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8/10/2019 Revue Socialiste n56
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larevue socialiste
novembre 2014 - 10 euros
Quel avenirpour les partis
politiques ?
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larevue socialiste
novembre 2014 - 10 euros
Quel avenirpour les partis
politiques ?
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R%dac!ion e! admini!ra!ion : 10, rue de Solferino - 75333 Paris cedex 07- FranceTl. : + 33 (0)1 45 56 76 38Fax : + 33 (0)1 45 56 76 83
Direc!e"r de la r%dac!ion : Alain Bergounioux
R%dac!e"r en chef : Ccile Beaujouan, Alexis Dalem
Secr%!aire de r%dac!ion : Nathalie Mauroy
Comi!% de r%dac!ion : Guillaume Bachelay, Laurent Baumel, Jean-Louis Bianco, Thalia Breton,Matthias Fekl, Gatan Gorce, Jrme Guedj, Franois Kalfon, GeoffroyLauvau, Emmanuel Maurel, Delphine Mayrargue, Stphanie Oro, SarahProust, Jrme Saddier, Sandra Tabary, Daniel Vasseur, Caroline Werkoff.
Comi!% d'orien!a!ion : Paul Allis, Maurice Benassayag, Pervenche Bers, Dominique Bertinotti,Nicole Bricq, Jean-Christophe Cambadlis, Monique Dagnaud, MichelDebout, Gilles Finchelstein, Grard Fuchs, Jacques-Pierre Gougeon,Adeline Hazan, Grard Le Gall, Frdric Martel, Gilles Moc, Pierre-Antoine Molina, Aquilino Morelle, Janine Mossuz-Lavau, Vincent Peillon,Gilles Savary, Marisol Touraine, Alain Vidalies, Henri Weber.
Concep!ion : Sylvie Tranchant
$di!ion : Solf Communications10, rue de Solferino - 75333 Paris cedex 07
Imprimerie : PGE- 9, rue Allard - 94160 Saint-Mand
Direc!e"r de la p"blica!ion : Yves Attou
Pho!o : Couverture : psdesign1 - Fotolia.com
Commission paritaire n 1018P11398 - ISSN : 1294 - 2529 - Dpt lgal : novembre 20l4
larevue socialiste
Re#"e !rime!rielle de d%ba! e! d'id%e p"bli%e par le Par!i ociali!e.
Fond%e par Beno&! Malon en 1885.N56.
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sommaire
(di#o
- Alain BergouniouxComment parler du socialisme aujourdhui ? ............................................................................................................................................................ p. 3
le do""ie
- Alain BergouniouxLes partis politiques dans lhistoire ...................................................................................................................................................................................... p. 7
- Jean-Michel De Waele, Fabien Escalona, Mathieu VieiraLes partis sociaux-dmocrates des annes 2000 .................. ............. ............. ............. ............. ............ ............. ............. ............. ............. .......... p. 15
- Jacques de Saint-VictorLa mouvance antipolitique en Italie : Grillo et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) ............ ............. ............. ............. . p. 31
- Fabien Escalona, Mathieu VieiraLa gauche radicale en Europe : une famille de partis ..................................................................................................................................... p. 39
- Gatan GorceLe Parti socialiste pense-t-il encore ? ............ ............. ............. ............. ............. ............. ............. ............. ............ ............. ............. ............. ............. .......... p. 51
- Gal BrustierLes partis au double dfi de lintgration europenne et de la rvolution 2.0. ............. ............. ............. ............. ............ .... p. 57
gand #ee
- Lon BlumLettre au Gnral De Gaulle, Les socialistes, la France et leur parti, 1943 ... ............. ............. ............. ............. ............. ............. . p. 63
' popo" de* Ph. Aghion, G. Ce##e, E. Cohen : Changer de modle 2014
- La Revue socialiste
Changer de modle ? .......................................................................................................................................................................................................................... p. 76- Bernard Soulage
Il existe une autonomie des mcanismes macroconomiques,que cela plaise ou non aux chantres des rformes structurelles ............. ............. ............. ............. ............. ............ ............. .... p. 77
- Pierre-Alain MuetUn ouvrage qui se trompe dpoque ............ ............. ............. ............. ............. ............. ............. ............. ............ ............. ............. ............. ............. .......... p. 81
- Ph. Aghion, G. Cette, E. CohenQuil est dur de changer de modle ! ................................................................................................................................................................................. p. 85
pol(mi$e
- Alain Bergounioux, Michel BordeloupDe quoi Zemmour est-il le nom ? .......................................................................................................................................................................................... p. 91
ac#$ali#(" in#ena#ionale"
- Karim PakzadDaech (Etat islamique) : djihadisme radical, gopolitique rgionale et menace globale ................. ............. .......... p. 99
- Jenny Anderssonlections sudoises : quelques enseignements ............ ............. ............. ............. ............. ............. ............. ............ ............. ............. ............. .... p. 111
- Renaud DehousseEurope : Vers un nouvel quilibre politique ? ................ ............. ............. ............. ............. ............. ............ ............. ............. ............. ............. ...... p. 119
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A-t-on, en effet, assez remarqu que lesadversaires les plus notables du socia-lisme dmocratique tiennent, en premierlieu, un discours sur les valeurs, quils
instrumentalisent ensuite en politiquesconcrtes ? Aller au fond de ce que portelide socialiste, cest en consquence(r)affirmer quelle est, avant tout, unephilosophie de la libert pour tous,dune libert relle qui donne chacunune capacit dagir et dtre soi-mme,donc une capacit conomique et une
capacit politique. Tout le reste relvedes moyens et dpend des contexteshistoriques et des enjeux.Evidemment, pour un parti de gouver-nement, il y a toujours la difficult etelle est grande aujourdhui de la com-
paraison avec ce qui se fait. Les citoyensattendent des rsultats immdiats etils ont raison. Mais ils ne nous saventpas gr non plus lorsque lon ne leur
indique pas le chemin emprunt, avecses traverses, et les buts qui sont fixs.Un simple regard rtrospectif sur deux
Les Etats gnraux des socialistes viennent un moment o les incertitudes
et les inquitudes sont patentes. Le mieux quils pourront faire est de mesurer,
et de rappeler, tout ce qui nous est commun en dfinissant la validit du
message social-dmocrate en ce dbut du sicle. Ce nest pas quun exercice rhtorique,comme le pensent certains.
Comment parler du socialisme aujourdhui ?
Alain BergouniouxDirecteur de La Revue socialiste.
Un "imple egad (#o"pec#if
"$ de$& "i)cle" dhi"#oie
"ociali"#e mon#e l+$%e
accomplie. To$" le" pogamme"
e%endica#if" d$ d(b$#d$ XXe "i)cle on# (#( (ali"(",
pa#ic$li)emen# leen"ion
de la po#ec#ion "ociale, la (ali#(
de doi#" collec#if", la (d$c#ion
d$ #emp" de #a%ail, e#c. Mai"
cela la (#( pa "a$#" "$cce""if",
non "an" ec$l" pafoi".
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(di#o
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Alain Bergounioux - Commen# pale d$ "ociali"me a$jo$dh$i ?
sicles dhistoire socialiste montre lu-
vre accomplie. Tous les programmesrevendicatifs du dbut du XXe sicle ontt raliss, particulirement lextensionde la protection sociale, la ralit dedroits collectifs, la rduction du tempsde travail, etc. Mais cela la t par sautssuccessifs, non sans reculs parfois. Et lescrises nont pas pargn les gnrations
prcdentes, au point que le Parti socia-liste, sous diffrentes dnominations, afailli disparatre plusieurs reprises.
Une tche importante (et urgente)est, donc, dtablir les liens entre notre carte didentit et ce que nous
faisons. Cest l que nous devonsapprcier exactement le contexte quiest le ntre. Jusquil y a quelquessemaines, la droite se taisait et secontentait de mener une critique sys-tmatique de toutes les mesures denos gouvernements hors la dcisiondintervenir au Mali. Par-del les diff-
rences de style et les oppositionsstratgiques (ce qui nest pas rien)entre les candidats aux lections pri-maires de lUMP, une ralit communeapparat, une volont de remise encause profonde de notre modlesocial. On peut se demander ce que
diraient, alors, ceux qui ont us et
abus du qualificatif daustrit pourqualifier la politique actuellementmene, si lUMP revenait au pouvoir.Les mots manqueraient assurment
Avec du temps perdu et des mesuresparfois mal calibres, ce qui est tentaujourdhui est de redonner la France
une conomie forte, avec des investisse-ments davenir, tout en sauvegardantnotre protection sociale. Rien ne peutfaire moins de refuser la ralit et deprparer la faillite que lon prtend com-battre, comme le fait le Front National que lconomie franaise ne soit pas
dans une comptition mondiale qui nefera que saccentuer. Une conomiemoderne a besoin de pouvoir serestructurer rgulirement. Cest difficilecertes, mais on ne peut pas mettre enuvre une politique de redistributionsociale sans une solide base cono-mique. Cest ce quont toujours s ceux
qui prennent la social-dmocratie ausrieux. Car enfin, qui peut penser rai-sonnablement que les problmesconomiques du moment ne relve-raient que dun effort sur la demande,qui commanderait daccrotre les dfi-cits et de les corriger ensuite par des
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dito
hausses dimpts ? Dplacer une ving-
taine de milliards deuros dun chapitre lautre est important, mais cela nedessine pas un horizon diffrent.
Il faut trouver de justes quilibres entreune ncessaire amlioration de la com-ptitivit de notre conomie et unsoutien la croissance par une relance
essentiellement europenne. Dautantque tous les socialistes saccordent pourpromouvoir une nouvelle croissance en
Europe ! Et ces ides ont aujourdhui
marqu des points. La nouvelle Com-mission europenne a fait de la relancepar linvestissement une de ses pre-mires priorits. Construire les coalitionsde gouvernements et de partis qui per-mettent davancer dans cette directiondevrait runir toutes les nergies.
