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No 5725. - LA PROPOSITION DE DIREûriVE EUROPEENNE SUR LA STRUCTURE DES SOCIETES ANONYMES 1. Les travaux poursuivis depuis de nombreuses années par les services de la Commission européenne en collaboration avec les experts gouvernementaux, en vue de l'élaboration d'un droit des sociétés coor- donné et harmonisé ont déjà abouti à la mise au point de cinq pro- positions de directives fondées sur l'article 54-3 (g) du Traité de Rome. Cependant, seule une directive a été jusqu'à présent adoptée par le Conseil : elle s'attache à la coordination des règles concernant la publicité, la validité des engagements pris par les organes ainsi que la nullité .des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés à responsabilité limitée (1). Les autres textes sont toujours en suspens au niveau du Conseil des Ministres. Ainsi, la Commission européenne a proposé, en avril 1970, une directive en vue d'harmoniser les prescriptions nationales en ce qui coneertie la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (2). Elle a, par ailleurs, transmis au Conseil une proposition visant à coordonner les législations des Etats membres concernant les fusions internes de sociétés anonymes et à obliger les pays de la Communauté qui ignorent l'institution de la fusion à l'introduire dans leur législation nationale (3). Plus récemment encore, la Commission a proposé une réglementa- tion très complète de la structure et du contenu des comptes annuels (bilan, compte de profits et pertes, annexe) et du rapport de gestion, des modes d'é.valuation ainsi que .de la publicité de ces documents (4). Enfin, le 9 octobre 1972, elle a soumis au Conseil une proposition de cinquième directive (5) qui vise au rapprochement des législations nationales dans trois domaines : fjl) Directive du 9 mars 1968, J.O.C.E., L 65 du 14 mars 1968. A eet égard, on notera la position singulière de la Belgique qui n'a pas encme adapté son droit en conséquence alors que la directive prescrivait pour ce faire un délai de 18 mois à compter de sa notification (11 mars 1968), c'est-à-dire jusqu'au 11 septembre 1969. (2) J.O.C.E., n° C 48 du 24 avril 1970. (3) J.O.C.E., no C 89 du 14 juillet \1970. Cette directive devait dans !'esprit de ses auteurs faciliter l'élaboration d'une convention en matière de fusion internationale fondée sur l'article 220 du Traité de Rome. J.O.C.E., no C 7 du 28 janvier 1972. (5) .T.O.C.E., no C 131 du 13 décembre 1972 et Bu!J. europ., Suppl. 1072. No 5725 1

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No 5725. - LA PROPOSITION DE DIREûriVE EUROPEENNE SUR LA STRUCTURE DES SOCIETES ANONYMES

1. Les travaux poursuivis depuis de nombreuses années par les services de la Commission européenne en collaboration avec les experts gouvernementaux, en vue de l'élaboration d'un droit des sociétés coor­donné et harmonisé ont déjà abouti à la mise au point de cinq pro­positions de directives fondées sur l'article 54-3 (g) du Traité de Rome. Cependant, seule une directive a été jusqu'à présent adoptée par le Conseil : elle s'attache à la coordination des règles concernant la publicité, la validité des engagements pris par les organes ainsi que la nullité .des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés à responsabilité limitée (1).

Les autres textes sont toujours en suspens au niveau du Conseil des Ministres.

Ainsi, la Commission européenne a proposé, en avril 1970, une directive en vue d'harmoniser les prescriptions nationales en ce qui coneertie la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (2).

Elle a, par ailleurs, transmis au Conseil une proposition visant à coordonner les législations des Etats membres concernant les fusions internes de sociétés anonymes et à obliger les pays de la Communauté qui ignorent l'institution de la fusion à l'introduire dans leur législation nationale (3).

Plus récemment encore, la Commission a proposé une réglementa­tion très complète de la structure et du contenu des comptes annuels (bilan, compte de profits et pertes, annexe) et du rapport de gestion, des modes d'é.valuation ainsi que .de la publicité de ces documents (4).

Enfin, le 9 octobre 1972, elle a soumis au Conseil une proposition de cinquième directive (5) qui vise au rapprochement des législations nationales dans trois domaines :

fjl) Directive du 9 mars 1968, J.O.C.E., n° L 65 du 14 mars 1968. A eet égard, on notera la position singulière de la Belgique qui n'a pas encme adapté son droit en conséquence alors que la directive prescrivait pour ce faire un délai de 18 mois à compter de sa notification (11 mars 1968), c'est-à-dire jusqu'au 11 septembre 1969.

(2) J.O.C.E., n° C 48 du 24 avril 1970. (3) J.O.C.E., no C 89 du 14 juillet \1970. Cette directive devait dans !'esprit

de ses auteurs faciliter l'élaboration d'une convention en matière de fusion internationale fondée sur l'article 220 du Traité de Rome.

~4) J.O.C.E., no C 7 du 28 janvier 1972. (5) .T.O.C.E., no C 131 du 13 décembre 1972 et Bu!J. europ., Suppl. 1072.

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a) l'organisation structurelle de la société anonyme ; b) l'arrêt et le controle .de ses comptes annuels ; c) la participation des travailleurs à l'organe de surveillance de

la société. A l'exception de la dernière question, ces matières ont fait l'objet

de rapports préalables établis par les professeurs R. Houin, M. Mabilat et H. Würdinger.

La présente étude a pour objet de souligner les principales orien­tations de la directive qui, à maints égards, innovent profondément par rapport au droit beige actuel mais rejoignent d'une manière géné­rale celles qui ont guidé les auteurs du projet de ré.forme des sociétés cammerciales (6).

A. L'organisation structurelle de la société anonyme .

. 2. Dans la structure classique, tous les pouvoirs émanent de .!'assem­blée qui en tant que pouvoir suprême de la société anonyme, détermine sa politique générale et en confie l'exécution à un organe collectif, Ie conseil d'administration. Seule la gestion journalière peut être exer­cée par une ou plusieurs persounes déléguées à cette fin.

Il n'est pas besoin de souligner que cette vision se trouve largement démentie par les faits. Si la plénitude du pouvoir de !'assemblée est eneare souvent assumée dans les sociétés anonymes « fermées », notaro­ment dans les entreprises familiales, il n'en est rien dans les grandes entreprises, singulièrement celles dont les titres sont

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cotés en bourse. Les raisons de ce déclin de !'assemblée sont connues et dues plus par­ticulièrement à l'absentéisme des actionnaires (7). Aussi, le pouvoir réel passe-t-il entre les mains de certains administrateurs, le röle de !'assemblée se limitant le plus souvent à entériner ce qui a été décidé et réalisé par les dirigeants effectifs. Ainsi, «la démocratie devient une oligarchie ». Cette évolution se trouve au demeurant renforcée par Ie jeu de clauses statutaires qui étendent les pouvoirs du conseil d'administration (8).

r(6) Voy. ad. gen. sur Ie projet de réforme, P. VAN OMMESLAGHE, .La réforme des sociétés anonymes, Revue « Epargner et Investir ,>, juillet-août 1965, pp. 1 à 40 et J. RENAULD, Le droit de la société anonyme à l'épreuve: exi­gences et perspectives de réforme en Belgique, dans Evo1lution et perspectives du droit des. sociétés à la lumière des différen~es expériences naiionales, G~uffré, Milan, 11968.

(7) Voy. P. VAN OMMIESLAGHE, Le régime des sociétés par action's et leur administration en droit comparé, 1960, pp. 253 et suiv. et les références.

(8) Voy. P. VAN OMMESLAGHE, op. cit., p. 256. C.omp. avec la situation aux Etats-Unis, J. CHAMB.OULIVE, La direction des sociétés par actions aux Etats-Unis d'Amérique, 1964, pp. 94 et suiv.

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Par ailleurs, la pratique révèle que les gLandes sociétés délèguent souvent à un organe plus restreint, appelé comité de direction, des pouvoirs beaucoup plus étendus que la simple gestion journalière, le conseil d'administration se bornant à exercer un controle parfois très lache sur la gestion.

La proposition de la C.E.E. s'efforce de mettre le droit de la société anonyme en concordance a;vec cette pratique en optant pour un système qui confie l'administration de la société à ,deux organes dis­tincts : la direction et le conseil de surveillance.

Cette structure « dualiste » répond également à des préoccupations de « management » par une répartition rationnelle des fonctions et de proteetion des .actionnaires et des tiers par une délimitation claire des respons'!-bilités respectives. Enfin, elle tend à palier à la· carenee de !'assemblée générale par l'organisation d'une surveillance continue de la gestion sociale.

Ce sys~ème qui est inspiré du droit allemand (9) est également retenu .par les auteurs du projet beige de réforme du .droit des sociétés. Il se retrouve aussi dans le droit néerlandais et y est obligatoire pour les « grandes » sociétés anonymes et sociétés à responsabilité limitée, c'est­à-dire celles qui ont des fonds propres s'élevant à plus de 1U millions de florins et occupant plus de cent travailleurs (10). En France, le régime dualiste est facultatif ( 11).

3. La Commission européenne propose une structure de la société comportant au moins trois organes : le directoire chargé de la gestion et de la représentation de la société; le conseil de surveillance qui a pour mission principale le controle de l'organe de direction et enfin, l' assem~ blée générale. L'organisation de cette structure est uniforme; il n'est point laissé le choix entre ce système et celui traditionnel du conseil d' administration, car selon la Commis si on, ce dernier « ne donne pas de garanties équivalentes aux actionnaires et aux tiers » (12).

a) Le directoire.

4. La nomination et la révocation des membres du directoire sont de la compétence exclusive du conseil de surveillance (13). La dispo-

(9) Voy. pour plus de détails, M. HUYS et G. KiEUTGEN, Considérations relatives à la place de l'actionnaire dans la société an.onyme, Etude de droit com-· paré, Revue « Epargner et lnvestir », juillet-septembre 1972, pp. 15 et suiv.

10) Art. 50 et suiv. C. Com. (11) Art. 118 et suiv. de Ja loi no 537 du 24 juillet ;1966. (12) Voy. cependant dans :un sens favorable à l'option facultative, Ie Rapport

Houin, Doe. 12.364, p. 5. (13) Art. 3, par. 1 et 13, par. ·1.

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sition du projet beige de réforme prévoyant que la révocation des membres de l'organe de direction peut être décidée également par !'assemblée générale est donc incompatible avec le principe de la direc­tive. Dans Ie chef des ;auteurs de la réforme cette disposition visait essentiellement, sous peine de fausser les mécanismes sociétaires, à maintenir un lien entre ceux à qui la gestion est confiée et ceux qui représentent les capitaux investis dans la société.

La directive ne précise pas les conditions dans lesqueUes cette révocation peut être effectuée. Il appartiendra dès lors à la loi ou aux statuts à en déterminer les modalités. La réforme beige dispose à eet égard que les membres du directoire nommés pour une durée déter­minée ne peuvent être révoqués que pour des motifs graves. En revanche, lorsqu'ils sont désignés pour une durée indéterminée, leur révocation est subordonnée à un préavis d'au moins six mois, sauf motifs graves. Ces dispositions de la réforme qui se situent dans une approche plus institutionnelle que contraduelle de la société (14) ten­dent à remédier à la situation précaire actuelle des administrateurs résultant de ce qu'ils sont toujours révocables « ad nuturn » par !'assemblée générale.

Le nombre de membres de l'organe de direction n'est pas donné par le texte communautaire (15). Les droits nationaux pourront y pourvoir encore qu'il soit malaisé pour un législateur d'arrêter «in abstracte » un chiffre, lequel ne peut être fonction que d' éléments tels que l'importance de la société et la nature de l'activité sociale'. C'est la raison pour laquelle Ie projet de réforme en laisse le soin aux statuts ou, à défaut, au conseil de surveillance ( 16).

Les membres du directoire qui doivent être obligatoirement des personnes physiques (17), ne peuvent exercer dans une autre entre­prise une activité, salariée ou non, pour leur propre compte ou pour autrui que moyennant autorisation du conseil de surveillance (18).

(14) Voy. sur ce point, M. HUYS et G. KEUTG:EN, op. cit., pp. 12 et 13. (15) Voy. en sens contraire, l'art. 76, al. 2 de la Joi allemande (Aktien.gesetz -

en abrégé Aktg) disposant que dans les sociétés dont Ie capital est supérieur à trois millions de D.M., Ie directoire doit être constitué en principe de deux persounes au moins. En France, Ie directoire doit ayoir de deux à cinq membres, sauf dans Jes petites sociétés ou i1 peut se réduire à lfln directeur unique (a'ft. 119). On sait qu'à l'heure actuelle, seJon Ia loi belge, ld nombre des administrateurs est de trois au moins (art. 55). 1

01'6) Le projet y apporte cependant une limite : Ie nombre des membres du directoire ne peut excéder celui des membres du conseil de surveillance.

(17) .Atrt. 5, par. 1. Voy. dans Ie même sens, art. 76, par. 3 Aktg et art. 120 de la loi française de 1966. Le projet beige de réforme retient une même solution.

(18) Art. 9, par. 1 et 2. No 5725

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Cette disposition qui est reprise du droit allemand (19) et qui trouvera à s'appliquer particulièrement dans Ie cadre de groupes de sociétés, vise à éviter que les intérêts de la société soient lésés par suite d'un cumul d'activités dans Ie chef de certains membres de son directoire.

L'organe de direction est tenu d'informer régulièrement Ie conseil de surveillance sur la marche des affaires de la société (20). A eet effet, il doit lui soumettre au rnains tous les trois mois un rapport écrit. Il .doit également présenter au conseil de surveillan;ee, dans les trois mois suivant la clöture de chaque exercice, les projets de comptes sociaux (21). Enfin, l'organe de surveiHa~ce peut demander à tout moment au directoire, un rapport spécial sur toute affaire intéressant la société (22). La directive ne règle pas Ie contenu de ces divers rap­ports : il appartiendra éventuellement à la loi ou aux statuts de donner les précisions rèquises à eet égard.

b) Le conseil de surveillance.

5. Les membres de l'organe de surveillance sont nommés par !'as­semblée générale (23), sous réserve des modes de désignation particu­Hers applicables aux sociétés anonymes employant au moins 500 sala­riés (voy. intra, no 18 et suiv.). Ils peuvent être révoqués à tout moment dans les mêmes conditions (24). En effet, i1 ne s'agit pas de personnes qui consacrent tout leur temps aux affaires de la société, de sorte que les raisons qui militent en faveur d'un minimum de stabilité pour les membres de l'organe de direction ne jouent pas en l'occurrence.

Les législations nationales ne pourront donc subordonner la révocaw tion des personnes constituant Ie conseil de surveillance à la réalisa­tion de certaines conditions (25).

(19) Art. 88 Aktg. En droit italien, l'autorisation de !'assemblée est requise pour qu'un administrateur puisse exercer personnellement ou pour Ie compte d'autrui une activité concurrente (art. 2390 C. civ.).

(20) Art. 11. (211) Les comptes sociaux comprennent Ie bilan, Ie compte de profits et pertes,

les annexes et Ie rapport de gestion. (212) Les art. 90 Ak.tg et 128 de la loi française précisent également les rap­

poris périodiques que Ie directoire doit présenter au conseil de surveillance ainsi que Ie pouvoir de ce demier de procéder à des contróles ou vérifications. Il en est de même du projet beige: de réforme.

(23) Art. 4, par. 4. (24) Art. 13, par. 1. (25) Ceci correspond au principe du droit belge de la révocabilité ad nutum.

Pour les autres législations, voy. P. VAN OMMESLAGIHE, Le régim:e des socié­tés par actions et leur administr~tion en droit comparé, op. cit., pp. 247 et suiv.

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Le conseil est en principe composé de persounes physiques (26) ; latitude est toutefois laissée aux législations nationales d'autoriser des persounes morales à être membres de l'organe de surveillance. Néan­moins, dans ce cas, la personne morale doit désigner un représentant permanent encourant les mêmes responsabilités que s'il était 'lui-même membre du conseil et ce, sans préjudice de l'éventuelle responsabilité de la personne morale qu'il représente (27). Cette disposition, inspirée du droit français et du projet beige de réforme, tend notaroment à assurer une continuité dans Ie controle de la gestion sociale (28).

6. La directive qui n'arrête pas Ie nombre de membres du conseil de surveilance (voy. cependant intra, no 18) (29) lui réserve un_e double compétence :

1 o contróler en permanence l' activité du directoire.

A eet effet, Ie conseil de surveillance peut exiger du directoire tous les renseignements et documents utiles et p~océder à toutes les vérifi­cations nécessaires (30). Ces droits peuvent tnême être exercés par un tiers des membres de l'organe de surveillanc6, ceci de manière à éviter toute collusion entre Ie groupe ·majoritaire du conseil et Ie directoire. La salution retenue à eet égard constitue un compromis entre les thèses extrêmes du .droit français qui ne reconnaît ces droits qu'au conseil agissant collégialement (31) et du projet beige de réforme qui dispose que chacun .des membres du conseil de surveillance a un droit illimité de regard et de controle sur toutes les opérations de Ia société (32). Par ailleurs, la directive autorise l'organe de surveillance à déléguer l'exercice de ses pouvoirs à un ou plusieurs de ses membres ou à des

(26) Il faut ino·ter à eet égard que la proposition de directive prévoit à l'instar des législations allemande (art. 100 Aktg) et française (art. 136 de la loi de L966) une limitation quant au nombre de mandats pouvant être détenus par une personne physique dans les conseils de surveillance (art. 9, par. 3).

(27) ..Aort. 5, par. 2. (28) Art. 13 5 de la loi française de 1966. En revanche, Ie droit allemand ne

permet pas à une personne morale d'être membre de l'Aufsichtsrat (art. 100, par. 11).

{29) Le projet beige de réforme dispose que leur nombre est déterminé par !'assemblée générale dans les limites fixées par les statuts, sa!ns pouvoir être inférieur à trois. En Allemagne, Ie conseil comprend trois membres au moins et ne peut dépasser neuf, quinze ou vingt et un membres selon l'importance du capita! social (art. 95 Aktg). En droit français, Ie seuil minimal est de trois memlbres, avec un maximum de douze membres, ce chiffre pouvant être porté à vingt-quatre en cas de fusion (a•rt. 129).

(3 0) Art. 11. Voy. dans Ie même sens, Ie projet beige ainsi que les lois alle­mande (art. 90 et 111, par. 2 Aktg) et française (art. 12'8).

(31) Art. 12'8. (32) Camp. avec Ia salution allemande, art. 90 et 111, par. 2 Aktg.

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experts. La possibilité d'un recours à ces derniers, également prévue en droit allemand (33), par exemple pour approfondir des questions d'ordre technique ou écm~omique, si elle ne modifie pas la responsa­bilité globale de l'organe de surveillance, constitue néanmoins une innovation peu heureuse. Elle ouvre, en effet, la voie à des interféren­ces de tiers dans la vie de l'entreprise et à des conflits en raison de fatales différences d'optiques. Faut-il en outre souligner que cette faculté apparaît malsaine dans la mesure ou elle constitue une incita­tion pour le conseil de surveillance à abdiquer ses pouvoirs au profit de personnes étrangères à la société alors que précisément l'instaura­tion d'un tel conseil vise à assainir une situation caractérisée par le fait que trop souvent le conseil d'administration traditionnel n'exerce pas la plénitude de ses pouvoirs. Ne faut-il pas au demeurant craindre qu'en cas de conflit d'intérêts entre les représentants du capital et ceux du travail au conseil de surveillance (34), i1 soit fait appel à ces experts comme arbitres ?

2° donner son accord à toute décision importante pour la société (35).

L'autorisation du conseil de surveillance est requise pour toute déci­sion du directoire ooncernant :

- la fermeture OU le déplacement de J'entreprise OU de parties im­portantes de celle-d ;

-· des restrictions OU extensions importantes de l'activité de J'en­treprise; d'importantes modifications dans son organisation ; l'établissement d'une coopération dur.able avec d'autres entre­prises ou la cessation d'une telle coopération.

Par ailleurs, la loi nationale ou les statuts pourront subordonner à Passentiment préalable du conseil de surveillance d'autres opérations telles que l'acquisition ou l'aliénation d'immeubles ou encore des enga­gements dépassant certains montants (36).

La nécessité d'une autorisation préalable du conseil de surveillance appelle une double observation.

Aucune législation ne contient une énumération des actes nécessitant rassentiment du ~onseil de surveillance. Par ailleurs, outre Ie fait que

(33) Art. 111, par. 2 in fine. (34) Voy. infra, n° 18. (35) Art.12. (36) Le texte de la drrective oorrespollld sur ce point au projet de statut de

société européenne (art. 66). Voy. à ce sujet, G. KEUTGEN et M. HUYS, Demain, la société européenne ?, J.T., 1971, p. 488.

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Ie lib.ellé de ces opérations est pour Ie moins imprécis et pourra donner lieu à controverses, il faut bien constater que l'énumération semble établie essentieHement en fonction d'impératifs de caractère social. En effet, si l'on s.e réfère au projet de statut de société européenne dont cette disposition est reprise, on constate que ces mêmes actes requièrent également l'avis préalable du comité européen d'entreprise dans Ie but d' « exercer une influence sur la formation de la volonté du direc-toire» (37). 1

D'autre part, la proposition recèle un risqub de confusion des roles respectifs du directoire et du conseil du fait rlotamment que la loi ou les statuts peuvent soumettre toutè opération à autorisation préalable ; à la limite, tout actede gestion pourrait être subordonné à l'aocord du conseil de surveillance, de sorte que les raisons qui plaident en faveur de la structure bycéphale se trouveraient anéanties.

Cette déviation est d'autant plus à craindre que, contrairement notarument au projet beige de réforme, Ie texte communautaire n'inter­dit pas explicitement l'intervention directe du conseil de surveillance dans la gestion des affaires sociales.

c) Dispositions communes au directoire et au conseil de surveillance. La proposition de .directive envisage encore les incompatibilités frap­

pant les membres du directoire et du conseil (38), la durée de leur mandat (39) et leur rémunération ( 40).

De plus, elle subordonne toute convention à laquelle un membre du directoire ou de l'organe de surveillance .a un intérêt même indirect, à 1' autorisation de ce dernier ( 41). Cependant, des tiers peuvent être amenés à condure avec la société en ignorant si la convention en cause touche aux intérêts d'un des membres des organes sociaux ou si l'auto­risation .a été donnée régulièrement. Aussi, en vue de protéger les tiers de bonne foi, la proposition prévoit-elle que eabsence d'autorisation ou ·son irrégularité ne sont opposables aux tiers que si la société prouve qu'ils en avaient connaissance ou ne pouvaient l'ignorer, compte tenu des circonstances. Il s'agit donc d'une extension de la proteetion pré­vue au profit des tiers par la première .directive (42). En effet, selon

{37) Art. 125 et exposé des motifs relatif à cette .disposition. Voy. à ce sujet, G. KEUTGEN et M. HUYS, Demain, la société européenne ?, op cit., p. 490.

(38) Art. 6. (39) Art. 7. (40) Art. 8. (41) Art. 10. (42) Une analyse très pénétrante et très fouillée de cette directive a été donnée

par Ie professeur P. VAN OMMESLAGHE dans les Cahiers de droit européen, 1969, pp. 495 et suiv.

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cette dernière, les limitations statutaires des organes sociaux sont inop­posables aux tiers à l'inverse de celles résultant de la loi (43). Or, dans le cas présent, l'obligation d'un assentirneut du conseil de surveillance constitue une restrietion découlant de la loi.

Une même proteetion est assurée aux tiers de bonne foi lorsqu'ils passent a vee le directoire un acte qui aurait dû recueillir 1' agrément préalable du conseil de surveillance (voy. supra, no 6).

8. La directive fait par .ailleurs obligation aux législations nationales d'organiser la responsabilité civile des membres du directoire et du conseil de surveillance selon certains principes communs (44).

Les organes sociaux doivent être tenus au moins de réparer le préjudice causé à la société à la suite de la vialation de la loi ou des statuts ou d'un .acte de gestion fautive ou d'une vialation du devoir de surveillance.

La directive qui consacre sur ce point une évolution décelable dans la plupart des législations de la C.E.E. (45), ne pose cependant qu'un principe dont la mise en reuvre concrète devra encore être précisée par les droits nationaux sans que ceux-ci pulssent néanmoins se situer en-deça du régime communautaire.

Les membres du directoire et du conseil de surveillance engagent solidairement leur responsabilité vis-à-vis de la société\ car Ie carac­tère collégial des organes sociaux permet difficilement de déterminer Ie membre responsabie du préjudice causé. I1 suffit donc que la société établisse Ie dommage ainsi que Ie manquement incombanJ à l'organe collégial pour que_les membres de celui-ei soient présumés responsa­bles de cette faute (46). Chacun des membres peut néanmoins démon­trer qu'elle ne lui est pas personnellement imputable (47). Ce régime de la responsabilité ne peut être mis en échec par une répar­tition des attributions entre les membres de l'organe (48). De même,

(43) Art. 9, par. 2. (44) Art. 14. (45) Voy. P. VAN OM:MESLAGHE, Le régime des sociétês par actionset leur

admini'stration en droit comp:aré, op.cit., no 308 et M. HUYS et G. KEUTGEN, Considérations relatives à la place de l'actionnaire dans 1~ société, a1nonyme, op. cit., .pp. 58 et suiv.

( 4!6) Se Ion les droits nationaux, la société aura cependant encore à établir Ie Hen de causalité entre la faute et Ie dommage (voy. pour la Belgique, art. 62 lois coord.). On notera cependant que l'Aktiengesetz allemand prévoit une présomption de lien de causalité et de dommage pour un certain nombre de fautes graves limitativement énumérées comme la restitution illicite d'apports aux actionnaires (art. 93 et 116).

(47) Comp. P. VAN OMMESLAGHE, Le régime des sociétés par actions et leur administration en droit comparé, op. cit., no 311.

\( 48) Le projet de réforme re ti ent sur ce point une salution analogue.

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l'.autorisation donnée selon les cas par Ie conseil de surveillance ou par !'assemblée générale, voire même Ie quitus de cette dernière ne font point obstacle à l'action sociale (49).

Cette action peut être mise en ceuvre soit par !'assemblée, soit par une minorité d'actionnaires. Dans Ie premier cas, conformément à notre droit actuel (50'), !'assemblée générale doit statuer à la majorité absolue des voix exprimées par les ac,tionnaires présents ou repré­sentés (51).

La renonciation au droit · d'exercer I' action sociale est subordonnée à une décision expresse de !'assemblée générale ayant ce point à son ordre du jour et portant sur le .dommage causé à la société (52). Cette disposition vise manifestement à assurer que les actionnaire·s appelés à se prononeer sur cette renonciation soient parfaitement informés sur la portée de la décision. Cependant, une minorité d'actionnaires peut s'opposer à cette renonciation e.t sauvegarder ainsi son droit de mettre en ceuvre une action sociale minoritaire.

Les mêmes règles sont d'application pour toute transaction conclue entre la société et un membre d'un organe dont la responsabilité est mise en cause (53).

