28
Haut de gamme, une affaire de goût Haut de gamme, une affaire de goût © Aymeric Warmé-Janville ISSN 1969-7864 ENTREPRISE À Monaco, Riccardo Giraudi, créateur de mode ÉVÈNEMENT L’élevage veut alléger son empreinte carbone INDUSTRIE Innovation : la R&D en quête de financements ART DE LA VIANDE La fraise de veau fait son grand retour Pages spéciales de la revue n°299 du 18 décembre 2015

© Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

Haut de gamme, une affaire de goûtHaut de gamme, une affaire de goût

© Ay

mer

ic W

arm

é-Ja

nvill

eIS

SN 1

969-

7864

ENTREPRISEÀ Monaco,

Riccardo Giraudi,créateur de mode

ÉVÈNEMENTL’élevage veut alléger

son empreinte carbone

INDUSTRIEInnovation :

la R&D en quête de financements

ART DE LA VIANDELa fraise de veau

fait son grandretour

Pages spécialesde la revue

n°299 du 18 décembre 2015

Page 2: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

© 2015 Sealed Air Corporation. All Rights Reserved. fr 09/15

DÉCOUVREZLA SÉCURITÉ

SANS EFFORTSEn tant qu’industriel vous savez combien sécurité alimentaire

et sécurité physique de vos employés sont essentielles pourvotre activité. C’est pourquoi la Division Food Care de

Sealed Air propose des solutions de conditionnement commeles sacs sous vide Cryovac® Grip & Tear®. Faciles à ouvrir

ces sacs ne requiérent l’utilisation d’aucune lame tranchanteet permettent ainsi d’éviter les blessures. Ils réduisent

également la détérioration du produit et les contaminationscroisées ce qui améliore trés nettement la sécurité alimentaire.

Découvrez comment ce conditionnement innovant, ainsi quede nombreux autres peuvent offrir des résultats mesurables à

votre entreprise.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le sitewww.gripandtear.com

SÉCURITÉ

ALIMENTAIRE

EFFICACITÉ

OPÉRATIONNELLE

AUGMENTATION

DE LA DURÉE

DE CONSERVATION

STRATÉGIE

DE MARQUE

Page 3: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 3

L’ÉDITO

Pourquoi la viandebovine françaisepeine-t-elle à trouversa place sur les menusdes restaurants, mêmeétoilés ? Alors qu’àl’inverse la blackangus, la simmentalde Bavière ou le bœufirlandais s’étalent enmajuscules comme un

gage de haute qualité ? Dans notre éditionde juin nous évoquions la question de lacommunication, et de pointer la relativefaiblesse d’action des multiples viandesfrançaises face au rouleau compresseuraméricain. Après enquête dans le cadre du dossier de ce numéro, une réalité pluscruelle pour la filière française ressortfranchement : le manque de constanceobservé dans la qualité. Plus facile pour unchef de mettre à sa carte une viandetoujours grasse et fondante, avec certes peude mâche, que d’oser une viande moinspersillée, au goût plus typé, mais variantd’un jour à l’autre. Certains diront que laqualité de la viande dépend du terroir surlequel l’animal a été élevé... Le terroir aparfois bon dos. Ne serait-il pas utile que

quelques lignes directrices soient adoptéespar grand bassin de production, pargrande race, sur le régime de finition desbêtes, par exemple, pour améliorer laqualité globale des viandes ? Un effort quine pourra se faire bien entendu sans demeilleures relations entre les différentsopérateurs, avec une réflexion approfondiesur une contractualisation entreproducteurs, transformateurs etdistributeurs, et un mécanisme de prime àla qualité. Une évolution qui passera aussipar une meilleure organisation desproducteurs, permise par Bruxelles via sesnouvelles lignes directrices en matière deconcurrence. Mais pour cela il faudrait queles énergies se concentrent davantage sur laconstruction de filières plutôt qu’elles ne sedispersent dans des luttes intestines. Si l’onpeut comprendre la situation désespéréed’éleveurs en grandes difficultésfinancières, les blocages d’abattoirs cet étéet le bras de fer engagé entre un syndicatagricole et le leader français de la vianden’ont pas fait avancer ces dossiers pourtantessentiels. Certes le local et le Made inFrance ont le vent en poupe, mais les partsde marché ne se reconquerront qu’avecune certaine garantie de qualité. �

Nathalie Marchand,rédactrice en chef

En manque de constanceLe Fermier (1871) - Le Courrier du Commerce (1872)

L’Echo des Halles (1946) - Marchés Agricoles (1966)PUBLICATION ÉDITÉE PAR ABCSAS au capital de 344 875 eurossiège social : 2, avenue du Pays de Caen,Colombelles - 14902 Caen cedexBureaux parisiens : 4/14 rue FerrusCS 41442, 75683 PARIS Cedex 14Tél : 01 42 74 28 00Principaux actionnaires : Réussir SA et Agra InvestissementSite internet : www.lesmarcheshebdo.frFax (rédaction) : 01 42 74 28 55Pour joindre votre correspondant, composez le 01 42 74 suivi des 4 chiffres entre parenthèsesDIRECTEUR DE PUBLICATIONMarc JourdanRÉDACTRICE EN CHEF Nathalie Marchand (28 50)RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTEAnne-Sophie Le Bras (28 48)RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTEEN CHARGE DES ANALYSES ET COTATIONSLaure-Anne Lefebvre (28 22)RÉDACTIONS. Carriat (28 49) - Alice Flores (28 51)V. Pinson (02 31 35 77 16)RÉDACTEUR GRAPHISTESamuel Cauchois (29 21) (Pages spéciales VM)PUBLICITÉ - PETITES ANNONCESHélène Pradeau - Tel : 01 49 84 94 21Télécopie : 01 49 84 03 28ABONNEMENTS02 31 35 77 02 - Télécopie : 02 31 35 77 [email protected] 2016France : 313,50 € (dont TVA 2,10 %).Autres pays : nous consulter.N° Commission paritaire : 0416 I 89809ISSN : 1969-7864. Dépôt légal à parutionIMPRIMEURSIB - ZI de la Liane, 62205 Boulogne-sur-Mer ROUTEURIPS - ZA Chant des oiseaux, 80800 Fouilloy

Pages spéciales de la revue “Les Marchés Hebdo”

Au sommaire ce trimestre ÉvènementL’élevage veut alléger son empreinte carbone ..........................4Améliorer la viande par l’alimentation animale ........................6La vie des entreprisesGiraudi, créateur de mode.......................................................8Le porc espagnol face à l’embargo russe................................10DossierLa viande haut de gamme est affaire de goût ........................13

ConjonctureMarché mondial : hausse des échanges en 2016....................20La crise a changé durablement les habitudes..........................21

IndustrieLa R&D en quête de financements...........................................22

ProduitsNouveaux produits ...............................................................24Bœuf normand : en route vers le label Rouge........................25

Art de la viandeLa chronique de René Laporte...............................................26La fraise de veau fait son grand retour...................................27

P.13

Giraudi P. 8COP21 P.4

Financer l’innovation P. 22

Le porc espagnol P. 10

Retour de lafraise de veau P.27

Page 4: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

4 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

ÉVÈNEMENT | MONDE

Environnement

L’élevage veut alléger son empreinte carbone

Àl’heure de la COP21, l’im-pact de l’élevage sur lechangement climatique

est devenu une question desociété. « On entend régulière-ment dire que l’élevage émet plusde gaz à effet de serre que lestransports », indique ThomasTurini, chef de projet environne-ment au Centre d’informationdes viandes (CIV). « Cette affir-mation est pourtant fausse car ellecompare des données qui ne sontpas comparables ». L’évaluationdes émissions de gaz à effet deserre repose en effet sur deuxapproches. La première mé tho -de, utilisée par le Groupe d’ex-perts intergouvernemental surl’évolution du climat (Giec),réalise l’inventaire des émissionsde gaz à effet de serre sur un ter-ritoire par l’ensemble desacteurs, selon un secteur d’acti-vité. La seconde, celle de l’Orga-nisation des nations unies pour

l’alimentation et l’agriculture(FAO), se base sur l’analyse decycle de vie (ACV), c’est-à-direqu’elle considère toutes lesétapes de vie d’un produit, de safabrication à son recyclage. Selon le Giec, les transports sontresponsables de 14 % des émis-sions de gaz à effet de serres mon-

diales. Pour la FAO, 14,5 % deces émissions proviennent de l’é-levage et ses filières. L’organisa-tion intègre dans son calcul l’ali-mentation du bétail, la fabrica-tion des emballages, etc. « Lacomparaison n’est pas valable carle périmètre d’évaluation de laFAO est bien plus large que laseule activité d’élevage », insisteThomas Turini. Face aux débatsd’experts, comment apprécierl’impact réel de l’élevage sur lechangement climatique ?

L’élevage contribue à 9 %des émissions en France

Pour vulgariser les donnéesscientifiques disponibles sur lesujet et les rendre accessibles auxacteurs concernés, le CIV publieun nouveau cahier sur les gaz àeffet de serre émis par l’élevage etla production de viande. Selonles dernières études disponibles,recueillies et synthétisées par lecentre, l’élevage est responsablede 7 % des émissions de gaz àeffet de serre liées aux activités

humaines dans le monde. D’a-près les chiffres de la FAO, quis’intéressent au cycle de vie duproduit, la production de viandebovine représente 6 % des émis-sions mondiales de gaz à effet deserre. À l’échelle de notre conti-nent, 5 % des gaz à effet de serresont générés par l’élevage enEurope. La production de viandede bœuf est quant à elle respon-sable de 4 à 6 % de ces émissions.En France, l’élevage contribueà 9 % des émissions nationales degaz à effet de serre. « Grâce à unediminution du cheptel, un

moindre recours aux intrants etune baisse du méthane entériqueprovenant des effluents, la filièrebovine a réduit ses émissions de14 % depuis 1990 », ajouteThomas Turini. La production deviande bovine génère 6 % desémissions nationales. L’empreintecarbone moyenne de la viande degros bovin en France, de l’aval jus-qu’à la distribution, est d’environ23 kg d’équivalent CO2 par kg deviande transformée. Mais qui ditélevage, dit aussi prairie. Or les solsont une importance capitale dansles échanges de carbone, puisqu’ils

Il faut compter 1,2 UGB (unité gros bétail) par hectare pour atteindre la « neutralité carbone », quand le stockage de la prairiecompense les émissions des ruminants. Aujourd’hui en France, on serait en moyenne à 1,4 UGB par hectare, selon le CIV.

© Vi

ncen

t Mot

in

« La filière bovine a réduit ses émissions de 14 % depuis 1990. »

ThomasTurini,chef de projetenvironnement au CIV

Source : CIV

Part de l’élevage et de la viande bovine dans les émissionsde gaz à effet de serre

Elevage

Viande bovine

MondeMonde EuropeEuropeEurope FranceFranceFrance

6,6-7,9 % 5 % 9 %

6 % 4 à 6 % 6 %

6,6-7,9 % 5 % 9 %

6 % 4 à 6 % 6 %

Page 5: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

MONDE | ÉVÈNEMENT

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 5

Pour piloter votre business, choisissez la bonne étoile!

CSB-System

La solution informatique métier pourl’ensemble de votre entreprise

Le groupe CSB-System AG

souhaite à l’ensemble de ses

clients et partenaires de

joyeuses fêtes et une année

2016 riche en succès.

Notre système pourvos objectifs

CSB-System AG [email protected]

sont capables de le stocker, via la biomasse. « En moyenne, lesprairies permettent de stocker2,8 tonnes d’équivalent CO2 parhectare et par an, précise le spécia-liste du CIV. Le stockage dans lesprairies représente environ un tiersdes émissions dues à l’élevage enFrance ». D’après les travaux deJean-François Soussana, directeurscientifique à l’Inra, il fautcompter 1,2 UGB (unité grosbétail) par hectare pour atteindrela « neutralité carbone », quand lestockage de la prairie compenseles émissions des ruminants.« Aujourd’hui en France, on est enmoyenne à 1,4 UGB/ha », sou-ligne Thomas Turini.

Économiser150000 tonnes de CO2

Pour réduire l’empreinte car-bone de la viande bovine, laFrance, l’Irlande, l’Italie etl’Espagne se sont associées dansun projet collectif, « Life Beefcarbon », qui débutera en janvier2016. L’objectif de ce plan d’ac-tion est de mettre en œuvre despratiques pour réduire de 15 %en 10 ans l’empreinte carbone de la viande bovine, soit150 000 tonnes de CO2 écono-misées. Ce projet de 5,4 millionsd’euros est financé par la Com-mission européenne et, enFrance, par le ministère de l’A-griculture.« C’est une démarche participa-tive et volontaire. Nous souhai-tons que les filières bovines soientforces de propositions et qu’elless’approprient ces thématiques »,explique Jean-Baptiste Dollé,chef du service Environnement àl’Institut de l’élevage. L’em-preinte carbone de 2 000 fermeseuropéennes, dont 1 700 fran-çaises, sera calculée. Parmi elles,

170 seront retenues afin de testerles meilleures techniques pourréduire les émissions de gaz àeffet de serre, augmenter le stoc-kage de carbone et créer unréseau de fermes de démonstra-tion. « On peut observer des diffé-rences d’impacts environnemen-taux de l’ordre de 10 à 20 % entredes exploitations qui appartien-nent à un même système d’éle-vage, indique Jean-BaptisteDollé. C’est le signe qu’en jouantsur certains leviers, comme lesaspects sanitaires, l’alimentation,la gestion des cultures, les fermespeuvent réduire leur impact envi-ronnemental ».

190 techniciens serontformés

Pour les accompagner, 190 tech-niciens seront formés, en parte-nariat avec Coop de France Pôleanimal, France Conseil Elevageet les chambres d’agriculture. Ilsconseilleront les éleveurs et réali-seront les diagnostics environne-mentaux grâce au logicielCap’2er. Cet outil évalue la dura-bilité des exploitations selonleurs contributions positives,leurs impacts sur l’environne-ment et leurs performances éco-nomiques. Les données récoltéesalimenteront un observatoirenational et européen de l’impactcarbone. Lancé officiellement au Sommetde l’élevage, en octobre, « LifeBeef carbon a été porté par lafilière viande, qui voulait elle-aussi entrer dans cettedémarche », déclare Jean-Bap-tiste Dollé. Un programme simi-laire pour la filière laitière a déjàvu le jour en 2013, baptisé « LifeCarbon Dairy ». Les premiersretours des éleveurs laitiers sontpositifs, « cela leur permet d’ap-préhender différemment leurconduite d’élevage ». Plusieursentreprises, comme Mcdonald’set McKey, se sont déjà déclaréesintéressées par ce programme.« Nous voulons casser cetteappréhension de la politique envi-ronnementale et encourager leséleveurs à échanger sur leursbonnes pratiques », indique Jean-Baptiste Dollé. �

Alice Flores

Trois ans après le lancementd’Origin Green, le Bord Bia,office irlandais de promotiondes produits alimentaires, vientde publier son premier rapportsur ce programme de dévelop-pement durable. 90000 fermesont été évaluées sur leur

empreinte carbone, « une pre-mière mondiale » selon l’office,et 474 industries agroalimen-taires y ont pris part, représen-tant 95 % des exportations dupays. Dans l’élevage bovin, plusde 45000 fermes ont été audi-tées, comptant pour plus de90 % de la production irlan-daise de viande bovine. Enmoyenne, l’empreinte carbonedes fermes suivies est de 12 kgd’équivalent CO2 par kilo depoids vif. En ramenant à lamoyenne les fermes laitières etcelles de viande bovine les plusémettrices, le Bord Bia estimepouvoir réduire potentielle-ment les émissions d’un millionde tonnes d’équivalent CO2paran, soit 6 % des émissionstotales de l’agriculture.

