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QUE PENSENT LES PATIENTS DE LEUR
PSYCHOTHÉRAPIE ?
Article de recherche
Master 1 Psychologie clinique, psychopathologie et psychologie de la santé
Sous la direction de : Stacey Callahan
Assesseur : Axelle Moreau
Année 2016-2017
Isabelle Grandjacques Marie Weis
1
RÉSUMÉ
Les protocoles des études d’évaluation des psychothérapies prévoient très rarement de donner
la parole aux patients. Dans d’autres champs, en particulier le champ sanitaire, cette expertise
est pourtant reconnue.
Cette étude vise à recueillir la satisfaction et l’expertise de patients ayant expérimenté une
psychothérapie, via un questionnaire semi-directif quantitatif et qualitatif mis en ligne pendant
3 mois.
L’échantillon de 63 répondants a permis d’établir qu’ils sont très majoritairement satisfaits de
leur psychothérapie (94%), et la reconnaissent comme efficace à plusieurs niveaux : impact
positif sur leur vie (84%), prise de décisions concrètes (de 25 à 85% selon les domaines),
durabilité des changements (86%), satisfaction par rapport aux attentes initiales (87%), qualité
de la relation avec le thérapeute (90%). Ce dernier point est fréquemment cité comme un
critère de réussite d’une thérapie, un autre critère essentiel pour les répondants étant le résultat
thérapeutique.
Les enquêtes similaires sont rares et peu actualisées, mais rapportent des taux de satisfaction
globale comparables ; le ressenti subjectif des répondants semble donc valider le consensus
scientifique d’efficacité des psychothérapies. Ces résultats mériteraient d’être consolidés avec
un échantillon conséquent et représentatif, et complétés par des entretiens en face-à-face qui
permettraient d’affiner les facteurs qui influencent l’avis des répondants.
Ces résultats exploratoires encouragent à accorder une pleine place à l’expertise du patient
dans les études d’évaluation afin qu’il devienne un partenaire de recherche, contributeur actif
à l’amélioration des psychothérapies.
Mots-clés :
Évaluation, efficacité, psychothérapie, méthode mixte, expertise et satisfaction du patient
2
INTRODUCTION :
La psychothérapie a pour objectif de faire disparaître les symptômes et la souffrance qu’ils
entrainent, et d’améliorer la santé mentale au sens large (Pichot et Allilaire, 2003). Elle
s’inscrit dans un champ institutionnel et culturel donné (Otéro, cité par Kovess, 2007), se
définit par un cadre contractuel et un ensemble de méthodes thérapeutiques et fait une place
variable au corps, à la conscience, à l’émotion et à la cognition (Chiland, 2012).
Evaluer les psychothérapies, c’est donc se demander : « Quel traitement, par quel thérapeute,
est le plus efficace pour quel sujet, à propos de quel problème, dans quelles circonstances et
comment ? » (Paul, 1969, cité par INSERM, 2004). Enjeu scientifique et clinique majeur,
sujet de controverses depuis plus d’un siècle, l’évaluation des psychothérapies est également
soumise à une forte attente sociétale (Thurin, 2009).
À l’heure où les psychothérapies sont reconnues comme efficaces et économiques pour une
grande diversité de troubles psychiques, l’enjeu de la recherche est de déterminer ce qui
conditionne le processus et le résultat d’une psychothérapie (Zimmerman & Pomini, 2013):
alliance thérapeutique, caractéristiques du patient, qualités du psychothérapeute…
indépendamment de son obédience qui n’apparaît plus déterminante (Okiishi, Lambert,
Nielsen & Ogles, 2003).
Par ailleurs, les méthodologies utilisées dans les études d’évaluation s’avèrent diverses et
inégales sur le plan de la validité interne ou externe, entre méta-analyses, essais cliniques
contrôlés, et études de cas. Il s’agit aujourd’hui de concilier ces critères de validité,
notamment en privilégiant les études d’efficacité « réelles », en milieu naturel (Thurin &
Thurin, 2007).
