreuxmais deux fois plus puissants
373 mars 2011
PolitiqueCantonales
toutes, se fédérer en inter-com-
munes. La partie « conseiller territo-
rial » sert donc à rapprocher région et
département : il ne s’agit en aucun
cas de supprimer un échelon, comme
cela aurait pu être fait. Une loi sera
édictée pour définir les compétences
de chaque collectivité, car s’il n’y
aura plus de conseillers généraux ni
régionaux, il subsistera tout de même
un Conseil général et régional.
Départ d’unfonctionnaire sur deuxAvec la réforme des collectivités ter-
ritoriales, il n’y aura donc plus de
conseillers généraux et régionaux,
mais uniquement des conseillers ter-
ritoriaux. Des presque 6 000 élus, il
n’en restera plus que 3 000 en 2014,
dans la pure lignée du non-rempla-
cement d’un fonctionnaire sur deux.
Au service de presse de l’Etat de se
justifier tant bien que mal : «Des
élus certes deux fois moins nom-
breux mais deux fois plus puis-
sants ». Un peu comme la lessive
Skip. Les survivants siégeront aussi
bien au Conseil général qu’au régio-
nal. Ils devront donc gérer à la fois
les dossiers départementaux et régio-
naux, ce qui n’est pas forcément une
mauvaise idée en soi. «Ce nouvel
élu développera à la fois une vision
de proximité du fait de son ancrage
territorial et une vision stratégique
en raison des missions exercées par
la région, énumérait au Sénat un
Brice Hortefeux enthousiaste lors de
la présentation de la loi. Sa connais-
sance du mode de fonctionnement
des structures des deux collectivités,
de leurs compétences respectives et
de leurs modalités d'interventions
juridiques, techniques et financières,
lui permettra tout naturellement de
favoriser une articulation plus
étroite de leurs interventions respec-
tives afin d'éviter les actions concur-
rentes ou redondantes sur un même
territoire».
Pourtant, chacune des deux collecti-
vités a des fonctions bien précises et
ne marche pas, en théorie, sur les
plates-bandes de l’autre. Au départe-
ment incombent, l’aide sociale,
l’éducation (collèges), la voirie, la
culture, etc. A la Région, le dévelop-
pement économique, le tourisme,
l’éducation (lycées), l’aménagement
du territoire... «Les dépenses redon-
dantes, les actions rivales seront sup-
primées. Les projets cohérents, les
économies d'échelle, les complémen-
tarités systématiquement recher-
chées», détaillait Nicolas Sarkozy en
octobre 2009. Faire des économies,
pourquoi pas, mais pour certains, ce
ne sera pas vraiment le cas. Pour
Lydie Autreux, conseillère générale
de Seine-et-Marne, si les conseillers
seront deux fois moins nombreux
Ces conseillers généraux des Ardennes, élus en 2008, ne connaitront pas tous une métamorphose en conseillers territoriaux. Des presque 6 000élus sur l’ensemble du territoire, il n’en restera plus que 3 000 en 2014.
DR
38 3 mars 2011
Politique Cantonales
qu’aujourd’hui, ils seront aussi
mieux payés. Selon elle, ces élus pas-
seront beaucoup moins de temps
« sur le terrain », dans leur départe-
ment, que les actuels conseillers gé-
néraux, implantés dans les cantons
(lire l’interview en page 37).
Cumul des mandats,anticonstitutionnel?Mais le regroupement des conseillers
ne risque pas de passer tout à fait ina-
perçu. Déjà en janvier 2010, le projet
de réforme a engendré des réticences.
Le secrétaire d’Etat aux collectivités
territoriales Alain Marleix avait pré-
senté un premier jet de la loi qui pré-
voyait l’élection de 80 % des
conseillers au scrutin uninominal à un
tour, et les 20% restants à la propor-
tionnelle intégrale. Durée du mandat :
six ans. Un partage qui permettrait de
mettre en avant la majorité tout en
donnant une chance aux partis mino-
ritaires. Ce scrutin mixte peut permet-
tre, selon Laurent Fabius, ancien
membre PS du conseil général de
Seine-Maritime, «qu’une liste ayant
recueilli au niveau régional moins de
votes qu’une autre, puisse néanmoins
recueillir plus de sièges qu’elle».
Cette idée a vite été critiquée par le
Conseil d’Etat, qui l’estime anticons-
titutionnelle. Le but était de cumuler
les vertus du mode de scrutin majori-
taire et du mode de scrutin propor-
tionnel. Mais les deux semblent
incompatibles puisque d'un côté le
scrutin majoritaire à un tour favorise
le bipartisme alors que de l'autre, le
scrutin de liste favorise le pluralisme.
Autre point contesté dans cette propo-
sition, la fin des triangulaires au se-
cond tour. Pour l’UMP, elles ont
participé à sa défaite aux anciennes
élections. Pour cause, le scrutin s'est
joué entre trois candidats dans dix-
sept régions. 200 députés proches de
Jean-François Copé avaient soutenu
cette idée. Le gros problème de la ré-
forme reste le cumul des mandats. La
loi stipule qu’un élu peut exercer deux
fonctions mais pas plus. Alors un
maire pourra-t-il être à la fois conseil-
ler général et régional ou le poste de
conseiller territorial sera-t-il considéré
comme un seul mandat avec deux fois
plus de responsabilités? Le principe
de «double mandat» avait été proposé
par le député Lionel Tardy (UMP).
Détail douteux, après un vote à main
levée en Assemblée, la députée Cathe-
rine Vautrin (UMP) a refusé d’exposer
le résultat du comptage. La réforme
est donc loin d’être bouclée.
Quoi qu’il en soit, les bureaux de
vote risquent d’être bien vides les di-
manches 20 et 27 mars prochains,
les élections cantonales étant isolées.
En effet, elles sont d’ordinaire cou-
plées avec les municipales. Et même
dans ce cas de figure, ce n’est pas la
bousculade devant les urnes. En
2008, l’abstention avait été de
44,55 %. Enjeu primordial de ces
élections : si la gauche obtient la ma-
jorité dans les départements français,
elle obtiendra le Sénat. De quoi dé-
stabiliser l’UMP pour 2012. g
Les Conseils généraux financent le sport et la jeunesse, comme ici le skate-park de Chellesen Seine-et-Marne.
Ele
onore
Quesnel
Communautés de communes sur tout le territoire
quid des super-villes, obscurs conglomérats de communes voulus par
Jean-Pierre Chevènement, auxquelles les électeurs ne comprennent pas
grand chose ? avec la réforme des collectivités territoriales, pas question
de supprimer les communautés de communes. il s’agit au contraire de
les renforcer. le 1er janvier 2014, la « carte de l’intercommunalité » sera
achevée et nombre de syndicats redondants, supprimés. Pour renforcer
la démocratie locale, les électeurs voteront pour leurs représentants
communautaires aux élections municipales, ce qui devrait éviter une
abstention massive. quant aux collectivités appelées « pays » - les ancê-
tres des communautés de communes, créés en 1995 -, il ne s’en érigera
plus, dans un souci de modernisation du territoire. les quelques cen-
taines de « pays » actuels continueront néanmoins d’exister.
393 mars 2011
PolitiqueCantonales
«Le contact avec leshabitants n'existera plus»
A quoi ressemble la journée « type » d'une
conseillère générale ?
Tous les lundis matin, nous avons une réunion à Melun [au
sud de la Seine-et-Marne, ndlr], avec le président du
Conseil général, le vice-président, les conseillers de la ma-
jorité et la direction adjointe. Une fois par mois, nous
avons des commissions avec l’opposition, sur la solidarité,
l'environnement, les transports, la culture, le sport, etc.
Nous allons aussi aux réunions des conseils d’administra-
tion des collèges ou des théâtres avec lesquels nous tra-
vaillons. Nous nous rendons également aux tables rondes,
inaugurations, brocantes, lotos, salons, compétitions, mai-
sons de retraite, etc. Et nous recevons les habitants qui sou-
haitent parler de leurs problèmes. Il y a donc beaucoup de
route, et on est pris tous les jours.
Comment conseils général et régional se partagent-ils
les tâches?
Le Département s'occupe principalement de l'action so-
ciale, c'est-à-dire du RSA (Revenu de Solidarité Active),
des personnes âgées, de la petite enfance, de la protec-
tion maternelle infantile (PMI), des routes, de l’emploi,
du sport, de la culture, du personnel d'entretien des col-
lèges et des projets pédagogiques. Tandis que l'entretien
et la restauration des collèges relèvent de la Région.
Mais nous nous occupons conjointement des transports
en commun, avec le STIF (Syndicat des Transports
d’Ile-de-France).
Le conseiller général est-il plus proche des habitants
que le conseiller régional?
Oui, le conseiller régional est à Paris, tandis que nous
sommes dans le département. Notre rôle, c'est d'être à
l'écoute des habitants.
Que pensez-vous de la disparition des conseillers tels
que nous les connaissons au profit des conseillers
territoriaux?
Ils ne feront que des réunions, ça n'aura pas d'intérêt. Ils
seront principalement à Paris, donc le contact direct avec
les habitants n’existera plus. Ici, les Chellois ne savent
pas qui sont leurs conseillers régionaux, tandis que nous,
ils nous connaissent, car le Conseil général est basé dans
le canton, et que nous sommes là pour les aider. Le
Conseil général n'existera plus, et il n'y aura plus per-
sonne sur le terrain. Dans les zones rurales, cela se verra
beaucoup plus. Le risque est que les gens ne sachent plus
vers qui se tourner. Que l'on croise les compétences de
chacun, en mêlant département et région, pourquoi pas,
mais pas comme ça. En plus, ça ne fera pas faire d'éco-
nomie, au contraire. Certes il y aura moins de conseil-
lers, mais ils seront mieux payés.
Pour Lydie Autreux, conseillère générale du canton de Chelles (77), la disparition des conseil-lers généraux et régionaux au profit du conseiller territorial est une mauvaise chose. Selonelle, ce nouvel élu n’aura pas le temps d’entendre les doléances des citoyens.
Propos recueillis par Eleonore Quesnel
Lydie Autreux, conseillère générale de Seine-et-Marne depuis2008, est chargée des personnes âgées et de la santé publique.
«Le risque est que les gens nesachent plus vers qui se tourner»
DR
Lydie Autreux, conseillère générale (PS) du canton de Chelles (77)
«C’est une réforme né-
cessaire et certains
points qu’elle aborde
sont très positifs, attaque sans hésiter
Céline Braq, directrice adjointe de
l’institut de sondage BVA Opinion.
Des affaires comme celle des son-
dages de l’Elysée, actuellement trai-
tée par la justice, jettent le discrédit
sur la profession. Demander à ce que
les identités des commanditaires et
des payeurs des sondages soit ren-
dues publiques est une règle de base
qui aurait dû être appliquée depuis
bien longtemps». Cette question de la
transparence de l’identité des acteurs
d’une enquête d’opinion est en effet
au centre de la proposition du séna-
teur UMP Hugues Portelli, qui avait
porté le projet en octobre dernier.
Eviter toute compromission, rega-
gner la confiance de l’opinion pu-
blique et des clients, voilà les enjeux
de cet ajustement législatif pour les
instituts de sondage sérieux. BVA,
Ipsos, TNS Sofres, LH2 et les autres
ont en effet tout intérêt à jouer le jeu.
La valeur commerciale d’un sondage
se détermine notamment par sa per-
tinence. Les médias, les entreprises,
les partis politiques, sont aussi
friands de telles enquêtes pour l’ap-
pui qu’elles apportent à une théorie
en démontrant qu’elle reflète l’opi-
nion majoritaire. « Les sondages ser-
vent fréquemment à donner un vernis
de crédibilité à une thèse » explique
Antoine Guiral, chef du service poli-
tique de Libération. Si cette crédibi-
lité disparaît, le sondage devient
inutile, qu’il s’agisse d’enquêtes po-
litiques publiées par les médias (plus
de 1 000 par an) ou d’études com-
mandées par des entreprises privées.
Confusion des genresMais pour Céline Braq, ce n’est pas
le seul disfonctionnement que la pro-
position, adoptée à l’unanimité par
les sénateurs le 14 février dernier,
corrigera : «Elle devrait permettre de
clarifier l’appellation même de son-
dage. Aujourd’hui, il existe des sites
internet qui se contentent de poser
des questions en ligne et de récolter
les votes des visiteurs tout en appe-
lant cette pratique « sondage». Il y a
confusion entre le travail des instituts
et ces pratiques». Des pratiques qui,
en effet, se rapprochent plus de l’ex-
40 3 mars 2011
politique enquête
La position du Sénat sur la proposition de loi s’oppose à celle du gouvernement qui ne voit pas d’un bon oeil cette possible future réforme.