PROGRAMME NATIONAL

Premiers résultats pour Origin Green en Irlande

Simon Coveney, le ministre irlandaisde l’Agriculture, lors du lancementd’Origin Green, en septembre 2013.

© S.

C.

« Nous voulons encourager les éleveurs à échanger sur leurs bonnes pratiques »

Jean-BaptisteDollé,chef du serviceEnvironnement à l’Institut de l’élevage

Page 6: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

ÉVÈNEMENT

ainsi que sa tendreté.L’amélioration de la qualiténutritionnelle des viandes estplus nouvelle. En ajoutant auxrations des acides gras polyinsa-turés d’origine végétale, en parti-culier des oméga 3 des graines delin extrudées ou de luzerne, lesviandes de porc, de bovins, devolailles ou de lapins s’enrichis-sent naturellement en omega 3 etautres acides gras recherchés,

améliorent leur rapport omé -ga 3/oméga 6, et gagnent ensaveur. C’est le principe adoptépar les filières Bleu Blanc Cœur etla marque Nouvelle Agriculturedu groupe Terrena. Toutefois la qualité de cesviandes de porc ou de volaille estaméliorée si les acides gras poly-insaturés qu’elles contiennentsont protégés de l’oxydation parl’adjonction d’un antioxydant

ÉVÈNEMENT | FRANCE

Élevage

Améliorer la viande par l’alimentation animale

La façon dont on nourrit lesanimaux a une influencesur la qualité gustative,

nutritionnelle et sanitaire de leurviande ; elle joue aussi un rôledans le statut durable de l’élevage,qu’il s’agisse de son impact surl’environnement, du bien-êtredes animaux ou des pays d’ori-gine des matières premières. Éta-blir la « durabilité » de l’alimen-tation animale est le but de la pla-teforme Duralim (regroupantprofessionnels et société civile)qui doit voir le jour cet hiver.

Rôle du sélénium et des oméga 3

L’apport de l’alimentation auxqualités gustatives tombe sous lesens. Il s’illustre depuis les tempsancestraux à travers les modes de« finition » : le grain fourni auxbœufs avant l’abattage, la bouillielactée donnée aux volaillesfines... Le rôle de l’alimentationsur le goût est reconnu depuisdes dizaines d’années par le labelRouge. Ce rôle est vérifié aujour-

d’hui scientifiquement, parexemple à travers le foin dont onnourrit le bœuf AOC Fin Gras duMezenc. Les micronutrimentsjouent un rôle ; on a ainsi décou-vert que le sélénium organique,fourni aux ruminants en com-plément de l’herbe et des four-rages, est facilement assimilépuis mis en réserve dans les mus-cles. La maturation de la viandebovine serait ainsi améliorée,

La chaîne alimentaire commence avec l’alimentation animale. Si ce chaînon s’avère d’un bon alliage, la viande est plus saine et meilleure. Et elle peut se réconcilier avec lesenjeux environnementaux en participant aux équilibres naturels. Elle se vend d’autant mieux que les élevages d’où elle vient savent communiquer sur leur principe alimentaire.

Information encore méconnuedu grand public : les additifsantibiotiques ne sont plus auto-risés dans l’Union européenneen tant que facteurs de crois-sance dans l’alimentation ani-male. Le nouvel enjeu consiste àdiminuer l’usage des antibio-tiques servant à soigner les ani-maux en améliorant leur bien-être. L’alimentation animale

renforce le confort digestif et larésistance des animaux par lesprobiotiques ou les huilesessentielles. Un probiotique estconstitué d’organismes vivants(levures, bactéries du genreLactobacillus, Bacillus, Entero-coccus) qui améliorent l’équi-libre microbien intestinal.Parmi les huiles essentielles quiouvrent l’appétit des volailles,

certaines auraient la particula-rité de stimuler les défensesimmunitaires et la protectioncontre les radicaux libres. Desrecherches sont en cours pourassocier dans les aliments pourporcs des probiotiques et desacides organiques en vue d’é-viter l’apparition d’antibioré-sistance liée aux traitementsantibiotiques.

À FAIRE SAVOIR

Moins d’antibiotiques, plus de probiotiques

6 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

© Ja

cky

Chev

alie

r - In

ra

© Th

ierr

y Gu

iller

mot

© Fr

anço

is d’

Alte

roch

e

Page 7: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 7

FRANCE | ÉVÈNEMENT

dans l’alimentation. L’antioxy-dant le plus employé est la vita-mine E mais il en existe d’autres,comme les caroténoïdes, colo-rants naturels des végétaux quide surcroît relèvent la couleur dela chair de volailles, ou la lutéine.Les oligoéléments des alimentsse retrouvent facilement dans lesviandes et améliorent leur qua-lité nutritionnelle. Cette sciencen’a pas tout révélé. « La contribu-tion de la nutrition animale à la nutrition-santé des hommesimpose de mieux connaître les loisde transfert entre ce que mange etce que produit l’animal », sou-ligne Mélanie Le Plaine-Mileur,secrétaire générale du Synpa,syndicat des ingrédients de spé-cialité de la chaîne alimentaire. Les bénéfices environnementauxde l’alimentation animale sontmoins connus du grand public.Ils sont pourtant les plus recher-chés aujourd’hui. Les porcs et lesvolailles consomment moins deprotéines végétales quand la part

protéique de leur alimentationest équilibrée en acides aminés.Un apport protéique équilibréprofite mieux à l’animal. Commeil est possible de rectifier unprofil déséquilibré, les sourcesprotéiques peuvent varier enfonction des matières premièresdisponibles. Les protéases,enzymes qui fractionnent lesprotéines, rendent ces dernières

plus assimilables, ce qui réduit lesrejets azotés. Un porc rejetteaujourd’hui entre 40 et 45 % d’a-zote en moins qu’il y a 25 ans,souligne le Synpa. La même effi-cacité digestive est trouvée enutilisant des matières premièrestrès variées, dont les co-produitsde l’industrie agroalimentaire.Les sociétés de services en nutri-tion animale développent ainsides outils d’analyse et de prédic-tion de performance chez lesporcs et volailles. Elles recom-mandent aussi d’adapter l’ali-mentation au stade de l’animal,pour un meilleur bénéfice envi-ronnemental. Autre source de pollution, lephosphore. Celui que contien-nent les céréales est mieux assi-milé depuis vingt ans grâce à desenzymes comme les phytases(libérant le phosphore des végé-

taux). L’ajout de phosphoreminéral est diminué, aveccomme effet un moindre rejet dephosphore dans le lisier. Desdonnées récentes fournies par leSynpa établissent qu’entre 2006et 2012 les rejets de phosphorepar les volailles ont été réduits de42 %, ceux des poissons d’aqua-culture jusqu’à 40 %.

Réduire les émissions de méthane

Les vertus environnementales etéconomiques de l’alimentationdes ruminants à base d’herbe, defoin ou d’ensilage connaissentun regain de considérationsinternationale et nationale. Lespâtures sont en effet des « puitsde carbone » contribuant àlimiter les émissions de gaz à effetde serre. En élevage allaitant,l’Inra établit au rang de priorité

l’augmentation de la part desfourrages dans l’alimentation au détriment des concentrésachetés (rapport «Vers des agri-cultures à haute performance » -2013). D’où les recherches d’unemeilleure conservation des ensi-lages (grâce notamment auxacides organiques ou aux levuresou bactéries). L’on cherche à sti-muler la microflore des rumi-nants, en particulier celle quidégrade les fibres alimentaires,grâce à des levures. Chez lesruminants toujours, la réductiondes émissions de méthane estfavorisée par les sources d’o-méga 3, les huiles essentielles etd’autres additifs. L’Inra mène des recherches sur l’utilisation du micro-organisme Monascusspp. pour réduire la productionde méthane chez le mouton. �

Sylvie Carriat

Un porc rejetteaujourd’hui entre 40 et45 % d’azote en moinsqu’il y a 25 ans.

Des guides de bonnes pra-tiques, des plans collectifs d’au-tocontrôles et des certificationsconstituent le dispositif Oqua -lim pour la qualité des aliments.Ce dispositif est promu parCoop de France Nutrition ani-male et le Snia (syndicatnational de l’industrie de lanutrition animale) avec lacontribution de l’Associationpour le contrôle de la qualité desmatières premières, Qualimat.Les usines certifiées représen-tent 88 % de la productionnationale d’aliments composés(89 % en bio), 80 % des pré-

mélanges, 70 % des alimentsminéraux. Les plans d’autocon-trôle couvrent 80 % de la pro-duction d’aliments composés,89 % des aliments d’allaite-ment... Ces autocontrôles,conventionnés avec laDGCCRF, traquent dans lesmatières premières et les pro-duits finis tout contaminantdésigné par la réglementation,les substances indésirablescomme les mycotoxines, lesproduits chimiques, les salmo-nelles et autres microbes.Un exemple de bienfait : la pré-valence en salmonelles dans les

aliments finis est passée de plusde 1,4 % en 2006 aux environsde 0,4 %. Le plan 2015 établitnotamment le maintien de la pression analytique endioxines/PCB et en métauxlourds et fluor ainsi que la miseen place d’analyses explora-toires de teneur en nickel dansles produits minéraux. Le plan Allaitement a démarrécette année. Il porte sur 89 % dela production des aliments rem-plaçant le lait. Il comprend unplan de contrôles accessible auxusines certifiées pour le « socletechnique nourri sans OGM ».

EFFORT COLLECTIF

Une filière sécurisée de toutes parts

Page 8: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

8 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

ÉVÈNEMENT | LA VIE DES ENTREPRISES

© G

iraud

i

© G

iraud

i

© G

iraud

i

Monaco

Giraudi, créateur de mode

Longtemps bien connu desseuls industriels de laviande, le monégasque

Giraudi commence à se faire unnom auprès du grand public, enFrance et dans le monde. « Lesorigines de la société, créée parmon père, remontent aux années60. Nous sommes toujours un desplus gros traders européens deviande fraîche », explique Ric-cardo Giraudi, fils de l’ItalienErminio Giraudi et directeurgénéral du groupe. « À traversnotre filiale Giraudi traditionalmeat, nous faisons toujours70 000 tonnes de négoce par an :du veau (à 40 %), du bœuf (40 %)et du porc (20 %), souligne-t-il.Pour le veau, nous sommes lesagents exclusifs du néerlandaisVan Drie pour l’Italie, et aussi deBigard, Socopa et SVA, toujourspour l’Italie ».

Importateur de blackangus et de bœuf

de KobéL’activité de trading représenteencore 80 à 90 % des volumescommercialisés par Giraudi. Unpeu moins en valeur. Le groupedéveloppe en effet depuis unedizaine d’années des activitéscomplémentaires plus lucratives.

Riccardo en est en grande partieà l’origine. Après des études enAngleterre « où la culture est trèsextravertie » le fils d’Erminiomanque de faire carrière commepianiste, s’investit dans la mode(il a entre autres acquis les droits

de Pantone pour la mode, la tech-nologie et la nourriture) (1), pourfinalement rejoindre le groupefamilial en 2000. « Je suis trèscréatif à la base. Or difficile d’êtrecréatif dans le trading. Ce n’estque parler qualité et prix. Or jeveux venir travailler le matin avecle sourire, confie-t-il. Je pense quela nourriture, c’est la nouvellemode ». Il s’inspire de ce qu’il voitaux Etats-Unis, avec un récentengouement pour les viandes deluxe, et crée il y a dix ans une nou-velle division – Giraudi Exclusive

Meat – pour l’importation deviandes d’exception. « Nous avons lancé l’angus avecle 2e abatteur des Etats-Unis(ndlr, Creekstone Farms). Onimporte des containers en entier,commandés six mois à l’avance »,précise-t-il. Giraudi achète 85 %de la carcasse. Le négociant ne prend pas la poitrine,consommée aux Etats-Unismais très peu en France. « Noussommes leaders de la viandeblack angus. Nous sommes aussiles premiers importateurs de

viande de Kobe, de Miyazaki.Mais cela représente plus de l’image, les volumes sont dis -crets », poursuit-il.

Un à deux ouvertures de Beefbar par an

En 2005, la famille Giraudi selance dans une autre aventure,celle de la restauration. Partantdu constat qu’il n’y avait pas de restauration de viande àMonaco, alors que ces conceptssont devenus des institutions auRoyaume-Uni, la famille fondeMonaco Restaurant Group etdécline hors de la ville sonconcept Beefbar, lieu branché àdestination des amateurs deviande. Le groupe compteaujourd’hui quatre restaurantsen franchise à Mexico, Moscou,Mykonos et Hong Kong. « L’idéeest d’ouvrir un à deux Beefbar paran, au Moyen- Orient et en Asie »,confie le jeune dirigeant. Il aime-rait aussi ouvrir un établissementà Paris, « mais le concept à 60euros par couvert est un peu cher,il faut l’adapter ».À Monaco, où le groupe possèdedéjà cinq restaurants (Beefbar,

Dans les restaurants Beefbar à Monaco (voir à droite), Mexico, Mykonos et HongKong, Riccardo Giraudi met à la carte du black angus ou encore du bœuf de Kobé.

« Je suis très créatif à labase [...]. Je pense que la nourriture, c’est lanouvelle mode ».

Page 9: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

LA VIE DES ENTREPRISES | ÉVÈNEMENT

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 9

© Gi

raud

Gira

udi

© Gi

raud

i

© Gi

raud

Gira

udi

Erminio et son fils Riccardo Giraudi ont conçu l’offre « gourmet boutique burgers »,pour le food service, en lien avec les chefs de la division restauration du groupe. Unmoyen de valoriser tous les morceaux, comme la marque Smiley à destination des GMS.