Toutefois, les protocoles prévoient très rarement de recueillir la parole du patient.
Scientifiquement, l’expertise évaluative est détenue quasi exclusivement par le chercheur
et/ou par le thérapeute. Pourtant, qui d’autre que le patient peut intégrer la complexité de sa
situation, discriminer ce qui relève ou non de la psychothérapie dans l’évolution de son état
clinique, ou exprimer sa satisfaction au sujet de l’efficacité du processus thérapeutique ?
3
La reconnaissance des savoirs du malade est considérée aujourd’hui comme un « fait social »:
inscription législative du rôle des usagers dans les instances de décision (Loi Kouchner1,
2002, Loi Hôpital Santé Territoire2, 2009), diplômes certifiants, nouvelles professions,
conceptualisation des notions de « démocratie sanitaire » (Jouet, Las Vergnas & Noël-
Hureaux, 2014), de « patients experts » (Gross & Gagnayre, 2013), et d’« autorité
expérientielle » des usagers (Noorani, 2013).
À l’heure où le savoir et le pouvoir médical se démocratisent, il parait donc indispensable de
recueillir l’expertise du patient de façon structurée et systématique dans le champ de
l’évaluation des psychothérapies.
Quelques études pionnières vont en ce sens. En 1995, 7000 abonnés du magazine américain
« Consumer Reports » sont interrogés sur leur expérience de la psychothérapie : 87% des 426
personnes concernées rapportent se sentir mieux quelle que soit la technique thérapeutique
utilisée, et les thérapies à long terme semblent les plus efficaces (Seligman, 1995).
En France, Psychologies Magazine et la Fédération Française de Psychothérapie
commanditent deux sondages en 2001 et 2006 auprès d’échantillons représentatifs de la
population française, respectivement 8000 et 6000 personnes. Sur environ 400 personnes qui
ont expérimenté une psychothérapie, 84% en sont satisfaites en 2001 et 87% en 2006 (BVA,
2001 ; CSA, 2006).
En 2007, la MGEN réalise une enquête auprès de 6500 adhérents. Parmi les 11.5% des
répondants ayant eu recours à la psychothérapie, 90% s’en déclarent satisfaits et 60%
constatent une amélioration notable et durable (Kovess et al, 2007).
Cette étude se place dans la continuité de ces travaux et vise à recueillir la satisfaction et
l’expertise de patients ayant expérimenté une psychothérapie.
MÉTHODE
« Qu’avez-vous pensé de votre psychothérapie ? », titrait le questionnaire semi-directif mis en
ligne entre janvier et mars 2017 et diffusé largement via Facebook, mails, blogs. Le recueil de
donnée était à la fois quantitatif (25 questions à choix multiple, principalement des échelles de
Lickert) et qualitatif (les participants pouvaient préciser librement leur pensée sur la plupart
1 Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.2 La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires
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des réponses). Tout internaute pouvait participer sous réserve d’avoir vécu une
psychothérapie et de donner son consentement éclairé après avoir été informé de l’objectif de
l’étude, de la méthodologie, de ses droits et de la confidentialité du recueil de données.
Le questionnaire a été créé spécifiquement pour cette étude selon une méthodologie précise
(Falissard, 2008) et testé préalablement sur une dizaine de patients. Il explore les attentes
initiales du répondant, son niveau de satisfaction, les conséquences de la psychothérapie sur
sa vie, son appréciation des changements par rapport à ses attentes et leur durabilité, le type
de thérapie suivie et la relation au thérapeute, et enfin les critères d’une thérapie idéale.
63 personnes âgées de 20 à 62 ans (38 ans en moyenne, ± 11 ans) ont répondu, dont 11
hommes et 52 femmes (89% de femmes).
