44

Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est
Page 2: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

SommaireRevue de presse 430 jours 5Débats/Courriers 6Débat/opinion 8• Comment évaluer les enseignants ?

Le point de vue de Philippe Tournier secrétairegénéral adjoint du SNPDEN et de FrédériqueRolet cosecrétaire générale du SNES

Actualités 10• Les derniers jours du CPE• Les responsabilités nouvelles du syndicalisme• Fonction publique : premier recul du ministre

sur son projet de loi• Le SNES s’adresse au ministre

de l’Éducation nationale• Conseil pédagogique : débattre des modalités

d’action• Circulaire ZEP : la nouvelle architecture

Eco/social 16• Emploi public : ce que disent les sondages• Angleterre : les “trust schools”• Santé au travail : nouvelle enquête• Patriotisme économique et intérêt général• Directive Bolkestein :

premier recul de la commission

Dossier 19• Quelles politiques pour l’emploi

19

L’Université Syndicaliste, hebdomadaire du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13.Tél. standard : 01 40 63 29 00). Directeur de la publication : Gérard Anthéaume, Tél. 01 42 80 91 04. Rédacteurs en chef : Serge Chatelain et AlexisChabot. Secrétaire de direction : Thérèse Bara. Collaborateurs permanents : Nicolas Béniès, Fabrice Giovanazzi, Matthieu Leiritz. Régie publicitaire :Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, tél. : 05 65 11 00 79. Photocomposition et photogravure : C.A.G. Imprimerie : RPN, Livry-Gargan (93). C.P.N° 0108 S 06386. I.S.S.N. N°0751-5839. Dépôt légal à parution. Conception: Voltaire & Associés, 15, rue de la Banque, 75002 Paris.

Photos de Une : Thierry Nectoux. Prix du numéro : 1,30 €. Abonnement : 1)Personnels de l’Éducationnationale: France 26 € ; étranger et DOM-TOM: 40 €. 2) Autres, France : 37€ ; étranger: 51 €. Publicité : GMF(p. 2), CGU (p.7), Didacthèque de Bayonne (p.32), Athéna (p. 46), Arvel (p. 46), Microsoft (p. 47), MAIF (p. 48).

Entretien avec Jean-Yves RochexSocle commun : faut-il viser un minimum,

pour faire réussir un maximum ?

10

DossierQuelles politiques pour l’emploi ?Modèle Français ? Modèle nordique ?Flexibilité ? Sécurité ?Débats et pistes de réflexion

Droits et libertés 27• Lutte anti-CPE et représailles judiciaires• Contre l’immigration jetable

Métier 28• Les «bonnes pratiques» du ministre

de l’Éducation : l’exemple des SES et de l’apprentissage de la lecture

• Classes prépa et BTS : projet de décret• SMS

Catégo 30• Hors-classe : chronique des inégalités annoncées• CO-Psy : répertoire interministériel

Portrait 33• Têtes Raides : artistes engagés

Fenêtre sur 34• La blogosphère

International 36• Les enjeux du forum social européen d’Athènes• Après les congrès des syndicats d’enseignants

britanniques

Culture 38• Livres-revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions• Multimédia

Entretien 44• Jean-Yves Rochex sur le socle commun

44

ÉditoC’est possible !On a gagné ! En entendant, le 10 avril,Chirac, Villepin et Accoyer annoncer lafin du CPE après tantd’atermoiements, c’est bien ainsiqu’ont réagi les millions demanifestants qui depuis 2 mois sont à la pointe de la bataille contre le CPE. Sentiment partagé par les dizaines de millions de nos concitoyens qui ontsoutenu ce combat à leur manière,comme n’ont cessé de nous le dire les sondages. Gagné contre l’arrogance d’un gouvernement qui a eu l’aplombde prétendre répondre à la crise des banlieues par une loi qui, sous couvert d’ « égalité deschances », ne faisait, avec le CPE et l’apprentissage à 14 ans, querenforcer encore la stigmatisation et la précarisation de la jeunesse. Gagné contre l’entêtement démesuréd’un Premier ministre qui n’a pasréussi à convaincre qu’il n’étaitpréoccupé que par l’intérêt général.Gagné contre les outrances d’un ministre de l’Éducation qui s’estpermis de laisser entendre, à partirdes 3 cas qu’il disait avoir recensé sur550 000 ( ! ), que c’était en fait lesenseignants qui poussaient leslycéens dans la rue.Gagné aussi, et ce n’est pas le moinsimportant, contre le sentimentd’échec dans lequel s’étaitprogressivement installé lemouvement social depuis le printemps2003 et l’échec sur les retraites.Pourtant, avoir gagné ne doit pasnous empêcher de garder la têtefroide. Si le CPE a bien disparu, la loi sur l’égalité des chances, le CNE,les choix profondément libéraux dugouvernement sont toujours là.Comme sont toujours là les problèmesde fond qui pèsent sur notre société :discriminations, inégalités sociales,précarité et chômage, notamment pour les jeunes.C’est dire combien de batailles il nous reste à mener. Ce sera vraisemblablement sousd’autres formes et avec d’autres

rythmes. Maisdepuis le 10 avril,une chose est sûre :gagner, c’estpossible !

ActualitésLes responsabilités nouvelles dessyndicats après le retrait du CPE

Bernard Boisseaucosecrétaire général

Page 3: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

4 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

REVUE DE PRESSELES LEÇONS DU CPE

Réformer est possible16 mars 2006

L’affrontement autour du CPE en ditlong sur notre société de défiance

Par Alain Etchegoyen

11 mars 2006

CRIMINELS AU BERCEAUDéceler, dès le plus jeune âge,celui qui représentera un dangerpour la société. L’idée n’est pastout à fait nouvelle. Nous avonsdéjà eu l’occasion de remarquerici qu’elle était vieille commeHérode. Cependant, le ministrede l’Intérieur a promis de mettreen œuvre une politique derupture. Appuyé sur un rapportconsidéré comme scientifique,il envisage de prévenir ladélinquance dès l’âge de 3 ans. Ilserait même question d’un carnetde suivi, sorte de passeportde l’élément dangereux. [...]Comment peut-on seulementpenser à un passeport du maldélivré au vu du comportementà l’école maternelle ? On y pense.Tant pis pour la vieille idée selonlaquelle tout individu a droit à ce que les croyants nomment« rédemption », et queles humanistes appellent« réhabilitation ». Réduitau minimum, en langue politiqueet administrative, cela devientla « réinsertion ». Ce n’estmalheureusement pas unescience absolue.

18 mars 2006

EN FRANCE, LA RUEA TOUJOURS 20 ANSEn France, comme ailleursdans le monde, les universitésont longtemps été la caisse derésonance privilégiée des débatspolitiques. Avant-guerre, l’Actionfrançaise recrutait dans les facset, plus tard, les facsmanifestaient contre la guerreen Algérie, rappelle l’historien Jean-François Sirinelli. C’estsur les campus américains ques’est épanouie la mobilisationcontre la guerre au Vietnam.Sans surprise, l’archétype dumouvement étudiant reste Mai 68,véritable coup d’Étatgénérationnel, rite initiatiquenational dont est demeurée,diffuse mais prégnante, l’idéequ’une génération peut se fairesa place au soleil en défilantdans la rue.

Le dessin du mois

Le Monde, 17 mars 2006

27 mars 2006

CPE, LE BONAPARTISMEEN CREUXPar Zaki LaïdiCroire ou faire croire que ladémarche du gouvernementrelève d’une vision réformisteque la société et les syndicatsrefuseraient est un contresensabsolu. L’affaire du CPE montrenon seulement que lesgouvernements de droite– comme de gauche, d’ailleurs –n’ont qu’une idée pour le moinsimparfaite de ce qu’estle réformisme, mais que,circonstance aggravante, lerecours au bonapartisme social,qui est la marque de fabriquede ce gouvernement, asphyxieencore plus l’espace duréformisme. [...] Dans unesociété démocratique,le réformisme suppose la réunionde quatre conditions : unecertaine vision du monde, undiagnostic largement partagé surla réalité des blocages quifreinent un changementindispensable, une implicationréelle constante d’amont en avalde tous les acteurs concernés,une prise en compte du tempslong dans la résolution desproblèmes. [...] C’est d’ailleursun des traits de la culturepolitique française que de croireque le fait d’être élu vousconfère une légitimité sans limiteet que la démocratie sociale nepeut être octroyée que par ladémocratie politique. Certes, onentend les arguments dugouvernement : les syndicatsseraient faibles, incapablesd’avancer vite face à l’urgencedes problèmes et soucieux, pourles plus réformistes d’entre eux,de se refaire une santé à la veillede leur congrès. Mais là encore,on est dans la négation duréformisme. Chercher à humilierles syndicats pour leur montrerqu’ils ne sont rien n’est pas lemeilleur moyen de renforcer lesmédiations sociales qui font sicruellement défaut à la France.

Toute l’histoire du droit du travail s’est fondée sur un principeexplicite et une évidence incontestée : les rapports de travail sont

des rapports de force ; le droit a pour mission de les réguler. Lecélèbre adage de Lacordaire, « entre le fort et le faible, c’est la loi quiprotège et la liberté qui opprime », prend tout son sens dans uneconstruction juridique qu’il conviendrait plutôt de simplifier que decompliquer. [...] Rarement dans notre histoire récente, l’occasions’est offerte d’évoquer les préjugés de classe. Ce lexique, d’apparencearchaïque, retrouve une nouvelle vigueur. Premier préjugé quasi-ment explicite dans le discours officiel : les patrons sont tous deshommes bienveillants et justes, ce qui n’est pas le cas des salariés.Dominique de Villepin exprime ainsi ce truisme: en quoi le CPE serait-il dangereux pour le salarié ? [...] Deuxième préjugé plus implicite :la question de l’emploi se résout uniquement par le droit du travail.[...] Ni le droit, ni l’absence de droits n’ont jamais engendré la crois-sance. De plus, le CPE va entraîner des effets collatéraux qui ne cor-respondent ni aux intérêts de notre société, ni à ses exigences demodernisation. [...] Troisième préjugé encore plus implicite : avec leCPE, il s’agit de donner envie d’embaucher et non de donner enviede travailler. L’envie d’avoir envie est un problème fondamental denotre société et de notre économie ; de partout fusent les plaintes : lesFrançais ne veulent plus travailler. Les en convaincra-t-on en leur pro-posant une situation précaire et en les soumettant à l’arbitraire ?

Page 4: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 5

Presse. Les journalistes de France Soir en grève contre le projetdes repreneurs désignés par le tribunal de commerce de Lille.

14avril

L’après Sharon. Les électeurs israéliens accordentune victoire étriquée au parti Kadima créé par Ariel Sharon.

Trois millions de manifestantscontre le CPE.

28mars

« Immigration choisie ». Nicolas Sarkozy présenteen Conseil des ministres le projet de loi visant à contrôlerles flux migratoires.

29mars

Dilemme. La Commission européenne décide de suspendreson aide au gouvernement palestinien dirigé par le Hamas.

7avril

Économie. Le président chinois en visite aux États-Unisd’Amérique.

19avril

20avril

Proche Orient. Attentat meurtrier à Tel Aviv, le premierdepuis l’installation du nouveau gouvernement palestinien.

Emprise. L’Iran décide de soutenir financièrementle gouvernement palestinien.

17avril

30 JOURS

Latinos. À Los Angeles, 500000 manifestantscontre le projet de loi sur l’immigration qualifié de « raciste ».

25mars

Rase campagne. Dominique de Villepin annoncele « remplacement » du Contrat Première Embauche.

10avril

Fuori Berlusconi ! Romano Prodi remporte les électionslégislatives italiennes.

10avril

Paix dans le monde. Le président iranien affirme que son pays dispose du nucléaire.

12avril

Après le retrait. L’Assemblée nationale vote le dispositifen faveur des jeunes en difficulté, destiné à se substituer au CPE.

Fronde. Plusieurs généraux américains en retraite appellentà la démission du secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld.

13avril

Trois millions de manifestantscontre le CPE, bis.

4avril

ITALIE

Victoire de l’Unionde la gauche Silvio Berlusconi, le patron de forza italia espérait un second

tour judiciaire pour invalider le verdict des urnes.Après vérification des bulletins de vote contestés, les juges de la Cour de cassation ont définitivement confirmé la victoire de l’Union de la gauche en Italie avec 24755 voix d’avance.Ils ont, par ailleurs, rejeté le recours présenté par l’ex-ministredes réformes Calderoni, représentant la Ligue du Nord,qui contestait la prise en compte des 45000 voix obtenues par l’Alliance lombarde, apparentée à l’Union. Romano Prodi est donc le nouveau chef du gouvernement italien. Il devra se passer des encouragements du cavaliere qui refuse toujours,pour l’instant, conformément aux traditions républicaines,de féliciter son adversaire. Il a préféré lui déclarer, par médiasinterposés, une impitoyable « guerre de tranchée ». En attendant,il semblerait bien que, pour la plupart des dirigeants européens,la défaite relative du populisme médiatique de Berlusconi,souvent jugé « amoral, vulgaire, cynique et ultra-démagogique »,soit accueillie par un grand « ouf » de soulagement. Cocoricac

L ’usine Peugeot de Ryton, près de Coventry, sera fermée enjuillet 2007.

La production sera délocalisée en Europe de l’Est.Production plus facile et moins chère selon Jean-Martin Folz, président-directeur général. Aucune consultation avec les 2 300 salariés.Pas de grève en vue : les années Thatcher sont passées par là.Quant à Tony Blair, à la Chambre des Communes : « Il est inévitablequ’il y ait des pertes. ».Soyons justes : le bénéfice net du groupe a été en 2005 de un mil-liard d’euros, en recul de 37,5 % sur 2004, quand Renault a dégagé3,4 milliards, en progression de 18,7 %.Chiffres d’un article du Monde (17 mars 2006) consacré au niveaurecord des entreprises françaises du CAC 40 : 84 milliards d’euros,en hausse de 30 %.À Sochaux, les 142000 salariés Peugeot seraient inquiets : Ryton étaitl’usine la plus chère en Europe.Et maintenant ? Matthieu Leiritz

BILLET D’HUMEUR

©A

FP

/Ph.

Her

tzog

J -50.

Page 5: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

DÉBATCourriers

Pour le plaisir Lucile B., Paris

Presse syndicale

Je souffre d’un cancer de la plèvre dû à l’amiante. J’aivraisemblablement contracté cette maladie au lycée del’académie de Créteil où j’ai exercé 30 ans, dont 20 années

dans des locaux préfabriqués et vétustes, plaqués à l’amiante,comme c’était le cas dans les années 60-90.Malgré un début de structures rectorales mises en place pourrépondre aux demandes, je me heurte à l’inertie totale de lacommission de réformes qui refuse de traiter ma demande d’IPP –recevable pour ce type d’affection, qui se déclare une trentained’années après exposition. On me répond que je dois faire lapreuve de l’amiante, or cet établissement a été démoli en 1990,soit 7 ans avant l’obligation de recherche d’amiante (février 1997).Cette inertie de l’administration a aussi d’autres conséquences :elle exclut toute possibilité de prévention des collègues qui ont puaussi être exposés à l’amiante au lycée ; or, dans ces pathologies,seule action médicale précoce peut limiter les dégâts.

J’ai toujours été syndiquée au SNES depuis 1955. Mais je dois avouerque je n’étais pas une lectrice passionnée de la presse syndicaletout au long de ses multiples mutations. Or, je tiens à vous dire

l’intérêt croissant avec lequel je parcours, puis lis à présent L’US Mag.Merci en particulier pour l’ouverture européenne. Les comparaisonssont vitales. Il faudrait d’ailleurs qu’elles aillent au-delà des chiffres,explorant l’histoire culturelle et les structures sociales et institutionnelles qui les sous-tendent. Je lisais toujours les entretiens, je ne les abandonne pas. Enfin les notes de lecture sonttrès intéressantes, très utiles. Il n’est pas dit qu’on écrive à son journalque pour se plaindre : merci donc, courage ! Continuez !

Dans la région Rhône-Alpes,l’ANPE signe des conven-tions avec des chefs d’éta-

blissement à qui elle demande desuivre durant trois semaines undemandeur d’emploi dans l’enseigne-ment. Il s’agit d’une évaluation in situpar l’ANPE d’un stagiaire «préformé»dont le « conseiller » désigné par lechef d’établissement doit « vérifierles compétences et capacités profes-sionnelles pour exercer cet emploi» etfaire «préciser le projet professionnelen découvrant les conditions d’exer-cice de ce métier ». L’ANPE demandeainsi au conseiller de terrain :1. d’évaluer selon trois niveaux des« compétences techniques et asso-ciées » : le stagiaire sait-il concevoiret préparer le travail à réaliser enclasse, transmettre un savoir théo-rique et donner des méthodes pourl’acquérir, évaluer le niveau d’acqui-sition des connaissances des élèves,animer des projets d’actions éduca-tives avec d’autres professeurs etdes partenariats extérieurs ?2. d’évaluer des capacités liées à l’em-ploi : sait-il adapter son enseignementà la diversité des publics scolaires,traduire sous forme de leçons, exer-cices, un savoir théorique, appréhen-der des techniques, des formules oudes méthodes d’enseignement, trans-poser les connaissances de la psy-chologie de l’adolescent à la pédago-gie ? On appréciera la phraséologie quiamène à reprendre dans un deuxièmepoint ce qui a été énoncé dans le pre-mier. Les conclusions de l’évaluationsont sans appel : le demandeur d’em-ploi peut (ou ne peut pas) présenter sacandidature à un poste d’enseignant,peut (ou ne peut pas) s’orienter versce métier. Comprenons bien, aprèstrois semaines en établissement, muni(pour l’instant) d’une licence et de ceviatique, il pourra se présenter à unchef d’établissement pour être recruté

en face d’eux et les parents n’aurontrien à redire ! Une collègue de Lettres, sollicitéepour accueillir une « stagiaire » a misfin à l’expérience quand elle a comprisce que l’on attendait d’elle. Elle l’afait parce qu’elle croit au service

public d’éducation, à un recrutementnational par concours d’enseignantstitulaires, à une formation initiale etcontinue de qualité, assurée par desformateurs qualifiés. Je témoigne icide notre indignation commune.

comme vacataire ou comme contrac-tuel. Et voilà comment le ministèrede l’Éducation (nationale ?), avecl’aide du service public qu’est l’ANPE,se prépare un vivier de candidats quipourront postuler à un CDI, s’ils don-nent satisfaction à leur hiérarchie etenchaînent suffisamment de contratsprécaires ; Mieux (ou pire), dans lecadre du Plan d’Aide au Retour à l’Em-ploi (PARE), tout chômeur titulaired’une licence pourra être contraint às’inscrire dans ce dispositif et à accep-ter un poste de contractuel ou vaca-taire de l’Education nationale, s’il neveut pas être radié des l istes de chômeurs.Pourquoi remplacer les départs mas-sifs à la retraite en recrutant massi-vement par concours des fonction-naires qui seront protégés par unstatut ? Pourquoi grever le budget del’État avec des recrutements de per-sonnels à qui il faudra assurer unecarrière et qui, en plus, se mobiliserontpour des revendications de salaires, demoyens et de qualité pour le servicepublic d’éducation ? Pourquoi garderun corps de titulaires pour assurerles remplacements ? Pourquoi formerune année entière à l’IUFM des pro-fesseurs stagiaires alors que l’ANPEpeut fournir une nouvelle générationd’enseignants, des précaires ‘’pré-formés’’ avec l’aide éventuelle d’en-seignants fonctionnaires ?A l’Isle d’Abeau, dans le Nord Isère,une entreprise informatique floris-sante, anciennement HP, puis SAN-MINA, a décidé de délocaliser enPologne. Avant la fermeture de l’usine,la direction a demandé à ses person-nels d’y former des cadres ingénieursinformaticiens polonais appelés à lesremplacer dans leur pays. L’Éducation nationale n’a donc rieninventé. Mais quoi, ne vaut-il pas mieuxgérer et encadrer la précarité ? Lesélèves après tout auront des adultes

Inertie Claude A., Saint-Ouen (93)

Amiante

Consterné, je le suis moi aussi mais pas par la photo que vousavez publiée dans le n° 633 de L’US – je n’y avais mêmepas prêté attention, je viens de la revoir et elle ne me choque

pas, au contraire ! – je suis consterné... par la consternation demon collègue découvrant sur L’US la photo « d’une jeune filleavec la tête en partie voilée de noir ». Cachez ce voile que je nesaurais voir…Pourquoi ne pas comprendre la leçon toute simple que nousdonnent ces quatre jeunes filles (car elles sont quatre, l’avez-vousremarqué?) unies sans arrière-pensées dans la même protestation

De grâce, ouvrez les fenêtres !J. A., Créteil (94)

Voile noir...

LA MAL INFOCe livre est le fruit d’une enquête conduite par l’Observatoire dudébat public sur la façon dont les Français consomment l’infor-mation. Il montre comment l’individu cherche aujourd’hui à s’in-former, moins pour comprendre le monde que pour calmer une peurpermanente, dans un environnement qu’il perçoit de plus en plusanxiogène. À l’heure des médias omni-présents et de l’info en continu, le« médiaconsommateur » absorbe les nou-velles partout et tout le temps, au plusvite et au plus simple. Mais derrièrel’abondance, il sent bien que ce qu’ilingurgite compulsivement ne suffit pas àle nourrir. On est entré dans l’ère de la« mal info ».Cet ouvrage ne s’arrête pas au dia-gnostic. Parce qu’il s’agit là d’un enjeudémocratique majeur, il vise aussi, enouvrant quelques pistes, à repérer com-ment chacun de nous cherche à sortirde la « mal info ».

Évaluation in situ M.-Odile B., Grenoble

Précarité

6 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

Page 6: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 7

et qui semblent bien se ficher de ce qu’elles portent – ou ne portentpas – sur la tête !Pourquoi ces jugements, ces soupçons, ces exclusions? Pourquoicette image étouffante de la laïcité ? De grâce, ouvrez les fenêtres !J’ai envie de respirer l’air du large !

Lettre au président du juryPierre B., Villeurbanne (69)

Concours de la Résistance et de la Déportation

Le vendredi 24 mars, l’une de mes classes aurait dû composer pour leconcours national de la Résistance. Ce projet a tourné court et je tiensà vous expliquer dans quelles circonstances. Je ne porterai pas ici de

jugement sur le désormais célèbre CPE, mais je dois constater que cettemesure octroyée par les plus hauts responsables de l’État a entraîné unevague de révolte de nos jeunes lycéens qui ont décidé de « bloquer »l’établissement. Je souligne qu’ils l’ont fait pacifiquement, pour se faireentendre, et qu’ils ont d’ailleurs, avec un grand esprit de responsabilité,empêché des bandes extérieures à leur établissement de commettre desdégradations. Vendredi 24 mars, dans la matinée, à l’heure où aurait dû sedérouler l’épreuve du concours, des faits graves se sont déroulés devant lesgrilles du lycée. [...]Avec nombre de collègues et de membres du personnel de l’établissement,nous avons essayé de nous interposer entre les policiers qui intervenaientet nos élèves qui se tenaient aux grilles du lycée. Je dois dire que j’ai étébousculé sans ménagement malgré mon âge et qu’à la suite de mesprotestations à la vue de l’un de mes jeunes collègues enseignant traîné àterre, j’ai été apostrophé sans aucun respect par l’un des officiers de lapolice nationale qui commandait l’intervention. Je ne parlerai pas ici de cequ’il est advenu des élèves, un journaliste du Progrès l’évoque. À la suite deces graves incidents, je me pose des questions qui ne sont pas étrangères à ceque l’on appelle les « valeurs de la Résistance ». Que serait-il arrivé auxjeunes gens qui nous ont été confiés dans cet établissement, si nous lesenseignants, n’avions pas été là?

Qu’est-ce que le « devoir de désobéissance »? Où se trouve la dignité des uns et des autres, en particulier celle des responsables del’intervention policière? Je ne peux m’empêcher de songer qu’à deux pas del’endroit où s’est réalisée cette opération policière, rue Frédéric-Faÿs, unjeune résistant est tombé dans les combats en 1944. La spéculationimmobilière a fait disparaître sa place. Répression, spéculation, oubli, méprisdes êtres humains. Ce n’est certainement pas à ce genre de société qu’ontrêvé les Résistants. Les locaux du lycée Frédéric-Faÿs en 1944 ont abrité un groupe de la Main-d’œuvre immigrée (MOI), Carmaniole-Liberté, qui a joué un rôle majeur dans lalibération de Villeurbanne. C’est un de nos motifs de fierté d’enseigner danscet établissement qui accueille de nombreux élèves issus de l’immigration. Je regrette beaucoup de n’avoir pu faire composer mes élèves alors quej’entre dans mes dernières années d’enseignement. Je vous présente doncmes excuses pour cette non-participation. Je souhaiterais que lesresponsables au plus haut niveau de cette situation en fassent de même.

Consternée, je le suis, à laréaction de J.-L. F. deFleury-les-Aubrais, parue

dans L’US Mag supplément aun° 633 du 2 mars 2006.Que signifie ce ton aux accentsindignés et qui a des relents d’ex-clusion (exclusion que, parailleurs, vous semblez combattre)à la vue de la photo d’« une jeunefille avec la tête en partie voiléede noir… » (sic) en première pagede L’US Mag illustrant les manifsanti-CPE? Le choix de ce clichéaurait offusqué votre soi-disantdéfense de la liberté des femmes?Toutes les femmes et jeunes filles,voilées ou non, sans hiérarchieaucune, ont le droit de participeraux cortèges anti-CPE en pro-vince comme à Paris (nous nesommes pas dans une salle declasse !). D’ailleurs, dans la manifparisienne du 7 mars j’ai croisédes jeunes filles « voilées »,concernées comme tous leurs

camarades par cette lutte légitimeet je m’en suis réjouie : elles sontcitoyennes à part entière et, à cetitre, sont des nôtres. Ne l’oubliezpas ! Des réactions comme lesvôtres sont dangereuses : ellesstigmatisent et excluent.Le combat pour la laïcité oui,mais pas de cette façon! L’ana-thème (« la photo d’une jeunefille voilée à la UNE de mon jour-nal syndical préféré, quelle hor-reur! ») et la ségrégation ne ferontjamais éclore les prises deconscience et resplendir leslumières de la Raison !La FSU n’a pas fait d’erreur enchoisissant cette photo ! L’erreur,c’est vous – du reste – qui la faitesen prenant pour un « voile » cequi n’en est pas un ! Lisez donc ceque cette jolie blonde arboreostensiblement sur son macaron« Retrait du CPE »! N’est-ce paslà l’essentiel? Et, couvert ou non,allez manifester !

« Cachez ce voile que je ne saurais voir... »M. B., Drancy (93)

ALAIN ROZE NOUS A QUITTÉSAlain venait tout juste de prendre une retraitequi promettait d’être riche en activités pas-sionnantes. Il avait déjà repris des études dephilosophie ! Hélas, la maladie l’a brutalementemporté après une résistance admirable.Alain a milité au S3 de Créteil où il fut res-ponsable du secteur corporatif. Au sein dusecrétariat national, il a animé le secteur de

l’emploi au temps où le mouvement était encore national, puis legroupe lettres, avant de prendre la responsabilité du secteur deslycées. Très à l’écoute des syndiqués qui appréciaient sa convi-vialité, son amour de la vie qu’il savait faire partager, son sensde l’humour, sa passion pour l’enseignement et la littérature, saliberté d’esprit, il a constamment défendu une conception exi-geante de l’enseignement et du métier.

Frédérique Piel, Yves Baunay

©T

hier

ry N

ecto

ux

Publicité

Page 7: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

La quasi-totalité des acteurs de l’école ont cette caractéris-tique commune qu’ils n’ont pas connu d’autres mondesprofessionnels que scolaire. Ainsi, là où devraient être desrelations entre adultes, reproduit-on inlassablement les rela-tions entre maîtres et élèves : les professeurs sont « notés »,

comme leurs élèves.La raison en est assez simple : la notation sert d’abord à gérer desflux de promotions. Le positionnement relatif dans l’écheloncompte plus que la mesure d’une quelconque valeur profession-nelle. Le tout doublé d’illusoires protections : une notation tordueéclairée d’une appréciation sournoise est finalement sans recourset des distorsions anormales ont été mises en valeur touchant,notamment, les femmes.On peut allonger la liste des aberrations, desfrustrations ou du formalisme de la notation.Tout le monde, ou à peu près, en conviendra. Lesopinions divergent sur la suite : les uns pensentqu’il faut passer à autre chose ; les autres quemieux vaut conserver un statu quo médiocre car,dans le monde où nous sommes, toute alternativene peut être que pire. Et ils entrevoient déjà deshordes de petits chefs ivres de pouvoir ou demanagers cyniques et optimisateurs s’abattre sureux. Pourtant, il ne faut pas désespérer que lavoie de l’intelligence puisse aussi exister. Elle a été explorée parfeu le regretté Hcéé (Haut conseil de l’évaluation de l’école) quiétait un des rares lieux de débat constructif dans notreinstitution ce qui rendait sans doute urgent sa suppression par la loi« Fillon »… En février 2003, il adoptait unanimement son avisn° 6 sur l’évaluation des enseignants. Que ne le met-on en œuvre ! (http://cisad.abc.education.fr/hcee/index.html)D’abord, abandonnons l’infantilisante notation annuelle à deuxvitesses dont on ne sait plus très bien, surtout pour l’administra-tive, ce qu’elle recouvre au juste : qu’est-ce que ce mystérieux« rayonnement » généralement « très bien » ? Une évaluation

8 - US MAGAZINE - Supplément au no 633 du 2 mars 2006

DÉBATopinion

périodique, contradictoire, transparente et conduite par plusieursévaluateurs serait plus gratifiante, y compris pour les personnels.Le Hcéé ajoutait, avec raison, que l’évaluation devrait avoir « unebase plus objective » ce qui passe par la nécessité de « formaliserce que sont aujourd’hui les fonctions enseignantes ».« Nous y voilà ! » penserez-vous, mais comment évaluer équita-

blement l’exercice d’un métier dont les contours sont devenusincertains ? Plus que des batteries de « fourchettes », c’est uneclaire définition de ce qui est attendu qui protège le plus efficace-ment les individus.Un autre aspect est qu’un professeur exerce au sein d’une collec-tivité qui ne le résume pas mais dont il ne peut s’abstraire ce dontil faut prendre acte dans l’évaluation, même si elle reste indivi-duelle.Enfin, passer de la notation annuelle à une évaluation globale etpériodique rend possible plus de lisibilité sur les évolutions profes-sionnelles. À moins de considérer qu’enseigner est une activitéinvariable de quarante annuités durant lesquelles on ne vieilliraitpas, les longues carrières qui s’annoncent nécessitent de mieux lespenser et de les construire avec les intéressés que ce soit en termesde poste, de formation, parfois de fonction. Une évaluation bienadmise peut jouer un rôle de conseil et d’accompagnement que lanotation est bien incapable d’assumer.

Certes, sous la douce musique du consensus peuvent toujours setapir des intentions moins pures et il ne faut pas mésestimer lesdifficultés, techniques ou politiques, qui peuvent surgir en phasede finalisation. Cependant, toute évolution n’est pas fatalementune dégradation et remettre à plat l’évaluation des professeurs nesera pas nécessairement une agression contre leurs statuts si leursreprésentants contribuent à une construction alternative où laprotection, légitime, des individus retrouve l’intérêt général. Lesyndicalisme, aujourd’hui, doit aussi contribuer à reconstruire unavenir crédible pour les personnels et à renouer avec l’idée,perdue, de progrès. ■

La question de l’évaluation des enseignants est remise sur le tapis chaque fois que l’on parle deréformer l’éducation. Ministre après ministre, la même antienne est resservie d’une évaluationqui devrait devenir plus discriminante, récompensant les meilleurs et châtiant les « mauvais »,outil pour encadrer fermement nos professions. Au fil des rapports d’« experts » (rapport Pair en1998, Monteil en 1999, Thélot en 2004) se développe ainsi l’idée d’une évaluation contractualisée,dépendante des objectifs locaux et pilotée essentiellement par le chef d’établissement.

«Il faut mettre en œuvre

les sages préconisations du Hcéé.»

Philippe TournierSecrétaire général adjoint

du SNPDEN

Comment les évaluer?L’évaluation des

Cependant, toute évolution n’est pas fatalement une

dégradation et remettre à plat l’évaluation des professeurs

ne sera pas nécessairement une agression contre leurs

statuts si leurs représentants contribuent à une construction

alternative où la protection, légitime, des individus retrouve

l’intérêt général.

©D

R

Page 8: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 9

Les bouleversements introduits dans la gestion des hors-classes, sont parfaitement cohérentsavec cette orientation. Nul ne s’y trompe, c’est autour de la conception même du métier que sejoue le débat sur l’évaluation. C’est ce que montrent les contributions ci-dessous de PhilippeTournier et Frédérique Rolet. Elles montrent aussi que, pour autant, personne n’est satisfait de lasituation actuelle, à commencer par les collègues. Les enquêtes menées par le SNES le montrentd’évidence. Le travail pour faire avancer nos propositions sur ce dossier doit donc se poursuivre.

enseignantsSavoir ce qu’on évalue, reconnaîtreles spécificités de nos métiers.