A partir de l, nous voyons ce qui peut et
doit relier notre rflexion sur notre iden-tit politique et notre action dans lespolitiques publiques : cest la recherchede la cohrence pour donner les pointsde repres dont les Franais ont besoin.Evitons, donc, les dbats qui tournent la cacophonie et qui ne permettent pasde prsenter les mesures qui avanta-
gent des catgories entires de Franais.Qui a compris les consquences posi-tives concrtes de la suppression dela premire tranche dimpts sur lerevenu ? Concentrons-nous, galement,dans laction gouvernementale, sur lesdossiers fondamentaux et pargnons-
nous les annonces non suivies deffets !Sil faut innover en dcidant de mesuresnouvelles, nous devons en donner lesens, et en expliciter toutes les dimen-sions. Nous devrions tous avoir lespritque ce qui se joue actuellement, cest lesens dun socialisme rformiste pour lesFranais et, donc, notre lgitimit gou-
verner. Ce sont des choses difficiles construire, faciles dtruire.
Il fa$# #o$%e de j$"#e"
($ilibe" en#e $ne n(ce""aie
am(lioa#ion de la comp(#i#i%i#(
de no#e (conomie e# $n "o$#ien
' la coi""ance pa $ne elance
e""en#iellemen# e$op(enne.
Da$#an# $e #o$" le" "ociali"#e"
"accoden# po$ pomo$%oi
$ne no$%elle coi""ance
en E$ope !
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Jrme Fourquet, Nicolas Lebourg, Sylvain Manternach
www.jean-jaures.org
Nicolas Lebourg, Jonathan Preda, Joseph Beauregard
Prface de Jean-Yves Camus
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4. -7;;2.:
Et, sur la base dun constat sur les vo-lutions du militantisme et des attentessociales, nombre des suggestions faitesalors la constitution de rseaux , un
statut pour les sympathisants, lidedlections primaires pour la dsigna-tion du candidat llection prsiden-tielle, le dveloppement dun e-mili-tantisme ont donn lieu des dbatset, parfois, des ralisations, avec plusou moins de succs selon les cas. Cesont videmment encore des questions
dactualit. Mais, aussi importante soitla dimension du militantisme, elle nesuffit pas pour poser dans son ampleurla question du rle actuel des partispolitiques et des problmes qui sont lesleurs. Nous avons besoin dune perspec-tive densemble plus large.
Il faut faire la part, en effet, entre les cons-quences de la conjoncture essentielle-ment la crise de dfiance que rencontrentles partis de gouvernement et les insti-
tutions au sens large, depuis au moinsdeux dcennies dans la mutation queconnaissent les pays europens et les dif-ficults de tous ordres qui perdurent, etdautre part les rsultats dune volutionplus longue de nos socits, qui dcouleparticulirement de lindividualisation (qui lont fait souvent trop dire), en tout
cas de la dcomposition des ralits etdes reprsentations collectives des d-cennies passes et de laffirmation denouveaux clivages (lEurope, limmigra-tion, la famille, la lacit, etc.). Ce nest pasdaujourdhui que les partis sont contes-ts et connaissent des crises rptition.
C
e nest pas la premire fois loin de l que La Revue socialisteconsacre un
dossier la situation des partis politiques et, particulirement, au ntre.
En 2003, dans le numro 13, dj, nous avions tir les conclusions dune trans-formation ncessaire de la structure et des pratiques du PS.
Le* 'a+"* '"+",e* da%* #!"*+&"e
Alain BergouniouxD%#%3 $% La Revue socialiste.
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Lantiparlementarisme a t un senti-
ment fort sous la IIIe et la IVe Rpubliques.De Gaulle a bti la Ve Rpublique sur unrejet du rgime des partis . Maischaque crise a sa spcificit. Et pour com-prendre la situation prsente, il importe,au dbut de ce dossier, de rappeler cequa t la gense des partis et ce que
sont leurs fonctions dans une socitdmocratique. Nous nous concentreronssur lEurope occidentale et sur les partisde gouvernement. En effet, les partis sont,aujourdhui, la forme quasi universellede lorganisation politique, mais cetteextension sest faite au prix dune grandediversit qui faonne des ralits trs dif-
frentes et peu comparables. Commelcrivait Gramsci, parler dun parti poli-tique, cest galement faire lhistoire dunpays. Aussi, ce dossier envisage des paysque lon peut comparer entre eux. Ce quilaisse dailleurs aussi son lot de diversit.Ne serait-ce quen France, il y a actuel-
lement encore 290 partis recenss
alors que nous en avons en tte unedizaine au plus ! Il est vrai que lesoppositions sont fortes entre les partisgnralistes , qui veulent gouverner,les partis spcialiss , qui dfendentun intrt sectoriel, les micro-partis ,qui permettent le financement dactivi-ts politiques personnelles. Il faut donc,
avant de penser cette diversit, voir cequi a t historiquement essentiel. Cestce que jvoquerai brivement danslintroduction de ce dossier.
Toutes les socits historiques connais-sent lexprience de la division. Mais les
formes quelle prend sont extrmementdiverses. Lexistence dorganisations per-manentes installes sur un territoire,bnficiant dun soutien populaire, ayantune assise lectorale et une volontdexercer le pouvoir ou davoir uneinfluence sur lui est tardive. Ne serait-ce que parce que llection comme mode
de dvolution du pouvoir a t un ph-nomne rare avant le XIXe sicle Ladmocratie athnienne avait mis en u-vre une dmocratie directe, au sein duneassemble souveraine. Mais le tirage ausort tait le mode de scrutin privilgi.Et les diffrences dopinion sexprimaient
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autour de personnalits et donnaient
naissance des coalitions fluctuantes. Lepas dcisif a t franchi avec laffirmationdu principe de la reprsentation politiqueen Angleterre aux XVIIe et XVIIIe sicles,quand le Parlement britannique, lchelle dun grand pays, a conquis unerelle part du pouvoir politique. Cela, r-sultat bien sr dun processus historique
ancien, sest fait en rapport troit aveclaffirmation de la bourgeoisie commeclasse sociale. La reprsentation politique
en tant que telle procde dune distinctionaccepte entre une sphre publique etune sphre prive. Lexpression duneopinion est une ralit ancienne (la vox populi des Romains). Mais elle
acquiert un nouveau caractre dans le cli-
mat intellectuel et social du XVIIIe
sicle :elle rsulte dun processus de communi-cation incessant dans les lites claireset devient une force politique installantun dbat public avec les pouvoirs. JrgenHabermas a mis en vidence ce phno-mne clef dans son grand ouvrage sur Lespace public1 . Ces deux principes
dorganisation dune part la reprsen-tation parlementaire, lopinion publiquedautre part permettant de structurer destendances politiques ont donn plus deconsistance des regroupements dura-bles. Les Tories et les Whigs sontconsidrs comme les anctres des partis
modernes, les conservateurs et les lib-raux du XIXe sicle. Mais les critres dap-partenance sont fluctuants. Et il manque,surtout, le suffrage universel qui intgre-rait le peuple. Les historiens britanniquesconsidrent quil a fallu attendre larforme lectorale de 1867 qui, aprscelle de 1832, a tendu le suffrage pour
parler rellement de partis politiques.
La Rvolution franaise mrite un exa-men particulier. Car elle a mis uneAssemble au centre du pouvoir et a
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sphre publique ne pouvait donc pas
exprimer compltement les conflits dela socit. Alexis Tocqueville, dans sesSouvenirs, a dcrit ltroitesse de cette viepolitique au profit dune seule classe,cartant une part de laristocratie,excluant le peuple. Il est intressant denoter que mme les critiques du libra-lisme naboutissaient pas la ncessit
des partis politiques. Ainsi, Hegel recon-naissait lexistence de conflits dans lasocit et lgitimait lorganisation desintrts privs. Un individu appartenait une classe . Mais la mdiation entreles individus et lintrt gnral devait sefaire par lEtat qui devait organiser les
classes en son sein2
. Sa critique du lib-ralisme restait inscrite dans une visioncorporatiste de la socit, non organiseen ordres mais en classes.
La mutation dcisive a bien eu lieu dansla seconde moiti du XIXe sicle3. Cest lex-tension du suffrage universel, dabord
dans louest de lEurope, qui a amenla constitution de comits lectorauxrattachs une organisation nationale.Les partis politiques modernes, crivaitMax Weber, sont les enfants de la
dmocratie et du suffrage universel .En Angleterre, en 1861, le parti libral futle premier crer une structure nationale.Les Etats-Unis lavaient prcd. La pra-tique du systme des dpouilles futun catalyseur pour les comits lectoraux
(les machines ) qui contrlaient ladistribution des postes publics. En Alle-magne, en 1863, Ferdinand Lassalle craitle Parti des travailleurs. Il fallut attendrele dbut du XXe sicle, en France, pourdes organisations de nature rellementnationale, le Parti Radical en 1901, la SFIOen 1905, les droites rpublicaines au
mme moment. Les partis prennentalors les traits que nous connaissonsencore aujourdhui. Ils se prsententcomme des organisations hirarchises,avec un organe central et des structures
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locales, une instance dlibrative et
une direction excutive, des rglementsinternes, avec, de manire plus ou moinsnette, lapparition dune catgorie deprofessionnels de la politique. Ces partisont assum explicitement un rle de m-diation entre le peuple et le gouverne-ment, remplissant, pour ce faire, les fonc-tions dlaboration des programmes
politiques, de mobilisation de lopinion,de slection de candidats. La diversit at demble le lot des partis. Sans mmeparler des pays on peut comprendreque, dans les pays autoritaires o ladmocratie est de faade, les partisne peuvent avoir les mmes caractres
que dans les dmocraties parlemen-taires , selon lorigine parlementaireou extra-parlementaire, les formes sontdiffrentes mme si les principes etles fonctions sont communs.