Les données quantitatives ont été traitées par analyse statistique via le logiciel R. Les
comparaisons de proportions ont été faites à l’aide des tests du χ2, de Fisher, et d’une analyse
log-linéaire. L’analyse de contenu a été réalisée manuellement en regroupant les unités de
discours par thèmes et en extrayant des citations représentatives.
RÉSULTATS
Portrait-robot du répondant : un(e) patient(e) comme les autres ?...
Il/elle choisit son thérapeute par recommandation et est souvent attiré(e) par une technique
particulière
53% des répondants ont choisi leur thérapeute a minima par recommandation et 37% en
fonction de son obédience. Les critères de prix et de localisation ne sont cités que par un
répondant sur cinq.
5
Recommandation
Technique/fo
rmation
Prix
Localis
ation
Contact/feelin
g
Sexe du th
érapeute 0%
10%20%30%40%50%60% 53%
37%
21% 19% 16%6%
Critères de choix du thérapeute les plus fréquemment cités (catégories non exclusives)
Figure 1: Critère de choix du thérapeute (N=62)
Il/elle est en prise avec un problème précis ou consulte suite à un évènement de vie
Figure 2: Motifs de consultation (N=63)
L’échantillon n’a pas permis de mettre en évidence un effet de l’âge (moins ou plus de 40
ans) sur ces deux motifs principaux de consultation, χ2(1, N=56)=1.4, p=.23
Parmi les 23 réponses précisées, l’existence d’une pathologie (psychopathologie ou
somatique) ressort nettement, suivi de problèmes professionnels et/ou conjugaux.
Il/elle cherche avant tout à comprendre et/ou à soulager sa souffrance
6
71 % des répondants évoquent deux méta-attentes initiales :
- Comprendre : soi-même ou des évènements de vie ;
- Soulager la souffrance : aller mieux, trouver de l’aide ou du soutien.
Il/elle est en thérapie depuis plus ou moins longtemps, avec des techniques variées
Un tiers des répondants était toujours en thérapie. La durée des thérapies varie de quelques
mois à 23 ans, 2.5 ans en moyenne si l’on exclut cet extrême.
< 1 an 1 à 2 ans 2 à 3 ans 3 à 4 ans 5 ans 6 ans 7 ans 8 ans 23 ans0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20 19
4 4
6
12 2
10
2
4 4 4
21
01 1
Thérapies terminées Thérapies non terminées
Figure 3: Durée de la thérapie (N= 59)
Sur 39 réponses précisées, la fin de thérapie a été décidée dans 59 % des cas (par le patient, le
thérapeute, ou d’un commun accord), alors que 41% des fins de thérapie étaient fortuites
(déménagement, départ…).
La plupart des techniques thérapeutiques sont représentées, bien que la thérapie d’inspiration
psychanalytique soit majoritaire (37%) et que 15% des répondants ignorent la technique
utilisée par leur thérapeute.
7
Psychanalyse ou apparenté
36%
Mélange d'approches22%
Ne sait pas15%
Autre10%
Humaniste8%
Pleine conscience6%
EMDR2%
TECHNIQUE DU Therapeute
Figure 4: Technique thérapeutique (N=63)
Sur 42 réponses précisées, 43% ont choisi la technique du thérapeute, les autres évoquent un
choix de la personne avant tout, ou un choix instinctif ou fortuit.
Le répondant-psychologue surreprésenté
Malgré le soin porté à éviter les canaux de diffusion de la profession, les psychologues ou
étudiants en psychologie représentent 28% des répondants.
28%
18%
12%
12%
12%
10%
9%
Profession des répondants
Psychologues et étudiants en psychologie EtudiantsCadres et fonctions supérieures Autre Indépendants, professions libérales Social / éducationSans profession
Figure 5: Profession des répondants (N=63)
8
Il/elle est satisfait(e) de sa thérapie et de la relation avec son thérapeute
Une majorité écrasante (94%) de répondants sont satisfaits (52%) ou très satisfaits (42%) de
leur thérapie, et de la relation avec leur thérapeute (90%). Les quelques insatisfaits évoquent
une non-résolution des symptômes ou une mauvaise relation thérapeutique.