Quant à la mise en ceuvre de l'action sociale minoritaire, la directive ne fixe que des règles minimales de proteetion : détention au maximum de 5 % du capital social ou d'actions d'une valeur nominale ou d'un pair comptable correspondant au plus à 5 millions de francs belges (54). Les législations nationales conservent dorre toute latitude pour étendre les conditions de mise en ceuvre de l'action sociale minori­taire. Blies pourront même aceorder ce droit à un seul actionnaire sans Ie subordonner à la .détention d'une partie déterminée du capital social.

La solution retenue est inspirée des droits allemand et français (55).

( 49) Selon Ie projet beige de réforme, I' action sociale ne peut être intentée par ceux qui ont voté la décharge, à moins que celie-ei ne soit pas valable. La directive ne retient pas cette salution estimant que « les actionnaires ne disposent, Ie plus souvent, que d'informations i·nsuffisantes pour apprécier tous les faits susceptibles de susciter un dommage ».

(50) Voy. M. RAË, La responsabilité civile des administrateurs, fandatew's et actionnaires de sociétés anonymes, 1968, p. 49.

(51) Art. 15. (52) Art. 18, par. 2'. (53) Art. 18, par. 3. (54) Art. 16. (55) Voy. art. 147 Aktg qui permet la mise en reuvre de l'action $Ociale par

une minorité représentant au moins ·Ie dixième du capita! social ou des titres d'un montant nomina! de 2 millions de DM. Bn France, l'action peut être inten­tée par tout actionnaire (art. 245 à 247 de la loi de 1966 et 200 et 201 du décret du .~5, mars 1967~. Voy. à ce sujet R. HOUIN e, F. GORÉ, La réforme de'S soc1etes commercza~es, R.D.S., 1967, Chr., p. 137

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Si elle va à l'encontre du droit beige actuel, elle rejoint cependant le projet de réforme qui rétablit l'action sociale minoritaire en prévoyant qu'elle pourra être exercée pour compte de la société par un ou plu­sieurs porteurs de titres disposant au jour de !'assemblée générale d'un vingtième des voix attachées à !'ensemble des titres, sans que cette action puisse être intentée par ceux qui ont voté la décharge (56).

En vue de donner toute son efficacité à l'action sociale, la directive interdit de subordonner sa mise en reuvre à une décision préalable statuant sur les fautes commises par les membres des organes sociaux ainsi que sur le remplacement de céux-ci (57).

Enfin, 1' action sociale peut être mise en reuvre par un créancier qui ne peut se faire payer par la société débitrice (58). Ceci éorrespond au droit allemand, à cette importante réserve près que selon 1' Aktien­gesezt, la responsabilité ne peut être invoquée par les créanciers que s'il y a eu manquement « grave» à l'obligation de diligence qui pèse sur le Vorstand et 1' Aufsichtsrat et s'ils n' obtiennent pas satisfaction de la société (59). La loi française .de 1966 est assurément la plus pro­che de la directive lorsqu'elle dispose de manière géné.rale que « les administrateurs sont responsables, individuenement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion » ( 60).

Le principe ainsi consacré par la directive est que la gestion sociale doit .désormais être considérée comme une « fonction qui entraîne responsabilité, non plus seulement à l'égard de la société ou des asso­ciés, mais aussi à l'égard de ceux dont les droits risqueraient d'être mis en péril par un défaut de prudenee ou de diligence » ( 61).

La nature de cette responsabilité. ainsi que les conditions de sa mise.

(56} Pour plus de détails, voy. M. HUYS et G. K,EUTGEN, Considérations relatives à la place de l'actionnaire dans la société anonyme, op. cit., pp. 61 et suiv.

(57) Art. 17. (58) Art. 19, par. 1. On sait qu'en droit belge, un créancier peut exercer

par voie subrogatoire. I' action sociale que la société néglige d'exercer (art 1166 C.c.). De même, il peut agir en réparation d'un préjudice personnet Voy. ad. gen., sur les conditions de cette responsabilité et les modalités de l'action des créanèiers dans les différentes législations nationales, J. RENAULD~ Réfle­xions sur l'évolution du droit des sociétés ánonymes dans Ze ·Marché commun, Revue, 1967, pp. 131 et suiv.

(59) Art. 93, par. 5 et 116 Aktg. (60) Art. 244. (61) J. RENAUILD, Réflexions sur l'évolution du droit des sociétés anonymes

dans Ze Marché commun, op. cit., p. 132.

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en reuvre .devront encore être définies par les législateurs nationaux. Ainsi, il conviendra de préciser notaroment si les créanciers exercent subrogatoirement l'action de la société et si en conséquence .les excep­tions qui peuvent être opposées à cette dernière, peuvent aussi l'être à l'égard des premiers (62).

Outre l'obligation d'organiser l'action sociale, la directive prescrit aux Etats membres de pré.voir «la réparation au préjudice subi person­neHement par un actionnaire ou un tiers à rJison des violations de la loi ou des statuts ainsi que d'autres fautes commises par les membres des organes de direction ou de surveillance dans l'accomplissement de leurs fonctions » (63). lei encore, la directive se situe dans la ligne des législations nationales qui actmettent toutes qu'en vertu des règles du droit commun de la responsabilité aquilienne, un actionnaire ou un ti ers peut exercer une action en réparation du préjudice personnel ( 64). Les principes qui soutendent 1' action 'Sociale trouveront également à s'appliquer dans le cas présent. Ceci signifie notarument que les action­naires et les tiers qui exercent une action individuelle bénéficient de la présomption frappant les membres du directoire et du conseil de surveillance .ainsi que de la solidarité entre ses membres.

Les actions en responsabilité - du chef d'un dommage causé à la société, à un actionnaire ou à un tiers - ne peuvent être frappées de la prescription qu'au plus tot trois ans à compter du fait domma­geable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation (65).

d) L'assemblée générale.

9. La cinquième directive n'a point pour ob jet de déterminer de manière globale les compétences de !'assemblée générale mais d'assu­rer, dans ce cadre, la proteetion des actionnaires ( 66).

(62) On soulignera toutefois que d'ores et déjà la directive dispose que la renonciation et la transaction précédemment examinées seront sans effet sur l'action en responsabilité intentée par un créa,ncier (art. )19, par. 1).

(63) Art. 20, par. 1. (64) Pour ce qui concerne la Belgique, voy. P. COP\PENS, L'abus de majorité,

p. 120 - R. PIRET, La proteetion des minorités d'actionnaires en ~toit beige, Revue, 1953, pp. 152 à 154 - J. VAN RYN, Principes de droit commercial, t. I, nos 609 et 610 - R. DAL\CQ, Traité de !ai responsabilité civile, t. I, n° 733, 5. Voy. aussi, ad. gen., P. VAN OMMIESLAGHE, Le régime des .wciétés par actions et leur administration en droit comparé, op. cit., p. 545.

{65) Art. 2'1. ( 66) Elle aborde cependant, partiellement la question, en prévoyant pour cer­

taines matières une décision de !'assemblée. I1 s'agit de la nomination et de la révocatióon des membres du conseil de surveillance (art. 4 et 13), de l'exercice de l'action sociale (art. 15), de la renonciation ou de la transaction à ce sujet (art. '18), de la modification des statuts (art. 37), de l'approbation des comptes amiuels (art. 48), de l'affectation des résultats annuels (art. 50) et de la nomina­tion et révocation des controleurs -aux comptes (art. 55 et 61). On se référelf'a pour Ie reste aux dispositions d'une deuxième et troisième directive.

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A cette fin, elle énonce certaines règles minimales relatives aux modes et à la périodicité des convocations des assemblées (67), à leur organisation (68), à l'inscription de sujets à l'ordre du jour (69) et aux conséquences de son non-respect (70) et, enfin, au déroulement des scrutins (71).

10. Le texte communautaire prévoit encore que tout actionnaire a Ie droit de se faire représenter à !'assemblée générale (72). Cette possi­bilité est inscrite dans toutes les législations des Etats membres et est fréquemment considérée contme une facilité d'ordre public (73). Néan­moins, les statuts pourront limiter Ie choix du mandataire à certaines catégories déterminées de personnes, sans cependant pouvoir exclure l~s actionnaires eux-mêmes. Ceci répond à la pratique beige actuelle, les statuts des sociétés disposant fréquemment qu'un actionnaire ne peut se faire représenter que par un autre actionnaire ou un admini·s­trateur. Ce type de clause répond à la préoccupation d'éviter une ingé­rence de ti ers dans la vie sociale (7 4).

Afin de faciliter la preuve du mandat, la directive prévoit que la pro­curation doit être écrite, remise à la société et conservée par elle pendant trois ans au moins.

En revanche, elle ne règle pas .des problèrnes comme celui de l'ad­missibilité du mandat en blanc, conditionnel ou irrévocable. I1 appar­tiendra aux législations nationales d'en examiner Ie traitement juridique.

Lorsqu'un .droit national autorise la sollicitation publique de pro­curations en vue d'assumer la représentation des actionnaires, un

C67) Art. 22, 23 et 24. (68) Art. 29 et 41. (69) Art. 25. (70) Art. 32. (71) Art. 33, 34, 36 et 40. (72) Art. 27. (73) Voy. M. HUYS et G. KlEUTGEN, Considérations relatives à la p/ace

de l'actionnaire dans la société anonyme, op. cit., pp. 21 et suiv. Pour la Belgique, voy. plus particulièrement, art. 74 lois coord. et J. VAN RYN, t. I,, n° 687 et L. FRÉDÉRICQ, t. V, no 490. Seul Ie droit italien ·se singularise en ce qu'il permet que la faculté de représe•ntation soit annihilée par les statuts de la société (art. 2372, al. 1 du Code civil).

(74) Cette possibilité existe aussi en AUemagne (voy. BAUMBACH-RUECK, Aktiengeseîz, pp. 436 et 437 et H. WUIRDINGER, Aktien- und Konzernrecht, p. 75). En revanche, en France, l'actionnaire ne peut se faire représenter que par un autre actionnaire ou par son conjoint (art. 161 de la loi de 1966. Voy. sur ce point R. HOUIN et F. GORÉ, La réforme des· sociétés commerci,ales, op. cit.·~ p. 154). Quant aux droits néerlandais (art. 44 a, al. 3) et italien (art. 2372, al. 2 Code civil), ils dénient aux administrateurs, même actionnaires, Ie droit d'assumer la fonction de mandataire.

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ensemble de règles très précises qui s'inspirent fondamentalement de la législation allemande doit être respecté (75).

La demande de procuration doit en principe être adressée à tous les associés et être accompagnée de certaines indications dont notaro­ment Ie sens dans lequel Ie mandataire compte exercer Ie droit de vote en cas d'absence d'instruction de la part <!Ie l'actionnaire. La praeu­ration doit être écrite et ne peut être donnéd que pour une seule assem-blée ; elle est de plus révocable.

1

·Le mandataire est tenu d'exercer le droit de vote selon les instruc­tions de son mandant et à dé.faut, selon les propositions qu'il a com­muniquées à ce dernier. Il peut toutefois s'en écarter « en raison des circonstances inconnues lors de l'envoi des instructions oude la deman­de de procuration, et lorsqu'on risquerait sinon de compromettre les intérêts de eet actionnaire ». Dans ce cas, le mandataire doit en infor­mer sans délai !'associé et lui fournir les explications nécessaires.

11. Une autre règle reprise également du droit allemand mérite d'être relevée (7 6) : elle concerne le .droit reconnu à tout actionnaire qui en formulelademande lors de !'assemblée d'obtenir du directoire «des renseignements fidèles sur les affaires de la société si ceux-ci sont nécyssaires à une appréciation objective des sujets inscrits à l'ordre du jour» (77). S'agissant ici aussi d'une disposition minimale, les ·légis­lations nationales pourraient soumettre à la même obligation le conseil de surveillance.

La communication d'un renseignement ne peut être refusée que dans deux circonstances déterminées : elle risque de causer à la société un préjudice « non négligeable » ou elle est incompatible avec une obligation légale de secret (78). Les législations nationales ne pour­ront prévoir d'autres possibilités de dérogation portan.t par exemple, comme en droit allemand, sur Ie montant de certains impöts ou sur la différence entre la valeur bilantaire ou la valeur réelle d'un paste (79). Les litiges. résultant du refus de communiquer un renseignement devront être tranchés par les tribunaux (80). La directive ne retient dortc pas Ie principe du projet beige de réforme selon lequel il appar-

(75} Art. _!135 Aktg. Voy. à ce sujet ,pour plus de détails, M. HJUYS et G. KEUTGEN, Considérations relatives à fa place de l'actionnaire dans la société anonyme, op. cit., pp. 24 à 29.

(7 6) Art. 131 Aktg. (77) Art. 31, par. 1 et 2. (78) Art. 31, par. 3. (79) Voy. art. 13-1, par. 3, nos 2 et 3 Aktg. (80) Art. 31, par 4. Voy. dans Ie même sens, art. 132 Aktg.

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tient à !'assemblée de statuer en la matière, sa décision pouvant être annulée par les tribunaux si elle est inspirée par des. fins étr.angères à l'intérêt social et constitue ainsi un détournement de pouvoir. Selon la Commission européenne, Ie recours à !'assemblée « ne garantirait pas une décision objective ».

12. La directive pose en outre un certain nombre de principes con­cernant les conséquences du non-respect des règles qu'elle établit. Ainsi, elle énumère les décisions de !'assemblée générale frappées de nullité ou d'.annulabilité, tout en laissant aux législations nationales la faculté d'opter entre ces deux types de sanctions. Les Etats mem­bres pourront étendre ces sanctions à d'autres manquements comme l'abus ou Ie détournement de pouvoir (81). La directive prévoit égale­ment à propos de chaque vialation des règles prescrites, la personne habilitée à introduire l'action (82). Le délai pour l'introduction sera de trois mois au moins et d'un an au plus,. ceci de manière à protéger les actionnaires contre la fixation de délais trop courts et la société con­tre la possibilité de mettre en cause les décisions de !'assemblée pen­dant de trop longues périodes (83).

B. L'approbation et Ie controle des comptes annuels.

a) L' approbation des compies annuels.

13. En cette matière (84), la directive laisse aux législations natio­nales Ie choix entre la compétence exclusive ou subsidiaire de !'assem­blée générale (85). Dans ce dernier système repris tdu droit alle­mand (86), Ie directoire et Ie ·conseil de surveillance arrêtent conjoin­tement les comptes annuels. Ce n'est qu'en cas de désaccord entre ces organes ou lorsqu'ils décident de lui laisser ce soin que !'assemblée approuve les comptes (87).

(8'1) Art. 42. (82) Art. 43. (83) Art. 44. Le projet beige de réforme retient un délai d'un an tandis qu'il

est de trois ans en France (art. 367, loi de 1966) et d'un mois e•n Allemagne (art. 246, al. 1 Aktg).

{84) Les comptes annuels font présentement l'objet d'une proposition de qua­trième directive de la C.E.E. en ce qui concerne leur structure et leur contenU, les modes d'évaluatian ainsi que la publicité de ces documents. Selon l'art. 2 de cette proposition, les oomptes annuels comprennent le bilan, le compte de profits et pertes ainsi que l'annexe. Voy. ad. gen., W. ELMENDORFiF, Die Rechnungs­legungsvorschriften nach dem Vorschlag einer 4. Richtlinie der Kommission der Europäischen Gemeinschaften, Die Wirtschaftsprüfung, 1972, pp. 29 et suiv.

(85) Art. 48. (86) Voy. les art. 172' et 173, par. 1 Aktg. (87) Art. 48, par. 2. Sur ce point, le projet beige conserve à l'ass·emblée Ie

pouvoir d'arrêter les comptes. No 5725

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Quant à l'affectation des résultats, elle est décidée par !'assemblée générale (88). Ceci correspond à la situation actuelle dans tous les Etats membres. Toutefois, en République fédérale d' Allemagne, la Ioi autorise Ie Vorstand et 'l'Aufsichtsrat d'affecter, sans l'accord des actionnaires, la moitié des bénéfices à des réserves libres (89). La directive tient ·compte de cette particularité du droit allemand et per­met de l'introduire dans les statuts de chaque société (90).

Le texte co~munautaire prévoit enfin la constitution d'une réserve Iégaie d'un montant minimal correspondant à celui prescrit par Ie droit beige actuel (91). Cette réserve ne peut en principe être utilisée qu'à la compensation des pertes pour autant que les .autres réserves ne suffisent pas à cetrt:e fin.

b) .Le controle des compies annuels (92).

14. La vérification des comptes annuels est effectuée par des com­missaires, persounes indépendantes et agréées par une autorité judiciaire ou administrative (93). En. vue d'assurer leur indépendance, la pro­position de la C.E.E. interdit d'une manière générale leur recrutement parmi les .dirigeants et le personnel de la société contrölée, et parrui ceux qui y ont cessé leurs fonctions depuis moins de trois ans (94). Par ailleurs, .les commissaires ne peuvent être nommés à des postes de direction ou faire partie du persounel de la société soumise à con­trole pendant une période d'au moins troi·s ans suivant la fin de leur mandat (95).

D'autres dispositions de la directive tendent à sauvegar.der l'indé­pendance des commissaires. Blies ont trait à la durée de leurs fonc-

(88) Art. 50, par. 1. (89) Art. 58, par. 2 Aktg. (90) Art. 50, par. 2. (9'1) .A.!rt. 49. Com,p. art. 77 lois coord. belges. (92) Pour une analyse de droit comparé sur le commissariat aux comptes, voy.

ad. ge:n., G. KEUTGEN et M. HU!yS, Vers la réforme du revisorat, Rev'. de la Banque, 1973, en part. pp. 18 et suiv.

(93) Art. 52. (94) Art. 53. La prohibition va au~delà de ce qui est prévu dam la plupart

des législ·ations nationales. Comp. art. 65 (S.A.R.L.) et 220 (autres sociétés) de la .loi française de 1966- Art. 164, par. 2 et 3 Aktg -Art. J15 du projet belge de ré:fiorme et art. 161 de la loi britannique de 1948 et art. 13 de La loi de 19'67.

(95) Art. 54. En France, cette période est de cinq ans, voy. art. 65 et 221 de la loi de 1966. En revanche, le projet belge de réforme et l'avis du Conseil central de !'Economie sur le revisorat (Bull. F.I.B., •n° 20 du 15 août 1972, pp. 2431 et suiv.) retiennent un délai de trois ans.

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tions (96), aux conditions dans lesqueUes ils peuvent être révoqués (97) et à la manière dont sont établies leurs rémunérations (9 8).

Les commissaires sont désignés par !'assemblée générale des action­naires et en cas de carenee de celle-ci, par Ie tribunal. Ce dernier peut à l'instar des droits allemand et français, également révoquer le com­missaire nommé par !'assemblée et désigner en lieu et place une autre personne. Cette révocation n'est possible que « pour juste motif »,

notaroment lorsque certaines circonstances permettent la mise en cause de l'indépendance ou de la compétence du commissaire désigné (99). Elle peut intervenir à la demande du directoire, du conseil de surveil­lance ou d'une minorité d'actionnaires habilitée à intenter l'action sociale (voir supra, ll0 8).

Conformément aux tendances législatives actuelles (100), Ie com­missaire doit tout au moins se voir assigner une mission de gardien de la légalité : il s'assure qu.e les comptes ont été établis dans Ie respect de la loi et .des statuts. Dans l'affirmative, il doit l'attester explicitement; dans Ie cas contraire, l'attestation doit être assortie de réserves ou être refusée (101). A eet effet, il dispose de larges pouvoirs d'investigation lui permettant d'une part, d'obtenir auprès de la société1, tous les ren­seigJ;Iements et doeurneuts utiles et d'autre part, de procéder à toutes les vérifications nécessaires ( 102).

Le commissaire est tenu de consigner Ie résultat de ses vérifications dans un rapport qui doit au moins contenir les mentions suivan­tes (103) :

- si les comptes ont été établis conformément à la loi et aux statuts ; - Ie cas échéant, des observations sur les violations de la loi ou

des statuts constatées dans la comptabilité, les comptes annuels ou Ie rapport de gestion ;

(96) Art. 56. (97) Art. 61. (98) Art. 57. (99) Art. 55. Comp. art. 163, par. 2'. Aktg et art. 225 loi française de 1966.

Selon ces deux législations, une minorité d'actionnaires détenant au moins 10 o/o du capita} social peut faire opposition devant le tribunal à la désignation d'un ou de plusieurs commissaires aux comptes par !'assemblée générale et demander la désignation d'autres comrnissaires. L'Aktiengesetz ouvre la même faculté au Vorstand et à l'Aufsichtsrat.

{100) Voy. G. KEUTGEN et M. HUYS, Vers la réforme du revisorat, op.cit., pp. 22 et suiv.

(101) Art. 58. (102) Art. 59. Une disposition analogue se retrouve pratiquement dans toutes

les législations. Parfois même, ce pouvoir d'investigation s'étend aux sociétés affiliées à celle soumise à conbröle. Voy. G. KEUTOON et M. HUYS, Vers fia réforme du revisorat, op. cit., pp. 23, 26 et 27.

(103) Art. 60. No 5725

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le cas échéant, des observations sur les faits oonstatés qui pré­sentent un grave danger pour la situation financière de la société (1 04) ; Ie texte intégral de rattestation et en cas de refus ou de réser­ves, les motifs de la décision du commissaire (105).

La directive se borne donc, une foi·s de plus, à poser des principes qui pourront être développés et complétés par les législateurs natio­naux. Ainsi, ces .derniers pourraient préciser les conditions dans les­queUes rattestation du commissaire peut être refusée ou accompagnée de réserves, charger les commissaires d'autres missions que celle de veiller au respect de la loi et des statuts ou énumérer, à rinstart du projet beige de réforme, d'autres mentions devant figurer dans Ie rap­port des controleurs aux comptes. De même, il leur appartiendra d'apporter des solutions en d'autres matières qui, à juste titre, ne sont point réglées dans la directive car elles ne concernent pas directement la proteetion des associés et des tiers. Il s'agit notaroment du nombre des commissaires aux comptes, de leur participation aux séances des organes sociaux et du règlement des éventuels conflits entre les com­missaires et l'administration de la société.

La responsabilité civile des commissaires peut être mise en oouvre dans les mêmes conditions que celle des administrateurs afin d'assurer la réparation du préju~ice subi par la société, un actionnaire ou un tiers, à raison des fautes cammises dans l'accomplissement de leur mission (1 06).

17. Enfin, en sus des dispositions précédemment exammees sur la nullité ou l'annulabilité des décisions de l'assemblée générale, les lois nationales devront prévoir ce type de sanctions dans certains cas limitativement énumérés à l'encontre des décisions des organes com­pétents pour Tapprobation des comptes annuels (107). Il s'agit, par exemple, de la décision approuvant les comptes nonobstant Ie refus de certification du commissaire.

(1 04) 11 s'agit en l'occurrence d'une disposition qui s'inspire directement du droit allemand (art. 166, par. 2 Aktg. Voy. à ce sujet, BAUMBACH-HUIECK, Aktiengesetz, op. cit., p. 567).

(1 05) Cette disposition va au-delà des exigences légales actuelles qui prévoient en règle générale, uniquement la mention da•ns Ie rapport des conclusions du com­missaire. Voy. notamment art. 230 de la loi française de 1966 et art. 166 Aktg. La mention dans le rapport du texte intégral de rattestation apparaît peu heu­reuse dans la mesure ou celie-ei peut conte•nir des données confidentielles qu'il n'y a pas lieu de odif:6user sur la place publique.

(106) Art. 62; voy. aussi supra, no 8. (107) Art. 63.

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-C. La participation des travailleurs à l'organe d:e sutveillance de la société.

18. La directive prescrit, au moins pour les sociétés anonymes occu­pant 500 salarié-s et plus, une participation des travailleurs à la dési­gnàtion des membres du conseil de surveillance. Cette participation peut être assurée selon Ie système actuellement en vigueur en Répu­blique fédérale d'Allemagne ou celui retenu aux Pays-Bas.

A eet égard, on rappeilera qu'en Allemagne, Ie co;nseil de surveil­lance de toutes les sociétés anonymes, de même que cel ui des sociétés _ à responsabilité limitée et des sociétés de droit minier occupant plus de 500 travailleurs doit être composé pour un tiers'. de représentants des travailleurs. De plus, dans !'industrie houillère et sidérurgique, cette représentation est paritaire, le conseil de surveillance désignant en outre un « Arbeitsdirektor », membre du directoire et chargé plus spécialement des questions relatives au travail (108).

Aux Pays-Bas, les entreprises d'une certaine importance, dont celles qui accupent 100 travailleurs, sont tenues d'instaurer un « Raad van Commissarissen» qui s'apparente au système allemand de l'Auf­sichtsrat. Les membres de ce «Raad» sont cooptés mais !'assemblée générale áinsi que Ie conseil d'entreprise, peuvent exercer un droit de veto. Dans cette dernière hypothèse, et en cas de désaccord de la ·direction, celie-ei peut faire appel auprès .du Conseil Social et Economique (109).

Ces deux modèles ont inspiré les rédacteurs de la proposition de directive.

Selon un premier système, le conseil de -surveillance comprend des membres .désignés pour partie par !'assemblée générale et pour partie par les travai1leurs. Ces derniets doivent pouvoir désigner « au moins »

mi tiers du nombre total des membres du conseil, ce qui signifie qu'une composition paritaire peut être retenue. Quant aux modalités de 1a procédure de désignation de ce tiers, la directive ouvre plusieurs possibilités : le pouvoir de nomination peut être résèrvé soit directe­ment aux travailleurs, soit à leurs représentants siégeant, par exemple au conseil d'entreprise. La nomination peut aussi être délégué.e à un autre organe de la société, par exemple à !'assemblée générale agissant sur proposition des travailleurs ou de leurs représentants.

(108) Mitbestimmungsgesetz du 21 mai 1951 (art. 1 à 3) et loi complémentaire du 7 août !1956 (art. 1 et 2), w;ahlordnung du 18 mars 1953 et Aktiengesetz, art. 95 ·et suiv. Betriebsverfassungsgesetz du 11 octobre 1952, art. 76 et 77.

(109) Art. 52' h C. com.

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Enfin, la directive permet également aux législations nationales de prévoir que la nomination d'un certain nombre de membres du conseil de surveillance échappera à l'intervention de !'assemblée et des travail­leurs (110). Selon !'exposé des motifs, les auteurs de la proposition communautaire ont songé notamment à des représentants de l'intérêt général.

