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Trimestriel n°133 3 e trimestre 2011 « Il faut imaginer Sisyphe heureux » Dans un environnement économique manquant de repères, les anticipations de marché ne sauraient être stables. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’une reprise structurellement faible dans les pays développés subit une série de chocs temporaires, dont on ne connait précisément ni l’ampleur ni la durée. Les autorités ne sont pas réellement en mesure de savoir comment gérer au mieux la phase de ralentissement que traverse l’économie. De fait, les marges de manœuvre dont elles disposent pour mettre en œuvre de nouvelles mesures de relance monétaire et budgétaire sont limitées. L’accent pourrait être mis davantage sur les politiques structurelles. Accroître le dynamisme d’un marché (que ce soit un marché de biens, de services, du travail ou de capitaux) implique souvent une diminution du niveau de régulation et, dans ce cas, l’inconvénient est une hausse de l’instabilité. Est-ce acceptable quelques années seulement après une crise dont l ’une des origines est un manque de régulation ? En Europe, refuser le défaut d’un pays périphérique, au moins pour les quelques années qui viennent, ne peut pas constituer une solution définitive aux problèmes actuels. Une crise de liquidité qui dure trop longtemps se transforme en crise de solvabilité. Cela suggère que l’objectif des institutions européennes ne doit pas uniquement être d’assurer le refinancement de la dette publique : commencer à créer hic et nunc les conditions de la croissance de demain est une autre « ardente obligation ». De manière générale, les fondamentaux des pays émergents sont plus solides que ceux des pays développés. Ils ne peuvent cependant pas rester insensibles à ce qui se passe autour d’eux, que ce soit la forte montée des prix des matières premières, les perturbations des chaînes d’approvisionnement après les évènements dramatiques survenus récemment au Japon, la phase de ralentissement des économies occidentales ou la baisse de l’appétit pour le risque. Un point de vue relativement optimiste à moyen terme consiste néanmoins à penser que les actifs des pays émergents pourraient être parmi ceux qui s’apprécieront le plus dès que la croissance ré-accélérera aux États-Unis et en Europe. Dans les économies développées, un environnement incertain plaide pour le maintien de politiques monétaires accommodantes. Cela encourage la recherche de rendement, ce qui peut conduire à un endettement et des valorisations excessives sur certains marchés, comme ceux de la dette high yield dans les économies développées ou ceux de la dette des corporates dans les pays émergents. Sommaire Politique économique du « passage à vide » ? ...................................... 2 Mieux expliquer l’Europe aux marchés ................................................... 3 Banques centrales : un pour tous… chacun pour soi ............................ 6 Taux d’intérêt américains : forte sensibilité à la conjoncture ................. 7 Taux d’intérêt en zone euro : les taux du Bund trop bas après la « crise du siècle »...................................................................... 8 Taux de change : l’euro exagérément fort .............................................. 9 Énergie : des prix du pétrole auto-correcteurs ? .................................. 10 Métaux : potentiel de hausse limité pour l’or, aluminium plus résistant .......................................................................................... 11 États-Unis : rebond attendu de la croissance au second semestre .... 12 Japon : une valse à deux temps ........................................................... 14 UEM : normalisation anormale.............................................................. 15 France : l’arbre ne doit pas cacher la forêt ........................................... 17 L’Allemagne passe la cinquième .......................................................... 18 Italie : horizon bouché ........................................................................... 19 Grèce : gagner du temps ...................................................................... 20 Espagne : des perspectives fragilisées ................................................ 21 Portugal : les temps sont durs .............................................................. 22 Irlande : les risques d’un modèle de croissance peu équilibré ............ 23 Scandinavie : de plus en plus active..................................................... 24 Royaume-Uni : sous pression ...............................................................25 Australie : vers un rebond de la croissance..........................................26 Nouvelle-Zélande : la reprise prend de la vitesse ................................26 Canada : reculer pour mieux sautiller ...................................................27 Les marchés émergents reprennent leur souffle ..................................28 Europe centrale : en première ligne ......................................................29 Russie : un modèle de croissance plus équilibré est nécessaire ........29 Afrique du Sud : un lent réveil ...............................................................30 Turquie : l’heure de vérité......................................................................30 Inde : la croissance en question ...........................................................31 Chine : la croissance et l’inflation devraient baisser ............................31 Mexique : dix-huit mois, c'est long ........................................................32 Brésil : un ralentissement… qui prend du temps ..................................32 Golfe : des revenus pétroliers importants, des dépenses en hausse, mais des problèmes sociaux .................................................................33 Tunisie et Égypte : un été particulièrement redouté.............................33 Taux d’intérêt .........................................................................................34 Taux de change .....................................................................................36 Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A. ........................37 Matières premières ................................................................................39 Comptes publics ....................................................................................40

« Il faut imaginer Sisyphe heureux · séisme et le tsunami, ... Cela signifie que les prochains développements ... En fait l¶UE ne sest pas définie un modèle préétabli vers

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Trimestriel – n°133 – 3e trimestre 2011

« Il faut imaginer Sisyphe heureux »

Dans un environnement économique manquant de repères, les anticipations de marché ne sauraient être stables. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’une reprise structurellement faible dans les pays développés subit une série de chocs temporaires, dont on ne connait précisément ni l’ampleur ni la durée. Les autorités ne sont pas réellement en mesure de savoir comment gérer au mieux la phase de ralentissement que traverse l’économie. De fait, les marges de manœuvre dont elles disposent pour mettre en œuvre de nouvelles mesures de relance monétaire et budgétaire sont limitées. L’accent pourrait être mis davantage sur les politiques structurelles. Accroître le dynamisme d’un marché (que ce soit un marché de biens, de services, du travail ou de capitaux) implique souvent une diminution du niveau de régulation et, dans ce cas, l’inconvénient est une hausse de l’instabilité. Est-ce acceptable quelques années seulement après une crise dont l’une des origines est un manque de régulation ?

En Europe, refuser le défaut d’un pays périphérique, au moins pour les quelques années qui viennent, ne peut pas constituer une solution définitive aux problèmes actuels. Une crise de liquidité qui dure trop longtemps se transforme en crise de solvabilité. Cela suggère que l’objectif des institutions européennes ne doit pas uniquement être d’assurer le refinancement de la dette publique : commencer à créer hic et nunc les conditions de la croissance de demain est une autre « ardente obligation ».

De manière générale, les fondamentaux des pays émergents sont plus solides que ceux des pays développés. Ils ne peuvent cependant pas rester insensibles à ce qui se passe autour d’eux, que ce soit la forte montée des prix des matières premières, les perturbations des chaînes d’approvisionnement après les évènements dramatiques survenus récemment au Japon, la phase de ralentissement des économies occidentales ou la baisse de l’appétit pour le risque. Un point de vue relativement optimiste à moyen terme consiste néanmoins à penser que les actifs des pays émergents pourraient être parmi ceux qui s’apprécieront le plus dès que la croissance ré-accélérera aux États-Unis et en Europe.

Dans les économies développées, un environnement incertain plaide pour le maintien de politiques monétaires accommodantes. Cela encourage la recherche de rendement, ce qui peut conduire à un endettement et des valorisations excessives sur certains marchés, comme ceux de la dette high yield dans les économies développées ou ceux de la dette des corporates dans les pays émergents.