… ainsi que de son impact sur sa vie
84% des répondants qualifient l’impact global de la psychothérapie sur leur vie comme positif
ou très positif. Même les trois insatisfaits n’estiment pas qu’elle ait impacté négativement leur
vie.
Les plus de 40 ans rapportent un impact global davantage « très positif » que « positif » par
rapport aux moins de 40 ans, χ² (1, N=63) = 4.17, p<.05. Une analyse log-linéaire a été
conduite pour rechercher une interaction de l’âge et du sexe sur l’impact global quand il est
positif, sans résultat concluant (p=0.7).
Figure 6: Impact global de la thérapie en fonction de l'âge (N=63)
Parmi les 27 réponses précisées, 30% évoquent des changements intrinsèques : « on apprend
à voir sous un autre œil » ; 22% une aide et/ou un mieux-être : « j’ai réussi à positiver »,
« souffrance envolée », « cela m’a beaucoup aidé » et 18% une meilleure compréhension :
« meilleure compréhension de l’origine du trouble et de mon fonctionnement psychique ».
22% évoquent une persistance d’inconfort, des difficultés : « ça n’avance pas sans mal », « je
n’ai pas pu travailler mes problèmes actuels et persistants ».
Aux questions plus précises détaillant l’impact de la thérapie sur les émotions, pensées/
croyances, comportements, sensations et relations, une grande majorité des répondants
rapporte une évolution positive, qu’elle soit en cours : « Paris ne s’est pas fait en un jour »,
9
« j’espère voir le bout du tunnel », ou effective : « changement total, remaniement du
psychisme », « j’ai quitté mon père », « j’habite maintenant mon corps », « je n’ai pas
seulement quitté un mariage mais toute une vie », « j’ai pu réaliser des études ».
L’évaluation de l’impact sur les sensations semble plus difficile pour les répondants qui sont
35% à ne pas savoir ou ne rapporter aucun impact.
Il/elle a pris des décisions concrètes
Plus de 50% des répondants ont pris des décisions concrètes suite à leur psychothérapie ou au
cours de celle-ci dans le domaine familial, conjugal, professionnel, amical et personnel.
Projets perso
nnels
Familial
Conjugal
Professionnel
Amical
Lieu de vi
e
Médical
Autre0%
10%20%30%40%50%60%70%80%90% 85%
78% 75% 74%60%
39%25%
33%
Votre thérapie a-t-elle déclenché des prises de décisions concrètes dans le domaine...
"oui" ou "j'y travaille"
Figure 7: Décisions concrètes déclenchées par la thérapie (N=63)
80% les attribuent au moins en partie sinon totalement (50%) à la thérapie. 78% qualifient ces
prises de décisions comme bénéfiques pour eux, et 11% les espèrent bénéfiques. Les décisions
précisées sont diverses : « prendre mon rôle de père », « pu obtenir une licence », ou «
abandon d’un objectif d’emploi ».
Il/elle expérimente des changements durables, satisfaisants ses attentes initiales
87% des répondants sont satisfaits ou très satisfaits des changements vécus, au regard de leurs
attentes initiales : « la thérapie m’a sauvé la vie », « ma vie est bien plus simple dans tous les
domaines ».
86% estiment que ces changements semblent durables ou plutôt durables, et ce d’une façon
globale : « c’est un renouveau profond et comme une renaissance », ou sectorielle: « vivre
10
seule sera durable », « la thérapie a modifié certains schémas insécures », « j’avance vers
l’autonomie psychique ».
Quels facteurs influencent la satisfaction des répondants ?