Le second modèle autorise la cooptation des membres du conseil de surveillance. Toutefois, !'assemblée générale ou les représentants des travailleurs disposeront d'un droit de veto à l'encontre d'un candidat proposé « pour incapacité de celui-ei à remplir ses fonctions ou parce que, par sa nomination, la composition de l'organe de surveillance manquerait d'équilibre eu égard aux intérêts de la société, des action­naires ou des travailleurs ». Dans ces cas, l'opposition doit être décla­rée non fondée pat un « organe indépendanf de droit public », pour que la nomination puisse être effective. 1

19. On peut s'interroger sur la valeur de I' instrument juridique retenu pour introduire la participation des travailleurs. En effet, l'article 54, 3 g du Traité de Rome vise à porter remède par voie de coordination aux difficultés qui pourraient surgir de la diversité des législations en matière de proteetion des intérêts « tant des associés que des tiers ». Or, sans entrer dans les controverses que l'interpré­tation de cette disposition a suscitées (111), i1 ne paraît guère cantes­tabie que Ie problème de la participation des représentants des salariés à la gestion ou à la surveillance, malgré son importance sociale et politique, concerne, selon les termes du professeur R. Houin, « davan­tage les relations à l'intérieur de l'entreprise entre Ie capital et Ie travail, que la proteetion des actionnaires et des tiers » (112). N'est­ce pas, dès lors, dans l'élaboration d'un droit nouveau de l'entreprise mettant en place des mécanismes qui permettent la collaboration entre les différents intérêts qui la composent, que Ie problème devrait trouver sa 'Solution? Car, comme Ie souligne très justement Ie profes­seur J. Van Ryn, « une telle collaboration, si on ~Ia veut effective et

(110) Cette disposition est inspirée du droit néerlandais aux termes duquel les statuts peuvent prévoir qu'un ou plusieurs membres du conseil de surveil­lance seront nommés par les pouvoirs publies (art. 52 h C. com.). Cependant, la directive franchit un pas supplémentaire en permettant à la loi d'imposer pareille représentation.

(1111) Voy. en particulier, les analyses très fouillées de MM. les pr-ofesesurs J. RENAULD, Droit européen des sociétés, op. cit., 8.01 et suiv. et P. VAN OMMESLAGHE, La premz'ère directive du Conseil du 9 mars 1968 en matière de sociétés, op. cit., pp. 502 et tmiv.

(112) Rapport, p. 3. N° 5725

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féconde, et non pas purement théorique, suppose une révolution com­plète du régime des entreprises., Ie remplacement par une entité nou­velle de l'entrepris.e dite capitalis.te, dont Ie moteur est la société anonyme ». Et d'ajouter qu' « il est tout à fait vain- et même néfaste - de vouloir maintenir Ie cadre traditionnel de la société anonyme, tout en y insérant de force un élément hétérogène -des représentants des travailleurs - qui ne peut que rester stérile, à moins qu'il ne soit une cause de perturbation et de confusion » (113).

Au plan beige, des considérations d'une même nature ont conduit les auteurs du projet de réforme du droit des sociétés, à exclure l'intégration dans les organes de la société anonyme de l'élément « travail ».

A !'inverse de la proposition d'un statut de société européenne, la cinquième directive ne s'en tient pas au seul modèle allemand de participation (114). Ced constitue incontes.tablement un progrès; mais Ie fait précisément que nos voisins du Nord aient cru devoir élaborer un modèle original n'indique-t-il pas que l'évolution en la matière est loiri d' être achevée ? Le précédent néerlandais qui s' é.carte fonda­mentalement de l'exemple allemand montre en outre qu'il est dange­reux en cette matière de faire abstraction du contexte social et politique particulier à chaque pays ainsi que de l'état d'esprit des syndicais et des employeurs. De même, des structures de participation à d'autres niveaux que rentreprise peuvent dans certaines conditions, être préférées.

Dans ce contexte, la déclaration de la Commission selon laquelle « elle a estimé plus sage, de manière à ne pas préjuger des développe­ments futurs dans un domaine ou les conceptions foisonnent, de s'inspirer de règles de droit positif existant actuellement » suscite quel­que perplexité. En effet, i1 y a une contradiction d'une part, à affirmer sa volonté de ne point entraver l'évolution des conceptions en cette matière et, d'autre part, d'impos.er les deux seules formules existantes à !'ensemble de l'Europe des Neuf et ce, d'autant plus que la formule néerlandaise n'a encore guère pu être é.prouvée dans la pratique.

On n'entrera pas dans une analyse détaillée de chacun des systèmes

(113) J. VAN RYN, Le projet de sflatut des sociétés européennes, Rev. trim. dr. européen, 1971, p. 581. Comp. dans un même sens, P. VAN OMMESLAGHE, Le régime des sociétés par actions et leur administratioin en droit comparé, op. cit., p. 291.

(114) Sur la représentation des travailleurs au plan de la société européenne, Voy. G. KEUTGEN et M. HUYS, Demain, la société européenne ?, op. cit., pp. 490 et suiv. et J. VAN RYN, Le projet de staJut des sociétés européennes, op. cit., pp. 578 et suiv.

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proposés par la C.E.E., sinon pour souligner que, dans la structure actuelle de la société anonyme, l'intégration des représentants des travailleurs dans Ie conseil de surveillance suppose qu'ils aient les mêmes droifs et les mêmes obligations que les représentants de l'élément « capita! » et qu'ils soient responsables envers !'assemblée générale des actionnaires. I1 n'est pas concevable, en effet, que certains membres du çonseil soient responsables vis-à-vis d'un organe déterminé tandis que d'autres ne Ie seraient pas, sans mettre à malle caractère collégial du conseil de surveillance qui résulte notamment du régime de la responsabilité. mis en place par la directive.

Conclusion. , La proposition d'une cinquième directive doit être située au regard

de l'objectif assigné à l'artide 54, 3 g du Traité de Rome. Ceci explique d'une part, qu'elle prenne appui sur les législations nationales existantes et d'autre part, qu'elle netende point à les uniformiser. Cette dernière considération a conduit les auteurs du texte communautaire à ne point envisager certaines questions qui n'affectent pas la situation des. associés et des tiers et à se borner, dans. maints cas, à pos er des principes communs tout en laissant le soin aux législations nationales ou aux statuts, d'en régler les modalités.

L'adoption de la directive devrait contribuer à renforcer Ie crédit de la société anonyme. En effet, l'adaptation de la structure sociétaire, Ie renforcement des droits des divers intérêts concernés ·et les amélio­rations .du controle des comptes . annuels sont sans conteste de nature à accroître la confiance des associés et des ti ers.

A ce titre, la proposition ne devrait pas rencontrer de difficultés insurmontables. Néanmoins, deux éléments pourraient démentir cette vue optimiste. Il s'agit tout d'abord du problème de la participation des travailleurs à l'organe de surveillance de la société anonyme. L'obstacle est de taille si l'on se réfère notamment aux travaux en vue ~"" 1_'élaboration d'une convention destinée à faciliter les fusions internationales qui, depuis des années, piétinent sans qu'une solution ait pu y êtr.e trouvée. Le second élément résulte du récent élargisse­ment de la Communauté et de !'absence de référence au droit des nouveaux membres. I1 constituera très vraisemblablement, dans un premier. temps, un facteur de ralentissement du processus d'adoption des textes communautaires même si, à plus long terme, l'apport de ces, trois pays contribuera sans nul doute au développement du droit.

Guy KEUTGEN.

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No 5726. - Cour de cassation. - 11 octobre 1971. Siég.: MM."Louveaux, prés., Trousse, cons. rapp. et Mahaux, prem. av. gén.

Fllaid. : Me Faurès. (Van Ginderachter)

I. Banqueroute. - S.P.R.L. - Condamnation de l'organe. - Légalité.

TI. Banqueroute. - Gérant. - Condàmnation à la fois comme '' gérant " et comme "commerçant "• - Motüs contradictoires. - Cassation.

l. Dès fors que dans sa gestion, l'organe d'une S.P.R.L. s'rut rendu coupable de faits constitutifs de banqueroute, la condammation comme banqueroutier est légale (loi des faillites, art. 573 à 575 et Code péna,z, aft. 489).

11. Il n'est toutefois pas possible sans contradiefion de prononeer une con­damnation pour banqueroute en raison de faits commis « en qualité de gérant »

et, simultanément, << étant commerÇant failli ».

ARRÊT

LA COUR ; - Vu les arrêts atta1qués, rendus Jes 20 mai 1970 et 3 février 1971 par la Cour d'appel de Liège;

I. En tant que Ie pourvoi est dirigé contre !'arrêt du 20 mai 1970 ; Attendu que les formalités substantielies ou prescrites à peine de nullité ont

été observées et que la décision est conforme à ~a loi ;

II. En tant que Ie pourvoi est dirigé contre !'arrêt du 3 février 1971 : Sur Ie moyen pris, d'office, de la vialation de l'article 97 de la Constitution: Attendu que, par confirmatien du jugement dont appel, !'arrêt condarnne Ie

demandeur du _chef de banqueroute frauduleuse, pour ·avoir, « en tant qu'associé gérant de la société de persounes à responsabilité limitée Transports Inter Euro­péens Routiers T.I.E.R., étant commerçant failli », détourné ou dissimulé une partie de l'actif, en l'espèce une somme de 100.000 francs, étant Ie capital social, au préjudice des créanciers de ladite société ;

Attendu que, si l'organe responsabie d'une société faillie peut être déclaré banqueroutier, lorsqu'il a commis des faits constitutifs de banqueroute en qualité d'organe de la société faillie et relrutivement à la gestion de celle-ci, il est con­tradictoir·e de déclarer une prévention de banqueroute établie à charge d'un prév.enu en raison de faits qu'il aurait commis « en tant qu'associé gérant » d'u111e société, en invoquant à l'appui de cette prévention qu'il a commis des faits « étant comme:rçant failli »; sans d'ailleurs constater que la société dont i1 avait la gestion était en état de faillite ;

Que, fondé su-i pareilles constatations contradictoires, !'arrêt n'est pas régu­lièrement motivé et viole la disposition constitutionnelle visée au moyen ;

Par ces motifs, sans avoir égard aux moyens proposés par Ie demandeur et dirigés exclusivement contre !'arrêt du 3 février 197!1, .lesquels, s'ils ét·aient fondés, ne pourraient entraîner qu'une cassation sans renvoi, casse !'arrêt attaqué du. 3 février 1971 ; rejette Ie pourvoi sur Ie surpLus; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en mrarge de la décision annulée ; condamne Ie deman­deur à la moitié des frais, l'autre moitié restant à charge de l'Etat ; renvoie la cause, ainsi limitée, à la Cour d'oappel de Bruxelles.

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Observations. - Il y a deux façons d'être banqueroutier: soit à rais.on d'une faillite personnelle, soit à titre d'organe d'une société faillie (voy., en droit comparé, notre étude sur les Tendances actuelles du droit de la banqueroute, Rev. dr. pén. crim., 1971-72: p. 1068 sv.). L'une exclut l'autre. La première est classique, la seconde n'a pénétré dans Ie droit beige qu'à la faveur de l'arrêt de la Cour de cassation du 20 février 1956 (voy. notre étude sur La vulnérabilité des dirigeants de sodétés aux peines de la banqueroute, Revue, 1970, p. 72). Oe décalage explique sans doute la pers.istance, dans la ·jurisprudence même des juridictions d'appel, de raisonnements juridiques périmés (voy. note sous Cassation 14 octobre 1969, Revue, 1971, pp. 86-89) ou de for­mules ancestrales, mais à présent contradictoires, sur lesquelles, comme en l'occurrence, la Cour de cassätion exerce justem.ent sa censure.

Georges KELLENS

Chargé ·de cours à la Faculté de Droit de Liège

No 5727. - Cour de c31Ssation. - 29 novembre 1971. Siég.: MM. Penrichon, cons. ff. prés., Legros, consj rapp. et Depelchin, av. gén.

Plaid. : Me· Van Ryn (Willame cl Me Lachapelle, cu:rateur de fra S.A. « Le charbonnier détaiUant »)

Banqueroute. - Société anonyme. - Organes sociaux inactifs. - Gérant de fait. - Banqueroute. - Condamnation du gérant de fait. - Aucune obligation de condamner conjointement les organes de droit.

La condamnätion de b'anquerou,të peut être prononcée contre Ie gérant de fait d'une société anonyme.

Pour atteindre ce dernier, i! n'est pas requis d'établir simultanément la respon­sabilité des organes sociaux qui avaient abandonné l'administration ou de constater au préalable qu'il leur était impossible d'exe.rcer leurs fonction~.

ARRÊT

LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 6 mai 1971 par la cour d'appel de Bruxelles ;

I. En tant que Ie pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge du demandeur :

Sm les premier et sixième rnayens réun!s et pris Ze premier, de la vialation des articles 577 de la loi du 18 avril 1851 conte­

nant le livre 111 du Code de commerce, 489 du Code pénal et 97 de la Consti­tution.

en ce que l'arrêt attaqué déclare établie à charge du demandeur la prévention de banqueroute frauduleuse, pour avoir soustrait certains livres, en l'espèce les extraits de compte chèques postaux et les comptes de banque ainsi que le registre des procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de la

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société anonyme « Le Cha:rbonnier détail1ant » (prévention I, 1), pour les motifs que les organes d'une société co mmereiale sont, en matière de · banque­route, punissables même s'ils ne sont pas· commerçants ni en état de cessation de payements, que la personne physique qui a assumé en fait la gestion de la société faiUie peut être rendue pénalement responsabie même si en droit e}le n'a pas la qualité d'or.gane social, que Ie demandeur n'a pas cessé, jusqu'à la faillite de la société, d'être « la cheville ouvrière » de celle-ci, qu'il a détruit les extraits de compte visés à la prévention, que cette destruction s'explique par l'intention frauduleuse du demandeur de faire disparaître les traces des opérations conclues par la société, que Ie demandeur n'a pu représenter Ie registre des délibérations du conseil d'administration, et que cette disparition ne peut être imputée qu'au demandeur,

alors que Ie demandeur, simple préposé de la société faillie, était seul pour­suivi comme auteur principal de l'infraction de banqueroute frauduleuse, que les organes sociaux n'ont jamais été poursuivis du chef de cette infraction, que leur culpabilité n'est pas non plus oonstatée par l'arrêt, que Ie préposé d'une société faillie ne peut être condamné comme auteur principal de l'infraction de banqueroute, hors Ie cas, exceptionnel et étranger à l'es.pèce, ou il assume la direction de la société en raison de !'absence d'organes ou de l'impossibilité absolue pour les organes d'exercer leurs fonctions, que l'arrêt admet que la société faillie possédait des organes sociaux, qu'il ne relève pas que ces organes se seraient trouvés dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions? que, dès lors, en condamnant néanmoins Ie dema·ndeur comme auteur principal exclusif de l'infraction de banqueroute frauduleuse, !'arrêt a méconnu les dispositions visées · au moyen ;

et Ie sixième, de la violation des articles 573, 574 de la loi du '18 avril 1851 contenant Ie livre lil du Code de commerce, 489 du Code pénal et 97 de la Oonstitution,

en ce que l'arrêt déclare établie à charge du demandeur la prévention ·de banqueroute simple pour avoir, après la cessation des payements de la société anonyme « Le Charbonnier détaillant ", avantagé ou favorisé des créanciers de cette société, en l'espèce Mme Dewier et l'association sans but lucratif « Les Charbonniers détaillants du bassin de Charleroi», au préjudice de la masse, pour n'avoir pas fait l'aveu de la cessation des payements dans le délai de trois jours prescrit par l'article 440 de la loi du 18 avril 1851, pour n'avoir pas fait chaque année l'inventaire des effets et des dettes de la société précitée, et pour avoir tenu incomplètement et irrégulièrement les livres prescrits par la loi (prévention V), pour les motifs que Ie demandeur a effectué au profit de Mme Dewier et de l'association sans but lucratif « Les Charbonniers détaillants du bassin de Charleroi » des remboursements qui ont avantagé ces créanciers au détriment de la masse, que l'aveu de la cessation des payements n'a pas été fait dans Ie délai légal de trois jours, qu'il appartenait au' demandeur, qui dirigeait · en fait la société, de veiller au dépot du bïlan par les administrateurs et que Ie demandeur avait également Ie devoir de veiHer à l'accomplissement des obliga­tions édictées par Ie Code de commerce e•n ce qui concerne l'inventaire annuel et les livres de commerce,

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alors que Ie demandeur, simple préposé de la société faillie, était seul pour­suivi comme auteur principal de l'infraction de banqueroute simple, que les

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organes sociaux n'ont jamais été poursuivis . du chef de cette infraction, que leur culpabilité n'est pas non plus constatée par l'arrêt, que le pré,posé d'une société faillie •n.e peut être condamné comme auteur principal de l'infraction de banqueroute, hors le cas, exceptionnel et étranger à l'espèce, ou il assume la direction de la société en raison de l'absence d'organes sociaux ou de l'impos­sibilité absolue pour les organes sociaux d'exercer leurs fonctions, que l'arrêt admet que la société faillie possédait des organes sociaux, qu'il ne relève pas que ces organes . se seraient trouvés druns l'irnpossibilité d'exercer leurs fonctions, que, plus spécialement, un préposé n'a pas qualité pour faire l'aveu de la cessa­tion des payements, et que l'obligation de dresser annuellement inventaire est e:x.pressément imposée par la loi aux administmteurs ; que, dès lors, en con­damnant néanmoins le demandeur comme auteur principal exclusif de l'infrac­tion de banqueroute simple, l'arrêt a méconnu les dispositions visées au moye'll :

Attendu qu'il ressort de l'arrêt que la société anonyme « Le Charbonnier détail­lant », déclarée en faillite par jugement du 28 octobre 1965, était, en fait, admi­nistrée par le seul demandeur, qui en était «la cheville ouvrière », et qu'à !'occasion de cette gesti·on le demandeur a commis des faits qui ont constitué la société en état de banqueroute frauduleuse et de banqueroute simple ;

Qu'à eet égard l'arrêt constate : a) en ce qui concerne la banqueroute fraudu­leuse, que « les recettes et dépenses de la société s'effectuaient notarument au rnayen des comptes .personnels du prévenu ... la société n'étant titulaire .d'aucun compte de banque ni chèques postaux ; que Ie prévenu a reconnu avoir détruit ses extraits de compte qui reproduisaient Ie coura!Ut des opérations cammerciales de la société ; que cette destruction volontaire s'explique par l'intention fraudu­leuse de faire disparaître les traces des opérations cammerciales de la Gociété qu'aucune explication admissible n'a été donnée par 1e prévenu de la disparition des extraits de compte ; que le prévenu n'a pu représe!nter au curateur ni aux autorités judiciaires Ie registre des délibérations du conseH d'administration qui, de son propre aveu, ont été tenues ... ; · que la dispa-rition de c.e registre ou tout au ·moins des feuilles volantes sur lesquelles, selon certains administrateurs, ces délibérations étaie•nt consignées, ne peut être imputée qu'au prévenu puisque c'est en son domicile qu'étaient centralisés tous les documents relatifs à l'activité de la société » ; b) en ce qui concerne la oanqueroute simple : qu'alors qu'en fait il dirigeait seul la société, Ie demandeur n'a pas fait l'aveu de la cessation des payements par la société; et •n.'a pas tenu de manière complète et régulière les livres et inventaires de la société, prescrits par Ie Code du commerce ;

Attendu que la responsabilité pénale des infractions cammises par une société cammerciale pèse directement sur les organes ou préposés par lesquels elle a agi, sans qu'il soit nécessaire, dans le cas des prépos1s, que la responsabilité pénale· des organes sociaux soit conjointement établie, ni que soit constatée !'absence d'organes sociaux ou l'impossibilité · absolue pdur ces organes d'exercer leurs fonctions ';

Que les rnayens ne penvent être accueillis ;

Observadons.- Les étapes principales de l'évolution de la jurispru­dence beige relative à la responsabilité pénale des dirigeants de sociétés banqueroutières sont connues. Par delà l'étape de la faillite et de la banqueroute personnelles du commerçant réfugié derrière une société

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de façade, la Cour de cassation en vint à reporter sur l'organe, de droit ou de fait, d'une société dont les associés ne sorit pas indéfiniment et solidaireroerit responsables, la charge de la banqueroute de cette société.

Les formules de la Cour suprême demeuraient cependant prudentes et parfois ambiguës. Ainsi l'interprétation de deux arrêts du 2 décem~ bre 1963 (Pa~ .• 1964, p. 346 et notre éïtude, Revue, 1970, p. 73 et la n. 37) laissait-elle quelque peu perplexe : dans ces cas d'espèce, Ie gérant de fait, qui s'était concerté avec la gérante en titre, avait été condamné pour avoir, «en tant qu'auteur, avec la société, exécuté les. infractions de banqueroute ».

L'arrêt reproduit ci-dessus limite considérablement la portée de cette formule. Il est clair à pfiésent que l'organe de fait peut être un préposé. Et, contrairement à l'interprétation que l'on pouvait assez natureHement faire des arrêts précités, il n'est pas nécessaire, pour que ce préposé puisse être condamné comme auteur principal en qualité d'organe de fait, que la société faillie soit dépourvue d'organes sociaux ou que les organes soient dans l'impossibilité absolue d'exercer leurs fonctions.

La position de !'arrêt de la Cour de cassation éclaire, rétrospective­ment, la formule utiHsée dans !'arrêt du 13 février 1967 (P,as., 1967, p. 722 et cette Revue, 1968, p. 159, notre étude susdite, p. 73 et la note 39) en n'excluant pas qu'un préposé, spécialement ohargé du controle et de la tenue de la comptabilité, puisse, si la société a ainsi « agi par lui », supporter seul la responsabilité pénale d'une banque­route documentaire. Sans doute, comme 'Ie relevait dans son pourvoi Ie demandeur en cassation, cette orientation n'est-elle pas sans danger: « admettre que Ie pré,posé puisse être condamné comme auteur prin­cipal, alors qu'il y a des organes sociaux et qu'ils sont à même d'exer­cer leuts fonctions, revient à donner une prime à l'impéritie ou à Ia négligence ».

En l'occurrence, Ie de·mandeur en cassation soutenait qu'en !'absence d'un organe responsable, Ie préposé n'eût pu être condamné que du chef d'abus de confiance ou de vol domestique, mais non du chef de banqueroute. En rejetant l'argumentation développée dans Ie pourvoi, Ia Cour de cassation a ouvert la perspective d'une évolution ultérieure dans Ie sens d'une personnalisation croissante des responsabilité:& socié­taires. Et, dès à présent, elle ·a précisé nettement. certains aspects déli­cats du droit de la banqueroute des sociétés.

Georges KiELLENs

Chargé de cours à l'Université de Liège

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N° 5728. Cour d'appel de Bruxelles. ---- 27 janiVier 1972. Siég. : MM. Rey, prés. et Dlyckmans, av. géjn.

Plaid. : MM·e·s A. Paternostre, F. Magnée et A. Servais (Faillite S. Coop. « Exploitation agricole de Neutvilles », Vanverf et D'Ujacquier cl Liquidation du fonds de teammeree « Exploitation agricole de Neutvilles »

et S.P.R.L. « Courtage, Assurances et financement Cooreman et Saverys ,,)

Société coopérative. - Annulation ]udiciaire. - Engagements envers les tiers. - Permanence. - Faillite des ex-associés. - Créancier gagiste .. -Validité du gage du fonds de commerce,

Lorsqu'une société coopérative est anmdée judiciairement et que les pseudo­coopérateurs tombent en fail:llte, les tiers qui avaient contracté dvec la société sant créanciers des ex-as~ociés.

Ni la nuMité de la société ni la faillite de ceux qui se sont comportés comme associés n' altère les droits privilégiés d'un créancier ga giste sur fonds de com­merce. La condition d'e bonne foi de ce dernier est relevée dans l'arrêt.

ARRÊT

Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure, notaroment Ie jugement rendu Ie 17 juin 1969 par Ie tribpnal de commerce de Mans, décision dont il n'est pas soumis à la Cour d'acte de signification, et l'acte d'appel signifié les ter et 5 àoût 1969;

Attendu que J'appe~, interjeté en due forme, est recevahle, comme l'est l'.appel incident introduit par des conclusions ['égulières de la société Cooreman et Saverys;

Attendu qu'j} y a lieu· de donrier acte à Me Etienne Debouche, qui condut devant la Cour en qualité d'appelant qualitate qua, de ce qu'il poursuit l'instance mue par feu Me René Paternostre, auquel i1 a succédé comme curateur à la faillite de la société coopérative « Exploitation agricole de Neufvilles » en abrégé A.E.N., à oelle du sieur Lucien Vanvert et à celle de la dame Maria Dujacquier;

Attendu que l'action exercée par Me René Paternostre ès qualités dites avait pour objet de faire déclarer. nul le gage sur fonds de commerce consenti Ie 8 mai 1959 par la société A.E.N. à la soclété Coor·eman et Saverys, en garantie d'une ouverture de crédit;

Attendu que la société Cooreman et Saverys, qui avait produit aux faillites prédésignées, sous réserve notaroment de son droit de gage, a postulé et obtenu du premier juge la jonction de la demande en justioel constituée par sa déclaration de créance et de la cause intraduite par Ie curate1!1r ;

Attendu que le premier juge a reconnu la validité I de la déclaration de créance, faite avec toutes ses réserves, pour la somme s'y trouvant indiquée ;

Attendu que les conclusions de l'appelant au principal s'interprètent comme entreprenant la seule disposition du jugement précité qui abjuge la demande en nullité de la dation en gage du fonds de commerce ; qu'elles visent à fake 'dire que le produit de la réalisation de ce fonds revient à la masse des créanciers et, partant, à obtenir condamnation de l'intimé sub 1, en sa qualité de liquida­teur dudit fonds, à restituer ce produit ;

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Attendu qu'un jugement du tribunal de commerce deMons, rendu le 27 février 1962, confirmé par un arrêt de cette Cour du 29 mars 1966, coulé en force de chose jugée, a dit pour droit que la société faillie était nulle, de n.ulHté abso­lue, d'ordre public et que, par suite, Lucien Vanvert et Maria Dujacquier, décla­rés en état de faillite par ce même ju.gement, sont tenus solidairement des dettes qu'ils ont contractées sous le couvert de l~dite société ;

Attendu qu'en déduisant de la nullité de la société bénéficiaire de !'ouverture de crédit que, d'une paJrt, l'obligation de payer la dette correspondant au crédit obtenu est une obligation de restitution, née du jugement qui a prononcé cette nullité, la conséquence de l'annulation étant que les parties doivent être repla­cées dans le même étlat que si elles n'avaient point contracté, et que, d'autre part, la dation en gage est nécessairement nulle, elle aussi, ui1 contrat de société nul ne pouvant avoir d'effet valable, l'appelant au principal raisonne comme si, par la constatation de la nuUité abso1ue du pacte social, la société ne se résol­vait :Pas en une communauté de fait dont il appartient aux tribunaux de dé~er­miner, le cas échéant, la liquidation (article 179, alinéa 2, des lois coordonnées sur les sociétés) et qui existe entre les persounes qui s'étaient comportées comme sociétaires (cass., 17 avril 1902, Pas., 1902, I, 205; Novelles, Droit com­mercial, vo Société coopérative, no 3453 et réf. cit. ; Rép. prat. dr. beige, vo 'Socié­tés coopératives, n° 119);

Que cette communauté de fait, existant en I'espèce entre Ie sieur Vanvert et son épouse, la dame Dujacquier, se compose notamment des engagements pris envers les tiers ;

Qu'ainsi la société Coorem:an et Saverys, qui a traité de bonne foi avec la pseudo-société coopérative A.E.N., a pour débiteurs solidaires les deux commu­nistes et n'a point perdu Ie bénéfice de la. sûreté attachée à sa créance ;

Attendu que rien n'autorise à penser que Ie cantrat du 8 mai 1959 recouvriraît une sirnulation à laquelle l'intimée aurait participé, et que, par conséquent, c'est sans aucune pertinence que l'appelant au principal invoque l'article 1321 du Code civil, dispos,ant que les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les parties contractantes ;

Attendu que les griefs de l'appelant au principal à l'encontre du jugement entrepris, et qui s'appuient sur une prétendue nullité dudit contrat, méconnaissent l'existence de la communauté de fait susmentionnée; qu'ils doivent être dès lors écartés;

Attendu que ne sont pas davant·age pertinents les moyens subsidiaires de l'appe· lant, déduits de ce que, lors de la. cons1itution du gage, la société coopér.ative ne comjportait pas Ie nombre d'adm:inistrateurs requis par ses statuts, de ce que la dame Dujacquier, en opposition à son régime matrimoni~l, la engagé la com­munauté d'a.cquêts constituée entre elle et son mari, et de ce que la publicité du gage consienti à l'intimée ful faite sous Ie nom d'une société nul1le;

Que ces considérations n'influent en rien sur Ie principe que cette société, bien que déclarée nulle, n'en a pas moins effet pour Ie passé à l'égard des tiers ayant contracté avec elle et qui, pour Ie règlement de leurs droits, se trouvent désormais en présence de membres d'une communauté de fait;

Attendu que l'état de f.a.illite de ces persounes n'altère en rien les droits du créancier nanti de gage, pa.rtant privilégié ;

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Qu'en conséquence est fondée la demande présentée sous la forme d'appe] incident, tendant à faire dire que Ie liquidateur, détenant }.e produit de .Ja réa­lisation du gage, remettra ce produit, avec ses a'ccessoires, à l'appelante sur incident.