De quoi parle-t-on quand on évoque l’évalua-tion des enseignants ? Immédiatement sesuperposent les termes de notation, d’avan-

cement, de gestion des carrières ; immédiatementaussi, à l’insatisfaction des enseignants vis-à-visdu système actuel, des réponses sont avancées parl’administration, fondées sur la promotion « d’uninvestissement professionnel » éloigné de laréalité des métiers.Or le problème fondamental réside bien dans ledouble objectif assigné à l’évaluation : en faire unedes composantes de la gestion et un moyen declassement (avancement, promotion de grade et decorps), tout en même temps qu’un outil d’amélio-ration du système éducatif. Si le système a perdurésans trop de contestation plusieurs décennies, lesens de l’évaluation individuelle a évolué cesdernières années : la première raison tient à la raré-faction et à l’irrégularité des visites, des perspec-tives de carrière rendues aléatoires, l’absence detransparence, la dégradation des conditions d’exercice, tout celaexacerbant le sentiment d’injustice.La deuxième raison pourrait résider dans les évolutions mêmes dumétier d’enseignant, un métier de plus en plus déstabilisé, deman-dant un investissement accru, exercé dans le cadre d’une équipe.C’est ainsi que l’ensemble des réponses apportées à l’enquête effec-tuée par le SNES en 2005 (cf. supplément à l’US n°611 du 6/12/2004 et supplément à l’US n° 621 du20/6/2005), 1 221 enquêtes dépouillées, laissentpointer une insatisfaction diversement transposée, vis-à-vis du système actuel d’évaluation-notation, notam-ment pédagogique. Cette dernière suscite des décep-tions par rapport à une attente vivement présente, celled’une aide à la réflexion sur l’activité professionnelle,peu opératoire dans les conditions actuelles ; ellesouligne aussi de ce fait l’attachement des enseignants au cœur deleur métier : le travail sur les apprentissages disciplinaires et lesouhait d’un renforcement de la qualification professionnelle ; ellerequiert l’intervention de corps d’inspection spécifiques pour chaquediscipline.Les appréciations sur la notation administrative disent aussi, à leurfaçon, cet attachement des professeurs aux idées d’égalité, de clartédes missions, de respect du métier. Bien sûr, le manque de réflexion

de l’institution sur un métier en pleine recomposition sefait sentir et la notion d’« obligation professionnelle» –champ d’exercice de la notation administrative – peut êtrevécue comme plus ou moins extensive mais, très majori-tairement, à travers l’attachement à la double évaluation,c’est la spécificité du métier que revendiquent noscollègues.Spécificité d’un métier complexe, rétif à l’encadrement,au contrôle prescriptif, à la mesure (au référentiel demétier, évaluation par compétences...) du fait de la naturede l’activité professionnelle elle-même, exercée dans laclasse, impossible à penser en termes de « rendement».Spécificité exigeant le maintien de la double évaluation,celle exercée par l’IPR, qui vérifie le travail avec lesélèves des savoirs disciplinaires, dans le cadre des objec-tifs nationaux, celle effectuée par le chef d’établissement,s’assurant du respect des obligations réglementaires toutau long de l’exercice dans l’établissement. C’est sur ces bases qu’il faut réfléchir à une évolution del’évaluation des enseignants pleinement respectueuse de

la nature de notre métier, ne décentrant pas l’acte d’enseignement auprofit de tâches périphériques plus facilement mesurables. La condi-tion première de cette évolution serait d’augmenter les connais-sances sur l’activité, de favoriser les recherches sur ce travail quel’on prétend mesurer ; la seconde, de renoncer à penser la carrièredes enseignants à l’aune d’une réduction de l’emploi et de la

dépense publics, impliquant des ajustements aux contraintes locales(et non une prise en compte de celles-ci dans le cadre d’objectifsnationaux ambitieux). Alors, il sera possible de reprendre sereine-ment le dossier de l’évaluation, de tirer cette dernière vers l’aide etle conseil, en déduire des propositions de formation, de mise encommun des réflexions et pratiques, de développement du travail enéquipe, de reconnaissance des étapes de la carrière ; au sein d’unservice public qui gagnerait en efficacité. ■

Tirer l’évaluation vers l’aide et le conseil, en déduire

des propositions de formation, de mise en commun

des réflexions et pratiques, de développement du travail

en équipe, de reconnaissance des étapes de la carrière.

À travers l’attachement à la double évaluation, c’est la spécificité du

métier que revendiquentnos collègues.

Frédérique RoletCo secrétaire générale

du SNES

©D

R

Page 9: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Solidaritéi

Brésil« La CNTE (Confédération nationaledes travailleurs de l’Éducation),organisation qui regroupe35 syndicats et 2500000 personnelsde l’Éducation au Brésil apporte unsoutien sans restrictions au combatdes étudiants et des travailleursfrançais contre le CPE. Elle soutientla mobilisation des étudiants et dessyndicats comme notre organisationsœur, le SNES, dans les rues de Pariset des autres villes de France. »

Brasilia, le 5 avril 2006

Lendemainsi

ÉléganceLe ministre de l’Éducation nationale,au lendemain de la crise du CPEdéclare : « Je pense que lesuniversités peuvent vraimentsupporter le coût (des occupations)...Ce serait vraiment injuste dedéshabiller des formations nouvelleset des chances nouvelles pour desjeunes pour payer des dégâts qu’ontfait d’autres jeunes ailleurs. »

Le 19 avril

ACTUALITES

10 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

Les événements se sont doncprécipités après le 4 avril, nouveau sommet dumouvement contre le CPE,avec plus de 3 millions de manifestants dans toute la France.

Les parlementaires de l’UMP« assistés » des ministresBorloo et Larcher recevaient

les 5 et 6 avril les organisationsprofessionnelles. Pour ce qui les concerne, lesdouze organisations de l’inter-syndicale étudiants-lycéens-sala-riés, et parmi elles la FSU, onttoutes tenu le discours qui avaitété arrêté en commun lors de laréunion de l’intersyndicale du 5 :retrait, avant toute autre discus-sion, du CPE et cela avant la datede début des vacances parle-mentaires, le 17 avril. Faute d’as-surances suffisantes dans ce sens,il était prévu que l’intersyndi-cale du 10 avril déciderait denouvelles initiatives. La force dumouvement a été telle que l’exé-cutif et les parlementaires n’ontfinalement pas eu d’autre choixque de s’inscrire dans ce« timing ». Le 10 avril au matin, après unweek-end de tractations mani-festement très compliquées dansle gouvernement et le partimajoritaire, mais avant laréunion de l’intersyndicale pré-vue pour 16 h30, le président dela République, puis le Premierministre et les parlementairesUMP annonçaient les uns aprèsles autres le « remplacement »de l’article 8 de la loi sur l’éga-lité des chances et donc du CPEpar un dispositif renforçant leplan de cohésion sociale déjàmis en place depuis plusieursmois.C’est une incontestable victoirepour le mouvement social donttous les observateurs soulignaientrégulièrement les difficultésdepuis le printemps 2003 etl’échec subi sur les retraites. Pour la première fois, il s’esttrouvé en mesure, le CPE jouantle rôle d’un véritable catalyseur,de donner un coup d’arrêt à lapolitique gouvernementale et de

faire enfin déboucher sur unrésultat concret le rejet desoptions libérales qui s’estexprimé avec beaucoup de force

à l’occasion de chacune deséchéances électorales interve-nues depuis 2003. ■

Bernard Boisseau

CPE (16 JANVIER-10 AVRIL 2006)LES DERNIERS JOURS

Annoncées dans la journée du 11 avril par l’exécutif et par les par-lementaires UMP, les mesures suivantes ont été adoptées définiti-vement par le Parlement le 12 avril.

Il s’agit pour l’essentiel du renforcement et de l’extension de certains desdispositifs déjà mis en place par le Plan de cohésion sociale, se tradui-sant pour l’essentiel par une augmentation des aides à l’employeur.• Le « Contrat jeune en entreprise » (CJE) concernait les jeunes de 16à 25 ans d’un niveau de formation inférieur au bac, ou résidant en zoneurbaine sensible ou au chômage depuis plus de 6 mois au 16/1/2006 etembauchés avant le 31/12/2006. Il est maintenant étendu aux 16-25 anstitulaires d’un CIVIS (voir ci-dessous). L’aide à l’employeur était :– de 300 euros/mois pendant deux ans et de 150 euros/mois la 3e annéepour les non-diplômés;– de 150 euros/mois pendant deux ans et de 75 euros/mois la 3e année pourles diplômésCette aide est désormais portée à 400 euros/mois la 1re année et à 200euros/mois la 2e année.• Le contrat de professionnalisation prévoyait une exonération des coti-sations patronales de Sécurité sociale pour les 16-25ans. Désormais encas d’embauche en CDI, un soutien spécifique est apporté à l’em-ployeur: 200 euros/mois la 1re année et 100 euros/mois la 2e année.• CIVIS (contrat d’insertion dans la vie sociale) ne concernait jusqu’icique les jeunes d’un niveau de formation inférieur à bac+2. Il s’adressedésormais à tous les jeunes rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle. Le CIVIS qui prévoyait un accompagnement personnalisé, renforcépour les non-qualifiés, comprend désormais l’élaboration d’un Parcoursd’accès à la vie active. À cette fin, chaque jeune bénéficiera d’un réfé-rent qui lui proposera l’une des quatre voies suivantes :• un emploi, notamment en alternance, précédé, si nécessaire, d’unepériode de formation préparatoire;•une formation professionnalisante, pouvant comporter des périodes enentreprise, dans un métier pour lequel des possibilités d’embauche sontrepérées;•une action spécifique pour les personnes connaissant des difficultés par-ticulières d’insertion;•une assistance renforcée dans sa recherche d’emploi.Par ailleurs, le gouvernement, pour permettre la mise en place de ces nou-velles dispositions, s’est engagé à débloquer 50000 places de stage dansles métiers « en tension» (avec des offres d’emploi non satisfaites).Le coût total de ces nouvelles dispositions est estimé à 150 millions d’euros pour 2006 alors que l’intégralité du plan de cohésion socialedans sa version initiale était prévue pour un montant de 450 millionsd’euros. Une charge supplémentaire pour le budget de l’État, essen-tiellement au bénéfice des entreprises dont celles de l’hôtellerie et dela restauration pour lesquelles le gouvernement n’a pu tenir sa promessede baisse de la TVA... ■ Bernard Boisseau

Jean-ClaudeMillecampsnous a quittésJean-Claude Mille-camps, secrétairedépartemental duPas-de-Calais est

décédé brutalement le 6 avril. Tous lestémoignages soulignent l’osmoseentre l’homme et le militant, la véra-cité, la détermination de l’engage-ment, et surtout la chaleur, la joie devivre et l’enthousiasme qu’il y mettait. Jean-Claude était avant tout ensei-gnant, comme il se plaisait à le rap-peler, parfois de façon vive, lorsqueles activités syndicales et notam-ment les mutations prenaient tropde temps à ses yeux. Professeur dephilosophie au lycée d’Avion depuisprès de 20 ans, au cœur de ce bassinminier qui l’avait vu grandir, auquel ilétait viscéralement attaché, c’était unprofesseur exigeant, dont le parcourspersonnel était un modèle, lui, le filsde prolétaires pour lequel « servicepublic », « Éducation nationale » et« ascenseur social » n’étaient pasde vains mots. Le conflit anti-CPE lerendait inquiet pour ses Terminales,mais il était en même temps telle-ment fier de la responsabilité dontses élèves avaient fait preuve enmenant et en organisant la lutte.Très investi dans son SS1, secrétairedépartemental depuis 1999, anciensecrétaire national de catégorie pourles adjoints d’enseignement, véri-table militant de terrain, il a suscitéde nombreuses vocations militantesparmi ses jeunes collègues.Avec sa disparition, le SNES de Lillene perd pas seulement un bon mili-tant et un ami, mais un homme bien.

REMPLACEMENT DU CPELE DISPOSITIF ADOPTÉPAR LE PARLEMENT

Page 10: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 11

LE SYNDICALISME APRÈS LE CPEDES RESPONSABILITÉS NOUVELLESLe résultat obtenu estévidemment très appréciable. Ilnécessite cependant, lepremier moment d’euphoriepassé, d’y revenir du triplepoint de vue des raisons quil’ont rendu possible, de seslimites et des responsabilitésnouvelles qu’il donne aumouvement social et toutparticulièrement ausyndicalisme.

Les raisons du succèsLe plus décisif a sans doute étél’appui de l’opinion. Les son-dages ont montré qu’après unepremière hésitation, le ralliementà la cause anti-CPE avait été mas-sif à plus de 70 %, ne s’étaitjamais démenti tout au long desdeux mois de conflit et que lessymptômes de lassitude, ne sesont jamais produits. La convergence entre jeunes etsalariés, générationnelle, mais aussisociale puisqu’elle a réuni sousune forme organisée les salariés etla jeunesse scolaire et universitaire.Les jeunes ont su réagir immédia-tement à une mesure à laquelle ilsont fait le reproche principal de lesstigmatiser encore un peu plus alorsqu’ils sont déjà les premières vic-times de la précarité et du chô-mage. Mais ils ont su comprendreen même temps qu’ils ne gagne-raient pas seuls et réussi à fairepartager l’idée qu’au-delà du CPE,c’était l’ensemble des garantiesqu’apporte le Code du travail auxsalariés qui étaient menacé. C’estce contexte qui a permis que seréalise une unité syndicale sansprécédent depuis très longtempset qui ne s’est jamais démentie.L’intersyndicale des 12, étudiants-lycéens-salariés, rassemblantUNEF, Confédération Étudiante,UNL, FIDEL, CGT, CFDT, FO,CFTC, CGC, FSU, UNSA et Soli-daires s’est révélée un très bonoutil de pilotage du conflit per-mettant d’articuler au mieux lesinitiatives spécifiques des jeuneset les grandes initiatives « tousensemble », ce qui n’allait pas for-cément de soi, du fait des formes etdes rythmes différents de mobili-sation. Ce qui ne signifie pas qu’iln’y ait eu aucun problème, mêmesi la volonté d’unité a toujours fini

par l’emporter. Les initiatives prisesdélibérément et à plusieurs reprises(lettre à de Villepin par exemple)par le groupe des cinq confédéra-tions dites représentatives (CGT,CFDT, FO, CFTC et CGC), sans lamoindre concertation avec le restede l’intersyndicale, ont soulignéune fois de plus que la questiondes critères actuels de reconnais-sance de la représentativité restaitun facteur majeur de division et

donc de paralysie du syndicalismefrançais.Enfin le gouvernement lui-même afortement contribué à son échec :autoritarisme, refus de tout dia-logue social, recours au 49.3, entê-tement extrême du Premierministre, rivalités internes au gou-vernement et à la majorité,MEDEF surtout préoccupé parl’impact de la crise sur la situationéconomique, tout aura contribué àprogressivement isoler le gouver-nement et son Premier ministre,l’intervention du Président accé-lérant encore le processus.

Les limitesCe que le mouvement vient d’ob-tenir, c’est de contraindre le gou-vernement à renoncer à une mesurequi aurait encore aggravé la situa-tion, notamment en ce qui concernel’emploi des jeunes. Il n’a pasobtenu pour autant ce qui permet-

trait de l’améliorer. Ce qui poseaussi comme le mouvement l’abien mis en évidence des questionsdirectement liées au CPE : le CNE,la loi sur l’égalité des chances avecnotamment l’apprentissage à 14ans et la précarité.

Les suitesL’intersyndicale des 12 réunie le10 avril s’est d’abord félicitée dusuccès acquis le matin même. Elle

a confirmé par ailleurs son soutienaux manifestations que les étu-diants et lycéens avaient prévupour le 11. La FSU a défendul’idée d’être auprès des jeunesdans la phase toujours délicate oùun tel mouvement change derythme. Elle a aussi, avec d’autrescomme l’UNSA et les Solidaires,proposer que l’intersyndicalepoursuive son travail communpour prendre de nouvelles initia-tives et aborder ensemble la phasede discussions annoncées par legouvernement. Cette idée n’a pasété retenue par les 5 confédéra-tions « représentatives », la CFDTtenant le discours le plus tranché.Pour elles, l’intersyndicale des 12avait épuisé sa mission et n’avaitplus besoin de se réunir puis-qu’elle avait obtenu satisfactionsur le CPE. Par ailleurs FO, laCGC ont refusé la propositionavancée par tous les autres d’un

grand 1er mai unitaire organisé encommun avec l’idée d’en faireensemble et avec la jeunesse, uneforme de « réplique » au 1er mai2002.Ces dernières péripéties n’empê-cheront pas que le SNES et la FSUsoient partie prenante des 1er maiunitaires qui s’organiseront mal-gré tout partout en France. Rienn’empêchera non plus que ce 1er

mai 2006 ait une saveur particulière

et marque une nouvelle étape versles prochaines batailles.Par ailleurs nous avons fait la pro-position que les pouvoirs publicsorganisent à tous les niveaux desÉtats généraux pour l’avenir de lajeunesse en y associant les princi-paux intéressés (cf. dernière US). Sinous devions ne pas être entendus,nous proposerions à la FSU de lesorganiser elle-même avec notam-ment les organisations étudiantes.C’est enfin le moment où jamaisd’interpeller le gouvernement surles questions qui font conflit auniveau de la Fonction publiquecomme de l’Éducation nationale.L’intersyndicale de la fonctionpublique vient de demander àC. Jacob d’ouvrir une nouvelle dis-cussion sur la résorption de la pré-carité. Pour l’Éducation, le SNESvient de s’adresser publiquement àG. de Robien (cf. p. 13). ■

Bernard Boisseau

©T

hier

ry N

ecto

ux

Nous avons fait la proposition que les pouvoirs publics organisent à tousles niveaux des États généraux pour l’avenir de la jeunesse en y associantles principaux intéressés.

Page 11: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

12 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

ACTUALITES

L’ENJEU DES GARANTIES COLLECTIVESA

vec le projet de loi sur lafonction publique, legouvernement poursuit son

entreprise de démolition desstatuts et des garanties collec-tives. Sous couvert d’élargir lesviviers de recrutement et de valo-riser l’expérience professionnelle,il s’en prend aux diplômes etconcours qui fondent, en premierlieu pour nos catégories, laqualité de la fonction publiqueet son indépendance.

TutellesLoin de permettre la prise encompte des acquis profession-nels sur la base de critères objec-

tifs, toutes les modificationsproposées donnent dans les faitsaux autorités de tutelle lesmoyens de peser sur les carrièresdes fonctionnaires et de porteratteinte aux droits collectifs telsque nous les avions conquis. Ceprojet est à mettre en relationavec les multiples remises encause que nous connaissons dansnotre secteur : dilution des statutset des qualifications discipli-naires, encouragement à la biva-lence avec les affectations enlycée professionnel des TZR oudes PLP en collège ; affectationsindividualisées, telles cellespréconisées pour les EP1.

PromotionEn matière de promotion – chan-gements de corps ou de grade – leprojet de loi ne tient aucun comptedes aspirations des personnels etlaisse toute latitude aux minis-tères et administrations pour opé-rer des choix discrétionnaires. Illégitimerait ainsi a posteriori lesmodalités qu’on veut nous impo-ser depuis l’an passé pour l’accèsà la hors-classe : disparition descritères transparents tels l’ancien-neté de carrière, le concours et lestitres, soumission aux autoritéshiérarchiques et rupture d’égalitéde traitement. Ce projet de loi estirrecevable en l’état.

AmendementsAvec la FSU, nous avons déposéplusieurs amendements : d’unepart pour que soient reconnuesde façon incontestable les quali-fications exigées dans le cadred’un changement de corps etd’autre part pour que l’ancien-neté de carrière soit le critèreretenu dans la gestion des avan-cements de grade. Nous sommes là en pleinecohérence avec notre engage-ment dans l’action aux côtésdes jeunes et des salariés contrele démantèlement du Code dutravail. ■

Nicole Sergent

Le projet (voir le contenuprécis du projet de loi ainsique les amendements dépo-

sés par la FSU dans le Courrierde S1 n° 9, disponiblesur le site du SNES :www.snes.edu) propo-sait que des fonction-naires puissent « êtrenommés dans desemplois permanents à

temps non complet cumulés ».L’exposé des motifs disait leschoses crûment : « Dans le cadrede la rationalisation des moyenshumains de l’État dans les zonesles moins peuplées, il est utilede permettre aux agents publicsde rendre des services ne relevantpas strictement de leur domained’activité initial. (…)Cette introduction du temps noncomplet constituera un importantlevier de redéploiement desagents ». Tous les syndicats s’y opposant,l’unanimité a fait céder leministre. Mais le sujet pourraitrevenir car CFDT, UNSA etCFTC ont proposé une expéri-mentation.

confirmer une politique que nouscombattons : dispense d’épreuvesdes concours au vu de l’expérienceprofessionnelle, inscription des« acquis de l’expérience profes-sionnelle » parmi les critères dechangement de corps et de grade.La question essentielle de savoirqui évalue cette expérience, quidécide de sa prise en compte etcomment, est renvoyée aux textesd’application. Les orientationsactuelles, tant sur le recrutementque sur la gestion de nos carrièreslaissent craindre le pire.La création du droit individuel àformation donnerait lieu à contre-partie : toutes les actions de for-mation(2) pourraient « avoir lieu,en tout ou en partie, en dehors dutemps de travail ». La FSU a contesté ces orientationstant pour les carrières que pour laformation. Le ministre a pu se pré-valoir du soutien de la CFDT, del’UNSA et de la CFTC. ■

Anne Féray

(1) Validation des acquis de l’expé-rience.(2) Au-delà du DIF (Droit individuel àformation).

Formation professionnelleC’est un chapitre essentiel du pro-jet de loi. Il reconnaît enfin auxfonctionnaires des droits inscrits

depuis des mois dans le code dutravail : congé pour VAE(1), pourbilan de compétences. Mais le gou-vernement saisit l’occasion pour

TRAVAIL DE SAPECGT, FO, UNSA, FSU, CGC s’adressent au ministre :« Le Premier ministre a annoncé lundi 10 avril qu’il proposait « d’enga-ger une discussion sans a priori », en particulier sur la précarité et l’in-sertion des jeunes dans l’emploi.Une récente note de la DARES a mis en évidence que la proportion decontrats courts dans le secteur public était plus importante encore quedans le secteur privé. Pour nos organisations, la loi du 26 juillet 2005,créant le CDI dans la fonction publique ne règle pas la question de la pré-carité. Aucune organisation syndicale ne s’était d’ailleurs prononcée ensa faveur lors de son examen par les conseils supérieurs.Le dispositif du PACTE, promulgué au sein des ordonnances du 2 août 2005,n’avait pas davantage recueilli l’assentiment de nos organisations.Les agents de la fonction publique se sont mobilisés massivement ces der-nières semaines au côté des lycéens, des étudiants et des autres sala-riés. Ils ont exprimé fortement leur refus de la précarité.C’est pourquoi, nous vous demandons d’ouvrir des négociations dans lesmeilleurs délais sur la résorption de la précarité dans la fonction publique.Elles devraient permettre d’aborder :• le bilan des mesures prévues par la loi du 3 janvier 2001, et un recen-sement exhaustif des situations de précarité ;• les modifications législatives nécessaires pour stopper le recours à desagents non titulaires ;• les mesures de titularisation à programmer. »

Précarité et insertion professionnelle des jeunes

FONCTION PUBLIQUELe projet de loi sur l’avenir de la fonction publique vient d’être examiné par le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État. À cette occasion, le ministère a dû procéder à de premiers reculs.Ecrit dans la précipitation, ce projet, censé transposer des mesures en vigueur pour le privé, entérine une nouvelle étape de sapedes fondements de notre FP, des modes de recrutement à la gestion des carrières. La qualification, les garanties collectivessont fortement minorées au profit d’une subordination de l’agent à sa hiérarchie, d’une individualisation de traitement. La FSUcontinue à peser pour combattre ces orientations. Le projet sera examiné par le Parlement à partir du mois de juin et à l’automne.

www.snes.edu

Page 12: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 13

Bernard Boisseau, Gisèle Jean,

Claudie Martens, Frédérique Rolet

Secrétaires généraux du SNES-FSU

À Monsieur le ministre de l’Éducation nationale

Monsieur le Ministre

Le pays vient de connaître, en quelques mois, 2 événements majeurs : la crise des « banlieues » en

novembre et le mouvement anti-CPE. L’une et l’autre, sur des registres différents, mais avec des liens tels

que certains observateurs ont pu parler pour la seconde d’une forme de « réplique » de la première, ont

été les puissants révélateurs des problèmes d’une jeunesse qui, dans la totalité de ses composantes,

s’inquiète de son avenir. La question de l’emploi est évidemment posée, comme celles de la qualification et

de la formation, ou bien encore celles des discriminations dont est trop souvent victime la jeunesse dans

son ensemble et qui frappent encore plus durement une partie d’entre elle, en fonction de ses origines.

Toutes ces questions ne peuvent être traitées qu’en leur donnant toute leur dimension sociale. En tout état

de cause l’Éducation nationale et sa mission de formation initiale sont très directement interpellées.

C’est la raison pour laquelle le SNES, en décembre, avait proposé un « Grenelle des établissements

difficiles » que votre ministère aurait pu organiser à tous les niveaux avec l’objectif qui nous semblait

décisif d’y associer tous les acteurs du terrain en commençant par les jeunes eux-mêmes. Bien loin de

s’engager dans une phase d’écoute et de dialogue comme nous le proposions, le gouvernement a choisi,

avec la loi sur l’égalité des chances, le passage en force avec au plan général le CPE et, en ce qui

concerne le ministère de l’Éducation nationale, l’apprentissage junior et la réforme des ZEP. La méthode

autoritaire, le refus d’une véritable discussion avec les principaux intéressés et même de tout dialogue

social viennent de montrer toutes leurs limites.

C’est dans le même esprit que nous considérons avec la FSU que la sortie de la crise du CPE devrait être l’occasion

d’organiser des États Généraux pour l’avenir de la jeunesse, ce qui permettrait que s’engage un véritable débat de fond

avec toutes les parties concernées. C’est en effet le moment où jamais de revenir sur la place que notre société

entend donner à sa jeunesse et sur des questions aussi décisives que le rôle de l’investissement éducatif,

les moyens de lutter efficacement contre l’échec scolaire, la nécessité d’élever et enrichir les qualifications

pour une meilleure efficacité économique et sociale, l’articulation entre la construction des qualifications

dans le système éducatif et leur reconnaissance dans le système productif. Nous souhaitons que cette

proposition soit, cette fois, entendue par les pouvoirs publics.

Pour ce qui concerne le domaine propre à l’Éducation nationale, nous tenons à attirer votre attention, une

fois de plus, sur la situation de tension extrême dans laquelle elle se trouve, du fait à la fois de la mise en

œuvre de réformes contestées (loi Fillon, remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, ZEP,

etc.) et d’un contexte budgétaire qui pèse de façon de plus en plus rigoureuse sur l’avenir à court terme

(rentrée 2006) et à moyen terme (nombre de postes mis aux concours). Il ne vous aura pas échappé, en

particulier, que la loi sur l’égalité des chances a été, au-delà du CPE, au centre des critiques formulées

par les jeunes étudiants et lycéens, notamment en ce qui concerne l’apprentissage junior.

Par ailleurs, alors que vous vous targuiez à votre arrivée au ministère, il y a moins d’un an, d’être un

chaud partisan du dialogue social, ce dialogue s’est très vite réduit jusqu’à atteindre ces derniers mois le

niveau zéro. L’absence totale, pour la première fois, de toute concertation avant la publication de la

circulaire de rentrée en est la dernière illustration.

Il serait préjudiciable que vous ne teniez pas compte du message qui vient d’être lancé au gouvernement et que

vous laissiez perdurer une telle situation durant toute la période qui nous sépare encore des échéances de 2007.

Nous vous rappelons l’opposition qu’a suscitée la loi Fillon auprès des jeunes comme de la profession et

le choix du ministère de passer outre à l’avis du Conseil supérieur de l’Éducation. Nous maintenons notre

demande d’abrogation de la loi et tout particulièrement de certaines des mesures qui la caractérisent

comme le socle commun ou le conseil pédagogique.

Nous souhaitons en même temps que s’ouvrent sans tarder des discussions qui pourraient notamment

porter, en ce qui concerne notre secteur de responsabilité du second degré, sur :

•Les conditions de la rentrée 2006

•La politique de l’Éducation prioritaire

•La résorption de la précarité

•Les recrutements

•Les langues vivantes

•Les Enseignements technologiques

•Les contentieux concernant les carrières (hors-classe et mutations notamment)

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre respectueuse considération.

APRÈS LE RETRAIT DU CPE,LE SNES S’ADRESSE AU MINISTREDE L’ÉDUCATION NATIONALE

C’est dans le même esprit que nous considérons avec la FSU que la sortie de la crise

du CPE devrait être l’occasion d’organiser des États Généraux pour l’avenir

de la jeunesse, ce qui permettrait que s’engage un véritable débat de fond avec toutes

les parties cernées.

Page 13: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

ACTUALITESDÉBATTRE DES MODALITÉS D’ACTION

CONSEIL PÉDAGOGIQUE

Le SNES est opposé au conseilpédagogique tel que prévudans le cadre de la loi Fillon.

Notre opposition repose sur troispoints essentiels. En premier lieu,la présidence de ce conseil a étéattribuée au chef d’établissement.Ce choix est inacceptable auregard des missions pédagogiquesde ce conseil (concertation entreles enseignants par exemple). Celavise, en fait, à élargir le champd’intervention pédagogique deschefs d’établissements.En second lieu, la désignationdes membres de ce conseil : pasd’élection mais une désignationindirecte (professeurs princi-

paux) ou directe par le chefd’établissement.En troisième lieu les compétencesde ce conseil (favoriser la concer-tation entre professeurs, coordon-ner les enseignements, la notation,l’évaluation des activités pédago-gique, préparer la partie pédago-gique du projet d’établissement...)peuvent faire craindre pour l’ave-nir de la liberté pédagogique indi-viduelle des enseignants, bien quecette dernière soit reconnue dans laloi. Par ailleurs on peut craindrequ’un tel conseil joue le rôle d’unehiérarchie intermédiaire avec lesconséquences que cela peut avoirsur la carrière des enseignants.

Le risque d’une hiérarchie

intermédiaireModifier l’évaluation des enseignantsest au cœur des réflexions du minis-tère de l’Éducation et du ministère dela fonction publique. La tâche n’estpas facile puisque les enseignantsexercent leur activité en dehors dela présence de leurs supérieurs hié-rarchiques (chef d’établissement etinspecteurs) et que l’évaluation deleur « production » individuelle estpour le moins compliquée !La constitution d’une hiérarchiepédagogique intermédiaire dansl’établissement via le conseil péda-gogique est, dans ce contexte, unrisque réel. Il peut en effet remplirprogressivement la fonction decontrôle voire d’évaluation despratiques pédagogiques des ensei-gnants. En refusant que lesmembres de ce conseil soient éluspar leurs pairs, le ministère et leprincipal syndicat de chefs d’éta-blissements, ne font que renfor-cer cette inquiétude et laissentainsi la porte ouverte aux piresinterprétations concernant lesréelles intentions qui se cachentderrière la création du conseilpédagogique. Il y a derrière toutcela l’illusion que c’est en renfor-çant les hiérarchies et en les mul-tipliant qu’on améliorera l’efficacitédu système éducatif. Cette concep-tion est héritée d’un autre temps.

Rôle des chefs d’établissementDepuis plusieurs années nous sommes face à une offensive visantà donner aux chefs d’établissement un pouvoir renforcé en matièrepédagogique : tentative de remplacer la notation en deux partiesdes enseignants1 par une notation globale sur 100 attribuée par le chefd’établissement en concertation avec l’IPR, renforcement du poidsdu chef d’établissement pour les promotions à la hors-classe, etc.La création du conseil pédagogique va dans le même sens, dès lorsqu’est donnée la possibilité au chef d’établissement d’en contrôlerla composition et d’en assurer la présidence. C’est alors toute l’activité pédagogique qui serait ainsi contrôlée etpilotée par le chef d’établissement au mépris même de la libertépédagogique individuelle des enseignants pourtant reconnue par la loi2.Le SNPDEN (syndicat des chefs d’établissement de l’UNSA) ne s’y estpas trompé en utilisant toute son influence pour obtenir la mise enplace du conseil pédagogique.Le refus du SNES d’une telle évolution n’est pas le refus d’un contrôlede l’activité pédagogique des enseignants. Mais nous pensons qu’il fautdonner plus de poids à l’évaluation collective et que cette évaluationdoit être assurée par des personnels ayant des compétencespédagogiques en liaison avec le contenu de la discipline enseignée.Les chefs d’établissement ne répondent pas à cette dernière exigence.On ne peut pas prétendre évaluer les qualités pédagogiques d’unenseignant sans maîtriser le contenu disciplinaire de sonenseignement. Cette ambition des chefs d’établissements d’être« les premiers pédagogues de l’établissement » est d’autant moinsraisonnable que depuis 2001 le vivier de recrutement des chefsd’établissement a été considérablement élargi3. Ainsi aujourd’huiun chef d’établissement sur cinq est recruté en dehors du viviertraditionnel du second degré. On y trouve des professeurs des écoles,des cadres de la fonction publique, y compris extérieurs à l’Éducationnationale. Renforcer, dans ces conditions, le rôle pédagogique deschefs d’établissement apparaît comme un non-sens intellectuel.C’est pourtant ce qui est tenté avec la volonté de mettre en placede ce conseil pédagogique.

