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VALORISATION DE L’AGRICULTURE EN MILIEU SCOLAIRE
MICHÈLE FRÉCHET Enseignante en géographie
Présidente de la Société des professeurs de géographie du Québec
et
MARIE-CLAUDE THIBAULT Responsable en vie syndicale et communications
Fédération UPA Outaouais-Laurentides
Mémoire conjoint présenté à la
COMMISSION SUR L’AVENIR DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE DU QUÉBEC
Laval, 24 avril 2007
Préambule
La Société des professeurs de géographie du Québec
La Société des professeurs de géographie du Québec (SPGQ) vise à promouvoir l’enseignement de la géographie. Le 18 avril 2007, lors d’une assemblée générale spéciale, la SPGQ englobera les disciplines scolaires du champ des sciences humaines par l’intermédiaire d’une nouvelle société des enseignants de l’univers social et ce au niveau primaire et secondaire. L’Association québécoise pour l’enseignement en univers social (AQUEUS) sera officiellement effective le 2 novembre 2007.
Cette société collabore avec les différents ministères et organismes en vue de promouvoir la place des disciplines de l’univers social dans le système d’éducation au Québec. Elle favorise le développement pédagogique à caractère disciplinaire ou interdisciplinaire dans son domaine éducatif. C’est par l’intermédiaire d’activités, de conférences, d’une revue trimestrielle (Enjeux de l’univers social au primaire et au secondaire) et d’un congrès annuel que cette société favorise le perfectionnement de ses membres dont le nombre est sans cesse croissant.
La Fédération UPA Outaouais-Laurentides
Avec l’UPA, les producteurs et les productrices agricoles du Québec se sont donnés un outil qui leur permet de maîtriser leur destin. Ils sont fiers de travailler collectivement à la noble tâche de nourrir le Québec et de contribuer significativement à son développement durable. La Fédération de l’UPA Outaouais-Laurentides est composée de 14 syndicats de base ainsi que de 18 syndicats spécialisés. Elle comprend 2 600 entreprises agricoles représentées par 3 500 membres. Son territoire est vaste. Il couvre l’Outaouais, les Hautes et Basses Laurentides ainsi que Laval et l’île de Montréal, soit 4 régions administratives et 16 MRC dont une partie de la Communauté métropolitaine de Montréal. Son service des communications a entre autre responsabilité, la promotion de l’agriculture et de ceux qui la pratiquent comme nourriciers de l’humanité, agents de développement économique et durable et, aussi, comme gardiens du paysage rural et de la nature.
Depuis près de 4 ans déjà, l’UPA Outaouais-Laurentides collabore avec le milieu scolaire et adapte du matériel aux besoins pédagogiques spécifiques dans le cadre de son programme de producteurs ambassadeurs.
3
Introduction
Le présent mémoire veut allier notre système de l’éducation au milieu
agricole. Il se veut une analyse du contexte pédagogique et une tentative de
trouver une solution à la cassure sociale qui s’exerce présentement entre le
monde agricole et le monde urbain.
Notre présence conjointe devant la Commission sur l’avenir de
l’agriculture et de l’agroalimentaire au Québec est le fruit d’une collaboration
positive que nous avons expérimentée auprès des élèves du secondaire 1 au
Collège de Montréal.
Afin de bonifier le contenu du volet agriculture dans le cadre du
programme de géographie, des producteurs agricoles sont venus, à la demande
de Madame Michèle Fréchet, enseignante en géographie, discuter des enjeux et
des réalités de leur métier et de leur secteur d’activités. En étroite collaboration
avec l’enseignante, en se collant sur les connaissances des élèves et leur
compréhension du milieu, ils ont permis d’enrichir les notions de base, de cibler
les enjeux liés au milieu agricole et de décrire le métier et la vie d’agriculteur
d’aujourd’hui. En utilisant des mots simples, un diaporama et même des produits
agricoles, ils ont amené l’agriculture dans l’école.
Leur impact en salle de classe se mesure encore aujourd’hui, un an plus
tard. Suite à cette expérience positive, nous avons tenté de mieux comprendre
pourquoi l’impact avait été aussi puissant et comment on peut améliorer nos
façons de faire pour permettre aux élèves de découvrir un secteur qui leur est à
peu près inconnu et qui, pourtant, suscite un grand intérêt quand ils y sont
exposés.