Song Qi by Alan You, Le Bou-chon, La Salière et Mozza), leconcept plaît beaucoup à uneclientèle internationale argentée.En janvier, février prochain, « onva ouvrir une Beefbar boutique àMonaco, où l’on va vendre desviandes rares du monde entier »,confie Riccardo Giraudi.Le groupe a aussi fondé une sec-tion créative au sein de GiraudiMeats. Afin de valoriser tous lesmorceaux des viandes impor-tées, « nous avons lancé unemarque de burgers “gourmet bou-tique burgers” après un travail dedeux ans, souligne RiccardoGiraudi. On a conçu 13 hachésdifférents, avec des mélanges demuscles, voire de races. On les afarcis, fumés, marinés ». Ceconcept de kit clé en main (avecle pain et les sauces) pour le foodservice a été mis au point avec leschefs de la division restaurationdu groupe et au sein d’une usinepartenaire en Italie.

Smiley : une offre fraîcheen GMS pour 2016

Pour la grande distribution,Giraudi a présenté au Sial 2014 à

Paris puis au dernier salonAnuga, en octobre à Cologne, sonoffre sous licence Smiley (Ric-cardo la possède aussi pour lescoques de téléphone). Surgelée,cette gamme fabriquée avec de laviande certifiée 100 % euro-péenne se compose de mini etmega nuggets de poulet élaborésà partir de filets et cuisses depoulet, de burgers de veau et debœuf extra tendre et d’omelettesnature. « Nous sommes référencésen national chez Casino. C’est très

bien parti avec Carrefour, Leclercen région. Tout le monde est trèsintéressé », assure RiccardoGiraudi qui souligne que McCaina la licence pour les pommes deterre. Le groupe travaille actuel-lement à une offre fraîche pour2016. « On la lancera au prochainSial pour la France et l’Italie »,souligne son dirigeant.

Nouvelles originesLes projets du groupe sont nom-breux. « On veut s’étendre à la

GMS, lancer de nouveaux pro-duits, de nouvelles origines deviande (du Canada, d’Uruguay,d’Australie, de Bavière et deGalice). Nous avons aussi beau-coup de projets dans la restaura-tion. À marque Pantone, je sou-haiterais par exemple ouvrir unlieu éphémère à Paris courant2016 avec des produits comme dela glace, des jus de fruits et du pop-corn. L’idée : manger de la cou-leur », résume Riccardo Giraudi.À la question, « et quid de laviande française, n’y en a-t-il pasd’exceptionnelle ? N’allez-vouspas davantage la promouvoir (endehors du veau) ? » Le directeurde Giraudi répond : « le vrai pro-blème en France, c’est la cons-tance. Quand elle sera constante,elle aura une clientèle. La viandefrançaise est déjà à la mode enItalie. Pour le Charolais, il y a unpotentiel ». �

Nathalie Marchand(1) La troisième activité de Giraudiconsacrée à la mode se scinde en troissociétés : Fashion factory, spécialisé dansle déstockage de grandes marques, CaseScenario proposant des accessoires pourmobiles et Miss Bibi, marque de bijouxet accessoires.

Le groupe Giraudi s’intéressede près à l’évolution des négo-ciations commerciales entrel’Europe et les Etats-Unis(accord TTIP). « Nous sommestoujours en relation avec laCommission européenne »,confie Riccardo Giraudi, direc-teur général du groupe. Àcontre-courant des profession-nels français de la viandebovine qui craignent ses consé-

quences, le négociant moné-gasque estime au contraire quel’accord peut représenter unebonne opportunité pour l’Eu-rope. « Les prix sont assez chersaux Etats-Unis. L’Europe aintérêt à exporter », souligne-t-il. Giraudi se prépare notam-ment à exporter du veau. « Lepotentiel peut être énorme. Ilsaimaient ça, avant, le veau, lesAméricains ! ».

ACCORD TRANSATLANTIQUE

Une opportunité à saisir

Page 10: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

10 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

ÉVÈNEMENT | LA VIE DES ENTREPRISES

© Y.

K.

© Cl

audi

ne G

érar

d

Intégrateurs

Le porc espagnol face à l’embargo russe

Les industriels espagnols nesont jamais vraimentbavards quand il s’agit de

parler de leur business. Notam-ment dans le monde de laviande, qu’elle soit bovine (l’an-tique peur des questions sur leshormones) ou porcine (aveccette fois le prétexte du rapportassociant viande et cancer 1) quifit grand bruit cet automne).Pour autant nul ne peut nier que

la production porcine espagnolea fortement subi l’entrée envigueur de l’embargo décidé parles Russes pour protester contreles mesures prises par l’Unioneuropéenne lors de la crise ukrai-nienne. Pour bien comprendrel’ampleur du phénomène, il fautremonter en 2008 et à la crisefinancière mondiale qui a plongéles pays du sud de l’Europe dansune situation particulièrementcomplexe dont ils peinent encoreaujourd’hui à sortir. Au cours decette traversée du désert écono-mique, le pays a connu une chutebrutale de la consommationdomestique (qui n’a toujours pasrecouvré son niveau d’avant lacrise) et une vague de chômagesans précédent qui a frappé plusd’un quart des travailleurs. Dansce contexte, toutes les entreprisesagroalimentaires se sont déme-nées pour dénicher de nouveaux

marchés à l’export. Avec l’appuide l’administration centrale dupays qui n’a pas ménagé sesefforts pour faire avancer les dos-siers d’agréments des outilsindustriels pour l’exportationvers les pays tiers.

Espoirs du côté du JaponLe marché russe fut l’un de cesdébouchés salvateurs, jusqu’àl’embargo. Sa perte se conjugue àune progression de la productiontoujours très vive, +9 % au pre-mier semestre 2015 et + 5 %attendu au second. La filièreespagnole est entrée dans unezone compliquée avec le prix duporc qui a enfoncé la barre fati-dique d’un euro pour un kilo vifdébut novembre. « Alors que lescoûts de production sont évaluésà 1,5 euro » précise Miguel AngelHiguera, directeur d’Anproga-porc, association représentant

70 % de la production espagnole.« Nous attendons bien entendu lafin de l’embargo russe, c’est évi-dent, poursuit-il. Mais pour nousce n’est pas la seule solution. Cen’est pas le seul marché. Il existedes alternatives, d’autres destina-tions, mais les prix pratiqués ysont bien moins intéressants !Nous sommes convaincus que l’é-limination des barrières doua-

nières non tarifaires dans les paystiers peut constituer pour la pro-duction porcine espagnole unevraie opportunité de développe-ment ». Anprogaporc espèreaussi voir avancer les négocia-tions avec le Japon pour la mise

La production espagnole de porc a augmenté de 9 % sur le premier semestre 2015 et est attendue en hausse de 5 % sur le second. La fédération des fabricants d’aliments (Cesfac)assure que 2014 a été une assez bonne année en terme de rentabilité, et s’attend à un exercice 2015 similaire. L’interprofession (Anprogaporc) se montre moins optimiste.

>>

« Il existe des alterna-tives, mais les prix pratiqués y sont bienmoins intéressants ! »

« Les prix sont passés sous un euro pour un kilo vif alors que les coûts deproduction sont à 1,5 euro »

Miguel AngelHiguera,directeurd’Anprogaporc

Page 11: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

Vos normes de quali té, pour des viandes

d’excellence.

La nouvelle gamme de viande de bœuf issue de bovins

croisés spécialement pour produire la meilleure viande de bœuf possible.

Héritage d’un savoir faire exceptionnel transmis

trois siècles, cette gamme garantit la régularité de

la qualité de la viande de bœuf.

La marque « Agneau Cottage Select » garantit la régularité de la viande

et sa traçabilité jusqu’à l’élevage d’origine.

Découvrez les marques de viande d’agneau et de bœuf dédiées aux professionnels de la viande et de la restauration.

N

ATURE SAVEUR TRADITIO

N

Le bétail sélectionné est constitué exclusivement d’animaux jeunes, élevés

selon les méthodes naturelles et traditionnelles d’un système

basé sur le plein air.

Pour toute information,veuillez contacter

AHDB FranceTél. : 01 60 71 04 49

Mail : [email protected]œufAgneau

Les cahiers des charges Norme Qualité Agneau, Bœuf et Viande Bovine Britannique

sont disponibles surwww.ilovemeat.fr

Créa

tion

Eri

gone

- Cr

édit

pho

to ©

Gille

s H

irgo

rom

Page 12: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

ÉVÈNEMENT | LA VIE DES ENTREPRISES

12 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

en place d’un accord de libreéchange et créer de nouveauxdébouchés pour la productionporcine européenne. « Ensuite, ilest clair que si nous pouvions faireprogresser la consommation deviande et de produits transformésà base de viande porcine enEspagne, ce serait très positif pournous », commente encoreMiguel Angel Higuera.

Quelques mois detrésorerie pour faire face

Aujourd’hui, les élevages ontencore un peu de réserves,quelques mois de trésorerie pourfaire face, mais Miguel AngelHiguera n’est pas très optimiste.« L’année 2014 a été assez bonnequand même en termes de renta-bilité et de profitabilité dans lafilière malgré le contexte »affirme pour sa part Jorge de Sajapour la Cesfac, la fédération desfabricants d’aliments qui sontaussi de grands intégrateurs.« 2015 devrait être plus ou moinsde la même veine, avec un niveau

de rentabilité quasi similaire àcelui de l’année dernière ». Lesentreprises sont-elles alors endanger ? Pour Miguel AngelHiguera « pour l’instant, on peutdire que ça va, les années précé-dant cette nouvelle crise n’ont pasété si mauvaises au final, les pro-ducteurs avaient pu faire un peu

de trésorerie. Mais je pense qu’ilne leur reste plus que quelquesmois et tout peut être très différentselon les situations ». De nombreux producteurs ontinvesti fortement et récemmentpour se mettre en conformitéavec les normes bien-être de l’Union européenne d’abord,puis pour gagner en compétiti-vité. « Tous ces investissementssont aujour d’hui dans leur phased’amortissement et comme ils ontété réalisés avec l’appui desbanques et le recours au crédit, leremboursement du capital plus lepaiement des intérêts rend leschoses déjà très compliquées pourune partie des producteurs espa-gnols », commente Miguel AngelHiguera. Il est donc primordialpour eux de continuer d’ouvrirde nouveaux marchés.

Le regard vers l’Europede l’Est et la Chine

Du côté des fabricants d’alimentsdu bétail, on regarde vers laChine avec insistance. « Aussibizarre que cela puisse paraître,cela coûte moins cher d’aller expé-dier de la viande de porc en Chinequ’en Russie. Parce qu’on peutfaire des containers, c’est plussimple. D’un autre côté, il n’estpas forcément facile de faireagréer les outils d’abattage et detransformations par les autoritéschinoises » remarque Jorge deSaja. « Mais nous essayons defaire en sorte que les visites d’a-grément des fonctionnaires chi-

nois soit organisées le plus rapide-ment possible pour faire accélérerles dossiers de certification. »L’autre lueur que Jorge de Sajavoit dans l’actualité européenne,ce sont les foyers de peste porcinedans l’Est de l’Europe. « Nous nenous réjouissons pas de ce quiarrive là-bas, ne vous méprenezpas, mais la crise semble durer.Nous connaissons bien le pro-blème pour y avoir été confrontésil n’y a pas si longtemps que cela.Ce genre de crise s’étend sur troisphases, la phase de négation, lors-qu’on nie l’ampleur de l’épidémie,la phase d’acceptation, puis vientla phase des mesures sanitaires etl’abattage des porcelets... Pourl’instant, nous le voyons bien,nous sommes encore dans laphase de négation. Si l’épidémiedevait s’étendre à la Pologne parexemple, il est clair que les autrespays producteurs européensseraient prêts pour pallier leurabsence sur le marché. » �

Yann Kerveno(1) Rapport de l’Organisation mondiale

de la santé.

L’autre porte de sortie attenduepar la production repose sur unredémarrage du marché espa-gnol. Mais là, l’affaire s’avèrepour le moins complexe. « Nousn’avons pas de reprise extraordi-naire, précise Jorge de Saja, pré-sident de la fédération des fabri-cants d’aliments. Nous avons eude la chance que les saisons d’étéet l’afflux massif de touristesdans notre pays, qui sont cru-ciales pour la production por-cine, soient bonnes en 2013 et

2014 et meilleure encore en 2015.Cela a permis de continuer detirer le marché. Mais nousvoyons des signes intéressantsdans la consommation généraledes Espagnols, avec notammentle redémarrage de la consomma-tion hors foyer. Les gens com-mencent de retourner un peu aurestaurant. » Une campagne depromotion va venir appuyercette reprise fragile pour inciterles consommateurs espagnols àrepiquer de la fourchette dans le

filet mignon. Orchestrer cettecommunication sera un desrôles de l’interprofession nou-vellement créée. Producteurs etabatteurs étant soumis à unecotisation de 4 centimes par car-casse. Cela dit, Jorge de Saja lerépète, la filière est dans les star-ting-block pour la réouverturedu marché russe. « Notre secteurest plus ou moins préparé, à courtterme, pour reprendre ses expor-tations vers le marché russe,même à court terme. »

CONSOMMATION

Timide reprise sur le marché domestique

>>

« Cela coûte moins cherd’aller expédier de laviande de porc en Chinequ’en Russie ».

Jorge de Saja,président de la Cesfac

Exportations de viande de porc espagnolEn 2014 par destination. Hors élaborés, en tonnes

Source : Services de statistiques du commerce extérieur d’Espagne

Danemark29 000

Royaume-Uni38 000

Pologne31 000

Allemagne57 000

Hong Kong53 000

Corée du Sud56 000

France

Portugal

Chine

Japon

Italie

310 000

130 000

138 000

74 000

134 000

Philippines33 000

La filière espère arriver à faire progresser la consommation en Espagne de viande etde produits transformés à base de viande porcine. Elle frémit déjà en restauration.

© Y.

K.

Page 13: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 13

HAUT DE GAMME | DOSSIER

>>

Restauration

La viande haut de gammeest affaire de goût

Au côté des institutions, La Maison del’Aubrac, le Louchebem, Au bœufcouronné, de nombreux concepts de

restaurants carnivores fleurissent un peu par-tout en France : Big Fernand, AtelierVivanda, Beef Club, Les Provinces, Le BœufVolant, John Viande, Persillé, pour ne citerqu’eux. Même si l’origine des viandes y estvariée, force est de constater que la race blackangus y est souvent mise en avant. Pour cer-tains restaurateurs, la France n’a pas su déve-lopper un produit haut de gamme et adapté à

la restauration comme la black angus. Pourd’autres, il s’agit d’un effet de mode, la viandefrançaise ayant de réels atouts à défendre.Akrame Benallal, le chef doublement étoilédu restaurant Akrame et à la tête du conceptAtelier Vivanda, trouve dans la race blackangus élevée dans les grandes plaines desEtats-Unis la régularité et le goût qu’ilrecherche. « La viande doit avoir du goût, sans

être trop grasse. Personnellement, j’apprécie legoût beurre-noisette de certains morceaux »,indique le chef. Son persillage dû principale-ment à une alimentation en maïs lors de lafinition et une régularité dans la qualité de laviande sont appréciés par les chefs.