1. La notation des professeurs est aujourd’hui composée d’une note sur 40 attribuée parle chef d’établissement et d’une note sur 60 attribuée par l’inspection pédagogique.2. Le SNPDEN est d’ailleurs intervenu pour empêcher que cette disposition figure dans la loi.3. Jusqu’en 2001, les chefs d’établissements étaient recrutés exclusivement parmi lesenseignants, les CPE et les CO-Psy.

Sans concertation, le ministre a décidé d’imposer l’installation du conseil pédagogique dans chaque établissementpour la rentrée 2006. Sur la base de la loi Fillon, il publie dans la circulaire de rentrée les « consignes » pour mettreen place ce conseil (voir L’US n° 635). Le SNES appelle les personnels à se réunir dans les établissements pourdébattre des propositions visant à mettre en échec l’installation d’un tel conseil.

Faites-nous remonter les expéri-mentations en cours dans votreétablissement avec vos analyses :

[email protected]

Le ministère a choisi d’ordonner samise en place en faisant figurercette mesure dans la circulaire pré-parant la rentrée 2006 sans aucundialogue. Et le ministère ajoute laconfusion à une mesure inaccep-table. En effet chaque établisse-ment devra déterminer l’organi-sation de ce conseil, en particuliersa composition. Qui dans l’éta-blissement tranchera ? Le chefd’établissement qui aurait ainsiencore plus de pouvoir? Le conseild’administration qui est composéde parents d’élèves, d’élèves etd’élus qui ne peuvent êtremembres du conseil pédagogique?Tout cela, au-delà du malaise quecela crée, peut être la porte ouverteaux pires manœuvres.On ne peut pas croire que ce conseilpédagogique soit fait pour amélio-rer l’activité pédagogique dans lesétablissements. Au lieu de donnerles moyens aux équipes éducativesde construire de manière collégialeleurs activités pédagogiques, parexemple en améliorant les qualifi-cations, en misant sur la formationcontinue, en dégageant du tempsdans le service des enseignants pourpermettre le travail en commun, leministère choisit de nous mettresous une tutelle supplémentaire.Cela ne peut qu’introduire des divi-sions voire des rivalités au sein deséquipes éducatives.On notera que la mise en place de« super-profs » choisis par leschefs d’établissement dans lescollèges « ambition réussite »relève de la même logique.On peut se demander si, à terme,il ne s’agit pas dans tout cela defaire des enseignants de simplesexécutants et non des concep-teurs comme en témoigne pour-tant leur appartenance à la caté-gorie A de la fonction publique.Une telle évolution serait legerme de la remise en cause de laqualification de notre métier quiest pourtant un élément essentield’efficacité du système éducatif.Nous appelons donc les per-sonnels à se réunir et à déci-der des modalités visant àempêcher la mise en place

14 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

d’un tel conseil, là où leschefs d’établissements ten-teront de l’imposer. Le prochain conseil national duSNES, en tenant compte de vosinitiatives, décidera de modali-tés d’action au cas où cettemesure ne serait pas retirée. ■

Daniel [email protected]

Page 14: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 15

La circulaire ZEP (BO n° 14 du 6 avril) confirme que la soi-disant « relance »bouleverse profondément laphilosophie, les modalités etles objectifs de la politiqued’éducation prioritaire.

Le collège devient le centre decette nouvelle organisation etforme avec les écoles élé-

mentaires et maternelles d’où pro-viennent les élèves un réseau où iln’est quasiment plus question deslycées. Chaque réseau est pilotélocalement par un comité exécutifcomposé du chef d’établissement,de son adjoint, des directeurs desécoles rattachées et éventuelle-ment de l’IEN de la circonscrip-tion. Il « prépare, harmonise,régule les mesures destinées à fairevivre le réseau et rend compte deson activité au Conseil d’admi-nistration, aux conseils d’école etaux autorités académiques. »Le ministère s’affranchit du conseild’administration où siègent lesreprésentants élus des personnels,au profit du comité exécutif quiconclut le contrat avec les autori-tés académiques. Or, c’est dans lecadre de cette contractualisationque peuvent être proposées desexpérimentations : organisation dela journée et de la semaine sco-laire ; passerelles entre le 1er et le2nd degré ; élaboration et mise en

œuvre d’un livret de compé-tences par les corps d’inspectionqui, en outre, « apporteront leurexpertise à la mise en place degroupes de compétences ».On reconnaît la logique de la loiFillon qui, dans le rapportannexé, « lie l’obtention du sta-

tut de zone d’éducation priori-taire à un contrat d’objectifs, etpermet des mesures dérogatoiresdans les établissements très dif-ficiles. » La contractualisationfait non seulement courir lerisque d’une mise en concurrencedangereuse des établissements

et d’une disjonction entre dota-tion et besoins réels, mais appa-raît aussi comme un instrumentde la déréglementation – pourtoute l’éducation prioritaire avecl’extension de ce fonctionnementdès la rentrée 2007. ■

Bruno Mer

UNE NOUVELLE ARCHITECTURECIRCULAIRE ZEP

EP1 - QUEL PROFILPOUR LES “SUPERS PROFESSEURS” ?

Les comités exécutifs ont été installés dans les 249EP1 bien avant la publication de la circulaire.Dès le mois de février, ils ont dû élaborer le pro-

jet de réseau à partir duquel ils devaient définir lesprofils des 1000 enseignants redéployés.Les candidatures seront examinées dans le cadredu mouvement spécifique académique. Un entretienpourra être prévu avec un membre du comité exécutifou l’inspecteur chargé de l’inspection prioritaire.Ceux qui seront retenus, qu’ils soient du 1er ou du 2nd

degré, seront recrutés hors barème et affectés aucollège par l’IA.La circulaire indique que le service des enseignantssupplémentaires « ne pourra pas comporter un ser-vice d’enseignement supérieur à un mi-temps devantdes classes constituées » Or, les profils ont été éla-borés dans l’urgence et sans texte de cadrage. Sibien que, si l’on retrouve le plus souvent dans les pro-fils dont nous disposons aujourd’hui les priorités duMinistère (PPRE, socle commun, liaison inter-degréet services partagés écoles/collège, intervention deprofesseurs des écoles en Sixième, formation desenseignants, etc.), presque aucun ne prévoit un ser-vice devant des classes.Les missions sont souvent multiples, lourdes et

hétérogènes. À Nancy-Metz, un profil énumère desactions devant élèves, de formation et « d’ingénie-rie de l’enseignement » (élaboration d’outils, d’em-ploi du temps, de la coordination administrative,etc.). À Orléans-Tours, plusieurs profils demandentde participer à l’opération École ouverte. En Gua-deloupe, l’enseignant supplémentaire devra « saisir »les progressions sur les 4 niveaux du collège! Trèssouvent, l’enseignant supplémentaire aura à coor-donner les assistants-pédagogiques.Les compétences attendues, outre celles qui peuventêtre attestées aisément (en FLE par exemple), sontsouvent étonnantes. À Nancy-Metz, un collèguedevra avoir « capacité d’initiative » et « capacité àrendre compte aux deux référents » (sic), être « dis-ponible et dynamique »; d’autres devront avoir « laconviction profonde de l’intérêt des apprentissagesscolaires dans la réussite du projet de l’enfant ».Le recrutement des enseignants supplémentairessemble donc privilégier des critères subjectifs. On nepeut se satisfaire des risques d’arbitraire que celacomporte. D’autant plus que, malgré les précau-tions oratoires de la circulaire, ils risquent fort d’êtretrès vite assimilés à un échelon hiérarchique inter-médiaire. ■

Les comités exécutifs

Installés avant le 1er mai 2006 d’ici la rentrée 2007

Pilotent Réseaux « Ambition Réussite » (EP1) Réseaux de « Réussite Scolaire » (autres ZEP)

Établissent Contrat Ambition Réussite Contrat d’Objectifs Scolaires

PR

IOR

ITA

IRE

EDU

CA

TIO

N

ZON

E

Les trois niveauxde la réformeEP1 : 249 collèges « ambitionréussite » et les écoles de leursecteur concentrant difficultéssociales et scolaires. Mais lescritères utilisés en ont écartébeaucoup qui concentrentpourtant les mêmes difficultés.

EP2 : Zone urbaine mais moinssensible, qui comporte plus demixité sociale : lesétablissements continueraientde recevoir les moyens actuels.Mais beaucoup voient leur DHGbaisser pour la rentrée 2006.

EP3 : ZEP/REP qui ont vocationà sortir en trois ans dudispositif de l’éducationprioritaire.La liste des EP2 et EP3 ne seraconnue qu’après la rentrée.

©D

R/V

icto

r B

urns

ide

Page 15: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

16 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

ECO/SOCIAL

ANGLETERRE

Welcome dans les “trust schools“

EMPLOI PUBLIC

La politique gouvernementale minoritaire

l’éducation en Angleterre, au tra-vers de méthodes pédagogiques,de sessions de formation, de ges-tions d’établissement, et mêmede critères d’évaluation desmaîtres, mais la loi franchit unnouveau cap : « nous entendonsmettre les employeurs au poste decommandement afin qu’ils jouentun rôle clé dans la fixation desfilières d’enseignement et dans

la définition détaillée du contenudes diplômes », le mot d’ordre estclair. Pour répondre aux parentsqui fuient l’école publique, TonyBlair choisit de s’inspirer dufonctionnement des écoles pri-vées anglaises, notamment chré-tiennes, au lieu de promouvoirune école publique de bon niveau,financée par l’argent public etrespectant les valeurs du service

public... Les écoles publiquesseront financées par des capitauxprivés et dotées d’une plus grandeautonomie. Elles pourront éga-lement recruter librement leursenseignants, ce qui risque d’ou-vrir la porte à des discriminationsd’ordre politique, ethniques, reli-gieux, etc.Il est assez facile d’imaginer lesdérives qui peuvent en découler :publicité pour les sponsors, courseà l’efficacité économique, sélec-tion des élèves, mainmise des ins-titutions religieuses sur l’école,modification des contenus sco-laires... mais aussi concurrenceentre les établissements, pour« augmenter le niveau » : c’estl’émulation « social-blairiste » !Ces écoles porteront un nouveaunom : les trust schools... tout unprogramme ! ■

Élizabeth Labaye

Le projet de loi de Tony Blairde réforme de l’éducation, aété voté le 15 mars avec le

soutien de l’opposition conserva-trice, 52 députés travaillistes(1 sur 4) ont voté contre, bien quele New Labour ait affirmé que leprojet avait pour but d’améliorerl’école publique, et qu’il bénéfi-cierait aux plus modestes...Ce projet autorise les écolespubliques qui le souhaitent às’émanciper de tout contrôle desautorités locales et à être géréespar une entreprise, une fondation,sous la direction d’un « mécène »,parrain privé : association, groupereligieux, entreprise, universitéou groupe de parents. L’Égliseanglicane, un milliardaire musul-man ou Microsoft se sont déjàdéclarés intéressés.Il s’agit donc de faire sponsoriserl’École ; certes, les sociétés pri-vées sont déjà très investies dans

sur l’évolution de la fonctionpublique depuis 10 ans, 48 %jugeant qu’elle n’a pas évolué,26 % qu’elle a évolué de façonnégative, 23 % de façon positive.Elle est globalement jugée plusmoderne (56 %), et sur son effi-cacité et l’écoute des adminis-trés, une minorité ressent unerégression (23 % pour chaqueitem).La mise en place d’une politique

Les personnes interrogées parl’IPSOS pour le compte deLa gazette des communes et

du Monde(1) ne sont que 45 % àconsidérer qu’il n’y a lieu de neremplacer qu’un départ en retraitesur deux, contre 51 % qui sedéclarent opposées à cette orien-tation essentielle de la politiquegouvernementale. Les réponsesrécusent explicitement l’idée qu’ily aurait « trop de fonctionnaires ».Et si l’on dégageait des écono-mies par le non-remplacementde tous les départs, c’est plussouvent le financement de l’ac-tion publique que la réductionde la dette qui est retenu : 40 %pour augmenter les budgets desactions prioritaires ; 16 % pourmieux rémunérer les fonction-naires, 43 % pour la diminutionde la dette publique.Ceux qui soutiennent le plus net-tement l’emploi public sont lesplus jeunes, les employés et ceuxqui vivent dans un foyer aux plusfaibles revenus. Le partage se fait

de discrimination positive enfaveur des femmes, des habitantsdes quartiers défavorisés et desFrançais d’origine étrangère,recueille un assentiment nette-ment majoritaire (60 % contre35 %), et si le concours pour« préserver l’égalité des chances »est majoritaire dans un sondageconcomitant effectué par CSA(2)

(62 %), l’idée d’autres formes àcôté du concours fait son che-

min : 29 % en faveur de « la vali-dation d’expérience pour diver-sifier » les recrutements (CSA)ou 27 % parmi quatre items pourrendre la fonction publique plusattractive (IPSOS).Les réponses des fonctionnairesse distinguent peu des réponsesde l’ensemble des sondés. Ils sonttoutefois en proportion plus nom-breux à vouloir le remplacementdes départs en retraite, ou quel’argent économisé revienne auxsalaires (28 %) ou aux actionsprioritaires (48 %). Ils encoura-geraient encore plus fortementleurs enfants à devenir fonction-naires (90 % contre 82 % enmoyenne) et referaient ce choixde travailler dans le secteur publicà 83 %. ■

Anne Féray

4054

66

26

2

96

trop

Avez-vous le sentiment qu’il y a aujourd'hui en France trop, pas assez ou ce qu’il faut de fonctionnaires ?

pas assezou ce qu’il

faut

pas assezou ce qu’il

faut

pas assezou ce qu’il

faut

trop trop

FPE FPT FPH

(1) Voir le site de « la gazette des com-munes ».(2) Sondage CAS effectué pur« Acteurs Publics », site CSA.

©D

R/M

iche

lle J

unio

r

Page 16: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 17

SANTÉ AU TRAVAIL. La nouvelle enquête menée sous l’égide du ministèrechargé du Travail dresse une cartographie des expositions des salariés auxprincipaux risques professionnels en France.

Malheur aux “Zolas” !

Enquêtei

Accidents du travailet maladiesprofessionnellesen 2004 dans l’ÉducationnationaleL’enquête pour l’année 2004 effec-tuée par le ministère de l’Éducationnationale, pour l’enseignement sco-laire fait état de 18 828 accidents(pour des effectifs globaux de 927 589agents) recensés, dont 3 178 sur letrajet. Les accidents se produisentle plus fréquemment en janvier etseptembre (et surtout les mardis, lundis, jeudis, dans cet ordre).Il est à noter que les accidents dutravail des personnels enseignantstouchent plus de deux fois plus lesfemmes (4 373) que les hommes(2 026) et ce quel que soit l’âge desurvenue de l’accident, et celaconcerne aussi les accidents de tra-jet. Ces données sont de même ordrepour les autres postes de travail. Est-ce lié à une plus grande fatigue géné-rale des femmes ?La nature des lésions est d’abordmusculaire ou ligamenteuse, puisdes contusions et écrasements.La première cause d’accident est lachute de personnes, suivie de lamanutention, puis des accidents de laroute ; les agressions viennent enavant-dernière position.En ce qui concerne les maladies pro-fessionnelles déclarées en 2004, leministère en compte 230 dont 195 sontdes affections pré-articulaires provo-quées par certains gestes ou postes detravail, 8 dossiers ont concerné l’in-halation de poussières d’amiante.

Sondagei

Les Français contre l’économiede marché !Selon une enquête réalisée dans20 pays par un institut de sondagesaméricains pour l’université du Mary-land, les Français sont seulement 36 %à se dire d’accord avec la propositionsuivante « le système de la libre entre-prise et de l’économie de marché est-il le meilleur pour l’avenir » ? 50 % sedéclarant en désaccord. Seuls contre tous, semble-t-il ! Ainsides Chinois (74 % !) et Philippins(73 %) aux Allemands et Canadiens(65 %), Italiens et aux Kenyans (59 %)en passant par les Coréens et lesIndiens (70 %), le libéralisme semblesatisfaire les plus riches comme lesplus pauvres !faute d’alternativespeut-être ? L’altermondialisme a entout cas du pain sur la planche !

L’enquête Sumer (Surveil-lance médicale des risques)2003, qui porte sur divers

risques et a été menée auprès de50 000 salariés interrogés pardes médecins du travail, révèleque les longues journées detravail ont diminué depuis l’en-quête précédente réalisée il y a9 ans; la réduction du temps detravail a également fait reculerles semaines longues (+ de 40heures de travail), sauf pour lescadres et les professions intel-lectuelles supérieures.Mais en ce qui concerne lesrisques physiques, l’améliora-tion est faible, voire quasi-nullepour certaines catégories. Laproportion de salariés cumulanttrois types de contraintesphysiques (station debout,charges lourdes, gestes répéti-tifs) a progressé de 6,1 % à6,8 % depuis 1994, et 90 % deces salariés sont ouvriers ouemployés. Près d’un salarié surtrois (32 %), soit 5,3 millions,est exposé à des situations fati-gantes (plus de 20 heures parsemaine de piétinements etfréquents déplacements à pied,de position debout prolongée,de gestes répétitifs à cadenceélevée). C’est le cas d’un peuplus d’un tiers des hommes etde plus d’un quart des femmes.

Ouvriers et employés les plus touchésSi les salariés de production sontparticulièrement touchés(57,4 %), suivis par les salariésde la construction (46 %) et ceuxde l’agriculture (41 %), les sala-riés du tertiaire ne sont pas épar-gnés, car plus que le secteur,c’est l’emploi exercé qui déter-mine la contrainte. L’enquête relève l’augmentationdes « contraintes organisation-nelles », (rythme imposé,contrôles, dépendance vis-à-visdes autres...), générant le stressprofessionnel. Cette pression sedéveloppe particulièrement chezles ouvriers, les salariés jusque-là peu touchés. Elle va de pairavec une augmentation de l’au-

tonomie, dans la gestion desdélais comme dans la capacité àrégler seul les incidents surve-nant au cours du travail. Danstous les secteurs, « le sentimentde travailler dans l’urgence sedéveloppe. Les salariés sont plussouvent amenés à interrompreune tâche pour en mener à bienune autre ».

Baissez le volume!L’exposition à des risques phy-siques a augmenté, particulière-ment pour les catégories de sala-riés déjà exposées. Le bruit (+ de85 décibels) touche désormaisplus de 3 millions de salariés.Des contraintes nouvelles appa-raissent ou se développent,comme le travail quotidien surécran.Sept millions de personnes(+ 3 %) sont exposées à des pro-duits chimiques. En 2003,2 370 000 salariés, surtout desouvriers, étaient exposés à desproduits cancérogènes.L’enquête montre cependant queles protections collectives se sontaméliorées, mais plus du tiersdes salariés exposés n’en béné-ficie toujours pas.Contrairement à ce qui se ditcouramment « le stress concerneles cadres, la pénibilité physiqueconcerne les ouvriers », l’en-quête montre que ce sont lesmêmes qui cumulent fréquem-ment les deux. Le modèle utilisé

dans l’enquête a croisé lademande psychologique pesantsur le salarié, la latitude dont ildispose pour y répondre et lesoutien social (la « solidarité »des collègues). Pour DominiqueWaltisperger, de la DARES,« Une forte demande psycholo-gique alliée à une faible latitudecrée une situation de “jobstrain”, c’est-à-dire de stressprofessionnel maximum, avecrisque d’accident cardio-vascu-laire, de troubles musculo-sque-lettiques et de dépression. » Les« Zolas » (comme les ontbaptisés les statisticiens), quitravaillent surtout dans les indus-tries agroalimentaires, l’auto-mobile et les biens intermé-diaires, et parmi lesquelscompte trois fois plus d’intéri-maires que dans l’ensemble dessalariés, sont les plus touchés.Les catégories tertiaires, notam-ment supérieures, seraient moinsexposées au « job strain » (seu-lement 14 % d’entre eux) car ilsbénéficient d’une plus grandelatitude décisionnelle. Syndicats et patronat ont mis enchantier des discussions sur lasanté au travail, discussions dif-ficiles mais qui ont le mérited’exister. La fonction publique,après avoir réuni en 2003 desgroupes de travail sur la pénibi-lité, en est restée au constat;faute de vouloir y remédier ? ■

Élizabeth Labaye

©D

R/C

gnzn

t144

Page 17: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

ECO/SOCIALDERRIÈRE LES MOTS

Le patriotisme économiqueest-il conforme à l’intérêt général ?

DIRECTIVE BOLKESTEIN

Premier recul de la Commission

«Ce qui est bon pour GeneralMotors est bon pour lesÉtats-Unis », affirmait son

PDG, Charles Erwin Wilson, en1953. Les pouvoirs publics fran-çais poursuivent depuis des décen-nies une politique de championsnationaux, privés ou publics.Villepin lui a donné le nomvertueux de patriotisme écono-mique : venir en aide à Suez ouArcelor serait un devoir. Dans lecontexte de concurrence àl’échelle européenne et mondiale,ce soutien voyant de l’État auxgrandes entreprises françaises estpourtant mal accepté.

Tricolores ?Première question : en quoi lesentreprises aidées sont-elles fran-çaises? Les résultats financiersexceptionnels des firmes du CAC40 sont exceptionnels, mais lestaux de profits calculés à l’échellenationale sont quelconques : lesgrands groupes français font laplus grande part de leurs béné-

Le 4 avril, la Commission euro-péenne a soumis au Conseileuropéen un texte très proche

de celui qui a été approuvé par leParlement le 16 février. Le Conseildoit maintenant l’examiner avantqu’il ne revienne en deuxièmelecture devant les parlementaires.En acceptant un texte très en retraitde la version originale, la Commis-sion a dû constater que le rapportde forces avait évolué en sa défa-veur à la suite de la première mobi-lisation européenne du mouve-ment syndical et du mouvementsocial.Ce premier résultat montre qu’ilest possible d’influer sur le coursdes politiques européennes.

Zones d’ombreBeaucoup de zones d’ombresubsistent : la disparition du prin-

cipe du pays d’origine est loind’être acquise car la question desavoir quel droit s’applique auxprestataires de services étrangersest de fait remise entre les mains dela Cour de Justice Européenne.L’harmonisation des législationscède le pas devant la concurrencecomme mode de construction dudroit communautaire. Les inter-ventions des pouvoirs publics pourautoriser et réglementer les acti-vités de services ainsi que l’éta-blissement des entreprises sont trèsstrictement encadrées. Le Parle-ment a refusé d’opérer une exclu-sion générale des Services Écono-miques d’Intérêt Général et apréféré procéder par des exclusionspartielles comme celle des servicesde santés ou des services sociaux.Plus grave, le Parlement a rejeté unamendement demandant l’exclu-

sion de l’éducation et de la cul-ture (les députés UMP ont votécontre) qui restent donc soumisaux règles de la concurrence.L’éducation comme service publicnon marchand (en gros « l’ensei-gnement obligatoire ») n’est pasconcernée, mais on voit bien à tra-vers ce vote la volonté d’inscrirel’enseignement supérieur dans lechamp concurrentiel.

10 juin, journée demobilisationLe SNES va soumettre à nos par-tenaires syndicaux de l’éducationune initiative pour interpeller lesministres de l’Éducation et de laCulture et demander au gouver-nement français de peser au seindu Conseil pour l’exclusion del’éducation et de la culture. LeComité Syndical Européen

de l’Éducation, la branche éduca-tion de la CES, dont le SNES estmembre, presse ses syndicats affiliés de peser sur les gouverne-ments nationaux pour obtenir cetteexclusion. Une journée européennede mobilisation est prévue pour le10 juin, en relation en France avecla journée d’action organisée par lafédération nationale des collectifsde défense et de développementdes services publics. Enfin, uneréunion de différents réseaux demobilisation est prévue au FSEd’Athènes.Construire une mobilisation euro-péenne sur les services publics estd’autant plus important qu’un rap-port sur une directive cadre sur lesServices d’Intérêt Général doit êtreprésenté devant le Parlement euro-péen en juin prochain. ■

Daniel Rallet

fices hors de France et sont demoins en moins liés au territoirefrançais. Leur capital est détenu àplus de 40 % par des actionnairesétrangers, souvent représentés auconseil d’administration. Alorsque l’emploi a globalement pro-gressé en France depuis dix ans,les entreprises du CAC 40 (les40 premières par la capitalisationboursière) ont réduit leurs effec-tifs en France. Ces grands groupessont assez peu liés à l’économiefrançaise. Le président de laRépublique s’inquiète de ce quel’Indien Mittal Steel « attaque » leFrançais Arcelor, mais cette entre-prise est de droit luxembourgeoiset résulte d’une fusion tri-natio-nale, tandis que Mittal est pré-sent dans de nombreux pays…mais pas en Inde, d’où est origi-naire la famille propriétaire del’entreprise.

Faites comme je dis...Seconde question : est-ilconforme à l’intérêt général

d’aider les grandes entreprises àgrandir ou à se protéger contreun éventuel rachat par un concur-rent ? La compétition économiquene ressemble pas aux jeux Olym-piques. Comptent la qualité desemplois, l’efficacité du travaildans les entreprises et non le clas-sement par taille des géants indus-triels ou financiers. Un rachat peutparfois entraîner des fermeturesd’usines, mais il peut dansd’autres cas aider des unités deproduction à se maintenir ou à sedévelopper. Ces opérations s’étu-dient au cas par cas et non enfonction d’une doctrine générale.Reste le cas des entreprises deservice public confrontées à l’ou-verture de secteurs comme l’élec-tricité ou les services postaux à laconcurrence. Le refus de laFrance d’ouvrir son marché del’électricité à la concurrenceétrangère serait mieux fondé siles pouvoirs publics n’avaientdonné leur bénédiction à EDFpour s’implanter à l’étranger, pour

des raisons discutables : c’estpeut-être l’intérêt de l’entreprise,sûrement celui de ses dirigeants,mais en quoi le consommateurfrançais est-il mieux servi du faitque EDF est bien placée sur lesmarchés anglais, italien ou alle-mand ? Quant à la constitution, aunom du patriotisme économique,d’un groupe Suez – GDF, elle apour principal effet de créer unconcurrent de poids… pour EDF.

EnjeuxBeaucoup d’économistes consi-dèrent que la politique industrielledevrait viser à attirer les emploiset les activités sur le territoirefrançais et cesser de se focalisersur la nationalité apparente desentreprises. La proximité entreles politiques et les dirigeants degrandes entreprises expliquedavantage l’intervention conti-nuelle de l’État dans les jeux depouvoir entre grands groupes quel’intérêt national. ■

Arnaud Parienty

Page 18: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 19

Dossier réalisé par Élizabeth Labaye avec la participation de Anne Féray, Arnaud Parienty, Daniel Rallet ; coordination Alexis Chabot.

©D

R/S

andy

Jon

es

La bataille contre le CPE a mis en évidence l’inquiétude, nonseulement chez les jeunes, mais aussi dans l’ensembledes générations ; inquiétude liée au sentiment partagéde dégradation des protections du salarié, dans un contextede mondialisation et de libéralisation qui fait peur. La

question de l’emploi et des politiques menées est donc décisive ;c’est d’abord une question sociale, avec une précarité qui se développe,et qui fait craindre à une majorité de Français, selon Stéphane Rozès(1),de « devenir eux-mêmes des exclus ».La croissance est évidemment une des clés de l’amélioration, lafaiblesse des salaires, le nombre croissant de travailleurs pauvrespèsent aujourd’hui lourdement. Pour autant, une croissance retrouvéesera-t-elle suffisante pour aller au-delà d’une simple embellie, résorberdurablement le chômage, celui des jeunes et des moins jeunes, etnotamment des seniors ? Le droit du travail en France serait-il troprigide et freinerait-il les embauches ? Faudrait-il donc déréglementeret « flexibiliser » ? Certains nous répètent qu’outre-Manche, le tauxde chômage est bien plus bas qu’en France, et qu’une moindre

inquiétude affecte les salariés anglais menacés de licenciement, carassurés de retrouver un emploi ; mais quelle qualité de l’emploi ?Dominique Méda et Alain Lefebvre dans leur livre Faut-il brûler lemodèle français?(2), lorgnent quant à eux avec intérêt vers le « modèlenordique » qui a su, selon les auteurs, adapter l’emploi à notre temps :flexibilité certes, mais avec de solides garanties, liées à desprélèvements obligatoires élevés. Les syndicats français refusent dese laisser cantonner au simple refus, à l ’ impuissance oul’accompagnement ; ils travaillent des pistes qui prennent en compteles réalités d’aujourd’hui : « flex-sécurité », parcours individuelssécurisés, sécurité professionnelle… La FSU revendique une politiqueéconomique et sociale plus redistributive, qui redonne confiance, uninvestissement dans les services publics qui permette notammentd’assurer une solide formation initiale à l’ensemble des jeunes.

(1) Directeur de CSA-opinion.(2) Seuil, 2006.

DOSSIERAprès la crise du CPE

Quelles politiques pour l’emploi ?

©D

R/A

dam

Wal

icze

k

©D

R/A

dam

Wal

icze

k

©D

R/S

haro

n D

omin

ick

©D

R/A

less

andr

o T

erni

Page 19: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Après la crise du CPE

20 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

DOSS

IER Flexibilité

Gros mot ou nécessité ?Le conflit sur le CPE est

l’occasion d’un débat national

de grande ampleur sur la

précarité et la flexibilité. Celle-ci

est l’expression d’un rapport de

forces favorable aux patrons

pour les uns, un mal nécessaire

pour d’autres.

Selon la plupart des indicateurs, le mar-ché du travail est relativement plus ri-gide en France que dans les autres pays

développés, même si cette rigidité s’est ré-duite. Depuis des années, l’Organisation decoopération et de développement économique(OCDE) insiste sur l’intérêt que la Franceaurait à plus de flexibilité du marché du tra-vail, mais sans jamais avoir apporté depreuves concluantes à l’appui de cette re-commandation. Qu’en est-il réellement ?

Mythes et réalités du marché du travailL’âge d’or des contrats de travail stables etsûrs est un moment historique fugace : denombreux ouvriers ne sont toujours pas men-sualisés à la fin des années 50 et il faut at-tendre la fin des années 70 pour que les pro-tections actuellement attachées aux CDI(Contrat à durée indéterminée) soient en pla-ce. En 1975, 91 % des salariés sont en CDI.C’est beaucoup mais… à peine plus qu’au-jourd’hui (87 % en 2005). Les trois-quarts desrecrutements se font cependant aujourd’huiavec des statuts précaires. Les jeunes sontbeaucoup plus concernés par cette précarité,les deux-tiers des 15-29 ans seulement étanten CDI.

de la production et des échanges. Chaque an-née, plus de quatre millions d’emplois sontcréés ou détruits en France sur un total de25 millions. Des entreprises, voire des secteursentiers disparaissent, comme la sidérurgie oule textile, d’autres utilisent de moins en moinsde travail, comme l’automobile. Dans le même temps, les services informatiques, lasanté ou les services à la personne recrutent.La flexibilité de l’emploi, c’est-à-dire la pos-sibilité d’ajuster sans délais ni coûts excessifsl’emploi ou les salaires à l’activité, est doncutile, car elle permet aux entreprises de mieuxprofiter des opportunités de croissance quise présentent. Du point de vue des salariésaussi, une certaine mobilité est souhaitée,pour mieux valoriser ses compétences, serapprocher de sa région d’origine ou simple-ment changer d’environnement de travail.Il existe donc des arguments en faveur de lastabilité comme de la flexibilité. Les posi-tions dépendent ensuite de l’appréciation por-tée par les uns et les autres sur la situation. Leskeynésiens estiment que l’essentiel est derestaurer les conditions macroéconomiques dela croissance (taux de change et taux d’inté-rêt modérés, politique budgétaire adaptée),ainsi qu’un climat de confiance incitant les en-trepreneurs à investir et les ménages àconsommer. Dans cette perspective, la stabi-lité est souhaitable car elle donne confiance.Les libéraux, de leur côté, tiennent la flexi-bilité pour une donnée aussi « naturelle »que l’économie de marché elle-même, et estiment que toute entrave à cette flexibilité fa-vorise le chômage. Certes, leur point de vuea été détruit par Keynes au moment de la cri-se de 1929. Mais le contexte a changé depuis.L’argumentation keynésienne consistait à dire qu’il fallait penser en même temps lesdeux faces du salaire, coût de production etsource de dépense. La flexibilité préconiséepar les libéraux réduisait forcément laconsommation. Mais, dans une économiemondialisée, les centres de production sont dé-connectés des centres de consommation (cequi explique pourquoi les grands groupes« français » prospèrent alors que l’économiefrançaise se porte mal). Dans cette configu-ration, le salaire n’est qu’un coût du pointde vue de l’entreprise, ce qui redonne de l’ac-tualité au point de vue libéral.En réponse à cette évolution, les tenants de la« flex-sécurité » (voir L’US n°635) estimentqu’il faut concilier flexibilité et sécurité : uneflexibilité accrue permet de tenir compted’un environnement économique plus incer-tain que dans les années 60, et une sécurité del’emploi et des revenus est indispensable aubien-être de la population et à la progres-sion de la consommation. ■

Le taux de chômage des jeunes est très élevéen France: tournant depuis longtemps autourde 20 %, il est le double du taux de chômagede l’ensemble de la population active. Parailleurs, la proportion de jeunes en emploiest très faible en France, par comparaisonavec ce qu’elle est dans les pays voisins(30 %, contre 37 % en moyenne dans l’Unioneuropéenne). Certains analysent ces donnéesen supposant que les jeunes sont difficile-ment employables, faute d’expérience pro-fessionnelle ou d’une formation adaptée auxexigences des employeurs. Il faudrait doncsubventionner l’emploi des jeunes (contrats ai-dés, baisse de cotisations sociales) et propo-ser des contrats sans obligations pour l’em-ployeur tels que le CPE pour le cas où lejeune salarié ne ferait pas l’affaire.Cette analyse est peu convaincante. En effet,la durée moyenne du chômage des jeunes estde trois mois, contre dix mois pour les qua-dragénaires. Les jeunes sont donc em-ployables. Leur problème n’est pas de trouverdu travail mais de le garder. On est donc ten-té d’inverser la relation entre précarité et chô-mage: c’est parce que leurs emplois sont pré-

caires que les jeunes sont souvent au chômageet non parce qu’ils sont au chômage qu’ilfaut leur proposer des emplois précaires.