Par ces motifs, statuant contradictoirement, dans les limites .óu elle est saisie, vu les dispositions de la loi du 15 juin !1935, notamment son artiele 2'4, ·entendu M. l'avocat général Dl)'ckmans en son avis conforme, donné en audience publique, écartant comme dénuées de fondement ou de pertinence toutes conclusions autres, plus amples ou contraires : donne acte à M•e Debouche de ce qu'il poursuit l'ins1tance mue par Me Paternostre, décédé ; r.eçoit les appels prindpal et incident; dit l'appel principal non fondé ; confirme en conséquence Ie jugement attaqué ; sur l'appel incident : Ie dit fondé ; dit dès lors pour droit que l'intimé sub 1 aura à remettre Ie produit de la réalisation du gage _dont litige, avec ses accessoires, à la société Cooreman et Saverys, ·sous la seule quit­ta.nce et déch<!fge de cette dernière, la somme à recevoir devant être imputée en premier lieu sur les intérêts conventionnels dont la créance de cette même société 1a été productive depuis la faillite et sur tous les accessoires et frais ; met à charge de la masse les dépens d'appel.

Observation~ .. - Le présent arrêt est l'objet d'un pourvoi.

~·0 5729.- Cour d'appel de Bruxelles.- 20 juin 1972 Siég. : MM. Holvoet, prés. ff., Vroomans et Slachmuylder, cons.

Plaid. : MM•es De Greef et W:olters. (Ets De Boeck et Vandenwijngaei·t et Cts cl S.A. Palmafina)

I. Société de fait. - Exercice du commerce par plusieurs personnes. Ad. 4 et art. 11. - Ni écrit spécial. - Ni _publication. - Société en nom

· collectif. - Société inégulière.

n. Personnalité juridique de Ia société. - lmpossibilité d'agir en justice. Associés en nom. - Impossibilité de faire valoir en justice un droit de

nature sociale.

I. Lorsque plusieurs personnes exercent une activité cammerciale sans avoir ni dressé un écrit spécial constatant leur cantrat de société ~art. 4) ni, par consé­quent, pu publier pareil acte (art. 11), elles farment ensemble une société de faift qui s'analyse comme étant une société en nom colfectif irrégUtlière.

IJ. Quoique irrégulière, cette société a une personnalité juridiqt(e. Elle est distincte des associés. Toutefois, elle ne peut agir en jasticé. Les associés ne peuvent pas, pour awtant, agir en leur nom personnel pare~ qu'ils. feraient valoir un droit de nature « sociale", c' é~t-à-dire un droit qui ne leur applllrtient pas .

ARRÊT

I. - Quant aux parties litigantes et à la qualité en laquelle elles aJgissent: Attendu que la qualification des. défendeurs originaires, comm.e elle est déli­

mitée dans les actes intr-oductifs d'instance, est reprise dans Ie jugement, en sorte que, lorsque le premier juge déclare condamner « les défendeurs », il fait naître

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l'impression d'avoir statué à l'égard de deux personnes morales différentes et de deux: personnes physiques, soit au total quatre défendeurs ;

Attendu que les pièces de procédure ne permettent par ailleurs pas de détermi­ner clairement au nom de qui la demande reconventionnelle a été intraduite ; que les condusions du 22 octobre 1969 déposées au nom des «Ets G. De Boeck te H. Vandenwijngaert », et de MM. Gérard de Boeck et Hugo Vandenwijngaert introduisent la demande reconventionnelle au nom de « la concluante » sans plus amples précisions d'identité ;

Qu'on lit dans l'acte d'appel que <(la demande reconventionnelle est absolu­ment reeevabie en tant qu'elle ne vaut que pour M. De Boeck, Gérard et M. Hugo Vandenwijngaert », maïs que dans le dispositif des conclusions des appelants, déposées le 9 avril 1972, la condamnation de la S.A. Palmafina est demandée «en payement à M. Hugo Vandenwijngaert de la sommede 50.000 francs»;

Attendu au surplus, que suivant l'acte d'appel, il y a quatre appel&-nts: - la société de fait « Ets De Boeck et Vandenwijngaert » ; - la société en nom collectif «Ets De Boeck et Vandenwijngaert » ; - M. Glérard De Boeck; - M. Hugo Vandenwijngaert; Attendu qu'il est donc nécessaire de déterminer quelles sont les parties liti­

gantes, de même que les qualités dans lesqueUes elles comparaissent ; Attendu qu'il est constant que les appelants De Boeck, Gérard et Vandenwijn­

gaert, Hugo sont des associés qui exercent le commerce ensemble sous la firme «La William - Ets G. De Boeck - H. Vandenwijngaert », sans qu'un contrat écrit de société sQit produit, et sans que les statuts de la société soient publiés ;

Attendu que l'activité exercée de manière continue par ces appelants tombe dans Ie cadre de l'institution juridique prévue par l'article 15 des lois coordon­nées pour les sociétés cammerciales :

Que les conditions indiquées dans ledit artiele 15, jointes à celles exigées par tout contrat de société, sont ici réunie9, en sorte que, par la volonté du législa-teur, une société en nom collectif exist~ ; ·

Attendu qu'une telle société possède une personnalité juridique distincte de celle de ses associés (Cass., !17 mai 1968, Pàs., I, 1074 - Cass., 28 -juin 1968, Pas., I, 1235 avec les conclusions du procureur général Ga'nshof van der Meersch);

Attendu que seuls, les noms des associés peuvent apparaître dans la raison sociale;

Attendu que les associés en nom collectif sont terrus solidairement des dettes de la société même lorsqu'un seul des associés a signé, pour autant que ce soit sous 1a raison sociale (art. 17 de la loi sur les sociétés commercial~s) ;

Attendu que les cantrats dont la résolution est poursuivie, avaient été conclus entre, d'une part, la S.A. Palmafina,(venderesse de l'huile d'arachide et de l'huile de soja) et, d'autre part, la société en· nom collectif ei-avant décrite ;

Attendu qu'il y a donc trois et non quatre défendeurs originaires et appelants dans la procédure:

1) les Ets G. De Boeck et H. Vandenwijngaert, société en nom. collectif, personne morale avec laquelle les cantrats litigieux ont été conclus ;

2) 3) les deux associés, Gérard De Boeck et Hugo Vandenwijngaert qui sont tenus solidairement des dettes avec la société.

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IL - (sans intérêt) ...

III. - Quant à la demande reconventionnelle : Attendu que Ie premier juge a déclaré non reeevabie la demande reconvention­

nelle;

.Alttendu que la société en nom collectif « Ets G. De Boeck et H. Vanden­wijngaert », pour les r·aisons ei-avant dével<:Wpées, est une société irrégulière qui, par application de l'article 11 de la loi sur les sociétés commerciales, ne peut intenter d'action judiciaire (encore que le défaut de publication ne puisse pas être opposé aux tiers) ; que l'action reconventioJ?.nelle n'est donc pas reeevabie en tant qu'elle a été intentée par la société;

Attendu que la société en nom collectif possède une personnalité morale dis­tincte de celle de ses associés Gérard De Boeck et Hugo Vandenwijngaert ;

Attendu que ces associés, à défaut de lien de droit avec la S.A. Palmafina, ne peuvent agir en nom personnel pour faire valoir des droits qui auraient été acquis par la société en nom collectif existant entre eux (Oa~s., 28 juin 1968, Pas., I, 1235); que leurdemande reconventionnelle est donc non reeevabie parce que les demandeurs sont sans intérêt pour l'intenter (art. 17 du Code judiciaire).

ÇLa suite sans intérêt).

Observations. - Voir Revue, 1972, p. 321, p. 323, p. 325 et 362 -Revue, 1971, p. 143 et les notes.

NQ 5730. - Cour d'appel de Liège. - 21 novemb!re 1972. Siég.: MM. Malaise, prés., Viatour et Wautier, cons.

Plaid: MM;es Coune et Joiris. (Dlicroux cl Bovy, Société d'agrément, Confrérie de la Bière Tchantchès)

Société d'agrément. - Simple association. - Aucune personnalité juridique. - Opérations avec tiers. - Lien personnet avec Ie membre ayant contracté. - Recours.

Les sociétés d'agrément sont régies par le droit civil. Elles n'ont ni ca~re légal ni organes légaux, faute d'être dotées de lal personnalité juridique. Leurs mem­bres trai~ant avec les tiers, contractent en !leur nam personne1f; sauf recours éventuel des coassociés entre eux.

ARRÊT

Vu le jugement contradictoire rendu le 11 février 1972 par le tribunal de première instanee de Liège ;

Attendu que les ap,pelants, qui disent agir au nom de la «Confrérie de la Bière Tchantchès », postulaient la condamnation de l'intimé au paiement d'une somme de 30.000 francs, en principal, représentant la rémunération convention­nelle de leur participation à une manifestation folklorique organisée Ie 3 mai 1970 par un comité dit de «La rétrospective de l'histoire de la commune d'Alleur »;

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Attendu que le premier juge a déclaré la demandè non reeevabie parce que, d'une part, elle était formée par des personnes qui se disent représentants con­ventionnels d'une association qui n'a aucune forme légale et qu'ils ne justifient pas d'un pouvoir de représenter tous ceux qui ont participé aux susdites activités folkloriques et parce que, d'autre part, l'assigné, qualifié de président et représen­tant conventionnel du corrdté organisateur, ne peut être mis seul en cause puisque ledit comité n'a non plus aucune personnalité juridique et que chacun des membres intéressés devrait être mis personnellement à la cause ;

Attendu que le groupement des appelants et celui de l'intimé ne poursuivent d'autre but que lá survivance de réjouissances populaires et folkloriques, à l'exclusion de toute intention de lucre ; qu'ils constituent, dès lors, en !'absence de toute constitution en association sans but lucratif ou en d'autre forme juridique, des associations de fait ou des sociétés d'agrément ;

Qu'il sied de rappelei qü'à défaut de s~atuts, pareilles associations, au demeu­rant, parfaitement licites, sont régies par les principes généraux du droit civil, notamment par les articles 1862 à 1864 du Code civil, c'est-à-dir:e que leurs membres, traitant avec des tiers, contractent en leur nom personnel, sauf recours éventuel des coassociés ou contre eux suivant les conventions qui les lient; que les tiers n'ont devant eux que l'associé qui a contracté en nom per­sonnel ; que !'associé qui s'occupe en fait de l'admin:istration de l'association n'engage que lui-même et non ses coassociés (vair DE PAGE, t. I, n° 516 et t. V, nos 38 et 41);

Attendu que la convention du 3 mai 1970 a été conclue, d'un cöté, par l'intimé, se disant « président » du « comité » organisateur et, d'autre cöté, par les appelants se qualifiant respectivement de « préside·nt ", de « secrétaire » et de << trésorier » de la « confrérie » ;

Qu'à la lumière des principes ci-dessus résumés, il f.aut considérer que tant les appelants que l'intimé, ne justifiant pas . de l'existence dans leur chef d'un mandat statutaire ou conventionnel, général ou particulier, ont contracté indi­viduellement, « ut singuli » et se sant engagés personnellement ;

Attendu, dès lors, que, contrairement à l'opinion du premier juge, i1 faut admettre que la demande des appelants est reeevabie -en la forme ;

Mais, attendu qu'en ordre subsidiaire, l'intimé allègue que les appelants n'auraient pas exécuté' leurs obligations conventionnelles et offre d'èn administrer la preuve ; qu'il convient, avant de statuer sur les mérites de cette « exceptio non adimpleti contractus », d'autoriser cette preuve ;

(la suite sans intérêt).

Observations. - Un cas semblable fut tranché par le tribunal civil de Liège du 6 octobre 1969. Il fut publié à la Revue en 1970, p. 48, avec une note qui rappelle les précédents assez clairsemés de la juris­prudence.

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No 5731. - Cour d~1appel de Bruxelles. - 19 décembre· 1972. Siég.: MM. Jans, cons. ff. prés. ; van Ackere et Mahillon, cons.

et Baron Vinçotte, av. gén. Plaid.: MM·es Van Beirs et Yves Dumont.

(Mme France Pe;rreau cj Me Yves Dumont, q.q..)

Faillite. - Extension à l'épouse du failli (non). - Extension à une société anonyme (non).

La failNte persqnnelle du mari exerçant ie commerce en usant de trois sociétés· ne doit pas être étendue à l'épouse, administrateur-délégué de deux d'entre elleiS, lorsque celZe-ei n'a pas t1~aité aJvec les tiers de telle manière que les contractants aient pu croire qu'ef.le s'engageait personn:e)lement et habituellement pour des actes de commerce.

L'arrêt analyse les quinze faits mis ,en avant par Ze curateur pour démontrer que ,/'épouse avait agi comme exploitante conjofnte.

Le jugement a quo avait rejusé d'étendre la: faillite aux sociétés e'lles-mêmes.

ARRÊT

Vu la copie conforme du jugement rendu .Ie 20 janvier 1972 par Ie tribunal de commerce de BruxeUes, dont appel a été i!nterjeté le 31 janvier 1972, en forme régulière et dans Ie délai légal ; -

Attendu que l'intimé, agissant en sa qualité de curateur de P'aul Capelle, exerçant Ie commerce sous la dénomination « Voyages Caro » et déclaré en état de faillite par jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 19 octo­bre 1971, a, par requête déposée Ie 16 janvier 1972, demandé au tribunal d'apprécier la nécessité et l'opportunité de déchner, dans l'intérêt de la masse des créanciers de la faillite de Paul Capelle, ouvertes les faiHites de France Perreau, épouse Paul Capelle d'une part et de Ia S.A. « Caro Center » actnel­Iement « Unicar Travels » d'autre part ;

Attendu que Ie premier juge a rejeté comme no!a f.ondée la requête en tant qU:'elle avait pour objet de fa~r1e déclarer ouverte la faillite de la S.A. « Caro Center», et l'a accueillie pour Ie surplus ; qu'il a en conséquence déclaré o;u.verte, sur requête, la faillite de France Perreau, épouse Capelle ;

Attendu que, sur Ie seut appel de France Plerreau, .Ie litige est actuellement limité à l'action dirigée contre celie-ei ;

Attendu que Paul Capelle exerçait depuis de nombreuses a:nnées une activité importante d'agent de voyages, sous ,}a dénominati:on « Voyages Caro » ; qu'au moment ou il fut déclaré en faillite, la firme compHmait, outre I'agence exploitée au siège de l'établissement principal sis à Molenbeek-Sa:i!nt-Jean, 65, bouthard Léopold II, treize agences, Jes unes établies dans l'a~glomération bruxelloise, les autres en province ; qu'en outre quatre ·~agences connues sous l'enseigne « Voyages Caro » étaient exploitées en province par des particuliers dépendant économiquement de l'entreprise centrale ; qu'enfin trois sociétés· anonymes se rattachaient aux « Voyages Caro » : la S.A. « Caro Cente,r », la S.A. « Caro Reizen " et la S.A. « Caro Porest » ;

Que la S.A. « Caro Center» avait été constituée Ie 28 nO'vembre 1969, notaro­ment par les époux Capelle-Perreau, au capital de 1.000.000 F, représenté par

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1.000 parts sociales, dont 10 avaient été souscrites et entièreme·nt libérées par Paul Capelle et 940 pa~r l'appelante, nommée administrateur-délégué, fonctions qu'elle exercerait jusqu'au 29 octobre 1971, date à laqueJ.le elle fut déchargée de la gestion journalière par décision de }'assemblée générale extraordinaire du 6 octobre 1971 ;

Que la S.A. «Cara Reizen» avait été constituée Ie 16 janvier 1970, notaro­ment par les époux Capeile-Perreau, au capita! de 500.000 F, représenté p<llr 500 actions, dont 5 avaient été souscrites et libérées pour moitié par Paul Capelle et 2J15 par l'appelante, nommée président du oonseil d'administration et administrateur délégué ;

Que la S.A. «Cara Porest » avait été constituée Ie 19 octohre 1970, notaro­ment par l'appelante, au capital de· 500.000 F, représenté par 500 actions, dont 195 avaient été souscrites et entièrement libérées par l'appela·nte, appelée aux fonctions d'administrateur ;

Attendu que Paul Capelle et l'appelante se sant mariés 1~ 28 octobre 1943 sous Ie régime de la séparation de biens pure et sim!Ple i que l'a:ppelante com­mença sun activité au service de l'entreprise en 1947 et y remplit les fonctions de directrice; que ce n'est cependant que Ie 21 mai 1970 qu'un cantrat d'emploi fut établi, aux termes duquel Paul Capelle engageait l'appelante en qualité d'employée à partir du ,1er mai 1970 moyennant une rémunér~tion mensuelle de 40.320 F augmentée de 20.000 F pour frais de déplacement forfaitaires; que l'appelante a produit à la faillite de son mari une créance d'un montant de 981.93 3 F du chef de salaire, pécule de vacances et préavis ;

Attendu que l'intimé soutient que les époux Oapelle-Perreau se sont présentés, à l'égard des tiers, comm.e exerçant Ie commerce ensemble et sur pied d'égalité ; que les agissements et Ie comportem,ent de l'appelante ont en effet pu faire croire aux fournisseurs et aux clients de !'affaire Cara, et même à certains membres du personnel, qu'elle n'était ni la mandataire ni la préposée de son mari, mais son associée; qu'en conséquence ils doivent être tenus chacun pour 1'ensemb1e des obligations contractées à J'égard des tiers ;

Attendu que, de son cöté, l'appelante se prévaut des dispositions de l'article 10 du code de . commerce aux termes duquel « (La femme) n'est pas réputée marchande publique si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de sun mari; elle n'est réputée telle que lorsqu'elle fait un commerce séparé » ;

Attendu que les présomptions établies par ·cette disposition tendent à protéger les biens personnels de la femme mariée et à les mett~e à l'abri du risque commercial couru par son mari, même si elle aide celui-ei dans son exploitation à titre de préposée ou de mandataire ; que ces présomptions ne font cependant pas obstacle à ce que ~a femme ma~iée soit néanmoins çonsidérée comme com­merçante, lorsqu'il est prouvé qu'elle a traité avec les tiers de telle manière que ceux-ci ont nécessa1rement dû croire qu'eHe s'engageait personnelleme·nt pour des actes qualifiés commerciaux par la loi, dont elle faisait sa profession habituelle ; qu'il importe peu à eet égard que cette activité ait pour objet une entreprise distincte ou non de celle de son mari GCass. 28 mai 1965, Pas., p. 1048);

Attendu que l'intimé invoquait dans sa requête une série de faits à l'appui de sa thèse ; que Ie premier juge 1 retint trois de ceux-ci comme paraissant spécialement pertinents à eet égard et apportant UJne preuve suffisante de

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l'activité commereiale commune et ostensible des époux Capelle-Perreau à l'égard des tiers ; qu'il estima qu'il n'était dès lors pas nécessaire d'examiner plus amplement les autres éléme·nts invoqués par Ie requérant ; que devant la cour l'intimé relève d'autres faits pouvant s'ajouter à ceux formulés dans sa requête introductive et ce conformément aux réserves exprimées en cette dernière ; "

Attendu qu'il y a lieu, dès lors, d'analyser les faits invoqués par l'intimé tant dans sa requête introductive que dans ses conclusions prises devant la cour ;

1) Qu'une convention fut conclue Ie 8 septembre 1969 entre la S.A. Philips et « Voyages Caro, Agence de voyages, exploitée par Monsieur et Madame Paul Capelle, qui s'engagent conjointement et solidairement, ... » ; que cette conven­tion fut signée par les deux époux Capelle; qu'il y fut notamment conve~·m que Philips et Caro constitueraient une S.A. « Oaro Center" au capita! de 1.000.000 F à la constitution de laquelle, « Caro (en la personne de M. et Mme Capelle) » apparaîtrait comme wnstituant pour 994 parts sur les 1000, dont elle céderait 594 parts à des personnes désignées par Philips immédiatement après l'acte constitutif ; que Ie conseil d'administration de « Caro Center » serait com­posé de trois membres dont deux à désigner par Philips et un par Caro ; que « Caro Center » confierait à « Voyages Caro » Ie fO'nctionnement normal de la nouvelle agence ; que Philips Lui confierait l'organisation de tous les voyages à effectuer pour son compte et la recommanderait à son peTsonnel et à ses rela­tions ; que Philips lui conse·ntirait un droit d'exploitation des locaux sis dans son immeuble de la place de Brouckère ;

2) Qu'une autre convention fut conclue Ie 2'3 septembre 1971 entre la S.A. Sedena d'une part et « MonsietLr Paul Capelle, exploitant l'Agence de voyages Caro, et Madame Paul Capelle, née Fmnce Perreau, qui s'oblige solidairem.ent avec Ie premier nommé pour l'exécution des présentes ... d'autre part» ; qD;e Sedena consentait à Oaro une ouverture de crédit de caisse d'un montant de 3.050.000 F en garantie de laquel.le Caro donnait en gage la totalité des actions de la S.A. « Caro Reizen », s'interdisait d'aliéner ou d'hypothéquer plus avant deux immeubles appartenant à l'appelante et tous autres immeubles dont Caro était ou pourrait devenir propriétaire, donnait ma·ndat irrévocable à Sedena, si celie-ei Ie jugeait utile, d'hy.pothéquer à concurrence de 3.000.000 F lesdits immeubles, donnerait en gage à Sedena lorsque celie-ei Ie solliciterait, le fonds de commerce de tous ses eentres d'exploitation, donnerait en gage à Sedena toutes les actions qui lui seraient attribuées dans une société anonyme à constituer à laquelie Caro avait l'intention de faire apport de sa situatiO'n· active et passive ;

3) Qu'il n'est pas contesté que l'appelante a consenti personneliement des inscriptions hypothécaires en premier rang importantes au profit de la Société Générale de Banque pour sûreté d'ouvertures de crédit destinées à !'affaire Caro ;

4) Que l'intimé fait état de la signature par l'appelante de plusieurs chèques sans provision tirés pour Ie compte ll'0 101.540 de « M. Paul Capelle 'Voyages Caro' » à la Société Générale de Banque au profit de fournisseurs des « Voyages Caro»;

5) Qu'une photocopie d'un cantrat du 8 avril l970 est produite aux te.rmes duquel « Monsieur et Madame Paul Capelle, faisant Ie commerce sous la déno­mination « Agence de voyages Caro » et Hermann Gaeng O'nt convenu que l'Agence engageait ce dernier, qui lui apportait une clientèle personnelle, en

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qualité de chef d'agence de sa succursale « Caro Saint-Gilles " ; que la pièce produite ne porte toutefois que la signature de Paul Capelle ;

6) Qu'un cantrat de location d'une instaBation téléphonique fut concl/U Ie 6 avril 1970 entre la S.A. Tegeho-Nova et « Voyages Caro » et signé par l'appelante ; qu'un semblable cantrat avait été conclu Ie 7 août 1'969 entre la même S.A. et « Voyages Caro » ; qu'un premier avenant à cette convention fut signé par Geerts Ie 16 mars 1970 et un second par l'appelante Ie 1~· septemblre 1971 ;

7) Que Paul Capelle achetait Ie 21 octobre 1969 une voiture B.M.W. pour les besoins ~du commerce; que l'appelante se porta aval et caution solidaire et indivisible pour Ie solde du prix ;

8) Qu'une convention de bail, enregistrée Ie 3 juin 1971, fut conclue entre Oscar Van Coillie d'une part et « Paul Cape1le, commerçant, et son épouse ... , d'autre part », concernant l'entièreté de l'immeuble, siège de l'établissement prin­cipal des « Vo'ylages Caro » ; qu'il y était mentionné: «Les preneurs souhaitent étendre leur accupation commerci'ale à l'usage de bureau ... aux appartements des premier, deuxième et troisième étages » ;

9) Que l'intimé invoque que les époux Capelle étaient titulaires auprès de la Société Générale de Hanque, agence de Waremme, d'un compte no C.D. 506.948 sous l'intitulé « Voyages Caro - Monsieur, Madame Paul Capelle» pour les besoins des << Voyages Caro » ;

10) Qu'un contrat d'emploi fut signé Ie 16 juillet 1969 ;par Paul Capelle fais•ant Ie commerce sous la dénomination « Agence de voyages Cara » et par P .. J. Mouliné, dont l'art. 3 stipulait: «Les fonctions de Monsieur Mouliné con­sistewnt en ordre ;principal, à exécuter, selon les instructions de Monsieur et Madame Paul Capelle et sous leur surveillance, tout ce qui est relatif à la prospection, la gestion et l'administration d'une succursale d'agence de voyages, a:u sens large » ;

11) Que «Monsieur et Madame Paul Capelle faisant le commerce sous la dénomination Voyages Caro " furent appelés à comparaître en conciliation Ie 14 avril 1970 devant Ie conseil des pmd'hommes et cités Ie 20 mai 1970 en cette qualité devant la même juridiction ;

,12) Qu'une convention fut conclue Ie 10 juillet 1970 entre «Monsieur et Madame P. Capelle, ... propriétaires de la Maison Mère Agence de voyages Caro » et A. et F. Couchard, par laquelle ces dernières cédaient l'agence de voyages « Caro Ixelrles » !liUX premiers nommés, qui les engageaient comme erilployées ; que cette convention n'est toutefois pas signée par l'appelante ;

13) Qu'une autre convention, signée cette fois par les deux époux Capelle, fut conclue Ie 25 novembre 1970 entre «Monsieur et Madame Paul Capelle, ... propriétaires des Voyages Cara » et Robert Deweer « employé au service des premiers nommés » par laque11e ceux-ci consentaient à Deweer un prêt de 250.000 F; qu'il était stipulé qu'en cas de départ de Deweer des Services Caro, Ie solde retant dû polllfrait être exigible immédiatement ;