Un fait fondamental cependant a tlapparition et le dveloppement des
partis ouvriers qui regroupent les mou-vements, les associations, les journauxprexistants, en lien, plus ou moins fort,avec des syndicats et des coopratives.Ils ont amen une dynamique nouvelleen introduisant directement le conflitde classe dans la sphre publique. La
plupart des thoriciens socialistes taient
loin de vouloir engager les ouvriers dansla voie politique, car ils condamnaientla dmocratie librale qui dissimulaitle conflit des classes. Mais dans laseconde moiti du XIXe sicle, le choix at fait presque partout au prix dunerupture avec les anarchistes de formerdes partis de classe. Et Marx et Engels ont
jou un rle majeur pour tourner le mou-vement ouvrier vers laction politique. Ilslont fait dans la perspective de construireun parti rvolutionnaire. On connat lesdbats qui ont eu lieu sur lattitude avoirpar rapport au suffrage universel, sur laparticipation ou non aux responsabilits
gouvernementales, etc. Les socialistes sesont diviss gravement sur ces questions.Lapparition du communisme les a faitrejouer. Quoi quil en soit, limportant estde voir que les partis socialistes dabord,sous diffrentes formes, et les partis com-munistes ensuite, ont modifi la naturede la dmocratie reprsentative en lui
permettant dexprimer directement lesconflits sociaux dans la sphre publique.Cela a conduit une rorganisation dela vie politique en amenant les autrespartis reprsenter, de manire privil-gie, des catgories sociales particulires.Les partis modernes sont donc la rsul-
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tante de la reprsentation dmocratique
fonde sur le suffrage universel et leconflit de classe.
La diversit des partis qui se sont dve-lopps dans la premire moiti duXXe sicle a t le produit de causes mul-tiples, variant dun pays lautre.Il nen demeure pas moins que, sous une
forme ou une autre, ils ont t les sujetsprincipaux de la vie politique tout parti-culirement dans les rgimes parlemen-taires pendant plusieurs dcennies.Bernard Manin, dans un livre clairant,Principes du gouvernement reprsenta-
tif4, a caractris ce quil a appel la
dmocratie des partis , par opposition ce quil nomme aujourdhui la dmo-cratie du public . Refltant dune ma-nire plus ou moins forte les clivagesconomiques et sociaux structurant lasocit, chaque parti tait soutenu parun lectorat stable et durable. Les plusgrands partis, socialistes, communistes
(dans les pays o ils se sont dvelopps),fascistes, dmocrates-chrtiens, conser-vateurs, paysans, etc., ont tous constitudes rseaux dassociations et dactivitpour encadrer les populations. Ils ont pu,
par l mme, bnficier didentits poli-
tiques stables. Les partis ont ainsi pu treconsidrs comme des acteurs collec-tifs , tablissant une discipline mili-tante, concentrant le dbat politique,organisant la comptition lectorale etlexpression de lopinion. Cela expliquelimportance de lorganisation des partis,de ltat de leur dmocratie interne.
Le principe de distinction clef entre lesdiffrents partis rside dans le refus dupluralisme ou son acceptation pour soi-mme et la socit. Cest l que se situe,entre autres, la nature de loppositionentre les socialistes et les communistes.Et, dans les pays o des partis de type
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Au bout du compte, depuis les annes2000 jusqu aujourdhui, la destine
des partis sociaux-dmocrates a faitcouler beaucoup moins dencre et n-cessitait dtre mieux documente. Ce
besoin dactualiser les connaissancesdisponibles sur la social-dmocratie
europenne tait aiguis par le fait quela dernire dcennie a t le thtre dedeux vnements majeurs : alors que
Le* 'a+"* *&c"a,-d/$&ca+e*de* a%%/e* 20001
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les pays dEurope centrale et orientale
(PECO) ont intgr lUE en 2004-2007,lconomie-monde capitaliste (et enparticulier la zone euro) est entre dansune crise profonde, structurelle3, depuis2008.
The Palgrave Handbook of Social De-
mocracypermet de dresser un tableau
complet de la famille sociale-dmo-crate dans tous les pays de lUE et surla priode 2000-13. A toutes les infor-mations factuelles rassembles sur despartis parfois mconnus ou pour les-quels des travaux rcents manquent,sajoute une apprciation des dyna-
miques propres chaque parti et desdfis qui sont les siens lore de la d-cennie 2010. La nature comparative dulivre est assure par une structure iden-tique dans chaque chapitre, qui permetde dresser une carte didentit laplus complte possible des partis so-ciaux-dmocrates. Sont ainsi abords,
de faon systmatique : lhistoire duparti jusqu la dcennie 2000, son or-ganisation actuelle, ses performanceset sa sociologie lectorales, son rapport
aux autres partis de gauche et aux
mouvements sociaux, son rapport aupouvoir et aux institutions, les grandeslignes de son programme, sa vie intra-partisane (courants, congrs).
Si lon devait rsumer brutalement lesprincipaux enseignements du Hand-book, cest--dire en faisant invitable-
ment violence aux cas individuelscollects dans notre tude, nous di-rions ceci :- Il nexiste pas de vritable famille
lchelle de lUE toute entire.- A lEst, la social-dmocratie est bien
plus diverse quon ne limagine.
- A lOuest, le tableau qui ressort estplutt celui dune homognisationqui se poursuit, mais aussi dun affai-blissement structurel, que des effortsrels de dmocratisation et deuro-panisation ne sont pas parvenus empcher.
- A ce stade, la grande crise cono-
mique de la fin de la dcennie 2000 nesemble pas avoir marqu de csuremajeure dans la trajectoire idolo-gique des partis sociaux-dmocrates.
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4. Sloam J. (2005), West European social democracy as a model for transfer,Journal of Communist Studies and TransitionPolitics [21(1), 67-83].
5. Brchon P. (2013), Lindividualisation des socits europennes , Revue Futuribles (n395, 119-36).
LABSENCE DE VRITABLE
FAMILLE SOCIALE-DMOCRATE LCHELLE DE LUE
Les social-dmocraties de lOuest et delEst continuent appartenir des uni-vers politiques lointains, laissant peude place lchange de bonnes pra-tiques et des prises de position com-munes. Les diffrences sont marques
entre ces deux cousines loignes ,tout comme, dailleurs, lintrieur de
la branche dite orientale. De fait, le
Handbooknuance fortement la littra-ture qui sest dveloppe en science po-litique sur les effets dapprentissage et les transferts dides et de poli-
tiques entre social-dmocraties occi-
dentale et orientale4
. Les tudes de casrassembles dans le livre confortentplutt les conclusions plus sceptiquesdautres auteurs, pour qui seul le label social-dmocrate sest bien diffus.
Cela peut se remarquer au niveau delorientation normative des partis est-eu-
ropens. Leur positionnement program-matique est en effet particulirementorthodoxe sur le plan conomique. Parexemple, plusieurs partis ont longtempsdfendu la flat tax (un systme dim-pt anti-redistributif). Si la TroisimeVoie a parfois t revendique, lusage
de ce label sest rsum un moyen com-mode de se dmarquer la fois de ladroite et de toute rfrence ce qui pour-rait rappeler lconomie administre. Laplace accorde au libralisme culturel et lcologie est dautre part faible voireinexistante. Certains partis font preuvedune relle ouverture, mais ces thmes
sont globalement dlaisss, notammenten raison dune tendance lindividuali-sation des valeurs bien plus faible lEstet au Sud que dans le reste de lEurope5.
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politiques spcifique cette rgion. En
particulier, aucune vritable mergencedun clivage de classe nest reprable, quiserait comparable avec celle qui a mar-qu la naissance et les dveloppementsdu socialisme ouest-europen6. Ajoutonsque leuropanisation de la brancheorientale de la social-dmocratie a eudautant moins de probabilit dtre effec-
tive que, parmi les politiques publiquesqui ont t le plus faiblement europani-ses lEst, figurent celles qui sont lesplus emblmatiques de laction et de lamthode sociales-dmocrates, savoirla rforme des Etats-providences et lins-titutionnalisation des relations indus-
trielles et des ngociations sociales7
. Pourtoutes ces raisons, lavnement dunestratgie sociale-dmocrate crdible al-lant de Dublin Vilnius apparat trs im-probable. Au final, on peut souscrire lhypothse selon laquelle les partis degauche [] dans des situations de post-communisme, [sont et resteront] mar-
qus par une srie de traits leur donnant
une spcificit nouvelle dans la typologiedes partis de gauche europens 8.
LA SOCIAL-DMOCRATIE ORIENTALE : NI UN TOUT
HOMOGNE, NI UNECOMPOSANTE DVIANTE
Au demeurant, gardons-nous de sures-
timer lhomognit de la composante orientale elle-mme. Sil est certainque lhistoire de cette aire gographi-
6. Seiler D.L. (2002), Peut-on appliquer les clivages de Rokkan lEurope centrale ? , in J.M. De Waele (dir.), Partis politiqueset dmocratie en Europe centrale et orientale (Bruxelles, Editions de lULB, 115-44). Christophe Bouillaud (2012) a raison desouligner que ce nest videmment pas simplement en adoptant un discours social-dmocrate convenu, ou en envoyantune partie de ses lites dirigeantes frquenter les sphres bruxelloises quun ex-parti communiste rcupre la trajectoiresocio-historique qui mne un parti social-dmocrate de l ouest du continent (Politique Europenne, 38, 196-207, p. 205).
7. Bafoil F. (2006), Europe centrale et orientale. Mondialisation, europanisation et changement social (Paris, Les Presses deScience Po, 521-540).
8. De Waele, J.M. (1996), Les partis de gauche lEst : social-dmocratie ou nouvelle gauche ? (in M. Lazar (dir.), La Gaucheen Europe aprs 1945 (Paris, PUF, 678-97, p. 692).
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que a t fondamentalement diffrente
de celle de lEurope occidentale, il nefaut pas oublier que les configurationsnationales quelle abritait nont pas tra-vers de manire identique le dernierdemi-sicle. Des voies diffrentes de dsatellisation et de conqute delindpendance ont t suivies, tandisque les transitions postsocialistes
elles-mmes ont donn lieu diff-rents types dconomies capitalistes9.Cela a laiss des traces dans la struc-turation des systmes partisans et laplace que les sociaux-dmocrates ontpu sy faire. Par exemple, les partis despays baltes ont une base lectorale fai-
ble (en Lettonie, la social-dmocratieest mme au bord de lextinction) etoccupent une position quasi centristesur lchiquier politique. A linverse,ceux de lEurope centrale (RpubliqueTchque, Slovaquie, Hongrie) attirentrgulirement entre 1/5e et 2/5e dellectorat, et dominent clairement la
gauche de leur espace politique na-tional. Cest le cas aussi en Bulgarie et
Roumanie, o le dernier score parti-
culirement lev sexplique par unealliance avec les libraux.