Rétablir le lien social
L’agriculture est le fondement de toute société et particulièrement de la
société québécoise. Il y a une quarantaine d’année à peine, chaque citadin avait
encore un grand-père, un oncle ou un cousin agriculteur. Il n’était pas rare que
la sortie du dimanche se fasse à la ferme. Aujourd’hui, le lien rural est brisé.
Avec l’évolution de nos modes de vie, les jeunes adolescents, et souvent leurs
parents, ont perdu le contact avec l’agriculture.
Statistique Canada nous le démontrait de façon fort éloquente en mars
dernier alors qu’étaient publiées les premières données du Recensement 2006.
On y note que 80% de la population est urbanisée. Il n’est donc pas étonnant
qu’on oublie que les producteurs agricoles sont les gardiens de ces paysages
ruraux qu’on apprécie. On ne réalise plus que l’aliment transformé provient
d’ingrédients qui ont d’abord été produits à la ferme. Pour bien des gens, c’est
au supermarché qu’on identifie le début de la chaîne alimentaire. Autrement, on
se préoccupe peu d’où proviennent les produits frais qu’on achète. En tant que
consommateur, on ne se demande pas combien de milliers de kilomètres il a
parcouru, combien de tonnes de gaz à effet de serre et, surtout, sous quelles
normes environnementales il a été produit. Quand on parle agriculture, on pense
spontanément aux odeurs et à d’autres considérations environnementales
locales alors que l’avenir du monde agricole repose sur des perceptions trop
souvent alimentées par l’ignorance.
Dans son document de référence, la Commission se demande par quels
moyens on peut augmenter le nombre de diplômés en agriculture et s’assurer
que la formation de base des agriculteurs soit suffisante. A nos yeux, c’est bien
avant la formation professionnelle qu’il faut sensibiliser les jeunes à l’importance
du secteur agricole et agroalimentaire québécois. Avant même de former des
travailleurs et des producteurs agricoles, des employés de l’agroalimentaire ou
des professionnels du secteur, notre système scolaire forme les consommateurs
et les décideurs de demain. C’est sur eux que repose l’avenir de notre
agriculture et de notre secteur agroalimentaire. Dans le contexte mondial actuel,
l’agriculture est confrontée à de nombreux défis. Le maintien de l’agriculture
québécoise est déjà un choix de société sur lesquels des débats prennent place.
Les décideurs de demain, ces jeunes d’aujourd’hui, seront confrontés à des
situations dont ils devront comprendre tous les enjeux qui vont bien au-delà de la
théorie. Ils doivent apprendre à faire le partage entre les mythes et la réalité.
Intéresser les jeunes au secteur agricole
Chaque année, l’Union des producteurs agricoles réalise un sondage1 auprès de
la population québécoise afin de comprendre l’évolution des perceptions vis-à-vis la
profession agricole et l’agriculture au Québec. Depuis plusieurs années, on remarque
que les jeunes âgés entre 18 et 24 ans démontrent des perceptions discordantes avec
le reste de la population et, dans certains cas, une perception complètement divergente
de la réalité.
1 Sondage Léger Marketing sur la perception des citoyens envers le monde agricole réalisé auprès de 1000 répondants pour le compte de l’Union des producteurs agricoles, septembre 2006
Ce sondage nous révèle, entre autres, que parmi les 18 – 24 ans : • 35,5% croient que les producteurs agricoles ne se préoccupent pas de la
manière dont ils produisent les aliments ou élèvent les animaux
• 46,5% considèrent qu’au cours des deux dernières années, les producteurs agricoles n’ont pas fait d’effort pour protéger l’environnement
• 41,6% ne sont pas intéressés à en connaître davantage sur l’agriculture
Ces trois énoncés retiennent l’attention. D’une part parce qu’on sait très
bien la préoccupation sans cesse grandissante de la population pour sa santé,
pour le bien-être animal et pour l’environnement et, d’autre part, parce que
l’avenir de l’agriculture passe inévitablement par son acceptabilité sociale. Ce qui
inquiète surtout c’est que presque la moitié des jeunes n’est pas intéressée par
l’agriculture et ne manifeste aucun intérêt à en savoir davantage. Dans l’état
actuel des choses, on peut se demander ce qu’en seront les conséquences sur
les générations qui suivront. Manifesteront-elles aussi peu d’intérêt considérant
qu’il est difficile de transmettre des notions qu’on n’a pas? La situation ira-t-elle
en s’aggravant? En tout cas, elle est fort préoccupante pour le secteur
agroalimentaire qui est encore le secteur économique le plus important au
Québec en terme d’emplois et de revenus générés. À long terme, l’avenir de
l’agriculture passe par la perception et la compréhension qu’en ont les jeunes.