Sommaire

Politique économique du « passage à vide » ? ...................................... 2 Mieux expliquer l’Europe aux marchés ................................................... 3 Banques centrales : un pour tous… chacun pour soi ............................ 6 Taux d’intérêt américains : forte sensibilité à la conjoncture ................. 7 Taux d’intérêt en zone euro : les taux du Bund trop bas après la « crise du siècle »...................................................................... 8 Taux de change : l’euro exagérément fort .............................................. 9 Énergie : des prix du pétrole auto-correcteurs ? .................................. 10 Métaux : potentiel de hausse limité pour l’or, aluminium plus résistant .......................................................................................... 11 États-Unis : rebond attendu de la croissance au second semestre .... 12 Japon : une valse à deux temps ........................................................... 14 UEM : normalisation anormale .............................................................. 15 France : l’arbre ne doit pas cacher la forêt ........................................... 17 L’Allemagne passe la cinquième .......................................................... 18 Italie : horizon bouché ........................................................................... 19 Grèce : gagner du temps ...................................................................... 20 Espagne : des perspectives fragilisées ................................................ 21 Portugal : les temps sont durs .............................................................. 22 Irlande : les risques d’un modèle de croissance peu équilibré ............ 23 Scandinavie : de plus en plus active..................................................... 24

Royaume-Uni : sous pression ............................................................... 25 Australie : vers un rebond de la croissance.......................................... 26 Nouvelle-Zélande : la reprise prend de la vitesse ................................ 26 Canada : reculer pour mieux sautiller ................................................... 27 Les marchés émergents reprennent leur souffle .................................. 28 Europe centrale : en première ligne ...................................................... 29 Russie : un modèle de croissance plus équilibré est nécessaire ........ 29 Afrique du Sud : un lent réveil ............................................................... 30 Turquie : l’heure de vérité...................................................................... 30 Inde : la croissance en question ........................................................... 31 Chine : la croissance et l’inflation devraient baisser ............................ 31 Mexique : dix-huit mois, c'est long ........................................................ 32 Brésil : un ralentissement… qui prend du temps.................................. 32 Golfe : des revenus pétroliers importants, des dépenses en hausse, mais des problèmes sociaux ................................................................. 33 Tunisie et Égypte : un été particulièrement redouté............................. 33 Taux d’intérêt ......................................................................................... 34 Taux de change ..................................................................................... 36 Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A. ........................ 37 Matières premières ................................................................................ 39 Comptes publics .................................................................................... 40

Spécial

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 2

Politique économique du « passage à vide » ?

Le principal risque à l’heure actuelle n’est pas à rechercher dans un retour en récession, mais plutôt dans la difficulté d’estimer si l’économie connaît une croissance lente ou si elle est en quasi-stagnation. Dans un tel environnement, la confiance est l’élément-clé pour empêcher un ralentissement dangereux de l’activité. Les gouvernements pourraient intervenir de manière efficace en prenant des mesures de politique structurelle.

L’économie mondiale est entrée dans une phase de ralentissement qui touche plus particulièrement les pays développés et dont nul ne connaît encore l’ampleur et la durée. Pour les marchés, trois questions se posent : les raisons de ce passage à vide, ses principales caractéristiques et la réponse des autorités.

Deux facteurs sont à l’origine de ce passage à vide : une reprise structurellement faible dans de nombreux pays développés, en raison de l’excès de dette accumulé au cours des cycles économiques précédents, et une série d’évènements temporaires. Le premier facteur détermine le niveau de la croissance tendancielle pour les quelques prochaines années. La stabilisation des prix de l’immobilier prend du temps, comme on le voit actuellement aux États-Unis, et la préférence donnée à l’épargne – afin d’assainir les bilans – pèse sur la dépense intérieure. Parmi les évènements temporaires récents, on compte notamment des conditions météorologiques extrêmes, des évènements géopolitiques, la forte montée des prix du pétrole et la perturbation de l’offre à la suite du double choc japonais (le séisme et le tsunami, puis la crise nucléaire qui en a découlé).

Il est important de comprendre que ces deux séries de facteurs sont liées : plus la croissance tendancielle est faible, plus les obstacles temporaires posent problème. La perception du degré de gravité de cette série d’évènements défavorables diffère, d’un pays développé à l’autre, en fonction du rythme initial de croissance. Aux États-Unis par exemple, une perte de 1% de croissance serait moins délicate si celle-ci était à 4%, que lorsqu’elle n’est que de 3%, comme ce fût le cas en 2010. La principale question qui se pose est celle de la durée de ce passage à vide. Les conditions météorologiques et les évènements géopolitiques sont difficiles à prévoir. L’offre de produits en provenance du Japon semble s’améliorer graduellement, même si les informations ponctuelles dont on dispose ne peuvent donner une vue d’ensemble de la situation. Au final, le principal déclencheur, quelque peu par défaut, sera le prix du pétrole. Il faudrait qu’il baisse vers 80 USD le baril pour assurer la consolidation de la croissance économique. Même si les stocks restent relativement élevés, probablement en lien avec la situation géopolitique au Moyen-Orient, la demande de pétrole est faible. Cela signifie que les prochains développements du côté de l’offre seront déterminants pour l’évolution du niveau des prix. Le récent échec de l’OPEP à s’accorder sur une augmentation de l’offre envoie un message négatif. Cependant, des pays comme l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats Arabes Unis ont la volonté d’augmenter leur production, et ce sont eux qui sont en mesure de le faire. Le scénario le plus probable reste une correction baissière des prix au cours des prochains mois, mais le degré d’incertitude reste élevé. Cela pourrait avoir un impact négatif sur la confiance des entreprises, des ménages et des marchés pour quelque temps. Notons toutefois que la toute récente décision de l’AIE de vendre une partie de ses stocks renforce la probabilité d’une baisse des prix de « l’or noir ».

Avec un degré d’incertitude aussi élevé, il n’est pas facile d’élaborer la bonne réponse. Le calendrier de sortie de la phase de ralentissement est inconnu et les marges de manœuvre pour la mise en place de nouvelles mesures de soutien monétaire et budgétaire sont très limitées. Dès lors, que peut-on faire ? Il est probablement nécessaire de revenir au diagnostic de la situation actuelle – un mélange de croissance tendancielle faible et une série de chocs temporaires. L’accent devrait être porté en premier lieu sur le premier facteur et les principaux outils pour renforcer la croissance potentielle sont des politiques structurelles, bien que le délai avant l’obtention de résultats objectifs soit assurément élevé. Cela suppose, entre autres, de promouvoir l’investissement productif, d’améliorer le fonctionnement du marché du travail et de lancer des plans sérieux de consolidation budgétaire à moyen terme. De telles mesures seraient de nature à consolider la confiance et donc à renforcer la résilience et progressivement soutenir la croissance.

Le principal risque à l’heure actuelle n’est pas un retour en récession, mais il est plus difficile pour les observateurs, parmi lesquels les marchés de capitaux, de savoir si l’économie – en particulier dans les pays développés – connaît une croissance lente ou si elle est en quasi-stagnation. Dans un tel environnement, la confiance est l’élément-clé pour empêcher un ralentissement dangereux de l’activité. Les gouvernements pourraient intervenir de manière efficace en lançant ce type de politique structurelle.

Hervé GOULLETQUER [email protected]

Prix du pétrole : espoir de baisse

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Variation stock pétrole (Mbd)

Dtd. Brent ($/bl, éch. dr.)Source : CA CIB

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indice

Etats-Unis UEMRoyaume-Uni JaponChine

Source : ISM, Markit, Credit Agricole CIB

Spécial

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 3

Mieux expliquer l’Europe aux marchés

L’UE est un animal bizarre et il y a souvent des incompréhensions mutuelles entre les « officiels » et les marchés. Ces derniers sont à la recherche de réactivité et de lisibilité, tandis que les premiers, avec l’exception notable de la politique monétaire, sont plus dans un mode réactif, après avoir clairement identifié que le changement est préférable au statu quo.

L’Europe est un Objet Géopolitique Mal Identifié. L’Union Européenne (UE) est plus qu’un État-Nation ; elle n’est cependant pas une Fédération. Faut-il penser avec Vladimir Poutine (un expert en la matière), parlant une fois de l’UE, que tous les Empires et toutes les Fédérations sont voués à disparaître?

Qui est à même de déterminer le Limes de l’UE? L’UE paraît prise dans une contradiction : d’un côté, les limites de l’expansion géographique de l’UE ne sont pas connues avec précision ; de l’autre, seul un espace économique cohérent permet une efficacité dans les actions de convergence.