Une dernire proposition peut tremise propos de cette htrognitentre branche de lOuest et branche delEst de la social-dmocratie, qui consis-terait cesser de raisonner en termes
de dviance orientale . Il sagirait,selon la formule plaisante dun politiste,daller de lautre ct du tlescope etdenvisager que les configurations par-tisanes occidentales puissent conver-ger vers celles de lEst10. Quil sagisse dela volatilit des responsables politiques
et de llectorat, de la faiblesse de lan-crage social et idologique des partispolitiques centraux-orientaux, et pluslargement de la structuration difficiledes systmes partisans dans des soci-ts en crise11, le parallle est tentantavec les diffrentes traductions delpuisement des rgimes reprsenta-
tifs de lOuest (la baisse tendancielle dela participation et du poids des grands
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12. Mair P. (2006), Ruling the void ? The hollowing of western democracy (New Left Review, 42, 25-51) ; Baldini G. etA. Pappalardo (2009), Elections, Electoral Systems and Volatile Voters (Basingstoke, Palgrave Macmillan) ; Martin P. (2013), Le Dclin des partis de gouvernement en Europe (Commentaire, 143, 543-54.)
partis de gouvernement, les trajectoires
heurtes des partis tiers et/oucontestataires, le dclin acclr de lastabilit lectorale)12.
LAFFAIBLISSEMENTDE LA SOCIAL-DMOCRATIE
EN EUROPE DE LOUEST
Lautre observation que lon peut tirer
du panorama offert par le Handbookconsiste pointer le processus daffai-blissement quasi gnral qui frappe lasocial-dmocratie europenne. Celui-ci se traduit par plusieurs phno-mnes :
- Des difficults renouveler le corps mi-litant et nouer des liens avec la so-cit civile mobilise. Ce problmeconcerne dabord la capacit mainte-nir des effectifs militants consquents,mais se repre aussi dans le vieillisse-ment du corps militant. En Autriche, lenombre de membres du parti a dimi-
nu de plus de moiti entre les annes1970 et les annes 2000, lesquelles ontsuffi pour voir le corps militant du SAPsudois se rduire dun tiers. Aux Pays-
Bas, alors que le nombre de membres
du PvdA a connu un point bas histo-rique en 2012, la proportion de ceuxqui ont plus de 60 ans est passe de30 50 % durant la dernire dcennie.Au Luxembourg, un quart des mem-bres sont gs de plus de 65 ans,contre moins d1/6e affichant moinsde 35 ans ; en Allemagne, cest nou-
veau la moiti dentre eux qui dpas-sent les 60 ans, contre seulement6 % pour les moins de 30 ans. Le PSfranais peut en revanche senorgueil-lir dun certain rajeunissement deses militants, mais la moyenne dgereste leve, avec 61 % des membres
au-dessus de 50 ans en 2011.
L o les sociaux-dmocrates ontgard des liens forts avec le mouve-ment syndical, comme en Autriche,ce lien les met en porte--faux avecdautres groupes qui pourraient lesconnecter avec un lectorat plus jeune
et en ascension dmographique, no-tamment les organisations colo-gistes. Mais la plupart du temps, lesliens organiques avec les syndicats se
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de faon cruciale la question des al-
liances. Les cas nerlandais, allemand,sudois ou grec peuvent tre mobiliss titre illustratif. Notons par ailleurs quela social-dmocratie orientale na past pargne par ce problme de dclinlectoral. Cela dit, les volutions surla dcennie y sont beaucoup pluscontrastes et rapides (comme dans
les cas polonais et slovaque) et incluentdes ascensions spectaculaires.
- Un dsarroi idologique. Les tentativesde redfinir la social-dmocratie selonune hypothtique Troisime Voie ont fait long feu. Les partis les plus
marqus par cet essai de rnovationidologique se sont pudiquement dis-tancs dun hritage qui continue depeser sur leur destine mais quils nerevendiquent plus, se retrouvant sus-pendus au-dessus dun vide doctrinalque la plupart peinent combler. Desrfrences sont parfois recherches en
dehors de la tradition sociale-dmo-crate, pour tenter de structurer un rcitvalorisant la cohsion et la solidaritnationales, mais ces tentatives ne sontpas connectes entre elles et aucune
proposition motrice na merg au
cours des annes 2000.
Cette lacune doit tre mise en rapportavec un autre enseignement quifrappe la lecture du Handbook : lafaible capacit des sociaux-dmo-crates imposer un agenda qui leursoit propre, quil sagisse des enjeux
dominant la comptition lectoraleou des priorits gouvernementales.Au Danemark et aux Pays-Bas notam-ment, les sociaux-dmocrates ontsouffert lors de plusieurs campagnesdomines par des connotations nga-tives autour de limmigration et du
multiculturalisme. De faon gnrale,beaucoup dauteurs du Handbookconcluent que le dfi majeur des par-tis concerns consiste tout simple-ment prouver de nouveau leurutilit, en dfinissant une vision dumonde qui leur soit propre13.
Cela dit, les sociaux-dmocrates conti-nuent dominer lespace gauche deleurs scnes politiques respectives, hor-mis quelques exceptions. La plupart,quitte diluer leur identit historique,
13. Voir aussi sur ce point Brustier G. (2013), La guerre culturelle aura bien lieu (Paris, Mille et une nuits/Fayard).
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sont parvenus souvrir aux nouvelles
couches sociales de lre postfordiste.Cela se reflte dans leurs orientationsprogrammatiques, qui confirment leurengagement envers lamlioration desdroits des femmes et des minoritssexuelles, et qui comprennent davantagede prises de position pro-cologie que parle pass. Bien que bon nombre de ces re-
vendications soient portes par dautresformations, parfois avec plus de coh-rence et de conviction, les partis sociaux-dmocrates peuvent prtendre tre ceuxqui ont le plus de chances de les mettre
en uvre au pouvoir. Sur le plan organi-
sationnel, nombre de formations ontentrepris douvrir et de dmocratiser leurappareil, en usant de moyens sembla-bles. Llection directe des dirigeantsnationaux et/ou locaux par les membresa t adopte par plusieurs partis la findes annes 1990 et lors de la dcennie2000, comme en Belgique, aux Pays-Bas,
en France, au Portugal ou en Grce. Quece soit lors dun tel scrutin ou dans lecadre de consultations avec moins den-
jeux, limplication de sympathisants non-membres sest aussi banalise, commeen Grande-Bretagne ou plus rcemmenten Allemagne, lexistence de vritables
primaires restant lapanage de lItalie, dela France et de la Grce. On peut dailleursremarquer que lorsque des grandspartis ont investi les sympathisants dunrel pouvoir de dcision, ils ont chapp(momentanment en tout cas) au dclinmilitant frappant leurs homologues.
Ces tentatives de rgnration parle bas ont t accompagnes dunetentative par le haut , qui consiste enleuropanisation de la famille sociale-dmocrate14. Relativement aux autres
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forces politiques, celle-ci a t plutt
russie. La crise a dailleurs constitu unmoment daffirmation du Parti socia-liste europen (PSE), en lien avec ses re-prsentants au Parlement europen etles rflexions de sa fondation (la FEPS).La russite de cette double stratgiereste nanmoins mitige. La dmocra-
tisation et louverture des partis sont enfait limites. Dune part, ltendue deschoix politiques sur lesquels membreset sympathisants peuvent influer reste
faible et contrle ; dautre part, leurs
nouveaux droits peuvent saccompa-gner simultanment dune concentra-tion des pouvoirs par le leader et/ou dun poids croissant des profession-nels de la politique (lus ou experts).Quant laction du PSE, elle a vite butsur les contradictions entre partis natio-naux, leurs politiques relles, et labsence
dun centre de pouvoir contraignant etreconnu par tous les membres de lafamille sociale-dmocrate15.
LA SOCIAL-DMOCRATIEFACE LA GRANDE CRISE
DU CAPITALISME
Le plus frappant en ce qui concerne lagrande crise conomique de 2008 r-side dans son faible impact en termesdvolution doctrinale ou stratgiquedes sociaux-dmocrates. Ses cons-quences se mesurent surtout traversdes aspects ngatifs, comme les diffi-cults quelle a poses des gouverne-
ments de gauche faisant face lastagnation de la production, lenvoledu chmage et parfois la spculationdes marchs sur la dette publique.
15. Moschonas G. (2014), Reforming Europe, renewing Social Democracy ? The PES, the debt crisis, and the Europarties[in D. Bailey, J-M. De Waele, F. Escalona et M. Vieira (eds)], European Social Democracy During the Great Economic Crisis :Renovation or resignation ? (Manchester, Manchester University Press, 2014).
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et travail. Ces croyances mettent en
lumire des invariants de la pensesociale-dmocrate (le productivisme,la rpulsion au conflit lorsque son cotslve), mais se sont payes par unrenforcement de la configuration no-librale du capitalisme. Dune part, lasocial-dmocratie a achev son rallie-ment au projet europen alors que la
logique de lintgration ngative (lesdispositifs qui rglent, assurent et p-rennisent la mise en concurrence dessystmes socio-productifs europens)la emport sur la logique de lintgra-tion positive (les harmonisations enca-drant cette comptition et simposant
aux acteurs privs)16
. Dautre part, les so-ciaux-dmocrates nont pas cherch explorer les potentialits non-mar-chandes de lconomie de la connais-sance, et ont avalis en son nom une stratgie de Lisbonne truffe derecommandations nolibrales17.
Depuis lclatement de la crise, lactionet la rflexion sociales-dmocrates sontrestes confines lintrieur des pactes
nous prcdemment, malgr la vo-
lont de se dmarquer dun paradigmeconomique en crise. Le contenu des
propositions de la social-dmocratieau niveau europen pourrait en effetse rsumer la promotion dune int-gration communautaire approfondieet dune sorte d euro-keynsianismevert . Lobjectif est de relancer la crois-
sance et lemploi grce un plan coor-donn dinvestissements, cologiquessi possible, et financs par une taxe
16. Scharpf F. (2000), Gouverner lEurope (Paris, Presses de Sciences Po) ; Magnette, P. (2009), Le Rgime politique de lUnionEuropenne (Paris, Presses de Sciences Po).
17. Amable B., L. Demmou et I. Ledezma (2009), The Lisbon strategy and structural reforms in Europe (Transfer: EuropeanReview of Labour and Research, 15(1), 33-52).