Mais comment les rejoindre?
Les jeunes adolescents, on le sait, sont très peu exposés au monde
agricole. Pour la majorité d’entre eux, les rudiments et les perceptions qu’ils en
ont proviennent de ce qu’ils ont appris dans le cadre des cours de géographie.
En effet, l’agriculture constitue l’un des volets les plus importants du programme
de géographie au secondaire par son approche du milieu agricole au Québec et
des enjeux à l’échelle locale, régionale et même internationale. Or, le contenu
notionnel est pauvre et réduit à certains aspects discutables.
Des enseignants en besoin d’information et de formation
L’approche pédagogique préconisée dans notre système scolaire est
basée sur le développement des compétences de l’élève. En d’autres termes,
on leur apprend à apprendre, on construit leur conscience à l’échelle planétaire
et on tente, en outre, de développer leur sens critique. De ce fait même, le rôle
de l’enseignant consiste à accompagner l’élève dans une démarche où
l’acquisition des connaissances devient accessoire, voire un alibi, dans son
développement cognitif.
De façon générale, les enseignants eux-mêmes connaissent assez peu le
milieu agricole. Ce dernier a évolué de façon considérable au cours des 20 à 25
dernières années et, à moins d’avoir été soi-même exposé au milieu, nos
connaissances demeurent souvent de nature subjective basée sur les
perceptions que nous en avons presque tous! Le ministère de l’Éducation, du
Loisir et du Sport (MELS) ne fournit aucun matériel de support, et n’exige aucune
obligation de formation pour permettre aux enseignants de parfaire leur
connaissance du secteur et ce, malgré le cachet alloué aux écoles pour la
formation. Ceci a comme résultat que l’enseignement de la matière repose
surtout sur des opinions personnelles plutôt que sur des données objectives. Il
n’est donc pas étonnant que « Bacon : Le film » constitue un outil pédagogique
assez répandu en classe dont plusieurs enseignants font la promotion lors de
leurs échanges.
Des manuels scolaires au contenu ciblé
Le contenu des manuels scolaires a considérablement changé avec le
renouveau pédagogique. Quelques ouvrages sont utilisés au premier cycle du
secondaire, soit sous la forme d’un manuel, d’un cahier d’activités ou d’un atlas
thématique. Néanmoins, ces manuels sont assez pauvres en contenu.
L’essentiel de la matière se résume sur quelques pages. Ils remplissent les
nouveaux objectifs disciplinaires fixés par le Ministère mais ils demeurent
beaucoup trop rivés sur certains aspects du domaine tout en conservant
l’approche du développement des compétences. On y discute amplement des
enjeux environnementaux entourant l’agriculture. Bien que l’information qu’on y
trouve soit factuelle, elle demeure partielle et fragmentée. Avec en toile de fond
l’occupation du territoire, on compare les espaces urbains et ruraux. On soulève
les enjeux agricoles. On y discute étalement urbain, cohabitation des usages,
concentration des entreprises, production intensive (en opposition à agriculture
durable), pollution, odeurs et exportations porcines. On expose assez bien la
localisation du territoire agricole par rapport au territoire urbanisé et les conflits
que cela peut générer. On consacre quelques lignes, un demi paragraphe tout au
plus, sur l’importance de l’agriculture dans l’économie québécoise. Cependant, le
volet environnemental et les impacts négatifs y sont amplement développés.