DR
Sondages : un ajustement nécessaire?
La proposition de loi sur les sondages, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 14 février dernier,prévoit un encadrement plus strict et une meilleure transparence des enquêtes d’opinion. Enl’état, elle convainc pourtant inégalement les acteurs du monde politique.
Par Pascal Golfier
pression populaire que de l’enquête
d’opinion. Pour autant, si le sondage
«est indispensable à la démocratie»
selon les termes de Céline Braq, l’ex-
pression populaire en est également
un fondement.
Et c’est bien là le nœud de la polé-
mique. Le sondage revêt-il vraiment
cette notion de reflet de l’opinion du
peuple ou peut-il être manipulé,
orienté, voire truqué ? « En fonction
de la tournure de la question, on peut
constater des variances de 10 points
dans des sondages qui traitent du
même sujet» reprend Antoine Guiral.
Un des derniers exemples en date : les
consultations lors des grèves qui ont
amené à la pénurie d’essence d’octo-
bre dernier. Au plus fort des manifes-
tations, 56 % des français interrogés
réclamaient la fin des blocages si la
réforme des retraites était votée à
l’Assemblée. Au même moment, une
autre enquête stipulait qu’ils étaient
54 % à se dire en accord avec les
revendications des syndicats. D’un
côté, on semble détacher une ten-
dance favorable au gouvernement,
de l’autre une tendance favorable
aux syndicats.
Autre problème lors de la constitution
de l’échantillon interrogé. Dans un
billet d’humeur, Bastien François,
professeur de science politique à
l’Université Paris I Panthéon-Sor-
bonne, explique que lors des démar-
chages téléphoniques, une personne
sur dix, au mieux, prend le temps de
répondre aux questions. Les son-
deurs, pris par le temps, peuvent se
retrouver à traquer littéralement le
volontaire, peu importe sa catégorie
sociale ou sa tranche d’âge. Pierre
Martin, politologue et enseignant
à l’Institut d’Etudes Politiques de
Grenoble, rebondit : « Le concept
d’échantillon ne veut rien dire. Ils
sont artificiels, fabriqués selon des
quotas. Si l’on respectait des règles
statistiques, les per-
sonnes interrogées de-
vraient être tirées
complètement au sort».
ScientifisationOr pour Pierre Martin, la
proposition de loi du sé-
nateur Hugues Portelli
renforce cette volonté de
scientifiser l’enquête
d’opinion alors même
que cela est impossible.
« Si les gens apprécient
tellement les sondages,
c’est qu’ils répondent à
un besoin naturel de
savoir ce qu’il va se pas-
ser, reprend le spécia-
liste. On réclame aux
instituts un travail d’ora-
cle, de prédiction, qui
par définition ne peut
pas être scientifique. Il
faut parfaitement discer-
ner les notions de « sé-
rieux» et de « scientifique» qui n’ont
rien à voir. Si les sondages ont re-
cours aux statistiques et aux mathé-
matiques qui sont des sciences, ils
restent artisanaux. La proposition de
loi actuelle confond ces deux notions
en voulant afficher des marges d’er-
reurs calculées par avance, qui ne
pourraient être que fausses».
Par ailleurs, l’interprétation même
faite des sondages est sujette à cau-
tion. Un exemple : la fourchette de
probabilité. Lorsqu’une enquête rap-
porte qu’un candidat à une élection
remporterait entre 16 % et 20 % des
voies, la pensée première est de se
dire qu’il y a une forte probabilité que
le score de ce candidat soit de 18%.
Alors qu’en réalité, chaque score
compris entre 16 % et 20 % a autant
de chances d’être réalisé. Une four-
chette à laquelle doit encore s’ajouter
une éventuelle marge d’erreur. A par-
tir de ce même sondage, il est donc
autant possible de prédire un résultat
de moins de 15 % pour les « pessi-
mistes» ou de plus de 20% pour les
« optimistes ». Selon Pierre Martin,
c’est justement cette analyse qui peut
influencer le résultat d’une élection :
«Les sondages pré-électoraux n’im-
pactent pas directement le public car
il n’est majoritairement pas intéressé
par la politique et ne s’interroge pas
à l’avance. Mais les politiques et les
médias sont très sensibles à ces ques-
tions. Or ce sont eux qui commandent
les enquêtes, en diffusent les résul-
tats, et bénéficient en plus d’une in-
fluence sur l’auditoire».
Plus qu’une loi sur la transparence,
c’est donc vers une meilleure utili-
sation de ces sondages que les ef-
forts doivent se porter. Puisque
lorsque le sociologue français Pierre
Bourdieu écrivait en 1972 « l’opi-
nion publique n’existe pas », c’est
bien parce qu’il démontrait déjà
qu’elle était créée de toute pièce par
d’autres acteurs qui faisaient des en-
quêtes leur outil de légitimation. g
413 mars 2011
politiqueenquête
Hugues Portelli (UMP) a porté le proposition de loidevant le Sénat en octobre dernier.
«Si l’on respectait des règles statistiques, lespersonnes interrogées seraient tirées au sort»
DR
42 3 mars 2011
economie argent public
En quête d'une fiscalité équitable
Le bouclier fiscal ou l'ISF font partieintégrante des débats sur la fiscalitéces derniers mois. Pour le gouverne-ment, l'enjeu est d'autant plus im-portant que ses propositions vontquasiment déterminer les résultatsde la présidentielle en 2012.
Par Audrey Loussouarn
Fiscalité rime-t-elle avec
équité ? Pas toujours. Et
même si souvent l'équité
amène à l'égalité, le sys-
tème fiscal français dé-
roge parfois à un de ces trois
principes de liberté, d’égalité et de
fraternité. La question est d'autant
plus importante aujourd'hui qu'elle
remet en cause certaines idées de la
République, si chères aux deux ad-
ministrations qui calculent et encais-
sent les impôts. Au cœur même de
ces bureaux, la notion de privilège
fait pourtant peu à peu son nid et
amène à des révoltes internes. Pour
cause, le centre des impôts et le tré-
sor public ne devraient plus tarder à
ne faire qu'un. Le contribuable n'au-
rait alors plus aucune garantie d'im-
partialité si une même administration
chapeautée par Bercy examinait ses
déclarations d'impôts et récoltait ses
prélèvements. Pire encore, les plus
favorisés en matière de revenus pour-
raient être la cible de prélèvements
supplémentaires. « C’est du clienté-
lisme fiscal qui va à l’encontre des
origines de l’impôt, celles qui pré-
voient une égalité pour tous les ci-
toyens », dénonce Vincent Drezet,
secrétaire général du SNUI (Syndicat
National Unifié des Impôts). Pour-
tant, ce n'est pas faute d'essayer. La
loi de finances 2011 tente de suppri-
mer certains avantages fiscaux en
mettant en place une limitation des
exonérations jugées source de niches
fiscales (suppression des indemnités
DR
de départ volontaire à la retraite et
des indemnités d’accident du travail).
Bercy entreprend de réduire ses dé-
penses mais pas seulement. Le minis-
tère des finances a augmenté depuis
janvier dernier les taxes sur les hauts
revenus, sur les plus-values mobi-
lières et sur les revenus de place-
ment. Mais cela suffit-il à résoudre
entre autres le problème des niches
fiscales souvent occasionnées par un
heureux hasard dans le calcul des im-
pôts ? Pas tout à fait puisque le sujet
du bouclier fiscal n'a toujours pas été
mis réellement à plat. Pour Vincent
Drezet, il faut « arrêter d’avoir peur
de taxer les plus riches en retirant le
plafonnement des taxes et en appli-
quant cette idée aux niches fiscales ».
Il ajoute que « même avec une bonne
réforme, la détaxation sera toujours
un problème ». Selon lui le gouverne-
ment vise à retenir les probables ex-
patriés fiscaux en leur offrant une
réforme de défiscalisation. « Seule-
ment, le gouvernement n’a étudié que
les départs dus à l’apparition de
l’ISF. Rien ne montre que les entrées
sur notre territoire sont moins fré-
quentes et que l’impôt repousse les
riches étrangers », dénonce-t-il.
Entre visées électorales et réforme
républicaine adéquate, le choix sem-
ble vite fait pour le gouvernement.
Pour mettre toutes les chances de son
côté à la présidentielle de 2012, Ni-
colas Sarkozy devra proposer avant
la fin de son mandat une réforme
juste et équitable. Seulement à trop
vouloir faire vite, le gouvernement
pourrait de nouveau bâcler une ré-
forme aux enjeux structurels lourds.
Bouclier fiscal, rempartà la CSGSous pression des manifestants contre
la réforme des retraites, la ministre de
l'économie Christine Lagarde avait dû
rassurer les Français en affirmant, le
17 novembre dernier sur LCI vouloir,
«supprimer, et l'impôt sur la fortune,
et le bouclier fiscal» en les rempla-
çant par «une fiscalité qui, au lieu de
peser sur le patrimoine, pèsera sur les
revenus du patrimoine et les plus-va-
lues réalisées sur le patrimoine». Et
c'est bien là le problème. Le bouclier
fiscal plafonne actuellement le mon-
tant des impôts acquittés annuelle-
ment par un même contribuable à
50% de ses revenus déclarés. Seule-
ment, ce dernier en vient à s'exonérer
de certaines taxes de solidarité grâce
à un système de calcul singulier. Le
centre des impôts compte, grâce aux
déclarations de revenus d'un contri-
buable, le montant des impôts qu'il
doit régler. Par exemple, s’il paie
6000 euros alors qu'il en gagne
10000, le bouclier fiscal lui permettra
de se faire rembourser 1000 euros. Et
dans ce cas, c'est la CSG (Contribu-
tion Sociale Généralisée) qui trinque.
La taxe, introduite par Michel Rocard
en 1990, est comprise dans le calcul
du bouclier fiscal alors qu'elle n’a que
des vocations sociales et qu'elle se
calcule de manière proportionnelle
aux revenus.
La fin du bouclier fiscal ne devrait
donc pas affaiblir les recettes de
l'Etat, au contraire. Dans une propo-
sition de loi exposée au Sénat le 12
mai 2010, Jean-Louis Masson révé-
lait que « douze bénéficiaires du bou-
clier fiscal ont bénéficié chacun
d'une restitution moyenne de 7,7 mil-
lions d'euros en 2009. Pour les cent
premiers bénéficiaires, la restitution
moyenne est de plus de 1,8 million
d'euros par contribuable ». En un an,
le gouvernement devra donc travail-
ler sur une réforme basée sur des
principes d'équité, en diminuant les
inégalités entre les plus riches et les
plus pauvres. En termes de stratégie
politique, aucun électeur ne doit être
dénigré. C'est à partir de là que l'ISF
(Impôt de Solidarité sur la Fortune)
devra également être revu. Pour
Vincent Dezet, « non seulement, c’est
une politique couteuse mais en
plus c’est 1,2 milliards d’euros de
manque à gagner ». De quoi dissua-
der le gouvernement de bafouer une
certaine idée de l’impôt citoyen. g
433 mars 2011
economieargent public
Les réformes fiscales constituent un enjeu majeur pour le gouvernement, dans l’optique de la présidentielle de 2012.
«Même avec une bonne réforme, la détaxationsera toujours un problème»
DR
44 3 mars 2011
ECONOMIE ENQUÊTE
Les assurances-vierestent lettre morte
Entre un et cinq milliards d’euros, les assurances-vie en déshérence qui ne sont pasrestituées aux bénéficiaires font fantasmer. Détournements selon les avocats défen-seurs des épargnants, pas de transparence selon les sociétés privées. Les pouvoirs pu-blics n’ont pas d’autre choix que de déblayer ce sujet sur fond de scandales, véritableniche à arnaques.
Par Benoît Magistrini
Les assurances-vie ont
toujours la cote, mais
reposent sur un lit d’ar-
naques. Portés par un
régime fiscal avanta-
geux, les contrats de ce produit de
gestion patrimonial représentent un
encours de 1 343 milliards d’euros
pour 22 millions de contrats en jan-
vier 2011 selon les chiffres de la
FFSA (Fédération Française des So-
ciétés d’Assurances) et du GEMA
(Groupement des Entreprises Mu-
tuelles d’Assurance), soit plus de la
moitié des produits d’épargne longue
des ménages. Une manne importante
souvent stigmatisée par les associa-
tions de défense des épargnants
lorsqu’il s’agit de parler d’abus en
tout genre. Dans cette somme, 1,05
milliard d’euros sont considérés en
déshérence selon cette même source.
A peine 0,08 % du total, presque
rien… Mais ce « détail » fait débat
dans le microcosme des assurances.
