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Soumettez sa candidature d’ici le 25 mars 2019 ! #PrixduQuébec prixduquebec.gouv.qc.ca Connaissez-vous une personne dont la carrière scientifique est exceptionnelle? LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019 NUMÉRO 5 DE 10 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE « Dis, Siri, es-tu mon ami ? » « Dis, Siri, es-tu mon ami ? » « Je ne voudrais avoir, pour rien au monde, un autre compagnon que vous », répond l'assistant vocal d’Apple. On lui parle presque comme à un être humain, et il nous répond presque comme un ami. Les ou- tils intelligents comme Siri, Alexa ou encore l'assistant Google jouent le rôle d'adjoint en nous in- formant de la météo, en trouvant une chanson, un numéro de télé- phone ou la réponse à une pano- plie de questions. Ils sont même capables d'humour et d'ironie. Et dans les milieux de travail, l'intelli- gence artificielle transforme les pratiques de recrutement et de gestion des ressources humaines. Notre rapport à l'autre et à la ma- chine est-il en train de changer ? Les assistants vocaux encouragent-ils des stéréotypes fondés sur le genre ? C 7 et C 8

« Dis, Siri, es-tu mon ami€¦ · AU REVOIR CV! Le géant du cosmétique L’Oréal était fatigué de se noyer sous la pape-rasse. Dans le plus grand marché du monde, à savoir

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Soumettez sa candidature d’ici le 25 mars 2019 !

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Connaissez-vous une personnedont la carrière scientifique est exceptionnelle?

LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019

NUMÉRO 5 DE 10

I N T E L L I G E N C E A R T I F I C I E L L E

« Dis, Siri, es-tu mon ami ? »

« Dis, Siri,

es-tu mon ami ? »

« Je ne voudrais avoir, pour rien

au monde, un autre compagnon

que vous », répond l'assistant

vocal d’Apple.

On lui parle presque comme à un

être humain, et il nous répond

presque comme un ami. Les ou-

tils intelligents comme Siri, Alexa

ou encore l'assistant Google

jouent le rôle d'adjoint en nous in-

formant de la météo, en trouvant

une chanson, un numéro de télé-

phone ou la réponse à une pano-

plie de questions. Ils sont même

capables d'humour et d'ironie. Et

dans les milieux de travail, l'intelli-

gence artificielle transforme les

pratiques de recrutement et de

gestion des ressources humaines.

Notre rapport à l'autre et à la ma-

chine est-il en train de changer ?

Les assistants vocauxencouragent-ils des stéréotypesfondés sur le genre ? C 7 et C 8

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019C 2

18 février 2019 | New City Gas

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019 C 3INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

L’intelligence artificielle est-elle en train de révolutionner la façon de gérer les ressources humaines au seindes entreprises ?Didier Dubois : Il faut d’abord préci-ser que l’IA n’est pas quelque chosequi s’est implanté tout d’un coup. Çafait plusieurs années, je dirais depuisle début des années 2010, que lesservices de RH intègrent et utilisentdes outils numériques et des sys-tèmes d’information de plus en plusautomatisés. Là où c’est le plus visi-ble, et là où l’on fait d’énormes pro-grès ces derniers temps grâce à l’IA,c’est dans le recr utement. Nousavons aujourd’hui des algorithmescapables de scanner le Web, notam-ment les réseaux sociaux, pouramasser des données massives etfaire un arrimage entre les profils re-cherchés et les profils trouvés.

Les entreprises scannent lesréseaux sociaux pour chasserdes têtes…Émilie Pelletier : Dans le contextede pénurie de main-d’œuvre quifrappe le Québec, elles ne peuventpas attendre tranquillement que descandidats leur envoient leur CV.Nous travaillons avec des entre-prises qui par fois ont jusqu’à 200postes à pour voir et qui sont obli-gées de fermer des quarts de travailparce qu’elles ne disposent pas de lamain-d’œuvre nécessaire. Parfois, lapérennité des entreprises est en jeu.Elles doivent être proactives, et l’IApeut leur permettre de trouver desprofils recherchés et performants àgrande échelle.