L’UE a un « curieux » mode d’emploi. L’UE va de l’avant vers plus d’intégration quand le risque de régresser devient trop important ; pour dire autrement, quand le coût de l’immobilisme dépasse celui du changement. La vitesse de changement, c’est-à-dire aller de l’avant vers davantage d’intégration, est donc largement inconnue. Elle dépend des évolutions de l’environnement (celles-ci peuvent évidemment être anticipées) et de la capacité de comprendre que le changement apportera des avantages par rapport au statu quo.

En fait l’UE ne s’est pas définie un modèle préétabli vers lequel elle cheminerait. Elle a simplement érigé un principe de fonctionnement, à savoir la subsidiarité : ne sont centralisés au niveau de l’UE que les compétences et les pouvoirs dont la mise en œuvre au niveau national serait, de façon démontrée par les faits, moins efficace. L’UE est donc davantage dans un mode réactif que prospectif. Dans tous les cas, la démarche se veut empirique. Il n’y a pas de recherche d’un optimum collectif à atteindre ; il y a simplement à démontrer que le nouveau modèle organisationnel sera supérieur au précédent, qui le plus souvent aura été démenti par les évènements. Par exemple, la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale, au sens de Robert Mundell ; mais son architecture est supérieure à celle du Système Monétaire Européen.

Il y a au moins deux risques principaux liés à cette approche :

La prise de conscience de la nécessité d’aller de l’avant peut-être trop tardive, cela n’a-t-il pas été le cas au début de la crise souveraine grecque ?

L’UE est un processus pensé comme étant vraisemblablement en devenir. À ce titre, tout nouveau changement ne doit pas être bloquant, c’est-à-dire empêcher le changement suivant exigé par des évolutions de l’environnement, dont on ne sait pas grand-chose ex-ante. Ce qui peut inciter à une certaine prudence.

L’Union Économique et Monétaire est un objet à finalité politique. Elle participe au processus d’intégration européenne. N’oublions pas que la construction européenne s’est appuyée successivement sur des avancées politiques et économiques : par exemple, d’accroître les pouvoirs et la visibilité du Parlement Européen au lancement du Grand Marché. L’UEM est d’ailleurs considérée comme un processus irréversible. Il n’y a pas de processus juridique en place pour quitter ou être exclu de la zone euro.

Trajectoire théorique de la dette avec le nouveau pacte de stabilité et de croissance

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Source : Bloomberg, Credit Agricole CIB

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Allemagne Espagne Grèce

Irlande Portugal

Source : OCDE, Credit Agricole CIB

Spécial

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 4

Quelles sont les origines de la crise souveraine en Europe ? Le déclencheur est la porosité entre endettement privé et endettement public. Le premier, une fois devenu excessif, pèse fortement sur la croissance économique, ce qui entraîne une dégradation des comptes publics. Si l’endettement privé est largement le fait du secteur bancaire, alors le risque de transfert de la dette vers les comptes de l’État est tout à fait réel. Là où la taille des bilans bancaires relativement au PIB est presque incommensurable (en Irlande par exemple avec un ratio de 10, dont « simplement » 3,5 pour les seules banques irlandaises), l’impact est destructeur. Les craintes liées à ces mécanismes ne peuvent rester concentrées dans le pays d’origine. En effet, une partie significative des dettes publiques est détenue par des agents économiques à l’extérieur, dont les banques de la zone euro.

Quelles sont les caractéristiques de la zone euro ? La zone euro dispose d’une monnaie unique, mais avec un fédéralisme fiscal et budgétaire réduit à la portion congrue (1% du PIB, contre à peu près 20% dans la plupart des États fédérés) et une régulation financière organisée au niveau des États-Nations.

Bien sûr, l’organisation peut apparaître un peu baroque. Mais existait-il au lancement de la monnaie unique une alternative convaincante. Attendre une intégration politique signifiait remettre à une date inconnue et assurément très éloignée l’apparition de l’euro. De plus, les faits ont prouvé que, quelles que soient ses faiblesses « congénitales », la zone euro a été un cadre plus protecteur que ne l’aurait été le Système Monétaire Européen (SME).

De plus, cette approche correspond bien au mode d’emploi décrit plus haut. Elle est à la fois empirique et expérimentale. Elle appelle des corrections, une fois ses faiblesses révélées.

Quelles sont ces faiblesses? Un mix de laxisme poussé trop avant en termes de déficits publics (la Grèce), une croissance excessive du crédit relativement à la croissance économique, qui enfle exagérément le prix des actifs et génère d’importants déficits extérieurs (Espagne, Portugal, Irlande) et une perte de compétitivité-prix (Grèce ou Portugal pour ne retenir que deux exemples peu contestables).

Il existe une incompréhension mutuelle entre les gouvernements et les marchés. Les marchés ont été longtemps persuadés que la zone euro était finalement quelque chose d’assez proche d’une vaste Allemagne. Les spreads de taux étaient très faibles, indiquant que quel que soit le comportement des États et des agents privés de beaucoup d’entre les pays-membres, le risque-pays avait quasiment disparu. Par la suite, la complaisance a laissé place à l’impatience. Dans le déroulé de la crise (sans doute cela n’est-il pas fini), les marchés on fait preuve d’impatience face à ce qui apparaissait comme des hésitations ou des pertes de temps de la part des responsables politiques.

Les politiques n’apprécient pas beaucoup les marchés, tout en, bien souvent, se mettant dans une situation de forte dépendance vis-à-vis d’eux. Les effets d’annonce et les bonnes intentions ne suffisent pas, surtout quand la visibilité devient faible. Les marchés veulent de la réactivité et de la lisibilité. C’est ainsi qu’ils peuvent former leurs anticipations et les répéter si elles s’avèrent profitables. Le jeu devient alors « gagnant-gagnant » pour les deux protagonistes. Il n’en a pas toujours été ainsi sur la période récente.

Au cours du passé récent, beaucoup a été fait pour renforcer les structures de l’UE, spécialement en matière de gestion de la liquidité et de gouvernance :

rendre disponible les ressources nécessaires pour faire face à la crise de liquidité des souverains de la périphérie de la zone euro ;

renforcer le pilier budgétaire de la gouvernance au sein de l’UE ;

créer un pilier « macroéconomique » pour la gouvernance de l’UE.

Mais beaucoup reste encore à faire. L’UE, depuis plus d’un an, gère la crise de liquidité d’un certain nombre de ses pays-membres. Mais une crise de liquidité est par nature temporaire. Les refinancements proposés ne peuvent devenir permanents et atteindre des montants « astronomiques » (songeons au bilan des banques irlandaises dix fois supérieur au PIB). Une crise de liquidité qui dure se transformera en crise de solvabilité. Si le ratio dette publique/PIB est trop élevé, il ne reste qu’à réduire le numérateur (cela s’appelle un défaut) ou augmenter le dénominateur (avoir davantage de croissance, soit en volume, soit en prix). A aujourd’hui, le très haut degré d’imbrication économique et financière entre les pays de l’UE ne fait pas retenir la perspective du défaut. On ne peut donc échapper à la question de comment créer les conditions de davantage de croissance dans les pays de la périphérie d’abord et au niveau de toute l’UE ensuite.

Par le passé (avant le lancement de l’euro), les consolidations budgétaires réussies en Europe créaient les conditions de davantage de croissance au travers de la dévaluation et d’une baisse marquée des taux d’intérêt. Le premier outil n’est plus utilisable et le second est largement entre les mains des institutions européennes. L’Europe n’échappera pas vraisemblablement à de transferts budgétaires vers les pays de la périphérie en grave panne de croissance (un ré-aiguillage des fonds structurels ?). N’oublions pas que les économies de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal (les pays qui ont demandé l’aide de l’Union) pèsent 6,5% de celles des autres membres de la zone euro. Si ces derniers transfèrent 1% de leur PIB, les premiers reçoivent l’équivalent de plus de 15% du leur. De toute manière, l’histoire européenne est celle

Spécial

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 5

de la convergence économique. La divergence observée durant la crise est un mécanisme qu’une zone en voie d’intégration plus forte ne peut accepter.