D’abord, ce montant n’évolue pas ou
presque depuis les années 90 alors
que l’encours total augmente chaque
année. Ensuite, les cabinets privés de
recherche des bénéficiaires - le CRD
(Capitaux-Recherche-Déshérence)
notamment - tablent sur des montants
cinq fois plus importants en ce qui
concerne ces assurances qui dorment
du fait de l’absence de bénéficiaire.
Les assurances de leur côté, minimi-
DR
Le cimetière de Loyasse, à Lyon, compte sûrement dans ses rangées quelques assurances-vie qui n’ont pas trouvé de bénéficiaires.
sent ce chiffre : Axa n’aurait que 15
millions d’euros en déshérence, à
peine 1,5% de la somme de la four-
chette basse, alors que la société
représente 10% du marché des assu-
rances-vie. « Il y a un flou complet
autour des assurances-vie en déshé-
rence, clame Sylvie Badin, avocate et
présidente de l’ACABE (Association
Contre les Abus des Banques Euro-
péennes). Il n’y a aucune transpa-
rence autour de la gestion de cet
argent lorsque le bénéficiaire n’est
pas trouvé immédiatement». Même si
dans 80% des cas, c’est l’assuré lui-
même qui perçoit la rente - car en vie
au terme du contrat - et que les en-
fants ou compagnon de l’assuré sont
majoritairement les bénéficiaires de
la part résiduelle, les « restes» posent
des difficultés. «Les assureurs s’ap-
proprient les actifs à l’abandon, ac-
cuse maître Alain Bousquet, président
de la FNACAB (Fédération nationale
des associations contre les abus ban-
caires). La recherche des bénéfi-
ciaires ne se fait pas car les sommes
sont injectées discrètement sur les
comptes des actionnaires, dans des
bonus ou dans divers investisse-
ments». Un trou noir dans le monde
des assurances.
Pourtant, depuis quelques années, de
nombreuses mesures sont en place
pour faciliter cette recherche. « Il
n’est pas toujours évident pour les as-
sureurs de reconnaître quel souscrip-
teur est décédé, se justifie la Maif,
l’identification se fait par rapport au
dernier domicile connu, ce qui peut
engendrer des confusions lorsque les
personnes indiquées ont changé de
domicile sans prévenir. L’inactivité
n’est pas signe de décès, car elle vaut
parfois aussi lorsque le souscripteur
est vivant, c’est le problème avec les
produits d’épargne longue ». L’incer-
titude demeure sur l’ampleur du phé-
nomène et sur les responsabilités liées
à cette impossibilité de quantifica-
tion. « Certes, localiser le bénéfi-
ciaire peut être compliqué, admet
Sylvie Badin, mais il est tout autant
évident que les assureurs trainent les
pieds pour restituer les actifs. Jouer
la montre est logique, ils n’ont abso-
lument aucun intérêt à augmenter
leurs dépenses pour chercher des
ayants-droit qui s’ignorent et qui ne
vont, forcément, jamais se plaindre ».
Les assureurs dans lecollimateurLa première pierre à l’édifice a été
posée en 2003. Les pouvoirs publics
ont promulgué une loi obligeant les
assureurs à diffuser de façon très
large une information annuelle aux
assurés. «Depuis le début des années
2000, des mesures ont été mises en
place, aussi bien préventives que cu-
ratives », rapporte le Ministère de
l’Economie et des Finances. Dans la
foulée, l’Agira 1 (Association pour la
Gestion des Informations sur le
Risque des Assurances), effective en
2006 suite à la loi DDAC (Diverses
Dispositions d'Adaptation au droit
Communautaire) du 15 décembre
2005, a amélioré le système en per-
mettant à toute personne physique ou
morale de formuler une requête de re-
cherche de bénéficiaire à son béné-
fice. L’organisme, qui centralise les
bases clients de l’ensemble des assu-
reurs, se charge de faire l’intermé-
diaire entre les requérants et
l’ensemble des compagnies d’assu-
rances. « Via un simple courrier, ex-
plique Philippe Rulens, président de
l’Agira, les personnes pensant être
bénéficiaires d’un contrat non ré-
clamé ont la possibilité d’enclencher
ce processus gratuitement en appor-
tant la preuve du décès du potentiel
souscripteur». Selon la FFSA, le dis-
positif a permis, dans sa première
mouture, d’identifier 8 400 dossiers
sur 74 000 demandes pour 232 mil-
lions d’euro en quatre ans.
La loi du 17 décembre 2007 permet
la recherche des bénéficiaires des
contrats d’assurance sur la vie non ré-
clamés et garantit les droits des assu-
rés. Elle oblige les assureurs à
rechercher tous les deux ans les per-
sonnes de plus de 90 ans détenant un
contrat de plus de 2000 euros, sans
récent contact enregistré. Jean-Paul
Delevoye, médiateur de la Répu-
blique à l’origine du texte, dénonçait
453 mars 2011
ECONOMIEENQUÊTE
L'encours des contrats d'assurance-vie (provisions mathématiques et provisions pourparticipation aux bénéfices) progresse de 7 % sur un an, à 1 343 milliards d'euros.
«Les sommes sont injectées discrètement sur lescomptes des actionnaires ou réinvesties»
FF
SA
et
GE
MA
46 3 mars 2011
ECONOMIE ENQUÊTE
en 2006 «une situation inacceptable
sur le plan de l’éthique». De même,
cette loi réforme en profondeur l’ac-
ceptation bénéficiaire. Plus souple,
elle permet au souscripteur de se li-
bérer de ce poids, l’incitant alors à
inscrire avec plus de précision quelle
est la personne désignée. Autrefois, la
personne avertie pouvait accepter, à
l'insu du souscripteur, le bénéfice de
l'assurance-vie. Le souscripteur ne
pouvait plus récupérer ses capitaux
ou modifier la clause bénéficiaire,
sans l'accord de celui-ci.
Dans le cadre de l’application de la
loi, Agira 2 s’est vu agrémenté en
mars 2009 (tardivement du fait
des précautions relatives à la protec-
tion des données) d’un outil complé-
mentaire pour la recherche des
bénéficiaires : le RNIPP (Répertoire
National d'Identification des Per-
sonnes Physiques). Le fichier, géré
par l’Insee, est consultable par les as-
sureurs - par le biais de leurs orga-
nismes professionnels - pour éviter
d’avoir à effectuer des recherches qui,
du fait de leur coût, étaient réalisées
à reculons auparavant. L’évolution de
l’Agira a donné lieu à une nette amé-
lioration du résultat dont s’est félicité
le ministère de l’Economie et des Fi-
nances à l’origine du système. Les
identifications ont abouti à la restitu-
tion de 323 millions d’euros, en un an
seulement, à travers le traitement de
26 000 contrats jusqu’ici non récla-
més, et à la formulation de plus de 10
millions d’interrogations auprès du
RNIPP. « Ces chiffres vertigineux
sont encourageants, admet Me Alain
Bousquet, mais ils révèlent surtout à
quel point nous sortons d’une situa-
tion chaotique». « Il est vrai que les
résultats sont bien meilleurs,
confirme Philippe Rulens. Faciliter
la recherche, en réduire le coût, était
la condition sine qua non pour que ça
marche. Les assureurs sont perdants,
à part en terme d’image, s’ils recher-
chent effectivement les bénéficiaires
difficiles à détecter. En inversant
l’initiative de la recherche, en obli-
geant les assureurs et en leur offrant
un outil sans hausse de coût, on ob-
tient des résultats probants».
Le 29 avril 2010, la loi proposée par
Hervé Maurey (NC) a été adoptée et
va encore plus loin pour le cas où les
bénéficiaires ne feraient pas de de-
mande de recherche auprès de l’Agira.
«Faire des recherches demande du
temps et coûte cher aux assureurs,
explique le Sénateur de l’Eure, il
faut restreindre les cibles de re-
cherches obligatoires afin de permet-
tre une meilleure transparence».
Chaque année, les sociétés d’assu-
rances ont l’obligation de consulter et
de croiser leur liste d’assurés avec le
RNIPP pour vérifier l’état de leurs
clients ayant des encours de plus de
2000 euros. « Il n’y a plus de limite
d’âge, continue Hervé Maurey, l’espé-
rance de vie en France est inférieure
aux 90 ans de la loi antérieure. De
plus, si les héritiers étaient les enfants
du défunt, cela augmentait la chance
que ceux-ci soient également décédés
compte-tenu de cette limite d’âge».
Car avec Agira, les assureurs sont
quelque peu déresponsabilisés, sans
que des contrôles ne soient effectués.
Absence de sanction« L’attitude des assureurs est dictée
par les intérêts financiers qui décou-
lent de cet argent qui dort sagement,
accuse Hervé Maurey. Outre dimi-
nuer les coûts des enquêtes, ne rien
faire leur permet de prélever chaque
année des frais de gestion en toute
impunité». De leur côté, les assureurs
se défendent en invoquant des actions
antérieure à la loi. «Nous travaillons
depuis 2006 avec le cabinet Capi-
taux-Recherche-Déshérence, invoque
Axa France. Externaliser est une so-
lution efficace et moins coûteuse pour
trouver les bénéficiaires. C’est impor-
tant pour la confiance de nos clients
de savoir que nous ne trichons pas».
Mais le cabinet ne corrobore pas tout
à fait le discours de l’assureur : «Le
lobby des assureurs est fort, explique
Me Sylvie Badin, présidente de
l’ACABE, ils ne sont pas plus ver-
tueux que n’importe quelle autre so-
ciété commerciale. Leur but est
simple : faire du profit ! C’est lo-
gique, pas condamnable en soi, mais
tous les moyens sont bons et il ne faut
Axa France, la troisième société en terme d’assurances-vie (10 % du marché), indique nedétenir que 15 millions d’euros en déshérence.
«L’attitude des assureurs est dictée par lesintêrets financiers qui découlent de cet argent»
DR
pas avoir un regard angélique sur
leurs activités. L’ensemble des ré-
formes passées depuis 2006 ne s’est
pas accompagné d’une forte hausse
de l’activité des sociétés privées de
recherche de bénéficiaires. L’absence
de menace réelle ne provoque chez
les assureurs que des efforts d’appa-
rence qui ne vont pas très loin».
Après la reconnaissance de l’inacti-
vité de l’assuré, l’encours est déclaré
en déshérence. Ce n’est qu’au bout de
30 ans qu’il est transféré au Fonds de
Réserve pour les Retraites. Un che-
minement très différent de celui
de 140 autres produits financiers,
comme les comptes courants par
exemple. «Le statut des assurances
sur la vie est différent, explique la
Caisse des Dépôts et Consignations,
leur déshérence ne les conduit pas
chez nous au bout de 10 ans après le
décès». « Il n’y a pas de raison vala-
ble, déplore Sylvie Badin, ce laps de
temps supérieur avant de sortir du
circuit empêche de connaitre plus
précisément l’ampleur du phéno-
mène, et ce sans justification ». Ce
manque d’information, Hervé Mau-
rey a souhaité lui aussi s’y attaquer :
« La publication annuelle des dé-
marches entreprises pour rechercher
les bénéficiaires et les résultats de
celles-ci est désormais obligatoire. Il
faut espérer que cela soit respecté
désormais, l’Autorité de contrôle
prudentiel doit tout mettre en œuvre
pour bien superviser les pratiques
des assurances». «Ce n’est pas parce
que les assurances ne vont pas devant
les tribunaux qu’elles sont blanches
comme neige, martèle Me Alain
Bousquet, comme souvent, le manque
de preuves, l’absence de plaignants,
ce qui est logique dans le cas présent,
masquent l’ampleur des malfaçons. Il
faut rester vigilants, bien s’informer,
et ne négliger aucune étape lors
du décès d’un proche ». Si l’arsenal
de lois améliore la situation, des
contrôles plus poussés sont néces-
saires afin d’éviter que cette escro-
querie pure et simple ne subsiste. g
473 mars 2011
ECONOMIEENQUÊTE
Phili
ppe T
urp
in
Les points sur lesquels redoubler de vigilance
Le plus rapidement possible après le décès, les héritiers devront pré-senter à la (ou aux) banque(s) du défunt une attestation notariée de suc-cession ou un certificat d'hérédité - gratuit dans les mairies qui endélivrent -, accompagnés dans les deux cas d'une copie du livret de fa-mille, ainsi que des coordonnées du notaire.En cas d'absence de réclamation d'un ayant droit, les avoirs sonttransférés à la Caisse des dépôts au bout de dix ans (pas pour les assu-rances-vie). Trente ans après le décès, les sommes sont versées dans lescaisses de l'Etat.Le compte joint n'est pas soumis aux mêmes règles que les comptesindividuels. Il continue de fonctionner, amputé toutefois de la part ré-servataire destinée aux héritiers. Ces derniers peuvent demander à labanque par lettre recommandée avec accusé de réception (ou en pas-sant par le notaire) de le bloquer.Les personnes pensant être bénéficiaires d'un contrat d'assurance-
vie, mais qui ne savent pas dans quel établissement ce compte est ou-vert, peuvent gratuitement faire valoir leur droit de recherche debénéficiaire devant l'organisme agréé : Agira, 1, rue Jules-Lefebvre,75431 Paris Cedex 09.Les frais d'obsèques peuvent être partiellement payés par la banquesur les avoirs des comptes du défunt, à hauteur de 3 050 euros, sur pré-sentation d'une facture.