Trois visions de la flexibilitéEst-ce à dire que la flexibilité est inutile etqu’il est possible de s’en tenir au CDI pourtous? Cette solution aurait de nombreux avan-tages: le sentiment de sécurité est appréciableen soi et la stabilité des équipes favorise leurfonctionnement efficace. Mais l’économieest vivante, surtout dans une période de re-nouvellement très rapide comme celle quenous connaissons, marquée par la diffusiondes nouvelles techniques de l’information etde la communication, et par la mondialisation

Page 20: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

... et les jeunes ?

Formation - insertion - qualification« formation-emploi », une « bonne » infor-mation sur les débouchés immédiats et l’ap-prentissage.Pour le SNES, le ministère confond orienta-tion scolaire et insertion professionnelle, for-mation et préparation étroite à la vie profes-sionnelle, dans un contexte où les entrepriseselles-mêmes ne se prononcent que prudem-ment sur l’évolution des compétences atten-dues à long terme, selon les secteurs – ce quine veut pas dire qu’une réflexion ne doit pasêtre menée sur les filières universitaires etleurs débouchés. Les départs en retraite des« baby-boomers » ne seront pas remplacésposte à poste et à qualification égale, maisseront au contraire l’occasion d’évolutionsimportantes de recrutements qualifiés pourrépondre aux nouveaux besoins.Pour le SNES, loin de considérer qu’il yaurait trop de diplômés, il faut donc continuerà élever le niveau de formation et de qualifi-cation, tout en multipliant au long du sys-tème éducatif les passerelles et le « droit à l’er-reur ». pour réduire le nombre de jeunessortant de l’école sans diplôme et avec unniveau de formation générale très bas.Il faut réfléchir aux moyens d’améliorer l’in-sertion des jeunes les plus exclus de l’emploi,en sachant combien la discrimination à l’em-bauche est lourde, même pour des jeunespourvus de diplômes mais d’origine magh-rébine, ou d’un « quartier sensible ».

Et la formation « tout au longde la vie » ? S’il y a nécessité de continuer à élever leniveau de qualification de la population, laformation continue est surtout le fait des plusdiplômés. Le taux d’accès est croissant avecle niveau de diplôme: ainsi seuls 13 % deceux qui n’avaient pas de diplôme ou aumieux le certificat d’étude primaire (30 %de la population étudiée) ont eu accès à la for-mation en 2000, mais c’est le cas de 51 % desbac + 3 (9,6 % de la population étudiée). Cephénomène avait été particulièrement netchez les emplois jeunes, notamment les aideséducateurs.L’accès à la formation demeure donc trèsdifférencié suivant les catégories sociales.Plus de la moitié des cadres supérieurs y onteu accès en 2000, contre un cinquième desouvriers et un employé sur trois. Au final,l’écart s’est donc creusé entre les plus diplô-més et les moins diplômés au cours de la vieactive. ■

*Bref n°214, décembre 2005. Quand l’école estfinie… premiers pas dans la vie active de la géné-ration 2005, CEREQ.

que 1 % à être encore en recherche d’em-ploi après 3 ans. Les « services aux per-sonnes » (petite enfance, personnes âgées,dépendance) sont en expansion, mais lesemplois y sont massivement sous-qualifiés.D’où la nécessité d’élever les qualificationsdans ces secteurs, et de rendre ces emploisattractifs en terme de rémunération et de sta-tut. Certains (Régions) proposent plutôtd’étendre l’apprentissage à ces emplois, etde développer la VAE pour les salariés enposte.Pour 36 % des jeunes, le premier emploi a étéun CDI, chiffre qui atteint 76 % pour les sor-tants des écoles d’ingénieurs. Les 64 % decontrats temporaires dont 1/3 d’intérim, sontessentiellement occupés par les jeunes issusdes filières professionnelles industrielles.Les anciens apprentis sont en moyenne plussouvent en emploi que les jeunes issus de lavoie scolaire, à catégorie de spécialité etniveau égal. Mais lorsque le diplôme s’élève,l’écart diminue de 10 points au niveau V, 2 points a bac +2. Selon la spécialité, l’avan-tage est moindre pour l’hôtellerie ou le tou-risme, plus élevé dans le bâtimentSi le diplôme s’avère donc un élément impor-tant d’insertion professionnelle durable, ondoit cependant le nuancer. Ainsi, les jeunestitulaires d’un bac, mais n’ayant pas obtenu dediplôme dans l’enseignement supérieur – cequi pose le problème de l’échec en 1er cycleuniversitaire – ont vu leur taux de chômagedoubler par rapport à 1998, et ce taux estsupérieur à celui des titulaires d’un CAP /BEP.

Améliorer orientation et formationPour le gouvernement, ce sont les dysfonc-tionnements de l’orientation qui seraient res-ponsables du chômage des jeunes. Il proposepour y remédier une meilleure adéquation

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 21

Une insertion difficile sur le marché del’emploiLe chômage frappe d’abord les plus jeunes :près de 18 % des actifs* de 15 à 29 ans sontau chômage. Dans une période difficile ouchacun s’accroche à son emploi, l’entrée dansle monde du travail est un parcours d’obs-tacles, stages successifs souvent mal ou nonrémunérés, emplois précaires entrecoupés depériodes de chômages. Certes, une majoritéoccupe un contrat à durée indéterminée, maisun cinquième des jeunes actifs exerce unemploi temporaire, alors que ce n’est le casque de 8,2 % des actifs de 30 à 49 ans. Lasituation vécue par les jeunes générations estbeaucoup plus difficile que celles des plusanciennes, un phénomène massivement inéga-litaire, mais souvent masqué. La multiplica-tion des « contrats aidés », laisse penser quepour le jeune, ce passage par le petit boulot,le sas d’entrée dans le « vrai » emploi, est lavoie normale, et que pour les entreprises,engager un jeune est quasiment un sacrificequ’il faut financer.

La « galère » est–elle donc unefatalité?Une enquête du Cereq, portant sur 10 000jeunes sortis du système éducatif en 2001, amontré que cette génération était arrivée surle marché du travail dans un contexte écono-mique relativement favorable, et que leurdébut de vie active avait été plutôt positif, avecun taux de chômage inférieur de 5 points à lagénération 1998 et de 10 points à celle de1992. Dès lors que des emplois sont offerts,les jeunes s’intègrent assez vite sur le marchédu travail. Mais la dégradation de la conjonc-ture et les choix politiques mis en œuvre, ontmis fin à l’embellie. Ainsi, après 3 ans passésdans la vie active, le taux de chômage estdevenu équivalent à celui connu dès la sortiedu système éducatif.Les hommes ont vu leur situation se dégraderdavantage que celle des femmes: leur taux dechômage a doublé par rapport à la génération98, de 8 à 16 %, quand celui des femmes nes’est accru que d’un tiers (12 à 16 %) alorsque leur taux est globalement toujours plusélevé, et ce à tout âge…

Le diplôme reste une protectionSi tous les jeunes sont affectés par cette dégra-dation, selon l’enquête « la hiérarchie desdiplômes reste inchangée »: on reste protégépar son diplôme. Contrairement aux idéesreçues, les jeunes issus des 2e cycles de for-mations en lettres et sciences humaines tirentmieux leur épingle du jeu que leurs camaradesdes filières scientifiques. Quant aux diplô-més du secteur sanitaire et social, ils ne sont

Page 21: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Après la crise du CPE

22 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

DOSS

IER

Le taux d’emploi des 50-54 ans est au-jourd’hui proche de celui des généra-tions d’âge médian, il décroche de

20 points pour la tranche d’âge de 55 à 59ans, et s’effondre à partir de 60 ans (voir gra-phique et tableau ci-dessous). Le taux d’emploides plus de 60 ans a fléchi dès le début des an-nées 70, avant même le passage de la retraiteà 60 ans. Celui des plus de 55 ans a baissé bru-talement de 10 points de 1981 à 1983 ; le tauxd’emploi des hommes (celui des femmes aug-mente par un effet de génération) ne s’est jamais remis de ce décrochage des années 80,

alors qu’il remonte légèrement dans certainspays européens depuis le milieu des années 90.

Variable d’ajustementLes réformes des retraites (1993 et 2003) allon-gent la durée de cotisation pour bénéficier dutaux plein et devraient inciter à un report desdéparts en retraite. Mais ce calcul technocra-tique ignore la réalité sociale. Les seniors ser-vent de variable d’ajustement du chômage etsont poussés à la porte par les entreprises, stig-matisés au nom de la productivité. Plus de lamoitié des personnes qui partent en retraite

Les 50 - 54 ans

Emploi des seniors ou « emploi vieux »

En savoir plus• Les seniors et l’emploi en France, Conseild’analyse économique, 2005.• Les intentions de départ à la retraite des salariés du privé, DREES, mars 2006.• Troisième rapport du Conseil d’orientationdes retraites : « Perspectives 2020 et 2050 » (mars 2006).

65-69

groupe d'âge

Taux d'emploi (%)

60-64

55-59

50-54

45-49

35-44

25-34

15-24

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90Source : Calculs des auteurs, données : OCDE, Statistique de la force de travail.

Champ : Générations nées entre 1922 et 1936 ayant occupé un emploi après 49 ans.Note : (*) Dans quelques cas, la situation d’emploi avant le départ à la retraite a pu être précédéed’une période d’inactivité après 50 ans.Source ; Burricaud et Roth (2000).

Source : Calculs des auteurs, données : OCDE, Statistique de la force de travail.

Rapport du Conseil d’analyse économique

Taux d’emploi par groupe d’âge, France, 2003

Taux d’emploi France, 2003

Situation professionnelle des individus avant le départ à la retraite

15-64 15-24 25-54 50-54 55-59 60-64 55-64

Hommes-Femmes 62,7 29,8 79,3 76,2 54,2 13,2 36 ,8Hommes 68,9 33,3 86,9 84,0 60,2 14,5 4 1 , 0Femmes 56,7 26,3 71,8 68,6 48,3 12,0 32,8

Hommes Femmes

Emploi(*) 45,3 41,8Chômage 13,5 17,7

• Indemnité 12,9 16,2Préretraite 32,0 21,2Autres formes d’inactivité 9,2 19,3

• au foyer 0,3 8,4• invalidité, longue maladie 8,9 10,9

Ensemble 100,00 100,00

ne sont plus en situation d’emploi! (voir tableauci-contre).Pour « remettre les seniors au travail », on a for-tement réduit les pré-retraites sur financementpublic, mais comme le chômage est toujours là,de même que les conditions de travail qui ontusé les travailleurs, les cessations anticipéesd’activité se maintiennent, mais sous desformes dégradées : dispenses de recherched’emploi à partir de 57 ans, congés maladie,invalidité, ou mieux licenciements pour fautepersonnelle négociés entre l’employeur et lesalarié. Avec la suppression du CFA (Congé defin d’activité) et le déclin de la CPA (Cessationprogressive d’activité), on peut s’attendre aumême phénomène dans la fonction publique.Le gouvernement vante la « retraite choisie »et veut inciter, avec l’augmentation de la sur-cote, (de 3 à 5 %) à travailler après 60 ans. Maiscela ne concerne que ceux qui ont encore unemploi à cet âge (les ouvriers et les employésont deux fois moins de chances d’avoir unemploi à 59 ans qu’un cadre) et ceux qui ont untravail intéressant avec de bonnes conditions detravail. Et pour les salariés modestes, ce sera lechoix entre la baisse de la pension et le cumulemploi-retraite, c’est-à-dire des petits boulotsmisérablement payés.

Contrat dernière embaucheLors de la négociation de l’accord interpro-fessionnel sur l’emploi des seniors, nombrede fantaisies du Medef (comme le contrat demission, la remise en cause des primes d’an-cienneté) ont été repoussées par la mobilisationdes salariés ; l’accord du 13 octobre derniercrée un « Contrat Dernière Embauche », contrattemporaire spécifique pour les plus de 57 ansau chômage, introduisant une nouvelle normed’emploi précaire pour les seniors.À la tentative de placer les salariés âgés devantun dilemme infernal (une pension pauvre ou untravail pauvre), sauf pour ceux qui ont le patri-moine nécessaire, le syndicalisme doit se battrepour réduire la pénibilité du travail, assurer laformation, conditions nécessaires pour main-tenir les seniors dans l’emploi jusqu’à 60 ans.Quant à travailler au-delà, ils sont peu nom-breux à le souhaiter: 10 % selon la dernièreenquête de la DREES. ■

Page 22: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 23

Au nom de la baisse du chômage, faut-il accepter des contrats de travail plusinstables ?

La concurrence, nouvel impératif catégo-rique auquel la société doit se plier ?La loi de la concurrence généralisée n’admetaucune limite : CPE, CNE, contrat seniors,avec à l’horizon le contrat unique, et à l’étran-ger l’imagination fleurit : job calls (le salarié està la disposition de l’employeur qui fait appel

à lui selon les besoins), job-sharing (travailpartagé entre deux salariés), contrat de mission(le contrat se termine avec la mission), minijobs(petits temps partiels), « faux indépen-dants »,...sans compter le non-respect du droitdu travail, comme en France. Au bout du bout: le travailleur sans papiers, et encore au-delà: le travailleur chinois ou philippin, la réfé-rence ultime, qui peut elle-même être dépassée.À cette logique économique implacable, on nepeut opposer que la question du sens : quellesociété veut-on ?Le contrat de travail est un construit histo-rique, fruit de compromis sociaux autour derapports de forces, On constate partout en Europe la mêmevolonté politique d’affaiblir les droits collec-tifs. Mais pour l’essentiel, la construction desrapports nationaux reste nationale, ce quiveut dire que l’offensive libérale et que larésistance qui s’organise à la recherche decompromis sociaux prennent des formes dif-férentes selon les pays. Le syndicalisme estdonc interpellé à deux niveaux : sur sa capa-cité à construire des alternatives sociales auplan national et à mettre en commun au niveaueuropéen (et international) une régulationsociale plus favorable aux intérêts des salariés.L’avenir un privilège pour une minorité,« no future » pour les autres ?

Comment peut-on se construire et faire desprojets, si on vit dans le court terme, au jourle jour, dans la culture de l’aléatoire ?Dans une société d’individus qui, comme au19ème siècle, se détachent des liens tutélaires(la religion, la famille, le village), la sécuritén’existe que pour les propriétaires et les ren-tiers. Le mouvement ouvrier n’a pu seconstruire qu’en arrachant des droits collec-tifs, attachés au travail, qui ont permis aux

salariés de s’appuyer sur cette « propriétésociale » pour construire leur vie.Il est surprenant d’entendre certains critiquer lesjeunes d’aujourd’hui parce qu’ils réclamentdes droits, ce qui serait la preuve qu’ils contes-tent moins la société que la génération de 68 ! Surprenant, non seulement parce que ceuxqui font ces reproches mènent en général unevie bien tranquille, mais surtout sur le fond :quand on est dans une logique de survie, onne fait pas de projets (la révolte de novembredans les cités l’a montré), on a besoin de lasécurité pour bâtir un autre avenir.Pour construire sa vie, on a besoin aussi d’in-dépendance : le refus des dépendances a étéune caractéristique essentielle du récent mou-vement social. Refus d’être sans droits face àl’employeur, refus de dépendre d’autrui pourvivre, accéder à un crédit, à un logement,refus de l’assistance, refus de l’enfermementdans la subordination familiale.Cette révolte est très moderne, contrairementà ceux qui ne voient de salut que dans la pro-priété : actionnaires pour les salariés, pro-priétaires même pour les locataires de HLMà qui on veut vendre leurs logements. Etl’avenir des retraites bâti sur la capacité à seconstituer un patrimoine !« Stables contre exclus » ou « tousensemble » ?

Société de précarité

Quelques questions posées au syndicalisme

Le mouvement anti-CPE exprime-t-il larévolte d’une jeunesse contre des générationsinstallées ou s’agit-il du combat d’une sociétéqui veut se donner l’espoir de penser à nou-veau la question de l’avenir ? Faut-il opposerla révolte des jeunes des cités et celle de la jeu-nesse diplômée ? Les médias sont friands de la thèse selonlaquelle l’antagonisme social principal oppo-serait aujourd’hui les « travailleurs stables »aux « exclus ». La seule conclusion logiquede cette thèse est d’ailleurs de déstabilisertout le monde. Le projet du CPE était bien,pour reprendre l’expression de RobertCastel, de « déstabiliser les stables », c’est-à-dire de précariser la jeunesse diplômée, lajeunesse populaire étant de longue date déjàprécarisée, sans compter la jeunesse desbanlieues quasiment mise à l’écart du mar-ché du travail. Si nous revendiquons desdroits collectifs, c’est pour tout le monde,pour que malgré les inégalités qui existent(et qu’il faut réduire), nous pouvons direque nous sommes dans le même bateau,nous pouvons lutter ensemble et rêver d’unautre avenir. Si nous arrivons dans une situation où il y adeux mondes séparés, ce sera impossible.Il y a donc une forme de continuité dans lemonde salarial, des plus précaires jusqu’auxplus stables, et chacun a compris que s’atta-quer aux seconds est une façon d’enfoncerencore plus les premiers. Mais, se battre pour des droits collectifs neveut pas dire revenir en arrière. Les anciennesgaranties collectives ne sont plus toutes adap-tées aux mutations économiques et sociales ouaux aspirations des salariés. Il nous faut réin-venter et imposer de nouveaux droits. Par exemple, revendiquer un droit réel à la for-mation est à la fois une nécessité et un objec-tif de justice sociale en faveur des moinsdiplômés.Se battre contre l’aggravation de la précari-sation des ouvriers et des familles immigréespar la nouvelle loi Sarkozy est incontour-nable.Le mouvement a également porté une ques-tion importante : à quelles conditions le tra-vail est-il émancipateur ? Le rejet des « badjobs » est flagrant, même s’il s’exprime defaçon différente dans les « deux jeunesses ».Rejet du travail déqualifié des pères chez lesjeunes des cités, rejet chez la jeunesse quali-fiée du travail qui mange la vie et de la réqui-sition managériale faite au salarié de placer sapersonnalité et sa subjectivité au service del’entreprise. ■

Page 23: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Après la crise du CPE

24 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

DOSS

IER Lutter contre le chômage

et la précarisation,assurer de nouveaux droits

aux salariés

Pour l’économiste Michel Husson, « lechômage ne provient pas du modèlesocial, mais des règles de partage des

gains de productivité en France; auparavant,ils revenaient aux salariés, sous la formed’une réduction du temps de travail, ce quicrée de l’emploi – ou de gains salariaux; au-jourd’hui, ces gains vont aux revenus fi-nanciers. »* Il s’agit donc de construire devéritables alternatives économiques et so-ciales, qui inversent la tendance. Cepen-dant, en raison de la mondialisation, relan-

cer la demande n’est pas si simple, au moinspour la France en Europe. En même temps,la réflexion doit donc porter sur une pro-tection plus efficace des salariés qui pren-ne en compte les évolutions des emplois, lamobilité… et réfléchir pour eux à de nou-veaux droits. C’est en ce sens que réflé-chissent certaines organisations syndicales,avec des approches différentes, mais aussiune volonté commune de conquêtes so-ciales. ■*interviewé par Le Parisien, le 20 mars 2006.

CFDT: sécuriser les parcours professionnelsLa « Sécurisation des parcours professionnels », figure parmi les thèmes du prochain congrès dela CFDT. En quoi consiste-t-elle ? Pour Jean-Marie Bergère, délégué général de Développement etEmploi, « La formule reconnaît la place prise par la mobilité dans notre vie professionnelle, et plusseulement sous l’angle de la mobilité géographique. Elle intègre la possibilité de changer d’employeur,de bifurquer vers un nouveau métier, de se former tout au long de la vie... L’idée de “ parcours ” s’estsubstituée à celle de “ place à vie ” ».La CFDT attache beaucoup d’importance à la formation et à la qualification. Pour garantir « l’em-ployabilité » des salariés, à travers notamment le dispositif du droit individuel à la formation (DIF)ou de la Validation des acquis de l’expérience (VAE), ainsi que l’aide au reclassement ou à la re-conversion lorsqu’il s’agit d’emplois ou de qualifications condamnés à disparaître.« Sécuriser », pour la CFDT, signifie aussi « garantir une continuité des droits, en dépit des rupturesauxquelles les individus sont confrontés (changement d’entreprise, de secteur, de territoire,etc.) ». C’est pourquoi elle souhaite que soient institués des droits attachés aux individus et non plusau contrat de travail. Ce sont donc les « trajectoires professionnelles » individuelles qu’elle entendsécuriser, car elle estime positive la mobilité tout en reconnaissant que les périodes de transitionpeuvent être des périodes de risques. Il faut donc un accompagnement collectif du salarié.

FO: poser les vrais problèmes« Comme nous l’avons expliqué, le CPE retiré, nous voulons discuter, négocier, poser les vrais pro-blèmes.- Au patronat, nous demandons l’ouverture d’une négociation sur l’insertion professionnelle (et nonsur la «flexiprécarité »).- Au gouvernement, outre ce qui relève de ses responsabilités en matière d’insertion, nous rap-pelons que les créations d’emplois proviennent d’abord de l’activité et de la croissance économique,donc de l’augmentation de la consommation et du pouvoir d’achat. Accroître la consommation parla baisse forcée des prix et la multiplication des soldes est une réponse déflationniste et destructriced’emplois.Nous voulons également que la question importante de l’avenir du CNE soit posée tant noussommes convaincus que le CNE mourra « dans d’atroces souffrances judiciaires ». Le modèle républicain doit être renforcé. Aujourd’hui, 87 % des contrats de travail dans le privé sont des CDI,84 % des emplois dans le public sont à statut. Nous réaffirmons aussi que doit clairement être po-sée la question des relations donneur d’ordre sous-traitant. Lutter contre la précarité demeure unobjectif prioritaire. »

Extrait de l’éditorial de J.-C. Mailly sur le site de FO

Page 24: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 25

L’US : Comment analysez-vousla situation de l’emploi en France,et notamment l’emploi des jeunes?Jean-Christophe Le Duigou : On ne peutcomprendre le problème de l’emploi des jeunesen l’isolant du problème de l’emploi global. Latentative de Dominique de Villepin a été aucontraire de séparer la question pour mieuxl’instrumentaliser dans sa stratégie de déré-gulation des relations de travail. C’est bienentendu un chemin inverse qu’il faut prendrepour apporter les réponses indispensables auxattentes des jeunes lycées et étudiants.Le taux de chômage supérieur chez les jeunes,comme d’ailleurs chez les salariés âgés, résultede ce que les économistes appellent « un effetfile d’attente ». L’emploi global étant raredepuis 30 ans, ce sont les catégories qui sont àla marge du marché du travail qui ont du malà s’intégrer: on retrouve ainsi un taux de chô-mage (ou plus exactement d’exclusion de l’em-ploi) double ou triple de la moyenne chez lesjeunes, les salariés sans qualification recon-nue, les seniors, les immigrés… Alors quandvous cumulez plusieurs de ces caractéristiques,c’est l’exclusion assurée!Pour preuve de ce phénomène, il suffit d’évo-quer l’effet a contrario positif des périodesde plus forte croissance qui desserrent lacontrainte globale du sous-emploi: de 1997 à2001 la croissance a été de 2,5 % par an; laFrance a créé 2700000 emplois, le chômagedes jeunes et celui des seniors a baissé d’1/3soit deux fois plus que pour toutes les autrescatégories. Une stratégie de croissance fon-dée sur une nouvelle politique macro-écono-mique à l’échelon de l’Europe, sur une poli-tique de développement industriel, derecherche, de formation est bien la clé princi-pale du problème. En ce sens, les catégories desalariés sont bien solidaires.Gérard Aschieri: Le constat que peut faire laFSU n’est pas très différent du constat com-mun: après quelques années d’embellies, àpartir de 2001 le chômage est reparti à lahausse et tourne autour de 10 %; les légèresbaisses de ces derniers mois sont essentielle-ment dues au retour à une politique de créa-tions massives d’emplois aidés et dans unemoindre mesure aux départs à la retraite des« baby boomers », pas à une reprise des créa-tions d’emploi. Et c’est là le problème central:notre économie, avec une croissance en pan-ne, ne crée pas assez d’emplois pour per-mettre un recul véritable du chômage.Cela montre l’inefficacité des politiquesconduites ces dernières années et qui reposentsur les mêmes dogmes : pression sur les sa-laires, baisse des cotisations patronales no-

tamment sur les bas salaires, réduction des im-pôts directs et donc des moyens des servicespublics. En même temps, on développe laprécarité pour l’accès à l’emploi, on promeutla flexibilité, on repousse l’âge de départ à laretraite. On rend les chômeurs responsables deleur situation, d’abord en réduisant l’indem-nisation chômage, ensuite en transformant ledroit à indemnisation en contrepartie d’une at-titude de recherche dite active d’emploi : unepolitique jamais remise en cause alors qu’ellen’a pas démontré son efficacité.

L’US : Quel est le rôle de l’Éducationnationale dans la lutte contrele chômage?Jean-Christophe Le Duigou: Il y a à réfléchiraux difficultés spécifiques d’intégration dansl’emploi de certaines populations, notammentles jeunes. La question n’est pas prioritaire-ment celle des jeunes diplômés mais celledes 100000 jeunes qui, chaque année, sortentdu système éducatif sans qualification re-connue : 20 % d’une classe d’âge, cela faitbeaucoup surtout que ce sont des jeunes quivont cumuler les handicaps (enfants d’im-migrés, originaires de classes sociales mo-destes…). La responsabilité du système édu-catif au sens large comme celle desentreprises, est posée.Il y a un demi-siècle le choix a été de confierà l’Éducation nationale la responsabilité de laformation professionnelle initiale qui étaitassurée jusque-là par les entreprises et lesbranches. Ce fut un progrès. Un bilan estaujourd’hui indispensable, non pour remettreen cause ce choix, mais pour voir ce qui doitêtre fait pour que dans les conditions présentes,cette mission puisse être assurée.Gérard Aschieri : On cherche à transférer laculpabilité de cet échec sur l’École ; la res-ponsabilité du chômage est attribuée à une in-adéquation de la formation aux besoins desentreprises, à une orientation des jeunes dé-faillante. S’il est évident que l’améliorationdes conditions d’accès à l’emploi doit êtrenotre souci, il est clair qu’on ne peut s’insé-rer dans l’emploi que si celui-ci existe ! Pourcela, il faut une autre politique économiqueet sociale permettant de retrouver une crois-sance créatrice d’emploi. Il y a quelquesmois, la FSU publiait un ouvrage sur les sa-laires. L’idée? Une politique salariale ambi-tieuse dans le public comme dans le privé quitire la croissance vers le haut. De même, lalutte contre la précarité peut être un instru-ment de croissance. Une autre politique im-plique aussi des changements en matière defiscalité qui permettent à la fois une meilleure

redistribution et un investissement dans lesservices publics : ceux-ci sont indispensablescomme employeurs mais surtout comme ins-truments de développement économique du-rable ; et cela vaut aussi au plan européen oùun budget plus important pourrait permettreà la fois une redistribution qui limite les ten-tations de dumping social et le développe-ment d’une politique de recherche ou desgrands travaux.