La régularité de la qualitérecherchée

« Je peux trouver aussi des morceaux excep-tionnels dans une salers, mais ce n’est pas assezrégulier », souligne Akrame Benallal. C’estgrâce à la régularité que les éleveurs améri-cains ont réussi à afficher leur race blackAngus sur les cartes des restaurants. Du côtéfrançais, les différents terroirs et races fontque la viande haut de gamme doit se décou-vrir. En fonction du travail des engraisseurs,des éleveurs, une même race peut donner unequalité de viande différente. « En France, ilfaut aller dénicher les abattoirs qui travaillentde la viande de haute qualité. On peut trouverdes pépites en France. La qualité du bœuf nor-mand peut être magnifique par exemple. C’estune race mixte mais sa viande est persillée,marbrée. Il faut du temps pour faire une bonneviande. C’est vrai que la black angus améri-

caine a un goût doux et une bonne rondeur enbouche, mais on peut aussi en France faire dutravail de qualité. Il faut juste dénicher les éle-veurs qui font un travail de qualité », expliquePierre Lesage, directeur commercial de lasociété Lesage et fils, dont une partie de l’ac-tivité est de fournir en viande de qualité lesrestaurants gastronomiques, les hôtels ouautres palaces comme le Negresco à Nice. Lechef de cet hôtel de luxe privilégie parexemple la race Aubrac, note Pierre Lesage.Pour Jean-claude Bors, président du grossisteDeplanche-Lauberye, « la black angus est duvrai haut de gamme qui coûte cher. Les Amé-ricains ont su la mettre en avant, mais elle a ledéfaut de ne pas peser lourd ». « On peuttrouver du filet, du faux-filet, des entrecôtesetc. mais pour les avants et les cuisses, personnen’en veut », ajoute-t-il. Pour ce spécialiste dela viande de qualité, commercialisant auprèsde bouchers de renom comme Hugo Des-noyer, la meilleure viande française provientde la race bovine parthenaise. Il est en effetcommissionnaire pour des naisseurs-engraisseurs-éleveurs de cette race. « C’estune viande très tendre. Les os sont fins et lesmuscles très prononcés. Il y a plus de viande

© Ay

mer

ic W

arm

é-Ja

nvill

e

© Ay

mer

ic W

arm

é-Ja

nvill

e

La black angus américaine et la Holstein néerlandaise sont à l’honneur de la carte du restaurant Atelier Vivanda, dont le chef doublement étoilé Akrame Benallal est le fondateur. Les nouveaux concepts de viande n’en oublient pas pour autant les races et labels français mais pointent du doigt leur manque de constance en matière de qualité.

« On peut trouver des pépites en France. La qualité du bœuf normand peut être magnifique ».

Page 14: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

DOSSIER | HAUT DE GAMME

14 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

>> Les signes officiels d’origine et de qualité(Siqo) ne sont pas récents dans la viandeen France. Bien avant l’apparition des

AOP et IGP en 1992, le label Rouge existaitdéjà depuis 1972 avec le veau sous la mère,puis en 1974 le bœuf charolais du Bourbon-nais, en 1988 le premier agneau et en 1987 lepremier porc. Aujourd’hui, on dénombresept AOP en viande : le taureau de Camargue,la Maine-Anjou, le bœuf fin gras du Mézenc,le bœuf de Charolles, deux AOP en vianded’agneau (l’agneau de prés salés de la baie duMont St Michel et l’agneau de prés salés de labaie de Somme) et une AOP en viande demouton (le mouton de Barèges Gavarny). Lelabel Rouge regroupe 54 viandes. Les IGPsont au nombre de 26. Les viandes (hors char-cuterie et salaisons) sous Siqo représentaient,en 2014, 423 millions d’euros de chiffre d’af-faires à la première mise en marché. La viande

de bœuf label Rouge subit une légère baisse,passant de 25 000 tonnes en 2005 à 20 000tonnes en 2014. En veau, le label chute de8 900 tonnes en 2005 à 8 500 tonnes en 2014.Seul l’agneau tire son épingle du jeu en affi-chant 8 900 tonnes soit une augmentation de2 100 tonnes en 2014. Le porc, quant à luireprésentait 19 000 tonnes en 2005 pour lelabel Rouge et IGP et 47 000 tonnes en 2014suite à l’obligation de passer par le labelRouge porcin pour transformer les charcute-ries label Rouge.

Une politique qui porte ses fruitsDepuis leur création, les Siqo ont traversétoutes les crises alimentaires. ESB, H1N1,

scandale de la viande de cheval, ont à chaquefois joué en faveur des produits sous Siqo. LesAOP fêtent leurs 80 ans, le label Rougecélèbre ses 50 ans et les IGP leurs 23 ans et ilsne se sont jamais aussi bien portés que lors descrises : ils rassurent. « Quand tout va bien, lesconsommateurs oublient le “pourquoi” desSiqo », souligne toutefois Henri Baladier, pré-sident de Fil Rouge, la Fédération des viandesLabel. « Aujourd’hui, on s’aperçoit que labaisse des volumes est plutôt sensible enviandes hors Siqo. Si les impacts médiatiquesont affecté la viande en général, le consomma-teur a décidé de manger moins mais mangermieux, ce qui est favorable aux Siqo ». Cetaspect non négligeable ne doit pas faire

Signes de qualité

Frein ou atout français ?D

RDR

« Quand tout va bien, les consomma-teurs oublient le « pourquoi » dessignes officiels d’origine et de qualité »

Henri Baladier,président de Fil Rouge, laFédération des viandes Label

que pour d’autres races comme la limousine oùles os sont très présents », argumente Jean-Claude Bors. Il s’approvisionne par ailleursen blonde d’Aquitaine, la seconde race qu’ilconsidère comme haut de gamme, mais dontle « grain de viande est moins fin » que pour larace bovine parthenaise.

Une viande tendre et grasse mais sans excès

La viande haut de gamme reste une affaire degoût. Il faut qu’elle soit tendre et grasse, maissans excès, comme pourrait l’être le bœuf deKobé. « La mode est à la consommation demorceaux de viande très tendre, voire molle.Pour moi, la viande haut de gamme se définitpar son goût. Les races à viande limousine ou

blonde d’Aquitaine sont des viandes grassesavec du goût mais pas autant que le bœuf deKobé par exemple qui l’est beaucoup trop »,estime Etienne Jojot, gérant du Louchebem.La viande doit avoir un minimum de mâchepour satisfaire un besoin de satiété, ce quin’est pas le cas d’une viande trop grasse. « Lesrestaurants mettent toujours en avant lesmêmes morceaux, comme le filet ou la noixd’entrecôte, pour répondre aux attentes duconsommateur. Forcément, il faut bien sefournir à l’étranger pour trouver de la dispo-nibilité », souligne Etienne Jojot. Le Lou-chebem propose le plus souvent des racesfrançaises, limousine, blonde d’Aquitaine entête, hormis parfois la simmental en prove-nance de Bavière. Race laitière élevée à

l’herbe, et souvent soumise à un régime definition à l’étable durant les derniers mois, lasimmental est notamment recherchée par lesrestaurants pour la finesse de son grain et sesmuscles prononcés. Si les restaurateursconsidèrent les races bovines salers et Aubraccomme des viande de qualité, certains pen-sent qu’elles ne sont pas connues en tant queraces haut de gamme. « La salers n’a pas uneimage très moderne. Est-ce les éleveurs quin’ont pas su se renouveler, se moderniser ? »,s’interroge Etienne Jojot, gérant du Lou-chebem. « La charolaise a par exemple réussisa communication, alors que sa viande estmoins bonne qu’une limousine ou une sim-mental », estime-t-il. �

Anne-Sophie Le Bras

On dénombre sept AOP en viande dont le mouton de Barèges Gavarny. Le label Rouge regroupe 54 viandes. Les ventes de porc sous label Rouge et IGP représentaient 47 000 t en 2014 (contre 19 000 tonnes en 2005).

Page 15: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

HAUT DE GAMME | DOSSIER

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 15

>>>>

Joël Alix travaille en boucheriedepuis l’âge de 14 ans. Depuis18 ans il est responsable bou-cherie volaille au Leclerc Boisd’Arcy (78). Il vient d’ouvrir unrayon traditionnel avec 80 % deproduits label Rouge. Quatreviandes sous label Rouge sontprésentes : le bœuf duLimousin, le porc fermier de laSarthe, l’agneau Le Diamandin,et le veau du Limousin.

LMH-VM : Pourquoi après18 ans d’existence, le magasina-t-il décidé d’ouvrir sa bou-cherie traditionnelle ?Joël Alix : C’est une volonté dela direction du magasin. Quandon me l’a proposé j’étais un peuréticent car j’ai tout de suitepensé aux coûts salariaux qu’untel rayon allait engendrer. Mais,le jeu en valait la chandelle. Au

début, j’ai pensé « viandenoire », mais pour des raisonssanitaires j’ai préféré faire monexpérience en raisonnant racesou origines géographiques etlabel Rouge.

LMH-VM : Pourquoi ce choixdu label Rouge ?J. A. : Depuis une quinzained’années, le label Rouge est unsigne officiel de qualité qui ras-sure le consommateur. Ce signefait vendre et donne confiancesurtout dans un rayon tradi-tionnel. Avec tout ce que l’onpeut entendre sur la viande, leconsommateur a besoin d’a-cheter quasiment les yeuxfermés. J’ai réservé les races et lelabel Rouge au traditionnel avecune maturation de 15 jours,c’est-à-dire environ 5 jours deplus que le cahier des charges du

label. Je suis devenu un « fan »du label Rouge. En libre-ser-vice, je ne travaille qu’avec desraces à viande.

LMH-VM : Alors quels sont les résultats ?J. A : Depuis l’ouverture en septembre nous avons réalisé

140 000 euros en octobre etnous tablons sur un chiffre d’af-faires de 150 à 160 000 euros encontinu avec six bouchers dontun intérimaire. Nous avonscommencé avec de la limousinesemi-parée et maintenant nousen sommes aux bêtes sur os.D’autre part, je pense, que lelabel Rouge présente un avenirfantastique au sein de la relationéleveurs/distributeurs surtouten ces temps un peu troublés.Concernant les prix de vente,nous nous situons au mêmeniveau de prix pratiqués par lesartisans bouchers qui ne fontpas de label. Mais attention auxprix : les consommateurs nesont pas contre la viande, maiscontre le prix de la viande pra-tiqué chez certains bouchers.

Propos recueillis parDominique Chaillouet

POINT DE VUE

« Le label Rouge fait vendre et donne confiance »

© D

. C.

oublier que la qualité engendre aussi descoûts de production plus élevés. Ils se réper-cutent tout au long de la filière et réservent cesproduits aux circuits plutôt haut de gamme,chaque signe possédant des circuits de distri-bution différents en fonction des volumescommercialisés. Ainsi, la part de la commer-cialisation des AOP est orientée majoritaire-ment vers les artisans bouchers et restaura-teurs et reste faible en GMS alors que le labelRouge devient de plus en plus présent engrandes et moyennes surfaces.

Des améliorations attenduesLes cahiers des charges des AOP, IGP et labelRouge sont à un bon niveau, mais ils sontconcurrencés par les allégations disponiblessur les produits standards qui incluent des cri-tères environnementaux répondant aux nou-velles attentes des consommateurs. Fil Rouge

souhaiterait que ces allégations puissentfigurer dans les cahiers des charges. « Cesmentions sont interdites dans les produits soussignes officiels, alors qu’elles apparaissent surles produits standards, regrette Henri Bala-dier. Nous souhaitons pouvoir inclure nos pra-tiques quotidiennes d’élevage qui intègrent lescritères environnementaux. Cette décision res-sort d’une autorisation ministérielle et nous enavons fait la demande auprès du ministre del’Agriculture et de l’Inao ».

Les signes aident-ils à la vente ? Il paraît certain que les signes de qualité offi-ciels aident à la vente et sont une voie d’avenirs’ils se distinguent des fausses promessesmarketing. Mais chacun a son marché etquand on rentre sur le créneau confidentieldu haut de gamme, les signes perdent de leurefficacité. « Ce n’est pas parce que cela porte

un signe ou le nom d’une race que c’est bon. Unproduit c’est le résultat d’une filière, de métiersdifférents qui doivent travailler ensemble. Si un des éléments ne fait pas son travail cor-rectement le résultat final est souvent mau-vais. Je place les hommes au-delà de l’éti-quette », estime Jean Denaux, maître d’œuvreen matière d’affinage de la viande à Sens. « Le label Rouge apporte la sécurité auconsommateur par le biais d’un cahier descharges officiel, après c’est à chacun de faire seschoix. En cela, les GMS doivent apprendre àtravailler avec la segmentation ». Les « dix àtreize jours » minimum d’affinage dans lecahier des charges bovins paraissent insuffi-sants pour Jean Denaux qui affine sur de lon-gues périodes. Mais plus on renforcera le cahier des charges,plus le produit coûtera cher. Il faut donc enrevenir au marché et parler de segmentation :à chacun sa clientèle et le label Rouge a toutesa place dans l’avenir mais en rayon tradi-tionnel. C’est d’ailleurs en 2014 le position-nement privilégié pour l’agneau label Rouge(61 % en GMS) et pour le veau label Rouge(47 % en GMS) alors que le bœuf ne repré-sente en GMS que 28 %. Le porc (hors char-cuteries et salaisons) occupe 28 % de parts enGMS. Concernant les AOP, les volumes res-tent confidentiels, seules quelques GMSlocales référençant le produit. �

Dominique Chaillouet

Fil Rouge a mis en place un programme decommunication sur 3 ans « Je suis Labelrou-gien » en radio sur deux vagues successivesréparties dans l’année. Cette action estaccompagnée par la Commission euro-péenne à hauteur de 50 % et doit se terminer

en 2016. Selon Henri Baladier, président del’organisation, il existe une « vraie reconnais-sance » de cette campagne et les effets sontpositifs tant en amont qu’en aval de la filière.Un nouveau dossier devrait être déposé pourcontinuer cette campagne au-delà de 2016.

LABEL ROUGE

La communication porte ses fruits

Joël Alix a ouvert un rayon traditionneldans le premier Leclerc de France.