Encore faut-il que la main-d’œuvre soit disponible oudisposée à bouger…D.D. : C’est vrai et, là encore, l’IApeut nous aider. Les algorithmessont capables de trouver les profilssemi-passifs. Pas les candidats actifs

qui sont en recherche, qui envoientdes CV et sont inscrits sur des basesde données. Mais ceux qui se lèventun matin et commencent à regarderce qui se passe sur le marché del’emploi. On a en effet pu observerleur comportement sur LinkedIn parexemple, et mettre en place un algo-rithme. C’est très important, car c’està ce moment-là qu’on a le plus dechance de les convaincre de venirchez nous.

Une entreprise qui gère sonrecrutement par l’entremise de l’IA a donc un avantagecompétitif par rapport à uneautre qui lui tournerait le dos ?D.D. : Assurément ! Ajoutons à celaque les algorithmes sont plus objec-tifs, ils ont moins d’a priori que leshumains. Mieux, ils permettent decombattre les idées reçues. On alongtemps cru par exemple qu’unepersonne qui a souvent changé deposte par le passé resterait un em-ployé volatil toute sa vie et qu’il va-lait donc mieux s’en détour ner.L’analyse des données massives in-firme cette théorie. On sait aussiaujourd’hui que, dans certains do-maines, il vaut mieux embaucherun candidat qui n’a pas les compé-tences et le former, plutôt que dechoisir une personne qui a déjà del’expérience. À terme, le premier serévèle être plus performant et plusfidèle. On se rend compte aussi queles algorithmes peuvent être trèsutiles pour aller chercher des candi-datures plus atypiques, dans desbassins qui sont sous-utilisés, telsque les retraités, les nouveaux im-migrants, les Autochtones, les per-sonnes à mobilité réduite, etc.

Robots chasseurs de têtesDans le contexte de pénurie de main-d’œuvre, de plus en plus d’entreprisesutilisent les algorithmes pour dénicher la perle rare dans les méandres duWeb. Didier Dubois et Émilie Pelletier sont stratèges en ressources humaineschez HRM Groupe. Ils confirment que l’intelligence artificielle (IA) est en trainde devenir incontournable au sein des services de ressources humaines (RH),même s’ils affirment que le Québec n’en est encore aujourd’hui qu’aux balbu-tiements. Propos recueillis par Hélène Roulot-Ganzmann.

Concrètement, ça se traduit

comment, l’utilisation de l’intelli-

gence artificielle en ressources

humaines? Quelques exemples.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

AVEZ-VOUS VOTRE

« PERSONAL HR » ?

De plus en plus de salariés desgrandes compagnies disposent au-jourd’hui d’un outil appelé «PersonalHR » sur leur téléphone intelligent.Celui-ci est configuré par les respon-sables des ressources humaines enfonction des choix stratégiques del’organisation et sert à stocker le plusde données possible, par exemplesur l’atmosphère au bureau, le res-senti sur ses performances, ses at-tentes vis-à-vis d’un cadre, ou encoresur sa satisfaction quant à l’intérêt deses missions, l’acquisition de nou-velles compétences, la valeur appor-tée à l’entreprise, etc. En analysant letout, le «Personal HR» peut alors en-voyer aux collaborateurs des notifica-tions et des recommandations, tantsur un programme de formation quicommence que sur un cours de yogapour faire baisser son stress.

AU REVOIR CV !

Le géant du cosmétique L’Oréal étaitfatigué de se noyer sous la pape-rasse. Dans le plus grand marché dumonde, à savoir la Chine, la firme adécidé il y a quelques années de direau revoir au sacro-saint CV. Depuis,les quelques dizaines de milliers decandidats cherchant à décrocher lacentaine de postes ouverts chaqueannée sont invités à remiser leurcurriculum vitæ et à plutôt répondreoralement à quelques questions vialeur téléphone intelligent.