Les assurances-vie permettent de faire fructifier des fonds sur le long terme. Elles offrent aussid'importants avantages fiscaux en matière de succession. Un contrat d'assurance-vie doitavoir une durée déterminée à la souscription, reconductible ou non selon les contrats.
48 3 mars 2011
SoCiéTe religion
L'église fortifiée de Hartmannswiller, dans le Haut-Rhin-Rhin, est subventionnée par l'Etat dans le cadre du concordat d'Alsace-Moselle.
Le concordat en zonede turbulences
La laïcité fait un retour remarqué dans le débat politique. Au centre des discussions,le concordat d’Alsace-Moselle qu’une députée UMP du Bas-Rhin propose d’élargir àtoute la France, et que le Parti de Gauche souhaite abroger.
Par Antoine Delthil
«Si la République a pro-
gressé, c’est malgré
l’Eglise, contre ses ef-
forts », plaidait l’avocat Aristide
Briand en 1905 à l’Assemblée Na-
tionale, pour défendre son projet de
séparation de l’Eglise et de l’Etat,
adopté quelques mois plus tard au
terme de discussions houleuses. En
2011, le concept déchire toujours la
classe politique française. En cause,
le financement de la construction
des lieux de cultes, strictement in-
terdit par la loi de 1905, qui stipule
que « la République ne reconnaît, ne
salarie ni ne subventionne aucun
culte ». A droite, l’idée latente d’une
modification de cette loi fait son
chemin. Nicolas Sarkozy lui-même
l’avait remise en cause avant son
élection dans un ouvrage paru en
2004, et intitulé La République, les
Religions, l’Espérance. Arlette
Grosskorst, députée UMP du Bas-
Rhin, émet quant à elle l’idée d’une
extension à toute la France du
concordat d’Alsace-Moselle. Ce ré-
gime, signé en 1901, a été abrogé
par la loi de 1905 sur l’ensemble
du territoire, à l’exception donc de
l’Alsace et de la Moselle, qui appar-
tenaient à l’Empire Prusse au mo-
ment de l’entrée en vigueur du texte.
Rém
i S
tosskopf
Toujours en place dans trois dépar-
tements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Mo-
selle), il met à la charge de l’Etat
et des collectivités locales le
salaire des ministres du culte catho-
lique, protestant luthérien, protes-
tant réformé, et juif, soit 1 400
religieux. L’Islam, aujourd’hui
deuxième religion de France, n’en
bénéficie pas. Le concordat permet
également le subventionnement des
lieux de cultes, et oblige l’enseigne-
ment des religions catholiques et
protestantes à l’école primaire et au
collège. Les élèves peuvent être ce-
pendant dispensés sur simple de-
mande écrite. « Certains de mes
collègues vont hurler, concède Ar-
lette Grosskost, mais je propose un
processus par étapes : d’abord l’in-
tégration de l’Islam au concordat,
puis, dans l’idéal, une extension de
celui-ci à toute la France après ex-
périmentation ».
Le régime concordataire coûte
chaque année 55 millions d’euros à
l’Etat. La note de son application à
tout le territoire risque d’être salée,
ce que reconnaît la députée : « Ce
serait une révolution financière, il
faudrait faire un calcul ». « Ce se-
rait surtout s’engager dans une voie
communautaire et laisser de côté
l’incroyance, qui est importante en
France », estime Laurent Escure,
secrétaire général du CNAL (Co-
mité National d’Action Laïque).
« Instrumentalisationde la laïcité »Jean-Luc Mélenchon, co-président
du Parti de Gauche, a de son côté
proposé l’abrogation du concordat.
« On est en train de monter une pro-
position de loi, contre ce régime qui
a 200 ans, et qui constitue une
remise en cause de la laïcité »,
confirme-t-on au siège du parti.
L’ancien ministre s’est attiré les
foudres des députés UMP d’Alsace,
où les conservateurs restent popu-
laires (il s’agit de la dernière région
française à droite après les élections
régionales de 2010). Jean-Phillipe
Maurer, député UMP de la
deuxième circonscription du Bas-
Rhin a d’ailleurs adressé une lettre
à Jean-Luc Mélenchon : « Laissez
les Alsaciens et Mosellans tran-
quilles, ils ne vous ont rien de-
mandé. Ne vous en déplaise, nous
sommes des gens modérés qui
avons l'habitude de travailler en-
semble le plus sereinement possible
en vue de l'intérêt général et du
bien public ». « Les Ayatollahs de la
laïcité existent aussi, et Jean-Luc
Mélenchon en fait partie », renché-
rit Arlette Grosskost.
Derrière ce débat plane le retour de
la thématique islamique. Arlette
Grosskost ne s’en cache pas. « In-
clure l’Islam au concordat permet-
trait une meilleure formation des
imams, qui deviendraient des fonc-
tionnaires, et éviterait le problème
de l’obscurité et de l’obscurantisme
de certains prêches ». L’UMP orga-
nisera en avril un débat sur « l’exer-
cice des cultes religieux dans la
République laïque avec un point
particulier sur l’exercice du culte
musulman », pour reprendre la for-
mule du secrétaire général du parti
Jean-François Copé. « On cherche à
instrumentaliser la laïcité », déplore
Laurent Escure. Un moyen pour Ni-
colas Sarkozy d’endiguer la montée
de Marine Le Pen ? C’est en tous cas
le deuxième grand chantier lancé
par la majorité, qui marche sur les
plates bandes habituelles du Front
National. Le lancé de débat : sport
préféré de l’UMP. g
493 mars 2011
SoCiéTereligion
Jean-Luc Melenchon, co-président du Partide Gauche, veut abroger le concordat.
«Inclure l’Islam au consulat éviterait le problèmede l’obscurantisme de certains prêches»
DR
Le concordat, une histoire de 200 ans
1801 : Joseph Bonaparte, frère de napoléon, signe le concordat avecle représentant du pape Pie Vii, pour garantir l’entente entre reli-gions. il ne s’applique alors qu’à la religion catholique.1802 : les deux branches de la religion protestante sont incluses dansle concordat, six ans avant le judaïsme.1871 : la France, vaincue, cède les trois départements de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne.1905 : la Séparation de l’eglise et de l’etat proposée par le socialisteAristide Briand est votée par l’Assemblée nationale, et abroge leconcordat.1918 : la France récupère l’Alsace-Moselle après la Première guerreMondiale.1925 : Un avis du Conseil d’etat réaffirme le concordat en Alsace-Moselle.2006 : le député UMP François grosdidier émet une proposition deloi visant à inclure l’islam au concordat d’Alsace-Moselle.
Silence, je tourne
«Vous allez adorer ce
film, c’est le vôtre !»,
a écrit Michel Gondry
sur l’entrée de son Usine de films
amateurs. Placée à la galerie sud du
Centre Pompidou à Paris, l’activité
propose gratuitement aux visiteurs de
créer son propre court-métrage en
trois heures. C’est de son film
«Soyez sympa rembobinez», réalisé
en 2008, qu’est venu l’idée d’un tel
concept. Dans ce long-métrage Jack
Black et Mos Def doivent réaliser les
remakes de grands classiques comme
SOS Fantômes, Le Roi Lion ou Ro-
bocop après avoir involontairement
effacé les cassettes d’un vidéoclub.
Au Centre Pompidou, les partici-
pants imaginent entièrement le film
et en sont à la fois les acteurs, réali-
sateurs, scénaristes et costumiers.
«Avec l’usine de films amateurs les
gens font leur film puis le regardent
comme une vidéo familiale faite mai-
son, explique Michel Gondry. Ils
prennent du plaisir à le voir parce
qu’ils sont dedans, parce qu’ils l’ont
fait et cela reflète quelque chose qui
leur est propre». Après avoir - non
sans attente - obtenu une place, une
heure de passage et signé une dé-
charge permettant au Centre d’utili-
ser leur image, les réalisateurs
amateurs se rendent par groupe de
vingt dans le faux studio. A l’entrée,
le groupe très éclectique a déjà un
aperçu de ce qui l’attend avec la dif-
fusion des films de précédents visi-
teurs, comme celui d’une histoire
d’amour entre une femme et son es-
suie-tout ou d’un zombie fan de Mi-
chael Jackson.
De l’amateur au cinéasteLe public est invité à visiter les dé-
cors, plus réalistes les uns que les au-
tres. D’une chambre à coucher, on
passe trois pas plus loin à un métro,
puis d’une chapelle à… oups ! De
fausses toilettes déjà «occupées» par
des enfants. «La majorité des films
réalisés sont des films d’horreur et
des policiers, explique Georgina, une
animatrice. Le métro et la prison sont
donc les décors les plus utilisés».
Celle-ci demande à l’équipe de se réu-
nir pour réfléchir au futur film: titre,
genre, scénario, tout est à établir en 45
50 3 mars 2011
CultuRe RepoRtage
Du 17 février au 7 mars, le centre Pompidou à Paris ouvre ses portes au monde farfelu de Mi-chel Gondry. Le réalisateur propose aux visiteurs un atelier permettant de tourner leur proprefilm. Décors, accessoires et caméras, tout est à disposition du public, ou plutôt des cinéastes.
Par Alexandra Bresson
Maxime, le rélisateur du groupe, dirige Baija et ses amies pour la troisième scène d’Un pigeon chez les poulets.
«Ce cinéma bricolé façon «maison», c’estvraiment l’univers de Michel Gondry»
Ale
xandra
Bre
sson
513 mars 2011
CultuReRepoRtage
minutes top chrono. Les plus petits
sont les moins gênés. Baija, 10ans,
voudrait un film d’amour alors que
Jonathan, étudiant en informatique,
préfère un «bon vieux thriller». «Qui
veut dessiner les panneaux?», crie
l’animatrice. Lou, une amie de Baija,
se charge d’écrire « the end» aux feu-
tres colorés. Une fois la décision prise
de réaliser une comédie policière, du
nom d’«Un pigeon chez les poulets»,
selon l’idée de Philippe, la quaran-
taine avec toujours le sourire aux lè-
vres, il reste les lieux et les rôles à
trouver. Maxime, étudiant en biologie,
s’improvise réalisateur et Alice, ly-
céenne venue avec son père, se pro-
pose pour jouer la première scène.
Puis petit passage, mais non des
moindres, par la case «accessoires».
Benjamin, l’acteur principal, se préci-
pite sur la fausse fourrure blanche
pour se déguiser en poulet tandis que
Baija et ses amies fabriquent de faux
insignes de policiers. Le groupe se
presse ensuite de tourner, le temps
étant limité à une heure pour réaliser
un film de huit minutes. Mais atten-
tion : une seule prise par scène est au-
torisée et les cinéastes ont pour
consigne de tourner dans l’ordre du
scénario, L’usine de films amateurs ne
disposant pas de monteur.
Moteur et… action !Maxime joue à merveille le réalisa-
teur. La première scène est tournée en
moins de cinq minutes. Pour la sui-
vante, qui nécessite un couple pour
jouer des SDF, Sandrine, mère de fa-
mille venue accompagner sa fille, se
dévoue. «Au départ je n’avais pas
l’intention de participer mais la
bonne ambiance du groupe m’a
convaincue», se réjouit-elle. Au bout
d’une heure, le tournage est achevé et
tout le monde se retrouve pour le vi-
sionnage. A peine le film terminé,
l’équipe applaudit et une animatrice
propose de réaliser la jaquette du
DVD donné en souvenir. «C’est une
manière de rendre le cinéma accessi-
ble à tous,retient Anissa étudiante en
commerce. C’est drôle de penser un
scénario à partir de décors et de cos-
tumes que l’on a à notre disposition
et de faire travailler notre imagina-
tion. Ce cinéma bricolé façon «mai-
son », c’est vraiment l’univers de
Michel Gondry». «C’est très intéres-
sant de voir le processus de création
et d’imagination collective qui opère,
ajoute Clément, étudiant en urba-
nisme. J’ai adoré voir les autres
jouer et s’investir à fond dans leur
rôle lors de la projection». L’usine de
film amateur faisant «studio comble»
tous les jours, le centre Pompidou
compte repousser la fermeture prévue
le 7mars. «Rien n’est officiel mais le
centre Pompidou pense prolonger
d’un mois la manifestation», confie
Georgina. L’expérimentation de
L’usine de films amateurs à New-
York en 2008 a déjà été relatée par
Michel Gondry dans son livre You’ll
Like This Film Because You’re In It
(The Be Kind Rewind Protocol). Vu
le succès de cette édition française,
nul doute que le réalisateur a de quoi
écrire un nouveau tome. g
Dans Soyez sympa rembobinez, comédie sortie en 2008 de Michel Gondry avec Jack Black et Mos Def, les gérants d'un vidéoclub tournent pareux même les remakes de films célèbres.