L’US : Quelle est l’importancede la formation, notamment au regarddes besoins des entreprises?Jean-Christophe Le Duigou : L’entreprisedoit elle aussi être placée devant ses respon-sabilités. L’adaptation à l’emploi, la forma-tion continue sont à sa charge. Mais, au-delà,c’est toute la politique d’embauche qui doit êtrepassée au crible. Pourquoi les organisationssyndicales n’auraient-elles pas leur mot à diresur les pratiques actuellement à l’œuvre ? L’embauche et le licenciement n’ont pas à demeurer des privilèges de droit divin pourdes directions.À l’opposé de toute justification de la précarité,cette analyse conclut au besoin d’organisercollectivement le droit effectif à accéder à unvéritable emploi. C’est une suite à la bataille quenous avons menée et gagnée contre le CPE.Gérard Aschieri: Évidemment dans ce cadrela formation est un investissement indispen-sable. Pas seulement parce que le diplôme,surtout post-baccalauréat, protège mieux individuellement du chômage, mais parceque l’amélioration des qualifications de touspeut contribuer au développement écono-mique mais aussi au changement du travaillui-même et est indispensable à une formationtout au long de la vie.On reproche souvent au système éducatif dene pas être assez en lien avec les besoins desentreprises : c’est oublier que les voies pro-fessionnelles élaborent leurs formations enrelation étroite avec les branches profession-nelles. Certes l’école ne peut rester dans unsplendide isolement par rapport au monde etaux entreprises qui l’entourent. Mais il n’estpas sérieux de subordonner la formation oul’orientation uniquement aux besoins immé-diats des entreprises d’une zone donnée: nousdevons former des jeunes qui vont travaillerune quarantaine d’années, avec toutes lesévolutions que cela implique, y compris leschangements de métiers ou de localisation. Etsi les jeunes, rebutés par les conditions detravail et de rémunération, se détournent decertaines branches, la responsabilité n’en in-combe pas au système éducatif ! ■

Questions à Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT et à Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU

Les syndicats face au chômage

Page 25: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Après la crise du CPE

26 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

DOSS

IER

Au Royaume-Uni, la déré-gulation a été de pair avec ladésyndicalisation entreprisesous Thatcher. En effet, lesgaranties collectives sont di-rectement corrélées à la pré-sence syndicale sur le lieu detravail. Le syndicalisme sebat aujourd’hui contre les« bad jobs » (en termes derémunération, de temps par-tiel, de conditions de travail etde protection sociale) quifrappent jeunes, femmes etmigrants. Pour syndicaliserces travailleurs, les syndicatsluttent contre les discrimina-tions de toute nature et cher-chent des modes de repré-sentation au plus près descommunautés d’origine. De-vant la faiblesse de la négo-ciation collective, les Trade Unions com-mencent à demander des réglementationslégales du marché du travail (cf. la créationd’un SMIC en 1999).Au Danemark, le système de « flexsécurité »repose sur une longue tradition de négociationcollective où les syndicats jouent un rôle dé-terminant. Le point aveugle de ce systèmeest l’existence de centaines de milliers depersonnes qui perçoivent une allocation pu-blique en étant tenues à l’écart du marché del’emploi.En Suède, où les CDI sont la norme, lesrègles concernant l’intérim et les CDD ont étéassouplies depuis la fin des années 90. Cepen-dant les accords collectifs restent protecteurs:un intérimaire reçoit son salaire à temps com-plet s’il a plus de 18 mois d’ancienneté, mê-me en l’absence de mission. Femmes, jeunes,migrants sont les plus touchés par l’emploitemporaire, mais la probabilité d’en sortirpar un emploi stable reste élevée. Les syndi-cats ont accepté la progression de l’emploiprécaire, mais en négociant des conditionsd’emploi et de salaire proches de celles des sa-lariés à durée indéterminée. Ce qui peut s’ex-pliquer par la très forte syndicalisation desfemmes et des salariés étrangers.Aux Pays-Bas, le licenciement est très en-cadré, les indemnités de rupture élevées et lesallocations chômage largement distribuées, lapauvreté a été contenue par un niveau élevéde protection sociale. Depuis 10 ans, les em-plois flexibles progressent, mais les syndi-

contre le licenciement auxentreprises de plus de 20 sa-lariés et à créer un contrat detype CPE est en projet. Lesfemmes ont accédé au mar-ché du travail par le tempspartiel, notamment avec des« minijobs » (un petit tempspartiel plafonné à 400 €, exo-néré de cotisations socialeset d’impôts) correspondant àun salaire d’appoint. Ceux-ci se développent aujourd’huidans les services en se sub-stituant à des emplois stan-dards et s’étendent auxjeunes, aux retraités. Surtoutles réformes Hartz du régi-me d’assurance chômage ontcontraint des personnes peuqualifiées ou en chômage delongue durée à accepter des

emplois précaires, allant jusqu’aux « jobs à uneuro » (cumul d’une allocation publique avecun salaire horaire de 1 € pour des emploismunicipaux ou associatifs). Le syndicalismeest confronté à une double crise, de représen-tativité car il est peu implanté chez les pré-caires, et de crédibilité car il a été amené à opé-rer des reculs sur les salaires ou la durée dutravail dans ses bastions. La grève actuelledans la fonction publique est donc un test im-portant pour lui.En Italie, où le secteur informel et le travailau noir existent de longue date, la loi Biagi(2003) a été présentée comme une tentatived’encadrer juridiquement le travail informel(un tiers des emplois seraient irréguliers).Cependant, la multiplication des formes d’em-ploi flexible qu’elle autorise a été ressentiecomme une fuite en avant vers la libéralisa-tion du marché du travail. Ainsi, trois millionsde « collaborateurs coordonnés » (prochesdu contrat de mission) sont à la frontière dutravail indépendant et du salariat (y comprispour des professions qualifiées), avec unefaible protection sociale (leur future retraite estestimée à 30 % de leur dernière rétribution).Les syndicats sont partagés : ou porter desrevendications spécifiques pour les précaires,ou viser leur régularisation dans le cadre del’emploi salarié « normal ». ■

Synthèse tirée du numéro 97 (novembre 2005) de« Chronique internationale de l’IRES » :Précarisation de l’emploi et représentation syndicale.

cats ont négocié des sécurités pour les CDDet l’intérim. Les Pays-Bas détiennent le recordd’Europe du travail à temps partiel (71 %des femmes travaillent à temps partiel), maisil a été perçu comme le moyen pour lesfemmes, maintenues dans leur statut fami-lial, d’accéder à l’emploi.Les petits emplois de moins de 12 heures,qui touchent les femmes et les jeunes, y com-pris les jeunes scolarisés, les emplois sur ap-pel (contrats intermittents) et le travail indé-pendant (free lance dans le bâtiment, lacommunication, les médias, les services) sedéveloppent. Les syndicats, qui essaient desyndicaliser ces salariés, ont négocié des pro-tections nouvelles pour ces emplois.La principale menace pour le consensus socialvient de la remise en cause du système de pro-tection sociale. Les conditions d’accès aux al-locations chômage ont été durcies, de mêmeque le régime d’assistance qui a été munici-palisé et orienté vers la « remise au travail »des bénéficiaires. La réforme du régime del’incapacité, qui concernait 10 % de la popu-lation active en 2004, oblige des personnesécartées jusqu’ici du marché du travail à re-chercher un emploi précaire. Le phénomènedes travailleurs pauvres est apparu dans unpays qui avait un des plus faibles taux depauvreté d’Europe.En Allemagne, les syndicats ont longtempsdéfendu le statut de l'« emploi normal », asso-cié à un temps plein masculin, plutôt qualifié.Une réforme visant à réserver la protection

Tour d’Europe

Le syndicalisme confronté à la flexibilité

Page 26: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

DROITS ET LIBERTÉS

Àla date du 13 avril, 1270 personnes sontmenacées de poursuites judiciaires, 68personnes condamnées à des peines

fermes, 167 à des peines de prison avec sursis,des amendes, des heures de travaux d’intérêtgénéral. D’autres attendent leur comparution.Le SNES condamne les violences inaccep-tables commises par certains pseudo-mani-festants dans les cortèges et aux alentours ycompris exercées contre les jeunes. Mais forceest de constater que la plupart des interpellésn’ont rien à voir avec ces « casseurs ». Lesjeunes arrêtés au cours des manifestations sont,pour la plupart, étudiants, lycéens et n’ont pasde casier judiciaire. Certains étaient relâchésaprès fouille au corps, contrôle d’identité etmise en cellule, sans poursuites judiciaires, etce dans toute la France (on chiffre à près de4000 le nombre d’interpellations). On a mêmevu, des jeunes du mouvement lycéen de l’anpassé déjà jugés, subir une nouvelle garde àvue. La volonté du gouvernement de faire desdémonstrations de fermeté est manifeste. Leministre de l’Intérieur a demandé dès le28 mars au garde des Sceaux de « ne pashésiter à requérir des peines d’emprisonne-ment ferme ».Arrestations arbitraires, interpellations ennombre, humiliations et parfois violences cor-porelles dans les fourgons ou les commissariats,utilisation sans discernement des gaz lacry-mogènes contre des lycéens pacifiques blo-quant l’entrée de leur établissement comme àGagny, comparutions immédiates alors que lapublicité – légale – des audiences n’est pastoujours assurée, procès-verbaux flous, juge-ments rendus sur la base exclusive des rap-

LE TEXTE SUR LE CPE EST RETIRÉ au terme d’une mobilisation sociale exceptionnelle. Un autre combat s’engage : celui de la défensede centaines de jeunes manifestants aujourd’hui menacés de poursuites.

Représailles judiciairesLe lycée Palissy (Agen) paraissait « un îlot isolé » dumonde ; pas de blocage en vue. Jusqu’à la demandede Robien de faire intervenir les forces de l’ordre. Leslycéens décident, après un vote en A.G., de bloquerle lycée. 100 à 200 élèves, motivés et pacifiques, enprésence de la police, tiennent les accès du lycéesous l’œil vigilant de professeurs volontaires, qui ontpu éviter tout débordement. Jusqu’au lundi matin :le proviseur compte que 80% des professeurs (enréalité 8 sur 120) lui demandent l’intervention de lapolice qui s’effectue à coups de matraques élec-triques. Interpellé par les enseignants du SNES et desparents FCPE, le proviseur déclare avoir agi sous lapression; il s’engage à la diffusion d’une mise au pointco-rédigée par le SNES et la FCPE à destination desélèves et parents de l’établissement. La police pré-tend ne pas être dotée de ce type « d’arme illégaledans ce genre d’intervention » : lycéens et adultestémoins auraient rêvé.Anne-Laure Tidjditi, enseignante SNES

Le lycée Le Dantec à Lannion s’est engagé dansdes actions sans violence. Le 6 avril, une AG de200 personnes décide d’investir pacifiquementl’ANPE pour s’inscrire au chômage. Or l’agenceétait « exceptionnellement » fermée; les lycéensont décidé de laisser une trace de leur passage eninscrivant sur les murs « NON au CPE ». Des poli-ciers viennent interpeller trois lycéens dans leurclasse et les transfèrent au commissariat de Lan-nion. La mobilisation s’organise : pétition « noussommes tous peintres en bâtiment ». Les élèvesse recouvrent la main gauche de peinture ensigne de soutien, les personnels du lycée sont soli-daires. Sit-in devant le commissariat. Une délé-gation de professeurs est reçue. Les lycéens res-sortent vers 13 heures, convocation de justiceen main pour la fin mai.

Le 29 avril, contrel’immigration jetableLe projet de modification du Code de l’entréeet du séjour des étrangers et du droit d’asile(CESEDA) sera examiné par l’Assembléenationale à partir du 2 mai 2006.Ce nouveau projet aggrave la situation faiteaux étrangers (cf. L’US n° 634 et 635 pour lesdernières analyses). Il prépare la disparitiondu droit de séjour pour les familles, conjointset enfants, entérine la quasi-disparition dela carte de résident, durcit les conditionsd’accès à la carte de séjour avec au centrel’avis du maire qui juge de la bonne intégra-tion ou non. Le projet assujettit le séjourlégal au contrat de travail. Ainsi, la carte« travailleur temporaire » ne vaut que pourune activité déterminée pour un employeurdéterminé. Licencié, l’étranger devient expul-sable. Les droits fondamentaux sont remis encause avec le droit d’asile mais aussi le droitde se soigner. Loin de traiter la question del’immigration, ce texte aura pour effet essen-tiel de grossir le nombre de sans-papier et deles condamner à la clandestinité. C’est laprécarisation accrue des immigrés: les étran-gers réduits à une main-d’œuvre utile, outilsde la prospérité économique du pays, jetablesaprès usage.L’ensemble des organisations syndicales,associatives, partis politiques opposés à ceprojet de loi se sont réunis dans le collectifUCIJ (Uni(e)s contre une immigrationjetable), regroupant aujourd’hui 400 organi-sations (dont la FSU, CGT, Solidaire... LDH,MRAP, GISTI... PS, PC, Verts, LCR, LO).Après les manisfestations décentralisées enmars, le concert de Paris le 2 avril, il appelle:• à des manifestations le 29, partout enFrance (à Paris rendez-vous à 14 h 30 placede la République) ;•à être présents dans les manifs du 1er maiavec des banderoles contre la réforme duCESEDA;•à une manifestation nationale à Paris lesamedi 13 mai.

M. C.

ports des agents de la force publique, alors queles vidéos ne sont pas recevables, condamna-tions expéditives, procédures bâclées, pourfaire du chiffre…Un jeune s’est vu reprocher ses cheveux longs,un autre a été reconnu coupable d’avoir lancéune bouteille en verre contre un escadron deCRS sans l’atteindre: trois mois de prison ferme.Les sanctions tombent aussi dans les lycées(exclusions temporaires, ...). Bref, on est dansune logique de criminalisation du mouvementsocial, logique qui vise à décourager l’action syn-dicale et militante. Des collectifs contre la répres-sion du mouvement anti-CPE s’organisent. LeSNES y prend toute sa place pour lutter contrecet acharnement répressif, politique et judiciairequi met à mal les valeurs démocratiques. ■

Marylène Cahouet

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 27

©T

hier

ry N

ecto

ux

Page 27: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Apprentissage de la lecture3 QUESTIONS À GILLES MOINDROT, CO-SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SNUipp

28 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

MÉTIERRobien ou Monsieur «bonnes pratiques»HIER, IL LEUR EXPLIQUAIT QUELLE MÉTHODE D’APPRENTISSAGE de la lecture il fallait retenir. Fustigeant laméthode globale, abandonnée depuis des années, à supposer qu’elle ait été appliquée de façon exclusive un jour,M. de Robien a su montrer qu’il était capable de se battre contre des moulins à vent. Il n’a pas compris que lesbonnes méthodes (cela se met effectivement au pluriel) sont celles qui permettent aux élèves de réussir, c’est-à-dire celles que les professeurs des écoles, professionnels de la pédagogie, ont décidé de mettre en œuvre à unmoment donné, compte tenu du contexte dans lequel évoluent leurs classes et des particularités de ces dernières.

Sciences économiques et sociales :la neutralité serait-elle patronale?Du haut de la tribune du Conseil économique et social, M. de Robien prétend faire la leçon aux professeurs de sciences économiques et sociales.

Le ministre cherche à leurimposer des pratiques péda-gogiques et un enseignement

de l’économie réduit à unemorale officielle consacrant le«monde merveilleux de l’entre-prise» et les valeurs du Medef(1).Le ministre oppose le « concret»(ce qu’il faut montrer) aux « idéesabstraites » (ce qui est inutile) etinvite ainsi les enseignants (etleurs élèves) à se dispenser de laréflexion.

Vieilles rengainesRobien reprend de vieilles ren-gaines diffusées, hier dans lapresse française spécialisée,«bien pensante», et aujourd’huidans l’International Herald Tri-bune qui se fait l’écho de la pen-sée de l’Institut de l’Entreprise,officine proche du Medef, char-gée de promouvoir non pas laconnaissance de l’entreprise maisl’esprit d’entreprise. Le ministresermonne un corps professoral

qui ne manquera pas d’êtreétonné d’avoir tant d’importance.En effet, les 4 900 professeursde SES, qui n’enseignent dans lafilière ES qu’à 20% des élèves del’enseignement général (restantdonc à l’écart de l’enseignementtechnique et professionnel), n’in-tervenant que dans le cadre d’uneoption en Seconde, seraient res-ponsables de la très grande incu-rie des Français dans le domainede l’économie.

SermonsS’appuyant sur des sondages, sansvérifier ses sources et sans s’in-terroger sur le mode de construc-tion des statistiques (ce qui estcontraire aux méthodes rigou-reuses de l’enseignement desSES!), M. de Robien déplore queseule une minorité de Françaisestime efficace l’économie demarché (contrairement à l’opinionmajoritaire en Chine... quellehonte !). On est loin de l’enseignement«neutre» et «rigoureux», débar-rassé des considérations idéolo-giques, cher au ministre.Et en matière de neutralité,Robien s’y entend : il a décidé depoursuivre et d’amplifier la for-mation continue des enseignantsde SES dans le cadre de stageslongs en entreprises, ce qui per-met d’immerger les professeursdans le « concret », stages dontle monopole de l’organisation estattribué à... l’Institut de l’Entre-prise, fortement engagé dans ledébat économique et social de laprésidentielle 2007 !Ce ne serait pas si grave et onfriserait le ridicule, si ce n’étaitpas à la liberté pédagogique qu’ils’attaquait. ■

Georges Ortusi,Gisèle Jean, Daniel Rallet

(1) Voir communiqué du SNES en datedu 7 avril 2006.

Plusieurs organisationsdont le SNUipp ont boycotté le CSE ( 1 )

le 14mars, pourquoi ?Pour dénoncer un simu-lacre de concertation. Eneffet la question de l’ap-

prentissage de la lecture est tropimportante pour les élèves etl’école pour que des modificationshâtives soient imposées sans quele bilan de la mise en œuvre desprogrammes de 2002 n’ait étéeffectué et sans aucune prise encompte des pratiques des ensei-gnants. La démarche employée sesitue à l’opposé de celle qui avaitprévalu pour l’élaboration des pro-grammes de 2002, qui avaient faitl’objet d’une consultation appro-fondie des enseignants, des for-mateurs, des chercheurs, des corpsd’inspection et des parentsd’élèves.Nous protestons également contrele double discours ministériel quiprévaut sur le sujet de l’appren-tissage de la lecture : le ministre amultiplié les déclarations déma-gogiques sur la méthode globale,

sur l’impact des neurosciences...les résultats de l’école qui visent àcréer de la défiance vis-à-vis del’école dans l’opinion publique.

Les élèves sont-ils en difficultésur la lecture en France ?Toutes les études montrent queles résultats en France sont simi-laires à ceux des autres pays voi-sins européens. On sait que lesjeunes n’éprouvent pas plus de dif-ficultés que leurs aînés, aucontraire, l’INSEE compte 4 %d’illettrés chez les 18-24 ans mais14 % chez les 40-54 ans et 19 %chez les 55-65 ans.Le déchiffrage, seul aspect de la lecture que le ministre met en avant,n’est pas le principal problème desélèves en difficulté de lecture : si 4 % d’élèves ne savent pas déchiffrer à l’entrée en Sixième, 11 % ne comprennent pas les textes qui leur sont proposésbien qu’ils sachent déchiffrer. C’est alors environ 15% des enfantsqui maîtrisent insuffisamment la lecture au moment de rentrer au collège.

Que proposez-vous ?Il est insupportable aujourd’hui de nepas maîtriser suffisamment l’écritpour s’intégrer socialement et accé-der à un emploi. L’école doit doncchercher à mieux faire réussir lesélèves. Nous proposons de procéderà des recherches rigoureuses, derenforcer la formation et l’accom-pagnement des équipes ensei-gnantes. Nous demandons égale-ment qu’une réelle évaluation despratiques soit effectuée.Les programmes de 2002 ont inscritles apprentissages du cycle 2(2) dansla continuité de ceux de l’écolematernelle sur le langage oral, surles habiletés phonologiques, sur leprincipe alphabétique et la familia-risation avec la langue écrite. L’ap-prentissage de la lecture se poursuitau cours de l’école élémentaire etau collège.Ce sont ces orientations qu’il fautpoursuivre pour mieux faire réus-sir les élèves.

Propos recueillis par Gisèle Jean(1) Conseil Supérieur de l’Éducation.(2) Grande section de maternelle, CP, CE1.

©D

R

©D

R/C

lém

ent M

artin

Page 28: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Langues vivantes en STGI

Projet d’épreuvesdu bac inapplicableen 2007 !Le projet des nouvelles épreuvesorales de langues vivantes au bacca-lauréat STG demanderait, pour êtremis en œuvre à la session 2007 sanspréjudice pour les candidats, desconditions qui ne seront pas rempliesà la rentrée 2006.Le ministère propose deux épreuvesorales qui auraient lieu dans les éta-blissement en cours d’année : une decompréhension orale à partir d’undocument sonore de 90 à 120secondes et une d’expression oraleà partir d’un « document déclen-cheur ».Comment préparer en quelques mois(la première épreuve devant avoir lieuen fin de deuxième trimestre en LV1 eten LV2 !) les candidats à deuxépreuves totalement nouvelles dansdes classes dont rien ne permet d’af-firmer qu’elles seront réellement allé-gées et en mettant en œuvre des pra-tiques pédagogiques imposées pardes procédures nouvelles d’évalua-tion, sans cadrage, annales, ou barèmede référence et sans pouvoir s’ap-puyer sur un travail de même natureen Première ?L’expérimentation menée par legroupe de travail chargé de la défini-tion des épreuves n’a pas débouchésur un véritable bilan. Pourtant denombreuses difficultés dans l’organi-sation matérielle et dans la conduitedes épreuves ont été relevées par lescollègues qui ont expérimenté.Dans ces conditions le SNES demandeau ministère de surseoir à la mise enplace de ces nouvelles épreuves pourpermettre aux enseignants d’êtreinformés et formés, de préparer lesélèves dès la classede Première à cetype d’épreuve, demieux prendre encompte les résultatsde l’expérimenta-tion.Pour plus de détailsvoir le site :

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 29

DEUX PROJETS DE DÉCRETS SOUMIS À LA CONCERTATION, apportent des modificationsaux décrets CPGE et BTS. Il s’agit d’inscrire ces formations dans l’architectureeuropéenne de l’enseignement supérieur Licence-Master-Doctorat.

Classes préparatoires et BTS dans le LMD

DES SMS AUX «SCIENCES ET TECHNOLOGIES DE LA SANTÉ ET DES CARRIÈRES SOCIALES»

Un nouveau pas est franchi

SNES et SNESup ont été reçuspar M. Korolitski, directeuradjoint, ainsi que par les res-

ponsables des formations CPGE etBTS à la direction de l’enseigne-ment supérieur (DES).L’architecture européenne del’enseignement supérieur, défi-nie par le processus de Bologne(1),utilise les crédits ECTS(2) commemesure des acquisitions. Sur lemodèle du supplément audiplôme prévu par les accords deBologne, le ministère souhaiteque les lycées délivrent à chaqueétudiant de prépa ou de BTS une« annexe descriptive de la for-mation» indiquant le nombre decrédits ECTS acquis au coursde la scolarité, sur la base de60 crédits par année. En vue de la poursuite d’études àl’université, il est nécessaire queles crédits attribués dans les lycéessoient reconnus dans la formationd’accueil. La DES voudrait s’entenir aux conventions locales quidéfinissent par exemple des par-cours licences débutant en CPGEou BTS, en distinguant les propo-sitions de crédits de leur validation.Cela nous semble insuffisant etpropre à susciter une concurrence

malsaine entre les universités, quipourraient chercher à attirer cer-tains étudiants (et pas d’autres) àcoup de crédits. De plus, l’éva-luation des acquis est clairementdu ressort des lycées. Pour arriver à un système qui équi-libre les prérogatives des lycéeset des universités nous préconi-sons deux mesures. D’une part,l’annexe descriptive doit s’établirsur la base d’une grille nationale,car BTS et prépas ont des pro-grammes nationaux, elle doitconcerner également les élèvesdes classes ATS (prépas post-BTS). D’autre part, les créditsECTS doivent être attribués parune commission comprenant pro-fesseurs de lycée et universitaires,sur le modèle de la commissiond’admission et d’évaluation quiexiste en prépa. Ces deux mesuresserviraient ensuite de cadre auxconventions locales qui défini-raient les correspondances entreformation post-bac des lycées etlicence à l’université, propre àassurer des poursuites d’étudessatisfaisantes aux étudiants. Lesconventions doivent aussi prévoirle cas où l’étudiant quitte la prépaou le BTS au bout d’un an.

Le problème des validations par-tielles est plus difficile car il s’op-pose à la cohérence des forma-tions CPGE ou BTS. Pour lesélèves de STS, par exemple dansle cas où le candidat obtient lamoyenne à plusieurs unités sansobtenir le diplôme, nous deman-dons que chaque unité emporteun nombre d’ECTS, défini à par-tir des coefficients à l’examen,pour chaque référentiel dediplôme, dès lors que le candidatobtient la moyenne à l’unitéconsidérée. La DES compte présenter un pro-jet au CSE et au CNESER(3) cou-rant mai, après avoir recueilli lesamendements des divers acteursconsultés. ■Jean-Hervé Cohen, Thierry Reygades

[email protected]

(1) Engagement pris en 1999 pourconstruire un espace européen de l’en-seignement supérieur avant 2010.(2) Le système européen de transfert etd’accumulation de crédits est un systèmecentré sur l’étudiant, basé sur la charge detravail à réaliser par l’étudiant afin d’at-teindre les objectifs du programme qui sedéfinissent en terme de connaissancesfinales et de compétences à acquérir.(3) Conseil National de l’EnseignementSupérieur et de la Recherche.

RÉFÉRENTIELS B2I

Les propositions de référentiels duB2i école, collège et lycée sont enconsultation sur le site eduscol duministère www.educnet.eduction.fr/b2iL’analyse du SNES est sur le siteobservatoires. Vous pouvez vousexprimer sur [email protected] enprécisant B2i.

Après maintes tergiversations,un nouveau pas a été franchidans la rénovation des séries

technologiques : les projets deréforme de la série SMS ont étémis en consultation sur le siteeduscol (http://eduscol.educa-tion.fr/).Après la rénovation STG, lafuture rénovation SMS nouséloigne d’une conception du lycéeoù les séries technologiquesseraient absorbées par les sériesgénérales (voir proposition Bel-loubet-Frier octobre 2002). C’estdonc un nouveau signal pour lareconnaissance, et l’efficacité, dela voie technologique.Néanmoins, force est de constaterque les séries STI, STL et ArtsAppliqués ne sont pas concernéespar cette vague. Pour ces séries,

des décisions politiques sont ensuspens. Elles concernent uneéventuelle réduction de structureque le SNES conteste. Le minis-tère attend-il que les recteurscontinuent à fermer, sans justifi-cations, des formations, pourengager une réforme sur desséries moribondes?Cette attitude serait incompréhen-sible tant au niveau économiqueque politique. Rappelons-le, il fautmoderniser la voie technologiqueafin de relancer le développementde ces séries, car ce développe-ment est nécessaire, tant pour ledéveloppement économique quepour répondre aux besoins sociauxde formation des jeunes.Concernant la série SMS quipourrait s’appeler « Sciences etTechnologies de la Santé et

des CarrièresSociales », leSNES lance, enparallèle du minis-tère, une consultation tant sur lescontenus, sur les horaires, quesur la finalité de la formation.Vous trouverez sur le site duSNES («Enseigner en lycée, col-lège »... « Lycée de la Seconde àla Terminale », SMS) le ques-tionnaire qui peut servir de sup-port à vos appréciations.Nous invitons donc l’ensembledes collègues à s’inscrire ([email protected]) dans cette consul-tation et à participer à une jour-née de réflexion le 9 juin 2006au SNES, 46, avenue d’Ivry,75013 Paris, de 10 h à 16 h. ■

Thierry Reygades

www.snes.edu/clet/

www.snes.edu/clet/rubrique.

php3?id_rubrique=122

Page 29: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Insuffisance professionnelle :

Un cas d’acharnement de la hiérarchieadministrative et pédagogique

Depuis deux ans, le rectorat deNantes et le ministère ont engagéune procédure de licenciement pourinsuffisance professionnelle à l’en-contre d’un enseignant certifié del’académie de Nantes. Nous avonsdénoncé cette procédure décon-centrée par le ministre de l’Éduca-tion, qui présente de graves risquesde dérives et d’arbitraire : proximitéet niveau d’inter-connaissance desautorités impliquées dans la procé-dure (chefs d’établissement, ins-pection, direction des ressourceshumaines), juges et parties pour cer-taines dans la CAPA, absence d’al-ternative, et surtout, pression sup-plémentaire ainsi exercée sur lesenseignants confrontés à des condi-tions d’exercice difficiles. Stagiaireen situation sans formation en ZEPsur deux établissements distants,affecté ensuite dans des établisse-ments difficiles, où il s’est vuconfronté aux problèmes de disci-pline posés par certains élèves, notrecollègue a été inspecté trois fois desuite par l’inspecteur qui l’avait titu-larisé... Contraint d’intégrer un stagedit de « remédiation», il a dû ensuitesubir un bilan de compétencespayant fait par un organisme exté-rieur. La hiérarchie a sciemmentcherché à démontrer, par le « trai-tement» appliqué, son inadaptationau métier d’enseignant, sans mêmelui proposer un reclassement dansd’autres fonctions. Nous avonsassuré sa défense lors de la CAPA demars 2004, et avons emporté unvote défavorable au licenciement.Le ministre, après plus d’un an d’at-tente, a pourtant décidé de le licen-cier, décision ayant fait l’objet d’unrecours devant la justice adminis-trative, avec notre soutien juridique.Le ministre a fait marche arrièreavant le jugement en annulant sonarrêté de licenciement... pour vice deprocédure, et il a aussitôt avertinotre collègue que cette procédureserait reprise ! Le rectorat de Nanteset sa direction des ressourceshumaines l’ont donc à nouveauengagée... Nous continuerons àdéfendre les collègues victimes deces mesures expéditives car nosrevendications pour résoudre col-lectivement et solidairement la dif-ficulté croissante des métiers d’en-seignement et d’éducation sont àl’opposé de celles prônées par lestenants de l’individualisation sansgaranties ni protections collectivesde la gestion des personnels.

[email protected] Secteur emploi du S3 de Nantes

30 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

CATÉGORIESCO-PSY

Mauvaises Rimes pourmauvaises raisons L

’observatoire de l’emploipublic a été chargé de l’éla-boration d’un Répertoire

Interministériel des métiers del’État (RIME) visant à répertorierles emplois occupés. Les rédac-teurs ont donc produit des fichestypes « d’emplois-références »regroupant des métiers censésêtre proches et affichant les prin-cipales caractéristiques, lessavoir-faire et les connaissancesnécessaires pour les exercer. Cecine va pas, ne rêvons pas, jusqu’àdéfinir les formations et les qua-lifications exigées ! La fiche ER07-04 intitulée « Responsable del’accompagnement des élèves,des étudiants et des apprentis »prétend regrouper des missionsrelevant de la vie scolaire, del’orientation et des activitésmédico-sociales ! Avec quelques connaissances enpsychologie et sociologie de l’en-fant et de l’adolescent, mais sanstitre de Psychologue, il s’agiraitde confier à des personnels inter-changeables des missions aussibanales que le repérage des diffi-cultés psychologiques des élèves,le diagnostic de leurs difficultéspersonnelles, l’écoute et la priseen charge de certains élèves, l’as-sistance sur le plan médical etsocial, et le conseil en orienta-

tion scolaire et professionnelle.La production de ces fiches estprésentée par le ministère de laFonction publique comme uneréflexion, mais elle cadre parfai-tement avec la réforme de l’État.À l’intérieur de chaque granddomaine, ici «Éducation et for-mation tout au long de la vie », ilest envisagé de définir un nombrelimité d’emplois-références quedivers personnels, sans exigencesde diplômes ni de qualification,pourraient exercer. Une bonnegestion des ressources humainesen somme, surtout dans uncontexte de réduction de l’em-ploi public !Un des objectifs affichésconcerne « la lisibilité des fonc-tions des agents de l’État auprèsdes usagers ». Incontestablementon ne pourrait faire pire ! D’au-tant que le MEN, comme lesautres ministères, s’est engagé,en application de la loi de 85, àdésigner nommément les per-sonnels auxquels il confiait desfonctions de psychologue et àmettre leur formation en rapportavec les exigences de la loi.On installe ainsi une dégradationsans précédent de la qualité del’aide apportée aux jeunes, prin-cipalement ceux des milieux lesplus modestes qui ne pourront

avoir recours qu’à des person-nels surchargés par des tâchesmultiples, pour lesquelles ilsn’ont pas été formés et que leurposition institutionnelle lesempêche de tenir. Les ministères pourraient déclinerces fiches emplois en plusieursfiches métiers correspondant auxprofessions actuellement identi-fiées. Mais ceci reste au condi-tionnel. Il faut faire pression surle MEN pour exiger le respectde notre qualification de psycho-logue et de nos missions, refuserl’amalgame des fonctions.Nous avons écrit dans ce sens à ladirectrice de l’observatoire et auministre de l’Éducation natio-nale.■ C. Remermier

CONGÉS FORMATION

Détournement de congésE

n ce moment se tiennent dans les académies lesgroupes de travail chargés d’examiner la répar-tition du contingent des congés individuels de

formation. Ce droit individuel du salarié, qui devraitrépondre aux besoins de ce dernier est devenu au fildes ans, à l’Éducation nationale, un beau rêve,caressé par beaucoup, concrétisé pour quelqueshappy few. En théorie, le congé devrait être accordéau salarié à la troisième demande consécutive ; dansle cas contraire, l’administration doit justifier sonrefus. De fait, l’insuffisance des contingents, deplus en plus limités, a conduit à l’élaboration debarèmes ayant pour fonction de classer les candidats,l’administration s’appuyant ensuite sur ces dernierspour expliquer la non-attribution du congé aux can-didats en troisième demande. L’élaboration de cesbarèmes et le choix des critères sont discutés engroupe de travail ; à défaut de traiter le problème de

fond dû à la maigreur des possibilités, la méthodea au moins le mérite de la clarté. Cette année, plu-sieurs rectorats, se prévalant d’une circulaire de ladirection des personnels enseignants, annoncentleur intention de prélever une partie des déjà bienmaigres contingents (10 %) pour attribuer, horsbarème, des congés à des collègues en difficulté ouen reconversion dans les disciplines jugées excé-dentaires. Ce serait une extension d’une dispositiondéjà pratiquée à Lille par exemple. Ainsi, pour pal-lier le manque de moyens mis au service des per-sonnels en difficulté, accompagner les suppressionsde postes, l’administration s’autorise à détourner lesdroits des salariés à se former et à redéployer desfinancements.Nous intervenons auprès de la DPE.