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sur les transactions financires et des
eurobonds (titres dobligationscommuns la zone euro). Le projetpostcrise du PSE reflte donc la foisune prise de distance vis--vis du para-digme austritaire et une priseen compte des thmes cologistes.Pour autant, il reste pris dans les retsdes pactes faustiens nous dans le
pass. En effet, il repose toujours surune vision productiviste du progrs,sans inclure de remise en cause signi-ficative du cur de lordre nolibral,dans lequel se logent notamment lim-pratif de la comptitivit et lefficiencedes marchs pour lallocation des
ressources.
En fait, la social-dmocratie peine fournir des solutions sattaquant auxracines profondes de la crise. Selon lesconomistes de lcole de la Rgula-tion, ces racines sont trouver dansla re-marchandisation du travail
et la privatisation des dcisionsde crdit . Les keynsiens tradition-nels, eux, expliquent quune rponseefficace la Grande stagnation
serait un systme capable de gnrer
durablement des revenus et unedemande globale stables18. Do despropositions pour socialiser les institu-tions financires, redistribuer du pou-voir aux salaris, encadrer les tauxde change et la circulation des capi-taux A lchelle de lUE, un tel pro-gramme rentrerait videmment en
contradiction avec des dispositionsinstitutionnelles que les sociaux-d-mocrates nentendent pas modifier.Dautres interprtations de la criseestiment mme que le nolibralismefut une rponse la tendance la stag-nation des conomies occidentales
et que la politique de progrs humain inventer devrait donc dpasser aussile keynsianisme.
CONCLUSION
En 1981, Christine Buci-Glucksmann etGran Therborn invitaient distinguer
trois types de conjonctures pour ana-lyser lvolution des formations so-ciales-dmocrates : des conjoncturesde constitution o [elles] simplantent,
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se structurent idologiquement et
politiquement , des conjoncturesde tournant, o [elles] se transformentdans leur praxis gouvernementale,leurs idologies, leur base sociale, lesformes politiques , et enfin desconjonctures de crises, marques parlaffrontement de lancien et du nou-veau, sans que le tournant historique
soit encore accompli 19. A lvidence,la marque laisse par les conjonc-tures de constitution est de plus enplus faible lOuest. Certes, le poids delhistoire est toujours visible dans laforme organisationnelle dun parti etdans les types de rseaux partisans
qui participent de son influence et deson identit. Ces spcificits se sontpourtant largement dilues en plusdun sicle dexistence, et plus particu-lirement depuis les processus de re-conversion partisane entams dans ladcennie 1980.
Ce nest pas le cas pour les partis dEu-rope centrale et orientale, o la faondont les organisations se sont trans-formes, cres ou recres joue en-
core beaucoup sur leur situation ac-
tuelle. Les apprentissages et les atoutsdiffrencis des PC satelliss ontainsi particulirement influenc laforme et le destin des mutationssociales-dmocrates de ces partis20.Dune certaine manire, la constitutiondes social-dmocraties orientales estpeut-tre seulement en voie dachve-
ment, aprs les trois chocs quontconstitu les transitions dmocra-tiques, ladhsion lUE et ses condi-tionnalits, et maintenant la Grandestagnation.
La social-dmocratie dEurope de
lOuest, quant elle, est en pleine conjoncture de crise . Elle na pluslingnuit de la priode rvolue pen-dant laquelle les projets de TroisimeVoie et de Nouveau Centre prten-daient rnover durablement des partisqui avaient chou prvenir lavne-ment du nolibralisme. La social-
dmocratie contemporaine peine concilier et faire face aux exigencesantagonistes de marchandisation,de protection sociale et dmancipation
19. Buci-Glucksmann C. et G. Therborn (1981), Le Dfi social-dmocrate (Paris, Franois Maspro, p. 28).20. Grzymala-Busse A. (2002), Redeeming the Communist Past. The Regeneration of Communist Parties in East Central Europe
(Cambridge, Cambridge University Press).
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qui parcourent les socits21. Les turbu-
lences dantesques dans lesquelles estentre lconomie-monde capitalisterendent sa tche encore plus dlicate.Dans ce contexte, llargissement de
la famille sociale-dmocrate ses qui-
valents orientaux a moins reprsentun renfort quune difficult supplmen-taire agir de faon cohrente auniveau europen.
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Les deux principaux leaders du M5S,
Beppe Grillo et son bras droit, le gou-rou du Web, Gianroberto Casaleggio,se dclarent mme en guerre contretoutes les institutions reprsentatives(partis, mdias traditionnels, Parle-ment, syndicats, etc.). Vous tes tousmorts , clament-ils en vantant un sys-tme de dmocratie directe via le Net
(la webdmocratie). Le grand thoricienpolitique, Giovanni Sartori, rsumecette doctrine sous le terme de direc-tisme1 . Utopie ? Dans un des livres
quil a crit avec Grillo et le prix Nobel
de littrature, Dario Fo, Casaleggio
Surgi quasiment du nant aux dernires lections lgislatives de 2013, le MouvementCinq Etoiles (M5S) est devenu la troisime force politique italienne, avec plus de
160 lus au Parlement (et 25,56% des suffrages exprims). Le M5S prsente une
vritable rvolution dans le paysage politique europen car il se dfinit en opposition radicale
toutes les institutions reprsentatives juges dpasses .
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Jac,e* de Sa"%+-V"c+&H% $% $%, &%%3 $% U% 7 P! 8. I* % $% 3"*%
Les Antipolitiques (P!, G!%, 2014), % ! &!#, !%# T+! B!;+%,
La Rpublique des camarades, $% R"% $% J3%%* (P!, L% E/3!%3, 2014).
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vont contribuer au changement des
pratiques politiques5
. Aprs plus dun an au Parlement, ilest donc intressant de dresser un pre-mier bilan de laction du M5S. Bienvidemment, le cas italien nest pasgnralisable, mais lexprience tant,dans le domaine des sciences sociales,une des seules approches scienti-
fiques notre disposition, cette tudedu laboratoire italien prsente lemrite de nous alerter sur les illusionset les menaces dun tel prtendu renou-veau dmocratique. Le M5S apparat lexprience comme une formation poli-tique dont les pratiques divergent
largement des principes dmocratiquesquelle affiche, mme si son discoursrpond en apparence la crise actuellede la dmocratie reprsentative.
UN BESOIN DE TRANSPARENCE ET DE DMOCRATIE DIRECTE
Lorsquils sont arrivs au Parlement, en
2013, les nouveaux lus du M5S onttenu aussitt saffirmer comme diff-rents des autres. Pour rester prochesdes lecteurs, ils se sont qualifis de
citoyens (cittadini) et ont renonc
une partie de leurs indemnits. Ils sesont au dpart installs en haut desdeux assembles (Snat et Chambre)en se rclamant du peuple qui juge , limage de ces sycophantes de laGrce antique. Ce dsir de transpa-rence correspond bien cet ge de
la dfiance (Rosanvallon) dans lequelsont entrs nos rgimes dmocra-tiques. Les citoyens nont plus confiancedans leurs lus et beaucoup attendent
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7. Pietro Orsatti, Grillo e il suo spin doctor : la Casaleggio Associati , in MicroMega, n 5, 2010, pp. 197-204.8. Je renvoie sur ce point Les Antipolitiques, op. cit., p. 59 et suiv. ( Changer le mondepour Google ? ).
que Grillo adopte une dmarche marke-
ting trs proche de celle de Berlusconilors de la cration de Forza Italia en1994, sauf que Grillo est lhomme desannes 2000 : il sappuie non plus sur laTV, mais sur les nouveaux mdias inter-actifs (Web 2.0). Lobscure entrepriseGrillo-Casaleggio change alors petit petit de cible. Elle va dlaisser les patrons
et concentrer ses attaques sur les partispolitiques et les mdias traditionnels.Il faut, dit Grillo, se librer de lamdiation fastidieuse des politiqueset des journalistes. Selon certainsauteurs, comme Pietro Orsatti, cettevolution trahit linfluence de certains
milieux daffaires du Net avec lesquelsCasaleggio entretient des liens troits7.Lloge du directisme peut fdrer eneffet la fois les rveurs de la dmocratiepure et les nouveaux capitalistes de laToile. Cette alliance objective nest pasune vue de lesprit : tous parlent du Web2.0 comme du meilleur moyen pour
changer le monde8 .
Utilisant le systme du Meetup ,Grillo va organiser dimmenses ras-
semblements sur les places italiennes.
Le 8 septembre 2007, il lance le premier V Day ( V pour Victoire , maisaussi comme la premire lettre de Vaffanculo ) dans plus de 200 citsdu pays. Cest un immense succs.Dsormais, lalliance du mouvementde rue et du Net va constituer la
marque de fabrique de Grillo, un m-
lange darchasme et de haute techno-logie : pas de piazza sans Web et pasde Web sans piazza . La crise de 2008renforce son aura. En 2009, Grillo
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dcide de donner une forme juridique
son mouvement, le M5S, qui se veut,on la dit, un non-parti qui repr-sente la rue contre les lites. Le M5S res-taure la vieille opposition entre laPiazza et le Palazzo thorise au XVIe
sicle par Guichardin. Un schma ver-tical adapt notre poque dpolitiseo la division horizontale droite-
gauche, ne en 1789, a perdu de sonsens. Toute la force du nouveau M5Srepose sur le blog, cens multiplier les prises de parole , telle lIsogeria dela dmocratie directe athnienne. Laphilosophie officielle du mouvementrepose sur cette ide que chacun vaut
lautre (ognuno vale uno) et que la pa-role ne doit plus tre capture par leslites (gatekeepers). La Toile permet-trait cette horizontalit. La doctrine estbien rode : il suffira quen 2010 la crisedes dettes souveraines conduise legouvernement Berlusconi la droute,et quen dcembre 2011 le gouverne-
ment Monti, caricature du gouverne-ment des experts , impose pendantplus dun an une politique daustrit,pour que ltincelle Grillo enflammele dbat public italien.