Il est important aussi que l’ensemble des pays de l’UE prennent des mesures visant à accélérer leur croissance potentielle. Ils ne peuvent se contenter d’une perspective autour de 1,5% par an. Mettre en place de façon volontaire la stratégie Europe 2020 s’impose. Pousser plus avant la logique du « Marché Unique » offre aussi des perspectives prometteuses, singulièrement dans le domaine des services.

Au final, l’Europe, à l’heure d’un Jeu de Géants sur la scène mondiale, ne pourra pas s’exonérer d’une réflexion sur son architecture politique et institutionnelle. Quel est le bon degré de solidarité voulue et assumée à l’intérieur d’une zone dont le maillage économique et financier est si dense?

Quelles leçons à tirer pour les marchés ? Le cadre institutionnel et politique européen n’est pas stabilisé. L’Europe, en tant que rassemblement d’États-Nations aux profondes racines historiques, reste un ensemble politique en construction. À ce titre (et uniquement à celui-ci), il s’apparente moins aux États-Unis qu’à un pays émergent. Il en résulte un manque de visibilité sur la capacité de résoudre un problème économique si cela doit passer par des ajustements institutionnels. Il en résulte aussi un temps de réaction assez long, au moins relativement à celui des marchés.

Il faut se méfier d’un usage trop systématique des références extérieures. Sur la période récente, par exemple, l’expérience du défaut de nombre de souverains émergents a été mise en avant, pour justifier le diagnostic indépassable d’un destin similaire pour les pays de la périphérie de la zone euro. Pourtant, les caractéristiques de ces premiers sont souvent très différentes de celles des seconds, qu’il s’agisse de l’importance du déficit budgétaire primaire, de la devise dans laquelle l’essentiel de la dette publique est émise ou de l’importance des titres d’État dans la constitution de l’épargne des ménages.

Il est nécessaire de bien distinguer le contraste entre une intégration économique et financière poussée assez loin (même si des progrès sont encore à faire) et un cadre politique encore très centré sur les États-Nations. On l’a dit, les interdépendances économiques et financières entre les pays de la zone euro sont très fortes. Elles interdisent de ne pas prendre en compte les effets de tout évènement ou décision survenant dans un des pays-membres sur le reste de la zone ou de l’Union. Pourtant, les cadres politiques et institutionnels peuvent donner la fausse impression d’une relative étanchéité entre les faits se passant dans un pays (surtout s’il est d’un poids économique assez limité) et les conséquences chez ses partenaires.

Finissons par les tendances de fond des marchés. Le manque de visibilité sur les changements politiques et institutionnels, d’une part, et une vitesse de réaction/changement relativement lente, d’autre part, militent pour une difficulté sans doute structurelle à stabiliser les anticipations. Il devrait en résulter une volatilité de marché plus forte qu’ailleurs dans le monde avancé.

Il n’empêche que la tendance à une plus grande intégration politique de l’Union Européenne, au moins de la zone euro, favorisera encore davantage d’intégration économique et financière ; les marchés de capitaux n’échapperaient pas à ce processus de concentration poussé plus avant ; cela serait bénéfique en termes de liquidité et de profondeur des marchés.

Les spreads de taux sont sans doute exagérément élevés entre les titres d’État de la périphérie de la zone euro et ceux de l’Allemagne ; la question-clé est celle du signal politique de la décrue. Les tergiversations récentes ont sans doute fait perdre à l’euro une partie de son statut de co-monnaie de réserve en devenir. Il devrait le retrouver.

Hervé GOULLETQUER [email protected]

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Qui détient la dette souveraine périphérique (fin 2010) ?

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FMI, UE, autres prêteurs officiels

BCE

Hors banques (résidents et non-residents)

Autres banques

Banques zone euro

Banques nationales

Dette totale gouv. (valeur faciale)

Source : Institut Bruegel, Credit Agricole CIB

Politique monétaire

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 6

Banques centrales : un pour tous… chacun pour soi

Les Banques centrales se sont unies dans l’adversité afin de conjurer la menace déflationniste. Face au risque de son contraire, l’inflation, cette unité s’est fissurée avec un grand écart de réponse. Chacune invoque ses raisons, mais il est difficile de croire qu’elles aient toutes raison en même temps.

Face à la menace déflationniste, une réponse collective et uniforme Crise... À 7h00, heure de New-York (13h00, heure de Paris), la Fed et cinq autres Banques centrales dont la BCE et la BoE, annoncent une baisse coordonnée de 50 pdb de leurs taux directeurs. Nous sommes le 8 octobre 2008, en pleine crise financière et ce geste marque le début d’un cycle global de relâchement monétaire, qui va amener les taux directeurs de ces trois grandes Banques centrales à des planchers historiques. Dès l’enclenchement de la crise en août 2007, ces dernières ont œuvré dans la même direction en menant des actions de prêteurs en dernier ressort pour assurer la liquidité coûte que coûte, après le gel des marchés monétaires. Même après avoir épuisé leurs munitions traditionnelles, elles ont toutes les trois choisi d’emprunter d’autres voies, plus hétérodoxes, avec à la clef une gestion active de la taille et de la structure de leur bilan et ce afin d’apporter de la liquidité et du financement sur les marchés endommagés par la crise. Si le mode opératoire de ces politiques d’assouplissement quantitatif a pu différer suivant la structure de financement (plus ou moins intermédiée) de leurs économies respectives, l’enjeu est resté le même, puisqu’il s’est agi de prévenir l’élargissement des cercles d’insolvabilité et le risque d’enclenchement d’une spirale dépressive lorsque récession et déflation s’alimentent mutuellement, le tout sur fond de resserrement excessif du crédit (credit crunch). Si la coordination entre Banques centrales n’a pas toujours été explicite, elle semble s’être imposée d’elle-même, ce qui a donné encore plus de crédibilité et d’efficacité à leurs actions. Le sentiment d’avoir des pilotes aux commandes, prêts à agir conjointement pour éviter le pire a aidé à stopper les mouvements de panique sur les marchés, sources de contagion systémique, et permis de sauvegarder l’intégrité du système financier mondial. Par ailleurs, dans un monde globalisé fait d’interdépendances croissantes et soumis aux mêmes pressions, cette réponse collective et uniforme a permis de limiter les effets de distorsion entre marchés et zones géographiques tout en participant à une plus grande visibilité.

Face à la menace inflationniste, une réponse individualisée et variée …et sortie de crise. Jeudi 7 avril 2011, la BCE annonce une première hausse de son taux directeur alors que la Fed est toujours en mode assouplissement, avec un programme de rachat ferme d’actifs en place jusqu’en juin, et que la BoE erre du côté accommodant avec un statu quo sur tous les fronts, conventionnels ou non. Pourtant, l’inflation qui a motivé le geste de la BCE est, avec la flambée du prix des matières premières, un phénomène global qui, selon toute logique, aurait dû conduire à une réponse plus homogène de la part des mêmes banquiers centraux qui ont su s’unir face à la menace de son contraire, la déflation. Les positions dans le cycle ne justifient pas un tel écart puisque, dans les trois cas, ces économies avancées vivent au ralenti et doivent composer avec un trop plein d’endettement, public et/ou privé, le tout dans un environnement financier toujours convalescent. Une telle divergence pose bien sûr la question de l’erreur de jugement, puisqu’il paraît difficile de croire que Fed, BoE et BCE qui vivent dans le même monde aient raison en même temps en choisissant des options diamétralement opposées. Dans un environnement financier en manque cruel de visibilité, ces différences d’analyse ajoutent à la confusion et alimentent plus de volatilité. Enfin, ceci crée des effets distorsifs dans un contexte de liquidité globale en excès, qui va se déverser rapidement et parfois en abondance là où la rentabilité (où les perspectives de rentabilité) l’attire, que ce soit géographiquement ou par segment de marchés, et ce au risque de gonfler de nouvelles bulles et/ou de nourrir de l’instabilité financière.