Allocin
é
52 3 mars 2011
SPORT BASKET
LeBron James, et les autres joueurs de la ligue nord américaine de basketball entendent bien conserver leurs acquis salariaux.
NBA : more money,more problems
La probabilité d’une grève générale en NBA, la ligue de basket nord-américaine, necesse d’augmenter. Joueurs et patrons de franchises (clubs) n’arrivent pas à trouverun accord sur la réduction des salaires afin de limiter les coûts.
Par Valentin Marcinkowski
«J’espère que les hommes
sages vont s’accorder
avant de détruire la
poule aux œufs d’or ». George Eddy,
le consultant vedette de Canal +
pour le basket US, ne croit pas si
bien dire. Car la NBA, cette formi-
dable cash machine du sport US, est
en train de se tirer une balle dans le
pied. A l’heure de renégocier les sa-
laires pour les prochaines années,
joueurs et propriétaires de franchise
campent sur leur position. Si aucun
accord n’est trouvé, une grève géné-
rale pourrait conduire à l’annulation
du prochain exercice.
Qu’est-ce qu’un« lock-out » ?Le fonctionnement de la ligue est régi
par le Collective Bargaining Agree-
ment (CBA) signé par l’union des
joueurs et la ligue. L’accord actuel
date de 2005 et prend fin au terme de
la saison 2011. A l’heure actuelle, les
négociations entre les deux parties
sont au point mort. Si aucun nouvel
accord n’est trouvé d’ici le prochain
début de saison, les franchises seront
dispensées de verser les salaires aux
joueurs, qui eux, ne seront plus obli-
gés de jouer. La NBA se retrouverait
alors dans une situation de « lock-
out», autrement dit de grève.
Pourquoi ça bloque ?En 2010, la ligue a annoncé des
pertes avoisinant les 370 millions de
dollars. Pour cette année, le déficit
DR
avoisine les 350 millions de dollars.
David Stern, le dirigeant historique
de la NBA souhaite réduire la part
globale des salaires (environ 2,1 mil-
liards de dollars) de 38% afin d’éco-
nomiser environ 800 millions de
dollars. Dans ces conditions, les
joueurs eux, prônent le statut quo.
A quoi sont dues cespertes ? « Avec la crise, les ventes de billets
et les revenus du sponsoring ont
baissé », avance George Eddy.
Toutes les franchises ne sont pas
dans la même situation pour autant :
des équipes comme les Los Angeles
Lakers ou les Chicago Bulls s’en
sortent très bien. Ce qui fait dire à
Bouna N’Diaye, l’agent de joueurs
qui représente une bonne partie des
Français évoluant en NBA, qu’il n’y
a « pas de crise, que des mauvais
gestionnaires ».
Les joueurs NBAsont-ils trop payés ?Avec un salaire moyen d’environ 5,5
millions de dollars par saison, la NBA
est le sport collectif où les joueurs
sont le mieux payés. «C’est trop cher
et scandaleux par rapport à un méde-
cin, c’est sûr, concède George Eddy.
Mais le bon joueur de basket est un
talent rare, comme un grand chan-
teur». Même son de cloche du côté de
Franck Verrechia, journaliste à Mon-
dial Basket : « Les stars font tourner
toute une industrie du spectacle, c'est
normal qu'ils en touchent les divi-
dendes». Pour Bouna N’Diaye, per-
sonne ne met « le couteau sous la
gorge des propriétaires» pour signer
de tels contrats. «Si un businessman
met autant d’argent sur tel ou tel
joueur, c’est qu’il sait qu’il s’y retrou-
vera». Un investissement pas sans
risque : il arrive parfois que des
joueurs ne répondent pas aux attentes.
Le « lock-out » aura-t-ilvraiment lieu ?Pas de doute pour Bouna N’Diaye :
«Les deux camps sont trop opposés.
Chacun demande beaucoup trop ».
George Eddy, lui, se veut plus opti-
miste. « Les propriétaires veulent une
réduction des salaires de 38% quand
les joueurs veulent rester au même
niveau. Comme d’habitude, ils vont
couper la poire en deux et l’affaire
sera réglée », explique le Franco-
américain. Néanmoins, le passé
prouve que le scénario d’une grève
est plus qu’envisageable. La saison
98-99 n’avait démarré qu’en février
et avait été amputée d’une trentaine
de matchs, faute d’accord trouvé en
début de saison. En 2004, la saison de
NHL, la ligue américaine de hockey
sur glace, avait dû être annulée pour
des problèmes liés aux salaires.
L’agent de joueurs français n’exclut
par pour autant qu’une prolongation
d’un ou deux ans du règlement actuel
soit signée pour laisser plus de temps
aux négociations.
Vers un départ massifdes joueurs pourl’Europe ?Ils sont nombreux à étudier cette pos-
sibilité. « David Stern a été très clair,
rappelle George Eddy. Si les salaires
ne sont pas versés, les joueurs sont
libres d’aller jouer ailleurs ». Bouna
N’Diaye ne fait pas de mystère :
« Tout le monde est inquiet, certains
veulent aller en Europe le temps que
ça se passe ». Cependant, les grosses
stars américaines ne devraient pas
partir. « Il y a un gros paradoxe,
avance l’agent. Pour un gars comme
LeBron James (le meilleur joueur de
la ligue) c’est très risqué d’aller en
Europe alors que pour d’autres (ma-
joritairement européens), cela peut
être très intéressant financièrement ».
Quelles seront lesconséquences pourl’image de la NBA ?« Ce combat entre les joueurs mil-
lionnaires et les propriétaires dé-
goûte l’Américain moyen ». Fidèle
à son franc parler, George Eddy se
souvient que le « lock-out » d’il y a
douze ans avait été « désastreux en
terme d’image ». Charles Barkley,
légende de la NBA des années 90,
estime pour sa part « qu’il serait ca-
tastrophique d’avoir un « lock-out »
en plein milieu d’une période de ré-
cession. Vous ne pouvez pas dire
aux gens que des gars qui gagnent
10 ou 15 millions de dollars vont
faire la grève ». A Bouna N’Diaye
de conclure : « Il y a un problème
mais c’est aussi ça le capitalisme
américain ». g
533 mars 2011
SPORTBASKET
David Stern, patron de la NBA, souhaite baisser de 38% les salaires des joueurs.
DR
54 3 mars 2011
sport Danse
Alors ondanse
Du 7 au 13 mars, Paris devient la capitale du monde hip-hop avec la 10e édition dufestival Juste Debout. L’occasion de s’intéresser à la Street Dance qui compte deplus en plus d’adeptes en France.
Par Emmanuelle Ringot
Aquand une fédé ?
Entre entrainements
et compétitions, la
danse hip-hop est
aujourd’hui un sport
à part entière. Plus qu’une tendance
musicale, c’est une véritable culture
parallèle qui naît dans la rue dans les
années 60, sur les trottoirs des ghet-
tos de New York. Ses ambassadeurs
s’affrontent dans des « battle » de
popping, b-boy et autres new style.
Depuis peu, la Street Dance séduit
même le grand public. Du 7 au 13
mars, la 10e édition du festival Inter-
national de Street Dance Juste De-
bout réunira plus de 2500 danseurs
sélectionnés après une tournée inter-
nationale de deux mois. « C’est une
compétition très importante dans le
monde de la Street Dance, témoigne
Louis Bertrant, professeur de hip-
hop dans les Yvelines, les meilleures
équipes du monde s’affrontent. C’est
du haut niveau ! »
Plus qu’une passionDe plus en plus d’écoles de danse ou-
vrent des cours de Street Dance. Il est
cependant impossible de recenser le
DR
La Street Dance s'affiche partout : dans la publicité, les médias, et même au théâtre. Ici une version revisitée de Roméo et Juliette de Shakespeare.
553 mars 2011
sportDanse
nombre exact de streetdancers en
France car aucune fédération natio-
nale n’existe. « Selon le niveau des
groupes, je les entraine pour des
compétitions plus ou moins impor-
tantes, explique Louis Bertrant. Cette
année, on a deux équipes qui se pré-
sentent aux présélections de Juste
Debout. Les débutants s’orientent
plus vers des compétitions contre les
écoles des environs ». Comme dans
tous les sports, seuls les meilleurs
peuvent vivre de leur passion. Ga-
gner une compétition aussi impor-
tante que Juste Debout peut ouvrir
les portes du monde professionnel.
Les chorégraphies sont répétées et
les mouvements appris sur le bout
des doigts. « A l’approche des com-
pétitions importantes, on s’entraine
tous les jours pour connaître la cho-
régraphie par cœur. Il faut entretenir
son corps, le muscler, l’assouplir,
comme pour les danseurs classiques.
Après, la technique des différentes
danses s’apprend au fur et à mesure.
J’ai commencé par la hype puis le
new style », raconte Aurore, gagnante
de l’épreuve de new style à l’édition
2004 de Juste Debout. Ce festival a
su s’imposer comme le plus grand
spectacle de danse hip hop au monde
et fait figure de référence pour tous
les professionnels de la danse. La
grande finale aura lieu le 13 mars
prochain à Bercy, l’occasion d’entrer
dans le monde si méconnu de la
Street Dance. Let’s dance ! g
Juste Debout, fort du succès de son festival a ouvert en 2009 une école spécialisée à Paris pour les danseurs de Street Dance les plus prometteurs.
Homardpayette
Influences
Le terme « street Dance » regroupe de nombreux styles aux origines va-
riées. Le popping par exemple - technique de contraction des muscles
en rythme - est né sur la côte est des etats-Unis. Ce style a connu son
heure de gloire dans le clip de Beat It de Michael Jackson. Le locking, la
plus ancienne des danses hip hop, trouve quant à lui son origine dans
les années 60 en Californie avec des mouvements rappelant la gestuelle
des communautés afro-américaines et hispaniques qui luttaient alors
pour leurs droits civiques. Le même savant mélange se retrouve dans
les pas du Top Rock, style originaire des trottoirs de Brooklyn au début
des années 70, qui mêle salsa, danse africaine et claquettes. plus léger
et acrobatique, la House Danse débarque à new York dans les années
80. enfin, le style le plus connu de street Dance est le new style. Dérivé
des mouvements hip hop qui l’ont précédé, ses pas sont adaptés à la
musique rap qui a envahi les bandes FM dès la fin des années 70.
Le ministère de la Santéau chevet des malades
Rendre les patients «ac-
teurs de leur santé»
dans le cadre de
la «démocratie sani-
taire», c’est le leitmo-
tiv quelque peu jargonneux mais plus si
neuf du ministère de la Santé, qui a pré-
senté à la presse la semaine dernière un
rapport sur ce thème. Dans la foulée, le
4 mars prochain, un colloque national
intitulé «2011, année des patients» ou-
vrira une saison de débats sur les droits
des malades, deux ans après l’entrée en
vigueur de la loi «Hôpital, santé, pa-
tients et territoire» (HSPT).
Accès au dossier médical tortueux,
coût des interventions flou, indemni-
sation parfois difficile… Ajoutez à
cela la maltraitance de personnes fai-
bles ou âgées hospitalisées - pas si
rare que cela - et les établissements
de soins français passent pour de kaf-
kaïennes machines à broyer du petit
vieux grippé sous CMU.
Trip advisor du maladeSelon le rapport, pour y remédier, il
faudrait d’abord mieux informer le
public. «Un patient français sur deux
ne sait pas qu’il a des droits », re-
grette Christine d’Autume, rapporteur
du projet et à la tête de l’Inspection
générale des affaires sociales, citant
un sondage BVA. Pour ce faire, le
projet prévoit de lui signifier qu’il a
le droit de se faire représenter par des
associations, de lui donner l’aide des
professionnels de la santé pour s’y re-
trouver, mais surtout de lui fournir
des données de manière plus claire
(sur les structures, les services, les
coûts, les interventions, etc.).