UNE PRATIQUE
EN CONTRADICTIONAVEC LES PRINCIPES
Depuis 2013, Grillo sest impos sur lascne politique de la Pninsule (mmesi, depuis les lections europennesde 2014, gagnes par le PD de MatteoRenzi, le M5S est en lger recul). Grillose comporte en vritable leader charis-
matique, tout en niant videmmentle terme de leader , dans une logiquepurement orwellienne9. Il a impos ses troupes de ne pas se mlangeravec les lments impurs du vieuxsystme, en particulier les autres politi-
ciens, mais aussi les journalistes. Grillointerdit par exemple ses lus de fr-quenter les mdias : aller la TV, cestcomme aller ses propres funrailles ,affirme son blog. Il exclut tout parle-
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mentaire qui enfreint ce dogme. Ce
nest pas tout. Grillo et Casaleggio, quine sigent pas au Parlement, ont misen place un code de comportementdes lus et un systme de contrle deces derniers. La petite minorit du M5Squi a tent au dpart de collaborer avecles autres forces politiques, souventpousse par une base qui veut des
rformes sociales, a vite t remise sa place. La ligne officielle est de refusertoute la vieille politique et de privi-lgier un obstructionnisme intensif.Pour ce faire, les parlementaires M5Sont vite appris, paradoxalement, toutesles ficelles procdurales de la vieille
politique . En outre, la loi dairainde loligarchie, chre Roberto Michels,sapplique avec brutalit au M5S. Ilsuffit davoir le malheur de prendreune initiative sans en rfrer aux deux leaders pour encourir leurs foudres.Encore trs rcemment, un parlemen-taire toscan, Massimo Artini, avait cru
bon de crer en juillet 2014 une plate-forme informatique pour dialogueravec les lecteurs de sa circonscription.Mais ce blog ntant pas gr parGrillo/Casaleggio, Artini a reu lordre
de le fermer aussitt sous peine
dexclusion ; il faisait de la concurrenceau blog officiel du M5S10. Il y eut dau-tres cas dexclusions spectaculaires, tel point que ce climat commenceaujourdhui peser dans les rangs duM5S. On a pu noter un timide dbut de
fronde le 10 octobre 2014, au Circo Mas-simo, o un petit groupe, runi sous lesigle Occupy palco , a cherch criti-
quer le rle obscur de la Casaleggio eAssociati et le manque de transparence lintrieur du M5S. Mais Grillo nerisque pas de se faire prendre sonpropre pige de transparence ! Il
10. Voir Casaleggio ne veut pas de blog concurrent (La Repubblica, 18 octobre 2014).
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a dj averti ses futurs opposants
internes : Je ne me laisserai pas encer-cler lintrieur du mouvement. Qui meten doute notre honneur doit dgager ! Sil est sans doute excessif de parler, propos de cette logique sectaire, de fas-cisme lectronique11 (Alessandro DelLago), il est clair que le M5S est trs loin,dans son fonctionnement quotidien,
des pratiques dmocratiques pourtantaffiches comme seules capables de dis-tinguer le M5S des partis classiques. La
rhtorique de la dmocratie directe
se traduit en ralit par un phnomnede leadership peut-tre encore plusvirulent que dans les autres formations.Larticle 3 du non-statut du M5S pr-cise que lunique titulaire des droits dublog est Grillo. Cela fait du M5S unetrange figure politique : une entreprisecommerciale qui rgente la baguette
une formation parlementaire de plus de160 lus du peuple ! Triste rsultat pourle principe dmocratie
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eux scenarii sont privilgis par les PC dEurope occidentale aprs leffondrement
de lURSS : dun ct une stratgie conservatrice de prservation de lidentit com-
muniste, de lautre une stratgie rformatrice et de dmarcation vis--vis decelle-ci. Deux variables majeures expliquent la diversit des rponses apportes par les PC
et leur degr plus ou moins lev dadaptation programmatique et organisationnelle.
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diques, la Grande-Bretagne, la France
et lItalie du nord. Par consquent, lesstructures de clivages louest et lestde lEurope ne sont pas identiques. Ilfaut ajouter que la rfrence au com-munisme a t diabolise et nest plusassume que par quelques rares PCconservateurs. Les autres PC ont exp-riment une mutation sociale-dmo-
crate et exercent aujourdhui unehgmonie trs peu conteste sur lagauche de lchiquier politique. De fait,les formations anticapitalistes noncommunistes sont restes marginales.Autant de raisons qui nous incitent rserver la notion de famille les-
pace de lEurope du Nord et de lOuest.
Selon nous, une famille de gauche ra-dicale existe donc, mais qui mergeuniquement en Europe de lOuest, etsur la base de lignes dopposition diff-rentes de celles du communisme. En-core faut-il, si lon dfinit une famille
politique comme lexpression dun cli-vage ou dune division politique, mettreen vidence la combinaison propre delorientation normative, de la base so-ciale et de la forme organisationnelle
qui la caractrise4. Ce qui est frappant,
cest quel point le contenu de ces troiscomposantes de lidentit familiale dela gauche radicale fait cho aux r-flexions menes par les eurocommu-nistes de gauche partir des annes1970. Leurocommunisme en tant quetel na jamais abouti une stratgiecommune fonde sur un corpus ido-
logique clair. En revanche, l eurocom-munisme de gauche dfendu par desintellectuels tels que Poulantzas taitplus ambitieux. Il correspondait unprojet de dpassement du capitalismeet des autres types de domination, ap-
4. Bartolini S. (2005), La Formation des clivages, Revue internationale de politique compare [12(1), 9-34].
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accommodent de plus en plus en tant
que cadre de ralisation dun idal decoopration entre les peuples5.
Les valeurs postmatrialistes ontaussi pris un essor considrable au seindes engagements de la gauche radicale,
quil sagisse du combat contre toutesles dominations irrductibles au clivage
de classe, ou de la lutte contre le produc-tivisme et pour les nergies non carbo-nes. Lemblme deSyriza (Grce) runitainsi le drapeau rouge de la lutte declasse, le drapeau vert des mouvements
cologistes et le drapeau violet du mou-
vement antipatriarcat6
. De nombreusesrevendications typiques de la nouvellegauche ne dans le sillage des rvoltesestudiantines de la fin des annes 1960(fminisme, droits des minorits sexuel-les, droits des migrants, qualit de vie)se retrouvent aussi dans les textes deDie Linke et du Front de Gauche, et plus
encore dans ceux des partis de gaucheradicale scandinaves. Lincorporationde tels enjeux est un trait caractristiquedes processus de reconversion des par-tis communistes.
Cette description idal-typique ne doit
pas faire oublier les nombreuses ten-sions et limites de cette orientation nor-mative. La principale dentre elles est ladifficult des partis de gauche radicale donner un contenu rellement positif leur anticapitalisme, qui reste insuffisantpour dfinir un projet contre-hgmo-nique au nolibralisme. Lexplication
rside en partie dans une nostalgie la-tente envers le paradigme keynsien,dont lefficacit et la force mancipatriceont pourtant dcru depuis 40 ans. Enfin,le rapport lUE reste un problme stra-
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tgique majeur, qui oppose non seule-
ment les partis de la gauche radicaleentre eux, mais aussi diffrentes fac-tions lintrieur des partis. Alors quecertains souhaitent subvertir lUE de lin-trieur, dautres envisagent un affronte-ment brutal, incluant la possibilit dunesortie de leuro.
La composante socialeLa plupart des partis de gauche radi-cale ne font pas (ou plus) du proltariatindustriel lagent rvolutionnaire parexcellence, et ont conscience que leurlectorat provient de couches socialesplus varies. En revanche, une ide
reue consiste expliquer quils recru-tent leurs soutiens parmi les per-
dants des processus conomiques
en cours, considrs comme une sortede magma volatil dont ils se dispute-raient les faveurs avec lextrme-droite.Cette reprsentation aboutit parfois un trait dquivalence tir entre popu-lismes de droite et de gauche. Selonnous, ce point de vue est erron. Il n-glige allgrement les diffrences ido-
logiques qui existent dun bord lautre de lchiquier politique, maisaussi ce que nous apprend la sociolo-gie lectorale. Encore aujourdhui, labase sociale de la famille de gauche ra-dicale inclut plutt un lectorat djpolitis gauche et qui hsite rare-
ment avec la droite ou lextrme droite.Elle est compose de couches popu-laires souvent encadres par dessyndicats ou des associations, et deprofessions intermdiaires et intellec-tuelles dtenant un niveau lev dins-truction mais peu de patrimoine.
Il existe bien sr des configurations dis-semblables dun pays lautre. Nan-moins, plusieurs cas illustrent notreargument. En 2012 en France, les fluxdlecteurs ayant hsit voter pour
Jean-Luc Mlenchon ont principale-ment circul au sein de l univers
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dcloisonn 7 de la gauche de lespace
politique. Lors du scrutin, llectorat deMlenchon tait majoritairement issude milieux populaires, mais plus duntiers appartenait des professions inter-mdiaires ou la catgorie des cadres,travaillant en majorit dans le secteurpublic8. En Allemagne, o les transfertsde voix du SPD vers Die Linke ont t
massifs en 2005 et 2009, le parti a parti-culirement convaincu les ouvriers et leschmeurs, mais a aussi obtenu desscores quivalents pour tous les niveauxdtudes9. Aux dernires lections lgis-latives tenues aux Pays-Bas, la forme dela courbe des intentions de vote pour le
SP fut symtriquement inverse celledes travaillistes (PvdA). Limportance desflux dlecteurs dune force lautre estconfirme par plusieurs enqutes post-lectorales. En Grce, lorsqueSyriza ac-complit une perce spectaculaire auxlections lgislatives de mai 2012, sesnouveaux lecteurs se recrutaient en
priorit parmi les primo-votants, les abs-tentionnistes, des lecteurs du Pasok etdes lecteurs communistes, mais en
bien moindre mesure droite10. Les
couches sociales auprs de qui Syrizaa ralis ses meilleurs scores taienttrs populaires, tout en incluant destudiants et des salaris diplms d-classs et/ou prcariss. En Espagne,on retrouve aussi ce phnomne detransferts entre llectorat socialiste etllectorat de la gauche radicale, qui
parvient aussi parfois mobiliser deslecteurs qui ne votaient pas ou plus.Mais dans aucun cas, on ne peut direquune lutte frontale a lieu entre gaucheradicale et droite radicale.