Frédérique Roletfrédé[email protected]

Derniére minuteLa Réunion : dates prévisionnelles des CAPA d’accès à la hors-classe● certifiés 22 juin 2006● CPE 1er juin 2006

©T

hier

ry N

ecto

ux

Page 30: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Fonctionnaires handicapés

Retard inadmissible pour les retraitesLa loi du 24 mars 2005 permet auxfonctionnaires handicapés de béné-ficier d’une retraite anticipée. Cepen-dant, le texte voté doit être com-plété afin que les personnesconcernées puissent obtenir unemajoration de leur pension, indis-pensable pour que le droit à laretraite anticipée puisse être exercésans pénalisation financière.Plusieurs occasions manquées, laloi du 24 mars 2005 puis la loi definances, ont conduit le gouverne-ment à introduire cette dispositiondans la « loi pour l’égalité salarialeentre hommes et femmes ». LeConseil constitutionnel a censurécette disposition, étrangère à l’objetde la loi. C’est donc au sein du pro-jet de loi sur la fonction publiqueque la mesure est inscrite désor-mais. Il faudra plusieurs mois pourson adoption. Le décret d’applica-tion devrait pouvoir être publié dansla foulée. Mais les conditions res-trictives qu’il comporte, avoir parexemple exercé 30 ans alors quel’on était atteint du handicap pour undroit à la retraite à 55 ans, risque delaisser sans solution de nombreusespersonnes.La FSU intervient pour faire élargirces conditions. Anne Féray

Vie scolairei

Tours de passe-passeDepuis cette rentrée, notre minis-tère devient de plus en plus obs-cur quant aux transformations etcréations de poste dans les viesscolaires : avec l’arrêt du recrute-ment de MI-SE, en fermant un postel’administration en ouvrait un autred’assistant d’éducation (AED). Maisun nouveau type de contrat de droitprivé passe-partout pouvant s’adap-ter aux surveillants a été mis enplace : les EVS (emplois vie sco-laire). De plus en plus, un MI-SE enmoins équivaut à un EVS en plus,c’est-à-dire encore plus de précari-sation et une porte fermée pourl’aide aux financement des études.Cela signifie-t-il un arrêt progressifdu recrutement d’AED ? Ce n’est pastout : beaucoup de collègues AED sevoient imposer (sous menace d’unnon-renouvellement de contrat) la « transformation » de leur contraten AP. Non seulement il n’y a pascréation de 3 000 nouveaux postes,mais il y aura aussi moins de sur-veillants dans les établissementsdits difficiles ! Le ministère se jouede nous en jouant avec ces nou-veaux statuts.Le secteur étudiants surveillants

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 31

HORS-CLASSE

Inégalités annoncéesL

e ministère a poursuivi l’of-fensive engagée l’an passé :l’accès à la hors-classe est

totalement transformé. C’est unerupture totale avec les engage-ments liés à la revalorisation de1989. Le rôle de l’ancienneté decarrière est marginalisé : les boni-fications rectorales sont généra-lisées, sans aucun critère objectif,et les collègues qui ont avancé àl’ancienneté sont souvent exclusdans la mesure où seuls les pas-sages d’échelons au choix sontpris en compte. Le concours, lestitres et diplômes ne sont plusquantifiés. Avec la nouvelle notede service pour les agrégés, leministre persiste et signe en 2006.Selon des calendriers bien diffé-rents dans les académies, tous lescollègues promouvables (à partirdu 7e échelon) ont été invités parles rectorats à se connecter au ser-veur I-Prof, pour y inscrire tousles éléments permettant deprendre en compte leur « mériteprofessionnel ». C’est ensuite autour des chefs d’établissement etIPR d’utiliser I-Prof pour émettre

les avis. La revalorisation acquiseen 1989 a été diversement mise àmal en 2005 dans chaque acadé-mie. Il s’agit de « faire du quali-

tatif », de récompenser le« mérite », et peu importe si ce« qualitatif » et ce « mérite » nesont pas clairement définis ou ontfinalement peu à voir avec la réa-lité quotidienne de notre métierd’enseignant !Il y avait sans doute trop d’ensei-gnants méritants, ils étaient tropassurés de passer à la hors-classe!L’administration a donc changéles règles : pour introduire plusde mérite, pour répondre à desdirectives ministérielles, nous dit-on, on accroît délibérément lepoids des avis immédiats des ins-pecteurs et des chefs d’établisse-ment au détriment des seules notesadministrative et pédagogique,portant sur l’ensemble de la car-rière, suite aux inspections réali-sées par des inspecteurs différents,devant des publics différents, par-fois dans des académies diffé-rentes. Le ministre et les recteursqui vantent tant les mérites du tra-vail en équipe, de l’interdiscipli-narité, du projet d’établissement,des projets d’équipes motivées,ne vont faire naître que la divi-sion, l’incompréhension et l’amer-tume, en distribuant des bonspoints aux uns et en ne distin-guant pas les autres, pourtant dansdes situations équivalentes. Leministère et les recteurs mettentmoins d’énergie à réduire lesinégalités en matière d’inspection.Quant aux critères de notation, onpeut rêver qu’ils soient harmoni-sés et que les différences entredisciplines, entre hommes

et femmes, entre type d’établis-sement, zones géographiques disparaissent. L’attaque actuelle renforce l’ac-tualité de notre revendicationd’une intégration immédiate desindices terminaux des hors-classes(INM 782 pour les certifiés et 962pour les agrégés) dans les classesnormales, par un repyramidagedes corps en un seul grade de 11échelons. Nous revendiquons descarrières parcourues en 20 ans etdont l’échelonnement doit sesituer pour les certifiés et assi-milés entre les indices 495 et 782,et pour les agrégés entre 518 et962, avec pour les chaires supé-rieures un débouché à l’échelle-lettre B.Pour l’immédiat, la hors-classedoit rester un débouché de car-rière ouvert à tous. Le SNEScontinuera à intervenir danschaque CAPA pour faire vivre ledroit de chaque collègue à despromotions équitables. Pour pré-parer les CAPA qui vont se réunir,consultons les avis émis par leschefs d’établissement et l’inspec-tion, n’hésitons pas à les contester,signons la pétition intersyndicaledisponible dans L’US... et sur lesite. Erick Staelen

PRECARITÉ TOUTES LES RAISONS DE CONTINUER À AGIRLa victoire contre le CPE est incon-testablement une première victoiredu mouvement social contre la pré-carité dans le privé. Le Premierministre a dû concéder l’ouverture dediscussions sur la précarité desjeunes. C’est dans ce cadre que lessyndicats de la fonction publiquedont la FSU ont écrit au ministre dela Fonction publique pour que le pro-blème des précaires du secteur publicsoit enfin considéré et en deman-dant d’ouvrir des négociations (voirla lettre sur notre site ou celui de laFSU), en réitérant que le CDI n’est pasla solution et que la solution du pro-blème de la précarité passe par la

mise en place de nouvelles mesuresde titularisation pour tous dans lescorps de la fonction publique. Il fautaussi d’urgence mettre sur la tableles mesures à engager pour la limi-tation du recours à l’emploi précaire.Dans le second degré, depuis la ren-trée de nombreuses actions ont eulieu, aussi bien à Nice que Toulouseou à Versailles et Créteil (campe-ment maintenu depuis plusieursmois). Le SNES est à l’initiative d’uneintersyndicale large sur la questionqui vient d’écrire au ministre pourune audience unitaire. Ce doit êtreaussi l’occasion de renforcer la mobi-lisation nationale à tous les niveaux,

dans les établissements en dénon-çant le recours à la vacation, dans lesrectorats où le SNES demande desgroupes de travail sur la question duCDI mais aussi pour l’établissementet le respect des barèmes. Il estnécessaire que tous les non-titulairespuissent rester sur les listings etrenouvellent leur vœux. Toute autrepratique serait injuste et cette ques-tion devient cruciale alors que denombreux collègues sont en chô-mage. Il est urgent de signer et defaire signer la pétition unitaire « tousensemble contre la précarité » surnotre site.

Secteur non-titulaires

Calendrier des CAPAAgrégés : avant la fin mai

Certifiés-CPE : cf. supplément à L’US

N’oubliez pas de faire parvenir votre fiche syndicale

Avec cette US,4 pages spécial

Hors-classe certifiés et CPE,

Fiche syndicaleincluse

Page 31: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

32 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

Universitéd’été

à LaHavane

Juillet 2006La Didacthèque de Bayonne, avec lesoutien du ministère de l’Éducation deCuba, organise une université d’étéouverte à tous les personnels del’Éducation nationale et à leurs proches.Quatre options :• Culture cubaine.• Danse.• Percussions.• Cours intensifs d’espagnol (initiation ou perfectionnement).

Séjour de deux semaines du 14 au 27 juilletPrix tout compris 1965 euros (payable en 3 fois)

• Prix exceptionnel de 1 860 euros pour lesaccompagnants.Les prestations comprennent : adhésion à la Didacthèque deBayonne, vol aller-retour Paris-La Havane, frais de carte de tou-risme et d’assurance, hébergement en pension complète enchambre double, cours et activités complémentaires, visites,soirées, une excursion et une fête finale. (Possibilité de prolongerle séjour pour découverte individuelle de Cuba.)

Date limite des inscriptions 30 avril.

c/o IUT 3, avenue Jean-Darrigrand, 64115 Bayonne Cedex

Tél. : 05 59 57 42 90 – Fax 05 59 57 43 09E.mail : [email protected] internet : www.didactheque.com

Publicité

DÉCHARGES STATUTAIRES

Alourdissement des services ?L

e rapport commandé à l’ins-pection générale de l’admi-nistration de l’Éducation

nationale et à l’inspection géné-rale des finances sur lesdécharges statutaires des ensei-gnants du second degré, vrais-semblablement achevé, n’a pasencore été rendu public.Le résumé est en revanche connu,nous en publions ci-contre delarges extraits. Celui-ci ne donnepas le détail des propositions desauteurs du rapport mais il remetclairement en cause les décretsde 1950 qui sont le fondementde l’organisation de nos services.Les recommandations des auteurspoussent à renvoyer à l’établis-sement la distribution des heuresde décharges en fonction des pro-jets d’établissement. Cela auraitpour conséquence de remettre encause le caractère obligatoire des

décharges aujourd’hui systéma-tiquement attribuées dès lors quesont remplies les conditions statutaires.Ce rapport semble donc dans ladroite ligne du rapport (censuré)annexé à la loi Fillon où l’onlisait déjà : « en raison de l’évo-lution des conditions d’ensei-gnement, le fondement de cer-taines décharges spécifiquesdevra être réexaminé de sorte queles établissements disposent demoyens propres pour mettre enoeuvre leurs priorités pédago-giques au service de la réussite detous les élèves »et dans celled’autres rap-ports commecelui de la Courdes comptes surles « ensei-gnants sans

lègues enseignant en BTS, leurpertinence pédagogique étantjugée « contestable ».Une vigilance particulière estdonc de mise.

Fabrice Giovanazzi et Frédérique Rolet

Plus d’informations sur les audits :http://www.snes.edu/clet/rubrique.php3?id_rubrique=128

Le rapport sur la « grille horaire desenseignements en lycées » serapublié en juin dans la troisièmevague d’audits en même tempsqu’un audit sur les « grilles horairesdes enseignements en collège » etun sur la « carte de l’enseignementprofessionnel et offres d’optionsdans les établissements profes-sionnels ».

CATÉGORIES

élèves », rapport dont nous avions dit à l’époque qu’il « fris(ait) la désinformation ».Il semblerait que les menaces seprécisent particulièrement sur lesdécharges UNSS mais aussi lespondérations accordées aux col-

Objet de l’audit- Différents rapports, notamment duSénat et de la Cour des comptes, ontdéjà critiqué le dispositif desdécharges qui est principalementréglementé par des décrets de 1950.- Les décharges de service au senslarge représentent environ 28 000ETP (2005), hors déchargessyndicales. (...)

Diagnostic- Les décrets de 1950 ne sontplus adaptés à la réalitéactuelle du travail des enseignants.- La base juridique de nombreuxmotifs de décharge est fragile.- Le contrôle de leur emploi estinsuffisant.- La pertinence de toutes lesréductions de service n’estpas avérée. A contrario, d’autresdécharges paraissent pleinementjustifiées et devraient être «légalisées ».

Recommandations des auditeurs (...)- Instaurer une véritable politique degestion des heures de décharge :• contingenter le volume de certaines décharges ;• déléguer les enveloppes d’heures de déchargeaux académies en fonction de la cohérence desprojets des académies avec les objectifsnationaux ;• au niveau de l’académie, déléguer des heuresde décharge aux établissements en fonction desprojets d’établissements ; (...)• offrir aux enseignants qui ne bénéficieraientplus de décharges la possibilité d’effectuer unnombre équivalent d’heures supplémentaires.

Impacts attendus- Pour la rentrée 2007, donner une utilitéréelle à toutes les décharges deservice, conforme aux objectifs du systèmeéducatif.- Responsabiliser les académies etrenforcer l’autonomie des établisse-ments par une politique active de gestion desdécharges fondée sur des projets, des objectifset des indicateurs de résultat.- Maîtriser le volume des décharges.

Les décharges statutaires des enseignants du second degréExtraits de la synthèse du rapport de l’audit, voir le texte complet :http://www.minefi.gouv.fr/performance/audit/audits_02.htm

COMMISSION PARITAIRE NATIONALE DES CHAIRES SUPÉRIEURES

La CAPN d’avancement d’échelon s’est tenue le 31 mars, elle examinaitla situation des professeurs de chaire supérieure promouvables au choixau cours de l’année civile 2005. Les promotions au choix sont rétro-actives et feront l’objet d’un rappel de traitement. Les collègues nonpromus au choix avanceront à l’ancienneté de façon automatique. Laprochaine CAPN se tiendra fin mai et sera consacrée à la nominationdans le corps des chaires supérieures des professeurs enseignant enclasses préparatoires aux grandes écoles, sur propositions de l’Ins-pection générale. Le SNES peut intervenir grâce à la fiche syndicale(magazine précédent) à renvoyer impérativement avant le 10 mai.

Jean-Hervé Cohen, [email protected]

(*) Détails et statistiques sur les CAPN, www.snes.edu, rubrique revalorisation.

©T

hier

ry N

ecto

ux

Page 32: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 1

Pour nous, il y a l’avantet l’après 2002

2002, c’est un énorme déficit dedialogue entre les gens. Chacunfonctionne dans son milieu : lesassociatifs, les artistes, les syn-dicats, chacun dans son coin. En2002, des collectifs artistiques etassociatifs se créent, se rencon-trent, se parlent. La parole confis-quée, monopolisée, éloignée dumonde réel est rendue aux acteursde terrain. Car il était vital depallier cette déficience et de réaf-firmer le collectif. Dès le 10 mai2002, nous animions avecd’autres une semaine contre lapeine de mort à Montpellier pourfinancer la campagne en faveur

PORTRAIT/TÊTES RAIDES

de deux condamnés aux USA.Certes, un certain nombre d’as-sociations est impliquée danscette cause. Cette semaine-là,elles ont travaillé en synergie,entraînant dans la lutte des orga-nisations dont l’objet n’était pasprioritairement celui-là. Tousréunis pour défendre les libertésfondamentales.

Porter la mobilisation au-delà des collectifset associations concernésC’est le sens aussi de notre enga-gement contre le projet de loicontre l’immigration. L’importantest la mobilisation la plus largede ceux qui ont, pour ceux quin’ont pas, qui n’ont aucun créditauprès des autorités, des médias,des politiques. Il faut que ceuxqui ont des droits défendent ceuxqui n’en ont pas. Le combathumanitaire contre la maltraitanceexercée contre l’être humain n’ap-partient pas à une association. Lespolitiques devraient être plusconcernés par cette violence faiteaux hommes. Le projet de loi estabject, lutter contre lui est unequestion d’humanité.Ce qui me frappe, c’est un reculextraordinaire de l’histoire. A-t-onoublié ces milliers de Polonais,de Portugais, d’Italiens, que l’ona fait venir pour satisfaire aux

besoins du pays, maintenant par-faitement intégrés? A-t-on oubliéqu’il y a moins de deux cents anscelui qui habitait le village d’àcôté était l’étranger ? Les poli-tiques sont amnésiques : il estdésespérant de voir comment onreconduit les mêmes situations.On fait venir les gens quand on ena besoin, on les jette quand ilssont jugés inutiles. Nous reve-

nons 60 ans en arrière. Commentun homme politique peut-il s’in-téresser aux gens s’il n’est mêmepas humain? Et je veux parler dedéficit de mémoire : songeons àl’accueil fait aux Républicainsespagnols dans les camps d’Ar-gelès. Le décret scélérat de la loide février 2005 est une auto-amnistie pour certains hommespolitiques.

L’inquiétude estde parvenir à faire passerle messageLa question des étrangers estd’une telle inhumanité qu’ellen’est pas tolérable. Il faudrait fairecomme aux États-Unis une jour-née sans étrangers (cf. journéesans latinos aux USA) pour quel’on visualise la place et l’impor-tance des étrangers dans la sociétéfrançaise sur le plan économique,social, culturel et sportif. Ondemande l’excellence aux étran-gers dans tous les domaines : ilfaut obtenir des médailles olym-piques et on veut, par le tri sélec-tif des « compétences et destalents » l’excellence économique.C’est d’une abjection totale.L’humain est au préalable de tout.Mixité sociale, diversité des cul-tures, égalité des droits doiventêtre le fondement de l’État. Qu’at-

tendent les sportifs de haut niveaupour prendre la parole, pour nousrejoindre? On n’entend guère queThuram et sa voix inflexible pourdéfendre les droits fondamentaux.

Mais actuellementle système politiquemarche sur la têteQu’offre-t-on aux jeunes avec leCPE? Un horizon bouché, sansespoir. Mais au-delà, que penserd’un gouvernement qui inscritdans une loi qu’il fait voter, ledialogue et ne se l’applique pas àlui-même? Il délégitime de faittoute sa politique. Heureusement,le bon sens a triomphé de labêtise.Aujourd’hui, les Têtes Raides nepeuvent plus se limiter à faire dela musique, et c’est bien dom-mage car cela veut dire que lemonde va mal. Malgré tout, cequi est inestimable dans le 2 avril,dans le collectif Uni-e-s contre

une immigration jetable, lors duconcert, c’est la synergie entreles associations, les artistes, lessyndicats, les politiques, au-dessus des luttes intestines. Làest l’avenir : il faut viser haut.

Propos recueillis par Marylène Cahouet

Ce visuel estl’œuvre de LionelLe Neouanic,membre du groupe.

Il faut que ceux qui ontdes droits défendent ceux

qui n’en ont pas

DR

LE GROUPE EST NÉ EN 1984 : une bande de copains de la banlieue sud de Paris, fous de musique. Sept musiciens aujourd’hui.Premier album en 1989 : « Not dead mais bien raides », et depuis une histoire qui dure à la vie, à la scène et sur les routes. Legroupe travaille les climats, les couleurs, les humeurs des instruments. Les Têtes Raides ont bousculé nos habitudes de la chansonfrançaise, ils ont su apporter un ton, une émotion, un langage nouveaux. L’album « Fleur de yeux » a été classé dans lesdisques de l’année par Le Monde et Télérama. Sur scène : poésie, lumière, humour, atmosphère, éclairés de cuivres inventifs. LesTêtes Raides c’est aussi l’engagement. Le groupe intervient dans les établissements scolaires au niveau musical et graphique.Mais le manque de disponibilité et de temps limite ces interventions. Au plan plus général, le groupe a été très impliqué dans lesconcerts « avis de KO social » qui ont marqué 2003 et 2004. Aujourd’hui, il prend toute sa place pleinement dans le combat contrele projet de loi sur l’immigration. L’engagement vient de loin. Mais laissons parler Grégoire Simon, leader des Têtes Raides.

Têtes Raides : artistes engagés

Page 33: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

34 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

FENÊTRE SUR LA BLOGOSPHÈRE

Un blog peut être compris comme un sys-tème englobant images, textes, sons etliens permettant l’émergence de rap-

ports, c’est un hypertexte. Ces rapports peu-vent être internes : on associe un texte à uneimage, à un son, ou aux deux ; ou externes :commentaires du visiteur, liens entre blog,interactivité. Entrer dans la blogosphère sup-pose de comprendre que ces rapports répon-dent à des règles et procédures précises fixant,limitant, contrôlant et produisant les dis-cours, les images et les liens possibles.Par principe, le blog semble permettre le dia-logue et l’exercice d’une pensée vivante enpartant d’un texte ou d’une image pour allervers des perspectives multiples. La blogo-sphère serait alors un espace où se changentet s’échangent les idées et les représenta-tions du monde.Mais l’on pourrait aussi supposer que repré-sentations et choix proposés sont eux-mêmeslimités. Alors que nous croyons promouvoir laliberté de penser et de savoir au travers de cetoutil, les blogs ne seraient en fait qu’un moyenrapide et puissant d’imposer à la planèteconnectée les visions du monde à la mode etrien de plus, ajoutant à la mondialisation éco-nomique une mondialisation idéologique.Aidons-nous des catégories qu’utilise MichelFoucault dans L’ordre du discours (NRF,

Gallimard, 1971). Dans le discours écrit, il ya une réalité matérielle dont les procéduressont souvent connues, parfois institutionna-

lisées. Dans les blogs et dans tout hyper-texte, il y a une part d’invisible majeure,contenue dans les interfaces et les liens qui

Xxxxxxx

1996, PREMIERS BLOGS EN FRANCE, 6 millions aujourd’hui, 8 blogueurs sur 10 n’ont pas 24 ans. Nos élèvespassent du temps sur la blogosphère, des politiques y font campagne, les étudiants s’en servent pour fédérerla lutte anti-CPE... Si la plupart des blogs restent quasi-privés malgré leur implantation dans l’espace public,d’autres deviennent vite des espaces de débat approfondi et parfois contribuent à « faire l’opinion ».Les enseignants ne peuvent plus ignorer ce « phénomène ».

La blogosphère? De quoi s’agit-il ?UN BLOG POUR QUOI FAIRE ?

Quelques exempleset citations• Blog centré sur son rédac-teur : « Plein de photos surma vie et mes passions,comme sur les autres blogsen fait... » – « Journal d’uneenseignante dans un collègedit difficile » – « Sé un blog ouje mé mes envies ».•Blog d’une communauté : uneclasse de CPGE, avec échangesvariés dont un lien commentévers le blog du prof. de maths,«très bien fait, et [...] pour celuiqui aime aller voir un peu plusloin...» ; dans le 9-3, le Bondy-blog http://previon.typepad.com/hebdo/, « [depuis] novembre2005, [...] pour comprendre etraconter les banlieues fran-çaises».

• Blog d’enseignant, aveccours et espaces où se lâcher(humour, ...).• Blog thématique pour unecommunauté d’intérêt oud’obsession (philatélie... oudébat approfondi sur unequestion d’actualité).• Espace de création (arts,lettres...) solitaire ou inter-active.•Blog d’entreprise, à fonctioninterne ou comme outil depublicité.• Blog d’ information, de« réflexion », blog d’élus... A. Juppé, S. Royal... site duMEDEF en vue des électionsde 2007... Information oudésinformation, on ne saitpas toujours, blogs et listesayant tendance à cloner à

l’infini des rumeurs invéri-fiables.• Blog fédérant une commu-nauté en action : http://cpejussieu.free.fr/ ou http://premiereembuche.blogspot.com/,... Ces blogs ont joué unrôle majeur dans les luttesanti-CPE. Parfois très réac-tifs : mise à jour par téléphoneportable.Alors, outil de l’individualismeet du narcissisme ou outil dela solidarité... ? Si la plupartservent à des fins d’auto-représentation et si, l’anony-mat aidant, beaucoup déri-vent vers un bavardageauto-entretenu, ce sont ausside bons outils pour débattre,partager des informations,organiser des actions.

Page 34: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril - US MAGAZINE - 35

donnent à voir des virtualités non encoreréalisées. Pour autant, la production du dis-cours, des enchaînements, des liens, desimages est contrôlée par un certain nombre deprocédures, ce que Foucault appelle les pro-cédures d’exclusion :• L’interdit : on n’a pas le droit de parler detout en n’importe quelles circonstances. Cesinterdits se manifestent surtout dans lesrégions de la sexualité et de la politique.Rapporté aux blogs, cela signifierait-il quedes liens sont interdits ou que des régions sontinaccessibles? L’interface a-t-elle des facescachées ?• Le Partage et le Rejet : est rejeté et qua-lifié de « fou » celui dont on ne veut pasentendre parler : Galilée ou Nietzsche enparlent très bien. Si nous poussons cet argu-ment à l’extrême, quelque chose d’essentielapparaît : il ne peut y avoir de folie sur Inter-net puisqu’un tel discours ne pourrait circu-ler. Est-ce à dire que seul le conformisme peutse répandre ?• La volonté de vérité : la plupart des dis-cours sont contrôlés par une volonté de vérité,souvent rien d’autre que l’opinion commu-nément admise, qui aujourd’hui se manifestecomme volonté d’informer (à tout prix). Cettevolonté peut être vue comme une formidablemachine à produire de l’exclusion. Un certainnombre d’images et de commentaires tendentà remplacer de façon illusoire le réel.Ces procédures nous semblent à l’œuvredans les blogs. Sous couvert d’informationspersonnelles ou personnalisées (donnant par-fois même l’illusion de l’intime ou du privi-lège), les images et les informations sélec-tionnées et reprises, nous invitent à un certaintype de discours. Que penser de ces faussesinformations que l’on peut recouper et retrou-ver sur des centaines de blogs différents et quis’avèrent venir d’une seule et même source?Cela nous permet de comprendre qu’à chaqueimage, à chaque commentaire s’attache uneperspective qui exclut les autres : une idéo-logie qui suppose et conditionne un certainnombre de représentations, de discours et deliens – ce que nous pourrions appeler lespolices discursives de l’interface. Ces policesprédéfinissent des usages. Il reste encore àdéterminer les conditions de leur mise en jeu,à exhiber les règles de ceux et à ceux qui lespossèdent, à comprendre que paradoxalementelles ne permettent pas d’avoir accès à tout etqu’elles ne permettent pas à tout le monded’avoir accès à elles. Apparemment libérés, lesblogs sont pris dans un jeu de contrôlesmoraux, culturels, juridiques et idéologiqueslimitant leurs contenus et possibilités, limitantla trop grande prolifération de discours oud’images, et ainsi tentant d’organiser ledésordre qu’ils peuvent faire surgir. ■

Olivier Tibloux, Professeur de Philosophie

Un peu de technique... Si peu !Un blog... c’est quoi ?C’est un site-perso fréquemment actualisé,sur lequel une ou plusieurs personnes s’ex-priment librement. Blog vient de web log soit« bloc-notes sur Internet ». Les blogs se pré-sentent souvent comme des journaux«intimes», des carnets de voyages, de cam-pagnes électorales, des albums de photoscommentés... Les pages sont souvent pré-sentées de façon anté-chronologique et levisiteur est appelé à commenter sa visite. Onpeut ainsi comparer blogs et forums ; maisdans un forum les interlocuteurs ont tous lemême statut et sur un blog son rédacteur al’initiative ; d’autre part le blog ne nécessitequ’un banal navigateur, pour éditer commepour visiter ou poster un commentaire.Pas de pré-requis techniques...Formulaires tout prêts... présentation convenue.

Privé ou public ?• Avec photos, anecdotes et agenda familial,le blog sera visité et commenté par la famille,informée de l’adresse ! Privé et discret... dansun espace public.• Souvent des liens réciproques entre « blogsamis » créent un réseau relativement fermé.Des liens variés vers des sites soucieux deréciprocité font qu’en naviguant de lien en lienon parcourt une communauté.• Un thème qui «accroche », un discours quiintéresse, peuvent attirer des visites, amenerdes commentaires et provoquer des liensentrants... et les moteurs de recherche, quisuivent l’activité du web, amplifieront le phé-nomène en faisant monter le blog vers leshauts de listes.

• On peut demander le référencement (dansGoogle...) ou l’éviter, voire limiter l’accèspar un mot de passe.• Certains usages opposent sites classiques etblogs : sur les uns on se doit de s’identifier, surles autres le pseudonyme est bien vu !

Créer son blogPour choisir une plate-forme, explorer afin derepérer un serveur dans lequel on se sent en«bonne compagnie » : Skyblog, Canalblogg,Blogger, Over-blog ou Slaceblog (ces 2 der-niers sans publicité) sont gratuits. Quelquesclics pour s’inscrire et s’identifier, puis pourcréer sa première page, se situer dans unthème (annuaire) et choisir quelques optionscomme décider si les commentaires devrontêtre validés avant d’apparaître en ligne.Reste à l’alimenter : textes « originaux »,photos, liens.Le fil RSS est un fil de nouvelles : il signaleles nouveautés à des blogs « amis » où ellespeuvent même s’incorporer pour... un enri-chissement « facile »...Rétrolien : depuis un billet, lien vers l’ar-ticle cité, la musique dont on parle...

Chercher sur les blogsPar défaut, les outils de recherche explorenttout le web. Google offre une option dirigéevers les plates-formes de blogs, lesquellesoffrent toujours une recherche par thème. ■

POUR EN SAVOIR PLUS• Un excellent article de Wikipedia, ency-clopédie libre coopérative :http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog• Des dossiers dans vos médias en ligne.• Pointblog http://pointblog.com, magazinetraitant de l’actualité des blogs (pour tous).

QUID DES DROITS ET DEVOIRS?Même caché par un pseudonyme, chacundoit respecter le droit en matière d’éditionou d’expression publique.Des affaires judiciaires ont mis en cause desélèves insultant leurs professeurs, des col-

lègues anonymes mais identi-fiables exposant leur vie pri-vée. Des salariés se sont vuslicenciés du fait de la relation deleur vie professionnelle. L’hé-bergeur est responsable, d’oùune icône « contenu illégal »pour signaler toute anomalie.

Pages préparées par Alain Prevot, professeur de SVT, [email protected]

http://www.adapt.snes.edu/article.php3?id_article=425

Page 35: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

FORUM SOCIAL EUROPÉEN D’ATHÈNES : Il se tiendra du 4 au 7 mai et réunira de nombreuses organisationssyndicales et associations autour de thèmes comme droits sociaux, les migrations, la démocratie, ...

Enjeux Olympiques

36 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

INTERNATIONAL

C’est sur l’ancien complexeolympique, à 13 kmd’Athènes, que se tiendra

du 4 au 7 mai le prochain FSE.Après la manifestation euro-péenne contre la directive Bol-kestein, après la levée en massedes forces sociales françaisespour arriver à lever l’hypothèquedu Contrat Première Embauche,le Forum sera un nouveau tempsfort qui réunira de nombreusescomposantes de la société civileeuropéenne contre la conceptionnéolibérale de l’emploi, entreautres thèmes.

Unité syndicale gréco-turqueQuasiment toutes les composantessyndicales de Grèce et de Turquietravaillent à son succès. La FSU,la CGT et Solidaires coopèrentaux côtés d’associations commela FIDH, le CRID ou ATTAC,pour assurer une participationfrançaise à la hauteur des enjeux,à savoir combattre la précarisationcroissante, la privatisationprogressive des biens publics, lamontée des inégalités et de l’in-justice sociale, les politiques sécu-ritaires et faire entendre la voix decette société civile européenne enconstruction à travers des propo-sitions alternatives crédibles. Dupoint de vue des forces syndi-cales étrangères, sont investis laFGTB et la CSC Belges, la CGIL

Italienne, IG Metal (Allemagne)etc... La Confédération Euro-péenne des Syndicats a le projetde réunir les forces syndicalesjuste avant l’ouverture du forumle mercredi 3 mai, pour les inciterà y participer. Elle est à l’initiatived’un séminaire sur les luttes pourles droits sociaux en Europe ; la

présence de John Monks à lamanifestation anti-CPE du 4 avriltémoigne bien du souci de la CESd’étendre au niveau européen lamobilisation contre l’emploiprécaire. Dans la préparation duforum, un gros effort a été fournipour aider à la participation despays de l’Est.

Axes de travailFinalement, le programme a étébouclé autour de 17 axes théma-tiques comme les droits sociaux,la précarité, la place du travail,les migrations en Europe, ladémocratie et les droits fonda-mentaux, l’alternative féministe,éducation culture et médias, etc.Les réseaux constitués autour deces axes ont construit unensemble d’activités. Les grandmesses ou plénières ont disparuau profit des assemblées etséminaires issus des acteurs de terrain.

ConcertsUn concert antiraciste ouvrira leFSE le mercredi 3 au soir aucentre d’Athènes, un concertcontre la guerre aura lieu le ven-dredi 5 au soir sur le site du FSE.Une manifestation viendra clôturer le forum le samediaprès-midi 6 mai. Le dimanchematin sera occupé par l’assem-blée des mouvements sociaux,chargée de recueillir toutes lespropositions émises dans lesséminaires.

FSUOn attend une quarantaine dedélégués de la FSU et de ses syn-dicats ; certains interviendrontsur les thèmes des servicespublics, de l’emploi, des femmes,des migrants et de l’éducation.Si ce FSE développe l’informa-tion sur le contenu précis despolitiques européennes, s’il tissedes liens de coopération encoreplus étroits entre forces syndi-cales et associatives réunies, ilpeut alors aider à une mobilisa-tion sociale à l’échelle euro-péenne autour des objectifs destabilité de l’emploi, de valori-sation des services publics, dejustice sociale, de paix et dedémocratie. ■

Dominique Giannotti

(1) FIDH : Fédération Internationaledes ligues des Droits de l’Homme(2) CRID : Centre de recherche et d’in-formations pour le développement

L’éducation au centre du FSELe Collectif Européen en charge de l’éducation a travaillé d’arrache-pied pendant un an pour faire de ce thème une desclefs de voûte du FSE d’Athènes. Tous les syndicats grecs de l’éducation y ont beaucoup contribué. Participeront éga-lement la NUT de Grande Bretagne, la GEW Allemande, la FCCGIL Italienne, la FECCOO et le STES Espagnols, EGITIM SENde Turquie ; pour les étudiants, l’ESIB européenne, l’UNEF ou la NUS Anglaise.Au final, huit séminaires et une assemblée réuniront 17 pays et 42 organisations. On y traitera des politiques européenneset des résistances. Des propositions y seront élaborées. Trois séminaires établiront des liens transversaux avecd’autres espaces : femmes - migrants et pays de l’Est. D’autres seront centrés sur le droit à l’éducation, l’exclusion sociale,l’enseignement supérieur et la recherche, les contenus d’enseignement ou l’évaluation. Y interviendront des membresd’organisations travaillant au sein du Collectif éducation français comme ATTAC, les CEMEA, la FERC-CGT, le GFEN, leRéseau Éducation Sans Frontières, l’UNEF, ainsi que des syndicats de la FSU (SNEP, SNES, SNESup, SNETAP, SNUIPP). LeComité Syndical Francophone de l’Education et la Formation sera également présent.Un espace éducation sera aménagé avec présentation de documents des différentes organisations et projection desrésultats de l’enquête menée par le réseau sur les réformes en cours dans 6 pays d’Europe. L’UNEF viendra témoignerde la lutte contre le CPE, lutte déjà devenue emblématique au niveau européen de la capacité des jeunes et des syn-dicats à surmonter les sirènes de la « fatalité néolibérale » grâce à un combat unitaire. ■

©D

R/T

ibur

on S

tudi

os

Page 36: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 37

ANGLETERRE. Les deux plus grands syndicats du secteur de l’éducation viennent deréunir leur congrès annuel. La NASUWT (National Association of SchoolmastersUnion of Women Teachers, 236 000 adherents) à Birmingham du 12 au 15 avril et laNUT (National Union of Teachers, 246 000 adhérents) à Torquay du 14 au 18 avril.

RETRAITES, PRIVATISATIONS,...