14) Que Ie 2 janvier 1971 fut conclu un « cantrat de reprise de l'agence Cara­Verviers, . . . par Madame Cape11e Voyages Caro Bruxelles » ; que cette conven­tion fut signée par l'appelante ;

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15) Qu'un « rapport d'investigation générale » fut dressé par l'expert Tytgat à la demande formulée Ie 20 janvier 11971 par des responsables de Philips ; qu'il mentionne que «Ie groupe Caro que dirige Monsieur et Madame Capelle-Perreau se présente sous la forme d'une exploitation au titre de commerça:nts indépen­dants en quatorze points de vente », puis par l'intermédiaire de quatre particuliers qui exercent Ie commerce en quatre autres points de vente mais en dépendance économique totale, e'llSuite par la participation daps trois sociétés anonymes à ± 50 o/o qui expl1oitent trois points dre vente, enfin par une pa.rticipation très minoritaire dans deux sociétés anonymes plus impottantes; qu'il énumère ensuite les quatorze points de ve·nte << appartenant à M. et Mme Capelle »; que I' exposé sur les oirconstances du projet mentionne: «Mme Capelle m'a confié quels étaient les motifs de son désir de former une société avec Philips: la sauve­garde de ses intérêts personnels dans ie cadre d'une situation familiale donnée

< d';une part, et l'ambition de réaliser d'autre part une chose pour laquelle elle éprouve une grande foi, dans un marché ou elle• a l'expérience et y découvre une conjo·ncture actuellement aseendante » ;

Attendu qu'il n'est pas douteux que l'appelante se soit présentée à la S.A. Philips comme exploitant conjointement avec son man-i les « Voyages Caro » (1), et· se soit engagée en cette qualité vis-à-vis de cette société au même titre q1ue son mari, posant ainsi un acte de commerce;

Attendu qu'il y a He.u d'écarter, comme dépourvus de valeur probante en l'espèce, les chèques visés au no 4 sauf celui üré :au profit de Siti~Tours, la convention Gaeng (5) et la convention Couchard (12) ; que ces pièces ne portent, en effet, pas la signature de l'appelante et ne peuvent, partant, l'engager: que, s'il est possible que d'autres exemplaires des conventions précitées soient signés par l'appelante, ce fait ne peut cependant pas être considéré comme acquis, à défaut de production de tels exemplaires ;

Atte.ndu qu'en signant Ie chèque Siti-Tours précité (4) pour Ie compte de « M. Paul Capelle, Voyages Caro », et en signant les · conventions Tegeho­Nova (6), l'appelante n'est pas sortie du cadre de ses fonctions de mandataire des « Voyages Cara», pas plus que les autr·es directeurs ne Ie faisaient en signant des chèques au nom de l'entreprise, ni Ie directeur administratif Geerts en signant un des avenants auxdites conventions TegehO'-No;y.a;

Attendu que l'intitulé prétendu {9) du compte no C.D. 506.948 n'apparaît pas des documents produits ;

Attendu qu'il ne peut être fait grief à l'appelante des mentions de la con­vention Mouliné (1 0), dans laquelle elle n'est pas intervenue ; que Ie fait d'imposer à Mouliné l'exécution de ses fonctions selon les instructions de M. et Mme Paul Capelle et sous leur surveillance n'implique d'ailleurs pas u1ne immixtion de cette dernière dans l'exploitation de l'entreprise et trouve une justification normale dans les fonctions de direction qu'elle exerçait ;

Attendu qu'il ne peut êtr.e sérieusememt tiré argument contre ['~ppelante de la qualité à elle attribuée par une seule employée remerciée dans ses convocations devant Ie conseil des prud'hommes (11), d'autant moins que la mention querellée a été immédiatement contestée par l'appelante dans sa lettre du 20 mai 1970 à son conseil ;

Attendu que Ie prêt Deweer (13), quoique consenti à un employé et lié à sa présence dans l'entreprise, ne concernait pas celie-ei mais était d'ordre privé;

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Alttendu que si la cession de l'agence de Verviers (14) a été faite à « Madame Capelle Voyages Caro », l'appelante déclare expressément au cantrat agir « au nom des Voyages Cara ... 1e preneur » ;

Attendu que Ie fait de se porter aval et caution solidaire et indivisible pour une dette cammerciale de son mari (7), de consentir personnellement des inscrip­tions hypothécaires pour sûreté d'ouvertures de crédit destinées à l'entrepri­se (3), de s'engager solidairement pour l'exécution des engagements commer­ciaux de son mari (2~ n'impliquent pas dans le chef de l'appelante une immixtion dans l'exploitation de l'entreprise de ce dernier ;

Attendu que si la convention de bail du siège de l'établissement principal (8) parle du souhait des preneurs d'étendre leur activité commerciale, l'intitulé de ce bail fait cependant nettement la distinction entre Paul Capelle, « commerçant »

et son épouse ;

Attendu qu'aucune condusion convaincante ne peut être tirée en l'espèce des considérations de l'expert Tytgat (15), qui ne paraît pas avoir vérifié d~une

manière approfondie Ie statut juridique exact de l'entreprise qu'il avait pour mission d'examiner ;

Attendu que de la convention PhilipS' (1), jo~nte aux autres faits invoqués, tels qu'ils sant analysés et commentés ci-dessus, i1 ne peut être déduit que l'appelante se soit livrée habituellement, à !'occasion du négoce de son mari, à des actes de commerce;

Attendu, dans ces conditions, qu'il n'est pas établi que l'appelante ait traité avec les tiers de telle manière que ceux-ci aient nécessairement dû croire qu'elle s'engageait personnellement pour des actes qualifiés commerciaux par la loi, dont elle faisait sa profession habituelle; que l'appelante ne peut, partant, être considérée comme commerçante ; que, par conséquent, sa déclaration en faillite ne se justifie pas ;

Par ces motifs,

La Cour,

Vu l'rurticle 24 de la loi du 15 j•uin 1935,

Entendu en son avis Monsieur Dykmans, premièr avocat général,

Reçoit l'appel ;

Met à néant Ie jugement attaqué en ses dispositilons entreprises ;

Eimenda:nt,

déclare non fondée L'action ongmaire de l'intimé en tant qu'elle tendait à faire déclarer l'appelante en faillite.

Observations. - V oir le jugement a quo à la· Revue, 1972, p. 249. L'arrêt indique avec soin les circonstances qui ne sont pas suffisantes pour renverser la présomption selon laquelle l'aide donnée par l'épouse dans l'exploitation cammerciale du mari ne la convertit pas en com­merçante (art. 10 du Code de commerce- Cruss. 28 mai 1965, Pas., p. 1048 et Revue critique, 1969, p. 367).

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No 5732. - Cassation de France. - 7 mars 1972. Siég. : MM. Aydalot, prem. prés., Ancel, prés., Thirion, cons. rapp.

et Blondeau, av. gén. Plaid.: MMes Beurdeley et de Chaisemartin.

(Société chimique et routière d'Algérie c/ Société Entreprise Hetze/)

Fusion. - Créances de la société absm·bée. - Transmission à la société absorbante. - Non application de l'article 1690 Code civil.

Les formaAités de l'artidle 1690 ne sant pas d'application lorsque la société absorbée transmet !'ensemble de son patrimoine à la .~ociété absorbante.

ARRÊT

Sur Ie premier moyen pris en sa première branche:

Vu l'article 1690 du Code civil; Attendu que ce texte n'a pas d'application lorsqu'à la suite d'une fusion de

sociétés, la société absorbante vient activement et passivement aux lieu et place de la société absorbée ;

Attendu que selon les énonciations des juges du fond la Société Entreprise Hetzei ayant son siège en France a fait en Algérie, tant avant qu'après l'lndé­pendance de ce pays, des travaux à !'occasion desquels elle a contracté une dette envers la Société africaine des Bitumes, Asphaltes et Goudrans (S.A.B.A.G.) ; que cette société a, en 1964, été absorbée par Ia Société chimique et routière d'Algérie par voie d'apport-fusion; que Ia nouvelle ·société ayant demandé paiement de la créance faisant partie des apports de la S.A.B.A.G., !'arrêt infirmatif attaqué a déclaré cette demande irrecevable, aux motifs que !'apport à la société absorbante des créances de la société absorbée à !'occasion d'une :fiusion de sociétés constitue un transport aüquel l'article 1690 du Code civiJ est applicable ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a, par fausse application, violé Ie texte susvisé ; que du chef de la recevabilité de la demande, la cassation est encourue.

Obsen·ations. - I. La fusion de deux sociétés opère transfert des créances de la société absorbée à la société absorbante.

Ce transfert est-il opposable aux tierspar Ie seul fait de la fusion et de la publicité qui l'entoure ou l'accomplissement des formalités pré.vues par l'article 1690 du code civil est-il requis ?

L'arrêt annoté tranche la question en décidant que l'article 1690 du code civil est inapplicable dans cette hypothèse.

Rendue à propos d'une fusion intervenue lavant modification de la loi française du 24 juillet 1966, la salution conserve sa valeur sous !'empire de la loi nouvelle et peut être invoquée chez nous.

Elle est d'un intérêt pratique évident. Les· formalités prévues à l'article 1690 pourraient difficilement être observées quand l'apport comprend un grand nombre de créances. Elles · risquent d'être fort coûteuses. Aussi sant-elles fréquemment négligées.

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La salution paraît donc certaine en France. En Belgique, les déci­sions rendues en la matière se prononcent dans Ie même sens, à de rares exceptions près. Les décisions les plus récentes se fondent cepen­dant, pour exclure l'application des formalités de l'article 1690, sur Ie mécanisme même de cette disposition, sans éprouver Ie besoin de recourir au caractère universel de la fusion. -

L'arrêt annoté mérite donc de retenir rattention car sa motivation, quoique sommaire, précise la nature de l'opération de fusion.

IJ. Il n'est pas contesté que la connaissance acquise par Ie débiteur cédé ou par un tiers, en dehors des formalités de l'article 1690, de la cession de créance leur rend celie-ei opposable: DE PAGE, t. IV, p. 411 - R.P.D.B., VV Transport de créances, p. 53 et références citées - GEVERS, R.C.J.B., 1961, p. 249 - LAURENT, t. XXIV, pp. 488 et 492 - Cass., 22 février 1952, Pas., 1952, I, p. 367 et note -Cass., 3 septembre 1959, Pas., 1960, I, p. 1.

La publicité organisée autour de l'opération de fusion suffit à porter celie-ei à la connaissance de tous.

La pubHeation aux annexes du Moniteur, légalement requise puisque les sociétés qui fusionneut procèdent à une modification de leurs sta­tuts, est un avertissement offieiel et général qui rend inutile l'ac­complissement des formalités prescrites par l'article 1690 du code civil, conformément au principe même de eet article.

C'est pour cette raison de publicité que les décisions belges les plus récentes écartent l'application de cette disposition en cas de fusion (Comm. Bruxelles, 15 décembre 1941, Hevue, 1947, p. 309 et note­Comm. Gand, 1er mars 1963, Hevue, 1964, p. 41 et notede Radiguès). La Cour de cassation française avait d'ailleurs déjà retenu cette moti..:. vation (Cass. comm., 26 juin 1961, Gaz. Pal., 1962, I, p. 62).

La salution est logique et conforme à la doctrine (FRÉDÉRICQ, T raité, t. V, p. 1037 et références eitées- VAN RYN, Principes, t. I, p. 858 et références citées- VAN RYN et VAN ÜMMESLAGHE, R.C.J.B., -1958, p. 92, et 1967, p. 390- DE WEERDE, Samenstelling van naamloze ven­

nootschappen, p. 122 et suivantes).

lil. L'arrêt annoté trouve un autre fondement à l'exclusion de l'arti­cle 1690 du code civil.

C'est Ie caractère universel de la fusion qui fait écarter les formalités prescrites par l'article 1690. La salution est la même que dans les cas d'une dévolution successarale ou l'unanimité s'est faite aujourd'hui pour exclure l'application de cette disposition, laquelle se limiterait

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ainsi aux cessions à titre particulier. En cas de transmission univer­sene ou à titre universel, .la personne du créancier originaire se pro­longe et se survit dans la personne du successeur. Il y a continuité malgré Ie changement du titulaire de la créance.

La salution est certaine en cas de transmission de droits successifs (Cass. française, 16 avril 1889, D., 1890, I, p. 260 - Cass., 31 octobre 1901, Pas., 1902, I, p. 27 - DE PAGE, t. IV, p. 450, 4° -R.P.D.B., yfJ Transport de créances, p. 56 ~ PLANJOL et RIPERT, t. VII, p. 1124). Elle fut évoquée à propos de la cession des créances relevant d'un fonds de commerce (Paris, 15 octobre 1920, Sire:y, 1921, 2, p. 123 - P. CoPPENS, note sous Bruxelles, 31 mai 1947, f.T., 19'47, p. 465) quoique, dans cette hypothèse, les formalités de l'article 1690 soient en principe requises (DE PAGE, t. JiV, p. 3 89 bis - PLANlOL et RIPERT, t. VII, p. 1124 - LAUWERS et VERCRUYSSE, Le fonds de commerce, t. I, p. 210 ---1 COHEN, Le folflds de commerce, t. I, p. 834).

Appliquée à la fusion de sociétés, elle éclaire celle-ci d'un jour nouveau.

La concentration de deux ou plusieurs sociétés n'équivaut pas à la dissalution des sociétés absorbées. Elle est plus proche d'une trans­formation qui respecte la continuité de ceLles-ei (Y. CHEMINAD'E.l, Nature juridique de la fusion des sociétés anon:ymes, Rev. trim. droit comm., 1970, p. 15).

Les associés de la société absorbée, en votant la fusion, n'ont pas entendu mettre fin à l'activité sociale et voir répartir l'actif entre eux, après paiement des créanciers. Leur volonté de collaboration active en vue d'un but commun persiste. Elle prend une dimension nouvelle, plus large.

La société absorbée conserve ses éléments constitutifs essentiels et elle se retrouve avec tous ses biens et tous ses membres, au sein de la société absorbante.

On en trouve un reflet en droit fiscal qui, malgré son autonomie, est aux prises avec le même fait économique : les amortissements se pro­longent tout simplcment à l'intérieur de la société absorbante et font suite au tableau de la société absorbée ; la chronologie des différentes couches d'apport du capital de la société absorbée, se poursuivra, à l'intérieur de la société absorbante s'il s'agit un jour d'en déterminer la péréquation (Code des impóts, art. 124, § 3).

Oette persistance de la société absorbée n'est guère discutée lorsqu'il s'agit du règlement de son passif. L'intérêt est ici de protéger les créanciers. I1 est normal que la société absorbante subisse les dettes

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de la société absorbée (Liège, 5 janvier 1959, Revue, 1959, p. 228 et la note P.C.).

La survie passive de la société dissoute, pour les besoins de sa liquidation, ne pourrait expliquer à elle seule cette persistance. Cam­ment justifier que la société absorbante soit tenue de désintéresser les créanciers de la société absorbée au-delà de l'actif de celle-ci? En réalité, la fusion est un phénomène plus ample qui opère transfert de tout Ie patrimoine de la société absorbée, laquelle se perpétue au sein de la société absorbante.

La disparition de sa personnalité morale n'affecte pas son existence. La notion de personnalité morale est une abstraction qui permet d'ex­primer l'activité sociale au regard des tiers et de réaliser la séparation du patrimoine social de celui des associés. Elle ne constitue pas un élément essentie! de la société, à tel point que toutes ne la possèdent pas. Sa disparition n'implique pas que la société soit tout à fait éva­nouie.

IV. Une jurisprudence beige assez ancienne avait relevé ces prin­cipes, maladroitement parfois, pour exclure l'application de l'article 1690 en cas de fusion (Civ. Bruxelles, 23 mai 1907, Pand. pér., 1907, p. 988, à propos des formalités prévues à l'article 5 de la loi hypothé­caire- Civ. Bruxelles, 29 novembre 1911, Pand. pér., 1912, p. 436-Liège, 15 juin 1921, ]ur. Liègc, 1921, p. 264 - Com. Verviers, 30 octobre 1923, ]ur. Liègc, 1923, p. 317, ou il est question, impro­prement, de « subrogation générale » - Com. Bruxelles, 6 décenibre 1935, Revue, 1936, p. 20 - Liège, 31 mars 1939, Revue, 1939, p. 294 et note).

Dès l'instant ou il fut acquis que la publicité de la fusion suffisait à informer les tiers et excluait de façon certaine l'.application de l'article 1690, une telle motivation devenait surabondante et nos juri­dictions n' éprouvèrent plus Ie besoin d'y recourir.

Elle n'en est pas rnains plus fondamentale et plus conforme aux solutions apportées par les droits positifs contemporains, m,ême si elle n'est pas à l'abri de discussions (RENAULD, Etude comparative de la réglcmentation des fusions de sociétés en droit bclgc ct dans ccrtaincs législa~ tions étrangèrcs, Revue, 1955, p. 1).

Ainsi, la loi française du 24 juillet 1966 (article 371) et son décret d'application du 23 mars 1967 (articles 263 et 265), la loi allemande du 6 septembre 1965 (articles 339 et suivants) et Ie Code civil italien (articles 2501 à 2504) ont consiruit la fusion sur le schéma de la trans-

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mission universelle et n'exigent pas la liquidation de la société absorbée préalablement au transfert de son patrimoine à la société absorbante.

Il en va de même du projet de directive présenté par la Commission des Communautés européennes au Conseil des ruinistres Ie 16 juin 1970 récemment modifié, qui définit la fusion comme étant un transfert de patrimoine.

L'avant-projet de réforme beige consacre Ie même principe en pré­cisant que «par l'effet de la fusion, tous les droits, biens et obligations de la société absorbée sont, de plein droit, transférés à la société absor­bante » ( artiele 150 du texte relatif aux sociétés anonymes).

Le schéma de la transmission universelle explique de façon cohérente et pratique Ie mécanisme de la fusion. Il éclaire d'un jour nouveau les solutions jurisprudentielies apportées aux problèrnes particuliers que pose celle-ct, notarument celui de la transmission de l'actif.

V. On citera, pour terminer, les deux décisions qui ont exigé l'ac­complissement des formalités de l'article 1690 (J.P. WELLIN, 10 juin 1948, Revue, 1950, p; 165 et note - Bruxelles, 30 septembre 1954, R,evue, 1955, p. 151).

Il n'y a pas lieu de s'y étendre car elles n'ont traité de ce problème qu'incidemment. La question essentielle qui se posait, dans chacun des cas, était de savoir dans queUe mesure un cantrat synallagmatique, générateur pour chacun des contraetauts de droits et d'obligations, pouvait être transféré comme tel dans Ie patrimoine de la société absorbante. Cette question ne retient pas ici notre examen.

On signalera, pour être complet, que l'arrêt de la Cour de Bruxelles du 30 septembre 1954 fit l'objet d'un pourvoi en cassation, étranger au problème qui nous occupe, lequel fut rejeté (Cass., 15 décembre 1955, Pas., 1956, I, p. 370). I .

On mentionnera enfin, pour mém?ire, l'arrêt de la Cour de Bruxelles du 1er juillet 1908 (Rev. Nat., 1909, p. 2550~ qui exige l'accomplisse­ment des forn1a1ités prévues à l'article 5 de la loi hypothécaire, en cas de fusion.

Ces décisions, isolées dans un courant doctrina! et jurisprudentie! en sens contraire, ne paraissent pas décisives.

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François 'T KINT

Assistant à la Faoulté de Droit de Louvain

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No 5733.- Tribunal de commerce de Hasselt.- 2 avrill971. Siég.: Mme Vanstreels, prés.; MM. Lemmers et Sm~ets, juges.

Plaid. : MM'es De Raeymaeker et Carnoy. (Consorts Renier cj S.P.R.L. De Nieuwe mechanische Gieterijen, Coene et autres)

I. S.P.R.L. - Société. arrivée à terme statutaire. - Choix entre des modes de Iiquidation. - Parité de voix. - Voix prépondérante du président.

Validité.

11. Liquidation par absorption. - Mode valable de liquidation. - Condi­tion : les actions de la société absorbante doivent être dotées d'une valeur adéquate et être aisément cessibles. - Remise de titres pratiquement inces­sibles. - Droits moindres entre les rnains des associés de la société absorbée. - Abus de pouvoh·. - Nullité de la décision.

l. Lorsque l'czysemblée générale d'une S.P.R.L., à l'expiration de ses trente années d'existence, doit décider du mode de liquidation et qu'il y a parité de voix entre deux propositions, ra c:lause statutaire qui donne voix prépondérante au Président est d'application. Le jugement estime que cette clause eist usuelle et valable.

Jl. L'absorption de la société .Nquidée par une autre société est un mode régulier de liquidation. La société absorbante peut avoir un objet différent. Cette manière de liquider est cependant viciée si les actions remises aux associés de la société absorbée sant très difficiles à négdder. Dans ce aa~, en effet, .l'actif revenant aux associés de fa société abso.rbée demeure prisonnier de la sociétêl absorbante et il n'y a plus de paiement liquidatij adéqu.at.

L'abus de pouvoir est sanr..:tionné par la nullité de i'assemblée et celle des actes d'exécution qui ont dfcidé et mis en application une cnbsorption irrégulière, au fond, pour ces raisons.

JU GEMENT (traduction)

Dans !'exploit introductif d'instance des huissiers de justice Juliette Wjllems, de Hasselt, du 3 décembre 11970, et Henri Boehmer, de Liège, du 7 décembre 1970, les demandeurs sollicitent la condamnation des défendeurs à procéder, avec Les demandeurs, aux opérations de liquidation et partage de la S.P.R.L. Nieuwe Mechanische Gieterijen en Werkhuizen à Saint-Trond, société en liquidation et première défenderesse, et visent à entendre dire que, pour procéder à cette liquidation :

1) un liquidateur soit désigné pour examiner quel serait Ie mode de liquidation le plus favorable pour toutes les parties ;

2) toutes les parties soient autorisées à faire une offre de reprise de toutes les parts ;

Donner acte au premier demandeur, de ce qu'il offre de reprendre toutes les parts pour dix millions de francs, sous réserve d'augmentation et de diminution.

3) renvoyer les parties devant un notaire chargé de toutes les opérations de liquidation et de partage et un second notaire pour représenter les parties défaillantes.

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L'exécution par provision est en outre demandée et l'action est évaluée à plus de 25.000 F.

I. Les faits :

J. La S.P.R.L. Nieuwe Mechanische Gieterijen en Werkhuizen fut constituée par a.cte du 12 janvier 1939 po1ur une période de trente années à plartir du 1 er janvier 1939, entre MM. Coune-Ilsbroux et Smets avec un capital social de 300.000 F, représenté par 300 parts de 1.000 F chacune. En échange de leur apport, ·les associés reçurent chacun 100 parts.

L'artic/e 9 prévoyait que le transfert des parts aux tiers ne peut se faire qu'avec l'accord de la moitié des associés en possession des 3 I 4 du caiPital, déduction faite des droits pour lescruels le t!ransfert est proposé.

L'article 27 - Assemblée générale disait que les décisions sont prises par la majorité des voix exprimées. En cas de parité des voix, la voix du Président est prépondérante. En cas de nomination, lorsqu'aucun des oandidats n'obtient la majorité absolue, les candidats ayant obtenu le plus de voix seront soumis à un nouveau vote. En cas de parité des voix, le candidat le plus agé est élu.

L'article 29 disposait que l'ass.emblée est présidée par le Président du collège des gérants et en !'absence de celui-ci, par le gérant Ie plus agé présent.

L'article 35 entendait qu'en cas de dissolution, pour quelque motif que ce soit, !'assemblée générale désignera un ou plusieurs liquidateurs et déterminera le mode de liquidation. Elle a, à eet effet, les prérogatives les plus larges. Après paiement des dettes et charges, le solde de la liquidation sera partagé entre toutes les parts.

Il. En 1957, M. Renier acquiert avec son beau-frère Govaerts. les parts du précité M. Smets plus 25 parts de MM. Ooune et Ilsbroux. Après transfert ulté­rieur des parts, 1150 parts appartiennent é!JUX demandeurs et 150 parts aux défen­deurs sub 2 à 5.

III. Depuis le 1 eT janvier 1969, la S.P.R.L. est en état de liquidation légale, puisque Ie te•rme de 30 ans est échu.

IV. Par acte notarié du 15 juin 1970 du notaire Tirmache de Saint-Trond constituant le procès-verbal de l'assemblée extraordinaire, MM. Jean Coune et Albert Thenier ont été nommés dans Ie collège de liquidation. Comme collège, les liquidateurs disposent des prérogatives les plus larges. Agissant en collège, ils penvent accomplir tous les actes, prench"e les décisions prré:vues à l'article 182' et faire tous les actes sans autorisation préalable, même si cette autorisation est légalernent exigée.

Les liquidateurs ne purent aboutir à un accord, concernant le mode de liqui­dation. L'assemblée générale extraordinaire du 7 septembre 11970 avait à dési­gner un président de !'assemblée.

Proposition Renier : Ie collège des liquidateurs agira cornme président de !'assemblée.

Proposition Coune : il se présente lui-mêrne cornme candidat. La proposition Renier obtient 150 voix et la proposition Coune obtient

150 voix. Il y avait parité des voix et on procéda à up nouveau scrutin. Conforrmément à l'article 27 des statuts, M. Coune en tant que candidat Ie

plus agé, fut élu président.

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V. La désignation d'un troisième liquidateur constituait l'objet des trois assem­blées générales extraordinaires des 7 septembre 1970, 28 novembre 1970 et 24 décembre 1970.

Le 7 septembre 1970, la désignation d'un troisième liquidateur avec les mêmes pouvoirs et prérogatives que les deux au1tres liquidateurs est mise au vote, ainsi que la candidature de M. Ilsb~roux, 150 voix pour et 150 vo~x contre. Après ce vote, M. Coune est présenté comme président du collège des liquida­teurs: résultat du vote: 150 voix pour, 150 voix contre.

Le 18 septembre 1970, la nomination de M. Ilsbroux comme troisième liqui­dateur et la nominatio111 de M. Coune comme président du collège des Iiqui­datems furent publiées au Moniteur.

Le 28 novembre 1970, suivant procès-verbal du notaire Van Hoof, on vote, sous la présidence de M. Coune, sur :

1. la confirmation de la nomination de M. Henri Ilsbroux,

2. les liquidateurs désignés formeront un collège de liquidateurs qui délibérera par majorité simple.

Résultat: parité des voix par 150 voix pour et 150 voix cont•re.

Le 24 décembre 1970, suivant procès-verbal du notaire, sous la présidence de M. Coune,.l'assemblée vote sur:

L. la confirmation de la nomination de M. Ilsbroux,

2. les trois liquidateurs désignés prennent leurs décisions par majorité simple des voix,

3. détermination des pouvoirs de deux liquidateurs agissant ensemble et valant jusqu'à !'apport du capita! social dans une autre société et fusion avec cette société.

Résultat des votes sur ces trois po]nts: 150 voix pour, 150 voix contre. M. Coune prétend que comme président de !'assemblée, sa voix est prépon­

dérante et que les décisions doivent dès lors être considérées comme adoptées.