Les effets respectifs de la profession (psychologue/étudiant en psychologie ou non
psychologue), du caractère terminé ou non de la thérapie, de l’âge (plus ou moins de 40 ans),
du type de thérapie (psychanalytique ou non), de la durée de la thérapie (plus ou moins 2 ans),
et du sexe ont été systématiquement testés sur les quatre réponses quantitatives suivantes :
satisfaction globale de la thérapie, impact global sur la vie des répondants, satisfaction par
rapport aux attentes et durabilité des changements. Des tests affinés ont été également réalisés
en ne prenant en compte que les groupes satisfaits/très satisfaits, impact positif/très positif,
plutôt durable/non durable. Les comparaisons de proportions ont été faites à l’aide des tests du
χ2 ou de Fischer (annexe 2), et mis à part l’effet de l’âge sur l’impact global susmentionné,
aucun effet de ces 6 facteurs sur la satisfaction n’a été mis en évidence.
Cependant, les répondants éclairent cette question en répondant massivement aux deux
dernières questions qualitatives: « À votre avis, quel est le critère déterminant de la réussite
d’une thérapie ? » et « Comment imaginez-vous la thérapie idéale ? »
Les critères de la réussite cités sont, par ordre d’importance :
- Une bonne relation thérapeutique : « l’alliance », « la relation », «l’alchimie » ;
- Le thérapeute lui-même (obédience, qualités humaines, compétence) : « authenticité»,
« qu’il soit capable de voir l’humain derrière les symptômes », « empathique et à
l’écoute », « qu’il ait fait lui-même une thérapie » ;
- Des résultats thérapeutiques (disparition des symptômes, prise de conscience): « un
rapport au monde apaisé », « comprendre », « arrêt de la souffrance », « être au clair
avec soi », « contrôler ses pensées négatives » ;
- Le patient lui-même (effort, volonté) : « se remettre en question », « motivation »,
« sincérité », « volonté », « patience », « persévérance », « temps consacré ».
11
Figure 8: Nuage de critères de réussite cités librement (N=62)
Si quelques répondants déclarent que « la thérapie idéale ça serait de ne pas en avoir
besoin ! » ou qu’« idéalement, on pourrait être guéri par le port indolore d’un casque durant
quelques minutes ! », la plupart décrivent la thérapie idéale comme « rapide », « efficace »,
« soulage », permettant d’être « heureux et épanoui ». Elle s’appuie sur une bonne relation
thérapeutique, « bienveillante», « à l’écoute», « qui « accompagne vers l’autonomie ». Enfin,
elle doit être adaptée à « la personne » et « au moment ». Seuls 10% évoquent un faible coût
ou un thérapeute particulièrement disponible, « sans délai d’attente ».
DISCUSSION
Le taux de satisfaction très élevé (94%) peut interroger : cette étude n’a-t-elle touchée que les
personnes satisfaites? Les résultats d’autres enquêtes ne plaident pas en faveur d’un tel biais :
leurs taux de satisfaction sont comparables. Ceux des sondages BVA/CSA sont
particulièrement intéressants car issus d’échantillons représentatifs. Rapportés à la population
française, 3 millions de personnes auraient expérimenté la psychothérapie en 2001, 8 millions
en 2006, et en seraient majoritairement satisfaites.
12
Tableau 1: Comparaison des taux de satisfaction
Au-delà de leur satisfaction, la très grande majorité des répondants rapporte un impact positif
de la thérapie sur leur vie, avec des prises de décisions concrètes et des changements durables.
Leur ressenti subjectif semble donc valider le consensus scientifique d’efficacité des
psychothérapies.
Toutefois, notre échantillon de répondants reste limité, et comporte des biais de recrutement
imprévus. La surreprésentation des thérapies d’orientation psychanalytiques (37%) est
comparable dans les sondages BVA/CSA (30%), reflétant peut-être l’offre thérapeutique
française. Les femmes sont également majoritaires dans les sondages BVA/CSA (2/3) et
MGEN (73%), ces dernières consultent davantage que les hommes. La surreprésentation des
psychologues, inédite à cette étude, peut être expliquée par le fait que les internautes
répondent plus facilement aux études concernant leur profession ou leurs intérêts et les font
suivre à leur réseau. Si les biais d’échantillonnage n’ont pas impacté les réponses, leur
présence interroge le canal de diffusion de cette étude.