Un outil IA analyse par la suitetoutes les réponses et le langage uti-lisé par les candidats. Les mots choi-sis seraient en effet bien plus oppor-tuns pour prédire la réussite d’unepersonne, sa loyauté et sa capacité àapprendre de l’échec, que l’universitéqu’il a fréquentée ou le diplôme qu’ila obtenu.

Cette méthode permet surtout defaire une présélection, avant de ren-contrer les candidats retenus pour uneévaluation au sein de laquelle le CVdemeure un outil de référence.L’Oréal affirme par ailleurs qu’environun tiers des candidats sélectionnés parl’IA sont issus d’universités qui n’au-raient jamais été envisagées aupara-vant, et que les profils sélectionnéssont plus diversifiés en ce qui a trait austyle et à l’appartenance culturelle.

Quand l’IA se mêle des RH

VOIR PAGE C 5 : RECRUTEMENT

ENTREVUE»

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019C 4 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

CONTENU PARTENAIRE

L es humanités numériques appli-quent les technologies de l’infor-

mation aux différentes disciplines dessciences humaines et des lettres. Lacommunication, l’histoire, la politique,la philosophie, la géographie ou en-core la linguistique sont autant de do-maines concernés. En utilisant lestechniques de l’informatique, les pos-sibilités de recherche et d’enseigne-ment en sciences humaines se multi-plient. Objectif : faciliter la diffusion dusavoir, l’échange et la formation de ré-seaux de production.

Changer l’échelle de recherche« La philosophie s’intéresse aux argu-ments, fait valoir François Claveau,professeur de philosophie à l’Univer-sité de Sherbrooke et titulaire de laChaire de recherche du Canada enépistémologie pratique. Nos donnéessont souvent textuelles. L’intelligenceartificielle nous permet de traiter desvolumes très importants de textes, etdonc d’arguments. » Le chercheur etson équipe ont par exemple mis aupoint une application Web sur l’his-toire bibliométrique de la science éco-nomique. « Nous avons eu accès à400 000 articles, et avec des algo-rithmes d’apprentissage, la machine atrouvé des structures dans ces articlespour détecter des spécialités à traversle temps, depuis les années 1950jusqu’à aujourd’hui, explique-t-il. Celaaurait été très difficile à faire manuelle-ment. » Une fois que l’algorithme atraité les milliers de données, les résul-tats sont présentés sous la formed’une plateforme Web interactive. 

Au Département d’histoire, les hu-manités numériques peuvent aussijouer un rôle très important. C’est lecas par exemple pour la retranscrip-

tion de textes manuscrits. « La recon-naissance optique des caractères quia été utilisée sur l’imprimé depuis denombreuses années ne fonctionne passur le manuscrit, explique pour sa partLéon Robichaud, professeur d’histoireà l’Université de Sherbrooke, spécia-liste de la Nouvelle-France et de l’infor-matique appliquée à l’histoire. Pournous, l’intelligence artificielle permetde faire apprendre au logiciel com-ment détecter certaines formes d’écri-ture, certaines lettres, et cela accélèrebeaucoup le processus de transcrip-tion. » Le logiciel est entre autres en-traîné à la reconnaissance de l’écritured’un écrivain en particulier, pour en-suite être capable, en quelques mi-nutes, de lire des centaines, voire desmilliers de pages. « Cela change tota-lement l’échelle sur laquelle on peuttravailler », ajoute le professeur.