Puis généraliser la « bientraitance »
à l’hôpital. Pour ce faire, une des
pistes pourrait être de « labelliser
des initiatives de terrain qui valori-
sent le droit des patients », dixit
la rapporteur. Ensuite, fournir un
maximum d’informations, notam-
ment en « publiant des indices » sur
un site Internet dédié. Une sorte de
Trip-advisor du malade, où l’on
imagine qu’on pourrait noter tout à
la fois la qualité de la literie, du hâ-
chis parmentier sous vide et de la
prestation du proctologue.
Docteur ClicMais ce n’est pas tout. Le dernier
volet du rapport étant axé sur les
supposées « nouvelles attentes du ci-
toyen » connecté, la « télémédecine »
devait arriver sur le tapis à un mo-
ment ou à un autre. Car avec les pro-
blèmes de répartition des médecins
en zones rurales, que l’on connaît,
consulter Docteur Clic, ça arrange-
rait (presque) tout le monde. « Les
nouvelles technologies génèrent des
inquiétudes, reconnaît lors d’une
conférence de presse Nora Berra, se-
crétaire d’Etat à la Santé, qui assure
ne pas confondre consultation et
connexion. Mais elles pourraient
permettre à tous de bénéficier d’un
accès aux soins ». A propos d’Inter-
net, les professionnels se font du
mauvais sang, comme cet auteur
du rapport, qui réagit : « Quand vous
êtes dans l’errance de la maladie,
ce n’est pas un site qui va vous
faire trouver une personne de
confiance ! »
Promouvoir l’usage d’Internet pour
les malades à l’heure où une frange
importante des utilisateurs de sites
comme Doctissimo sont considérés
comme des « cyber-condriaques »
bien atteints, c’est l’hôpital qui se
fout de la charité. g
56 3 mars 2011
santé Droits
Le ministère de la Santé, pour son année «des patients et de leurs droits» dont il vient de pré-senter les grands axes, sort l’artillerie lourde : de la télémédecine, un site Internet pour noterles hôpitaux ou encore des « labels de bientraitance».
Par Eléonore Quesnel
Selon un sondage BVA, un patient Français sur deux ignore ses droits. Le rapport «2011,année des patients et de leurs droits » préconise de mieux les en informer.
cookipediachef
Au-delà de la Lune
Georges W.Bush visait
la Lune, Barack
Obama a Mars en
tête. Alors que l’an-
cien président des
Etats-Unis prévoyait un retour de
l’homme sur la Lune pour 2020, l’ac-
tuel occupant de la Maison Blanche a
décidé de changer ses plans. Car « il y
a beaucoup de choses à explorer dans
l’espace», mais également parce que
le budget 2010 des Etats-Unis ne per-
met pas de réinvestir dans de nou-
velles fusées, le parc de la Nasa
s’arrêtant courant 2011. Barack
Obama ne souhaite pourtant pas aban-
donner la conquête spatiale, mais au
contraire aller plus loin, et réfléchir à
long terme. Le prochain corps astral
sur lequel des astronautes américains
poseront le pied sera donc un asté-
roïde, encore indéterminé, mais situé
au-delà de la Lune, en 2025. Un projet
ambitieux économiquement, rendu
possible par le nouveau budget de la
Nasa qui favorise les vols habités.
Mais l’expédition demandera une
très lourde préparation, comme l’ex-
plique Antoine Labeyrie, professeur
de la chaire d’astrophysique observa-
tionnelle du Collège de France : « La
préparation de ce type de mission de-
mande de nombreux calculs de mo-
délisation. La présence humaine est
une complication, en particulier en
termes d’impératifs de sécurité. On
ne peut se permettre la moindre er-
reur ». Une préparation coûteuse,
lourde, et surtout très longue, mais
nécessaire afin de prévenir tous les
risques : « Se poser sur un astéroïde
est très différent d’un atterrissage ou
même d’un alunissage. Un astéroïde
est un corps peu massif, et possède
donc une apesanteur très faible, une
attraction très lente, qui nécessite
une adaptation très précise du do-
sage des fusées ».
La mission à destination d’un asté-
roïde possède deux objectifs distincts.
Le premier est de préparer les astro-
nautes à une expédition vers Mars
prévue pour 2035, une sorte de «répé-
tition générale» avant de se lancer
dans le grand challenge du Président.
L’autre objectif est de récolter divers
échantillons et données visant à étu-
dier afin de prévenir d’éventuelles
collisions d’astéroïdes avec la Terre.
«Certains spécialistes pensent que les
astéroïdes sont peu solides, explique
le professeur Antoine Labeyrie. Il faut
connaître leur consistance afin de
pouvoir éventuellement les dévier ou
les détruire». La présence d’une
équipe humaine permettrait donc de
récupérer de précieuses informations,
mais également de les étudier plus ra-
pidement que dans le cadre de don-
nées recueillies par une sonde. Une
mission qui pourrait avoir son impor-
tance, quand on sait qu’un impact
d’astéroïde est prévu dans le pacifique
pour le mois d’avril 2036. g
573 mars 2011
ScienceSASTrOnOMie
Plus de 40 ans après les premiers pas de l’Homme sur la Lune, le président américain BarackObama souhaite envoyer des astronautes plus loin. D’abord sur un astéroïde, puis sur Mars.Un projet sur le long terme, pas sans obstacles.
Par Laetitia Reboulleau
L'étude des astéroïdes permet de prévenir d'éventuelles collisions avec la Terre.
Innovanews
Plus dans la Lune
Si Barack Obama a décidé de
pousser les explorations vers
Mars, c’est aussi en raison
d’une certaine baisse d’intérêt
pour le satellite de la Terre. An-
toine Labeyrie, professeur
d’astrophysique, explique ce
désengouement : « La Lune est
moins mystérieuse, on y est déjà
allé, maintenant, l’exploration
peut être faite par des robots ».
Les Hommes ne sont plus vrai-
ment dans la Lune…
58 3 mars 2011
HigH tecH Histoire
A Agbogbloshie, près d’Accra au Ghana, un homme tient un stand contenant toutes sortes de déchets électroniques comme des claviers, dessouris, des scanners ou disques durs.
Durée de vielimitée
Impossible de trouver une personne qui n’aurait pas été mécontentée par les appareilsou produits achetés aujourd’hui, souvent définis comme fragiles ou de qualité médio-cre. En cause, un concept qui ne date pas d’hier : l’obsolescence programmée.
Par Laurence Riatto
«Un produit qui ne s'use
pas est une tragédie
pour les affaires».
C’est ce qu’on pouvait lire dès les an-
nées 20 dans un magazine de publi-
cité très influent. L’ampoule :
première victime de l’obsolescence
programmée ou raccourcissement dé-
libéré de la vie d’un produit pour aug-
menter la consommation. En 1924 un
cartel international naît à Genève :
Phoebus. Cette société, composée des
principaux fabricants d’ampoules,
souhaitait contrôler les consomma-
teurs en diminuant la durée de vie des
ampoules. Dans un premier temps le
cartel créa des ampoules d’une durée
de vie de 2500 heures. Puis il réduisit
cette durée de vie à 1000 heures. Phi-
lips en Hollande, Osram en Alle-
magne et La compagnie des lampes
en France composaient notamment
Phoebus. Dans des notes internes il
était inscrit, « la durée de vie
moyenne des lampes destinées à
l’éclairage général ne peut-être ga-
rantie, rendue public ou proposée,
seulement à condition qu’elle soit
équivalente à 1000 heures». Mais en
1942, le Cartel est découvert et le
gouvernement américain porte
plainte contre General Electric et
d’autres fabricants d’ampoules. En
effet, le «Sherman Anti-Trust Act» du
2 juillet 1890 vise à garantir la
concurrence entre entreprises et inter-
dit les ententes illicites qui restrei-
gnent les échanges et le commerce.
Les sociétés complices sont ainsi ac-
cusées de fixer les prix, de concur-
rence déloyale et de limiter la durée
de vie des ampoules incandescentes.
1953, le jugement tombe : General
Electric et ses associés sont contraints
de lever leur restriction sur la longé-
vité des ampoules. Mais ces dernières
conservent une durée de vie égale à
1000 heures. Des centaines de bre-
vets d’ampoules sont ainsi déposés
mais aucune n’apparaît sur le marché.
L’obsolescence programmée prend
alors son essor en même temps que la
production en série et que la société de
consommation se développe durant les
années folles. La production est plus
rapide et moins coûteuse. Les prix
moins élevés pour le consommateur
qui achète davantage mais qui ne suit
pas pour autant le rythme des ma-
chines. Il faut donc trouver une straté-
gie. L’obsolescence programmée
s’étend alors à tous types de produits.
Andre
w M
cC
onnell
C’est ainsi qu’Henry Ford et son mo-
dèle T, accessible à tous, fiable, ro-
buste et conçu pour durer, est vite
rattrapé par General Motors. En 1924,
la nouvelle Chevrolet d’Alfred Sloan
arrive sur le marché. Elle a subi des
changements esthétiques. Plus jolie,
elle se vend à des milliers d’exem-
plaires. Ford est alors battu non pas sur
le terrain de la mécanique mais sur le
design. Le concept du modèle annuel
avec taille et couleur différentes est né.
Obsolescenceprogrammée obligatoireEn 1929 à New York, après le crack
boursier, Bernard London, un riche
courtier en immobilier propose d’en
finir avec la dépression en déclarant
l’obsolescence programmée obliga-
toire. C’est la première fois que le
concept est officialisé. Ce plan per-
mettrait ainsi de relancer l’industrie et
le plein emploi. Mais cette proposition
d’obsolescence par obligation légale
n’a jamais été approuvée. Dans les an-
nées 50, l’obsolescence programmée
tente d’appâter le consommateur. Elle
représente « la volonté de la part du
consommateur de posséder un bien un
peu plus neuf, selon le designer
Brooks Stevens, un peu plus perfor-
mant, un peu plus tôt que nécessaire».
Cette devise séduit les américains. Les
années 50 ont ainsi servi de fonde-
ment à la société de consommation
que nous connaissons aujourd’hui.
«Sans l’obsolescence programmée il
n’y aurait pas de centres commer-
ciaux ni de designers», analyse l’ar-
chitecte industriel Boris Knuf.
Mais la croissance est devenue une ob-
session. «Nous vivons dans une so-
ciété de croissance où la logique n’est
pas de croître pour satisfaire les be-
soins, mais de croître pour croître, ex-
plique Serge Latouche, professeur
d’Economie à l’Université Paris-Sud
XI (91). Faire croître, sans limite, la
production et la consommation».
Ainsi, l’obsolescence programmée est
un gouffre financier pour le consom-
mateur mais aussi une plaie pour
l’environnement. En effet, cette
consommation sans limite se base sur
une contradiction indéniable : com-
ment produire à l’infini sur une planète
finie où les ressources sont limitées?
La notion d’humanité existe-t-elle en-
core à l’heure où l’on fabrique des pro-
duits programmés pour s’autodétruire
et qui partent ensuite dans des conte-
neurs polluer le continent africain? Au
Ghana par exemple, on s'exaspère de
ces déchets informatiques qui arrivent
par milliers de tonnes.
593 mars 2011
HigH tecHHistoire
En 1879, omas Edison inventel'ampoule électrique, composée avec unfilament de coton carbonisé.
DR
Illustration avec trois objets familiers
MP3 : La batterie des 1ère, 2e et 3e générations d’iPod était prévue pour
durer 18 mois. Apple n’envisageait pas de la remplacer même si cette der-
nière était la seule responsable de la panne du MP3. seule solution : ra-
cheter un nouvel appareil. scandalisés, les utilisateurs se sont alors
mobilisés. Après un procès qui a débouché sur un accord entre les deux
parties, l’entreprise a mis en place un service de remplacement des bat-
teries, étendu sa garantie à deux ans et dédommagé les plaignants.
Imprimantes : Difficile de les faire réparer. il est souvent conseillé d’en
racheter. Dans Prêt à jeter, Marcos Lopez, un jeune informaticien lâché
par son imprimante, enquête. sur les forums, il apprend qu’une puce dé-
termine la durée de vie de sa machine. Au bout d’un certain nombre d’im-
pressions, elle rend l’âme. Mais internet regorge de développeurs malins.
Vitaliy Kiselev, inventeur russe d’un logiciel, remet les compteurs à zéro.
Marcos charge le logiciel et son imprimante refonctionne.
Bas Nylon : en 1940, le groupe Américain DuPont, spécialisé dans la chi-
mie met sur le marché le bas Nylon. grâce à cette fibre textile révolution-
naire, les bas ne filent plus et les consommatrices sont ravies. Mais les
ventes s’effondrent très rapidement. Ainsi la quantité d’additifs proté-
geant la fibre est modifiée et les bas se remettent à filer comme avant.