Isabelle JOB [email protected]

Synchronisme des Banques centrales :

l'exception plutôt que la règle

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99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11BoE BCE Fed

Source : BCN, IHS GlobalInsight, Crédit Agricole S.A.

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BCE : cycle de hausses de taux

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cycle nov. 1999 - oct. 2000

cycle déc. 2005 - juil. 2008

Prévisions

cycle actuel avril 2011 - ...Source : IHS Global Insight,Crédit Agricole S.A.

niveau du taux directeur, %, m=0=mois de la 1ère hausse de taux

Marchés

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 7

Taux d’intérêt américains : forte sensibilité à la conjoncture

Il n’y a guère de doute sur le fait que l’économie américaine a ralenti ; un ralentissement limité, mais suffisant pour provoquer une forte baisse des taux. Deux facteurs expliquent cette forte baisse : la dynamique de l’offre et de la demande et le manque d’instruments restant à disposition des officiels américains pour combattre une nouvelle récession. Sans réponse crédible de politique économique, les marchés peuvent basculer d’un scénario de reprise raisonnable à un fort pessimisme en très peu de temps.

Il y a quelques mois, nous étions assez satisfaits de notre prévision d’une hausse des taux, mais brusquement les données économiques américaines se sont affaiblies. L’affaiblissement n’a pas été très important, il est compréhensible (prix du carburant, conditions météorologiques, inondations et tsunami), mais il ne faut pas l’exagérer. En tant qu’économistes, nous attendons de voir si le ralentissement évoluera en quelque chose de plus significatif ; mais les marchés obligataires semblent largement convaincus que le pire est à venir.

Nous pensons que les prix de l’énergie ont été une cause majeure du récent trou d’air. Le baril de WTI est passé de 85-90 USD en février à un point haut d’environ 114 USD fin avril. Le baril a fortement baissé depuis et nous attendons une baisse supplémentaire vers 85 USD au troisième trimestre, ce qui soutiendra la croissance. Avec le rétablissement des chaînes d’approvisionnement, après les évènements dramatiques survenus au Japon, et la disparition d’autres facteurs négatifs ponctuels, la croissance devrait être solide au troisième trimestre.

Aujourd'hui les taux à dix ans semblent exagérément bas. La prise en compte de l’inflation sous-jacente fournit une des mesures les plus simples de la valorisation des obligations. Depuis vingt-cinq ans, l’écart entre le taux à dix ans et l’inflation sous-jacente n’a été nettement inférieur à 150 pdb qu’à une seule occasion : pendant les heures sombres de la crise du crédit, fin 2008. Compte tenu de l’importance de l’offre de bons du Trésor que le marché obligataire va bientôt devoir absorber sans l’aide directe de la Fed, nous pouvons nous attendre à ce que l’écart entre le taux à dix ans et l’inflation sous-jacente soit nettement supérieur à 150 pdb.

En fait, nous pensons que l’écart devrait être nettement plus élevé que cela. Pendant le premier semestre 2011, la Fed aura acheté environ 600 Mds USD d’obligations du Trésor (480 Mds USD dans le cadre du QE2 et le reste au titre des réinvestissements), alors que l’augmentation nette d’offre de bons du Trésor américain a été moins importante que prévu, à 400 Mds USD, ce qui signifie que l’offre nette a été négative au premier semestre.

L’offre nette, négative au premier semestre, va changer du tout au tout au second semestre. Nous attendons une offre nette positive de 360 Mds USD au troisième trimestre, après prise en compte des achats de la Fed. Si l’économie s’extirpe de sa phase de ralentissement, le taux à dix ans pourrait rapidement retrouver les 70 points de base qu’il a perdus récemment.

Que se passerait-il si la phase de passage à vide, traversée actuellement, s’aggravait ? La réponse à cette question est donnée par la baisse, prononcée et rapide, des taux obligataires sur la période récente : d’où viendrait le coup de pouce dont l’économie pourrait avoir besoin ? Un assouplissement quantitatif supplémentaire serait peu utile et de nouvelles mesures de relance budgétaire seraient d’une ampleur limitée. Le marché est conscient que la Fed et le Trésor n’ont pratiquement plus d’arme à leur disposition pour soutenir l’économie.

En conséquence, il y aurait une forte probabilité pour qu’une spirale baissière s’enclenche si l’économie commençait à s’affaiblir. Cette situation explique la forte sensibilité du marché obligataire à tout changement de la dynamique de l’activité.

Un facteur pourrait ralentir la hausse des taux que nous attendons : les positions des spécialistes en valeur du Trésor américain (primary dealers). Ceux-ci ont accumulé des positions courtes représentant 80 Mds USD sur les maturités comprises entre trois et onze ans. Cela équivaut à trois semaines complètes d’offre de titres, une position importante, mais qui ne sera pas dénouée instantanément. Nous ne pensons pas que ce facteur puisse empêcher une remontée du taux dix ans autour de 4% vers la fin de l’année.

David KEEBLE [email protected]

Positions des spécialistes en valeurs du Trésor

(Primary Dealers) américains

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Source : Réserve fédérale

Inflation sous-jacente et taux des obligations

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Taux 10 ans Inflation s/s jacente Ecart

Source : Bloomberg, Crédit Agricole CIB

Marchés

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 8

Taux d’intérêt en zone euro : les taux du Bund trop bas après la « crise du siècle »

La combinaison d’un repli de la croissance et de craintes ininterrompues sur les dettes souveraines a provoqué une baisse des taux du « centre » bien en dessous de leurs points hauts d’avril. À moins que le ralentissement du premier semestre ne se transforme en réel double-dip, le processus de normalisation des taux directeurs se poursuivra, poussant l’ensemble de la courbe des taux vers le haut. La crise souveraine reste difficile à prévoir, mais en dehors de la Grèce, les fondamentaux s’améliorent.

Depuis leurs points hauts de mi-avril, les taux européens ont fortement baissé, d’environ 70 pdb à cinq ans et 60 pdb à dix ans. Cette baisse substantielle a effacé environ 40% de la hausse des taux observée depuis fin août 2010. Un tel mouvement génère ses propres flux (certains opérateurs suivent la tendance, d’autres « capitulent »). Le facteur le plus important de la hausse des marchés obligataires a été une série de mauvaises surprises dans les statistiques d’activité, tandis que la montée de l’inflation, considérée comme une simple conséquence de la hausse des prix du pétrole, a été négligée. L’indice PMI manufacturier de la zone euro est passé de 57,0 à 52,9 en l’espace de quatre mois, les matières premières ont perdu environ 11% par rapport à leurs points hauts et les actions 7 à 8%.

La mauvaise performance des actifs risqués a été attribuée en partie donc aux conditions économiques et en partie aussi à un flux incessant de mauvaises nouvelles concernant la crise souveraine de l’UEM. Le dernier épisode résulte principalement de l’absence de résolution de la situation grecque. Il est évident que des prêts supplémentaires et une plus grande indulgence de la part de ses partenaires de l’UEM sont nécessaires, mais les principaux participants s’affrontent sur les détails de la participation du secteur privé à l’effort à fournir. Cette impasse a provoqué la réémergence des effets de contagion, avec une hausse de l’ensemble des spreads périphériques, y compris ceux de marchés liquides comme l’Espagne et l’Italie. Les spreads BTP – Bund et Bono – Bund à dix ans se rapprochent à grands pas des niveaux atteints en décembre dernier.