Page 16: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

DOSSIER | HAUT DE GAMME

16 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

>>Si la qualité d’une viande dépend de lagénétique de l’animal, de son alimenta-tion et de son mode d’élevage, l’abattage

s’avère déterminant pour mettre en valeur uncapital qualité créé par l’éleveur. Dès le départ de la ferme, beaucoup d’élémentscomptent. « Le transport est source de stresschez les animaux. Beaucoup de facteurs peuventjouer sur le stress : le temps de parcours, le char-gement, le mix mâle/femelle dans le camion,mais aussi la provenance des bêtes », expliqueJérôme Curt, responsable filière viande desBoucheries André qui fait abattre ses animauxà l’abattoir de Bourg-en-Bresse. Mais l’abatteurn’a pas prise sur la qualité du transport. Sa véritable responsabilité débute au déchar-gement des bêtes dans la bouverie. « Dans l’a-battoir de Bourg-en-Bresse, les animaux sontdéchargés et contrôlés, en collaboration avec lesservices vétérinaires. Les bêtes sont inspectéeset classées en fonction de leur catégorie et deleur état sanitaire », explique Olivier Aubert,président de l’abattoir. L’identification de l’a-nimal est également vérifiée et l’intégralité desinformations de son passeport intégrées aulogiciel de traçabilité. Les bêtes sont placées,en petits groupes dans des enclos.

Une saignée rapide et efficaceLe dernier corridor dirige les bêtes une à unevers le box de contention. Une fois entréesdans ce box, les étapes doivent se succéderrapidement. L’opérateur place le pistolet d’as-sommage au centre de la tête de la bête et l’ac-tive. L’animal a perdu toute conscience et sen-sibilité, même si des spasmes musculaires dereflexe peuvent être observés. Le box s’ouvrealors en contrebas et laisse glisser l’animal surune pente légère. L’opérateur suivant accrocheune patte arrière de l’animal à une berce. Ilsaigne alors l’animal à la jugulaire. La saignéecomplète s’effectue en 30 secondes. « Il est trèsimportant d’avoir une saignée de qualité :rapide et efficace. Ce geste technique, s’il est malexécuté peut provoquer l’éclatement des vais-seaux sanguins dans les muscles, ce qui donneraune viande tachetée ou pourra même avoir uneincidence sur la couleur de la viande », explique

Stéphanie Rolland, responsable qualité ethygiène de l’abattoir. L’étape suivante est cellede « l’habillage » de la carcasse. Des incisionssont réalisées aux sabots et autour de la tête.Avant toute opération plus invasive sur lacarasse, l’herbière et le rectum sont clippés afind’éviter toute contamination du tube digestifsur la viande. Les opérateurs procèdent à l’a-blation des mamelles. La peau de la carasse estôtée grâce à un arrache cuire mécanique. Latête est enlevée et l’opérateur suivant procèdeà l’éviscération abdominale. Là encore, le geste est technique puisqu’il s’agit

d’enlever les abats blancs, sans percer la panse.Vient ensuite l’éviscération thoracique avecl’ablation des abats rouges. Tous les abats sontétiquetés avec le même code que la carcasseafin d’assurer la traçabilité de l’intégralité de labête. Un pare fente vient découper la carcasseen deux et un opérateur procède ensuite à laprésentation commerciale de la carcasse enôtant le gras superflu sur l’avant de la carasse.Puis c’est la pesée fiscale avant le ressuage.

Maitriser le ressuageSi les étapes de désassemblage et de préparationde la carcasse sont primordiales, celle du res-suage s’avère particulièrement importante. Ils’agit du refroidissement de la carcasse, c’est delui dont va dépendre la tendreté de la viande.Toute la subtilité du ressuage réside dans lecouple temps-température. Le froid doit êtremaitrisé pour éviter la contracture de la viandeet le développement bactériologique. En fin dechaîne d’abattage le rumsteak doit être à 30°Cà cœur. 10 h après abattage, il doit être à 10°Cet à 24 h, sa température doit se situer entre 5 et6°C. Après ces 24 heures passées en frigo, la car-casse sera maturée. Les avants, le plus souventvalorisés en steak haché seront transformésdans les 24 heures, tandis que les arrières, là ouse trouvent les morceaux nobles, serontmaturés 8 à 10 jours, en fonction de la destina-tion de la viande et du cahier des chargesclients. � Caroline Carvalho

Étape-clé

L’abattage garant de la qualité

Après le découpage de la carcasse en deux, leressuage conditionne la tendreté de la viande.

© C.

C.

RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

Bien-être animal et tendreté de la viandeTous les facteurs de stress des animaux peu-vent jouer sur la qualité de la viande. AlainPeyron, délégué général opérationnel del’Adiv rappelle : « du stress dépend le tauxd’ATP (taux de dégradation du glycogènedans le muscle). En fonction du stock d’ATPmusculaire, la cinétique de descente du PH dela viande sera plus ou moins importante. Plusla cinétique sera rapide et plus le PH sera faiblece qui donnera une viande claire et exsudative.

Plus la cinétique sera lente et plus le PH seraélevé, ce qui donnera une viande sombre et col-lante. ». Pratiquement tous les stimuli exté-rieurs peuvent jouer : les conditions detransport, d’attente dans la bouverie et saconfiguration architecturale, la températureextérieure, le temps d’attente des animaux enstabulation avant abattage, leur hydratation,les bruits générés par l’abattoir, la présence del’homme et son comportement...

Page 17: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

HAUT DE GAMME | DOSSIER

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 17

Puigrenier tire un premier bilan positifdu lancement en 2014 d’une gamme deviande bovine affinée. « Les résultats

commerciaux sont satisfaisants mais cela resteun marché de niche, tant en GMS qu’en res-tauration », indique Pierrick Priouzeau, ledirecteur général de l’entreprise familialeauvergnate spécialisée dans l’abattage, ladécoupe et la transformation bovine de racesà viande et biologiques.L’objectif n’est pas pour l’entreprise de fairedes volumes mais de combler l’attente de sesdifférents clients en matière de produits pre-mium. C’est le cas d’enseignes de distributionqui ont utilisé au printemps dernier la viande

l’époque, uneautre techno-logie intéressede près le milieude la viande bovine :« l’affinage ». Puigrenierse rapproche del’Adiv, le centretechnique de Cler-mont-Ferrand, quilui propose de tra-vailler ensemble à la miseau point du procédé et du produit, avec l’am-bition de proposer une viande de qualité gas-tronomique. >>

charolaise affinée de Puigrenier pour en fairela Une de leur catalogue. Mais c’est aussi le caspour la restauration étoilée, qui a tendance àfavoriser le poisson ou la volaille, jugés plusréguliers en matière de qualité. « Avec laviande affinée, nous offrons aux chefs unealternative prête à l’emploi pour faire revenirla viande bovine charolaise à leur carte entoute confiance », estime Pierrick Priouzeau.

Travail de mise au point du procédéet du produit avec l’Adiv

La PME a commencé dès 2011 à proposer desviandes charolaises maturées sur os enchambre froide 21 jours minimum. Mais à

DR

Transformation

Morceaux affinés pour clients exigeants

une belle histoire d'amourune belle histoire d'amour

avant d’inventer sa célèbre bouillabaisse, offrait ainsi au monde des gourmets ses Pieds et Paquets Marseillaisavant d’inventer sa célèbre bouillabaisse, offrait ainsi au monde des gourmets ses Pieds et Paquets Marseillais

Page 18: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

18 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

DOSSIER | HAUT DE GAMME

tionnés sont envoyés chez un prestataire àRungis où une ligne de conditionnement a étéinstallée. Un processus de refroidissement àcœur permet une meilleure conservation desmorceaux. « La viande est découpée aumeilleur moment de sa maturation, puisemballée sous vide avant de passer dans untunnel de surgélation entre -40 et -45 °C, afin deconserver au mieux la qualité de la viande.L’eau des cellules est transformée en micro-cris-taux, ce qui n’altèrera pas la fibre au momentde la remise en température. Nous avons portéun soin particulier au choix du plastique denotre emballage sous-vide. Nous avons faitattention que les morceaux ne se touchent pasdans les bacs ventilés », explique FranckPriolet, fils et petit-fils de boucher, ancienimportateur de viande fraîche, et co-fondateurde la marque Les Beaux Quartiers.

Donner le maximumd’informations sur la traçabilité

Pour limiter les freins psychologiques querevêt l’achat de viande sur Internet, la marque

>>Franck Priolet, Pierre Dubois et ClémentSegault, tous issus du monde de laviande, se sont lancés un défi de taille,

celui de vendre via un site Internet de la vianded’exception. Partis du constat que le consom-mateur cherche à « manger moins maismieux », ils veulent rendre accessibles desviandes de qualité en réduisant la chaîne dedistribution à son minimum. La marque LesBeaux Quartiers a ainsi été lancée en juin der-nier. Elle propose des morceaux exclusive-ment issus de races à viande d’origine françaiseou étrangère. La race limousine côtoie la Here-ford. La part belle est faite au bœuf argentin, àla black angus d’Uruguay, au wagyu japonaisou encore au bœuf irlandais. Les fondateurssélectionnent eux-mêmes les éleveurs avec les-quels ils travaillent et mettent en place uncahier des charges spécifique. En France, lamarque a sélectionné la race limousine en pro-venance de l’exploitation de Nicolas Dutheil àRochechouart et du Gaec de la Source à proxi-mité des Vosges qui élève du bœuf Hereforddans l’Est de la France. Les morceaux récep-

a choisi de détailler le plus précisément pos-sible la provenance de ses morceaux de viande,en indiquant par exemple la région d’élevagele nom du producteur, le nom de l’abattoirainsi que son agrément. « C’était important dedonner ces informations pour rassurer sur latraçabilité de nos produits. On classe égalementnotre offre en fonction de leur goût : de l’élégantau franc, du puissant au sublime. Un goût élé-gant correspond par exemple à des viandes augras intramusculaire prononcé. Les goûts francssont des viandes plus persillées. Plus on tend versle sublime, plus la viande est persillée », préciseFranck Priolet. D’autres races pourraient éga-lement faire leur apparition dans le cataloguede la marque prochainement, comme une raceécossaise biologique. Certains éleveursauraient déjà contacté les fondateurs. Par ailleurs, les trois associés envisagent decréer une boutique à Paris. « Nous voulonscréer du lien autour de la marque en ouvrantune boutique », indique Franck Priolet. La pre-mière devrait ouvrir au cours du premiersemestre 2016. � Anne-Sophie Le Bras

Distribution

Les Beaux Quartiers parient sur le web

Franck Priolet (à gauche) et Clément Ségault (à droite), deux des fondateurs des Beaux Quartiers, en visite dans l’exploitation de Nicolas Dutheil, éleveur de Limousines à Rochechouart.

DR

DR

Le projet démarre en mars 2013 avec unesérie d’évaluations dans les domaines sani-taires et organoleptiques. « Notre souhaitétait en effet d’aboutir à une viande à la foisirréprochable du point de vue de la sécurité ali-mentaire et qui apporte une valeur ajoutéeperceptible en termes de tendreté et de goût »,

souligne le dirigeant de Puigrenier. L’entre-prise auvergnate équipe son site des matérielsélaborés avec l’Adiv à l’automne 2013 puiscommence la commercialisation en débutd’année 2014, avec un lancement « officiel »au Sirha 2015 à Lyon.La technique diffère de celle de la maturation

classique en frigo. Il s’agit d’un véritable affi-nage, sur une longue durée (huit semaines).« Cela réclame un suivi rigoureux mais permetd’obtenir une viande plus tendre et à la flaveurplus intense, dès la première bouchée »,conclut Pierrick Priouzeau. �

Bruno Carlhian

Page 19: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

HAUT DE GAMMME | DOSSIER

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 19

IGP comme Loué, Gers, Landes, Alsace, etc,constituent au dîner de Noël des alternativescrédibles aux volailles festives des mêmesindications que l’on consomme tout au longde l’année. Les fermiers de Licques, dans le Pas-de-Calais, ont entretenu une tradition de ladinde par le folklore. Depuis qu’ils ontrelancé l’ancienne Fête de la dinde dans lesannées soixante, avec défilé d’un troupeau dedindes noires et manifestations de laConfrérie, des milliers de personnes affluentchaque week-end de la mi-décembre. Lepublic vient majoritairement des régionsnord de Paris ainsi que de la région parisienneet d’Angleterre. Au cours du lundi des pro-fessionnels (cette année le 14 décembre),instauré en 2002, une partie des 18 000 dindeslabel Rouge sous IGP produites est vendue.Cette production est moitié moindre de cellede chapons mais elle est « stable depuis unedizaine d’années », témoigne Julien Saint-Maxent, président du directoire de l’abattoirde Licques. Ce lundi fait renaître les marchésde la dinde qui se tenaient anciennementdeux lundis avant Noël et qui faisaient laréputation de Licques jusqu’outre-Manche.Les acheteurs, fidèles, sont des grandes sur-faces régionales, des volaillers spécialisés dunord de la France, des grossistes, dont Frogerau Min de Rungis.

La traditionnelle dinde aux marrons deNoël a résisté à deux revers successifs.Le premier a été celui de l’expansion de

la dinde de consommation courante, sousforme d’escalopes et d’autres découpes ; lesecond a été l’engouement des consomma-teurs pour le chapon. Avec ce dernier, finiel’appréhension de sortir du four une volailleasséchée faute de l’avoir suffisammentarrosée. Le chapon se dit « inratable ». Et lefait même de prononcer « chapon » ou « pou-larde » invite aux plaisirs de la table, évoquedes festins royaux. La dinde, qu’elle soit detous les jours ou festive, s’appelle toujours« dinde » ; c’est un peu ce que regrette GinoCatena, principal volailler à Rungis. La fichepratique de la DGCCRF distingue bien la« dinde noire », décrite comme « l’une desplus fines », dont le poids varie de 3 à 5 kg,constituant le gros bataillon des dindes dites« fermières » élevées sur parcours et abattuesaprès l’âge de 140 jours. Les éleveurs de cesdindes à croissance lente les désignentcomme « dindes bronzées », par oppositionaux dindes blanches destinées à la découpepouvant atteindre 20 kg.

Fêtée chaque année à Licques Les appellations apportent de la distinction àla dinde. Au-delà du label Rouge, gage d’éle-vage fermier et de supériorité gustative, les

Les amateurs ne craignent pas d’enfournerces gros rôtis de 4 kg en prêt à cuire. « Les res-taurateurs locaux entretiennent le savoir-fairechez les consommateurs ; beaucoup diffusentdes recettes à la dinde de Licques », apprécie ledirigeant. Plus rarement qu’avant, la dinde deLicques se présente effilée.