Vl. Lors de !'assemblée générale extraordinaire par acte du notaire Rooman à Louvain, Ie 30 décembre 1970, la fusion de la S.A. « V.F.M. » de Balen se réalise, par absorption de la S.P.R.L. Nieuwe Mechanische Gieterijen en Werk­huizen en liquidation, par la S.A. Verkoop en Fabricatie van Metaalproducten par une augmentation du capital portant le capital social de cette dernière société de 500.000 F à 12.500.000 F.

La S.A. « V.F.M. » fut constituée par acte du 3 mars 1970 avec un capital social de 500.000 F pour une durée de 13 ans.

Dans l'acte du 30 décembre 1970, une quatrième décision fut acceptée: sous la condition suspensive de la réalisation de l'a,pport, l'assemblée approuve la fusion par absorption de la S.P.R.L. «Nieuwe Mechanische Gieterijen en Werk­huizen » par !'apport, par cette dernière société, de tout son patrimoine d'une valeur nette, au 30 avril 1970, de 12 millions de fra:ncs, sans exception ni res­triction, avec l'obligation de la société absorbante d'apurer tout Ie passif de la société absorbée et de remplir toutes ses obligations. L'assemblée décide en outre de rémunérer l'apport de la société absorbée par l'octroi de 2.400 nouvelles parts du capital sans indication de valeur nominale, lesqueUes seront partagées par la société absorbante entre les propriétaires et détenteurs des parts de la société

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absorbée, à raison de huit parts nouvelles de la société absorbante « V.F.M. »

contre une part de la société absorbée.

Ensuite, la cinquième décisiori s'énonce: les nouvelles parts sont nominatives et non représentées par titres négociables, comme il est dit dans l'article 7 des ~tatuts sociaux, et Ie transfert entre vifs ou · par suitC~ de d.écès est réglé par l'article 8 des mêmes statuts.

La seconde décision énonce en outre que Je conseil d'administration a Ie droit, pendant les séances d'une assemblée ordiqaire ou extraordinaire, de les remettre à trois semaines, suspension qui annule ~oute décision déjà prise.

Dans la société fusionnée, les demandeurs oÁt 1.200 des 2'.500 parts; lies anciens associés d.e la société absorbante : 100 parts ; les défendeurs, 2 à 5, ensemble : également 1.200 parts.

II. En droit : L'exceptio res judicata, invoquée par les défendeurs se fondant sur la décision

du Président du tribunal de commerce du 28 novembre 1970 qui a rejeté comme non fondée la demande des demandeurs tendant à la nomination d'un séquestre pour l'administration de la première défenderesse, est sans pertinence puisque Ie Président ne peut, en référé, rendre une décision quant au fonq.

,La première défenderesse était en état de liquidation par l'échéance de la durée du contrat de société.

Pa•r la décision du 15 juin 1970 de !'assemblée générale extraordinaire, Mes­si,eurs Coune et Renier furent désignés comme liquidateurs, avec la mission d'agir en collège avec les pou.voirs les plus étendus. I1 est clair que les deux groupes d'intérêts (d'un coté, le ,groupe Coune-Jlsbroux, avec 150 parts et d.'autre part, le groupe Renier, avec 150 pa<rts) ont pris des positions contradictoires:

Le groupe 1 désire soit la continuation sous l'ancienne forme de la société, avec les mêmes droits et obligations pour chacun, soift la v~ente de leur parts à des tiers.

Le groupe 2 désire la reprise de !'affaire .par Je plus offrant et offre la reprise de la totalité des parts.

Apparemment, Ie collège des .liquidateurs ne pouvait arriver à une décision. La question se pose de savoir si les d.écisions prises par !'assemblée générale

extraordinaire du 7 septembre 1970, 28 novembre 1970 et 24 décembre 1970 qui conduisirent à la liquidation par fusion avec. la S.A. « V.F.M. " de B.alen par absor,ption de la première défenderesse, furent prises régulièrement.

L'assemblée générale décide, par majorité des VDix. La disposition statutair.e de l'article 27 de l'acte du 112 janvier 1939 prévoit

qu'en cas de parité de voix, la voix du président est prépondérante, n'est pas en vialation avec l'article 135, alinéa 2 de la loi sur les sociétés qui veut que, nonobstant toute disposition contraire, chaque part donne droit à une voix et elle est d'un usage constant (Traité génércnl théorique et pratique de:s société~

civiles et commerciales, HOUPIN et BOSVliEUX, 1935, t. II, p. 239, no 1239). Exercent la présidence de !'assemblée générale, suivant l'article 29 des statuts,

Ie président du collège des gérants ou, en son absence, Ie gérant présent Ie plus ägé.

In casu, il n'y avait pas de président du ooillège des gérants ou tout au moins, on n'en apportait pas la preuve. Par « gérant Ie plus agé », on voUllait désigner le

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plus vieux en age, puisque c'est là l'interprétation normale du mot « agé )) et non Ie plus agé en a:nnées de service, ce qui serait d'aillems s'éloigner du langage normal et nulle part n'apparaît la volonté des fondateurs de donner cette der­nière signification au mot « agé )) .

Le gérant présent Ie plus agé est M. Jean Coune. En ce qui concerne la forme, les décisions prises par !'assemblée générale

extraordinaire de s-ep,tembre, novembre et décembre 1970 sont valables. Il y a lieu d'examiner s'il y aurait nullité pour non-respect du quorum imposé

par la loi, pour abus de droit de la majorité dans le but de nuire à la minorité ou pour des motifs de ce genre.

L'article 182 de la loi de~ sociétés prévoit que l'apport de l'iactif et du passif de la s.ociété en liquidation dans une autre société est une forme valable de liquidation par les liquidateurs désignés. La loi prévoit que cette décision doit être soumise à l'approbation de !'assemblée générale qui peut en décider par majorité simple.

In casu, les liquidateurs avaient été libérés de cette obligation. « Cette opération (liquidation par aJJport dans une autre société) réalise un

transfert d'universalité qui produit à l'égard des tiers les mêmes effets qu'une fusion proprement dite (VAN RYN, t. IJ, p. 1093). Mais il est admis par une doctrine et une jurisprudenoe unanimes qu'elle peut se faire sans aucune res­trietion dès !'instant ou elle constitue un mode avantageux de liquidation. L'identité d'objet social n'est donc plus requise en cette hypothèse, ni l'identité de forme ou de nationalité. Sous cette réserve que les titres remis aux liquida­teurs ou a:ux associés doivent représenter une valeur réelle, aisément réalisable et que cette opération ne peut entraîner pour les associés des obligations per­sonnelles plus lourdes que celles qui découleraient pour eux d'une liquidation ordinaire» (voy. Les fusions de sociétés en droit beige, par Jean-G. RENAULD, dans la Revue de Droit International et de Droit comparé, 1961, p. 76).

En l'espèce, la S.P .R.L. était arrivée en état de liquidation parce qu'elle avait atteint son ter me de trente ans. La S.P .R.L. est une société qui est contractée intuitu personae. Les demandeurs détenaient la moitié des parts et Ie premier demandeur en était le gérant. La fusion est une forme légale de liquidation et ,à ce titre, les obligations des anciens associés de la société absorbée auraient dû prendre fin, sauf si ces demiers avaient marqué leur préférence de rester dans la nouvelle société. En effet, Ie cantrat initia! de société ne prévoyait qu'une durée de trente ans. Cette condition peut être remplie si, après fusion, les actionnaires de la société absorbée en liquidation étaient désintéressés en numé­raire ou par des actions Jacilement revendables. Par la vente des parts, les anciens associés de la société absorbée peuvent àinsi pratiquement mettre fin à leurs obligations.

In casu, les associés de la première défenderesse recevaient des parts nomina­tives non négociables et sans valeur nominale· (art. 7 des statuts de la société absorbante V.F.M. -acte du 3 mars 1970).

L'article 8 des mêmes statuts prévoit qu'aucun rransfert des parts de capita! ne peut avoir lieu sauf avec l'accord du conseil d'administration et pour un ces­sionnaire agréé par Ie conseil d'administration.

En cas de refus par Ie conseil d'administration d'accorder son accord, ce dernier doit dans un délai de trois mois acheter lui-même ou chercher un autre

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acquéreur. Le prix de chaque part est la moyenne arithmétique de la valeur du bilan de chaque part sur base des trois demiers exercices.

Les demandeurs avaient en rnains une lettre du conseil d'administration de la S.A. « V.F.M. » par laquelle ils obtenaient l'accord de vendre librement leurs parts (lettre du 13 janvier 1971).

Ces parts seraient néanmoins difficilement revendables puisque l'éventuel acheteur serait à nD!'uveau lié par les dispositions statutaires de la S.A. « V.F.M. » (voy. les lettres de la Société Générale de Banque datées du 12 février 1971 et de la Banque de Bruxelles du 12 février

1

1971). La société absorbante ne propose pas d'acheter elle-même les parts ou de chercher elle-même un autre acheteur.

Il est en outre prévu que Ie conseil d'administration de la S.A, « V.F.M. »

peut à tout moment remettre !'assemblée générale ordinaire ou extraordinaire à trois semaines, suspension par laquelle toutes les décisions prises sont annulées (seconde décision prise par !'assemblée générale du 30 décembre 11970).

Lorsque Ie conseil d'administration fait une pro,position d'affectation du béné­fice, cette propositi~n ne peut être modifiée par !'assemblée générale que par une majorité des 3/4 des voix (art. 25 des statuts « V.F.M. »).

Ces dispositions ne sont certainement pas de nature à faciliter la négocia­bilité des parts et signifie pour les anciens associés de la S.P.R.L. absorbée, une diminution marquante de leur& droits, une augmentation de leurs obligations et l'impossibilité de faire valoir leur influence dans le conseil d'administration de la société absorbante.

La liquidation par fusion, de Ia manière dont elle se produit in casu, ne satisfait manifestement pas aux conditions posées par la doctrine et la jurispru­dence : « les ti tres deivent représenter · une valeur réelle, aisément réalisable et cette opération (fusion) ne peut entraîner pour les associés des obligations plus leurdes que celles qui découlent pour eux d'une liquidatien ordinaire ».

La majorité, qui ne fut obterrue que par Ia voix prépomdérante du président, a manifestement abusé de son pouvoir et a causé un dommage à la minorité. Le contrat de société ordinaire ne fut pas exécuté de bonne foi.

Les assemblées générales extraordinaires du 7 septembre 1970, du 2'8 novem­bre 1970 et 24 décembre 1970 et les décisions qui :Durent prises concernant la désignation d'un président, la nominaiton d'un troisième liquidateur, les pouvoirs du collège des liquidateurs et Je mode de liquidation, avaient uniquement pour but de rimdre possible la fusion par absorption par la S.A. « V.F.M. », dans laquelle les demandeurs, en tant que minorité, seraient privés de tout pouvoir réel de décision alors que d'autre part la société absorbante, vu la négociabilité très difficile des parts, disposerait du capita! des associés aussi longtemps qu'elle Ie désirerait.

Les décisions de ladite assemblée générale extraordinaire peuvent dès lors être déclarées nulles pour abus de droit ainsi que tous les actes juridiques accomplis en exécution de ce_s décisions.

V:U l'impossibilité des deux groupes d'intérêts d'arriver à un accord, un liquidateur judiciaire doit être nommé pour sortir de !'impasse mais avant cela il y a lieu d'ordonner une expertise pour déterminer Ie mode de liquidatien Ie plus favorable à tous les associés (A.P .R. vo P.V.B.A. IT0 282).

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Par ces motifs, Le tribunal décide, en rejetant toutes autres conclusions comme non pertinen­

tes, que la demande est reeevabie et fondée. 11 annule les décisions des assemblées générales extraordinaires du 7 septembre

1970, 28 novembre 1970 et 24 décembre 1970 et déclare nuls tous les actes juridiques posés par les défendeurs en exécution de ces décisions et plus spéciale-' ment la fusion de la première défenderesse par absorption de la part de la S.A. « V.F.M. » suivant acte du 30 décembre 1970.

I1 ordonne la liquidation de la S.P.R.L. Nouvelles Fonderies et Ateliers Méca­niques de Saint-Trond.

Et avant de se prononeer plus avant, ordonne une expertise. 11 désigne comme membres d'un collège de trois experts, à défaut d'accord

entre parties, endéans les huit jours de la signification de ce jugement :

1. M. Embrechts Edg., bedrijfsrevisor, 2. M. Mereken Alfons, 3. Me John Martens, Avec la mission : de déterminer dans un rapport motivé quel est Ie mode

de liquidation Ie plus favorable pour toutes les parties, après : 1. avoir permis à toutes les parties de faire une offre pour la reprise dè

toutes les actions ; 2. après avoir proposé à la S.A. « V.F.M. » de réaliser la fusion par absorp­

tion après paiement en espèces de l'actif net de la S.P.R.L. absorbée; 3. après examen de tout autre moyen de liquidation.

Observations. - Le texte original en néerlandais de ce jugement à paru à la ]urisprudence commerciale de Belgique, 1971, p. 667.

Le jugement n'a pas été frappé d'appel. A titre d'arrangement, les actions des demandeurs furent rachetées par l'autre groupe.

Ce jugement est mal rédigé. Sa prose libre n'apporte aucun exemple encourageant à ceux qui préfèrent cette formule à celle des attendus classiques qui contraignent la pensée à plus de rigueur.

Il est deux aspects de ce jugement qui méritent attention, l'un avec désapprobation, l'.autre avec pleine acceptation du principe- mis en -application. '

I. Parité de vote à l' assemblée et « voix prépondérante du Président ».

Le jugement fait erreur en admettant la validité de la clause sta­tutaire qui,, en cas de partage arithmétique des voix à !'assemblée générale, permet au Président de faire peser la décision dans le sens de sa propre opinion. La décision d'Hasselt fait référence à l'autorité du traité de HouPIN et BosviEUX en citant l'édition de 1935 en son tome II, p. 239, no 1239. Dans cette édition, nous n'avons trouvé trace de l'argument qu'à la page 239, no 1 0'66, en ce qui concerne les déli­bérations du conseil d'administration, c'est-à-dire dans une autre matière. Ce point d'appui est donc fallacieux. _

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A notre connaissance, la voix du Président d'assemblée comm.e solu­tion de l'impasse lorsque deux groupes coupent !'assemblée par moitiés, n'a été reçue que dans Ie traité de THALLER et P1c, t. III, édition de 1924, no 1302 et dans un jugemeiit du tribunal de commerce de Bor­deaux du 9 janvier 1931, ]ournal des sociétés, \1931, p. 677, note H.L. (voir notre étude : Le cas des sociétés anonJ)mes ~aralJ)sées par deux groupes hostiles, Revue, 1954, p. 215). L'époque admettait le vote plural et l'illégalité de la clause dérive précisément du principe plus récent de l'égalité des actions entre elles et du même poids votal que chacune d'elles représente.

On voit mal pourquoi une action, celle du Président de !'assemblée, se verrait dotée d'une double voix. Si Ie Président n'était pas action­naire, la même condusion s'imposerait pour Ie m.otif qu'un organe distinct supplanterait la souveraineté de l'assemblée et qu'à tout Ie rnains l'on confondrait la fonction de diriger les délibérations et celle de les farmer par un vote.

Pareilles clauses ne pourraient donc échapper à la nullité, si fré­quentes soient-elles dans les sociétés ou les parts sant distribuées en peu de mains. La parité de voix, symptóme classique d'un malaise dans les sociétés de familie, conduit au rejet de la résolution puisque celie-ei ne réussit pas à être soutenue par la moitié des voix plus une (Rép. prat. dr. beige, ~ Sociétés anonJ)mes, ll0 1347 - Rép. Dalloz Commercial, t. III, ~ Assemblée, no 220).

L'impasse peut se dénouer. Tout d'abord à l'amiable par !'abandon de l'ordre du jour qui .a clivé les votants en deux fractions égales. Brrsuite et de manière plus radicale, soit par une procédure en dissa­lution lorsqu'il s'avère que le fonctionnement de 1a société est paralysé parce que l'hostilité des deux groupes est tenace (notre étude ~ VAN RYN, t. I, ll0 346, 2°, c- VAN RYN et VAN ÜMMESLAGHE, Revue critique, 1967, p. 378 - RoNSE, Overzicht, T.P.R., 1967, p. 752) eneare que la jurisprudence beige hésite fortement à appliquer l'article 1871 aux sociétés anonymes (pour Ie jeu de eet artiele : Commerce Liège, 2 novembre 1971, Revue, 1972, p. 226), soit par la désignation d'un administrateur judiciaire (HoRSMANS, Le juge des référés et Ze droit des sociétés, Rlevue, 1969, p. 47, rro 4- Paris 17 décembre 1954, Revue,

1955, p. 73).

L'action en dissalution est évidemment sans objet lorsque le méca­nisme d'assemblée est bloqué au cours de la période de la liquidation comme c'était le cas devant Ie tribunal de Hasselt. Le jugement indique

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que les assocws étaient partagés à égalité sur la formule de l'apport de l'actif social par Ie liquidateur.

Une salution originale fut proposée récemment par M. L. MAEYENS,

juridische aspecten van het familiebedrijf, p. 205. Selon eet auteur qui est aussi un éminent praticien, les associés pourraient s'obliger, que ce soit dans les statuts ou ultérieurement, à donner un mandat irrévocable à un tiers pour l'exercice du vote attaché à l'une de leurs parts lorsqu'il y a partage égal des votes à !'assemblée. Ce mandataire, choisi par Ie groupe ou désigné par Ie Président du tribunal de commerce, inter­viendrait à une assemblée rapprochée, convoquée à bref délai et avec le même ordre du jour. Il ne pourrait voter que dans l'intérêt exclusif de la société.

La clause proposée n'a pas fait l'objet de !'étude approfondie qu'elle mériterait ni subi, semble-t-il, Ie feu d'un débat judiciaire. L'idée est ingénieuse. Nous hésitons quelque peu devant Ie caractère irrévocable de ce mandat, devant l'ampleur de son objet virtuel et devant Ie röle à vrai dire arbitral d'un tiers qui, en dernière analyse, n'est même pas choisi par celui au nom duquel il votera. Outre cela, l'on ne disceme plus !'aspect de proteetion patrimoniale du vote, son aspect de pur intérêt privé, cantrepartie du risque que l'actionnaire court en laissant son argent dans la société. Pareil vote cesse d'être un droit subjedtif pour devenir un droit fonctionnel (v. CoPPENS, L' a bus de majorité dans les sociétés -anon:ymes, p. 83).

La parité de voix au sein du Conseil d'administration peut parfaite­rneut être dénouée par une clause qui confère une voix prépondérante au Président du conseil. L'organe collégial est composé de membres qui doivent assurer l'administration de la société et l'on a remarqué qu'aucun d'eux n'était porteur en tant que tel ou gérant d'une fraction du capita! social. Le vote par tête au conseil et non par intérêt est significatif de cette différence entre la fonction votale de !'administrateur et la prérogative votale de l'actionnaire (voir FossEREAU, Le vote au conseil d' administration, Rev. trim. dr. comm., 1965, p. 317 - CORDON­

NIER, Du calcul des voix dans les conseils d' administration, ] ournal des sociétés, 1931. p. 513). L'administrateur cesse d'être · un possesseur d'action pour devenir un titulaire de gestion et la notion de sauvegarde du capital s'estompe. On comprend .dès .Jors pourquoi, s'agissant de gestion, celie-ei est déterminée, en cas de blocage du conseil et si les statuts l'ont dit, par un renforcement fonctionnel du röle du prési­dent.

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II. Remise d' actions innégociables aux actionnaires de la société liquidée.

Nous approuvons Ie jugement annoté lotsqu'il annule la décision de !'assemblée ayant autorisé Ie liquidateur de faire l'apport de tout l'actif à une société dont les actions sont dénuées de véritable négocia­bilité. Ce cas est trop rare en jurisprudence - existe-t-il même un précédent ? - pour ne pas être retenu.

Les associés payés de cette façon ne sont guère l'objet d'une véri­table « liquidation » et demeurent prisonnier.s d'un actif dont ils étaient en droit d'espérer Ie partage effectif puisque la société était arrivée à son terme sans être pror9gée. La san.ction de la nullité de l'apport nous paraît préférable à celle d'une action en responsabilité contre Ie liquidateur, Ie patrimoine de cedernier étant trop rapidement écrasé par l'ampleur des domrnages infligés. Mieux vaut considérer que les actions innégociables constituent une mauvaise monnaie de liquidation.

Un auteur avait avancé, de manière très isoiée, qu'il y avait un droit de recueillir des espèces en cas d'apport liquidatif contesté (DECUGIS, Traité pratique, 7e éd., p. 975).

Le jugement d'Hasselt fait entendre un son heureux car . les auteurs que nous avons rencontrés indiquent nettement que la répartition des titres aux 'actionnaires liquidataires « termine », « met fin » à la liqui­dation entre eux ( Rép. prat. dr. belge, V0 Sociétés anon})mtes, n10 2696 -RENAULD, Re'lJue critique, 1963, p. 54- DEMEUR, Revue, 1959, p. 180). La Cour de cassation a dit que la répartition des titres. . . entrés direc­tement dans Ie patrimoine de chacun d'eux, terminait la. liquidation pour les associés (Cass. 8 février 1955, Pas., p. 617). Cette liquidation abrégée en ce qui concerne les associés ne diminue pas, bien entendu, les droits des créanciers. Deux opinions, anciennes sans doute mais qui ne furent pas remodeh~es depuis, considèrent que les jeux sont faits pour les associés liquidataires dès qu'ils sont en possession des titres par Iesquels fut rémunévé !'apport de I'actif de leur société. « La mino­rité ne peut piaider qu'il s'agit d'une prorogation déguisée ou protester

I

que les actions de Ia nouvelle société distrifuées par Ie liquidateur ne leur confèrent pas les mêmes avantages » (VAN HouTTE, .Re·vue, 1,935, p. 4). PASSELECQ, dans les Novelles, n° 4735, s'accommodait fort bien de l'idée que les actions à distribuer aux actionnaires de la société en liquidation fussent frappées de l'innégociabilité temporaire qui était à I'époque Ie sort des actions d'apport quand I'actif apportré n'avait pas cinq ans d'existence (ancien art. 48, 1°, abrogé par la loi du. 30 juin 1961).

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L'idée de calculer la valeur de négociabilité en même temps que la valeur vénale trace ainsi son chemin dans la jurisprudence récente. Un actif n'existe qu'avec son coefficient de liquidité. A propos de la fraude paulienne dans un apport, cette considération servait à réfuter l'objection selon laquelle l'.apporteur ne s'appauvrissait pas s'il recevait une contrepartie en titres équivalente à l'actif qui passait de son patri­moine dans celui de la société. Très judicieusement, il fut répondu que les actions d'apport avaient un caractère de négociabilité ou de saisis­sabilité qu'il était impossible d'omettre (Liège, 17 juin 1965, Re·vue, 1966, p. 34 - note CoPPENS, Revue, 1964, p. 169 - VAN RYN et VAN ÜMMESLAGHE, Revue critique, 1967, p. 28, 1, 293 - RoNsE,

Overzicht, T.P.R., 1967, p. 637). Pierre CaPPENs

No. 5734. - Cour de Paris. - 17 janwer 1972. Siég.: MM. Fardel, prés., Fusil, cons, rapp. et Naivelot, av. gén.

Pla~d. : MMes Boitard et Masse (Margaritoff cl S.A. Citroën)

Absorption. - Société absorbante majoritaire dans la société absorbée. - Evaluation des actifs.- Abus de majorité?- Prime de fusion.- Validité.

Dans une opératton d'absorption, les actif~ d,oivent être calculés selon des cri­tères homogènes. Il est permis de tenir compte du faible rendement de la société absorbée. Il faut également 'avoir égard au fait que la valeur de liqui­

. dation est influencée par les c.:onditions de réalisation éventuelle de l'actif, par la charge des licenciements de personnel et pctr la déperditio'n fisca1e due aux im:póts.

La dissalution anticipée peut être votée par la société absorbante, majoritaire au sein de rassem.bMe générale de la société absorbée:, L'actionnaire minoritaire de la société absorbée est en droit de démontrer que ses intérêts ont été méconnus.

La prime de fusion se justifie par la différience entre la valeur nominale et la valeur réelle des actions de la société absorbante à !'occasion de la création de droits sociaux pou,r rémunérer rapport de l'actif de Ja société absorbêe.