Ainsi, dans le manuel « Territoires » de la maison d’édition ERPI, on peut lire en
réponse à la question « L’agriculture est-elle la principale cause de pollution?
Pollue-t-elle vraiment plus que les industries? » Nous citons :
« Les activités industrielles et urbaines génèrent une pollution dite « ponctuelle », c’est-à-dire dont la source est bien localisée. Et, ces dernières années, la pollution industrielle (par exemple celle des pâtes et papiers) a diminué grâce à une réglementation sévère de la gestion des déchets. De plus, il y a moins d’industries : plusieurs se sont déplacées vers les pays en développement, où les coûts d’exploitation sont moins élevés.
Les activités agricoles entraînent, quant à elles, une pollution dite « diffuse » parce qu’elle se répand dans les sols, les cours d’eau et les eaux souterraines bien au-delà de la zone cultivée. Ainsi, les pratiques de fertilisation, de travail du sol et de drainage ont des répercussions considérables sur la qualité de l’eau ».2 En fait, l’agriculture intensive y est présentée comme destructrice de
l’environnement. On y dénonce l’utilisation des engrais, des carburants et des
pesticides :
« massivement utilisés pour augmenter la production, en particulier celle du soja et du maïs destinés à l’alimentation animale. Ces pratiques agricoles rendent les sols vulnérables. Ainsi, les produits nocifs pour les êtres vivants sont entraînés dans les cours d’eau avec les particules de sol et peuvent se retrouver jusque dans les eaux souterraines ».3
Voilà qui contribue à renforcer la deuxième perception des 18-24 ans à l’effet que
les agriculteurs ne feraient pas d’efforts pour protéger l’environnement.
Loin de nous l’idée de vouloir cacher la vérité. Ces enjeux sont bien réels.
Mais ils ne sont pas exclusifs. Même s’il est expliqué clairement aux élèves qu’il
existe des solutions et des pratiques respectueuses de l’environnement, l’image
qui est dépeinte demeure celle d’une agriculture destructrice alors que dans la
réalité, l’agriculture québécoise est vouée en majeure partie aux fourrages et aux
céréales qui utilisent peu d’insecticides. Pas un mot non plus sur le fait que
même si les rendements augmentent constamment, les agriculteurs utilisent de
moins en moins d’engrais minéraux et de pesticides car ce n’est pas un critère
2 Laurin, Suzanne. Territoires, Géographie –1er cycle du secondaire – manuel 1, éditions ERPI, p. 168 3 Laurin, Suzanne. Territoires, Géographie –1er cycle du secondaire – manuel 1, éditions ERPI, p. 167
exigé. Il serait tellement important de rappeler que l’agriculture joue également
un rôle de recycleur.
En voulant traiter l’agriculture sous un seul angle, on met l’emphase sur
un seul aspect en perdant de vue son rôle essentiel. Dans une société dont le
lien avec l’agriculture n’existe presque plus, il est essentiel de ramener la vision
du secteur à celui d’une fonction indispensable : nourrir la société. La terre
fournit la nourriture dont nous avons besoin pour vivre et la campagne nourrit les
villes. Et dans l’organisation sociale du Québec, l’agriculture de subsistance
n’existe plus. Pour nourrir la population, l’intensification de la production est
inévitable.
Une expérience concluante
Afin de développer le sens critique des élèves sur une base factuelle et
d’élargir leur niveau de compréhension de l’ensemble des enjeux qui entourent le
monde agricole, nous avons fait venir en classe deux producteurs laitiers et
céréaliers. De fait, ces deux producteurs exploitent chacun une entreprise
agricole de taille supérieure à la moyenne provinciale. Elles sont situées dans la
même municipalité. L’un est producteur bio et l’autre est conventionnel. Nous
les avons présentés comme deux amis (ce qui est d’ailleurs le cas) afin d’éviter
de suggérer qu’une pratique est meilleure que l’autre. Ils ont tous deux présenté
leur ferme, leur quotidien leur vécu de producteurs agricoles par l’intermédiaire
d’un diaporama.