La composante
organisationnelle
Les partis de gauche radicale ne se dis-tinguent pas encore par une formedorganisation rellement spcifique etcohrente avec les deux prcdentescomposantes. Il ny a pas de modle de parti de gauche radicale, ce qui nestgure surprenant quand on prend en
compte la diversit des situations, quivont de la reconversion dun parti unecration ex nihilo, en passant par la
7. Rey H. et F. Chanvril (2013), Les Flux lintrieur de la gauche : un univers dcloisonn, in P. Perrineau (ed.), La Dcision lec-torale (Paris, Armand Colin, 91-108).
8. Enqute CSA pour LHumanit, (22 avril 2012).9. Landwehrlen T. (2012), Die Linke(in J.M. De Waele et D.L. Seiler (dir.), op.cit., 125-56).10. Mavris Y. (2012), Greeces austerity election(New Left Review, 76, 95-107).
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fusion de formations politiques ou leuralliance dans une coalition lectoraledurable. Ce qui reste en commun, cest(1) la taille modeste de tous les partisexistants, (2) la renonciation au modledu parti davant-garde et (3) la volont
de crer des liens avec les mouvementssociaux tout en respectant leur autono-mie. La d-lninisation du SP ner-landais a ainsi t accompagne dechangements organisationnels dam-pleur, de labandon des organisationsde masse llargissement des droitsde dcision tous les membres11. Un
des traits majeurs de la mutation du PCfranais a aussi t labandon du cen-tralisme dmocratique, accompagnde la diversification des formes denga-
gement militant et de ladoption dune
attitude ouverte envers le jeune mouve-ment altermondialiste12. Le cas de Sy-riza est typique de ces tentativesdencourager et de btir des liens avecles secteurs mobiliss de la socit.En France, le Front de Gauche est en-vieux de cette capacit connecterentre eux les diffrents mouvements
sociaux, sans pour autant prtendre lesdiriger : la cration dun front desluttes atteste de cette proccupationstratgique. En Allemagne, lexistencemme de Die Linke est en partie due la rbellion de syndicalistes auparavantproches des sociaux-dmocrates. De-
puis, une partie du mouvement ouvriersest tourne vers la gauche radicale al-lemande, qui entretient plus de liensavec les mouvements environnemen-talistes et antiglobalisation que le SPD.
Pour lavenir, un des enjeux organisa-tionnels majeurs consistera grer la
coexistence de traditions plurielles dela gauche radicale au sein de partisfusionns ou de coalitions. Actuelle-ment, Die Linke souffre des tensions
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entre les sociaux-dmocrates dissidents
de lOuest et les factions les plus rfor-mistes de lex-PDS enracin lEst, quinont pas endur les mmes exp-riences historiques et ne craignent pasles mmes drives (un pragmatismenaf dun ct, un enfermement sectairede lautre)13. Les dsaccords autour du
rapport la social-dmocratie rvlentles tensions autour de la stratgie dis-cursive et lectorale du parti, comme
cest aussi le cas pour la coalition degauche radicale existant en France. EnEspagne, Izquierda Unida a aussi beau-coup pti de la mauvaise image proje-te par ses dissensions internes. Enfin,
la transformation de la coalitionSyriza
en parti unitaire a aiguis le conflit oppo-sant la direction actuelle la Plate-formede gauche, qui redoute la social-dmo-cratisation des lites partisanes au caso elles parviendraient au pouvoir.Lamalgamation progressive des diff-rentes composantes de la gauche radi-cale est ainsi double tranchant : dun
ct elle fait la force des partis ou coali-tions qui capitalisent sur des savoir-faire,des expriences et des implantationssociales divers ; dun autre ct elleplace ces coalitions et partis sous lesmenaces de lclatement ou de luttesfactionnelles incessantes.
UNE TYPOLOGIE DE LA FAMILLEDE GAUCHE RADICALE
Dans cette section, nous proposonsune typologie de la gauche radicale enEurope de lOuest. Notre typologie de lafamille de gauche radicale se dclineen quatre branches : les communistes
orthodoxes, la gauche de la social-dmocratie, les partis rouges-verts etlextrme gauche rvolutionnaire. Notreclassification repose sur deux axesprincipaux, savoir lidentit commu-
13. Spehr C. (2013), Die Linke today: fears and desires(Socialist Register, 49, 159-73).
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niste et lespace politique. Le premier,
inspir par la typologie de Botella etRamiro14, renvoie au ple dmarcationvs identification lidentit commu-niste. Le second schmatise les position-nements des partis de gauche radicalesur leur chiquier politique national, enfonction de lespace occup par les fa-milles sociale-dmocrate et cologiste.
Les communistes orthodoxesappar-tiennent la branche la plus en margede la nouvelle famille, dans la mesureo elle est en ralit une survivancede lancienne famille communiste. Unrapport extrmement conservateur
lidentit communiste est typique deces partis, ainsi que leur refus de sallierlectoralement dautres formationsde gauche radicale. Implants dans lesud de lEurope, et en particulier enGrce et au Portugal, ils sont les hri-tiers de partis communistes puissants.
La branche que nous nommons gauche de la social-dmocratie
rassemble dune part les partis com-munistes ou dextrme gauche ayant
entrepris un processus de reconversionidologique, stratgique et organisa-tionnelle, dautre part les dissidents so-
ciaux-dmocrates en rupture avec uneorientation de centre-gauche contre la-quelle ils spuisaient au sein de leurparti dorigine. Cette branche sappa-rente en quelque sorte un anticapi-talisme parlementaire qui ne croit pas la seule force du mouvement socialpour renverser lordre existant. Le res-
pect de la dmocratie reprsentativelamne ne pas carter par principedes alliances avec la social-dmocratie,notamment au niveau local. Si les di-
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mensions libertaire et cologiste ne
sont pas absentes dans certaines deces formations, la question sociale etla contestation du capitalisme restentau cur de leur identit idologique etde leurs priorits stratgiques.
La branche des partis rouges-vertsinclut les formations ayant adopt une
stratgie de reformulation de lidentitcommuniste travers ladoption dunprofil environnementaliste. Nes dansune configuration de domination oumme dhgmonie sociale-dmocrate la gauche de lespace politique, ces al-liances se positionnent sur le crneau
de la New Politics et de la gauche li-bertaire. Ces formations sont surtoutprsentes au nord de lEurope, oelles semblent simposer comme desconcurrents srieux la famille sociale-dmocrate. Si cela se confirme, cenouveau profil idologique pourraitsimposer comme une possible for-
mule gagnante pour une gauche an-ticapitaliste qui peina se faire uneplace dans cette rgion par le pass. Lacomposante rouge-verte peut aussitre identifie dans des pays au sud delEurope, o la prsence de partis com-munistes orthodoxes oblige adopter
une identit moins classiste et des
attitudes moins autoritaires.
La branche dite dextrme gauchervolutionnaire est elle aussi lamarge de la nouvelle famille, en raisonnon seulement de la faiblesse de sestroupes, mais aussi et surtout de sonrefus dalliances lectorales et du main-
tien dune attitude antisystme .Dinspiration lniniste, trotskyste oumaoste, ces formations souponnentles autres partis de la gauche radicalede succomber au rformisme une foisau pouvoir. Ils ne doivent pas treconfondus avec les partis commu-
nistes orthodoxes. En effet, ils rejettentle conservatisme et lautoritarisme deces derniers, ainsi que leur conceptioninstrumentale du mouvement social.Condamnant cependant les thseseurocommunistes, ils considrent quele pouvoir doit tre conquis par lesmasses et quune dmocratie des
conseils populaires doit tre instaureen lieu et place de lEtat capitaliste. Le
Socialist Workers Party au Royaume-Uni et le Nouveau Parti Anticapitalisteen France sont les reprsentants lesplus minents de cette branche, demme quAntarsya en Grce.
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Luc Carvounas
www.jean-jaures.org
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Le Parti socialiste pense-t-il encore ? Et d'ailleurs le peut-il, cras qu'il est par la
pression mdiatique, les stratgies de diffrenciation personnelle de ses leaders,
la confusion idologique aussi dans laquelle il semble s'tre laiss entraner ?
Le Pa+" *&c"a#"*+e 'e%*e-+-"# e%c&e ?
Ga+a% G&ceS!%3 $% *! N9%.
La question n'est pas nouvelle ! Elle esten revanche d'une actualit cruciale.C'est que pendant les soldes idolo-giques, la guerre des ides continuenanmoins ! Et les droites la mnent
bon train. Pourtant bouscules parl'chec du no-libralisme qu'a rvlla crise financire et qu'accentuera lacrise climatique qui vient, la droite a sureprendre l'offensive en tentant d'ap-porter aux inquitudes que nourrit lamondialisation une rponse identitairefonde sur le retour ses valeurs tra-
ditionnelles : l'autorit, le travail, lafamille, la nation, parfois les valeurschrtiennes, au risque de se mettreen porte--faux avec la partie de sonlectorat acquise l'ouverture desfrontires comme la libralisationculturelle. Aussi, faute de pouvoir aller
jusqu'au bout en remettant en causeson engagement europen et sa prf-rence pour le libre-change, prend-ellele risque de prparer le terrain sesextrmes qui, l'vidence, n'auront pas
de Ces pudeurs. Comment, dans cesconditions, ne pas regretter la timiditde la gauche ? Au boulevard idolo-gique que lui a ouvert l'effondrementdes thses no-librales, elle sembleprfrer de vieux combats d'arrire-garde, les uns en appelant aux mnesdes grands anctres, ceux de l'Etat col-
bertiste des annes 1970, les autres une social-dmocratie dpasse pour-tant partout ailleurs par les effets de lamondialisation. Celle-ci a en effetprim, et depuis plus de vingt ans,l'idal du compromis social l'int-rieur des frontires nationales, qui a
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certes permis plus de trente ans de
croissance et de progrs social, maisqui est dsormais obsolte ; preuvela crise d'identit intense que traver-sent ses anciens promoteurs, qui ontdu coup cherch la rponse, maisen vain, du ct de la troisime voie ou du nouveau centre chers Schroder, Blair et Clinton.
