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Dans nos CU@tli .- DOSSIER _ le calme avan En 2005, la France a connu une série d'émeutes urbaines dans les banlieues et quartiers les moyens ont-ils été mis en oeuvre dans les quartiers de notre ville pour les sécuriser? La politique Les diverses communautés cohabitent-elles facilement? Le Journal Toulousain a E n 1995, Mathieu Kasso- vitz avait senti la montée de la violence dans les cités francaises en l'illustrant à travers son film culte "La Haine". Communautarisme, ghettoïsation, précarité so- ciale, tout y était presque anti- cipé. y compris, les relations complexes entre cette jeu- nesse perdue et des policiers contraints à la peur. Dans la bande originale de ce film, le Ministère Amer (de Stomy Bugsy et Doc Gyneco) enton- nait d'ailleurs son provocateur "Sacrifice de poulet". Tout le monde sentait alors "monter" dans les quartiers dits "diffi- ciles" une tension extrême qui allait trouver son apogée en 2005, avec des émeutes ur- baines d'une violence inégalée. Mais en 2012 qu'en est-il ? Objectivement, les représen- tants locaux de la FPIP (Fédé- ration Professionnelle Indé- pendante de la Police) obser- vent une nette évolution: "C'est un calme apparent car le trafic, le "business", ont pris le pas sur la violence ... Finis les caillassages ou les actes gratuits. C'est une nou- velle forme de délinquance meintenent, avec une écono- mie souterraine qui continue à prospérer» explique M. David Portes, secrétaire régional du syndicat de police. Pourtant, du côté des politiques, la sé- curité reste une priorité, mê- me si le propos reste nuancé: "Attention, la problématique de la sécurité ne se pose pas qu'au Mirailou à la Reynerie~ Elle concerne tout Toulouse ! Je me refuse, en tant que res- ponsable politique, à stigmati- ser ces quartiers sur ces questions-té,» fustige Chris- tophe Alvàs. Ce jeune espoir de la politique locale, formé à l'école Françoise de Veyrinas, et chargé du projet social 2014 à l'UMP auprès de Jean- Luc Moudenc, n'hésite pas à aller à l'encontre des syn- thèses policières: "Je n'ai pas forcément observé cette délin- quance-là sur les quartiers toulouseins. Pourquoi parler de «trettic» au Mirailou à Em- pelat, alors qu'il existe aussi bien à Saint-Aubin ou à St Sernin ?" Un constat s'impose tout de même à tous. Certes, la délinquance a sans doute évolué dans sa forme depuis quelques années, mais elle est surtout pratiquée de plus en plus jeune. Selon les policiers rencontrés, nous avons au- jourd 'hui des jeunes de 10-12 ans interpellés pour des actes répréhensibles. Sébastien Ara- gones a une double casquette. les lUS. qu'es aqUo;» LaHaute-Garonne compteneufquartiersenZoneUrbaineSensible(ZUS), 2 surla villedeCugnaux(quartiersLeVivier,le Macon)et 7 quartierssur Toulouse(Empalot,Bordelongue, Bagatelle,Reynerie,Bellefontaineet les Izards).CesZUSont étéfixéespardécreten datedu 26/12/1996. (source FPIP). Il est un animateur socio-cul- turel au contact d'adoles- cents, mais aussi le leader du groupe rap toulousain "R.E.P (Repose En Paix)" mis en som- meil. Sa carrière solo va dés- ormais se présenter sous la marque "Sense." Il nous ex- plique pourquoi les délits sont occasionnés par de très jeu- nes délinquants: "N'oublions pas qu'ils ont accès à beau- coup de choses de plus en plus tôt. Internet, les porta- bles... et très facilement. Très jeune, ils se donnent un style, une apparence vestimentaire, ils se donnent beaucoup d'im- portance et ont besoin d'ap- partenir à un groupe. Mais dès que l'on casse cette barrière- là... que l'on s'approche, que l'on va discuter, on se rend vite compte qu'ils ont en fait les préoccupations de gamins de leur âge. Pour résoudre les problèmes, il faut creuser, or notre société n'est plus prête à çe.» Sébastien Aragones souhaite aussi "tordre le cou" au fantasme qui veut croire à une supposée démission des parents: "Ils n'ont pas démis- sionné, ils sont dépassés ! Ils sont démunis face à des avan- cées de la société. Etre pa- rents reste le métier le plus difficile qui soit,» III es jeunes appréciaient d'avoir la police près d'euxlI Sandra Mourgues, animatrice départementale de la "Gauche Le Journal Toulousain - "La liberté d'entreprendre' - n° 505 - Jeudi 22 Mars 2012. Page 08

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Dans nos CU@tli

.- DOSSIER _

le calme avanEn 2005, la France a connu une série d'émeutes urbaines dans les banlieues et quartiers

les moyens ont-ils été mis en oeuvre dans les quartiers de notre ville pour les sécuriser? La politiqueLes diverses communautés cohabitent-elles facilement? Le Journal Toulousain a