ARRÊT Statuant sur l'appel relevé par M'argaritoff d'un jugement du tribunal de

commerce de Paris en date du 29 juillet 1970, qui l'a débouté des demandes qu'il avait formées contre la Société André Citroën ;

Considérant qu'en 1965, la Société André Citroën et la Société des anciens Etablissements Panhard et Levassor fusionnèrent, la première société absorbant la seconde ; que Margaritoff, actionnaire des Eta!blissements Panhard, critiquant les conditions dans lesqueUes l'opération fut réalisée, demanda à la Société Citroën la réparation du préjudice qu'il déclarait avoir subi; que, débouté en première instance, il a, en appel, par des conclusions du 18 juin 1971 complétées et rectifiées Ie 27 septembre 19711, soutenu qu'il y avait eu un abus de majorité

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lors de !'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Société Panhard tenue Ie 23 avril 1965 ; qu'il évaluait alors Ie préjudice résultant pour lui de eet abus à 248.965 francs, 06; qu'il demandait la condamnation de la Société Citroën au paiement de cette somme majorée de 10.000 francs de dommages-intérêts; qu'il sollicitait à titre subsidiaire la nomination de deux experts, l'un en matière immobilière pour vérifier et estimer la valeur des terrains et constructions des deux sociétés, et l'autre en matière comptable pour éva1uer l'indemnité dont il se disa,it créancier; que, par de nouvelles conclusions du 16 novembre 1971, Margaritoff expose que ses précédentes demandes avaient été formulées alors qu)il se disposait à recevoir des actions de la Société Citroën en échange de ses actions de la Société Panhard ; qu'il déclare se refuser désormais à eet échange ; qu'il entend éviter une expertise en préci~ant qu'il faut considérer comme nulle sa demande antérieure à cette fin·; qu'il se dit disposé à accepter la valeur d'actif attribuée aux biens de la Société Panha-rd au moment de la fusion par les assemblées générales de cette société et de la Société Citroën, et réclame condamnation de cette dernière au paiement de la quote-part -de eet actif correspondant aux actions de la Société Panhard qu'il détenait; qu'il s'estime ainsi créancier de 415.976 francs et sollicite en outre 10.000 francs de dom­mages-intérêts ; que la Société André Citroën, devenue Citroën S.A., conclut à l':ûr:recevalbilité de la demande et, subsidiairement, à son mal-fondé ;

Sur la recevabilité: Considérant que J,a Société Citroën fait valoir que la, décision de I' assemblée

générale extraordinaire du 23 avril 1965 s'imposerait à Margaritoff parce que la nu'Ilité n'en aurait pas été demandée ; qu'elle soutient qu'une action-de nullité, si elle était introduite, se heurterait à une fin de non-r,ecevoir, parce qu'aux termes de l'article 367 de la loi du 24 juillet '1966, les actions de cette 1nature visant les délibérations des sociétés se prescrivent par trois ans à campter du jour ou la nullité est encourue ,; qu'elle affirme qu'en l'espèce, la prescription aurait été acquise dès Ie 23 avril 1968, parce que les dispositions de procédure de la loi du 24 juillet 1966 se seraient appliquées immédiatement et àuraient modifié les effets futurs des situations antérieurement créées sans que cette application ait un caractère rétroactif ;

Mais considérant qu'en l'absence de volonté contraire expressément affirmée, 1a loi ne peut produire efifet que pour l'a:venir; que si Ie législateur réduit Ie délai d'Qlne prescription, Ie délai abrégé ne commence à courir qu'à partir de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'ainsi, une action en nullité des résolutions de !'assemblée générale du 23 avril 1965 n'était -pas prescrite Ie 23 juin 1969 lorsque Margaritoff fit assigner la Société Citroën devant Ie tribunal de com-merce; -

Considérant, certes, que cette assignation tend~it à des dommages-intérêts, mais qu'elle fa~sait état de l'abus de ma~orité allégbé contre la Société Citroën;

I

que les demandes n'étaient qu'une conséquence de eet abus et de la nullité en résultant, affirmée dès !'origine de façon implicite mais certaine ; qu'il importe peu que Margaritoff n'ait pas cru devok déduire toutes les conséquences qu'il aurait pu tirer de la situation juridique dont il faisait état ; que, pour déclalfer son action recevable, il suffit de constater que dans l;e délai légal, il s'est prévalu de la nullité en réclamant de la société responsabie de celie-ei la répantion du préjudice que Ie viCe lui aurait causé ;

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Sur Ie fond:

Considérant que, dans le dernier état de la procédure, Margarito:fif ne critique plus la va1eur de l'actif de la Société Panhard, telle qu'elle fut arrêtée par. les assemblées générales des deux sociétési; qu'il se plaint seulement de ce qu'elle ne fut pas exclusivement retenue pour déterminer la valeur d'apport de eet actif à la Société Citroën Jors de la fusion; qu'en effet, furent .prises en considération, en même temps qu'eHe, les valeurs boursières et de rendement de l'entreprise ; que, par ce procédé, un actif de 143 millions de francs aurait été transformé en un apport de 55 millions; que ce résultat aurait été obtenu par un abus de la Société Citroën qui disposait de la majorité à !'assemblée générale de la Société Panhard ; que la société absorbante n'aurait pas continué l'exploitation de la société absorbée et aurait réalisé une spéculation sur des terrains qu'elle se serait empressée de vendre ; que, dès 1968, elle aurait retiré une som me de 103 mil­lions de francs uniquement par la cession d'une part des terrains ayant appar­tenu à 'la Société Panhard ;

Considérant, certes, que la Société Citroën disposait en fait de la majorité au sein de !'assemblée générale de la Société Panhard, qu'il aurait appartenu cepen­dant à Margaritoff de démontrer qu.'elle avait abusé d;e cette situation pour agir dans son intérêt exclusif sans prendre égard aux intérêts de la société qu'elle contrölait ; qu'en réa.lité, la Société Panhard n'était plus en mesure de survivre ; qu'il lui f.allait se laisser absorber ou liquider ;

Considérant que, dans une opération de fusion, il importe avant tout que les patrimoines des deux sociétés soient évalués suivant Ie même critère ; qu'i] résulte des investigations des commissaires aux comptes et des commissaires aux apports que tel fut le Cias en l'espèce ; que la méthode dite de Retail qui fut choisie est une de celles eauramment pratiquées; qu'elle fait intervenii:, outre la valeur intrins~que des entreprise9, leurs valeurs boursières et leurs valeurs de rendement ; que, suivant Margaritoff, ces deux dernières valeurs n'auraient eu, en l'espèce, aucune signification parce qu'elles auraient été faussées par la Société Citroën ; que cette allégation ne repose sur aucune preuve ; que le faible rendement de rentreprise s'explique suffisamment par les difficultés avec les­quelles e.Jle était aux prises ; que la valeur boursière devait nécessairement être influencée par l'incertitude qui régnait sur les possibilités de survie de l'exploita­tion ; que l'existence d'une prime de fusion, critiquée par Margaritoff, se justifie par la différence entre la valeur des biens apportés, et la valeur nominale des actions créées pour rémunérer les apports provenant de la société absorbée ; qu'el.le ne porte pas atteinte aux droits des anciens actionnaires de la Société Panhard, puisqu'elle résulte du fait que les actionnaires de la Société Citroën, au moment de la fusion, étaient propriétaires de titres, dont la valeur était supé.:. rieure à la valeur nominale ; que la fusion des entreprises fut tout autre chose qu'une simple opératio'n immobilière puisque, pendant trois ans, les fabrications antérieures de la Société Panhard se poursuiv.irent sous la direction de Citroën et que, même à l'heure actuelle, subsistent certaines activités industrielies de la société absorbée ; que la liquidatien de la Société Panhard n'aurait pas néces­sairement produit la valeur nette de :143 miillions de francs dégagée oomroe valeur intrinsèque de l'actif au moment de la fusion; qu'en effet, la réalisation de l'actif sous la pression des créanciers aurait risqué d'inter·venir dans des condi­tions défavorahles ; qu'un personnel nombreux, qui fut repris par la Société

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Citroën, aurait été privé d'emploi et aurait fait valoilf ses droits ; que !'outillage, qui représentait un paste important de l'actif, n'aurait été que très difficilement cessible ; qu'enfin, il y aurait eu à tenir compte des incidences fiscales de la Hqui­dation ; que la valeur intrinsèque apparaît comme une valeur théorique ; qu'il n'était donc pas possible de prévoir ce qu'aurait donné, pour chaque action, la liquidation de la société; que Mar.garito:6f n'a donc pas démontré que les• intérêts des anciens actionnaires de la Société Panhard aient été méconnus ; que c'est à juste titre que les premiers juges l'ont débouté;

Par ces motijs et ceux non contraires des premiers juges: Donne acte' à la Société Oitroën S.A. de sa nouvelle dénomination ; Confirme Ie jugement attaqué ; Condamne Margaritoff aux dépens. d'appel.

Observations. - Voir le point II de Ia note sous le numéro précé­dent. Un actionnaire de la société Panhard absorbée par la société Gitroën s'était plaint des conditions financières de l'absorption en pré­tendant que l'actif de la société absorbée avait été volontairement sous­estimé avec la circonstance aggravante que la société absorbante y détenait la majorité des actions. L'actionnaire minoritaire fut admis à contester les cakuls et à plaider l'abus de majorité. La rt1tevab[lité de principe de ce recours est un précédent heureux. On remarquera que la Cour admet certaines charges éventuelles comme étant de nature à réduire la valeur de l'actif annexé: Ie montant des indemnités de licenciement qui auraient été dues en cas de liquidation, comme aussi Ie vblume des impöts épargnés par la continuation de l'expioitation. Sèm raisonnement est peu convaincant à eet égard.

No 5735.- Tribunal de commerce de Bruxelles.- 20 décembre 1971. Siég. : Mme Declerck, prés., MM. Draguet et Oobin, juges.

Plaid. : MM'es Cleymans loco Wynant et Mahieu loco De Winter (Van Bouwhautte c/ S.P.R.L. Levante)

Société en formation. - S.P.R.L. - Rédaction des statuts. - Honoraires. Gestion d'affaires. - D'ette de Ia société. - Utilité de la gestion.

L'action en paiement d'honoraires pour 1a mise au point de statuts peut ê~re formée contre la sodété, eneare qu'elle n'existát pas au moment ou le rédacteur en fut chargé par un futur associé. Cette action est fondée sur le principe d'une gestion d'affaires dont la ratification peut être taiCÏte. La preuve de l'utilité de la gestion d'affaires découle du fait que Ie text•e du projet de statrits fut adopté par les fondateurs. ·

Objet de la demande:

JUGBMENT (traduction)

I

La. demande tend à obtenir la condamnation de la défenderesse à payer au demandeur la somme de 15.000 francs plus les intérêts judiciaires et les dépens.

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11 s'agit d'un montant d'honoraires que Ie demandeur mit en compte pour la rédaction des statuts de la S.P.R.L.

Circonstmtces de fait sur lesquel/es les pàrties sont d'accord:

Les statuts de la S.P.R.L. Levante qui ont été publiés aux annexes du Moniteur beige du 118 oètobre 1969 sont les mêmes que ceux qui furent dressés en projet par Ie demandeur.

Au moment ou ce projet fut rédigé, il était admis qu'un certain sieur Campos participerait à la S.P .R.L. maïs qu'ii ne Ie ferait pas immédiatement après la fondation. Le sieur Campos mouDut avant qu'il ne devint associé. Le fait qu'il serait devenu associé fait l'objet d'un projet de « convention de cession de parts ».

Points de vue des parties :

La défenderesse fait observer que la S.P.R.L. Levante ne donna jamais de mission au demandeur pas plus que ne Ie fit l'un de ses futurs gérants. Elle prétend que les instructions émaneraient d'un certain sieur Campos qui ne devint jamais associé effectif, étant donné son décès.

Au sujet de la gestion d'affaires qu'invoque Ie dema:ndeur, la défenderesse remarque que Ie demandeur ne démontre pas qu'il travailla pour Ie compte de la société en formation et que la gestion d'affaires suppose que l'intéressé n'est pas en état de prendre soin de ses intérêts.

Le demandeur ajoute en conclusions que la défenderesse a repris Iittéralement Ie texte des statuts, si bien qu'elle en a tiré avantage.

Appréciation par Ie tribunal :

Considérant que la personnification juridique d'une société commerciale ne voit Ie jour que lors de l'acte de société, i1 est évident que la mission de rédiger les statuts et d'autres doeurneuts n'émane pas d'une .personne juridique existante. La personnification morale de la société n'a pas eneare pris vie (lois sur les sociétés, art. 4 - VAN RYN, t. I, no 357).

11 faut néanmoins admettre que l'intervention du sieur Campos a été utile pour la S.P.R.L. Levante qui, en définitive, fit publier au Moniteur les statuts qui avaient été composés par Ie demandeur. Les conventions conclues pour Ie compte d'une société à créer sönt censées être nées dans le che4 de cette personne juridi­que lorsque cette dernière les a reprises, une fois qu'elle était valablement fondée (J. RONSE, Overzicht, T.P.R., 1967, p. 629 et suiv., n° 27).

Le fait que Ie projet de statuts fut repris tel quel par le notaire Barremans et que la société a fonctionné en vertu de ces statuts, établit à suffisance que Ie travail du demandeur a servi à la société en voie de formation et que les intérêts de cette dernière furent pris en considération de manière adéquate. La société en formation ne pouvait à ce moment veiller elle-même au soi:n de ses propres intérêts puisqu'elle était démunie de personnification juridique.

11 était dès lors normal que des tiers, d'éventuels futurs associés comme Ie sieur Campos, prissent soin de ses intérêts pour faire naître sa personnification juridique.

En conséquence, Ie tribunal estime que l'action en paiement des honoraires pour l'acte de fandation est fondée à l'encontre de la S.P.R.L. Levante, sur la

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base d'une gestion d'affaires tacitement ratifiée (A.P.R. vo Zaakwaarneming, prar C. PAULUS, n° 102 et no 103 - Bruxelles, 23 décembre 1963, Pas., 1964, 2, p. 244).

Le montant des honoraires n'est pas contesté.

Par ces motifs,

Le tribunal, écartant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare la demande reeevabie et fondée ;

Condamne la défenderesse à payer au demandeur Ie montant de 15.000 francs, les intérêts judiciaires et les frais.

Observations. ~ Les fondateurs sont souvent amenés à faire plu­sieurs opérations pour Ie compte de la future société (ex. condure un bail pour Ie futur siège social, embaucher des directeurs, mener à bien des programmes, faire rédiger Ie texte des statuts ... ). Le droit français parlait en cette hypothèse de personnalité morale embryonnaire (Cas,.. sation de France, 13 février 1957, Rev. trim. dr. comm., 1957, p. 670~. Chez nous on évoquerait plutot Ie procédé du porte-fort oude la géran­ce d'affaires et la société, une fois constituée, devrait ratifier (Com­merce Bruxelles, 30 octobre 1959, Rev. prat. soc., 1960, p. 185). D'après un arrêt de Biruxellesdu 23 septembre 1963 (Pas., 1964.2, p. 244) la reprise des engagements condus pour elle n'exigerait aucune ratifica­tion par la société. C'est douteux car Ie maître n'est obligé par Ie gérant d'affaires que si l'affair~ fut bien gérée (VAN RYN et VAN

ÜMMESLAGHE, Revue critique, 1967, p. 296).

lei aussi Ie droit européen mettra meilleur ordre. D'après la directive du 9 mars 1968, si la société ne reprend pas à son compte les enga­gements de ceux qui pendant sa période de_ formation ont agi pour elle, ceux-ci assumeront une responsabilité solidaire et illimitée à moins qu'il n'en ait été autrement convenu.

Un projet de loi, en son. artiele 13 bis, a été déposé pour insérer ce principe dans notre législation (voir Revue, 1971, p. 58). Le droit français s'est mis en règle avec la directive : HEMARD, TERRE et MABI­

LAT, Traité des sociétés, éd. de 1972, p. 152.

Le moment et la manière de « reprendre » les engagements anté­rieurs à la fandation ont déjà donné lieu à une jurisprudence abon­dante: Rev. trim. dr. comm., 1972, p. 111 et 638.

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:Na 5736. - Tribunal de coi11Dlerce de Bruxelles 18 septembre 1972

/' Siég.: MM. Préaux, prés.; Van Maele et Pevtchin, jugeSt cons. Plaid~ : MMes Vanderleenen, Bornet et Steghers '

I Sociétés coopératives. - Vote. - Limitations votales de l'art. 76. -Applicabilité.

11. Sociétés de personnes et sociétés de capitaux. - Distinction. - " Celles dont l'activité se confond avec l'activité commerciale des associés"·

I. Les limitations votales de l'article 76 sant appl~cables aux sociétés coopé­ratives.

11. Les sociétés de personnes sont celles ou l'activité socl'lale et l'activité com­merciak des associés se confondent. Dans les sociétés de capitaux, la formation dz,f capita[ est l'élément caractéristique.

JU GEMENT

Attendu que l'action tend à faire déclarer nulle, en tout cas illégale la délibé­ration de !'assemblée générale de la société coopérative défenderesse du 23 novembre 1971 dlans la mesure ou elle décida que, bien qu'étant titulaire de 34.500 parts sociales de 10 F chacune, la demanderesse ne peut exercer Ie droit de vote attaché à ses parts de coopérateur que pour 12.000 voix, en application de l'article 76 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ;

(voir Ie P.V. des résolutions prises par !'assemblée générale du 13 novembre 1971) ;

.et, en conséquence de la nullité ou de l'illégalité de cette limitation à l'exercice du droit de vote de la demanderesse, celie-ei postule qu'il soit dit pour droit et praelamé qu'elle peut exercer ses droits de vote pour autant de voix que de parts de coopérateur dont elle est titulaire, sans aucune réduction ou limitation ;

Qu'enfin l'action tend à faire condamner la défenderesse aux dépens et qu'aux termes de ses conclusions additionnelles la demanderesse déclare évaluer Ie mon­tant de sa demande à 100.000 F;

Attendu que la demande n'étant pas supérieure à 100.000 F, l'indemnité de procédure sera celle fixée par l'article 2 de l'arrêté roy•al du 30 novembre 1970 et ne sera pas doubllée en application de l'article 3 du même arrêté ;

I. - Faits: Attendu que, par délibération du 2'3 novembre !1971, 1' assemblée génér·ale

extraordinaire de la société coopérative défenderesse décida que Mlle Beullens peut prendre part au vote pour 12.000 voix et non point pour 34.500 voix, en application de l'article 76 des lois coordonnées sur les sociétés cammerciales (voir le P.V. des décisions de cette assemblée générale qui constate, en outre, que Mlle Beullens n'accepte pas cette décision, qu'elle estime illégale);

11. - D'iscu.ssion: Attendu que la question à résoudre est de savoir si l'article 76 des lois coor­

données sur 1les sociétés commerciales, dont Ie texte fig.ure parmi les dispositions organiques des sociétés anönymes est d'application strictement limitée à ce type de sociétés ou si, par extension, il peut être appliqué aux sociétés coopératives ;

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Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (C. civ. art. 1134) ; que les statuts des sociétés commerciales font donc la loi des associés et que c'est, par conséquent, à la lumière' des statuts de la défenderesse qu'il faut s'éclairer pour reehereher la solution du problème que Ie tribunal est invité à résoudre ;

Attendu que l'article 33 des statuts de la défenderesse (voir annexes au Moniteur beige du 25 janvier 1963 acte no 2034) constate que «les parties déclarent se soumettre aux dispositions des lois coordonnées sur les sociétés com­merciales, en conséquence, les dispoStitions légales auxquelles ill n'est pas dérogé sont censées reproduites au présent acte. Les dz's-p'psitions des statMts qui semient en opposition aux prescriptz'ons lég.ales sant répufées inexistantes » ;

Attendu par ailleurs que ['article 21 des statuts est rédigé comme suit : « cha­que ,part d'associé donne droit à une voix » ;

Attendu que la demanderesse plaide qu'en précisant que chaque part d'associé donne droit à une voix, 1'article 21 des statuts a expr:essément dérogé à l'article 146, 4° des lois coordonnées sur les sociétés commercia.les dont la disposition finale porte que les délibérations sont prises en suivant .les règles énoncées pour les sociétés anonymes ;

AUendu que, selon la demanderesse, cette dérogation expresse par l'article 21 des statuts à la règle tl;acée par 1'article 146, 4° des lois coordonnées exclut Ie renvoi de cette disposition léga.le à celles qui sont énoncées pour les sociétés anonymes ; donc, toujours selon la demanderesse, l'article 2!1 des statuts exclut l'article 76 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales;

Maïs attendu que cette argumentation de [a demander:esse n'est pas fondée car elle se heurte, d'une part, à l'article 3 3 des statuts selon lequel les dispositions des statuts qui seraient en opposition aux prescriptions légales sont réputées inexistantes, d'ou i1 suit que les statuts ne peuvent pas valablement déroger à la finale de l'article 146, 4° des lois coordonnées ; et d'au.tre part, que l'article 21 des statuts, lorsqu'il précise que chaque part sociale a droit à une voix, se borne à exclure la possibilité de créer des parts sociales à votes multiples ; mais ne concerne en rien l'exercice du droit de vote tandis que l'article 76 des lois coordonnées traite précisément de eet exercice du droit de vote; que l'article 21 des statuts ayant un objet tout différent de l'article 146, 4°, i1 ne peut déroger à l'application de cette disposition légale ni, par conséquent, empêcher l'applica­tion · des règles énoncées pour les sociétés anonymes ;

Attendu que de la combinaison et du rapprochement des articles 33 des statuts, de l'article 21 des statuts et de l'article 146, 4° des lois coordo:nnées sur les sociétés commerciales, il se déduit très certainement que l'article 76 desdites lois coordonnées était applicable à l'exercice du droit de vote aux assemblées géné­rales de la société coopérative défenderesse; et,- par conséquent, que l'action est sans fondement ;

Vu enfin la requête déposée au greffe Ie 5 juillet 1972 par la défenderesse, tendant à obtenir Ia réouverture des débats aux fins de développer toutes consi­dérations utiles déduites de la circonstance que la défenderesse est une société de capitaux et non pas une société véritablement coopérative ;

Attendu que la demanderesse s~'oppose à cette réouverture des débats et fait valoir à ce propos que Ie motif invoqué à l'appui de cette requête ne répond pas à 1'article 772 du Code judiciaire ; que cette objection est fondée ; qu'en effet,

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l'article 772 du Code judiciaire n'admet la réouverture des débats que dans Ie cas ou, durant Ie délibéré, une pièce ou un fait nouveau capita[ sont décou:verts par une partie comparante ;

et que tel n'est pas Ie cas en l'espèce puisque la défenderesse ne démontre pas en quoi la pièce ou Ie fait capital invoqué à l'appui de la demande de réouver­ture des débats n'aurait pu être révélé ou produit avant la doture des débats ;

Attendu' qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats ;

Attendu que les deux motifs pour débouter la demanderesse sont :

1) que l'article 146, 4° des lois coordonnées sur les sociétés .commerciales rend applicable à l'exercice du droit de vote aux assemblées générales des socié­

. tés coopératives I' artiele 76 des mêmes ·lois coordonnées bien que l'article 76 soit énoncé pour la réduction de l'exercice du droit de vote aux assemblées dew rociétés anonym.es ~

2) que la société coopérative défenderesse est une société de capitaux et non pas de personnes, que ceci apparaît très clairement de l'énulll{ération des fonda­teurs de ladite société coopérative, cette énumération révélant que, sur ces dix fondateurs, deux seulement sont commerçants à savoir :

1. - M. De Lange qui est hotelier, place du Luxembourg, à Ixelles;

2. - M. Van De Populiere qui est commerçant, chaussée de Gand, 1273, à Berchem-Sainte-Agathe;

Or attendu que les sociétés de personnes sont celles dans lesqueUes l'activité commerciale des associés se confond avec celle de la société (p. ex. la société en nom collectif), tandis que les sociétés de capitaux · sont celles dans lesqueUes eet élément personnel n'existe pas mais dans lesqueUes la formation et la composition du capita! est l'élément prédominant ;

Attendu que !'absence de tout pharmacien parmi les dix fondateurs d'une société coopérative ayant pour objet (selon l'article 3 des statuts) toutes opéra­tions cammerciales se rattachant directement ou· indirectement à la pharmàcie suffit à démontrer que la défenderesse n'est pas une société de persennes mais bien une société de capitaux; d'ou il suit que la règle de l'iarticle 76 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, qui fut énoncée en termes exprès pour les sociétés anonymes, c'est-à-dire pour Ie type par excellence des · sociétés de capitaux, doit, tout normalement être appliquée à l'exercice du droit de vote aux assemblées gén~rales de la société coopérative défenderesse, qui est, elle aussi une société de capitaux ;

Par ces motifs :

Le tribunal,

Dit n'y avoir lieu à la réouverture des débats sollicitée par la défenderesse ;

Déclare la demanderesse non fondée en son action.

Observations.- La décision annotée a été rendue à !'occasion d'une demande en annulation d'une assemblée générale de société coopéra­tive. Elle soulève deux questions. D'une part, l'article 76, qui réduit à 20 % du total des voix ou à 40 % des voix votantes l'exercice individuel du vote d'un actionnaire important, s'applique-t-il aux

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sociétés coopératives? D'autre part, queUes sont les caractéristiques d'une société de persennes ?

1. L'article 146, 4° des lois coordonnées sur les sociétés prévoit, à défaut de disposition contraire dans ·les statuts~ que les résolutions des assemblées générales dans les coopératives sont prises en suivant les règles indiqué:es pour les sociétés anonymes. A queUes dispositions régissant les sociétés. anonymes ce texte fait-il référence? P1us pré­cisément, l'article 76 des lois coordonnées est-il applicable a'ux assem-blées générales des sociétés coopératives ?

Selon une doctrine unanime, eet artiele ne s 'applique pas aux assem­blées des coopératives (FRÉDÉRICQ, T raité, t. V, no 686 - DÉFREYN o'OR, Manuel des soci:étés coopératives, 1935, p. 192- 'T KINT et GODIN,

Les sociétés coopératives, 1968, p. 209, no 614 - VAN RYN, Principes, t. II, no 1028- R.P.D.B., yo Sociétés coopératives, n° 310- RESTEAU,

Traité des sociétés coopératives, 1936, rro 245). En effet, de deu~ choses l'une : ou bi en les fondateurs n' ont pas réglé dans les statuts· le droit de vote des associés, et dès lors, en vertu de l'article 146, 4°, tous les associés ont une voix indépendamment du nombre de parts qu'ils détiennent, ce qui écarte toute application de I' artiele 7 6 ; ou bien ils l'ont réglé et les règles qu'ils ont édictées doivent alors être observées (art. 145, 4°).

Un arrêt de la Cour de cassation du 1 er décembre 1927 (Pas., 1928', 1. 29 - B.J., 1928, 109 - Revue, 1928, p. 39 - Ann. nol., 1928, 72) peut être invoqué à l'appui de cette thèse. La Oour décida en 1 'espèce que les résolutions des assemblées des coopératives ne sont sou­mises aux règles indiquées pour les sociétés anonymes qu'en ce qui concerne la forme et Ie mode de délibération de !'assemblée générale. C'est dire que l'article 146, 4° ne renvoie qu'à l'article 74.

La décision du tribunal de Bruxelles est l'une des seules décisions qui, à notre connaissance, se soient prononcées sur la question. Elle exprime une apinion opposée à celle de la doctrine. Le tribunal pose d'abord comme principe que l'article 146, 4° rend applicable aux socié­tés coopératives. l'article 76, bien que celui-ei soit énoncé pour la réduc­tion de l'exercice individuel du droit devote au sein des assemblées des sociétés anonymes. Il essaie dans la suite de démontrer que les statuts de la coopérative Pharmacie Marignan n'ont pu déroger à ce principe. Deux arguments fort discutables sont invoqués. L'article 33 des statuts de la société. prévoyait que toutes les dispositions des statuts qui seraient en opposition avec les prescriptions légales seraient réputées

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inexistantes et le tribunal en déduit que les statuts ne pouvaient pas valablement déroger à la finale de l'article 146, 4° des lois coordonnées. C'est là- assurément confondre disposition impérative et s,upplétive. L'article l46 se borne à régler le fonctionnement des société's coopé­ratives, à défaut de dispositions contraires ·dans les statuts. Il s'agit bien d'une disposition supplétive et il paraît évident que l'article 33 des statuts, par ailleurs assez superflu, ne vise guère qu'à rendre inexis­tantes les dispositions qui heurteraient des prescriptions légales impé­ratives.

En· second lieu, l'article 21 des statuts disposant que chaque part d'associé donne droit à une voix, le tribunal en déduit que cette dispo­sition a uniquement pour objet d'interdire la création de parts socia'" les à votes multiples et qu'elle ne concernerait en rien l'exer!Cice du droit devote. Elle ne pourrait par conséquent, ayant un objet différent, déroger ni à l'article 146, 4° ni à l'article 76, qui règle précisément l'exerdce du droit de vote. lei encore, nous ne pouvons suivre le tri­bunal. L'article 21 des statuts a pour objet de déroger à la ·prescription Iégale selon laquelle, à défaut de disposition contraire; chaque associé a une voix, indépendamment du nombre de parts qu'il détient. 11 con­cerne donc l'exercice du droit de vote et peut valablement déroger -à l'article 146, 4° et à l'article 76, si même nous admettions que l'artide 146, 4° renvoie à l'article 76.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons nous associer au raison­nement du tribrinal. Nous rejoignons l'opinion de la doctrine en excluant l'application de I' artiele 7 6 aux sociétés coopératives, sauf, bien sûr, dans l'hypothèse ou les statuts y feraient expressément référence.