Dégustée à Montrevel-en-BresseLa dinde noire de Bresse AOC est le summumde la distinction. Les 22 000 dindes de Bresse,élevées au minimum 7 mois, présentées effi-lées, roulées ou non, s’écoulent sans difficulté,assure-t-on au CIVB (comité interprofes-sionnel des volailles de Bresse). Le CIVB, quia accueilli son syndicat de défense il y a deuxans, cherche moins à conquérir des consom-mateurs qu’à recruter des éleveurs (ils ne sontplus qu’une vingtaine). Un premier concoursde dégustation de dindes de Bresse a étéinstitué en décembre dernier à Montrevel-en-Bresse dans le cadre des manifestations« Glorieuses de Bresse ». Le public averti desvolailles de Bresse peut hésiter en fin d’annéeentre un chapon, une poularde de Bresse etune dinde. Cette dernière, à environ18 euros/kg au départ de l’abattoir, restemoins chère qu’un chapon AOC de Bresse. Eneffet ce dernier est élevé un mois de plus, pouratteindre le même poids minimum de 3 kg. �

Sylvie Carriat

Cas d’école

Comment résister aux modes:l’exemple de la dinde

Une partie des 18000 dindes noires de Licques label Rouge et IGP est vendue lors de la Fête de la dinde mi-décembre (cette année le 14 décembre). Les 22000 dindes de Bresse,élevées au minimum 7 mois, s’écoulent également sans difficulté, assure-t-on du côté du comité interprofessionnel des volailles de Bresse.

DR

DR

Page 20: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

CONJONCTURE | LES MARCHÉS DE LA VIANDE

20 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

À+2 %, la croissance de la productionmondiale de volaille ne va pas ralentiren 2016, selon les prévisions du minis-

tère de l’agriculture américain (USDA). Avec89,3 millions de tonnes (Mt) attendues l’anprochain, c’est un nouveau record qui seraatteint. Le Brésil, qui affiche une croissancede 3,1 % par rapport à 2015, confirme sadeuxième place devant la Chine dont la pro-duction est peu évolutive, mais reste derrièreles Etats-Unis. C’est l’Inde qui enregistre laplus forte progression (+7,7 %), du fait d’unedemande intérieure très tonique.En viande bovine, l’année 2016 devrait voir laproduction augmenter de 1 % à 59,2 Mt. Lecheptel s’agrandit aux Etats-Unis, en Inde etau Brésil. En revanche, la production reculede 9,1 % en Australie, après la décapitalisa-tion liée à la sécheresse ces dernières années. En porc, la production mondiale devraitrester stable à 112 Mt. Après une année debaisse, la production chinoise flirte avec lareprise (+0,2 %). La Russie devrait voirses investissements couronnés par unehausse de 5,7 % de sa production, dans un marché intérieur très demandeur.

La baisse des prix permet une reprise des échanges

Cette hausse de l’offre de produits carnésaura lieu alors que le retour de la croissanceéconomique mondiale reste incertain. Parailleurs, les prix du pétrole pourraient resterbas, limitant le pouvoir d’achat des pays pro-

ducteurs. Dans ce contexte, les prix mon-diaux de toutes les viandes devraient être souspression, selon l’USDA. Ce recul tarifaireserait synonyme de reprise des achats, ce quise traduirait alors par un record des exporta-tions. En viande bovine, les envois des prin-cipaux exportateurs progresseront de 3 % à9,9 Mt. L’Inde, premier fournisseur de la pla-nète, bénéficiera du retour aux achats del’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et de l’A-frique du Nord. Le Brésil tirera son épingle du

jeu grâce à la faiblesse du real et à la réouver-ture du marché chinois. Les Etats-Uniscomptent remplir le vide laissé par le retraitde l’Australie. En porc, les exportations pro-gressent de 2 % à 7,3 Mt. Si la Russie délaissele marché mondial, affichant une baisse de80 % de ses importations entre 2012 et 2016,la tendance est plus positive ailleurs. Ce sontles Etats-Unis qui devraient tirer profit de cedynamisme avec des envois en hausse de 4 %.Le poulet tire parti de son prix compétitif parrapport aux autres viandes. Les envois destrois principaux exportateurs, qui comptentpour les trois quarts du commerce mondial,devraient progresser de 4 % grâce à la fai-blesse attendue de l’euro et du real. �

Virginie Pinson

Marché mondial

Hausse des échanges en 2016

Lapin : la filière en difficulté

Comme habituellement en automne, avecla baisse du thermomètre, les prix du lapinrepartent à la hausse. Depuis le début del’année ils ont été particulièrement bas. Enmoyenne, de janvier à octobre, la cotationnationale officielle du lapin vif, publiéepar FranceAgriMer, était inférieure de prèsde 5 % à son niveau de la même périodeen 2014. Les débouchés nationaux etétrangers n’ont pas permis d’absorber la totalité de l’offre. En outre, éleveurs et abattoirs ne reçoivent plus de revenuscomplémentaires liés à la vente des peauxde lapin à la Chine. La productionfrançaise devrait diminuer de 2,5 % en 2016, après avoir baissé de 3,6 % en 2015, selon la Commissioneuropéenne. Les élevages les plus fragiles,avec des problèmes techniques etéconomiques, pourraient être les premierstouchés par des plans de cession.

1,41,51,61,71,81,92,02,12,2

30 32 34 36 38 40 42 44 46Source : FrancAgriMer

2013

2014

2015

Evolution de la cotationnationale officielledu lapin vif

Départ élevage,en euro/kg, par semaine

USA 11,4Brésil 9,6 UE 7,6

Bilan mondial pour la viande en 2016

Sour

ce :

prév

isio

ns d

e l’U

SDA

Poulets Porcins Bovins

Bovins, porcins : en millions de tonnes équivalents carcasses ; poulets : en millions de tonnes PAC. Variations 2016/2015

USA 18,4Brésil 13,5 Chine 13,1

Brésil 3,9USA 3,2 UE 1,2

Japon 0,9ArabieSaoudite 0,9 Mexique 0,8

Chine 56,5UE 22,9 USA 11,3

USA 2,4UE 2,3 Canada 1,2

Japon 1,25Mexique 1,0 Chine 0,9

Inde 2,2Brésil 1,8 Australie 1,6

USA 1,4Russie 0,7 Japon 0,7

Production 89,3 Mt (+ 1,6 %) Production 111,962 Mt (+ 0,5 %) Production 59,2 Mt (+ 1,3 %)

Exportations 10,7 Mt (+ 4,5 %)

Importations 8,7 Mt (+ 0,6 %)

Exportations 7,3 Mt (+ 1,6 %)

Importations 6,5 Mt (+ 0,4 %)

Exportations 9,9 Mt (+ 3,4 %)

Importations 7,7 Mt (+ 2 %)

Les prix mondiaux de toutes les viandes devraient être sous pression en 2016, selon l’USDA.

En 2014, les abattages degros bovins étaient issus pour

22,6 % de races laitières, 12,5 % de racesmixtes et 64,4 % de races allaitantes, selonles données Normabev. La race charolaiseest la plus représentée, avec 26 % desabattages en têtes et 29,6 % en tonnage,suivie par la Prim’hosltein (25,5 % en têteset 22 % en tonnage).

64,4 %

Sur les huit premiers mois del’année, le tiers des envois

européens de viande porcine a étédestiné à la Chine (647801 t). C’est 47 %de plus que sur la même période de l’andernier, selon la Commission européenne.Au total, l’Union avait expédié fin août 1,94 million de tonnes de viande porcine(5,4 % de plus qu’en 2014).

+47 %

Les mises en place depintades label Rouge ont

baissé de 7 % sur les huit premières périodesde l’année selon le Synalaf. Il semble àl’inverse que les mises en place de chaponsde pintade, pour les fêtes de fin d’année,soient en progression par rapport à l’andernier. La demande est attendue au rendez-vous fin décembre, comme en 2014.

- 7 %

Page 21: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

LES MARCHÉS DE LA VIANDE | CONJONCTURE

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 21

De plus d’un tiers des dépenses deconsommation d’un Français en 1960,la part du budget alimentation est

passée à un cinquième en 2014, selon l’Insee.En un demi-siècle, les dépenses liées à l’ali-mentation ont progressé en volume par habi-tant de 1,1 % par an en moyenne. Soit deux foismoins rapidement que l’ensemble desdépenses de consommation.La viande reste la principale dépense alimen-taire mais sa part diminue depuis les années 80.Elle est passée de 26 % à son apogée, en 1967, à20 % en 2014. Les crises sanitaires qui se sontsuccédées ne semblent pas avoir eu d’impactsur la consommation de viande dans sonensemble puisque l’Insee note que « lesconsommateurs délaissent alors la viandeincriminée pour se reporter vers d’autresviandes ». La part des deux autres principauxpostes dans l’alimentation, les fruits et légumesainsi que le pain et les céréales a, elle aussi,reculé. À l’inverse, les plats préparés, les bois-sons non alcoolisées et les produits sucrésprennent plus de place dans les budgets. La crise économique de 2008 a changé ladonne. Elle a accéléré certaines tendances,comme l’érosion de la consommation deviande. Selon une étude du cabinet BIPEpubliée par FranceAgriMer, la consommationde viande bovine a baissé de 16 % entre 2007 et2013, et les deux tiers de cette baisse sont impu-tables à la crise. En porc, le recul est de 8 %,dont la moitié serait liée à la crise. Les Françaissubstituent les viandes les plus chères : lemouton par le bœuf ou le porc, ces derniers pardes produits plus adaptés à l’évolution desmodes de vie : charcuteries, viandes enconserves ou même fromages. Selon le BIPE,

« les substitutions entre produits animaux etvégétaux sont peu marquées. Les céréales se sub-stituent au bœuf ou au porc. Mais aucune sub-stitution entre les produits animaux et les légu-mineuses n’a été mise en évidence ». La crise aaussi freiné la consommation de produits quiavaient le vent en poupe avant 2008, commeles conserves de viande dont la consommationavait d’abord augmenté de 7 % entre 2001 et2007, puis diminué de 6 % entre 2007 et 2013.

La volaille et les œufs grands gagnants de la crise

La charcuterie ne semble pas avoir étéimpactée, puisque la consommation progresseau même rythme avant et après 2008. Elle estadaptée à la fois aux modes de vie contempo-rains et aux exigences sanitaires des consom-mateurs. Une barquette de jambon paraîtmoins industrielle que la viande en conserve etporte souvent la mention de son origine. Lacharcuterie bénéficie par ailleurs d’un effetplaisir. D’après Marie-Laetitia des Robert,Partner de BIPE, « les ménages ont des budgets

Consommation

La crise a changé durablement les habitudes

Impact des hausses de prix ou de revenu sur les achats alimentaires

Source : Insee

Stabilité duvolume consommé

Faible baisse du volume consommé

Stabilité duvolume consommé

Les prix relatifs augmentent Le pouvoir d’achat augmente

Forte baisse du volume consommé

Forte haussedu volume

Faible haussedu volume

consommé

PâtesPain

Mouton Porc Volaille Champagne

PâtesPain

CharcuteriePorc

Champagne

BœufVeau

Faible baisse du volume consommé

VeauVolaillePommesde terre

Mouton Bœuf

CharcuteriePoissons frais

Source : BIPE pour FranceAgriMer

Mécanisme de substitution entre les différentes protéines

Conserve de viande

Autres viandes

Poissons fraisFromage

Mouton

Volaille

Céréales

Charcuterie

Bœuf

Porc La largeur des flèchesest proportionnelle à l’intensité de la relation

Est substitué parQuand le prix de la volaille augmente, la consommation de ces protéines diminue

serrés mais ne renoncent pas au plaisir. Ils sepermettent des extras, à la recherche de goût etde terroir. La charcuterie et les fromages enbénéficient au premier plan ». La volaille et les œufs ont quant à eux tiré partide la crise, puisqu’entre 2001 et 2007 leurconsommation baissait respectivement de13 % et 2 %. Moins onéreux que la moyennedes protéines animales, ils ont été plébiscités etleur consommation a été relancée (+3 % pourla volaille et +14 % pour les œufs entre 2007 et2013). Alors que le prix de la volaille est celuiqui a le plus augmenté pendant la crise, de 4 %en six ans, sa place s’est « sanctuarisée dans lepanier d’achat des ménages » annonce le BIPE.C’est d’ailleurs une tendance que l’on retrouvedans tous les pays du globe.En cas de reprise économique, les viandesdélaissées pour raisons financières pourraientcertes connaître un regain de consommation,mais Marie-Laetitia des Robert se ditconvaincue que « comme la crise a été durable,les pratiques vont devenir structurelles. Leshabitudes sont prises ». De plus, l’argumentéconomique pourrait laisser la place à l’argu-ment écologique. « L’alimentation pèse pour21 % des émissions de gaz à effet de serre desFrançais. C’est deux fois plus que lestransports », argumente-t-elle. De quoiconforter la tendance positive de la consom-mation de volaille, moins émettrice de CO2que les autres viandes. �

Virginie Pinson

Page 22: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

INDUSTRIE | FINANCER L’INNOVATION

Innovation

La R&D en quête de financements

Le gouvernement a lancé unpavé dans la mare du finan-cement de l’innovation en

faisant « fuiter » en septembredernier un rapport rendu en juin2015 par trois inspections (1), dontcelle des Finances, mais jamaisrendu public, établissant une« revue de dépenses relative auxaides à l’innovation ». Cette évaluation, dont Les Marchéshebdo a obtenu une copie, « avocation à être utilisée dans lecadre de la préparation du projetde loi de finances pour 2016 »précise le rapport, qui a examiné20 dispositifs d’aide à l’innova-tion avec pour objectif affiché deles simplifier mais aussi d’enalléger le coût.Le rapport préconise ainsi à l’Etatde réaliser 170 M€ d’économiessur trois ans (dont 100 M€ dès2016), en réduisant la dotation dedispositifs couramment sollicitésdans les projets de R&D de l’a-groalimentaire. Il est ainsi pro-posé une réduction de 40 M€ del’enveloppe du fonds uniqueinterministériel (FUI) finançantles projets collaboratifs des pôlesde compétitivité et de 30 M€ surl’enveloppe de l’association natio-nale de la recherche (ANR) dédiée

au financement des projets derecherche collaborative et des pro-jets partenariaux public-privé. Enrésumé, le rapport invite l’Etat à« recentrer son action » en sup-primant sa participation finan-cière à des outils d’interventionterritoriaux (les Régions, elles,s’impliquant de plus en plus) et« à renforcer la recherche de fondseuropéens ».