Pendant plus d’une heure, ils ont entretenu les élèves sur les mythes et
les réalités du monde agricole. Par exemple, avec la carte du bassin versant de
leur municipalité (notion préalablement vue en classe par l’enseignante), ils ont
démontré comment les déchets agricoles et urbains se retrouvent dans les cours
d’eau. Ils ont également démontré comment, à concentration égale et sur une
même superficie, la quantité d’engrais minéral utilisée pour fertiliser un champ de
maïs est ridicule par rapport à la quantité d’engrais utilisée pour fertiliser les
pelouses résidentielles.
Ils ont aussi expliqué comment le fumier est l’amendement de première
ligne que l’on fait au sol et comment, pour un producteur bio, la quantité de
fumier de ses vaches est insuffisante pour combler les besoins organiques des
plantes qu’il cultive. Il doit utiliser le fumier de volaille de producteurs voisins. Cet
exemple a d’ailleurs servi à expliquer le cycle de la filière alimentaire :
ÉLEVAGE DE POULET POUR
RESTAURATION FUMIER DE VOLAILLE
PRODUCTION DE BLÉ POUR
CONSOMMATION HUMAINE
MINOTERIE
FARINE = PREMIÈRE
TRANSFORMATION
BOULANGERIE
PETITS PAINS = DEUXIÈME
TRANSFORMATION
RESTAURATION
DISTRIBUTION
CONSOMMATEUR PETIT PAIN DANS L’ASSIETTE AVEC
POITRINE DE POULET
FILIÈRE AGRO-ALIMENTAIRE
La présence en classe des producteurs a été bien accueillie par tous les
élèves. Aujourd’hui, un an plus tard, les effets s’en font encore sentir. Bien au-
delà des aspects environnementaux, les élèves sont en mesure de comprendre
un éventail beaucoup plus large d’enjeux. Ils ont compris l’importance de la
filière agroalimentaire de façon concrète et, surtout, ont pu découvrir que derrière
le mot agriculture, se cachent des êtres humains passionnés dont l’amour du
métier est contagieux.
L’expérience que nous avons vécue auprès de plus de 200 élèves
impliqués dans cette expérience, pour la grande majorité issus du milieu urbain,
nous a permis de constater qu’à cet âge ils sont ouverts à en connaître
davantage sur le milieu et que nous n’avons qu’à stimuler leur intérêt. Ils auront
à tout le moins une vision plus globale du secteur agroalimentaire et, espérons-
le, feront des citoyens plus avisés.
Même si l’intention de l’expérience n’est pas de faire des élèves de futurs
producteurs agricoles, il y a parmi eux des jeunes pour qui la nature,
l’entrepreneuriat et le fait d’être son propre patron, peuvent demeurer des
avenues de carrières à explorer.
Une nouvelle approche : La formation identitaire
La réforme de l’éducation convie tout le personnel scolaire à se préoccuper
de l’orientation des élèves et à intégrer la formation identitaire et l’approche
orientante dans le projet éducatif. Le but de cette approche est de donner à
l’école un rôle qui vise pour l’élève :
Selon les auteurs Luc Bégin, Michel Bleau et Louise Landry, membres de
l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d’orientation du Québec :
« dans la conception la plus fréquente de l’école orientante, on retrouve l’implication de divers intervenants, des activités où l’enseignant fait le lien entre la matière enseignée et les métiers et les professions; des activités de réflexion sur soi et de connaissance de soi; (…) des visites industrielles ainsi que des conférences portant sur le monde du travail. On y retrouve l’implication des parents, d’intervenants d’organismes communautaires et du monde des affaires. »4 Maintenant, les enseignants doivent intégrer dans leur programme des
activités d’ouverture face à divers types d’emplois. L’agriculture, le tourisme, les
pâtes et papiers, l’environnement ont été ciblés parmi les secteurs que
l’enseignant est tenu d’explorer avec ses élèves.
Dans ce contexte, l’approche orientante ne peut être complète sans la
création de liens avec le milieu exploré. C’est pourquoi nous jugeons essentiel,
tant pour le développement des élèves que pour l’avenir du milieu agricole,
qu’une synergie soit créée entre le milieu agricole et le milieu scolaire.