Le socialisme doit donc se rinventer.Tche laquelle il est manifestementmal prpar.D'abord, sa relation aux intellectuelss'est gravement dgrade. Depuis leCongrs du Bourget et la tentative, faite
alors, voil prs de 20 ans, de btir vialeur contribution une nouvelle feuillede route. A peine arrte, celle-ci futen effet promptement escamote, augrand dam des dizaines d'universitaireset chercheurs qui y avaient t associs.La dfiance prvaut depuis lors et justeraison, les rapports se limitant des
longues suites d'auditions sans saveurni prparation. C'est que nos dirigeants,et l est le deuxime obstacle, n'aimentgure les ides, prfrant mettre enavant l'exprience et la lgitimit que leur confreraient leur lection etleur connaissance du terrain.
Le mal est ancien : il est la consquencede la squence qui, engage aprsguerre, s'est acheve avec les TrenteGlorieuses. Accdant au pouvoir demanire durable, souvent pour la pre-mire fois, bnficiant d'un impriumidologique construit au lendemain de
la guerre et valorisant l'alliance du pro-grs conomique et du progrs social,les leaders socialistes, partout enEurope, avaient surtout besoin de met-tre en avant leur talent de gestionnaire.Aussi, quelques rares exceptionsprs, les intellectuels laissrent la place
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aux experts ou aux convertis. Seuls les
socialistes du sud de l'Europe rsist-rent un temps, celui qu'il leur fallutpour accder au pouvoir. Mais celui-ci peine acquis, la fin des annes1970, tous, de Lisbonne Paris, se ral-lirent au mme prurit au momentmme o la crise commenait, pour-tant, lui retirer de sa pertinence. Reste
enfin les pesanteurs dues aux rentesde situation qu'a favorises la propor-tionnelle. La recette pour conserver uneinfluence dans le parti est en effet l'oppos de celle qui permettrait d'ima-giner, d'inventer. La proportionnelle, quiprofite aux motions et courants, incite
chacun veiller jalousement sur sa partde march plutt que prendre le risquede dstabiliser ses troupes en chan-geant de modes de raisonnement. D'ol'indigence de nos changes, le molle-tisme de nos textes comme de nospratiques qui, face au cataclysme ido-logique dclench par la chute du Mur,
nous laissent exsangues, trangers auxgrands enjeux, incapables de formulerune alternative crdible et donc deconvaincre.Ce social-pragmatisme , si visiblelorsque nous sommes aux responsabi-lits, mais aussi si inoprant, n'est
plus tenable. Si la fin des annes 1980
a dstabilis le paysage idologiqued'alors, domin par la social-dmocra-tie, les temptes financires que gnre intervalles rguliers le no-libralismenourrissent aujourd'hui une mfiancenouvelle et forte l'encontre de celui-ci,qui n'occupe plus la scne internatio-nale que faute d'alternative. Avec la
menace qu'en l'absence de projetsde substitution ports par le mouve-ment socialiste ne s'installe un dsordrepolitique et lectoral dont la monte des populismes fournit une premireillustration.Il est donc essentiel que notre parti
retrouve, si possible avec ses homo-logues europens, sa capacit rflchiret donner un sens au changement deparadigme qu'impose la situation. Il n'yparviendra qu' la condition de repren-dre les ides au srieux. Ce qui doitl'obliger tout d'abord renouer avec sonhistoire. Non pas naturellement pour
prparer une nime commmoration,mais pour retrouver le fil de ses ides. LePS n'a depuis plus d'un sicle jamaiscess d'tre confront aux questions dela paix, de la Nation, du rle de la dmo-cratie, de l'articulation des droits del'individu et de la solidarit, des condi-
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plus urgente que nous ayons accom-plir. La priode, bien des gards,
ressemble celle ouverte par laGrande crise de 1929. La surproductionprovoque par la rationalisation ducapitalisme, c'est--dire les gainsde productivit lis la standardi-sation du travail au sein de grandesentreprises, plongea les dirigeantspolitiques, socialistes compris, dans la
stupeur et l'improvisation. La plupartchoisirent la dflation et la rigueur,aggravant du mme coup le mal quel'intervention de l'Etat, via le contrledu crdit, le lancement de grandschantiers, l'articulation entre salaires etproductivit par la loi ou la ngocia-
tion, aurait d (et permettra plus tard)
rsoudre. Le problme est que lesesprits gauche, l d'o aurait dvenir l'alternative au credo libral siviolemment mis en chec, n'taientpas prts (malgr les travaux, mino-ritaires, des Planistes). Seuls noscamarades sudois, qui prfrrentquitter volontairement le pouvoir
l'ore des annes 1920, pour n'y revenirque 10 ans plus tard avec un projetconomique et social longuementmri, surent ouvrir une nouvelle voiesans susciter de vritable mulationailleurs en Europe, sinon trop tardive-ment en Allemagne ou en Grande-
Bretagne
La vacance (la vacuit) idologiquene date donc pas d'hier. En s'accrochant l'orthodoxie qui voulait que la crise de1929 soit la crise finale maintesfois annonce du capitalisme, et en sersignant du coup l'inaction, les
socialistes des annes 1930 (dansun contexte international qui, il estvrai, leur vaut quelques circonstancesattnuantes) ont fait perdre 20 ans l'alliance du progrs conomique etsocial qui devait fonder la prospritde l'Europe d'aprs-guerre. En renonant,
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les composantes historique, ethnique,
sociologique des deux pays sont radica-lement diffrentes. Il faut y ajouter quela comparaison est encore plus difficilepour des lments tout aussi structu-rants de nos difficults comme le typedurbanisation, la rpartition des popu-lations sur le territoire Tout cela nousdiffrencie totalement et il est videm-
ment impossible de se dire que lonpeut dupliquer des mthodes dans despays aussi diffrents, mme si on a vi-demment toujours intrt regarder cequi se fait ailleurs (par exemple sur lesmthodes ducatives).
Au-del de cette remarque mthodo-logique ayant une forte connotationpolitique, il me semble que trois dfautsmajeurs de ce livre posent le plus de pro-blme, car ils concernent la dmarchedensemble. Le chapitre qui est consacr lvaluation des consquences macro-conomiques des rformes structurelles
proposes est typiquement lexemple demauvaise macroconomie applique,me semble-t-il, puisquil additionne desconsquences de telles ou telles mesurescomme si elles senchanaient les unesaux autres et produisaient un cercle ver-tueux. La question de la demande
mettre en face de cette offre juge plus
comptitive nest quasiment jamais abor-de. On aimerait avoir une descriptionclaire du circuit conomique global etde la place de la demande intrieure oude la demande extrieure. Les rfrences tel ou tel modle sont ici insuffisantes.Or, on le sent videmment aujourdhui, ladynamique macroconomique nest pas
de cette nature.
Cest bien une spirale de dflation etdaustrit qui est enclenche pardes donnes proprement macrocono-miques, et non pas par laddition delimpact macroconomique de mesures
structurelles ou de leur absence. KemalDervis rappelait cela utilement au coursde son intervention lors des rencontresdu Cercle des conomistes dAix-en-Provence en juillet dernier. Il existe une autonomie des mcanismes macro-conomiques, que cela plaise ou non auxchantres des rformes structurelles
dabord, mme si celles-ci demeurentindispensables. Cest cela que lEuropeaurait d sattaquer, comme beaucouplui proposent depuis trs longtemps, linverse de ce quelle fait depuis avril2010, cest--dire le premier plan derigueur pour la Grce.
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A travers cela, c est aussi la dynamique
sociale et politique qui est mise encause dans ce livre. Il ny a pas dadh-sion possible dune population auchangement et la rforme structurellesi elle se fait je dirais par le bas , cest--dire dans un contexte daustrit. Ilne faut se faire aucune illusion : on nerforme pas un pays au fouet , si lon
peut se permettre cette expression,ou contre sa dynamique sociale. Cestdonc linverse quil faut concevoir. Onretrouve l des lments qui avaientpermis au gouvernement Jospin dtrecelui, et le seul, qui a rduit le ratio dedettes sur le PIB, comme le montre dail-
leurs lun des graphiques du livre. Quonne nous dise pas (comme la droite) quily avait lpoque une croissance inter-nationale, puisquelle tait de mme
nature, voire un peu infrieure celle
daujourdhui, et que la France sest alorsrgulirement situe au-dessus.
En rsum, cest donc un livre qui, parbien des aspects, reprend des critiquestrs utiles bien quanciennes de cequest la France, mais qui ne proposepas une dynamique crdible de chan-
gement conomique. Il ne boucle en effet pas, au sens conomique duterme, et prcisment au sens qui lui estdonn en macroconomie, une dyna-mique qui soit positive. Lapplicationde telles mesures, malheureusementpresque en cours aujourdhui, a dans
les circonstances prsentes principale-ment comme risque de paralyser lescomportements, dinquiter les popula-tions et au total de nous placer, commenous le sommes aujourdhui, dans unespirale trs dfavorable. Cest malheu-reux, car il y a beaucoup de chosesquil serait videmment utile de dve-
lopper, mais au fond la principaleurgence aujourdhui est de retrouver ladynamique globale dune croissancequilibre et cologiquement responsa-ble (et sur ce point le livre dit des choses
justes), mais qui soit ensuite le moyende crer des rformes.
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8/10/2019 Revue Socialiste n56
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Mais cet ouvrage se trompe dpoque.Il veut adapter la gauche une mondiali-
sation librale comme prtendirentle faire en leur temps Blair et Schrderdans une priode de croissance mon-diale et europenne, alors quon est entraujourdhui dans un tout autre univers.Quand la France et lEurope senfoncentdepuis trois ans dans une dpressiondue leffondrement de la demande
rsultant des politiques massives daus-trit, rpter les recettes qui auraient putre mises en uvre dans la phase ascen-dante du cycle conomique relve dunetonnante myopie macroconomique.
Dailleurs, pour sa partie la plus intres-sante, louvrage dveloppe ce qui avait
t crit par les mmes auteurs dans unrapport du Conseil danalyse cono-mique publi en 2007 peu avant la crise1.Et on peut regretter quil nait pas t misen uvre lpoque par un gouverne-ment de droite qui aurait t mieuxinspir de rduire les dpenses et lesdficits, et de faire des rformes fiscales
en faveur de la comptitivit, plutt quedes allgements dimpts pour les plusfortuns. Les auteurs lpoque (aux-quels stait joint Jean Pisani-Ferry)posaient une vraie question : comment
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