Les ressources de l’Adiv menacées

Parmi les coupes proposées figurela suppression progressive de l’a-bondement de 9 M€ de l’Etat aufinancement des sociétés derecherche sous contrat (SRC).Ces structures privées à vocationtechnologique agréées par l’Etat,parmi lesquelles figure l’AdivDéveloppement de Clermont-Ferrand, doivent réaliser plus dela moitié de leur chiffre d’affairesen contrat de R&D pour lecompte de tiers et sont encoura-gées à transférer les technologiesau sein des PME. « Sans abonde-ment de l’Etat, nous n’aurions paspu engager des travaux de fondsur certaines innovations de rup-ture comme le Dôme Vapeur,

© Ve

ge

pour la sécurisation sanitaire descarcasses ou l’Osmofood, notreprocédé de viande séchée qui ren-contre un grand succès et assurein fine la compétitivité de nosentreprises », insiste Alain Peyron,le délégué opérationnel de l’AdivDéveloppement, qui s’étonne quel’association des sociétés derecherche sous contrat (ASRC)n’ait été « ni consultée niauditée ». « Si l’Etat se désenga-geait de ce dispositif, ce serait unrude coup porté à la R&D de res-sourcement dans le secteur de laviande qui est déjà durablementaffectée par la suppression de pro-grammes spécifiques de soutienau développement technologiqueà FranceAgriMer et par la baisserégulière des budgets interprofes-sionnels ».

Le PIA et le CIR« sanctuarisés »

La lettre de mission interministé-rielle cadrant le rapport excluaitdu périmètre de l’évaluation cer-tains dispositifs présentés commeprioritaires par les pouvoirspublics comme le crédit impôtrecherche (CIR) et le programmed’investissements d’avenir (PIA).

22 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

« Si l’Etat se désengageait,ce serait un rude coupporté à la R&D de ressourcement »

Alain Peyron,délégué opéra-tionnel de l’AdivDéveloppement

Des gaz pour l’alimentaireMesser France pré-sente sa gammeGourmet, qui re -groupe tous les gazet mélanges de gazpurs destinés aux IAA. Ses équipesont mis en avant trois techniquesd’application lors du salon CFIA àLyon : ECO2Twister®, un systèmed’injection de neige carbonique,permettant un refroidissementrapide adaptable sur tout type d’é-quipement ; un nouveau rack decommande pour ses cellules Cryo-jet®, dédiées au refroidissementou à la surgélation de produits nusou préemballés, par circulationd’azote ou de CO2 et enfin sesmélanges de CO2, oxygène, azoteou argon utilisables en emballagesous atmos phère de protection.

Ishida équipe la sociétésaoudienne AlmaraiGrâce à son alliance avec MeynFood Processing Technologieinitiée en 2011, Ishida Europe Ltda récemment remporté un trèsimportant marché auprès de lasociété saoudienne Almarai quiréalise un chiffre d’affaires de 3,36milliards de dollars américains.Pour son usine d’abattage et detransformation de volailles (200millions de poulets par an) dans larégion de Ha’il, le fabricant a ainsiconçu plusieurs lignes complètes(comportant peseuses associatives,système d’alimentation, trieusespondérales, operculeuses, systèmede tri/peseuse à vis WeigtBatcheret détecteurs par rayons X)

Le triporteur du dernierkilomètre

Petit Forestier aprésenté, lors des Entretiens deRungis en octo-bre, son « tripor-

teur frigorifique », annoncécomme une solution écologiqueà la livraison du dernier kilomè-tre. Il s’agit d’un vélo à troisroues à assistance électrique dotéd’une caisse frigorifique répon-dant aux normes du transport dedenrées périssables sous tempé-rature dirigée. Accessible sanspermis de conduire, il utilise leréseau des pistes cyclables, béné-ficie d’un stationnement gratuit,ne nécessite pas d’immatricula-tion et dispose d’une autonomieallant de 7 à 9 heures.

NO

UVEA

UX P

RO

DU

ITS

Page 23: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 23

FINANCER L’INNOVATION | INDUSTRIE

« Pour une PME comme la nôtre,avoir bénéficié d’un partenairefinancier de proximité compétentet disponible a constitué un atoutdéterminant », juge Jean Denauxtrois ans après l’ouverture de sonusine de Sens où il affine saviande bovine, en particuliercelle de bœuf de Charolles AOC.En 2008, le boucher et grossistede Sens (Yonne) caresse l’idéede développer la production deviandes affinées avec un processde maturation dont il souhaitevalider les paramètres techno-logiques et l’innocuité sanitaire.Oséo Bourgogne lui permet definancer 75 % à 80 % du coût del’étude technique préalable.« Notre projet présentant à la foisun caractère de valorisation dela production locale, de diversi-

fication avec l’ouverture d’unpoint de vente et d’innovationavec l’aspect maturation, nousavons pu avoir accès, avec le sou-tien d’Oséo, à un programme dedéveloppement régional cofi-nancé par la Région Bourgogneet l’Union européenne. Il nous apermis de couvrir environ 10 %de l’investissement dans la nou-velle usine (2,6 M€). » Le sup-

port de l’Oséo régional, devenuentre-temps BpiBourgogne, aégalement été déterminantlorsque l’entrepreneur a dû sur-monter des surcoûts inattendusdans le montage du projet. « LaBpi a apporté des garanties pourles crédits que nous avons dûcontracter auprès des banques »,précise le chef d’entreprise, quia fini par renoncer aux pro-grammes nationaux de finance-ment gérés par France AgriMer« trop lourds administrative-ment ». Le procédé apportetoute satisfaction à Jean Denauxmais aussi à ses clients. « Entre50 et 70 % des pièces nobles de laviande bovine que nous com-mercialisons aujourd’hui sontissues de viande affinée »,témoigne-t-il. B. C.

Si les rapporteurs ne se privent pasmalgré tout d’égratigner le coûtdu premier et la nécessité d’éva-luer le second, ces deux outils misà la disposition des entreprisespour innover devraient être« sanctuarisés » dans les mois etles années qui viennent. Dans ce contexte, Bpifrance estconfortée dans son rôle centraldans la gestion des dispositifsnationaux de soutien à l’innova-tion. Elle gère notamment l’en-veloppe du plan d’investissementd’avenir de l’agroalimentaire(P3A) dotée de 120 M€ pour lapériode 2015/2017, que France -AgriMer est chargé de mettre enœuvre. L’un des appels à projets,ouvert fin janvier 2015 vise « àsoutenir les investissements inno-vants dans le secteur abattage-découpe ». Doté de 20 M€, il estdestiné à financer des projets degrande envergure, représentantdes dépenses éligibles d’un mon-tant supérieur à 1 M€, avec unsoutien sous forme de subven-tion avec retours. Le nombre d’entreprises ayantrépondu à ce jour au premierappel à projets, qui sera clôturéle 31 janvier prochain, devrait êtrelimité compte-tenu notamment

des exigences élevées en matièrede calcul du retour sur investis-sement des crédits et avancesremboursables. Par ailleurs,compte tenu de l’environnementéconomique incertain, les entre-prises de la filière viande ont dumal à présenter des comptes d’ex-ploitation sur 5 ou 7 ans commeil leur est demandé. Ces démar-ches complexes nécessitent de faitl’appui d’un cabinet spécialisé deconseil en ingénierie de projet cequi engendre des coûts supplé-mentaires pour les candidats sansgarantie de décrocher le budget.Pour les investissements plus

modestes, les entreprises sontincitées à se tourner vers les dispo-sitifs du Crédit d’impôt rechercheet du Crédit d’impôt innovation(CII). « Ce sont des sources definancement assez faciles à mettreen œuvre, car il n’y a pas de néces-sité de s’adapter aux conditionsd’un appel à projets ni de besoind’associer des tiers comme dans lesprojets de recherche collabora-tive », souligne Jérôme Billé, ledélégué général de l’Associationdes sociétés de recherche souscontrat (ASRC). Le CIR, qui faitl’objet d’une simple déclarationannuelle, est égal à 30 % des

dépenses de recherche sans pla-fond et le crédit d’impôt innova-tion à 20 %, plafonné à 80000 €

par an. « Les PME du secteur dela viande ont besoin de ces diffé-rents dispositifs, qui sont complé-mentaires », conclut AlainPeyron. « Mais ils n’ont pas tousla même vocation et ne méritentpas de jugements aussi hâtifs ». �

Bruno Carlhian(1) L’évaluation a été menée par l’IGF(Inspection générale des finances), leCGEIET (Conseil général de l’écono-mie, de l’industrie, de l’énergie et destechnologies) et le CGEDD (Conseilgénéral de l’environnement et du déve-loppement durable)

DR

TÉMOIGNAGE D’UNE PME

« La qualité de la relation avec le partenaire est primordiale »

« Le crédit impôtrecherche est un dispositiffacile à mettre en œuvre »

Jérôme Billédélégué généralde l’Associationdes sociétés derecherche souscontrat

Jean Denaux se félicite des relationsde proximité avec BpiBourgogne.

Page 24: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

PRODUITS | LES NOUVEAUTÉS

Charal cuisine ses viandesCharal a lancé au second semestre 2015 unenouvelle gamme de trois références de viandescuisinées au rayon boucherie libre-service :sauté de bœuf tomates mi-séchées et thym deProvence, fondant de bœuf sauce au poivre deMadagascar, fondant de veau, crème de Nor-mandie, pleurotes et champignons de Paris. Laviande a bénéficié d’une cuisson douce et lente. Format de 200 grammes – PMC : 3,20 euros ou3,80 euros

Feyel associe foie graset filet de canardParmi ses nouveautés festives2015, Feyel a choisi d’asso-cier le foie gras de canardà un filet de canard fine-ment poché. Elle propose également du foiegras de canard à la truffe noire du Périgord. Le chef Lionel Hunckler està l’origine de cette alliance. Il n’est en revanche pas mis en avant surl’emballage du produit.Poids : 180 grammes pour un PVC de 13,90 euros TTC

Douce France revient sur les panés de volailleEn octobre dernier, Douce France est revenu sur lesegment des panés de volaille avec trois références :escalopes cordons bleus de poulet, nuggets depoulet, escalopes de poulet panées. La marqueaffiche sur ses emballages « viande 100 % filet »ainsi qu’un logo français arborant la mention « L’en-gagement coopératif : 100 % des volailles nées enFrance, élevées en France, préparées en France ». Poids fixe de 400 grammes – DLC : 15 jours

Jean Routhiau fête le poulet jauneJean Routhiau propose unpoulet jaune garni d’une farcecharcutière « gros grain » àbase de viande de poulet, demarrons et de raisins. La piècecrue de 160 grammes environest surgelée IQF. Elle se cuit en une heure à 160 °C. Sur le plan nutri-tionnel, cette recette est sans gluten et ne comporte aucun additif. Sateneur en sel est inférieure à 1 %. Pièce de 160 grammes- Colis de 30 pièces en vrac- DLUO : 18 mois à -18°C

24 | DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

Les Brasérades étend sa gamme fuméeLa société Les Brasérades a décidé d’étendre sa gammefumée en déclinant en deux références son produitphare, la poitrine fumée extra 300 grammes. Elle lapropose ainsi en 250 grammes poids variable etajoute des lardons fumés gourmands 250 grammespoids variable. Ces derniers ne réduisent pas à lacuisson. La société met en avant la qualité de sonfumage naturel par consumation de copeaux de boisde hêtre et indique être le premier fournisseur de poi-trine fumée chez les grossistes de Rungis. PVC indicatif : 11,50 euros / kg

Bigard revisite ses crépinettesBigard a refondu l’offre de crépinettes àmarque Charcuteries du Don afin de sortir dela traditionnelle recette aux oignons et vinblanc. Elle lance deux nouvelles référencesqui associent une base de chair ou farce assai-sonnée avec des ingrédients originaux :chèvre tomates confites et chorizo poivrondoux.Conditionnées en 2x140 grammes

Pour les fêtes de fin d’année,Maître Coq propose une nou-velle gamme de volailles festives

en cuisson express, baptisée « les fes-tives inratables ». La marque a choisideux poids lourds du marché,puisque le chapon et la pintadereprésentent 74 % des volumes devente. Le demi-chapon semi-désossé et la pintade entière sontcommercialisés dans un embal-lage noir spécifique pour unecuisson au four, à un prixrespectif de 10,99 euros et de7,99 euros le kilo, pour un gram-

mage respectif de 1,4 kg et1,52 kg. L’emballage rappelle

celui proposé par les artisans volaillers pourconserver au chaud un poulet rôti. La volaille est déjàcuite à cœur dans son jus et rapide à réchauffer dans sonsachet papier (trente à quarante minutes au four). Lamarque garantit le moelleux et les saveurs des volaillesaprès cuisson. Parallèlement, Maître Coq innove sur lespièces entières avec une « présentation inédite ». Sousle nom de gamme « Pleine saveur », la marque proposeun poulet façon rôti et une pintade façon rôti. Lesvolailles sont demi-désossées à la main, à l’exceptiondes ailes et des pilons, garnies d’un cœur de filet et decuisse de ces mêmes volailles, puis ficelées pourqu’elles puissent tenir à la cuisson. Maître Coq étendégalement sa gamme « pré-festif » avec une poulardefarcie « cuisson express ». La farce est réalisée à partirde cèpes et de girolles cuisinés en persillade (12,49euros le kilo, en format de plus ou moins 1,8 kg).Dernier axe d’innovation : « renouveler les grandsclassiques ». Maître Coq lance ainsi une canettefarcie aux écorces d’orange confites marinées auCointreau et décorée avec des tranches d’oranges.

Maître Coq misesur des volailles« inratables »

Page 25: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

La race normande est créée dans ladeuxième partie du XIXe siècle, consti-tuée à partir de croisements de popula-

tions issues de deux types principaux devaches : la Cotentine et l’Augeronne ainsi qued’apports extérieurs difficiles à quantifier. Lacréation du Herd-Book normand date de1883. Au début du XXe siècle, la race nor-mande s’exporte dans l’ensemble de l’Ouestde la France pour ses qualités laitières et bou-chères. L’Upra normande prendra la succes-sion du Herd-Book en 1976.

Des acteurs motivés Pascal Grosdoit est leader de la démarche. Ila monté son entreprise de boucherie il y a15 ans. Il est situé sur le Min de Rouen et tra-vaille à redonner de la valeur à la race nor-mande en montrant la richesse de cetteviande qui reste malgré tout peu connue,

remplacée petit à petit par une autre race, laPrim’holstein. Objectif : obtenir un signe offi-ciel de qualité tel que le label Rouge sur la race.Pas simple car il faut réunir autour de la tabledes hommes motivés de tous horizons...D’autre part, depuis 1992 une démarcheaccompagnée d’une Certification de Confor-mité Produit existe déjà : filière qualité race

normande. Celle-ci a été mise en place prin-cipalement pour approvisionner l’enseigneCarrefour. « Pour l’instant, Nous n’avons nid’opposition particulière ni d’enthousiasme dela part de cette démarche », précise PascalGrosdoit. Parmi les éleveurs qui travaillent avec PascalGrosdoit, François Xavier Craquelin qui aégalement une marque « le bœuf cidré » :« La race normande a l’avantage de présenterdu persillé. Dans mon approche, je donne15 litres de cidre par jour à mes animaux et l’a-limentation vient automatiquement de l’ex-ploitation : luzerne, betterave, lin, orge... Pourmoi l’important c’est la valorisation de l’a-nimal et faire en sorte que les éleveurs s’en sor-tent. Concernant le label Rouge, cettedémarche peut aider et amener de la valorisa-tion. Je reste attentif à ce que la race soitsauvée ».