De son côté, Sylvain Rocheleau, pro-fesseur en communication à l’UdeS etspécialiste en informatique cognitive,s’intéresse à l’information qui circuledans les médias. Dans une approchenovatrice qui fait appel à la fois au nu-mérique et à l’analyse de presse, leprofesseur a collaboré avec les entre-prises Moment Factory et RéalisationMontréal inc. afin de donner vie à unprojet concernant le Big Data et saplace dans l’illumination du pontJacques-Cartier. « Les techniquesd’humanités numériques permettentd’aller chercher toutes les nouvelles

qui sont produites par les médias ca-nadiens et d’en faire des analyses, pré-sente-t-il. Je me sers entre autres decette classification-là pour alimenteren données le pont Jacques-Cartier,qui s’illumine d’une couleur différenteselon les types de sujets traités, dusport à la politique. » Ainsi, chaquejour sont traités des milliers de conte-nus présents dans les médias et les ré-seaux sociaux, influençant l’illumina-tion du pont montréalais.

Utiliser le numériqueÀ l’Université de Sherbrooke, le Ré-seau des humanités numériques —qui réunit une dizaine de personnesd’horizons disciplinaires variés — aété fondé en juin 2017 afin de démo-cratiser le numérique dans le déve-loppement des savoirs. « Les humani-tés numériques amènent des façonsde faire des sciences humaines diffé-rentes, mais il ne faut pas essayer deles placer comme étant meilleures oumoins bonnes que les méthodes quel’on utilisait avant. C’est juste qu’ellesnous permettent d’aborder nos ob-jets sous un nouvel angle », défendSylvain Rocheleau.

Le professeur Claveau rappelle qu’ilne s’agit pas pour les chercheurs ensciences humaines de devenir des infor-maticiens. « Nous ne sommes pas desdéveloppeurs d’algorithmes d’apprentis-sage machine, on prend ce qui existe eton l’intègre comme méthode dans nostravaux de recherche », rappelle-t-il.

Voir la vidéo à ce sujet avec l’articlesur le site Web du Devoir.

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

L’ère des humanitésnumériques

UNSPLASH

Au croisement entre l’informatique et les sciences humainesse trouvent les humanités numériques. À l’Université deSherbrooke, ce domaine de recherche et d’enseignement intéresse de plus en plus de chercheurs.

« Les humanités numériquesamènent des façons de faire dessciences humaines différentes »

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019 C 5

CONCORDIA .CA/IA

EXORCISER LES DÉMONS D’INTERNET Comment pouvons-nous exploiter l’intelligence artificielle des inforobots, des assistants virtuels et des algorithmes qui régissent notre vie quotidienne?

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

T19-

5272

7

EXORCISER LES DÉMONS D’INTERNETEXORCISER LES DÉMONS D’INTERNETEXORCISER LES DÉMONS D’INTERNET

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

RECRUTEMENT

INTELLIGENT

Certaines entreprises vont déjà en-core plus loin dans leur utilisationde l’IA dans leur processus de re-crutement. L’entreprise Unilever,maison mère entre autres de Dove,Lipton et Ben & Jerry’s, utilise dés-ormais l’intelligence artificiellepour recruter ses employés juniors.Depuis, elle affirme avoir considé-rablement accru sa diversité et sarentabilité. Fini le recrutementdans les universités. Les candidatsdécouvrent plutôt les postes via lesmédias sociaux et soumettent leurprofil LinkedIn.

Ils consacrent ensuite environvingt minutes à jouer à une dizainede jeux basés sur les neuros-ciences. Si leurs résultats corres-

pondent au profil requis, ils passentà la phase entrevue filmée. Ils enre-gistrent leurs réponses à des ques-tions prédéfinies et la technologieanalyse des éléments tels que lesmots-clés, l’intonation et le langagecorporel. Tout cela peut être com-plété sur un téléphone intelligentou une tablette.

Si le candidat franchit ces deuxétapes, il est alors enfin invitédans les bureaux d’Unilever afinde passer une entrevue de miseen immersion.

Unilever applique aujourd’huicette refonte dans soixante-huitpays entre autres en Amérique-du-Nord. Depuis, le temps moyen re-quis pour l’embauche d’un candidatest passé de quatre mois à quatresemaines, soit un gain de tempscumulé de 50 000 heures par an.