4 Bégin, Luc et al. L’école orientante – la formation de l’identité à l’école, Les éditions Logiques inc., Montréal, 2000, p.21
• à stimuler la connaissance de soi, de ses centres d’intérêt et de
ses aptitudes • à favoriser l’émergence d’un projet de cheminement scolaire
• à susciter l’intérêt pour les études, la motivation et la persévérance
• à diminuer l’échec et l’abandon scolaire
Dans la région des Laurentides, Emploi-Québec détient une enveloppe
budgétaire destinée à la réalisation de projets de valorisation des métiers de
l’agriculture et de l’agroalimentaire. Dans de nombreux cas, les projets ne
pourraient être réalisés sans ce soutien financier, ce qui fait de ce ministère, en
plus du MAPAQ, un partenaire privilégié dans la promotion de l’agriculture et de
ses activités connexes.
De ce fait, on retrouve également dans la région un certain nombre
d’organismes qui se sont donnés le mandat de valoriser les métiers de
l’agriculture et de l’agroalimentaire. De l’UPA, à la Table de concertation
agroalimentaire en passant par les CLD, offices de tourisme et certaines
chambres de commerce locales, plusieurs projets ont vu le jour, certains
discutables, sans aucune coordination entre les organismes concernés et sans
grande cohérence dans les objectifs poursuivis. Or une partie de ces fonds
pourrait être dédiée à la valorisation en milieu scolaire pour palier au manque de
financement des écoles et pour financer la formation identitaire. De plus, il serait
logique qu’un organisme régional dont l’expertise et l’implication agricole et
agroalimentaire sont reconnus soit mandaté pour administrer ce budget et
travailler avec les écoles pour leur offrir un projet « clé en main ». Dans les
Laurentides, la Table de concertation agroalimentaire et l’UPA régionale sont des
organismes qui ont déjà développé cette expertise, mais on ne peut extrapoler
sur cette seule base qu’il revient à ces deux organismes régionaux d’exercer ce
mandat dans l’ensemble du Québec. Par conséquent, il serait sage de laisser à
chaque région le soin de déterminer à qui le mandat serait confié. Les collectifs
de formation agricole pourraient jouer un rôle-clé dans la désignation et la
promotion de cette nouvelle offre de service car il s’agit de tables auxquelles
siègent, avec les représentants du secteur agricole et de l’emploi, tous les
représentants des commissions scolaires d’une région donnée.
Nos recommandations
Puisque les jeunes sont facilement intéressés au secteur agroalimentaire
en général et à l’agriculture en particulier, il faut accentuer nos efforts en classe
pour stimuler leur intérêt. Il faut d’abord réussir à dégager une image valorisante
du milieu.
Pour permettre de dégager cette image positive du secteur, il faudrait
d’abord améliorer la connaissance qu’en ont les enseignants. Il est
indispensable que du matériel soit mis à leur disposition. A cet égard, le
ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec devrait
développer du nouveau matériel de support en fonction de l’approche préconisée
par le MELS. Ce matériel devrait comprendre des situations d’apprentissage et
d’évaluation.
Dans le volet agriculture, les enseignants doivent accompagner les élèves
dans le développement de trois compétences particulières :
Pour les enseignants, c’est cette troisième compétence qui est la plus
difficile à approcher de par sa complexité. De plus, il s’agit de celle à laquelle on
accorde le plus d’importance dans les échelles de fin de cycle. Les enseignants
ont besoin davantage de support dans cette démarche.
Le matériel pédagogique soumis à l’approbation devrait aussi être revu
par des spécialistes du milieu (MAPAQ, UPA, etc.) afin d’en valider et d’en
étoffer le contenu si nécessaire.
Des projets stimulants réalisés par les élèves autour de l’agriculture et de
l’agroalimentaire permettraient de pousser plus loin leur compréhension et
développer davantage leur sens critique. La mise en place d’un concours
provincial pourrait être une avenue à explorer.