Les fromages AOP, moteurs de la raceLes quatre fromages AOP de Normandie ontl’obligation de s’orienter de plus en plus versla race normande : à partir du 1er mai 2017, lesexploitations d’éleveurs qui servent à fabri-quer le Camembert de Normandie et le Pontl’Evêque devront comporter au moins 50 %de leur effectif de vaches laitières en race nor-mande, 100 % pour le Livarot et 60 % pour leNeufchâtel. Cette disposition, qui est inscritedans les cahiers des charges AOP pourraitêtre un marche-pied à saisir pour les éleveurs

souhaitant s’inscrire dans une démarchecomplémentaire.

Dynamisme en avalDéjà de nombreuses demandes émanent derestaurateurs normands dont certains, aprèsdes débuts timides, commandent aujour-d’hui des demi-bêtes. Même engouement dela part des maisons de retraites, lycées et can-tines diverses pour des morceaux plutôt àbraiser. Les collectivités territoriales en pro-fitent pour donner une image régionale, sur-tout à une époque où les approvisionnementslocaux sont favorisés. Le Fouquet’s et l’hôtelMeurice comptent parmi les clients pour desmorceaux plus nobles. �

Dominique Chaillouet

FILIÈRE D’EXCELLENCE | PRODUITS

Bœuf normand

En route vers le label Rouge

DR

Les quatre fromages AOP de Normandie ont l’obligationde s’orienter davantage vers la race normande.

LMH-VM : Pourquoi cet engouementpour le label Rouge ?Pascal Grosdoit : Pour sauver une race ilexiste des outils de valorisation : tels quel’IGP ou le label Rouge. Concernant l’IGP,nous nous sommes aperçus que ladémarche pourrait prendre au-delà de6 ans. Or nous devons agir vite pour sauver

cette race, c’est pourquoi nous avons fait le choix de partir vers un label Rouge dontl’obtention est plus rapide et plus simple.Ensuite nous réfléchirons à l’obtention del’IGP.

LMH-VM : Comment allez-vous prati-quer ?P. G. : L’objectif premier est de réunirautour de la table les acteurs les plusmotivés. Acteurs publics tels que l’ensei-gnement, l’Inao, les chambres d’Agricul-ture, l’Irqua Normandie, la région, lesdépartements sont déjà présents. L’amontavec les acteurs privés que sont les éleveurset, bien sûr l’aval avec les restaurateurs, lesartisans et les collectivités locales. Objectif,

la valorisation du travail des éleveurs et lesauvetage de la race.

LMH-VM : À quelle stade de la démarcheen êtes-vous ?P. G. : La démarche avance bien mais il fautque tout le monde adhère. Ne répétons pasles erreurs qui ont fait capoter une telledémarche il y a 15 ans dans l’Orne. Aujour-d’hui, on sent que la démarche ne laisseplus indifférent et que les débouchés sontprometteurs. Nous sommes aidés aussi pardes personnalités, telles que Albéric Valais(rouge des prés/Maine Anjou), qui ont dusavoir-faire et poussent sur le projet.

Propos recueillis par Dominique ChaillouetIN

TERVIE

W

Pascal Grosdoit, patron de l’entreprise éponyme

« Nous devonsagir vite pour

sauver cette race »

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 25

« Ni opposition, ni enthousiasme de la part de la filière qualité racenormande Carrefour. »

Page 26: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

ART DE LA VIANDE

26| DÉCEMBRE 2015 | N°299 | PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE

En plus on reproche aux éleveurs et aux industriels d’avoirbanalisé la viande et de la produire trop bon marché poussant

ainsi l’humanité à manger « trop » de viande. La viande ne seraitpas assez chère ! C’est un discours de sociétés riches et nanties,recevable peut-être pour les populations aisées de la vieilleEurope mais choquant et insupportable pour ceux qui vou-draient bien consommer plus de viande s’ils en avaient lesmoyens.

La viande est un aliment de base de notre alimentation et il n’estpas question d’en faire un produit rare réservé à une élite. Il y

a « la viande de tous les jours », et la « viande haut de gamme »comme il y a le prêt-à-porter et la haute couture. Les qualités sani-taire et nutritionnelle des viandes qu’elles soient premier prix ouhaut de gamme sont tout à fait comparables et il ne sert à rien detenter de faire peur au consommateur. La viande haut de gammeapportera en plus une satisfaction gustative supérieure grâce à untri continu sur les animaux, sur leur finition, sur la méthode d’é-levage, sur les morceaux et grâce à des durées de maturation pluslongues, à un travail d’affinage justifiant un prix plus élevé. Laviande haut de gamme encore plus que la viande de tous les joursrepose sur le travail coordonné de toute une filière qui va de l’é-levage à la cuisine en passant par l’abattage, la maturation et ladistribution.

Manger de la viande de différentes qualités en quantité raison-nable telle est finalement, à quelques virgules près, la recom-

mandation du Circ.

(1) Centre international de recherche sur le cancer

La chronique de René Laporte

Bonne viande

« La viande est un aliment debase de notre alimentation et il n’est pas question d’en faireun produit rare réservé à uneélite. Il y a « la viande de tous lesjours », et la « viande haut degamme » comme il y a le prêt-à-porter et la haute couture. »

DR

Dans la tempête médiatico-sociétale des récents débatssuscités par la recommandation du Circ (1) sur les niveauxde consommation de viande rouge, on en vient à oublier

l’essentiel : la viande est un aliment, ce n’est ni un médicament,ni un poison dont la consommation serait alors interdite. Laviande est un très bon aliment, riche en protéines, en minérauxet vitamines, équilibré et complet. Et en plus elle procure duplaisir. Une consommation régulière selon les recommanda-tions du Circ (500 g de viande rouge cuite par semaine) reste unebonne assurance tous risques contre les carences et la viande neprovoque pas d’allergies à l’inverse de très nombreux autres ali-ments, (lait, œufs, poissons et crustacés, céréales avec le gluten,soja, arachides, etc).

L’appétit de l’homme pour la viande trouve certainement sonorigine dans la longue évolution suivie par les différentes

lignées d’hominidés aboutissant à l’homo sapiens. L’histoire del’homme est jalonnée d’une relation constante avec l’animal. D’a-bord la chasse, son organisation, la fabrication d’outils et d’armesde chasse, et plus récemment la domestication de quelques espècesanimales pour la force de travail et pour se nourrir (lait et œufs).La viande est un aliment universel que l’on retrouve dans toutes lescuisines du monde et les plats emblématiques de la gastronomieassocient viande et produits végétaux, céréales et légumineuses : le couscous (semoule, pois chiches et viande), la feijoada créole (riz,haricots noirs et viande), le dal indien (riz, lentilles et pour les nonvégétariens de la viande).

L’homme est un omnivore, donc capable de se nourrir des pro-duits végétaux et des produits animaux. En matière d’alimen-

tation l’homme se définit comme un généraliste opportuniste.C’est un réel avantage d’avoir à notre disposition toute la pan-oplie des aliments disponibles dans la nature ce qui facilite notrequête alimentaire quotidienne. L’homme est un omnivore àdominante végétarienne : les végétaux représentent 75 % desapports quotidiens d’énergie, les produits animaux 25 % pour lespays développés considérés comme gros mangeurs de viande.Que nous proposent les détracteurs de la viande ? De la rem-placer par des aliments à base de végétaux qu’ils continuent àqualifier de steak (steak végétal, de lentilles...), de lait (lait de soja,d’avoine...) pour tromper ou la faim ou le consommateur. Ils ouv-rent ainsi la porte à ceux qui dans la Silicon Valley développentles projets fous de lait sans vache, d’œufs sans poule et de viandesans animaux. Veulent-ils vraiment une alimentation totalementartificielle produite dans de grandes usines où la matière pre-mière viendra des glucides, protéines et lipides obtenues après« cracking » des végétaux ? Pour se nourrir, notre préférence vaaux aliments bruts tirés des végétaux et des animaux quel’homme cultive ou élève.

Page 27: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

PAGES SPÉCIALES LES MARCHÉS HEBDO-VIANDEMAGAZINE | N°299 | DÉCEMBRE 2015 | 27

ART DE LA VIANDE

Cinquième quartier

La fraise de veau fait son grand retour

Dans le quartier des bouchers àLimoges, la fraise de veau a marqué l’é-dition 2015 de la Frairie des petits ven-

tres. Ce rendez-vous, qui se tient tous les ans,le troisième vendredi d’octobre, est dédié à latriperie et aux produits limousins. « Elle a étén°1 des ventes », résume Josette Johan,responsable du magasin Tripes et Cie. « Lesgens l’attendaient depuis assez longtemps,confit Jean-Pierre Ribière. Elle avait été rem-placée par la fraise de porc, mais celle de veauest moins rustique, elle a une texture plus fine.On en vend 50 % de plus. » Cet artisan tripiern’a pas de boutique, il est présent sur quatremarchés de Haute-Vienne et dispose d’unbanc au marché couvert de Limoges. Dans sonlaboratoire, il reçoit les fraises de veau blan-chies, il les dégraisse et les fait cuire. « Le clientles assaisonne comme il a envie », précise-t-il.Pierre Granéro, chef du restaurant Les petitsventres, la fait cuire très longtemps, dans unbouillon. Il y ajoute une vinaigrette à l’écha-lote et la sert tiède. Installé rue de la bou-cherie, cet établissement est né il y a 44 ans, enmême temps que la frairie, d’où son nom. Ensalle, Stéphanie Cuq explique que le 15 sep-tembre, au retour des congés, la fraise de veauétait au menu et ça a fait le buzz. « On enmanque souvent », précise la restauratrice.

La maison s’approvisionne chez Jean-PierreRibière qui reconnaît le succès : « Il y a l’effetd’attente, mais ça va reprendre un rythmenormal. C’est bien qu’elle soit revenue, ça faitpartie des produits tripiers les plus appréciés ».Créée voilà neuf ans, son entreprise familialeemploie cinq personnes. Il aurait pu passer àcôté du savoir-faire lié à la fraise de veau. Parchance, il est fils de boucher et l’avait connueavant son interdiction, en novembre 2000.Au moment de la crise de l’ESB (Encéphalo-pathie spongiforme bovine), ce produit ducinquième quartier s’était retrouvé sur la listedes MRS (matériels à risque spécifiés). Le

27 mai 2015, suite à l’avis favorable de l’Au-torité européenne de sécurité des aliments,une partie de la fraise de veau (1) est sortie decette liste. Depuis le 5 août, c’est l’intégralitéde la fraise qui est autorisée en regard du clas-sement de la France dans la liste des pays àrisque ESB négligeable.

Tout un savoir-faire à se réapproprier

La fraise de veau fait partie des abats blancs etnécessite un traitement (ouverture du boyau,blanchissage et échaudage). Durant cetteparenthèse de 15 ans, le matériel a été remisé,des savoir-faire ont disparu. Nathalie Feu-geas, secrétaire générale de la Confédérationnationale de la triperie française, indique quela transmission s’est faite en interne dans lesentreprises, en rappelant parfois desretraités : « on commence tout juste à avoirune production plus conséquente en nombre ».Depuis le mois novembre, en Isère, la fraise afait un retour, timide, dans l’usine Popy, spé-cialisée dans l’andouillette. « On n’a pasappuyé sur le buzzer. On travaille sur la durée.Toute la filière est à reconstruire au niveau de

l’appro. Le veau, en France, représente unepetite production. Avant sa prohibition, lafraise de veau représentait 60 % de notre pro-duction », constate François Colin, directeurcommercial chez Popy. En 2000, l’entrepriseavait dû réagir en la remplaçant par de lapanse de veau ou du porc, mais plus questiond’utiliser l’appellation « andouillette lyon-naise » qui impose la fraise de veau, au mêmetitre que l’andouillette de Cambrai. « Nosclients (restaurateurs, bouchers et charcu-tiers, NDLR) ont compris. Ils nous ont suivis. »

200 kg par semaine chez PopyAujourd’hui, Popy transforme 200 kg defraise de veau par semaine avec deux recettesde « véritables andouillettes lyonnaises » : latorsadée (60 % de fraise de veau) et la pré-mium (100 % fraise de veau refourrée à lamain). Pour l’heure, l’approvisionnement sefait dans la Loire, la Haute-Loire, mais aussien Bretagne et en Normandie.À Limoges, Tripes et Cie constitue l’autreréférence en matière de produits tripiers.« On a deux à trois arrivages de fraise de veaupar semaine en provenance de l’abattoir de laville », précise Etienne Johan, le tripier de lamaison. Une fraise pèse 4 à 5 kg dont 40 à45 % de gras. Une fois dégraissée, il la plongedans un bouillon avec du thym, du laurier dusel et du poivre. Fort de 25 ans de métier,Etienne Johan sait de quoi il parle. « Là, ça al’air de reprendre, constate-t-il. C’est unedécouverte pour mes petits stagiaires de 17 ans.Pour eux la fraise de veau, c’est la fraise desbois. » � Frédéric Pigot/Apap

(1) L’intestin grêle, sans les quatre derniers mètres, et legros intestin sans le mésentère.

« Il y a l’effet d’attente, mais ça vareprendre un rythme normal. »

« Quand elle a disparu des étals, c’est la fraise de porcqui l’a remplacée. C’est le jour et la nuit. Elle n’a pasl’onctuosité de la fraise de veau », explique Josette

Johan, responsable de Tripes et Cie.

© F

rédé

ric P

igot

/Apa

p

© F

rédé

ric P

igot

/Apa

p

Page 28: © Aymeric Warmé-Janville Haut de gamme, une affaire de goût...du dossier de ce numéro, une réalité plus cruelle pour la filière française ressort franchement : le manque de

Venez découvrir les fournisseurs de viande belge sur www.belgianmeat.com. Ils vous feront profiter de leur savoir-faire et vous livreront à la carte, de façon ultra-rapide.

VLAM • Belgian Meat Office • 6 rue Euler • 75008 ParisTél. 01 56 89 14 68 • [email protected]

www.belgianmeat.com

Belgian MeatOffice

VIANDE DE PORC VIANDE BOVINE