Aujourd’hui, la durée de vie d’un bas est de un, voire deux jours. Au
consommateur d’en racheter… DR
DR
DR
Economie et écologiePour les spécialistes il existe diffé-
rentes solutions : la décroissance, prô-
née par Serge Latouche qui prévient
que « la croissance, fondée sur l’ac-
cumulation des richesses, détruit la
nature et génère des inégalités so-
ciales. Il faut donc travailler à la dé-
croissance : une société fondée sur la
qualité et la coopération et non sur la
quantité et la compétition. Une huma-
nité libérée de l’économisme se don-
nant la justice sociale comme
objectif». D’autres, tendent vers une
économie plus modérée comme Phi-
lippe Moati, professeur en Sciences
économiques à l’Université Paris VII
et directeur de recherches au Crédoc
(Centre de recherches pour l’étude et
l’observation des conditions de vie) :
« Il faut des incitations réglemen-
taires et un travail de sensibilisation
qui peut être effectué par les acteurs
de la société civile. C’est également
dans l’intérêt des entreprises, si elles
veulent survivre sur le long terme,
d’assurer leur transition vers de nou-
veaux modèles économiques répon-
dant aux aspirations des gens à
consommer mieux, dans le respect de
la contrainte écologique». Une in-
dustrie qui produirait et recyclerait à
l'infini, à l'image de la nature, est une
solution envisageable. «L’Union Eu-
ropéenne a adopté une directive qui
impose des normes minimales de per-
formance écologique aux appareils
électroniques, explique Edouard Tou-
louse, spécialiste des politiques euro-
péennes d’éco-conception pour
ECOS (ONG qui porte la voix des or-
ganisations environnementales telles
que la WWF, les Amis de la Terre et
Greenpeace). En théorie tous les as-
pects environnementaux peuvent être
couverts comme la consommation
d’énergie, l’utilisation des res-
sources, la fin de vie ou la recyclabi-
lité. Mais en pratique la mise en
œuvre pour lutter contre l’obsoles-
cence programmée et accroître la
durée de vie s’avère difficile. Les fa-
bricants ne sont pas motivés, ils pous-
sent plutôt pour accélérer le renou-
vellement des stocks». La
commission européenne semble elle
aussi avoir pris la mesure de ce désas-
tre économique (pour le consomma-
teur) et écologique puisqu’elle
révisera cette directive l’année pro-
chaine. «Nous sommes dans un
contexte où nous parlons de plus en
plus des risques d’épuisement des
ressources, ajoute Edouard Toulouse.
La Commission européenne a publié
une étude alertant sur les réserves
des métaux rares entrant dans la
composition des appareils électro-
niques et informatiques».
La solution est finalement entre les
mains de chacun. Les producteurs et
distributeurs doivent faire évoluer
leurs pratiques en ménageant les res-
sources naturelles mais le consomma-
teur doit lui aussi faire des efforts en
se demandant si l’acquisition d’un
nouveau produit est nécessaire.
Comme disait Jonathan Swift, auteur
de satires sur la folie et l'orgueil de
l'Homme, «Le plaisir d’avoir ne vaut
pas la peine d’acquérir». g
60 3 mars 2011
HigH tecH Histoire
La Ford T, produite par les usines d’Henry Ford entre 1908 et 1927 est considérée comme la première voiture accessible à tous. Assemblée à lachaîne et non plus individuellement à la main, elle fut désignée voiture la plus importante du XXe siècle au terme d’un sondage international.
W9N
ED
«Sans l’obsolescence programmée il n’y auraitpas de centres commerciaux ni de designers»
La Xoom de Motorola,l'iPad Killer?
D'extérieur, la tablette deMotorola dispose d'unebelle finition, notamment
dans ses angles. Elle apparaît mêmecomme plutôt robuste et penséepour résister aux petits chocs. Maisc'est surtout sous sa façade que leconstructeur américain a mis les pe-tits plats dans les grands : la Xoomtourne sous Android 3.0 afin deprofiter du système d’exploitation deGoogle, considéré comme le plus ra-pide du moment. Juste derrièrel'environnement des mobiles d'Ap-ple. Avec son processeur doublecœur et sa carte graphique NVIDIA,la Xoom est nettement plus réac-tive que la tablette d'Apple. Lesmenus défilent avec une fluiditéétonnante, et l'on ne constate aucunralentissement même après avoirouvert pléthore de fenêtres. Avec unécran de 10.1 pouces (25.7 cm)contre 9 pour l’iPAD et une résolu-tion de 1280x800, le rendu vidéo estsurprenant avec un contraste bienau-dessus de tous ses concurrents.Entièrement compatible 3G/4G, latablette dispose d’un autre atout detaille face à l’iPAD : son supportFlash. Alors qu’Apple lui a définiti-vement fermé la porte, le construc-teur américain promet que sa tablettesera enfin capable de lire n'importequelle vidéo encodée en Flash sur unsite web. Finies les attentes intermi-nables lors du chargement de l'inter-face YouTube sur l'iPAD ! À noterpourtant que le modèle équipé duplug-in Flash ne sera commercialiséqu'un mois après le lancement de la
Xoom. Motorola assure qu’en Eu-rope, la tablette sortira dans sa ver-sion définitive avec support Flash.Avec une autonomie réelle de plusde dix heures en vidéo (contre huitpour l’IPAD), sa sortie HDMi pourla lecture HD et son micro port USB,la Xoom est elle vraiment l’iPADKiller annoncé ?
Le soufflé retombeSelon Jean Sébastien Zanchi du siteTom’s Guide.fr, « la tablette plaira à
une certaine cible, mais pas au grand
public ». La Xoom suit la mode des« docks », sorte d'environnement« clavier-écran » qui peut servir lorsd'une utilisation professionnelle.« Nous sommes plus en présence d'un
ordinateur d'appoint que d'une ta-
blette loisirs ». Il concède cependantque sa sortie HDMi, permettant lalecture de vidéo sur une télévision
HD, fait de la Xoom « un média cen-
ter honorable ». C'est surtout sonprix définitif qui la rend beaucoupmoins attractive et inaccessible auplus grand nombre. Annoncée à 800euros, la tablette est plus onéreuseque l'iPAD première génération, ven-due à 730 euros lors de sa sortie il ya tout juste un an. Et de conclure endisant « que les tablettes ACER,
certes un peu moins performantes,
sont elles aussi intéressantes et dis-
ponibles aux alentours de 400
euros ». Finalement, la Xoom « aura
du mal à faire face à la nouvelle gé-
nération de tablette, particulière-
ment l’iPAD 2 ». Cette dernière,annoncée comme plus fine et surtoutplus légère, sera certes plus chère quesa grande sœur (vendue aujourd'huiautour de 550 euros), mais risque defaire oublier bien vite les premierséclats de la tablette Motorola. g
613 mars 2011
Hi-TecHconso
Alors que l'iPAD 2 d'Apple sera présenté le 2 mars prochain, les autres constructeurs tententtant bien que mal de se faire une place sur le marché. Si HP, Samsung et Acer, se sont déjàlancés dans l'aventure, c’est Motorola qui fait forte impression avec sa tablette Xoom.
Par Alexandre Benhadid
La tablette Xoom, tout juste présentée par Motorola, est plus un ordinateur d’appoint qu’unetablette de loisir comme l’iPAD.
Motorola
Vous, les femmes
Madame Bovary, de Gustave Flaubert
Aventures, dettes, déprimes, le quotidien de Flaubert à la campagne a connu un
franc succès, mais a déplu aux autorités. Il fut même poursuivi pour «outrage
à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs». Dans Madame Bo-
vary, Charles Bovary, un jeune médecin, prend pour épouse Emma Rouault, la
fille d’un de ses patients, qui pense mener la grande vie loin de la ferme de son
père. Ses espoirs sont vite déchus. Elle sombre alors dans une dépression par-
ticulière, et prend des amants pour se sentir exister. Emma défie la société de
l’époque en s’octroyant une place que la femme du XIXe (1856) ne peut se per-
mettre d’occuper. Ses sentiments sont décrits très longuement. Malgré son em-
pathie, le lecteur moderne adore détester Madame Bovary et la condamne tout
autant que la société du XIXe siècle. Belle évolution.
Edité chez Folio Classique poche (2001).
62 3 mars 2011
Livres ThémaTique
A l’occasion de la Journée Mondiale de la Femme, le 8 mars prochain, retour sur trois destinsexceptionnels de personnages féminins. La littérature classique a su dépeindre les oppressionsculturelles et sociales qu’ont subies les femmes tout en les mettant à l’honneur.
Par Clémentine Santerre
Bérénice, de Racine
La tragédie de Racine, Bérénice, conte l’histoire de la rupture tourmentée de
Titus, empereur romain, et Bérénice, reine de Palestine. L’union d’un empereur
et d’une reine, qui plus est non romaine, était désapprouvée par le peuple. Cette
pièce de théâtre en cinq actes, jouée pour la première fois en 1670, est plus un
exercice d’écriture qu’une véritable histoire. De beaux discours sur l’amour et
les raisons d’une séparation. L’héroïne fait preuve de passion et de maturité
face à son destin. L’intrigue est distancée par l’intensité des sentiments mis en
scène. Mais pourquoi lire Bérénice plutôt que Phèdre ou Antigone? Parce que
Bérénice ne finit pas par la mort de son héroïne. Si l’usage veut qu’une tragédie
voit le sang couler à sa fin, Bérénice, elle, est condamnée à souffrir jusqu’à la
mort. Une douleur de longue durée, plus tragique que la tragédie.
Edité chez les Petits Classiques Larousse (2006).
La Princesse de Clèves, de Madame de La Fayette
Mademoiselle de Chartres est une jeune femme de 16 ans quand elle est présen-
tée à la Cour. Le Prince de Clèves, séduit par sa beauté admirable, la demande
en mariage. Elle accepte, mais tombe rapidement amoureuse du Duc de Ne-
mours. Elle ne succombera jamais par respect pour son mari, envers qui elle a
une profonde affection. Cet ouvrage, aussi bien historique que romanesque, mon-
tre la volonté que peut avoir une femme déterminée. Fin tragique pour un amour
non consommé. «L’honneur» vaut-il toutes les privations? Aujourd’hui, la ques-
tion ne se poserait pas. Le divorce serait prononcé. A l’époque [le livre a été pu-
blié en 1678, et l’histoire se déroule en 1559, ndlr], la Princesse est saluée et
admirée pour sa vertu qui illustre parfaitement la pensée des Précieuses (courant
littéraire qui a bercé Madame de La Fayette) : l’amour idéal est inaccessible.
Edité chez Librio (2003).
DVDsorties du 9 mars 2011
Par Valentin Marcinkowski
Rubber, de quentin Dupieux
C’est l’histoire d’un pneu… Oui, un pneu. Dans le désert californien, Robert,
un pneu de bagnole, prend vie et se met à tuer toutes les personnes qu’il ren-
contre. Le tout sous le regard de spectateurs lointains munis de jumelles.
Chargé d’élucider les meurtres, le shérif - interprété par l’excellent Stephen
Spinella - mène l’enquête tout en se posant des questions existentielles du
genre : « Pourquoi, dans Massacre à la tronçonneuse, personne ne va jamais
aux toilettes ? » Film complètement barge, Rubber est un hommage au sur-
réalisme né de l’imagination sans limite de Quentin Dupieux, qui, dans le
même genre, avait déjà réalisé Steak en 2007. Film culte ou nanar ? Chacun
se fera sa propre idée mais il est fortement recommandé de mettre de côté
tout sens rationnel pendant une heure et quart afin de pouvoir pleinement ap-
précier ce Rubber venu d’ailleurs.
633 mars 2011
InfothèquEDVD
Very Bad Cops, d’Adam McKay
Highsmith (Samuel L. Jackson) et Danson (Dwayne Johnson) sont les deux
« stars » de la police de New-York. A la suite d’une cascade aussi débile
qu’ambitieuse lors d’une opération, ils meurent. L’occasion rêvée pour Terry
Hoitz (Mark Wahlberg), mis sur la touche après une bavure, de prendre leur
place. Pour cela, il fait équipe avec Allen Gamble (Will Ferrell), le looser du
service peu enclin à l’aventure et satisfait de classer des dossiers toute la jour-
née. Un air de dejà-vu plane sur le film qui exploite à fond les ficelles du
buddy movie. Mais peu importe : ça marche, et plutôt bien. Inconnu en France
mais adulé aux Etats-Unis, Will Ferrell, ex-star du Saturday Night Live, dé-
montre une nouvelle fois tout son talent comique. Rien que pour ça, le film
vaut le coup d’œil. A voir absolument en VO pour ne pas perdre la saveur des
dialogues originaux.