Puisque les budgets ne permettent plus aux élèves d’aller sur le terrain,
prévoir des moyens financiers et logistiques qui permettent au terrain de se
rendre à l’école. L’UPA a développé un programme de producteurs
ambassadeurs, mais sa portée est encore limitée. Leur implication se fait sur
COMPÉTENCE 3
Construire la conscience citoyenne de l’élève à l’échelle planétaire par :
Les pratiques agricoles et l’environnement ou
Les pratiques agricoles et l’équilibre alimentaire à l’échelle mondiale
COMPÉTENCE 2
Interpréter un enjeu territorial
COMPÉTENCE 1
Lire le territoire agricole du Québec et
celui du Japon ou de la Californie
invitation et dépend de la volonté individuelle des enseignants. Dans la plupart
des écoles et des commissions scolaires, il n’existe aucune politique en ce sens
alors que la ressource pourrait être disponible sur demande. Par conséquent,
une politique visant à désigner un organisme mandaté ainsi qu’une allocation
d’un « budget école » pour soutenir les initiatives de formation et d’intervention
serait nécessaire afin de permettre qu’elles deviennent partie intégrante de
l’enseignement.
CE QU’ON VOUDRAIT QUE LA COMMISSION RETIENNE
• 41,3% des jeunes âgés de 18 à 24 ans ne sont pas intéressés par
l’agriculture et ne désirent pas en savoir davantage • Au premier cycle du secondaire, les élèves démontrent un intérêt
indiscutable du secteur agricole dans la mesure où ils y sont exposés et qu’ils sont stimulés
• L’agriculture constitue un volet important du programme de
géographie au secondaire • Le contenu agricole du programme de géographie dégage une image
négative de l’agriculture et ne permet pas de comprendre la dynamique du secteur agroalimentaire et l’ensemble des ses enjeux
• Les enseignants ne sont pas suffisamment bien informés sur les
réalités du secteur et aucun matériel de support n’est mis à leur disposition
• L’approche orientante est maintenant partie intégrante du projet
pédagogique et l’agriculture est particulièrement ciblée comme secteur qui doit être exploré avec les élèves
• Les budgets scolaires ne permettent plus aux élèves de visiter le
terrain c’est donc le terrain qui doit se rendre à l’école. Cela se fait aux frais des producteurs agricoles
PAR CONSÉQUENT, NOUS RECOMMANDONS : • Que du matériel de support aux enseignants soit développé par le
MAPAQ en fonction de l’approche préconisée par le MELS et que les manuels soumis à l’approbation soient aussi révisés par le MAPAQ et autres intervenants du milieu
• Que le projet pédagogique inclut un partenariat avec les intervenants du milieu agricole et agroalimentaire
• Qu’un concours ou un projet sur l’agriculture l’agroalimentaire soit tenu annuellement afin de stimuler l’intérêt des élèves
• De mandater un organisme régional et de lui fournir les fonds nécessaires pour développer des projets de valorisation et fournir aux écoles des projets « clé en main » adaptés au programme pédagogique.
Conclusion
Nous avons présenté à la Commission le fruit de notre expérience et de
notre réflexion sur la manière de susciter l’intérêt des jeunes pour l’agriculture et
l’agroalimentaire. Ce mémoire n’est pas une critique du système d’éducation
québécois. A la lumière de notre analyse et de notre expérience, il nous est
apparu évident qu’il serait relativement facile d’intégrer des activités de
stimulation et d’ouverture envers les secteurs agricole et agroalimentaire à
l’intérieur du cadre pédagogique actuel. La structure et les objectifs mis en place
par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ouvrent toute grande la porte
à l’intégration et à une meilleure compréhension du secteur tant par les élèves
que les enseignants. Cependant, pour que la commande soit remplie, il nous
apparaît nécessaire de développer une dynamique qui solliciterait la participation
d’autres ministères et organismes. A cet égard, le MAPAQ et Emploi-Québec
ont été clairement ciblés dans notre mémoire. D’un point de vue régional, l’UPA,
les tables de concertation agroalimentaire, les collectifs de formation agricoles
pourraient jouer un rôle déterminant dans le mesure où les efforts sont concertés
et coordonnés.
L’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois passe d’abord et
avant tout par la valorisation que l’on fait du secteur auprès des jeunes. Le
milieu scolaire offre actuellement une opportunité qu’il ne faudrait surtout pas
manquer.
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