Avec les craintes d’un échec de l’Eurogroupe à conclure un accord sur un deuxième plan de sauvetage de la Grèce, fin juin, la crise souveraine rend les marchés difficilement prévisibles. Quel que soit le sort final de la Grèce, nous réaffirmons que la situation budgétaire s’améliore clairement en Italie, en Espagne et au Portugal, malgré le risque politique dans ces pays. À intervalle régulier, le marché a été convaincu qu’une contagion d’un émetteur à l’autre était inévitable, mais une telle contagion n’est pas acquise (cf. la divergence des spreads au premier trimestre). Au total, toutefois, la question de savoir si la crise des dettes souveraines continuera à faire baisser les taux du « centre » au cours des trimestres prochains reste ouverte.

Les fondamentaux macroéconomiques et politiques sont en revanche plus prévisibles. Alors que le PMI et les autres indicateurs avancés ont fortement ralenti, la croissance de la production est restée positive dans la plupart des secteurs et dans la plupart des pays de l’UEM, les profits des entreprises sont élevés et la croissance de la productivité soutient également la reprise économique actuelle. Les problèmes d’approvisionnement liés au Japon et au Moyen-Orient sont de nature temporaire et ne semblent pas suffisants pour remettre en cause ce cercle vertueux.

De plus, des politiques monétaires non-orthodoxes dans un certain nombre de pays, combinées à des taux réels fortement négatifs dans la plupart des pays développés suggèrent que la récente accélération de l’inflation ne sera pas résolue par un simple tassement des prix du pétrole. Dans un tel contexte macroéconomique, la croissance nominale du PIB (qui devrait guider les taux obligataires à moyen terme) devrait rester comprise entre 2,5 et 5% dans les économies développées importantes. Cela n’est pas cohérent avec le niveau actuel des taux, à l’instar de celui de l’OBL cinq ans qui traite à 2,1% environ. Pour toutes ces raisons, nous maintenons nos prévisions de fortes hausses de la courbe des taux d’intérêt.

Un tel environnement suggère habituellement un aplatissement de la courbe. Ceci dit, la réduction de la prime de terme lors du rally obligataire a été importante : la baisse des forwards à long terme a été d’une amplitude comparable à la baisse des taux à plus court terme. Compte tenu du maintien d’une incertitude élevée sur les taux d’intérêt (comme cela est suggéré par les niveaux élevés de la volatilité implicite), nous pensons que l’aplatissement à venir serait d’une ampleur moindre que ce n’est habituellement le cas.

Luca JELLINEK [email protected]

Spread de taux Espagne-Allemagne à dix ans

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Source : Bloomberg

Taux cinq ans et indice PMI manufacturier

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Taux 5 ans euro

Indice PMI manuf. (éch. dr.)

%

Source : Eurostat, Bloomberg

Marchés

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 9

Taux de change : l’euro exagérément fort

Les inquiétudes sur la croissance et la baisse des taux obligataires américains ont pesé sur le dollar, qui est resté faible au cours des derniers mois. Nous ne pensons pas que ces inquiétudes persisteront et continuons à anticiper une appréciation du dollar au second semestre, l’euro finissant par reculer face à une accumulation de facteurs négatifs. Une fois de plus, nous attendons une surperformance des devises des pays exportateurs de matières premières sur l’année qui vient.

La faiblesse du dollar, tendance du marché des changes depuis le début de l’année, reste en place. Les inquiétudes sur la croissance mondiale et le problème de la dette des États périphériques de la zone euro influencent la dynamique du marché. D’un côté, les problèmes européens devraient peser sur l’euro et soutenir le dollar, mais de l’autre, le repli vers les valeurs refuges et les inquiétudes sur la croissance maintiennent les taux obligataires américains à des niveaux très faibles. Au total, l’aversion au risque et les différentiels de taux d’intérêt se disputent une fois de plus le rôle de facteur dominant sur le marché des changes. Avec le maintien de la politique monétaire ultra-accommodante de la Fed, et malgré la fin du QE2, le dollar semble avoir du mal à se débarrasser de son statut de devise de financement. De plus, la faiblesse des données économiques, publiées récemment aux États-Unis a alimenté des anticipations selon lesquelles la Fed ne réduira que lentement la taille de son bilan, certains évoquant même la possibilité d’un QE3. Malheureusement pour le dollar, le niveau relativement bas des taux obligataires américains pèse sur la devise.

Notre position sur le dollar est intimement liée à la politique de la Fed. La fin du QE2 pourrait avoir des conséquences importantes, pour le dollar comme pour de nombreuses autres devises. Il semble peu probable que la Fed relève ses taux cette année, mais en supposant que les inquiétudes actuelles sur la croissance se dissipent, un simple changement dans le discours de la Fed et une attitude plus volontariste en termes de réduction de bilan devraient suffire à créer les conditions d’une remontée du billet vert, d’autant plus qu’il serait également soutenu par la remontée des taux obligataires américains.

Parallèlement, l’euro continue d’afficher une résistance impressionnante face à la crise des États périphériques européens. Un facteur expliquant cette résilience est le maintien de la demande en provenance des investisseurs officiels asiatiques. Il semble également que le marché des changes soit lassé, voire complaisant à l’égard de la crise souveraine européenne. Ces problèmes, qui ne disparaitront pas de sitôt de l’actualité, finiront toutefois par peser sur l’euro : nous pensons que la monnaie unique va devenir plus vulnérable aux tensions européennes dans les mois qui viennent et finira par baisser.

Le yen semble également exagérément fort vis-à-vis du dollar. Les taux obligataires japonais ont peu de chance d’augmenter rapidement, en dépit des problèmes budgétaires, et l’écartement du différentiel de taux entre les États-Unis et le Japon finira par entraîner une forte hausse du dollar. L’autre devise de notre grille de prévision qui devrait sous-performer est le franc suisse. De façon surprenante, cette devise a affiché la plus forte performance depuis le début de l’année parmi les devises majeures, avec une appréciation de près de 10% contre le dollar. Nous pensons que la tendance va s’inverser durant le reste de l’année, en raison d’un début de normalisation de l’appétit pour le risque et du niveau relativement faible des taux suisses.

Dans le cas de la livre sterling, les anticipations de durcissement de la politique monétaire pourraient ne pas suffire à soutenir la devise, compte tenu de la récente faiblesse des données d’activité. La dichotomie entre la croissance et l’inflation rend la livre vulnérable à une remontée du dollar, d’autant plus que les anticipations de remontée des taux par la BoE ont été revues en baisse. L’évolution de la livre contre l’euro s’annonce toutefois sur un jour différent : elle devrait profiter de l’affaiblissement de la monnaie unique dans les mois qui viennent et effacer ses pertes récentes.

Les devises affichant les meilleures performances de notre grille de prévision sont des devises de pays exportateurs de matières premières : dollar australien, dollar canadien et dollar néo-zélandais. Nous n’attendons assurément pas une performance aussi forte que celle des derniers mois, mais les prix relativement élevés des matières premières, des différentiels de taux favorables, des perspectives de croissance relativement positives et une hausse de la demande en provenance des investisseurs officiels d’Asie devraient limiter les risques de baisse, même dans un environnement de remontée du dollar. À l’inverse, une devise de pays exportateur de matières premières dont la performance sera nettement moins bonne est la couronne norvégienne, qui pâtira de la baisse des cours de pétrole. La couronne norvégienne et la couronne suédoise devraient s’affaiblir contre le dollar dans les mois qui viennent, mais devraient rester résilientes contre l’euro.

Mitul KOTECHA [email protected]

Les devises des pays producteurs de matières premières

devraient surperformer le dollar dans les douze prochains mois

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Source : Bloomberg, Crédit Agricole CIB

L’euro devrait perdre du terrain par rapport à la plupart des

devises majeures dans les douze prochains mois

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Source : Bloomberg, Crédit Agricole CIB

Energie - Métaux

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 10

Énergie : des prix du pétrole auto-correcteurs ?