Les services RH sont-ils prêts àutiliser ces outils au Québec ?É.P. : Précisons d’abord que les en-treprises ne peuvent pas faire tout cequ’il leur serait possible de fairegrâce à la technologie. Par exemple,la jurisprudence ne leur permet pasde monter un dossier sur un individuen glanant les informations sur lesréseaux sociaux sans l’accord de lapersonne. Elles ne peuvent queconsulter les pages. Mais au-delà deça, avouons que, non, les ser vicesRH n’utilisent pas l’IA au plus fort desa performance. Le Québec a infor-matisé nombre de processus depuisdes années maintenant, il existedonc des données très massives quipourraient être mieux utilisées. Maisnous ne sommes pas rendus là. Jecrois que les gens qui travaillent enressources humaines n’aiment pasbeaucoup les chiffres, les données,les statistiques… il y a des freins,mais ça va devenir incontournable.

D.D. : Les outils qui sont dévelop-pés sont très opaques. Pour des rai-sons évidentes de concurrence, lesorganisations qui les développentne dévoilent pas la recette qu’ellesutilisent. Il y a donc de la méfiance.Les entreprises achètent une appli-cation parce qu’elle a fonctionné ail-leurs. C’est presque un acte de foi !Ça génère une cer taine crainte.Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas dedéléguer toute la gestion des RH àla seule IA. On aura toujours besoinde l’humain pour remettre en ques-tion les résultats des algorithmesainsi que la manière dont les don-nées ont été récoltées.

Quels sont les risques ?É.P. : Il y a une multitude de biaisauxquels il faut être attentif. La re-cette de l’algorithme demeure se-crète ; on ne peut donc pas l’implan-ter dans son entreprise et tout fairereposer sur lui sans avoir un regard

critique. N’oublions pas que les RHgèrent de l’humain, les erreurs peu-vent avoir des conséquences graves.L’algorithme doit également évolueren même temps que les besoins del’entreprise et la recherche de nou-velles compétences.D.D. : il ne faudrait pas non plus tenirpour acquis que tout le monde ex-pose ses compétences sur le Web, orc’est bien là que les algorithmes fontleur collecte de données. Si on s’entient à recruter ainsi, on passe à côtéde gens qui, par humilité ou parchoix, s’exposent moins sur les ré-seaux sociaux, mais qui n’en sont pasmoins compétents pour autant.É.P. : Et puis, certains critères, telsque l’émotivité, l’empathie, sont dif-ficilement mesurables, même si l’IAs’en va de plus en plus vers ça. Il nefaudrait donc pas faire reposertoutes les pratiques RH sur l’IA.Ces outi ls ont des forces, maisaussi des limites.

SUITE DE LA PAGE C 3

Quand l’IA se mêle des RHSUITE DE LA PAGE C 3

Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du De-voir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cepen-

dant pas de droit de regard sur les textes. La rédaction du Devoir n’a pas prispart à la production de ces contenus.

CORINNE KUTZ UNSPLASH

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Promesse d’utopie future ou source de visions apoca-lyptiques, l’intelligence artificielle marque les esprits.Comment changera-t-elle nos relations interperson-nelles ? Éclairage de Sabine Bergler, professeure desciences informatiques à l’Université Concordia.

O L I V I E R S Y LV E S T R E

Collaboration spéciale

L’intelligence artificielle

nous retirera tous nos emplois.

Vrai et faux. «L’intelligence artificielle n’est qu’une technologie,souligne Mme Bergler. Elle ne prend aucune décision sur l’em-ploi. » On accepte déjà d’envoyer des drones et d’autres ma-chines automatisées dans plusieurs environnements trop dange-reux, rendant certains emplois obsolètes. « Mais remplacer unemployé par une machine est une décision de société, une déci-sion politique.» Certes, certains emplois sont menacés par l’au-tomatisation. « Disons que votre employeur souhaite vous rem-placer par un robot. Cette technologie est-elle vraiment moinscoûteuse et plus fiable que d’employer des humains ? Ce n’estpas toujours le cas. »

L’intelligence artificielle

pense comme un humain.