L’Homme Qui Voulait Vivre Sa Vie, d’Eric Lartigau
Paul Exben (Romain Duris) a tout pour être heureux. Seulement voilà, cette
vie ne ressemble en rien à celle qu’il avait imaginée. Après un terrible drame,
il endosse une nouvelle identité qui le contraint à l’exil mais qui lui permet
de vivre pleinement sa passion. Après plusieurs comédies à succès, Eric Lar-
tigau s’essaie à un nouveau genre non sans mal. Malgré une mise en scène
efficace et une transposition scrupuleusement fidèle au roman de l’Américain
Douglas Kennedy, cette adaptation pêche par son manque d’audace et souffre
de quelques longueurs. Heureusement, le film est sauvé par la prestation tout
en retenue d’un Romain Duris en forme, bien aidé il est vrai par des seconds
rôles de qualité (Marina Foïs, Niels Arestrup). Un film correct mais qui ne
laissera pas une trace indélébile dans l’histoire du cinéma français.
CDLes sorties du mois
Par Valentin Marcinkowski
culture sorties
Un Lasers éblouissant
Ne vous fiez pas à son nom, Lupe Fiasco n’a rien d’un raté. En deux albums
seulement, le rappeur de Chicago s’est fait une place de choix dans l’univers
du hip-hop américain, bien aidé il est vrai par Kanye West et Jay-Z. Avec Lasers,
le rappeur frappe un grand coup. A contre-courant d’un milieu de plus en plus
formaté, Lupe Fiasco soigne, lui, toujours ses textes comme dans Words I Never
Said avec Skylar Grey. Filles dénudées, grosses voitures et bagues en or ne font
pas partie de son univers. D’où cette réputation d’intello du hip-hop qui lui colle
à la peau. Elu en 2007 «homme le mieux habillé de la planète» par le magazine
américain Esquire, Lupe Fiasco livre un album à son image : élégant et raffiné.
La rumeur veut qu’il arrête sa carrière après ce troisième disque alors qu’il n’est âgé que de 29 ans. Un peu tôt pour
prendre sa retraite, non ?
Lupe Fiasco – Lasers – Warner – Sortie le 7 mars
Safari musical risqué pour Yelle
Safari Disco Club marque le retour cacophonique de Julie Budet, plus connue sous
le nom de Yelle, cinq ans après le tube Je Veux Te Voir. Connue en France grâce à ce
titre axé très grand public, la musique de la jeune femme l’est moins, c’est un fait.
Ici, le voyageur est invité à une plongée dans un monde très électro imprégné de cette
French Touch que le monde entier nous envie. Le tout agrémenté de textes ne signi-
fiant pas grand-chose, comme en témoigne le premier single éponyme de l’album.
Un constat s’impose alors: l’électro et la langue de Molière ne font pas bon ménage.
Tel un mauvais trip après une soirée riche en excès, ce Safari Disco Club très concep-
tuel abandonne toute rationalité et ne donne guère envie de renouveler l’expérience.
Il y aura toujours néanmoins une jeunesse bien pensante et branchée en quête d’«underground» pour apprécier.
Yelle – Safari Disco Club – Barclay - Sortie le 14 mars
Beady Eye, la vie sans Noel Gallagher
On prend (presque) les mêmes et on recommence. Noel parti, Liam Gallagher
a décidé de poursuivre l’aventure avec les ex-Oasis sous le nom de Beady
Eye. Un pari osé tant l’influence de l’aîné de la fratrie était prépondérante
sur le groupe. Accompagné par le producteur Steve Lillywhite (U2, Rolling
Stones), la formation livre un Different Gear, Still Speading ambiancé très
60’s, porté par quelques bons titres comme Four Letter Word. L’influence
des Beatles et surtout de John Lennon est partout. Finalement, ce Beady Eye
s’inscrit dans la continuité de ce que faisait Oasis ces dernières années, à sa-
voir de la bonne musique mais bien loin de la perfection d’un Definitely
Maybe ou What’s the Story Morning Glory. Honorable tout de même pour un premier disque, mais sans plus.
Beady Eye – Different Gear, Still Speeding – Pias France – Sorti le 28 février
64 3 mars 2011
Amuse-bouche
Du latin fellare, qui si-
gnifie téter, sucer, la
fellation, ou «pipe»,
est le fait de stimuler
le pénis avec la
bouche. La langue, le palais, les lèvres,
tout est prétexte à jouer. «Elle est
connotée acte de plaisir pur. C’est au-
tant un préliminaire qu’une fin d’acte.
C’est une pratique multitâche», ex-
plique Ruben Otormin, sexologue. La
fellation a plusieurs vertus. Manière la
plus efficace d’exciter un homme, elle
joue le rôle de substitut de masturba-
tion. Ce n’est pas la main, mais la
bouche qui «fait», avec comme va-
leurs ajoutées la douceur et l’humidité
buccales. Elle procure également un
sentiment de puissance au mâle qui a
l’impression que la femme s’occupe
entièrement de lui, toute consacrée au
plaisir de son homme. Pas étonnant,
donc, qu’elle soit le préliminaire le plus
apprécié, avec la jouissance la plus ef-
ficace (plus, parfois, que le rapport
sexuel en lui-même). Rares sont les
hommes qui ne savourent pas la pipe.
«Ceux qui n’aiment pas ont une vision
moraliste de la sexualité, limitée à la
reproduction. D’un point de vue ana-
lytique, il y a un complexe de castra-
tion inconscient. Le fait de mettre le
sexe dans la bouche s’associe à une
perte de contrôle», justifie le Dr Ruben
Otormin. Pour certains, c’est un acte
réservé à un certain type de femmes.
«Le duel permanent de la madone et
de la putain», poursuit Nathalie Fer-
rand, sexologue dans les Yvelines (78).
Acte de confiance, la fellation est une
des clés du tantrisme, art du plaisir né
en Inde au Ve siècle, qui propose une
palette très large de pratiques. Pour le
Dr Ruben Otormin, « l’énergie de l’or-
gasme doit être épargnée pour mieux
jouir de l’acte. Il faut retarder la péné-
tration -ou génitalité- pour profiter en-
core plus de longs préliminaires». Plus
de 80% des femmes déclarent avoir
essayé au moins une fois la fellation
selon une enquête de l’INSERM et de
l’INED: Contexte de la Sexualité en
France, réalisée en 2008 auprès de plus
de 12000 personnes. Aidée par la ré-
volution sexuelle, elle a réussi à
s’émanciper pour devenir un «clas-
sique» du répertoire sexuel. Sa cousine
l’irrumation se cantonne, elle, davan-
tage aux films X qu’à la pratique dans
un couple. La bouche sert, dans ca cas,
uniquement de réceptacle. L’homme
contrôle la profondeur et le va-et-vient.
Une pratique désagréable et un peu
«trash» pour la femme, pas toujours
aussi docile que Linda Lovelace, hé-
roïne du film Gorge profonde, en
1972. Pratique multitâche, plaisir ga-
ranti, humour pervers… Quoi qu’il en
soit, la pipe laisse sans voix. g
653 mars 2011
moDE DE vIEsExo
Une récente étude américaine du docteur Maura Gillison, de l'Université d'Ohio, révèle unpossible lien entre sexe oral et cancer buccal. Aujourd’hui pourtant, la fellation est un des in-grédients d’une vie sexuelle épanouie.
Par Clémentine Santerre
DR
Cocasserie de la turlute
Les anecdotes les plus folles
courent sur cette pratique. La
pipe comme astuce anticellu-
lite en fait partie. Tout comme
les propriétés fantasmées du
sperme sur l’éclat de la peau.
Felix Faure, président français,
est mort sottement en 1899 à
l’Elysée suite à une fellation. Le
lendemain, George Clemenceau
ironisait « Il voulait être César,
il ne fut que Pompée ». L’affaire
Clinton-Lewinsky reste dans
toutes les bouches. L’adage
« sucer n’est pas tromper » a
bien servi à l’ancien président
des Etats-Unis, qui se justifiait
en déclarant que la fellation
n’était pas un acte sexuel
puisqu’il la subissait. Dure,
dure la vie de président, sacré
nom d’une pipe.
Contrairement aux idées reçues, la bouche n’est pas à proprement parler une zone érogène.
Par devant, par derrière
Rien ne se démode
aussi vite que la
mode. Pareil en poli-
tique. Les semaines
précédentes voyaient
l’omniprésence de Dominique
Strauss-Kahn dans les médias, au-
jourd’hui c’est du remaniement ex-
press du gouvernement dont il est
question. Et si finalement, nous
n’étions pas vraiment passés du coq
à l’âne ? Et si les deux étaient liés ?
28 % des intentions de vote au pre-
mier tour*. Si près de 2012, le chiffre
fait rêver. C’est l’Oscar politique du
moment. Et la statuette est décernée
à la plus francophile des stars améri-
caines : Dominique Strauss-Kahn.
DSK : Dominique Sarko Killer. Le
directeur du FMI fait alors peur à Ni-
colas Sarkozy, il représente le nou-
veau fantasme hexagonal. L’homme
d’exception, comme un remake du
général de Gaulle. Si, lors de son
passage à Paris, Dominique Strauss
Kahn n’a rien dit, il est facile d’inter-
préter son discours comme : « regar-
dez quel Etat de merde nous a laissé
Nicolas Sarkozy ». Sachant que
l’homme a l’ambition présidentielle
grandissante - oui, si il n’a certes pas
le droit de se porter candidat mainte-
nant du fait de son poste au FMI, il
est cependant autorisé à réfuter toute
candidature ; ce qu’il n’a pas fait - à
Nicolas Sarkozy de trembler.
ManigancesAcculé de toutes parts, le Président
doit réagir. A sa droite, Marine Le
Pen affiche 20 % d’intentions de
vote au compteur*. Michelle Al-
liot-Marie fait tâche. Boulet pour
Nicolas Sarkozy à quelques mois
de la présidentielle, à la chira-
quienne de sortir du gouvernement
pour ouvrir son agence de voyage.
Petite manipulation : le Président
fait croire à un remaniement pour
cause de nécessités diplomatiques.
En vérité, il prépare sa candidature
à un nouveau mandat.
Il laisse les journalistes interpréter
la sortie du gouvernement de Brice
Hortefeux comme un pare-feu à un
nouveau scandale - l’homme vient
d’être condamné par la justice pour
la deuxième fois en tant que minis-
tre. Bof bof question République ir-
réprochable -. En vérité, le meilleur
pote du président lui vient en aide.
Conseiller spécial du président.
Trop bien : d’une ils pourront pas-
ser toutes leurs pauses déjeuner en-
semble, et de deux ils peuvent,
main dans la main, copains comme
cochons, donner un nouvel éclat à
Nicolas Sarkozy. Pas de déni de
bras droit donc, mais une stratégie
pour 2012.
Jamais un président de la Répu-
blique n’a été aussi bas dans les son-
dages si près de la présidentielle.
Conseiller politique du copain Nico-
las à l’Elysée, copain Brice est là
pour y remédier et partir en quête de
légitimité pour le président. Evidem-
ment, le fait qu’une personnalité po-
litique soit payée par l’Etat pour
préparer la prochaine campagne
électorale pose un problème
d’éthique du pouvoir.
C’est aux partis, normalement, de
trouver des financements - occultes
ou non, une fois n’est pas coutume-
pour valoriser leur candidat. Que
Brice soit mandaté par l’Elysée et
pas par l’UMP pour préparer une
campagne électorale est un abus de
pouvoir que, ni le parti majoritaire,
ni l’exécutif, n’ont intérêt à voir
s’ébruiter. Au brave contribuable de
payer l’impôt pour la ré-accession au
pouvoir de Nicolas Sarkozy. Domi-
nique Strauss-Kahn fait croire qu’il
n’a pas d’ambition présidentielle.
Nicolas Sarkozy feint une préoccu-
pation internationale pour mettre en
place sa stratégie 2012. Comme quoi
tout se joue par derrière. Et là ce sont
les Français qui l’ont… par derrière.
Le dramaturge russe Alexandre Os-
trovki écrivait : « Il ne faut pas se
moquer des imbéciles mais savoir
profiter de leurs faiblesses ». C’est
exactement ça. g
*Sondage de CSA pour BFM TV / RMC /
20 Minutes. Enquête réalisée par télé-
phone du 21 au 22 février 2011 avec un
échantillon de 1005 personnes. Marge
d'erreur: environ 3,1%.
66 3 mars 2011
opinion Le biLLet
L’humeur de Karma Duquesne, rédactrice en chef
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