Trade Unions versus New Labour

États-Unisi

Salaire au mériteEn Floride, le gouverneur républi-cain, Jeb Bush, vient d’instituer unnouveau programme de rémunéra-tion des enseignants au mérite.Désormais ils seront rémunérés enfonction des résultats de leursélèves aux examens. Contesté parles syndicats, ce nouveau systèmesera obligatoire dès l’année pro-chaine. Les écoles devront distin-guer leurs meilleurs professeurs(10 % du total) par une augmenta-tion de salaire de 5 %.

États-Unisi

Bienvenueau XIXe siècleRoger Toussaint, président du syn-dicat des transports de la ville deNew York vient d’être condamné àdix jours de prison. Son crime? Avoirdéclenché une grève de trois jours,la première depuis 1980. Ce typed’action syndicale est en effet inter-dit aux employés du secteur publicdepuis les années Reagan.

Royaume-Unii

RetraitesPour protester contre la disparitionde leur pension de retraite, en raisonde placements hasardeux à labourse, des retraités britanniquesont défilé nus dans les rues deLondres. Les fonds de pensions bri-tanniques seraient en déficit d’en-viron 220 milliards d’euros.

RFAi

39 heuresAprès deux mois de grève, les syn-dicats de la fonction publique onttrouvé un accord dans le land duBade-Wurtemberg. Les salariés ontaccepté un allongement limité dutemps de travail de 38,5 heures à39 heures au lieu des 40 voulus parl’employeur. Par ailleurs, le syndi-cat de la métallurgie, IG Metal, alancé des débrayages pour obtenirune augmentation salariale de 5 %par an.

Chinei

LibéralisationDans un rapport publié le 3 avril, laCISL (Confédération Internationaledes Syndicats Libres) dénonce unecompétitivité reposant sur « l’ex-ploitation des travailleurs sous-payés » chinois. Pour une croissanced’environ 10 % par an depuis lesannées 1990, l’emploi n’aurait aug-menté que de 1,1 % par an : « Lachine compte autant de chômeursque tout le reste du monde réuni ».

Les syndicats affrontent legouvernement Blair sur deuxdossiers principaux. Alors que

le gouvernement Blair ne cesse devanter les mérites des « acadé-mies» au prétexte que les résultatsdes élèves y sont bien meilleurs, lecongrès de la NASUWT a exigéun moratoire sur la mise en œuvrede ce programme.

Non aux « académies »Il revient, selon le syndicat, à uneprivatisation de l’enseignementpublic avec des établissementsscolaires placés sous contrôle desponsors tels que des entreprisesou des églises. Une motion ad’ailleurs été adoptée à ce sujet.Le congrès de la NUT a réaf-firmé son opposition à ce typed’établissement et décidé depoursuivre sa campagne en direc-tion de l’opinion publique. Plu-sieurs raisons à cela. Contraire-ment à ce qu’affirme legouvernement, les « académies »ne sont pas un modèle à suivrepour l’ensemble des établisse-ments anglais du second degré.Ils bénéficient d’un financementpublic largement supérieur à celuides autres établissements, 21 000livres par élève au lieu des 14000attribuées en règle générale. Ilspratiquent des formes de sélec-tion dans les procédures d’ad-mission qui tendent à attirer en

plus grand nombre les élèves desmilieux favorisés, d’où la mixitésociale menacée. D’autre part,les sponsors exercent uneinfluence sur le contenu des pro-grammes scolaires en y introdui-sant leurs propres valeurs mana-gériales.En dehors de toutcontrôle des autorités locales(1),ils affaiblissent l’exercice de ladémocratie locale. La motionadoptée souligne d’ailleurs que« ces “académies” font partied’un processus de privatisationplus vaste à long terme dans l’en-semble du secteur public ».

Retraite à 60 ansLa question des retraites a faitl’objet de débats dans les deux

congrès. C’est la menace d’unfront syndical uni à travers tout lesecteur public qui a contraint legouvernement Blair à renoncer àtoute tentative de faire passer à65 ans l’âge de départ à la retraitepour les personnels enseignants.Mais si l’âge de 60 ans reste lanorme en vigueur pour les ensei-gnants déjà en poste, il n’en vapas de même pour les « nou-veaux entrants », c’est-à-direceux qui sont entrés dans la pro-fession en septembre 2005 etceux qui la rejoindront en sep-tembre 2006. Ces derniers risquent de voirleurs droits à pension considé-rablement dégradés avec undépart à la retraite fixé à 65 ans.Cette inégalité de traitement estinacceptable pour la NASUWTcomme pour la NUT. Les deux syndicats sont engagésdans des négociations avec legouvernement afin de faire échecà cette réforme et d’améliorerplus globalement le système desretraites. ■

Odile CORDELIER

(1) Les autorités locales (LocalEducation Authorities) sont lesemployeurs légaux des person-nels enseignants. Elles emploient environ 450 000enseignants pour huit millionsd’élèves.

Appel

Malgré l’amnistie proclamée par Hassan II en juillet 94, malgré les engagements de l’actuel gouvernement, alors quel’Instance Equité et Réconciliation prône la réparation et laréhabilitation des victimes des atteintes graves aux droits del’homme, y compris celles de l’exil forcé, le gouvernementmarocain tergiverse pour permettre la réhabilitation de tousles anciens exilés et réfugiés politiques.Pour exiger cette réhabilitation, un rassemblement est prévujeudi 4 mai à 18 h devant l’Ambassade du Maroc, 5 rue Le Tasse, 75016,à l’appel des exilés et réfugiés politiques marocains, anciensfonctionnaires de l’Éducation nationale marocaine. Le SNES et la FSU sont signataires de cet appel.

©D

R/M

iche

lle J

unio

r

Page 37: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

CULTURELivres/Revues

Notre sélection� FEMMES ET HISTOIRE

Comment écrire une histoireorale ? Comment la transmettre?Les Aborigènes d’Australie – voirles polars de Arthur Upfield, toustraduits aux éditions 10/18 – ontmis du temps pour faire recon-naître leurs droits, sur leur terre

comme sur leur identité. La colonisationet son complice le racisme voulaient lesrendre invisibles. L’autobiographie defemmes désormais à la mode permet deretrouver le chemin de leur identité,de leur savoir. Elles jouent de ce fait unrôle essentiel, revendicatif. Fanny Duthilexplique et fait partager ce combat.•Histoire de femmes aborigènes, FannyDuthil, Le Monde/PUF, 246 pages.

� CRIME D’ÉTATSouvenir d’un nuage radioactif quine serait pas passé par la Francece 26 avril 1986 – un anniversaire –,jour de la catastrophe de Tcher-nobyl. Wladimir Tchertkoff a menécette enquête aux accents de

réquisitoire, qu’il faut lire pour se rendrecompte de la réalité et, peut-être, dece qui attend le monde. Rappel des faits,témoignages, portraits – certains sontmorts peu de temps après – dressentl’état des lieux de mensonges d’États, deces gouvernements qui ont voulu pro-téger l’industrie nucléaire. De là dateune profonde contestation de la notionmême de progrès... N. B.• Le crime de Tchernobyl. Le goulagnucléaire, Wladimir Tchertkoff, Actes Sud,718 pages. 25 euros.

� LE CAPITAL OU DES « CAPITAL » ?La définition économique de Capi-tal est cernée par Marx et par laplupart des économistes, mis àpart les néolibéraux. Bourdieuavait conçu celle de « Capitalsocial » pour circonscrire la place

de chaque individu dans la société. Cettenotion a été reprise par les sociologuesaméricains pour l’intégrer dans lecontexte de la philosophie utilitariste. Nefaudrait-il pas abandonner ce concepttrop marqué désormais par cet envi-ronnement? La question est presqueposée dans l’introduction d’Alain Cailléet les textes réunis indiquent, le plussouvent a contrario, cette nécessité.Un débat à poursuivre. N. B.•Le capital social. Performance, équité etréciprocité, sous la direction d’AntoineBevort et Michel Lallement, La Décou-verte/MAUSS, collection Recherches.

� TECHNOLOGIE ET POLITIQUEHistoire et actualité font bon ménagepour aborder une question importante,le lien entre l’introduction d’une tech-nologie (une machine) et la politique,dans le sens de construction d’une formede société et mise en œuvre de volonté.Histoires aussi du luddisme, histoiresrenouvelées de refus d’une économiequi n’accepte que la loi de l’accumulationet donc du profit. Une thèse qui alimente

nos débats. N. B.•Les briseurs de machines. De NedLudd à José Bové, Nicolas Chevassus-Au-Louis, Seuil/Science ouverte, 270 p.

On se souvient que Alberto Manguel avait publié– aux éditions Actes Sud – une « Histoire de lalecture ». Il n’avait pas traité du rapport entre les

droits des femmes et la lecture. Longtemps, les femmesse sont vues refuser cet accès à l’imagination. Une porteinterdite dont elles ne devaient pas avoir la clé. Il fal-lait reprendre ce trajet de reconnaissance, d’une His-toire qui commence à s’écrire. Laure Adler et Stefan

Marc Bloch est le créateur de l’École des Annales. Il a voulu faire de l’histoire,une science sociale intégrant toutes les autres disciplines, l’économie et lasociologie en particulier. Il fallait dresser un portrait de ce combattant de la Pre-

mière Guerre mondiale et résistant dans la deuxième, torturé en 1944 et vraisem-blablement fusillé. Parcours d’une vie dont les traces sont des livres, des articles des-sinant une personnalité qui reste à tout jamais mystérieuse. Son fils, Étienne, a voulucet hommage. Sans jamais tomber dans la commémoration. Il a réussi un portrait vivantqui nous fait partager l’ébullition intellectuelle de cet entre-deux-guerres, où l’air dutemps obligeait à prendre position. Comme Hobsbawm, Bloch ne se souvenant qu’il était Juif que faceà l’antisémite et à l’antisémitisme. Cette période-là le lui rappelait à chaque seconde... ■ N. B.• L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Marc Bloch, Quarto/Gallimard, 1095 pages.

Deux peintres constitutifs de notremodernité font l’objet de deuxenquêtes permettant de les voir

autrement. Ingres? Est-il un peintreofficiel décoré, guindé, « propre surlui»? Ou un voyeur qui fait de l’éro-tisme la porte d’entrée de son œuvre?Stéphane Guégand – commissaire del’exposition Ingres (1780-1867) auMusée du Louvre – propose cette nou-velle vision, cette grille de lecture, en se moquantdes propos prudes de conservateurs de Musée ne vou-lant pas reconnaître cette approche érotique. Pourtantrien que « Le bain turc» aurait dû les confondre. Pen-dant longtemps ses dessins ont été cachés pour ne pasdévoiler cette propension à la sensualité et à la sexua-lité ouverte. Ses nus sont suggestifs et ne laissent pasignorer cet appel à la rencontre des corps. La démons-tration est convaincante. Plus jamais nous ne verronsIngres de manière traditionnelle. Il luiredonne sa dimension moderne, tout endégageant des constantes permettant decomprendre son projet. Le tableau estun ménage à trois où le regard du« spectateur» est essentiel.

Fêtons, puisque tout se fête, le100e anniversaire de la mort dePaul Cézanne pour constater que

ce maître de l’anti-art l’est resté. Ilsuscite encore la controverse, en par-ticulier les œuvres dites de jeunesse

révélant, pour la plupart des critiques,un mauvais goût inspiré par la gros-sièreté et la mise en évidence de sesfantasmes de viol et de peur desfemmes. Comme si le corps ne parlaitpas à travers la peinture, comme sil’art n’avait rien à voir avec nos rêvesdont Freud a démontré le lien avec lesexe. Dans ces « Études cézan-niennes», avec une violence douce

assassine, Jean-Claude Lebensztejn veut dessinerun Cézanne aussi nature que vrai. La première,« Les couilles de Cézanne», règle son compte àtous les bigots qui ne veulent voir que le génie abs-trait et non pas l’être vivant, le musée plutôt que lepeintre, le chef-d'œuvre et non pas les esquisses. Peignant ses rêves, ses cauchemars, ses souvenirs, sespassions inassouvies, Cézanne dessine, en mêmetemps que ses tableaux, sa vision du monde, vision

qu’il impose à ses spectateurs.Cézanne renaît, revient nous inter-peller au-delà de sa définition des dic-tionnaires, « créateur de l’art mo-derne», lui pourtant réactionnaire etantisémite tout en ayant eu commeprofesseur Pissarro... N. B.

• Ingres Érotique, Stéphane Guégand,Flammarion, 25 euros. Exposition aumusée du Louvre.• Études cézanniennes, Jean-ClaudeLebensztejn, Flammarion, 25 euros.

Bollmann ont choisi denous la faire partager viatableaux et photographies.À juste raison. Les artistessont liés par toutes lesfibres de leur inconscient,ces fils invisibles mais d’autant plus forts, à l’air dutemps, au « zeitgeist ». Une autre manière de considérerl’acte de lire, permettant, dans le même mouvement,de voir autrement les œuvres présentées. Le livre sereferme avec la photographie, signée Ève Arnold,représentant Marilyn Monroe lisant Ulysse de Joyce –un des romans les plus impénétrables du XXe siècle –,une sorte de quintessence de cette revendication dereconnaissance des droits. ■ Nicolas Béniès• Les femmes qui lisent sont dangereuses, Laure Adler etStefan Bollmann, Flammarion, 29 euros.

HISTOIRE OUBLIÉE DE LA LECTURE

La lecture comme libération

Un historien exigeant

À LIRE

38 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

Les droits des femmes s’affirment par les mobilisations, les luttes,les marches mondiales, dans tous les pays du monde tout en étantfortement contestés. Cet antiféminisme est à relier à la montée desintégrismes, des sectarismes, à la nouvelle place des femmesdéplaçant les inégalités et à la révolution libérale qui secoue l’en-semble des pays, en particulier ceux traités ici, des continents amé-

ricains et européens. Une somme nécessaire pour comprendre que les droits desfemmes sont partie intégrante du combat pour l’émancipation. N. B.• L’autonomie des femmes en question. Antiféminismes et résistances en Amérique et enEurope, sous la direction de Josette Trat, Diane Lamoureux, Roland Pfefferkorn, L’Harmattan.

Corps et âme

Page 38: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

� UN CENTENAIRELe 12 juillet 1906, la Coursuprême proclama l’inno-cence du capitaine Drey-fus dont le seul tort avaitété d’être Juif. Deux livres-documents viennent rappeler cetteaffaire qui vit la France coupée en deux.Zola dans celui des Dreyfusards,

Cézanne son ami dans celuides anti... En 1901, le capi-taine publie Cinq années dema vie à partir de son Jour-nal et, plus tard le frère,Mathieu, livrait ses propres

mémoires. Du côté du combat pour laréhabilitation. Apparaissent en pleinelumière une armée et une société gan-grenée par l’antisémitisme, dans touteson horreur et son injustice. N. B.•Cinq années de ma vie, 1894-1899, AlfredDreyfus, La Découverte/Poche; Dreyfusards!Souvenirs de Mathieu Dreyfus et autresinédits, Robert Gauthier, Folio/Histoire.

� COMMENT COMPRENDRELA MONDIALISATION ?Immanuel Wallerstein se situe dans lalignée de Braudel et son analyse des

systèmes-monde. Avec ce« manuel », il veut éclairerles enjeux de notre monde,

NOS COLLÈGUES PUBLIENT

� COMBATTRE L’INJUSTICEEn 2123, une nouvelle affaire Seznekavec le même matricule, 49302. Lemonde est toujours marqué par lasoif de pouvoir et la volonté de colo-niser d’autres civilisations. La post-face de Denis Seznek montre qu’iln’a pas été insensible à l’histoirede son aïeul... dans le futur.• 49 302, Nathalie Le Gendre, Mango/Autresmondes, 204 p.

� UN MANUELL’histoire économique a du mal àtrouver sa place. Pourtant, elle estnécessaire à notre compréhensiondu monde. Pierre Pascal offre iciun condensé nécessaire pour l’étu-diant comme pour le citoyen.Quelques raccourcis quand même,notamment sur la notion d’État keyné-sien pour rendre compte de la formesociale et nationale... Mais ils ne gâchentpas la lecture.• Précis d’histoire économique, Pierre Pascal,Ellipses, 335 p.

� « FAIRE » DE LA PHILOSOPHIEPeut-on, à travers le concept de« développement durable » – unesorte d’oxymore –, se réclamer d’un« idéalisme réaliste » permettantde rallier toutes les philosophies?C’est le pari de l’auteur.• Petite philosophie pour le loup etl’agneau, Pascal Canquais, Milan, 335 p.

Notre sélection� QUELS DROITS POUR LES SALARIÉS?

Deux livres complémentaires pourcomprendre la révolution libéraleen cours. Supprimer les licencie-ments, titre provocateur pour indi-quer la restructuration perma-nente des entreprises qui n’ontd’autre variable d’ajustement quele coût du travail pour augmenterleur profit distribué aux action-naires. Le droit du travail est for-tement ébranlé, comme celui de

la Sécurité sociale, tous deux nés en1945. Le droit du travail en danger per-met de préciser toutes ces atteintesaux droits collectifs, ouvrant la voie à la« judiciarisation » des conflits de travail.Ce sont les tribunaux qui « disent» ledroit. La fin du droit du travail via lecontrat unique du travail – cher au Medefet à Sarkozy – en sera la dernière touchepour en revenir à la féodalité, celle del’employeur. N. B.•Supprimer les licenciements, Laurent Gar-rouste, Michel Husson, Claude Jacquin, HenriWilno; Le droit du travail en danger. Une res-source collective pour des combats indivi-duels, Laurent Willemez, éditions du croquant.

� LIRE FOURIER ?Charles Fourier est souvent citécomme l’utopiste type, mais estrarement lu. Ce recueil de textessur l’éducation comble un vide.Sa conception veut lutter contretoute mainmise de l’enfant, qu’il

considère comme un être doué de rai-son, qu’il faut reconnaître comme tel. Ilheurte, encore aujourd’hui, bien desidées reçues, imposées par nos socié-tés. Il faut donc le lire pour remettre nospréjugés à leur juste place. N. B.• Vers une enfance majeure. Textes surl’éducation réunis et présentés par RenéScherer, Charles Fourier, La fabrique.

� MARX ET L’ANTISÉMITISMEL’opuscule de Marx, en fait unarticle de réponse au livre deBruno Bauer qui porte ce titreSur la question juive, a fait coulerbeaucoup d’encre. L’accusationd’antisémitisme a été portée

contre Marx. Daniel Bensaïd fait le point,reprenant le contexte d’une part, del’autre le texte même de Marx, éclairé àla fois par la publication dans ce dossierde la thèse de Bauer et par le rappeldes autres textes de la même époque. Ilpermet aussi de reposer les questionsautour de l’émancipation. N. B.•Sur la question juive. Présentation et com-mentaires de Daniel Bensaïd, Karl Marx, Lafabrique.

�COMMENT «FAIRE » DE L’ÉCONOMIE ?La référence est visible, Raymond Aronet ses 18 leçons sur la société indus-trielle, pour ces leçons sur la politiqueéconomique. Un ouvrage que l’on pour-rait qualifier de vulgarisation, dans lemeilleur sens du terme. Passage de lathéorie à la pratique. On peut contesterles politiques économiques, mais il fautd’abord les connaître. N. B.

•18 leçons sur la politique écono-mique. À la recherche de la régula-tion, Jean-Claude Prager et Fran-çois Villeroy de Galhau, Seuil.

POLAR ET GRANDE LITTÉRATURE

Écrits du sud

James Lee Burke nous trimballe dans l’his-toire de la Louisiane, celle de l’esclavage,du racisme, de la folie meurtrière mais

aussi de sa musique comme l’indique le titre tiré d’une chanson Cajun– « Jolie blon’s bounce», que le « Zydeco» a repris à son compte. Laréférence – et il faut écouter en même temps, l’anthologie Frémeauxet associés consacrée au blues de la Nouvelle Orléans, « New Orleansblues, 1940-1953 » pour entendre Guitar Slim cité ici à plusieursreprises – à la musique est omniprésente comme le passé supportécomme un fardeau. Le passé n’est pas dépassé. Il est représenté par cetancien contremaître de 74 ans capable encore de répandre la mauvaiseodeur du mal, presque du démon. Mais il faut dire que la Louisianebaigne encore dans le Vaudou... James Lee Burke sait restituer cetteatmosphère qui rend son analyse plausible. Viols, domination, meurtres...touchent Noirs et Blancs pour dessiner leur trajectoire commune touten étant incapables de la vivre comme telle. Un auteur qui aurait luMarx, « Les hommes font leur propre histoire dans des conditions qu’ilsn’ont pas librement déterminées», connaissant tout de ces États-Unislui permettant de s’interroger sur l’existence ou non de cette Louisianequ’il redécouvre à chaque livre. Un des grands écrivains étatsuniens qu’ilfaut connaître et reconnaître.

Joe R. Lansdale est au Texas ce que James Lee Burke est à laLouisiane. Il sait tout de cet État. Il décrit avec beaucoup d’acuitéles peurs, les angoisses conduisant au racisme et au lynchage des

Noirs. Ici, il a choisi de raconter, par l’intermédiaire de la voix d’unvieillard, la crise de 1929 et ses conséquences via unesérie de meurtres d’un « serial killer » avant la lettre, trans-formé par sa participation à la Première Guerre mondiale.Un hommage évident à « La nuit du chasseur» de DavidGrubb (réédité dans cette même collection) sans le répétertout en décrivant l’East Texas qui avait la chance de pou-

voir faire pousser à peu près n’importe quoi permettant aux habitantsde vivre mieux que ceux de l’autre côté. Il a réussi le tour de force dese mettre au niveau des réflexions d’un enfant entrant dans l’adoles-cence et d’un vieillard se souvenant. Nicolas Béniès• Jolie blon’s bounce, James Lee Burke, traduit par Freddy Michalski,Rivages/Thriller.• Les marécages, Joe R. Lansdale, Folio/Policier.

comme économie-monde capitaliste,marqué par l’émergence des « sys-tèmes-États» comme par une « géo-culture». Il termine par l’analyse de lacrise actuelle, vue comme une périodede transition et de mutations. Intelligentet lisible. N. B.•Comprendre le monde, Immanuel Wallerstein,Manuels/Grands Repères, La Découverte.

� UNE RÉÉDITION NÉCESSAIRELucien Malson, qui fut rédacteur enchef des Cahiers du Jazz, s’est décidéà livrer une nouvelle édition des Maîtresdu Jazz, parue à l’origine dans la col-lection Que Sais-je ? Il l’a voulu pluslisible. C’est réussi. Cet ouvrage resteune introduction nécessaire. Mais, au fildes éditions, Coleman Hawkins, l’in-venteur – plus qu’Adolphe Sax – dusaxophone ténor a disparu, on ne saitpour quelles raisons, et Django Rein-hardt, génie intrinsèque de cette musique,n’a jamais eu la place qu’il méritait et cedès la première édition. Ces réservesmises à part, il reste un panorama dujazz à travers ce qu’il faut bien appelerses génies. À la lecture, le mot n’est pas

trop fort. N. B.• Les maîtres du jazz, LucienMalson, Buchet Chastel,20 euros.

ClassiqueWAGNER SANS FIN

Au Théâtre du Châtelet s’achèventles représentations de L’Anneau duNibelung de Richard Wagner: quatreopéras – l’Or du Rhin, la Walkyrie,Siegfried, le Crépuscule des dieux –pour près de 15 heures, au total, deleitmotive wagnériens sur fond demythologie allemande, de déca-dence de Wotan et des dieux du Walhalla. Misen scène par l’Américain Robert Wilson,habitué des scènes parisiennes – on pouvaitvoir dans le même temps sa mise en scènede la Madame Butterfly de Puccini à l’Opéra-Bastille –, le temps a malheureusementparu beaucoup plus long. Figée jusqu’à lacaricature, d’un minimalisme révolution-naire il y a vingt-cinq ans mais aujourd’hui(trop) bien connu, la vision de Wilson, endépit de la beauté de ses célèbres jeuxd’éclairages, semblait si détachée du chef-d'œuvre de Wagner et de la mythologieallemande dont il se nourrit, qu’on finissaitpar se demander pourquoi le grand met-teur en scène, qui avait révolutionné l’opéraavec Philip Glass dans les années 1970, s’yétait collé... On se souvenait alors qu’à Bay-reuth, dans le théâtre construit en Bavièrepour la représentation de ses seuls opé-ras, Wagner, qui avait inventé l’orchestreinvisible, caché dans une fosse « mystique»,se plaignait de n’avoir pas en même tempsinventé le théâtre invisible... Pour qui vou-drait donc écouter la Tétralogie en se pas-sant des images, les intégrales sublimes nemanquent pas, à commencer par celles diri-gées par Karajan (DG) ou Solti (Decca). Pourqui aspire à voir, aussi, il faut revenir à lamise en scène par Patrice Chéreau, à Bay-reuth, des quatre opéras, dirigés par PierreBoulez (coffret de 8 DVD chez DG) : de quoiréconcilier Wagner lui-même avec le théâtre.

Alexis Chabot

Page 39: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

CULTURECinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions

Au premier abord, l’histoire est celle d’untrio de jeunes gens plus si jeunes, unpeu veules, incapables d’assumer leurs

sentiments. Le timide Tonik est amoureux deson amie d’enfance Monika, mais la renvoievers son fiancé émigré aux États-Unis.Monika partirait en effet si elle ne craignaitd’abandonner son amie Dacha, séductrice etinstable, et ses deux enfants blonds qu’elleaime comme les siens. Tous trois jouent à êtredes parents, et mûrissent difficilement sous leregard d’une génération qui a elle-même ratéses rêves et vivrait bien par procuration ceuxde ses enfants.À y regarder de plus près, il s’agit d’autrechose. Le récit est râpeux, l’intrigue, mêmedans ses aspects romanesques, réduite jusqu’àla sécheresse. Ce dont le film parle surtout,c’est le dernier sursaut de vie d’une terremorte : le nord de la Bohême, région jadis

rurale, terrassée par l’industrie ducharbon. Les villageois ont été relo-gés dans des HLM – pièces exiguëset anonymes, où la caméra sembleétouffer. Tonik a refusé d’y suivreses parents, s’entête à vivre avec satante dans une ferme qui tombe enruines, entourée d’une ferraille rem-plaçant la nature. La baraque accueille encoreun semblant de bonheur avant de s’effon-drer, de même que sa propriétaire déploieses dernières forces avant de mourir.Il ne faut pas s’y tromper, contée sur le modemineur, un brin amère, la chronique de Boh-dan Slama est pleine d’espoir. Le fiancétransparent et son exil américain ne sont quedes fantômes : l’émigration se fait à l’en-vers, le voyage déserte les rêves d’un ailleursdoré pour retourner vers une terre qu’il s’agitd’habiter pleinement et durablement. Si

Something Like Happiness a été couvert deprix non seulement dans son pays mais aussidans divers festivals (Angers, San Sebas-tian, Athènes, Montréal), c’est que jurys etpublics y reconnaissent, par-delà les seulesqualités d’un « bon » film, l’importance d’uncinéma national où se conquiert une mémoireet une image, où se construit l’identité encorefragile d’un pays partagé entre le passé et lesrêves d’avenir. ■ Jacqueline Nacache

• Something Like Happiness (Stesti), réalisé parBohdan Slama (République Tchèque).

UNE CHRONIQUE DOUCE-AMÈRE ET PLEINE D’ESPOIR

Cinéma tchèque?

Génération perdue ?

©D

R

CINÉMARésistante au nazisme

L’histoire de « La RoseBlanche», groupe fondé en1942 par des étudiants chré-tiens de Munich, HansScholl et AlexanderSchmorell, est l’un desaspects les plus connus dela résistance allemande au

nazisme. L’un des plus émouvantsaussi, car il s’agissait de jeunes gensdépourvus de moyens de lutte, traçantla nuit des slogans antinazis sur lesmurs de la ville, rédigeant des tractspour dénoncer le régime de terreur etla prolongation inhumaine des souf-frances de la guerre. Sophie Scholl,sœur de Hans et arrêtée avec lui le18 février 1943, vingt et un ans aumoment de sa décapitation, est unefigure héroïque de résistance. Toutle film repose sur le jeu tendu de lajeune actrice Julia Jentsch, son visageserein de sainte en colère, ses gestesfermes et mesurés. Pour le reste, ladifficulté est celle de toutes les ten-tatives de restituer aujourd’hui l’at-mosphère de l’Allemagne nazie: lecinéma en a construit une norme sipuissante que c’est à cette imageriequ’il faut se mesurer, plus encorequ’à la réalité historique elle-même.Le choix fait ici est celui de lasobriété, d’un monde sinistre oùdominent les teintes sombres etglauques, les espaces froids et monu-mentaux où seul éclate le rouge de lacroix gammée. Un long dialogues’instaure entre Sophie et son accu-sateur, traversé ici et là par l’espoir de

convaincre et de comprendre. Tousles autres personnages autour deSophie sont des utilités, avocatpleutre, parents à peine aperçus,magistrat à la botte du régime et éruc-tant sa haine, qui fait surgir le souve-nir du procès des juges évoqué dansle Jugement à Nuremberg de S. Kra-mer. Si le pathos gêne toujours, iln’y a pourtant aucun effet d’écrituresuperflu dans le récit de ce derniercombat que tente d’étouffer lamachine totalitaire. J. N. • Sophie Scholl - les derniers jours, (Dieletzten Tage). Réalisé par Marc Rothe-mund (Allemagne, 2005)

Politique et cinémaQuatrième année du festival de cinémad’Attac, sous le titre Politique, l’à-faire de chacun. S’articule une tren-taine de films, pour la plupart peuconnus, avec une dizaine de grandsdébats sur des questions de société, etde multiples animations (dont, pourla première fois une nuit entière decinéma)... en interrogeant les nou-velles formes de l’implication mili-tante pour une revitalisation de lacitoyenneté et de la démocratie. P. L. •Programmation, contacts : www.local.attac.org/images-mouvementees, 01 4763 65 54 ou 06 89 93 10 46. Du 27 avrilau 1er mai. Un nouveau lieu culturel : LeGrand Parquet, 20 bis, rue du Départe-ment, 75018 Paris.

EXPOActualitédu SénégalCette annéeverra le 100e

anniversaire de

Léopold Sédar Senghor dont les poé-sies complètes sont disponibles enpoint Seuil. Le musée Dapper pro-pose un panorama de masques reflé-tant le travail d’artistes d’aujourd’hui.• Sénégal contemporain, masques50 visages, 27/04 au 13/07, 35, ruePaul-Valéry, Paris 16e. N. B.www.dapper.com.fr

THÉÂTREForumDepuis 1997, la compagnie NAJE(« Nous n’Abandonnerons Jamaisl’Espoir»), créée par Fabienne Bru-gel et Jean-Paul Ramat, donne unedimension inégalée aux bases jetéespar le Théâtre de l’Opprimé d’Au-gusto Boal, en rendant acteurs deleur propre histoire des centaines depersonnes aux quatre coins deFrance. Des sujets d’actualité solli-citent l’intervention en scène despectateurs pour proposer d’autresalternatives aux moments les plusproblématiques/dramatiques lors-qu’ils sont rejoués une deuxièmefois. Même dans des salles de600 places comme celui sur la santéet la Sécurité sociale dont nousavions rendu compte lors de sa pré-sentation au Théâtre de Chelles.Deux nouvelles créations en mai-juin, autour du handicap et avec despersonnes handicapées (en particu-lier le 17/6 à Paris 19e) et sur unenouvelle forme mettant l’imagina-tion au pouvoir avec des « alterna-tives de vie», titrée « Mondes paral-lèles» qui met en scène « de petitsmondes qui ont déjà fait leur révo-lution sans attendre le grand soir :

40 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

les rapports d’argent, de pouvoir,d’amour parfois, sont posés autre-ment que dans le reste de la société,et l’égalité entre les humains et leurfraternité y sont les mères de leurliberté. Mais petits mondes en luttepermanente avec l’extérieur : saguerre économique, la mondialisa-tion ultra-libérale, la xénophobied’État... » P. L. • 57, rue Salengro, 92160 Antony -www.naje.asso.frMondes parallèles, spectacle gratuit maissur préinscription auprès de la Cie avec envoi de chèque de caution de5 euros/place restitué au retrait des billetsavant 20 heures au Théâtre de Colombes-92 le 27/5.

CulturesNouvel accueil en France de l’Écoled’Opéra de Pékin, qui présenteraplusieurs spectacles en soirée, unensemble d’initiatives autour de laChine et de sa culture pour les éta-blissements scolaires : conférences,films, exposition de masques et cos-tumes, démonstrations et rencontresavec les jeunes chinois... P. L.•Du 10 au 21 mai, Maison de la Culturede Bobigny (www.mc93.com). Rés. JuliePospiech, 0141607275. Simultanément,ce nouveau partenaire Réduc’Snes (réser-vations tarif réduit : 0141607272, détailssur www.snes.edu) présente deux nou-velles créations :Le viol de Lucrèce deShakespeare, jusqu’au 21 mai (rencontresen parallèle avec l’équipe, à la MC93avec un débat le 27/4 sur les violencessexuelles et leurs représentations authéâtre ; en cinéma Mk2 à Paris avec uncycle de projections du 4 au 14 mai :0141607274), Jesus Camacho 404 284de Patrick Sommier (directeur de laMC93) associant Francis Marmande,Victor Segalen et Victor Hugo.