2. Un deuxième point, discutable lui aussi, est soulevé par la déci.: sion : la définition qu'elle donne de la société de personnes. Le tribunal la définit comme étant une société dans laquelle l'activité cammerciale des associés se confond avec celle de la société. C'est la situation éco­nomique qui se présente fréquemment mais cette vue non juridique n'autorise aucune définition sauf dans la société en nom collectif De nombreuses sociétés de persounes ont un objet qui est différent de l'activité professionnelle des associé:s. D'autres sociétés cannais­sent des associés non actifs, c'est-à-dire sans profession personnelle ou dont la profession ne comporte aucun travail dans la société. Les associés eussent -ils même une profession similaire à celle de la société, ne transfarment pas, pour autant, la société en instrument de leur activité propre. Ce qui définit une société de persounes et la distingue des sodétés de capitaux, c'est l'intuitus personae. Une

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société de persounes est fondée par des persofnes qui se sont choisies en fonction àe leurs qualités propres et de leur confiance mutuelle. . I

I1 n'y a dès lors pas lieu de mélanger, comme le fait la décision, l'objet de la société: et l'activité professionnelle des personnes qui y sont associées.

Louis DERMINE

Assistant à ,la Faculte de Droit de Louvain

N{) 5737.- Tribunalde commerce d'Audenarde.- 31 octobJre 1972. Siég. : M. H. Hey,vaert, prés.

Plaid. : MiM~s P. Speyer et J. Vanden Broecke (S.A. General Biscuit Company, en abrégé G.RC0 cl S.P.R.L. "Gebeco)

Société anonyme: art. 28. - S.P.R.L;: art. 117. - Dénoininati.ons sociàWs. - ·Action en modificati.on. - Sociétés ayant des activités différentes. --: Abréviations. - Protection.

L'action en modification de .la dén~mination sociale impliqué · que la resSem-_ blance pui'sse induire en erreur.

Ne sont ·pas requises ni !Ja circonstamce que les. d@nominations soient Menti­ques ni celle que les deux sociétés s'adressent à la même clientèle ni qu'il y ait une pratique contraire aux bons usages de la vie des affaires.

La proteetion du nom de la société couvre aussi les abréviations par lesqueUes elle s'identifie.

En l'espèce~ la société « Genéral Biscuit Cotnpany » fondée en 1965 ayant pour actiVités statutaires la fa:brication de biscuits, de p1;alines, .de bisêottes et autres artides alim;entaires et s'identifiant par les initiales G.B.C0 et travai/lalfU sous }a marque de fabrique Gebeco, peut exiger la modification du nom de la S.P.R.L. Gebeco créée en 1971, ayant pour objet social la fabrication de pro­duits de boucherie. Les deux sdciétés étaient imp~antées dans des régions diffé­rentes.

Le tribunal estime qu'il y a danger de confusion dans Ze chef du consomma­teur moyen.

La demande de dommages-intérêts est refusée faute de préjudice actuel OU à entrevoir.

Observations. - Le texte original de ce jugement . a paru au Rechtskundig Weekblad du 18 février 1973, col. 120'2. La décision est frappée d'appel par les deux parties.· Sur Ie principe de la proteetion du nom qui est indépendante d'un acte préjudiciable; cons. FRÉDÉRICQ,

t. IV, pp. 443 et 444- Handboek, t. I, p.· 573 et Hijvoegsel, p. 325 -VAN RYN, t. I, no 464 et t. n, ll0 879 - DALLOZ CoMMERCIAL, t. III, V 0 S.A. ll0 23 à 30 - PASSELECQ, Novelles, ll0 964 - tribunal de

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commerce de Bruxelles, 6 fé.vrier 1969, Revue, 1971, p. 300 - tri­bunal civil de Bruxelles, 9 mai 1964~ Revue, 1967, p. 62- Cassation, 4 février 1965, Revue, 1966, p. 235 - Cour de Bruxelles, 29 novem­bre 1963, Revue, 1965, p. 131 - Oour de Liège, 12 décembre 1963, Rev~e. 1964, ·p. 265 ----:-- Cour de Bruxelles, 21 octobre 1963, Revue, 1964, p. 39. - Sur la proteetion des abréviations, cons. Bruxelles 2 mars 1949, Revue, 1949, p. 215 et la note qui traite in fine des -règles de la phonétique dans les langues. Le jugement d' A udenarde eompare aussi la. manière de prononeer CO et G .B.

BIBLIOGRAPHIE

No 5738. - Baron Louis FRÉDÉRICQ, Précis de Droit Commercial, Bruxelles, Btruylant 1970, 576 pages.

Ce précis · canstitue un utile instrument de travail paur les étudiants et une saur·ce de cansultatian aisée pour l'hümme d'affaires. 11 résume, sans références autres que législatives, la vaste matière du manurnental Traité du prafesseur Frédéricq.

L'introductian esquisse l'organisation judiciaire du commerce. Une première partie traite des actes de commerce, des obligations des commerçants et de la preuve de leurs engag.ements, des agents oommerciaux et du fonds de commerce, en ce campris la proteetion contre la concurrence déloya:le.

La réglementatian des prix et la législation relative aux baux commerciaux ne sant pas aubliées.

Les titres au parteur, les effets de commerce, les opératians de banque et même lè factoring et Ie leasing Slont abordés.

Une deuxième partie est consacrée à !'analyse de que'lques cantrats cammer­ciaux : vente, gage, transport, assurances.

L_a traisième partie étudie les diverses farmes de sociétés cammerciales et la quatrième la matière des faillites . et cancordats. Les direct~ves européennes font l'objet d'une analyse précieuse qui comprend leur incidence dans natre drait.

Le leGteur y trauvera cinq cents pages de principes, cancis, clairs, et néan-moins complets. · Jacques MALHERBE

No 5739.- John MAES et Jacques GHYSBRECHT, Le Code de la Taxe sur la valeur ajoutée et ses arrêtés d'exécution. __:_ Commentaire législatif, Bruxelles, Bruylant 1971, 189 pages.

11 faut admirer les auteurs qui, peu après l'instauration de la T.V.A., rédigè­rent ce cammentaire concis et complet des nouvelles dispositions légales et régle­mentaires.

L'intraduction rappel1le les origines communautaires de la taxe et sa finalité éconamiqm~.

Quinze. chapitres sont cansacrés aux différents aspects de l'impot. Son établis-

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sement et l'assujettissement : Ie cas des sociétés momentanées et en participation et des A.S.B.L. est examiné à la lumière des travaux préparatoires.

Son champ d'application: les notions de livraison, de bien meuble, d'univer­salité sant circonscrites ; le lieü des prestations de services est défini. La base d'imposition et Ie taux de la taxe. Les exempti<ons. Les déductions et particu­lièrement Ie régime des assujettis partie'ls et la révision des déductions concer­nant les biens d'investissement. Les obligations des assujettis, les preuves-, les sanctions et ·poursuites, les restitutions et prescriptions. Les régimes particuliers : forfait, taxe d'égalisation, exploitations agricoles.

L'ouvrage se termine par l'étude des dispositions transitoires. 11 constitue un excellent précis, u'tile tant au praticien qu'à •l'enseignant.

Jacques MALHERBE

No 5740. - J. DE BuRLET, Précis de droit international privé con­golais, Université Lovanium, Kinshasa et Larcier, Bruxelles, 1971, 370 pp., préface du Professeur F. RIGAUX.

Les sourees d'information sur Ie droit zaïrois sant eneare fort rares et c'est donc avec un intérêt particulier qu'on accueillera ce précis de droit international privé congolais. L'intérêt est d'autant plus mérité que l'ouvrage présente d'évi­dentes qualités.

Le professeur de Burlet enseigne à l'Université de Kinshasa. Il a poursuivi -et atteint - un double objectif. L'un est de fournir à ses étudiants une syn­thèse des principes du droit international' privé moderne sur Ie ,plan général. La première partie dè l'ouvrage y est consacrée. Comme Ie souligne Ie Profes­seur Rigaux dans sa préface, !'auteur adhère à une conception lar,ge de sa disci­pline : outre les conflits de lois, il examine les conflits de nationalités, l'a condi­tion des étrangers, les conflits d'autorité et les conflits de juridictions. Ces différents problèrnes font l'objet d'exposés précis, bien documentés, permettant une initiation (ou un « recycl'age » !) d'un excellent niveau.

Le second objectif est d'énoncer les règles spécifiquement zaïroises du droit international privé. Les difficultés de l'entreprise sont aisément concevables. Les circonstances qui règnent dans un pays en voie de développement, aux pre­miers temps de l'indépendance, ne sont guère propices à l'édification d'un corpus juridique rigoureux, qu'il s'agisse de législation ou de jurisprudence. L'auteur a néanmoins réuni Ie maximum de documentation et sur Ie plan doctrina!, il a pour sa part largement contribué à l'édification du -droit du pays qui l'accueille.

Les lecteurs de la Revue s'intéresseront particulièrement aux exposés que eensacre !'auteur à la nationalité des sociétés, sur Ie plan générat (pp. 32-36) comme en droit international privé zaïrois (.pp. 171-184).

No 5741. Jacques DE SURAY, Vente et e treprise des immeubles. - Commentaire de la loi du 9 juillet 1971. - Bruylant 1972,

234 pages.- Préface d'André DELVAUX.

Comme le souligne '!'auteur de la préface, la loi du 9 juillet 1971 a introduit .pom la première fois depnis la promulgation du Oode civil des règles impératives nouvelles dans la matière du cantrat d'entreprise. Le but de la loi est principale-

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ment d'assurer la proteetion des droits de l'acquéreur ou du maître de l'ouvrage. Son champ d'application est limité aux conventions relatives aux maisons et appartements à construire ou en voie de construction. Le législateur a été inspiré par les mécomptes subis par certains acquéreurs à la suite des difficultés connues par des promoteurs immobiliers. M. Jacques de Sunay souligne toute­!fiois que la loi n'organise pas un statut de la promotion immobilière, bien que les tenants de cette profession Ie souhaitent et qu'une telde réglementation existe en France, par exemp'le. L'auteur examine d'abord Ie champ d'applica­tion, fort restreint, de la loi: i1 comprend les conventions de construction, ~want pour objet un logement à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, faisant l'objet de paiement avant l'achèvement de la construction. La réunion de ces trois conditions est indispensable. Malgré Ie texte de la loi, il ne faut pas que la convention tra:nsfère nécessairement ·Ie droit de pro­priété du sol. I1 suffit qu'elle transfère les droits du vendeur sur Ie sol, même s'il a entamé la construction en vertu d'un droit d'usufruit, d'emphytéose ou de sujperficie. Cette déduction est tirée des travaux préparatoires.

'La loi édicte des règles impératives en ce qui concerne le contenu de ces conventions, 'les échéances du paiement du. prix, !.es garanties juridiques de I'acheteur ainsi que la forme et les effets des réceptions provisoire et définitive. L'arrêté Iioyal du 21 octobre 1971 a su'r ce point précisé Ie contenu des disposi­tions légales. La sécurité financière des acquéreurs est assurée par un système opérant une distinction entre les entrepreneurs agréés et les autlres. Les entre­preneurs agréés devront constituer un cautionnement égal à 5 % du prix du batiment. Les autres vendeurs et entrepreneurs devront obtenir la caution soli­daire d'une banque ou d'un organisme analogue, garantissant Ie paiement des sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. Me de Suray critique cette distinction imposant à certains une garantie de 5 o/o' et à d'autres une garantie pouvant aller jusqu'à 100 %. 11 estime que cette garantie augmentera Ie prix des logements. Un dernier chapitre examine les sanctions civiles et pénales prévues par la loi, notamment la nullité pouvant tfrapper la convention non conforme à ses prescriptions. L'ouvrage comporte en différentes annexes les textes concernant cette importante matière. Il intéressera non seulement les pra­ticiens mais encore tous ceux que concerne Ie marché immobilier.

Jacques MALHERBE

No 5742.- Jan RoNSE, ,Wisselbrief en orderbriefje, 2 vol., Algelmene Praktische Rechtsverzameling, E. Story-Scientia, Gand, 784 pages.

Le rnagistral traité que Ie professeur Ronse consacre, dans la colleetien de !'Algemene Praktische R'echtsverzameling, à la lettre de change et au billet à ordre, enrichit ·Ia littérature juridique beige et internationale non seulement par son ampleur et sa qualité, mais encore par un recours constant aux sourees de droit comparé, française~, néerla.ndaises et aHemandes surtout.

L'introduction retrace l'évolution historique du droit cambiaire, du moyen age au Code de commerce, à la loi de 1872 et à la loi uniforme. Elle rappelle également 1e röle économique des instwments cambiaires.

Passant ensuite à la rédaction et à l'émission de la traite/, !'auteur examine les éléments essentiels de celle-ci, la ca.pacité et la représentation dans l'obliga-

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tion cambiaire, la pluralité d'exemplaires et de copies de la traite et la situation du tireur; I1 rappelle camment la naissance de l'obligation cambiaire, originairement expliquée par la théorie de la déclaration de v:olonté unilatérale, l'est aotuelle­ment par la théorie du contrat, complétée par celle de l'apparence pour couvrir l'hypothèse exceptionrielle de la mise en circulation du titre contre· la volonté de son signataire.

I1 souligne Ie .formalisme présidant à la rédaction de la traite. Celle-ci est SlOU­

mise à des conditions qui sont de forme et non seulernent· de preuve. L'Institut beige de Normalisation, à l'initiative de l'Association beige des Banques, .a facilité la tàche des commercants en édictant 1la Jorme 220 et en créant un modèle standard de traite. La matière qui sert d~ support à l'dfet n'a pas d'importance: une traite fut valablement rédigée sur il:me caisse de cigares, sans· dotite dans une atmosphère chaleureuse. Son texte, qu'il est loisible de Iibelier dans n'importe queNe langue, ne pourrait toutefois être sténographié; i1 doit être compréhensible. La validité de la signature par griffe est controver­sée : admise en Hollande, elle fut rejetée en Belgique et, avant· d'être consacrée par une modification législative, en France .. L'obligation stipulée est irtcon­ditionnelle, donc abstraite : !'auteur examine dans queUe mesure ·la· mention de la provision et la clause d'avis sont compatibles avec cette exigence.

La référence à la provision, qui concer.ne les rapports entre · tireur et tiré, est superflue et n'en'lève pas à l'obligation cambiaire son caractère abstrait. Si l'obligation est rendue dépendante de l'existence de la provision, -Ie ·titre ne constitue pas une lettre de change.

Les. nouveaux formulaires belges précisent à l'endroit prévu pour l'indication de la provision que celle-ci n'est insérée qu'à l'ilitention des instittitions de réescompte. Quant à la valeur fournie, visant les relations du tireur et du béné­ficiaire, son indication constitue un anachronisme inspiré du prescrit de l'ancien Code de commerce.

La traite en blanc est. valable, mais doit être complétée conformément à la convention intervenue.

,La· conversion des traites nulles peut, depuis que l'article 807 du Code judi­ciaire autorise la modification de la demande, fondée sur un acte mentionné dans l'assignation, être demandée en cours d'instance. Le tireur .est le plus important des débiteurs carn.biaires et ie seul qui soit indispensable : il est garant de l'acceptation, sauf clause contraire (Angstklausel), et du paiement. En tant que créancier, le tireur. doit _être por.teur de l'effet : des .difficultés naissent de l'utilisation des formulaires sur lesquels une banque est indiquée comme béné­ficiaire, maïs qui restent ou reviennent entre les rnains du tireur.

Les titres III à V de l'ouvrruge sont consacrés à la cession des droits cam­biaires, par endoss~ment, cession civile, subrogation ou ~uocession, . à 'l'accep­tation et à l'aval.

Au titre VI, l'aute.ur étudie le röle de la traite cotnme titr-e de légitimation, formelle dans Ie chef de celui qui la détient et y apparaît comme ayant droit d'après les règles cambiaires, matériel'le dans le chef du propriétaire réel de la traite·, c'est-à-dire du titulaire des droits cambiaires. Ce dernier sera admis à prouver sa propriété même en !'absence d'une légitimation formelle. I1 ne pomra toutefois faire dresser protêt: un héritiet du porteur, par exemple, risquera ainsi de perdre. ses recoun~ contre les autres signataires de Ja traite.

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Le législateur a préféré eet inconvénient au· risque que créerait pour Ie crédit du tiré la pubheation d'un protêt injustifié. En cas de perte de la lettre de change, Ie propriétaire peut en obtenir paiement sur ordonnance de justice et conserve ses droits de recours par un acte de p110testation.

Les titres VII et Vlll constituent Ie centre théorique du traité. L'auteur y souligne les caractéristiques . des obligations cambiaires : commercialité ; indé­pendance des signatures, applicable par exemple en cas de falsification de l'une

· d'elles ou d'altération du texte entre deux signatrures; solidarité; rigueu~, avec ses oorollaires, refus des délais de grace et possibilité de saisie conservatoire qui:, en l'absemce de protêt, pourrait d'ailleurs être fondée sur l'article 1413 du Code judiciaire, plus large que l'article 94 de la 'loi uniforme.

Commentant Ie caractère abstrait de la lettre de change, M. Ronse distingue, avec la doctrine la• plus récente, l'abstraction formelle et l'abstraction matérielle de l'obligation cambiaire. L'abstraction formelle permet au· créancier de faire valoir son droit sur simple production de la promesse de paiement, sans aucune autre preuve quant à robligatien sous-jacente et à sa cause. 11 appartient au débi­teur de prouver l'inexistence ou les vices de celle-ci. L'abstraction matérielle de l'obligation interdit en outre au débiteur· d'opposer au créancier les exceptions déduites de l'obligation fondame.ntale.

La première est inséparable du caractère inconditionnel de l'obligation cam­biaire rappelé plus haut. La seconde existe dans les rapports entre les débiteurs cambiaires et Ie porteur de bonne foi. Une partie de la jurisprudence beige, suivant MM. Fomtaine et De Page, l'a étendue à l'action du tireur contre Ie tiré, · fréquente dans un pays oit les banques bénéficiaires laissent généralerrient au tireur :Ie soin d'agir lui-même. Tout· au moins restreint-elle, a vee MM. Frédéricq et Van Ryn, les exceptions opposables à celles que Ie juge peut apprécier sa1ns retarder Ie jugement de l'action principale. M. Ronse pense, · avec la majorité de la doctrine étrangère et MM. Piret et Dabin, que Ie tireur ne peut invoquer à l'égard du tiré que l'abstraction formelle de l'ob1ligation cambiaire et non son abstraction matéfielle. 11 rejette !'argument déduit du caractère négociable de la lettre 'de change. L'abstraction matérielle ne résulte que de la négociatioh effective: de l'effet, non de sa négociabilité.

Les titres suivants traite.nt du paiement, des recoius et du pr-otêt. Revenant aux r~pports entre l'obligation cai:n:biaire et l'obligation principale, l'auteur rap­pelle que celie-ei survit à la création de la traite, la novation ne se présumant pas. 11. analyse les conséquences de cette règle. Passant à la provision, dont la loi uniforme laissait la réglementation au législateur national, il estime, contrai­rement à la doctrine française, que l'émission de traites sur U!n banquier dans Ie cadre d'un crédit d'acceptation ne s'accompagne pas de la constitution d'l1ne provision : l'engagement du bamquier ne peut être considéré comme une dette, mais donne 'lieu à une obligation de faire.

L'étude des effets de complaisance et du billet à ordre termine ce remar­quabie ouvrage, dont la consultatien s'imposera désormais dans le dorname éminemment actuel qu'il couvre.

Jacques MALHERBE

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No 5743.- La réglementation des prix en Belgique, 1973, par Thierry BoURGOIGNIE, sous la direction de Guy HoRSMANs, Baculté de Droit de Louvain, Tiensestraat 41. - 385 F.

L'Unité de Droit économique de la Faculté de Droit de Louvain a assuré l'édition et la diff.usion d'un important ouvrage composé, sous la direction du professeur G. HlORSMANS, par Thierry BOURGOIGNIE, assistant, dans lequel celui-ei fait Ie point de manière complète et précise sur la réglementation des prix telle qu'elle se trouve actuellement conçue et appliquée en Belgique.

Cette étude à la fois systématique et critique, constitue une souree unique de référence en ce qui concerne les textes législatifs et réglementaires en vigueur, leur évolution dans Ie temps, leur application pratique et leur interprétation, jurisprudence à l'appui, ainsi que les organes créés .pour la mise en reuvre de la politique des prix (Service des prix, Commission pbur la régulation des prix et Inspeetion générale économique). I

Dans un premier chapitre, l'auteur situe Ie régime du prix normal dans la réglementation actuelle et montre combien ce régime, premier dans l'ordre historique et par l'importance que lui octroie l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, n'occupe plus qu'une place secondaire au regard des autres techniques de régle­mentation appliquées aujourd'hui.

M. Bourgoignie poursuit par une étude fouillée des dispositions de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 et de la loi du 30 juillet 1971 ~dite loi « Cools >;) en matière de fixatien sectorielle ou individuelle d'un prix ou d'une marge maximum.

La procédure de déclaration de hausse, modifiée par les demiers A.M. du 22 décembre 1971 et du 20 avril 1972, et les multiples problèrnes d'application qu'une telle déclaration entraîne, constitue la majeure partie de l'étude. Les rêles que peuvent y jouer des organes comme la Commission pour la régulation des prix ainsi que le Service des prix sont précisés et appréciés dans leur réelle portée.

Répondant à une nouvelle technique d'administration, l'Etat a introduit, en 1969, la pratique des contrats de programme: !'auteur analyse ici la nature juri­dique des rapports créés par de tels centrats ainsi que des difficultés soulevées par la condusion et l'exécution de ces contrats.

Avant d'envisager !'ensemble des sanctions judiciaires et administratives appli­cables aux infractions à la réglementation des prix, M. Bourgoignie aborde l'état de la réglementation en matière de refus de vente : soulignant les incertitudes aux­quelles mènent les dispositions légales actuelles, il en préconise une revision rapide.

D'abondantes annexes reprenneut les dispositions législatives et réglementaires ert vigueur ainsi que certains doeurneuts administratifs utilisés par Ie Service des prix. Elles fomnissent ainsi au lecteur un « Code » de la réglementation des prix, mis à jour au début de cette année 1973 tout en tenant compte des dernières dispositions anti-inflatoires adoptées par Ie nouveau gouvernement.

Nous pensons que l'étude de M. Bourgoignie vient à son heure pour aider tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, ont à s'occuper de la formation des prix et, dès lors, des dispositions réglementaires qui la conditionnent.

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SOMMAIRE

No 5725. - La proposition de directive européenne sur la structure des sociétés anonymes, par Guy KEUTGEN . p. 1

No 5726. - Cour de cassation. - 11 octobre 1971. I. Banqueroute. -S.P.R.L. - Condamnation de l'organe. - Légalité . ....,.- II. Banqueroute. -Gérant. - Condamnation à la fois comme « gérant » et com.me « commer­çant. - Motifs contradictoires. - Cassation. p. 23

N° 5727.- Cour de cassation. -29 novembre 1971.-Banqueroute.-Société anonyme. - Organes sociaux inactifs. - Gérant de fait. - Banqueroute. - Condamnation du gérant de fait. Aucune obligation de condamner conjointement les organes de droit. p. 24

No 5728. - Cour d'appel de Bruxelles. - 27 janvier 1972. - Société coopé­rative. - Annulation judiciaire. - Engagements envers les tiers. - Perma­nence. - Faillite des ex-associés. - Créancier gagiste. - Validité du gage du fonds de commerce. p. 28

N° 5729. - Cour d'appel de Bruxelles. - 20 juin 1972. - I. Société de fait. - Exercice du commerce par plusieurs personnes. - Art. 4 et art. 11. -Ni écrit spécial. - Ni publication. - Société en nom collectif. - Société irrégulière. - II. Personnalité juridique de la société. - Impossibilité d'agir en justice. -.Associés en nom. - Impossibilité de faire valoir en justice un droit de nature sociale. p. 30

N° 5730. - Cour d'appel de Liège. - 21 novembre 1972. - Société d'agré­ment. - Simple association. - Aucune personnalité juridique. - Opérations avec tiers. - Lien personnel avec Ie membre ayant contracté. -Recours. p. 32

No 5731. - Cour d'appel de Bruxelles. - 19 décembre 1972. - Faillite. -Extension à l'épouse du failli (non). - Extension à une société anonyme (non). . p. 34

No 5732. - Cassation de France. - 7 mars 1972. -Fusion. - Créances de la société absorbée. - Transmission à la société absorbante. - Non ·applica­tion de l'article 1690 Code civil. p. 40

N° 5733. - Tribunal de commerce de Hasselt.- 2 avril1971.- I. S.P.R.L.­Société arrivée à terroe statutaire. - Choix entre des modes de liquidation. -Parité de voix. - Voix prépondérante du président. - Validité. - 11. Liqui­dation par absorption. - Mode valable de liquidation. - Condition : les actions de la société absorbante doivent être dotées d'une valeur adéquate et être aisément cessibles. - Remise de titres pratiquement incessibles. -Droits moindres entre les rnains des associés de la société absorbée. -Abus de pouvoir. - Nullité de la décision. p. 45

Page 74: -2-...de ses auteurs faciliter l'élaboration d'une convention en matière de fusion internationale fondée sur l'article 220 du Traité de Rome. ~4) J.O.C.E., no C 7 du 28 janvier

N° 5734. - Cour de Paris. - 17 janvier 1972. - Absorption. - Société absorbante majoritair~ dans la société absorbée. - Evaluation des actifs. -Abus de rnajorité?- Prime de fusion. - Validité. p. 55

N° 5735. - Tribunal de commerce de Bruxelles. - 20 décembre 1971. -Société en formation. - S.P .R.L. - Rédaction des statuts. - Honoraires. -Gestion d'affaires. - Dette de la société. - Utilité de la gestion. p. 58

N° 5736. - Tribunal de commerce de Bruxelles. - 18 septembre 1972. -I. Sociétés coopératives. - Vote. - Limitations votales de l'art. 76. -Applicabilité. - 11. Sociétés de personnes et sociétés de capitaux. - Distinc­tion. - « Celles dont l'activité se confond avec l'activité commerciale des associés», . p. 61

No 5737. - Tribunal de commerce d'Audenarde. 31 octobre 1972. -Société anonyrne : art. 28. - S.P.R.L. : art. .117. - Dénorninations sociales. -Action en modification. - Sociétés ayant des activités différentes. - Abré­viations. - Protection. p. 66

BIBLIOGRAPHIE

No 5738. - Baron Louis FR.ÉDÉRICQ, Précis de droit commercial, par Jacques MALHERBE . p. 67

N° 5739. - John MAES et Jacques GHYSBRECHT, Le Code de la Taxe sur la valeur ajoutée et ses arrêtés d'exécution, par Jacques MALHERRE p. 67

No 5740. -.. J. DE BURLET, Précis de droit internçztiona.l privé congo/ais p. 68

No 5741. - Jacques DE SURAY, Vente et entreprise des immeubles, par Jacques MALHERBE . p. 68

No 5742. - Jan RONSE, Wisselbrief en orderbriefje, par Jacques MALHERBE p. 69

No 5743. - La réglementation des prix en Belgique, par Thierry BOURGOI-GNIE, sous la direction de Guy HORSMANS . p. 72