Faux. « Les ordinateurs ne pensent pas, dit d’entrée de jeuMme Bergler. L’intelligence artificielle qui utilise l’apprentissageprofond ne fonctionne pas du tout comme un humain réfléchi. »Elle utilise plutôt des modèles basés sur des hypothèses sur lefonctionnement de notre apprentissage subconscient. De plus,ce n’est pas «nécessairement l’objectif » dans le développementde l’intelligence artificielle que de la faire penser comme nous.On recherche surtout à imiter la façon dont on accomplit cer-taines tâches, comme conduire une voiture.

Un ordinateur pourra devenir notre ami…

ou notre amoureux.

Peut-être. Sans être capables d’émotions ou de réfléchir commeun humain, des machines pourraient devenir des compagnonsessentiels pour certaines personnes, affirme Mme Bergler. Onne devrait pas se marier bientôt avec un faux humain, mais unrobot pourrait, «comme un animal de compagnie» super-intelli-gent, rappeler à une personne âgée de prendre ses médica-ments, ou même divertir une personne seule. « Pour une per-sonne qui a besoin d’appui médical, être sous sur veillanceconstante peut être un véritable cadeau du ciel. » Il faut cepen-dant garder en tête l’autre côté de la médaille : certains jouetsconnectés que l’on serait tenté d’offrir à un enfant pourraient de-venir la cible de pirates et être une menace pour la vie privée.

VRAI OU FAUX ?

Trois idées reçuessur l’intelligenceartificielle

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019 C 7INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Les assistants à commandevocale perpétuent desstéréotypes fondés sur legenre, selon la chercheusede l’Université ConcordiaHilary Bergen.

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

L a tendance demeure lourde : la majorité desassistants à commande vocale répondent

avec un timbre de voix féminin. Certains of-frent la possibilité de changer pour une voixmasculine, mais la version féminine demeure,règle générale, l’option par défaut.

Ce phénomène, qui concerne tant Siri d’Ap-ple qu’Alexa d’Amazon, Cortana de Microsoftou l’assistant Google, préoccupe la chercheuseHilar y Bergen. L’étudiante en lettres etsciences humaines à l’Université Concordias’est attardée aux assistants personnels intelli-gents dans ses travaux de doctorat sur la désin-carnation féminine dans les technologies. Dansson analyse, elle constate une persistance des

stéréotypes. « En féminisant les voix numé-riques, les programmeurs et concepteurs nor-malisent l’idée que les femmes sont non seule-ment plus adaptées au rôle de secrétaire, maisaussi plus aptes à performer dans les rôles desoutien et dans le travail émotionnel (emotionallabor). »

Le concept de travail émotionnel, plus ré-pandu dans la littérature anglo-saxonne, sert àdésigner un fardeau sous-estimé ou rarementrémunéré à sa juste valeur dans plusieurs em-plois ou postes traditionnellement occupés pardes femmes : celui de réguler ses émotions demanière à assurer, même dans un contextestressant, le confor t des clients ou des col-lègues, comme observé chez les hôtesses del’air et les infirmières. L’expression tend de-puis quelques années à s’élargir au sujet desexigences semblables dans l’ensemble de lavie sociale.

Des systèmes automatisés empruntent desvoix féminines depuis longtemps, comme dansle cas des GPS et des boîtes vocales télépho-niques. En revanche, les nouveaux dispositifssont accessibles 24 heures sur 24, sept jourssur sept, pour des requêtes qui ne se limitentpas seulement à la gestion de fichiers ou de ca-lendriers de travail. « Il s’agit de la premièrevoix que vous pourriez entendre le matin», sou-ligne-t-elle. « Comme ils sont dans nos télé-phones et nos tablettes, il y a une intimité. »

Et si Siri et compagnie encourageaientles stéréotypes féminins?