Les prix du WTI semblent ancrés aux alentours de 95 USD le baril, tandis que le Brent reste proche de 115 USD le baril. L’incertitude concernant l’offre et la demande a maintenu les prix à des niveaux très élevés. Nous pensons que les prix du pétrole connaîtront une correction à la baisse dans les semaines qui viennent.

Du côté de la demande, les données récentes indiquent un affaiblissement de la demande de pétrole au cours des dernières semaines. La plupart des indicateurs économiques récents ont surpris à la baisse. Dans les pays asiatiques à croissance rapide, les mesures gouvernementales visant à lutter contre l’inflation (laquelle est en grande partie imputable aux niveaux très élevés des prix du pétrole et de l’alimentation) commencent à freiner la croissance économique. En Chine, l’indice PMI manufacturier est tombé à 52 en mai, son niveau le plus bas en neuf mois. En Inde, l’indice PMI manufacturier a également baissé en mai, mais la baisse la plus forte a été enregistrée dans le secteur le plus important du pays : les services (baisse de l’indice PMI des services de 59,2 en avril à 55,0 en mai, son niveau le plus bas depuis vingt mois). L’indice PMI de la Corée du Sud est également tombé, à 51,2, son niveau le plus faible depuis novembre 2010. D’autres indices PMI ont également été plus faibles que prévu en Asie, les composantes « nouvelles commandes » signalant généralement un ralentissement de l’environnement économique global. Les indicateurs les plus alarmants proviennent toutefois des pays développés, avec une baisse de l’indice ISM manufacturier aux États-Unis de 60,4 en avril à 53,5 en mai – son niveau le plus bas depuis septembre 2009 – et de l’indice PMI manufacturier pour la zone euro de 58,0 en avril à 54,6 en mai. Une partie de la baisse s’explique probablement par le séisme/tsunami japonais (qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement) et devrait disparaître progressivement avec le redémarrage de l’industrie japonaise. Cependant, une autre partie de la baisse des indices s’explique par l’affaiblissement de la demande adressée à l’industrie. La hausse des taux d’intérêt et le durcissement des conditions de crédit par les Banques centrales asiatiques ainsi que le retrait des mesures de soutien budgétaire en Europe pèsent sur l’activité économique. La demande privée ne prend pas le relais, le niveau record des prix du pétrole et de l’alimentation réduisant de manière significative les dépenses discrétionnaires des ménages. Combiné à l’impact direct des prix élevés du pétrole, le ralentissement de l’activité économique pèse sur la demande de pétrole, comme les dernières statistiques ont commencé à le montrer.

Du côté de l’offre, l’OPEP a surpris les marchés lors de sa réunion du 8 juin en ne parvenant pas à un accord sur des objectifs de production. Cependant, ce constat de non-accord supprime de fait les quotas, et certains pays ont déjà commencé à augmenter leur production. L’Arabie saoudite propose plus de brut à ses clients asiatiques, et le Koweït a annoncé une forte augmentation de sa production en juin. Ces augmentations ne sont pas très surprenantes : la production de l’organisation en mai dépassait déjà les quotas de près de 1,5 Mb/j et le Call OPEP (production que doit fournir l’OPEP pour équilibrer le marché) devrait augmenter au second semestre 2011. L’Arabie saoudite, dont la politique est de répondre aux besoins des clients, devrait augmenter sa production lorsque l’activité des raffineries augmentera, après la période de maintenance. De plus, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) exerce une forte pression sur les pays de l’OPEP pour que cette dernière produise davantage de brut si nécessaire. Dans l’éditorial de son dernier ‘Oil Market Report’, l’AIE considère (à juste titre, nous semble-t-il) qu’un niveau de production de l’OPEP inchangé ne « devrait pas conduire à la stabilité du marché que les producteurs et consommateurs disent rechercher ». L’Arabie saoudite est consciente des dangers d’un baril de Brent au-dessus de 110 USD et tente par tous les moyens de rassurer les marchés.

Avec le ralentissement de la demande et une hausse de l’offre de l’OPEP, nous attendons une baisse des prix dans les semaines qui viennent. Les indicateurs économiques récents semblent confirmer l’impact négatif du niveau élevé des prix du pétrole et des prix alimentaires sur la croissance économique. Plus la correction des prix tardera, plus elle sera importante.

Christophe BARRET [email protected]

Offre et demande mondiale (Mb/j)

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Demande OffreSource : Crédit Agricole CIB

Production et capacité de production de l’OPEP (Mb/j)

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Production de l’OPEP (11 pays)Capacité de production de l’OPEP (11 pays)

Source : CA CIB

Energie - Métaux

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 11

Métaux : potentiel de hausse limité pour l’or, aluminium plus résistant

Après s’être fortement apprécié depuis la crise financière de 2007-2008, l’or se rapproche de son point haut et il se heurte à un certain nombre d’obstacles, mais les investisseurs le voient toujours comme une (voire « la ») devise alternative et comme une couverture contre le risque financier systémique. Parmi les métaux de base, l’aluminium – soutenu par ses coûts de production – devrait se montrer le plus résilient face aux craintes concernant la croissance mondiale.

Or : haussier, mais plus proche de son point haut Plusieurs facteurs devraient continuer à soutenir l’or : les inquiétudes sur la croissance mondiale, la crise des dettes souveraines européennes, le débat sur la déflation ou l’inflation et les craintes de dépréciation des devises traditionnelles. La demande d’or en tant que valeur refuge semble solide pour l’instant, les investisseurs percevant le métal jaune comme une (voire « la ») devise alternative et comme une couverture contre le risque financier systémique. Il s’est toutefois fortement apprécié : sa valeur a été multipliée par plus de cinq depuis les 290 USD l’once atteints début 2000 et a augmenté de plus de 30% sur la seule année 2010. La hausse a accéléré durant la crise financière de 2007-2008, les investisseurs redoutant une « apocalypse financière » et, par voie de conséquence, une forte augmentation du bilan des Banques centrales, en particulier de la Fed. Comment l’or réagira-t-il à la contraction des bilans et à l’absence de QE3 de la Fed ? Une « apocalypse financière » ayant été évitée et la liquidité des Banques centrales étant progressivement réduite, le contexte devrait devenir moins favorable pour l’or. La remontée attendue du dollar constitue un autre facteur défavorable. Il semble improbable que la Fed relève ses taux directeurs cette année, mais en supposant que les craintes actuelles sur la croissance se dissipent, un simple changement dans le discours de la Fed et une politique plus volontariste de réduction du bilan pourraient suffire à créer les conditions d’un rebond du dollar, soutenu par ailleurs par la remontée des taux obligataires américains. Les taux d’intérêt réels restent cependant négatifs aux États-Unis, ce qui soutient l’or pour l’instant.

D’un point de vue technique, l’or semble se rapprocher de son point haut – qui se situe à 1 629 USD l’once si l’on se base sur les vagues d’Elliot. Il baisserait ensuite vers un plancher situé entre 1 200 et 1 300 USD.

Métaux de base : l’aluminium devrait résister aux inquiétudes sur la croissance mondiale La consommation d’aluminium a progressé de plus de 20% l’an dernier, un rebond marqué après la chute de 8% observée en 2008 et plus forte progression depuis trente ans en glissement annuel. La croissance de la consommation mondiale devrait ralentir vers 10-11% cette année, en raison notamment de l’absence de reconstitution des stocks par des chaînes d’approvisionnement peu fournies, contrairement à ce qui s’est passé en 2010. Cela représente néanmoins un taux de croissance élevé, tiré par l’industrie des transports (qui cherche des métaux légers) et de l’emballage. De plus, alors que depuis les années 70 le prix du cuivre a toujours valu entre 1,5 et 2,0 fois celui de l’aluminium, le ratio est aujourd’hui de 3,8. D’autres facteurs soutiennent l’aluminium :

Le prix compétitif de l’aluminium par rapport au cuivre devrait encourager la substitution du cuivre par l’aluminium dans des secteurs clés.

Le lancement de trackers sur l’aluminium pourrait faciliter l’écoulement des excédents du marché.