En 1995, Mathieu Kasso-vitz avait senti la montéede la violence dans les

cités francaises en l'illustrant àtravers son film culte "LaHaine". Communautarisme,ghettoïsation, précarité so-ciale, tout y était presque anti-cipé. y compris, les relationscomplexes entre cette jeu-nesse perdue et des policierscontraints à la peur. Dans labande originale de ce film, leMinistère Amer (de StomyBugsy et Doc Gyneco) enton-nait d'ailleurs son provocateur"Sacrifice de poulet". Tout lemonde sentait alors "monter"dans les quartiers dits "diffi-ciles" une tension extrême qui

allait trouver son apogée en2005, avec des émeutes ur-baines d'une violence inégalée.Mais en 2012 qu'en est-il ?Objectivement, les représen-tants locaux de la FPIP (Fédé-ration Professionnelle Indé-pendante de la Police) obser-vent une nette évolution:"C'est un calme apparent carle trafic, le "business", ontpris le pas sur la violence ...Finis les caillassages ou lesactes gratuits. C'est une nou-velle forme de délinquancemeintenent, avec une écono-mie souterraine qui continue àprospérer» explique M. DavidPortes, secrétaire régional dusyndicat de police. Pourtant,

du côté des politiques, la sé-curité reste une priorité, mê-me si le propos reste nuancé:"Attention, la problématiquede la sécurité ne se pose pasqu'au Mirailou à la Reynerie~Elle concerne tout Toulouse !Je me refuse, en tant que res-ponsable politique, à stigmati-ser ces quartiers sur cesquestions-té,» fustige Chris-tophe Alvàs. Ce jeune espoirde la politique locale, formé àl'école Françoise de Veyrinas,et chargé du projet social2014 à l'UMP auprès de Jean-Luc Moudenc, n'hésite pas àaller à l'encontre des syn-thèses policières: "Je n'ai pasforcément observé cette délin-quance-là sur les quartierstoulouseins. Pourquoi parlerde «trettic» au Mirailou à Em-pelat, alors qu'il existe aussibien à Saint-Aubin ou à StSernin ?" Un constat s'imposetout de même à tous. Certes,la délinquance a sans douteévolué dans sa forme depuisquelques années, mais elle estsurtout pratiquée de plus enplus jeune. Selon les policiersrencontrés, nous avons au-jourd 'hui des jeunes de 10-12ans interpellés pour des actesrépréhensibles. Sébastien Ara-gones a une double casquette.

les lUS. qu'es aqUo;»LaHaute-GaronnecompteneufquartiersenZoneUrbaineSensible(ZUS),2 sur la villede Cugnaux(quartiersLeVivier,le Macon)et 7 quartierssurToulouse(Empalot,Bordelongue,Bagatelle,Reynerie,Bellefontaineet lesIzards).CesZUSontétéfixéespardécreten datedu 26/12/1996. (sourceFPIP).

Il est un animateur socio-cul-turel au contact d'adoles-cents, mais aussi le leader dugroupe rap toulousain "R.E.P(Repose En Paix)" mis en som-meil. Sa carrière solo va dés-ormais se présenter sous lamarque "Sense." Il nous ex-plique pourquoi les délits sontoccasionnés par de très jeu-nes délinquants: "N'oublionspas qu'ils ont accès à beau-coup de choses de plus enplus tôt. Internet, les porta-bles ... et très facilement. Trèsjeune, ils se donnent un style,une apparence vestimentaire,ils se donnent beaucoup d'im-portance et ont besoin d'ap-partenir à un groupe. Mais dèsque l'on casse cette barrière-là... que l'on s'approche, quel'on va discuter, on se rend

vite compte qu'ils ont en faitles préoccupations de gaminsde leur âge. Pour résoudre lesproblèmes, il faut creuser, ornotre société n'est plus prêteà çe.» Sébastien Aragonessouhaite aussi "tordre le cou"au fantasme qui veut croire àune supposée démission desparents: "Ils n'ont pas démis-sionné, ils sont dépassés ! Ilssont démunis face à des avan-cées de la société. Etre pa-rents reste le métier le plusdifficile qui soit,»

IIIes jeunesappréciaient d'avoirla police près d'euxlISandra Mourgues, animatricedépartementale de la "Gauche

Le Journal Toulousain - "La liberté d'entreprendre' - n° 505 - Jeudi 22 Mars 2012. Page 08

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LES QUARTIERS DIFFICILES

ers toulousains

lia lempêle ilpopulaires des grandes agglomérations. Toulouse n'avait pas échappé à la règle. Mais, depuis,sociale menée est-elle à la hauteur? La crise amplifie-t-elle les risques d'une nouvelle "explosion" ?rencontré policiers, éducateurs et politiques pour faire un état des lieux. Il est très contrasté.