VOIR PAGE C 8 : STÉRÉOTYPES

Hilary Bergen,chercheuse del’UniversitéConcordia

UNIVERSITÉ

CONCORDIA

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 JANVIER 2019C 8 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

EN BREF»

Dans ses travaux de doctorat, Hi-lar y Bergen a interpellé de multi-ples façons l’application Siri, puiselle a noté les dialogues du logiciel.Lorsque la chercheuse posait à l’as-sistant à commande vocale desquestions à son sujet ou sur ce qu’ilressentait, la voix numérique fémi-nine retournait souvent la conversa-tion vers l’utilisatrice ou indiquaitn’y avoir jamais réfléchi. Lorsque ladoctorante lui demandait qui étaitson patron, Siri annonçait : « Vousl’êtes. » À la question « êtes-vousune entité consciente ? » le logicieldéclarait : « Je le suis, si vous l’êtes. »La chercheuse a publié ses constatsdans un texte, diffusé dans la revueWord and Text en 2016, qu’elle a inti-tulé « I’d blush if I could » (« Je rougi-rais si je le pouvais »), une allusion àla réponse communiquée par l’appli-cation à une insulte vulgaire.

Il n’y a aucun doute à ses yeux queles géants de l’industrie du numé-rique misent sur des voix s’apparen-tant à celles de la conjointe, de lamère ou de la secrétaire pour gagnerla confiance des utilisateurs et mieuxfaire tomber leur méfiance dans lepartage de données personnelles etla sur veillance quotidienne inhé-rente à ces outils.

Néanmoins, elle juge que les ré-pliques révèlent les préjugés des dé-veloppeurs logiciels, en vaste majo-rité des hommes. Selon un sondageinternational mené par Stack Over-flow en 2018, moins de 7 % des per-sonnes qui exerçaient ce métier à

t r a v e r s l e m o n d e é t a i e n t d e sfemmes. « Cela aiderait d’avoir unemeilleure diversité lors de la concep-tion de ces dispositifs, mais il y a unproblème plus grand qui doit êtresoulevé dans notre monde. » Elle necroit pas que le recours à une voix degenre neutre constitue une solution.

« L’intelligence ar tificielle fonc-tionne comme un miroir de la so-ciété humaine, juge-t-elle. Il nes’agit pas d’un enjeu de nouvellestechnologies, mais d’un vieux dés-équilibre de pouvoir entre leshommes et les femmes qui continuede se poursuivre. »

SUITE DE LA PAGE C 7

La moralité desrobots à l’étudeEst-ce possible de créer des sys-tèmes d’IA qui ont des compé-tences morales ? C’est la questionque se pose Dominic Martin, pro-fesseur au Département d’organisa-tion et de ressources humaines etmembre d’HumanIA, qui travailleen ce moment sur la prise de déci-sions morales par les robots ou lessystèmes d’IA. Comment peut-oncréer des systèmes dont les déci-sions ou le comportement sont ali-gnés avec la moralité humaine ? Se-lon le chercheur, cet enjeu est capi-tal pour créer des machines quivont interagir avec des êtres hu-mains. À l’heure actuelle, on essaiede créer des systèmes reproduisantles régularités comportementalesdes êtres humains. On observecomment les êtres humains se com-portent dans des environnementsvirtuels et on essaie de faire des gé-néralisations. Mais cette approche

soulève différents problèmes, no-tamment par le fait que l’humain nese comporte pas toujours de ma-nière conforme à ses propres prin-cipes moraux et éthiques.

FRANCK V. UNSPLASH

« L’intelligence artificielle fonctionne comme un miroir de la société humaine. Il ne s’agit pas d’un enjeu de nouvelles technologies, mais d’un vieux déséquilibre de pouvoir entre les hommes et les femmes qui continue de se poursuivre. »