L’évaluation des psychothérapies par les répondants semble peu impactée par le sexe, la
profession, la durée de la thérapie ; l’effet de l’âge sur l’impact de la psychothérapie reste
isolé. Ces résultats mériteraient d’être consolidés avec un échantillon plus conséquent et
représentatif, sachant que l’enquête MGEN souligne des différences d’usages de la
psychothérapie en fonction du sexe, de l’âge, et du niveau d’étude ; et que les enquêtes de
Martin Seligman et du CSA rapportent un effet de la durée de la thérapie sur son efficacité.
Les facteurs influençant l’évaluation des répondants sont esquissés dans les réponses
qualitatives. Ainsi, la bonne relation - ou alliance - thérapeutique n’est pas seulement perçue
comme un médiateur de la psychothérapie (les patients satisfaits le sont aussi de la relation
avec leur thérapeute, sans pouvoir conclure sur le sens de la causalité), mais également
13
comme un critère de réussite. La qualité de cette relation est d’ailleurs une résultante d’autres
critères cités comme propres au thérapeute ou au patient. Ainsi, le ressenti subjectif des
répondants va dans le sens des résultats scientifiques présentant l’alliance comme un facteur
commun intégrateur et fondamental de l’issue d’une psychothérapie (Bioy & Bachelard,
2010). Cela peut expliquer pourquoi le bouche-à-oreille reste prépondérant dans le choix du
thérapeute.
L’efficacité de la thérapie est également un critère de réussite primordial pour les consultants,
ce qui est compréhensible au vu de leurs attentes initiales (soulager la souffrance et
comprendre).
Le recueil mixte de données est donc précieux pour recueillir l’avis des patients et rechercher
les facteurs qui influencent leur satisfaction, mais il montre ses limites en ligne. Les
répondants sont par exemple plus à l’aise en évaluant globalement que dans le détail. Les
réponses indifférenciées ou inadéquates aux questions portant sur l’impact de la thérapie sur
les cognitions, émotions, comportements et sensations indiquent que les distinctions entre ces
domaines sont mal maîtrisées. De même, certaines (rares) incohérences de réponses peuvent
difficilement être levées par écrit. Des entretiens complémentaires en face-à-face
permettraient d’accompagner le répondant dans le cheminement de sa pensée, et d’améliorer
la finesse d’analyse.
De nouvelles données pourraient être collectées à l’avenir. Une analyse de personnalité
permettrait d’en savoir plus sur les répondants, et il serait intéressant de recueillir en parallèle
l’avis des psychothérapeutes de façon structurée.
CONCLUSION
Cette étude avait pour objectif de donner la parole aux patients ayant expérimenté une
psychothérapie, une pratique peu courante dans les protocoles d’évaluation. Elle permet
d’établir sur un échantillon restreint (N=63) que les répondants sont très majoritairement
satisfaits de leur thérapie et la reconnaissent comme efficace à plusieurs niveaux. Le
consensus scientifique sur l’efficacité globale des thérapies semble donc reconnu par les
principaux intéressés. La méthodologie mixte s’avère précieuse pour étudier ce qui influence
le ressenti des patients.
14
Les enquêtes similaires sont rares, parcellaires et peu actualisées. De nouveaux recueils de
données, plus exhaustifs et représentatifs, seraient indispensables pour consolider les
connaissances, en privilégiant la parole libre.
Ces résultats exploratoires encouragent à accorder une pleine place à l’expertise du patient
dans les études d’évaluation afin qu’il devienne un partenaire de recherche, contributeur actif
à l’amélioration des psychothérapies.
RÉFÉRENCES
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