moderne" de Jean-Marie Bo-ekel, souhaite être la candi-date centriste sur la 4'm. cir-conscription aux prochainesélections législatives. Une cir-conscription qui comprend no-tamment des quartiers popu-laires tels Bellefontaine, le Mi-rail ou les Pradettes ... L'occa-sion pour elle de reparler de lafameuse police de proximité:«Nicoles Sarkozy s'est trompésur ce sujet. Les Îlotiers, lesgrands frères, le commissairequi faisait du foot avec les

jeunes, c'était important! Lesjeunes appréciaient d'avoir lapolice près d'eux, et surtoutqu'elle ne soit pas uniquementsur le mode répressif.» Dyna-mique, devenu incontournablesur le terrain du social, Chris-tophe Alvès attaque le bilande Pierre Cohen sur toutes cesthématiques (quartiers et sé-curité) : «Dés qu'il y a un pro-blème, ce n'est jamais de laresponsabilité de la Mairie.C'est toujours celle de la Pré-fecture, de l'Etat. Il désap-

prouve l'idée d'installer lavidéo-surveillance dans lesquartiers et Il supprime les pa-trouilles de nuit de la Policemunicipale qu'il désarme parailleurs. Il faut redéfinir lesmissions de cette Police muni-cipale. » La critique est viru-lente mais corrobore les pro-pos du syndicaliste policierDavid Portes: «Ouend on a dità nos collègues municipauxqu'on leur supprimait lesarmes, c'était leur dire ausside ne plus aller dans certainsquertiers.» Force est de cons-tater également Que la forcedes exemples marque les es-prits de la jeunesse des quar-tiers "dits" sensibles. Lesstars actuelles du mouvementrap n'ont pas forcément con-science du rôle qu'elles ont àjouer: «J'ei du mal avec le rapqu'on entend aujourd'hui! 1/est à l'opposé des valeurs ini-tiales de la culture bip-hop,faite d'amour, de tolérance etd'unité. Les reppeurs soutien-nent parfois trop la société deconsommation, l'apparence,le pereître et l'individualisme.C'est faire du misérabilismeson fonds de commerce. Aucontraire, je pense qu'il fautsavoir utiliser la culture rappour aider les jeunes à s'épa-nouir autrement que par la dé-tinquence.» soutient SébastienAragones. Ce dernier répondégalement à un constat poli- _cier qui place la drogue com-me premier trafic d'une éco-nomie souterraine plus struc-turée Qu'on ne le pense :«L'explicetion est très simple.Ils voient simplement leur voi-sin gagner beaucoup en reven-dant. C'est de l'argent tecile.»

quan,{e, il faut des moyens, etla Police nationale en manquecruellement. Les commissa-riats sont pour la plupart vé-tustes, et les effectifs sontlargement insuffisants pour ré-pondre aux nouvelles réalitésdu terrain «Rendez-vouscompte que pour une villecomme Toulouse, la brigadedes stups compte à peine une

ulabrigadedes swps compteà peine une diZainede fonClionnaireslI

dizaine de fonctionnaires... »Pour une agglomérationd', .200.000 habitants, et uneville centre qui en compte440.000, le syndicat FPIP arecensé' 200 policiers répar-tis sur Toulouse, Blagnac,Tournefeuille et Saint-Gau-dens : «Sur un commis- sariatcomme le Mirail, avec les pro-blématiques que nous con-naissons, les effectifs sont illa beisse.» Pour les représen-

tants politiques qui sont sur leterrain, la tension est palpa-ble, et le risque d'embrase-ment réel sur certainsquartiers toulousains : «Jenote beaucoup de haine entrecertaines communautés. Cecommunautarisme engendrela violence. C'est dommagecar dans le fond Ils sont tousdans la même galère. Il y a un

gros travail d'apaisement en-tre les communautés à réeti-ser.» .emarque la centristeSandra Mourgues. Pour Chris-tophe Alvès, «ls mairie deToulouse s'occupe des fauxproblè-mes. .. Mais qui s 'oc-cupe du social ? Du vrai l»Alors, dans nos quartiers, unecertaine vraie fausse tranquil-lité existe aujourd'hui. Pour-tant, sur Toulouse les via:lences sur les policiers ontaugmenté de 3,35 % en20' O... Un chiffre qui sonnecomme un avertissement. Lemoindre incident pourrait re-mettre "le feu aux poudres."

Thomas Simonian

"Les plus grosses saisies sontsur le quartier des Izards. Maisaujourd'hui, ces jeunes dea-lers gèrent de véritables entre-prises. Les sommes en jeusont de plus en plus impor-tentes» précise David Portes.Pour répondre à cette délin-

IprèsR.lPLes fansdu rap toulousainconnaissaientR.E.P,maisle leaderSébastienAragonesest désormaisconcentrésur sonprojetsolo"SENSE",avecunpremiermorceautoujoursaussiengagéquiseraà découvriren lignele 23avrilprochain.Plusd'inlossurwww.rapsense.com [email protected]

Le Journal Toulousain- "La liberté d'entreprendre" • n° 505 . Jeudi 22 Mars 2012. Page 09