Page 40: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 41

L’US : À quand remonte l’existence duThéâtre ?Adel Hakim : Au début des années 70, AntoineVitez fonde à Ivry une compagnie théâtrale qui,parce qu’elle ne dispose d’aucun lieu, joue sescréations en différents points des quartiers de laville. Plus tard, A.Vitez crée le théâtre d’Ivry quiréunit une cellule de création et une école dethéâtre, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.Philippe Adrien succède à A. Vitez puis c’estCatherine Dasté qui ouvre l’école de théâtre auxenfants. Depuis 1992, je partage avec ÉlisabethChailloux la direction du TQI qui, après avoirfusionné avec le théâtre du Campagnol en 2003,est Centre Dramatique National en préfiguration.

L’US : Comment fonctionne le théâtre etquelle est sa politique de programmation ?A. H. : Le théâtre est subventionné par l’État (laDRAC), le conseil général et la ville d’Ivry.La programmation repose sur deux axes : lamise en regard de grands textes (Shakespeare,Brecht, Pirandello, Marivaux...) et la décou-verte d’écritures d’aujourd’hui. Dans tous lescas, le choix des pièces est en résonance avecla vie de la population d’Ivry, aujourd'hui.Une des autres missions que nous nous sommesfixée pourrait porter le sous-titre : Théâtre desquartiers du Monde. Après l’Afrique l’an der-nier, nous avons abordé cette année l’Amé-rique Latine avec le festival Que tal ? et desécritures théâtrales venues du Chili, de l’Ar-gentine et du Venezuela.

L’US : Vous travaillez en relation avecd’autres lieux de création.A. H. : Nous entretenons depuis longtemps unerelation d’amitié avec Oscar Castro et le ThéâtreAleph. Notre mission sur le Val-de-Marne nousamène à travailler régulièrement avec la ScèneWatteau de Nogent-sur-Marne, le Théâtre de

Villejuif ou la Maison duconte de Chevilly-Larue et à aider des compa-gnies à produire leurs spectacles.

L’US: Vous travaillez beaucoup en directiondu jeune public.A. H. : Les cours de l’école de théâtre sontouverts aux enfants à partir de huit ans. Ilsn’ont pas vocation à former de futurs acteurs.L’objectif est plutôt de répondre à une curiositéet d’établir un rapport plus approfondi entre lethéâtre et le jeune public.Des classes de collèges ou de lycées viennentvoir nos spectacles et dans ce cas nous interve-nons en amont auprès des élèves en relationavec les professeurs. Ce travail « d’éducation duspectateur », auquel nous tenons, conduit à desreprésentations calmes et attentives. Nous trans-mettons aux jeunes l’idée que la Culture n’estpas un luxe, qu’elle est une nécessité pour rendreles gens autonomes, actifs et créatifs. Parte-naires de classes A3, nous encadrons une optionthéâtre à l’Institut national des jeunes aveugles.Nous sommes intervenus cette année à ParisVIIdans le cadre du festival Que tal ? autour del’œuvre de Benjamin Galimeri, auteur chilien.

L’US: Quelles sont les retombées de la mise enplace du nouveau régime des intermittents?A. H. : Notre activité artistique repose totale-ment sur les intermittents. Par ailleurs nos dif-ficultés de fonctionnement (subventions nonrevalorisées par l’État, donc réduites) vont fata-lement nous amener à diminuer le nombre denos créations. On demande donc aux profes-sionnels du spectacle de travailler plus, dans destemps plus courts, alors qu’il y aura de moinsen moins de travail... La menace est multiple.Il y a en France, actuellement, une volonté defond de réduire l’activité culturelle. ■

Propos recueillis par Francis Dubois

Ont participé à la conception de ces pages : Nicolas Béniès, Micheline Cendorf, Francis Dubois, Philippe Laville, Jacqueline Nacache, Micheline Rousselet.

Actualité culturelle sur InternetChaque semaine, sur le site du SNES, à l’adressewww.snes.edu/snesactu/sommaire.php3 rubriqueculture, de nombreux compléments à cette rubrique,en particulier sur la diversité théâtrale de la pro-grammation des partenaires réduc’snes en diversesrégions en mai-juin 2006 (en particulier aux Théâtrede la Commune à Aubervilliers, Théâtre des Carmesd’Avignon, Forum de Blanc-Mesnil, Échangeur deBagnolet, aux Théâtres de la Croix Rousse et TNG àLyon, au Mans, aux Théâtres Athénée, Bastille, CitéInternationale, Dunois, Étoile du Nord, La VieilleGrille, Paris-Villette, du Rond-Point et de la Tempêteà Paris, au Théâtre Le Sémaphore à Port-de-Bouc,Espace Aleph à Ivry,...) et en d’autres lieux (Genne-villiers notamment), l’actualité cinématographique,musicale, chorégraphique, expositions, actions, débatset conférences, collègues créateurs, festivals... C’estaussi, accessible en permanence pour les syndiqués(mot de passe de la carte nécessaire), la base« Réduc’snes» des lieux partenaires acceptant defaire bénéficier les syndiqués d’un tarif réduit...Faites-nous part de vos coups de cœur.

[email protected]

FESTIVALS25 ans aux pommes

En 1980, le 1er avril, letrio emblématique del’époque – Humair/Texier/Jeanneau – ouvraitle premier concert de cefestival, jazz sous lespommiers, sis à Cou-tances dans la Manche.Pas vraiment un festival,seulement des prolégo-mènes. 1982 sera la véri-table année de naissance.Depuis, il s’est interna-tionalisé, ouvert au

blues, multiplié les salles, les concerts pourle plaisir de spectateurs de plus en plus nom-breux. L’an dernier avait marqué un retour dujazz au détriment des musiques cousines,

montrant une évolution – une éducation ? –des festivaliers. Une bonne nouvelle. Pour cefaux-vrai 25e anniversaire, les organisateursont prévu une folle soirée le samedi 27 mai,date de clôture, pour, aussi, fêter le 20e anni-versaire de Sixun. Entre temps, Jack DeJoh-nette, batteur de notre modernité, se seraproduit avec John Scofield et Larry Gol-dings, Dianne Reeves, chanteuse de nosrêves, nous aura conquis, Dee Dee Bridge-water aura marié jazz et chansons, YvesRobert, tromboniste, aura exploré le thèmede l’argent, des créations nous aurons inter-pellé dont celles de Renaud Garcia-Fons,et New York aura été très largement repré-senté, comme l’Italie. Sans oublier le blues– de Lurrie Bell et Matthew Skoller – ni lesdécouvertes. Le soleil, c’est promis, seraau rendez-vous. Nicolas Béniès

•Du 20 au 27 mai, rens. 02 33 76 78 50.jslp@jazzsous lespommiers.com

MEDEF et chansonTrès impliqués dans les actions contre la préca-rité et les dégradations sociales, que ce soitdans le mouvement des intermittents du spec-tacle ou contre le CPE-CNE, les artistes de lacompagnie Jolie môme ont créé une nouvellechanson Ya basta, qui débute par de récentspropos de Laurence Parisot, présidente duMEDEF. Ils encouragent à la faire largementconnaître en la téléchargeant sur leur site(http://www.cie-joliemome.org), comme ilsl’avaient déjà fait avec Le mouton noir avant leréférendum du 29 mai 2005. Simultanément, ilsparcourent la France avec leur spectacle Jereviendrai et je serai des millions-Spartacus,faisant résonner les luttes du passé dans le pré-sent. P. L.• Détails sur site SNES ; contact Cie : 01 49 98 39 20.

Rodin, de main de maître...Le maître Rodin et son élève MarieCabannes, particulièrement bieninterprétés par Pierre Santini etFrançoise Cadol. La comédienne estaussi l’auteur de cette création Rodin,tout le temps que dure le jour...•Théâtre Mouffetard jusqu’au 6 mai (détailssur site SNES ; Réduc’snes = 15 euros,rés. 01 43 31 11 99).

Radios associatives en dangerBientôt le 100e anniversaire de la radio en France,le 25e anniversaire de la légalisation des stationslocales non commerciales, moment où un projetministériel menace de faire disparaître la plupartdes radios associatives dans la plus grandediscrétion ! Les 600 radios associatives, quicontribuent activement à la démocratie et audialogue social, sont menacées de ne plusbénéficier du Fonds de soutien à l’expressionradiophonique, finançant depuis 1986 les radiosnon commerciales selon un processusd’attribution essentiellement automatique, àl’instar de ce qui existe pour les aides à la presseécrite. Une partie importante de l’aide seraitdésormais conditionnée à l’agrément annueld’un projet éditorial... tandis que le sénateurUMP rapportant le 1/3/06 en commission desfinances sur ce projet a suggéré de diriger lesstations non commerciales vers davantage depublicité ! P. L.•Un collectif national s’est constitué pour lutter contreces tentatives de marginalisation et défendre la libertéd’expression (www.radiosendanger.info), et unepétition peut être signée en ligne.

ENTRETIEN AVEC ADEL HAKIM codirecteur du Théâtre des Quartiers d’Ivry

Quel avenir pour le théâtre ?

Page 41: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

42 - US MAGAZINE - Supplément au no 635 du 8 avril 2006

CULTUREMultimédia

Performance et sécurité avec Mozillanavigateur et logiciel de messagerie

La sécurité avec MozillaMozilla étant « libre », son codesource est disponible et chacunpeut l’étudier, le modifier, ledupliquer, le distribuer. Il ne peutcacher ni logiciel espion (« spy-ware ») ni code douteux, car unecommunauté internationale dedéveloppeurs coopère pour l’amé-lioration permanente du « pro-jet ». Le résultat est un logicielplus sûr qu’un autre navigateur.Techniquement très évolué, ilintègre les dernières technolo-gies de cryptage, de chiffrement,de codage et de sécurité. Ilconnaît l’ensemble des protocolesde sécurité utilisés sur Internetet permet donc, enfin, de pou-voir faire du commerce électro-nique avec une bonne sécurité.Mozilla protège aussi vos don-nées, même si votre ordinateurne possède pas de protectionintégrée.

InstallationSauf utilisateur averti, ne pasprendre la dernière version,souvent en cours de test et pasentièrement traduite en français(sur http://www.mozilla.org/).Mozilla en français, sur http://frenchmozilla.sourceforge.net/

représente environ 15 Mo à télé-charger qui prendront 26 Mo surle disque dur (1/3 de l’espacedévolu à Internet Explorer).Mozilla nécessite cependant64 Mo de RAM (mémoire vive)ce qui est peu sur un ordinateurrécent. L’installation de base estrapide et facile.Malheureusement, il faudra sûre-ment, pour certaines applications,installer des plugins à télécharger(gratuitement) sur les sites deMacromédia (flash) ou de Sun(java)... Pourquoi ? Ces applica-tions ne sont pas libres. Voyezcette page : http://plugindoc.mozdev.org/fr-FR/windows.html.

Configuration minimaleL’essentiel de la configuration(navigateur et messagerie) se faitdans Edition->Préférences.• Apparence : choisissez unthème, si vous n’aimez ni « clas-sic » ni « moderne » vous pouvezen télécharger d’autres en cli-quant sur « récupérer de nou-veaux thèmes ».• Navigateur : déterminez la pagede démarrage (rien ne vousoblige à prendre celle de votrefournisseur d’accès), http://mon_beau_site_internet ou http://

www.google.fr... voire une pagede votre site préférée ou unfichier.• Applications : vous chargezMozilla d’ouvrir (ou enregistrer)les fichiers avec telle ou telleextension par l’application devotre choix. • Confidentialité et sécurité_>fenêtres popup : si vous « blo-quez les fenêtres popup non dési-rées » vous naviguerez sansfenêtres de publicité. Bien d’autres choses sont encoreparamétrables...

Prise en main : le navigateuret les onglets• Barre d’outils en haut et laté-rale, tout peut être à votre dis-position pour gagner du temps.Mais pour agrandir l’écran utile,la barre latérale est escamotable(F9 ou Affichage-> barre d’ou-tils-> barre latérale). Si vous l’af-fichez, vous pouvez taper unerecherche, mettre un signet, mar-quer un « favori ». Tout estmodifiable et pas besoin d’êtreinitié. Sous la barre d’outils, vouspouvez ôter de la « barre per-sonnelle » (clic droit->suppri-mer), toutes les adresses qui s’ytrouvent et y insérer vos propresadresses...

• La navigation par onglets estun des grands atouts de Mozilla(et des autres navigateurs librestels Konqueror, Galeon, Epi-phany(2)...). Dans une recherche(sur Google...), plusieurs liensvous intéressent. Sur chacun vousfaites un clic droit puis un clicgauche dans le menu contextuelen choisissant « ouvrir dans unnouvel onglet ». Pendant que vospages se chargent vous pouvezcontinuer votre recherche, ou enfaire une autre (ctrl+T) tout engardant votre page de liensouverte. Vous pouvez naviguerentre les différents onglets qui setrouvent en haut de votre pagesans devoir revenir à la page pré-cédente, etc.Les onglets sont d’un grandconfort, économisent le temps,épargnent les nerfs, surtout si despages sont longues à chargerfaute de débit.• Le marque-pages permet declasser vos pages, créer des dos-siers. ■

(1) La dernière version (février 2006)de la suite Mozilla prend le nom deSeaMonkey dans le projet Mozilla.Nous gardons le terme Mozilla parcequ’il devrait être plus familier pournos lecteurs.(2) Pas tous multi-plateformes.

Installez, configurez et...naviguez

MOZILLA-SEAMONKEY(1), EX-MOZILLA, libre et gratuit, estune suite complète pour Internet qui fonctionne avectous les systèmes d’exploitation, Windows, Linux,MacOS... : navigateur, messagerie, lecteur de forums de

discussion, outil de création de pages web, etc. Nous neparlerons ici que du navigateur et de la messagerie enmettant l’accent sur certains aspects seulement, vousapprendrez le reste à l’usage. Ces deux modules sont

POUR EN SAVOIR PLUS

• Nous n’avons présenté que quelques fonctionnalités et négligé plusieursoutils du projet Mozilla. Pour en savoir plus en français : http://www.mozilla-europe.org/fr/ avec aussi un forum, des FAQ (questions fré-quentes et leurs réponses) et des liens (vers le code source...).• Mozilla comprend aussi :– ChatZilla, pour les discussions (les chats), voir http://www.mozilla.org/projects/rt-messaging/chatzilla/ ;– et un composeur de pages Web qui permet de créer un site et de lepublier.• Mozilla est une « suite » c’est-à-dire un ensemble complet mais peut-être préférerez-vous utiliser « séparément » les deux nouvelles coque-luches du net, le navigateur Firefox et le client de messagerieThunderbird, également gratuits et libres car ce sont des « modules »du vaste projet Mozilla. Ce peut être un bon choix pour redonner du souffleà un ordinateur pauvre en mémoire vive.

Page 42: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 635 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 43

et Mozillamail,libres et gratuits

La messagerie Mozillamail

Depuis le navigateur, en bas àgauche, une enveloppedonne accès au logiciel de

courrier.

Configurer un compteEdition-> paramètres des comptescourrier : vous pouvez configu-rer un ou plusieurs comptes (avecles paramètres fournis par votreopérateur). Vous pouvez relever lecourrier compte après compte ou« relever tous les comptes » (rac-courci ctrl+maj +T), etc.

FiltrageOutils->filtres de messages : vouspouvez gérer les messages en lesaffectant automatiquement à desdossiers que vous créez, lesconserver sur le serveur... Tout ceque l’on attend d’un logiciel demessagerie ! Mais... :La perle de Mozillamail, c’est le« gestionnaire des indésirables »Il va filtrer tout le « pourriel », lesspams, messages vérolés...• Pour paramétrer, allez dansOutils->gestionnaire des indési-rables. Cochez « activer le ges-tionnaire des indésirables » puis« déplacer les messages entrantsidentifiés comme indésirablesvers » et cochez « dossier indé-sirable sur » et là indiquer le dos-sier de courrier entrant sur lequelvous voulez activer cette fonc-tion... Ensuite cochez « quandj’identifie manuellement un mes-sage comme indésirable » le« déplacer vers le dossier indési-rable » et valider.• Il faut renseigner correctementle gestionnaire pour qu’il« apprenne » à reconnaître unmessage indésirable, donc vouslui envoyez tout ce qui est pub,tout ce qui contient une piècejointe avec fichier d’extension.bat, .exe, .pif, .src, etc. et ce en

cliquant sur le message lui mêmeet sur une icône qui représenteune petite poubelle...Au bout de quelques jours il ferason travail correctement, toutseul ! Attention quand même : sivous recevez du courrier de listesde diffusion, au début il consi-dérera que ces messages sontindésirables : donc renseignez-le bien, sinon il vous jettera ducourrier. ■

sans pub et hautement configurables, ils respectentles standards du Net. Leur installation est sans risque etleur usage ne peut qu’apporter confort et tranquillité àtel point que l’administration américaine elle-même... !

DES NOUVELLES DES OUTILS « ALTERNATIFS »

Pages réalisées par Alain Prevot pour ADAPT-SNES, 46 avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13.Tél. 01 40 63 27 70. Courriel : [email protected].

Articles et liens du thème principal : Paul Dupouy, professeur d’Espagnol, AgenCes articles sont soumis à une licence « libre » Creative commons, c’est-à-dire que la reproduction exacte et ladistribution intégrale sont permises sur n’importe quel support, à autant d’exemplaires que vous le désirez, pourvuque cette notice et les mentions de copyright soient préservées, et à l’exclusion de toute utilisation commerciale.

Tous les articles multimédias parus dans L’US Magazine, des centaines de tests de cédéroms, de nombreuxliens, le catalogue des publications d’Adapt (commande en ligne possible) sur http://www.adapt.snes.edu

• Lirebel ++, classe de Sixième, par Anne-Marie Sénéchal, éd. Chrysis. Ils’agit d’une refonte importante de Lirebel +, en liaison étroite avec lesprogrammes de français de la classe ce qui permet au professeur l’inté-gration étroite à ses séquences. La nouvelle version permet une entréeplus directe dans les activités par rapport à l’ancienne qui nécessitait untravail sur papier. Un excellent accueil auprès de nos trois testeurs.• Comprendre le corps humain, éd. Montparnasse multimedia. Encyclopédievisuelle complète, atlas thématique interactif, vidéothèque, ce CD-ROMprocure une approche simple, concise et relativement complète pour unutilisateur curieux du fonctionnement du corps, à l’aide de schémas,vidéos, photos, animations ou planches. Suffisant pour un utilisateurnon spécialiste. Cadre familial ou CDI de collège.• Comprendre les climats. Pour tout savoir sur la météo. Traite plutôtde météorologie, questions environnementales contemporaines, bio-sphère, écosystèmes et cycles. Malgré cette sérieuse réserve, cette« encyclopédie » permet de répondre à de nombreuses questions grâceà des textes souvent clairs mais à un niveau élémentaire, des vidéos debonne qualité, des schémas tantôt intéressants tantôt peu explicatifset des cartes très intéressantes. Cadre familial ou CDI, peu de recou-pements avec le programme de SVT de TS.• Plus sur ces cédéroms et 400 autres tests effectués par des col-lègues : http://www.adapt.snes.edu

DES NOUVELLES DU MONDE DES CÉDÉROMS

DÉJÀ PARUINous avons déjà publié des articles concernant Firefox (avril 2005), lesystème Gnu-Linux (juin 2004, pour éviter ou limiter le recours àWindows, aspirateur à virus...), un équipement libre complet (février2005), etc. Tous ces articles sont consultables sur le site d’Adapt,http://www.adapt.snes.edu/rubrique.php3?id_rubrique=19.

Et si éditions électronique et classique se rejoignaient, dans le monde « libre » ?Le premier manuel libre« collaboratif »Depuis plusieurs années, l’associa-tion Sésamath (www.sesamath.net)permet la diffusion, via Internet,de nombreuses ressources gra-tuites (cours, fiches d’exercices,logiciels...) élaborées avec la coopé-ration d’un nombre croissant deprofesseurs de mathématiques. Lesite reçoit des centaines de mil-liers de visites mensuelles et salettre hebdomadaire est adressée àplus de 10 000 collègues, ce quitémoigne de l’engouement suscité.Désormais, c’est tout un manuel« collaboratif » en ligne qui est dis-ponible gratuitement (le premiermanuel scolaire sous licence libreFDL), pour la classe de cinquième :http://manuel.sesamath.net/. En plusd’être complètement téléchargeablesur Internet, ce manuel fait l’objetd’une édition papier de qualité à faiblecoût (10 euros pour 200 pages, soitprès de la moitié du prix d’un manuel

classique). Pour la première fois, unmanuel scolaire de mathématiquesaura donc été écrit par la commu-nauté des professeurs pour être misà disposition de tous : professeurs,parents et élèves. Plus de 50 auteursdifférents l’ont élaboré bénévole-ment et chacun a pu apporter sonexpérience, au plus près du terrain,en testant dans les classes.Sésamath 5e est également assezrévolutionnaire dans son approchedes nouvelles technologies puisqu’ila été créé avec le souci constant demarier l’approche informatique à l’ap-proche papier-crayon. Les TICE sontintroduites naturellement dans l’ap-proche des notions : géométrie dyna-mique, tableur, géométrie aux ins-truments virtuels... En particulier, lemanuel est accompagné d’un site oùles outils nécessaires sont proposésen version libre et peuvent être uti-lisés en temps réel par le professeurou les élèves, en harmonie avec ledocument auquel ces derniers se

réfèrent. Autre spécificité, chaquechapitre comprend une partie desti-née au travail en groupe, en cohé-rence avec la philosophie coopérativequi anime les auteurs. Et chaque col-lègue utilisateur peut modifier etintégrer des parties du manuel télé-chargeable à son propre projet (dansle respect de la licence GNU-FDL).Avec ce manuel, c’est un nouveaumodèle économique d’édition quivoit le jour : une édition qui ne ver-rouille pas le contenu mais le donneau contraire à la communauté touteentière ; une édition qui offre unsupport de qualité à un coût plusque raisonnable. Ce modèle nedemande qu’à s’épanouir et à sedévelopper dans d’autres disci-plines. Sésamath est ainsi prêt àtransférer son expérience et sesoutils à tous les collègues qui vou-draient créer un tel manuel dansd’autres disciplines... Chiche ?

Pour tout contact sur ce projet :[email protected]

Page 43: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

44 - US MAGAZINE - Supplément au no 638 du 8 avril 2006

ENTRETIEN AVEC JEAN-YVES ROCHEX

que c’est bien plus compliqué que cela, etque la plupart de ces élèves sont aucontraire sous-alimentés, ou sous-sollicitésdu point de vue intellectuel, et même s’ilstravaillent beaucoup. Ce qui est enquestion n’est pas la quantité de contenusou de travail que l’on attend d’eux, mais lapertinence du travail qu’on leur demandeet qu’ils parviennent ou non à fournir.

L’US : Une partie des débats porte sur laconception même de ce que pourrait oudevrait être cette culture commune. Qu’enpensez-vous ?J.-Y. R. : Une telle culture commune nesaurait être pensée et définie en termes deviatique, c’est à dire comme ensemblelimité, circonscrit et censé êtreautosuffisant pour la vie sociale etprofessionnelle, de savoirs et decompétences étroitement instrumentales etcomportementales. Elle doit au contraireavoir une visée et un effet propédeutiques :sa définition et sa mise en œuvre doiventviser à garantir à tous les élèves, et donc àleur faire acquérir les conditions de

possibilité d’accès à ce qui ne peut pasêtre partagé par tous. En d’autres termes,elle ne doit pas seulement viser et inclurece qui serait une base minimale communeaux spécialisations ultérieures, maiségalement ce qui est de nature à permettreet à favoriser l’échange, le dialogue et lacirculation entre les différentes formes deculture et d’inculture que représentent cesspécialisations ultérieures.Ce qui entraîne deux exigences : d’unepart, celle de définir un socle de culturecommune, et de faire que nulleorientation, nulle différenciation de cursus

L’US : Le débat qui a accompagné l’élaborationde ce socle n’a pas permis de poserclairement les véritables enjeux des choix quisont faits aujourd’hui. Où sont les obstacles àvotre avis ?Jean-Yves Rochex : Il y a un déficit cruel deconnaissances sur ce qu’est la culturescolaire, ce que sont les contenus nonseulement prescrits, mais réellementenseignés durant la scolarité obligatoire, àl’école et sans doute encore plus aucollège. Ce déficit de connaissances donnelieu à de nombreux propos contradictoires,à de nombreux excès pamphlétaires, tantde la part de ceux qui considèrent que lecollège aurait abdiqué toute exigence en secalquant sur l’école primaire, que de lapart de ceux qui, à l’inverse, affirmentqu’il continue aujourd’hui à fonctionnersur le seul modèle du « petit lycée », voiredu lycée de l’excellence. Mais de fait, onne sait pas grand-chose des évolutions desprogrammes et des modes de travail, quisont sans doute bien plus complexes etcontradictoires que cela, tant sur le plandiachronique que sur le plansynchronique, selon les contextessociaux et institutionnelsd’exercice.D’autre part, parmi les faux débats,il y a cette fausse évidence qu’estla surcharge des programmes et lanécessité de leur allègementdrastique. Non qu’elle soitentièrement fausse, mais d’une partelle est trop générale et repose surune connaissance extrêmement sommairedes programmes, de leurs évolutions, deleurs structures et incohérences. D’autrepart, elle voudrait nous laisser croire queles élèves en difficulté le sont parce qu’onvoudrait trop leur apprendre, parce qu’ilsseraient suralimentés en contenus etactivités intellectuelles. Or, la plupart desrecherches qui s’intéressent de près àl’effectivité de ce qui se passe dans lesclasses et dans les modes de travail desenseignants et des élèves (mais lacommission Thélot n’a guère pris enconsidération ce type de travaux) montrent

n’ait lieu, de l’école à la fin du collège, endeçà de ce socle ; d’autre part, celle defaire en sorte que la visée de culturecommune ne se limite pas à un tel socle (etdonc à la scolarité obligatoire) mais sepoursuive au sein des spécialisationsultérieures.Or, non seulement il apparaît, à l’examendes déclarations politiques et des diversdocuments semi-officiels qui circulent surla définition du socle commun, que lesocle sera viatique pour les uns (devinezqui !) et propédeutique pour les autres,mais, de plus, il me paraît évident qu’unetelle pluralité de visées, si elle estpoursuivie, ne pourra qu’aboutir à unedéfinition du socle fort peu opératoire.

L’US : L’approche des problèmes éducatifs parla notion de compétences se systématise,dans les discours européens ou nationaux.Comment l’analysez-vous ?J.-Y. R. : Si l’approche par compétences,sans liens explicites avec des contenus deconnaissances, pilote la définition desprogrammes, on a toutes les chances de

voir se mettre en place des définitions dusocle à géométrie variable, donnant lieu àentraînement, à évaluation (voire àcertification) à partir d’épreuvesminimalistes pour les uns, mais à travailbeaucoup plus riche intellectuellementpour les autres. Parce qu’ici se pose laquestion, qui n’est jamais traitéeouvertement des rapports entre ce socle, cequi serait le minimum garanti à tous, et ceque sont et seront sans doute encoredemain les programmes.D’autre part, le risque est très grand que latraduction dans les pratiques enseignantes

CHERCHEUR À PARIS VIII, professeur en Sciences de l’Éducation, membre de l’équipe ESCOL-ESSI(équipe rattachée à l’école doctorale Pratiques et théories du Sens de l’Université de Paris VIII)Jean-Yves Rochex a bien voulu répondre à nos questions.

Socle commun: faut-ilviser un minimum, pour faireréussir un maximum?

La plupart de ces élèves sont au contraire sous-alimentés,

ou sous-sollicités du point de vue intellectuel, et même s’ils travaillent

beaucoup. Ce qui est en question n’est pas la quantité de contenus

ou de travail que l’on attend d’eux, mais la pertinence du travail

qu’on leur demande et qu’ils parviennent ou non à fournir.

Page 44: Édito · 2020. 9. 28. · Édito C’est possible! On a gagné ! En entendant, le 10 avril, Chirac, Villepin et Accoyer annoncer la fin du CPE après tant d’atermoiements, c’est

Supplément au no 638 du 8 avril 2006 - US MAGAZINE - 45

et dans l’organisation et la« personnalisation » des parcours, de cequi est défini comme objectif plancherdevienne objectif plafond, dimensiond’horizon, pour certains (là encore,devinez lesquels) quand, pour d’autres, ladimension d’horizon demeurera laréférence aux programmes, voire à un au-delà des programmes. Une telledifférenciation officialisée mais noninstitutionnalisée sera favorisée àl’évidence par une définition descomposantes du socle dans des termesaussi généraux et peu opératoires que ceuxque l’on peut lire tant dans la noteproduite fin 2005 par la DESCO que dansles récentes recommandations du HautConseil de l’Éducation, même si celles-cisont moins caricaturales que la note de laDESCO. De tels modes de définitionrisquent fort de laisser en dernière étape lamain aux évaluateurs, sur le modèle desévaluations internationales, voire sur lemodèle de la boutade que l’on prête àBinet : « les compétences, c’est ce quemesurent nos tests ! ».

L’US : Le discours sur l’inadaptation de l’écoleà la société d’aujourd’hui est repris depresque tous les bords politiques.De nombreux parents et élèvescroient lire dans ce discours laprise en compte de leurs attentestrès fortes…J.-Y. R. : En effet, la logiquemaîtresse qui sous-tendl’ensemble du rapport est cellede l’adaptation de l’École à ladiversité des élèves. Ceux-ci,nous répète-t-on, sont différentspar leurs talents, leurs aptitudes,leurs besoins, leurs intérêts,leurs rythmes, leur mérite, etc.Il conviendrait dès lors que l’Écolereconnaisse ces différences et y adapte sesexigences pour « permettre à chacun detrouver sa voie de réussite ». Apparent bonsens derrière lequel se profile uneincroyable et inquiétante cécitésociologique : ces différences sont aussi,très souvent, des inégalités ; elles ne sontpas seulement des caractéristiquesindividuelles des élèves, mais desconstructions sociales, scolaires et nonscolaires. La logique d’adaptation étroitequi nous est proposée, parce qu’elle ne sedonne jamais la peine d’analyser ce qui,dans les différents milieux sociaux et lesdifférentes configurations familiales,donne forme et contenu aux différencesainsi mises en avant, non seulement tend àconsidérer celles-ci comme naturelles,mais conduit l’École à entériner et àaccroître les inégalités qui lui pré-existent,en ignorant ou en minorant le rôle qu’elledevrait jouer. Avoir une politiqueambitieuse de lutte contre les inégalités

sociales demande moins de« personnaliser » les apprentissages et de« diversifier » les réussites que detravailler à ce que l’appropriation dessavoirs et des outils intellectuelsconstitutifs d’une culture communeparticipent, pour tous, du développementpersonnel.Or l’individualisation extrême des mesurespréconisées actuellement, dispense detoute interrogation sur le fonctionnementde l’école dans la formation (et nonl’expression ou l’éclosion) des talents, desmérites et des excellences. Cefonctionnement promeut des logiques desoutien aux enfants, voire à leurs familles,en ne disant mot de la nécessairetransformation de l’École et des pratiquesde savoir qui y ont cours qui sont, une foisde plus l’impensé de toute cette affaire,alors qu’on nous parle de culture scolairepour tous. On en a par ailleurs un exemplecaricatural avec le discours et les

propositions ministérielles du 8février sur la « relance » des ZEP,qui ne parlant plus que d’aide etde soutien à apporter à « l’élèveen difficulté », font fi de tous lesacquis de la recherche ensociologie de l’éducation et desinégalités scolaires, et tournent ledos à toute visée detransformation et dedémocratisation du systèmeéducatif. ■

Propos recueillis par Sylvie Nony

©D

RJEAN-YVES ROCHEX A PUBLIÉ• Avec Patrick Bouveau « Les ZEP, entreécole et société » Paris, CNDP-HachetteÉducation, 1997.• « Le sens de l’expérience scolaire : entreactivité et subjectivité », Paris, Puf, 1995.• Avec Bernard Charlot et Elisabeth Bautier« École et savoir dans les banlieues etailleurs », Paris, A. Colin, 1992.• Avec Martine Kherroubi, deux Notes desynthèse sur « La recherche en éducationet les ZEP en France », Revue française depédagogie, n° 140, 2002 et n° 147, 2004.Dernièrement, le récent numéro (439) desCahiers Pédagogiques « Quel socle com-mun ? » l’avait sollicité pour une approchecritique qu’il a intitulée « Conjuguer ambi-tion de culture et ambition de justicesociale».• Avec Elisabeth Bautier, « Henri Wallon »Paris, Hachette Éducation, 1999.

Avoir une politique ambitieuse de lutte contre

les inégalités sociales demande moins

de « personnaliser » les apprentissages et

de « diversifier » les réussites que de travailler

à ce que l’appropriation des savoirs et des

outils intellectuels constitutifs d’une culture

commune participent, pour tous,

du développement personnel.