Les stocks des marchés organisés ont cessé de croître et baissent régulièrement depuis leur pic, atteint mi-janvier 2010. De plus, une proportion d’au moins 70% des stocks du LME est immobilisée dans le cadre d’opérations de financement à long terme et n’est pas disponible pour le marché.

Le prix de l’aluminium est sensible aux prix de l’énergie, qui représentent entre 30 et 40% des coûts de production. Ces derniers devraient rester soutenus en raison du niveau élevé des cours du pétrole. De plus, les prix d’autres intrants – tels que l’alumine et le coke – sont en hausse.

La possible fermeture de fonderies aux coûts élevés en raison de la montée des prix de l’énergie en Europe et des restrictions énergétiques en Chine pourrait déboucher sur une baisse ou un arrêt de 20% de la production mondiale. La Chine représente 40% de la capacité mondiale et ses fonderies se situent généralement dans la moitié la plus coûteuse.

À court terme, les inquiétudes sur la croissance mondiale pourraient continuer de peser sur les métaux de base, mais l’aluminium devrait se montrer plus résilient, compte tenu des facteurs ci-dessus, avec un potentiel de baisse plus limité. Nous restons confiants sur les fondamentaux à moyen et long terme, en raison de la robustesse de la croissance des marchés émergents et nous recommandons de profiter d’éventuels replis des cours pour mettre en place de nouvelles positions longues.

Robin BHAR

[email protected]

Amérique

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 12

États-Unis : rebond attendu de la croissance au second semestre

Les données économiques récentes suggèrent une croissance légèrement supérieure à 2% au deuxième trimestre, après 1,9% au premier trimestre. Nous attendons un renforcement de la croissance autour de 3% au second semestre, notamment grâce à un vif rebond de la production automobile et à une baisse des prix de l’énergie.

Les reprises économiques qui font suite à une crise financière sont généralement moins vigoureuses et prennent davantage de temps pour s’enraciner. La reprise économique américaine s’est affaiblie durant le premier semestre 2011, avec une croissance d’environ 2%, contre 2,9% au semestre précédent. Le trou d’air actuel est-il un ralentissement temporaire ou bien annonce-t-il une période prolongée de croissance médiocre ?

Nous attendons un renforcement de la croissance autour de 3% au second semestre 2011. Nous pensons que la montée des prix de l’énergie est une cause importante du ralentissement en cours. C’est évident dans le ralentissement des dépenses de consommation, dont le rythme de progression est passé de 4% au quatrième trimestre 2010 à 2,2% au premier trimestre 2011 et devrait, selon nous, freiner davantage au deuxième trimestre 2011. Nous estimons que le soutien à la croissance apporté par le plan de relance budgétaire voté fin 2010 (réduction des cotisations sociales et extension des allocations chômage) a été presque entièrement compensé par la hausse des prix de l’énergie subie par les consommateurs. Cependant, comme nous l’expliquons dans l’article sur le pétrole, le jeu de l’offre et de la demande de pétrole brut devrait conduire à une baisse significative des prix plus tard dans l’année, avec un baril de WTI attendu à 81 USD fin 2011. Cette baisse anticipée des prix de l’énergie est une hypothèse déterminante de notre scénario, dont l’impact pour les consommateurs est comparable à celui d’une baisse d’impôts, et donc de nature à soutenir la dépense. Les consommateurs ont vu leurs revenus augmenter grâce à l’amélioration du marché du travail cette année et à la baisse des cotisations sociales l’an dernier. La revalorisation du patrimoine des ménages et leurs efforts de désendettement ont également contribué à accroître la capacité des consommateurs à dépenser. Ces avancées continuent toutefois de se heurter au niveau élevé du taux de chômage et à la faiblesse du marché de l’immobilier résidentiel.

Des bénéfices des entreprises importants annoncent généralement une reprise des embauches, en particulier si la main d’œuvre est peu chère, comme l’indique la faiblesse du coût unitaire du travail. Nous pensons que le marché de l’emploi continuera à s’améliorer d’ici la fin de l’année, permettant une baisse progressive du taux de chômage et une progression plus rapide des revenus. Les progrès pourraient cependant être irréguliers, compte tenu de la montée des incertitudes sur les perspectives de croissance et de la prudence persistante des entreprises à l’embauche. Les pressions haussières sur les salaires resteront limitées, compte tenu de l’ampleur des ressources inemployées sur le marché du travail.

Nous n’anticipons pas de reprise du marché immobilier résidentiel avant 2012. Nous prévoyons une baisse supplémentaire des prix de 5% en 2011, avant une stabilisation en 2012. En dépit d’une activité de construction très faible, le marché continue de souffrir d’un excès de logements à vendre, en raison de la poursuite des saisies. Cela entretient les pressions baissières sur les prix immobiliers, ce qui pèse sur la richesse nette des ménages et sur leurs dépenses de consommation. Consommation et richesse sont également impactées par les fluctuations des marchés boursiers.

Les marchés ont bien progressé sur les quatre premiers mois de l’année, mais leur orientation récente est à la baisse. Leur progression reflétait probablement à la fois le niveau élevé des profits et l’impact du programme d’assouplissement quantitatif de la Fed, qui a maintenu les taux à des niveaux très bas afin d’inciter les investisseurs à se porter vers des actifs plus risqués. Dans notre scénario, nous supposons que les marchés actions finiront l’année en hausse de 6-8%, stimulant ce faisant les dépenses des ménages par l’effet de richesse.

La croissance au premier semestre 2011 a également été pénalisée par la désorganisation des chaînes d’approvisionnement dans l’industrie automobile en raison des évènements catastrophiques au Japon. Les plannings de production de véhicules annoncés par Détroit pour le troisième trimestre suggèrent un rythme d’assemblage proche de 9,6 millions d’unités (contre 8,1 millions au deuxième trimestre). La reprise de la production automobile au troisième trimestre augmentera la croissance de plus d’un point au troisième trimestre, après l’avoir réduite d’environ 0,4 point au deuxième trimestre.

États-Unis : les entreprises rentables doivent embaucher

106000

108000

110000

112000

114000

116000

800

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1800

T1 03 T1 05 T1 07 T1 09 T1 11

Profits des entreprises, avancés de 4 trimestres

Nbre de salariés dans les industries privées (éch. dr.)

ncvs, Mds USD cvs, en milliers

Source : Crédit Agricole CIB

États-Unis : les anticipations d’inflation sont bien ancrées

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

06 07 08 09 10 11

Ecart [taux nominal - taux réel] à 10 ans

Forward de l’inflation à 5 ans

%

Source : CA CIB

Amérique

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 13

L’investissement des entreprises en équipements et logiciels devrait continuer de progresser à un rythme soutenu, reflétant l’amélioration des perspectives de demande et le besoin d’améliorer continuellement la productivité par le biais des technologies plus efficaces intégrées aux nouveaux outils de production. Le financement de ces investissements est facilité par le niveau historiquement bas des taux d’intérêt, la bonne santé financière des entreprises et la volonté accrue des banques d’octroyer des prêts commerciaux et industriels.

Consolidation budgétaire en 2012 Le plan de relance budgétaire (prolongation des réductions d’impôts décidées sous la présidence de Bush, baisse des cotisations sociales et extension des allocations chômage) a soutenu la croissance cette année, mais l’an prochain le stimulus se transformera en restriction budgétaire, avec une hausse des cotisations sociales et une réduction des dépenses publiques à différents niveaux du gouvernement. Nous pensons que le déficit budgétaire fédéral est un problème de long terme et que des solutions crédibles qui remettraient le déficit sur une trajectoire soutenable à moyen terme doivent être adoptées immédiatement. Un objectif de baisse du ratio déficit/PIB, dont la mise en œuvre serait assurée par une réforme des programmes de dépenses (dépenses discrétionnaires et prestations sociales) et de la fiscalité serait une avancée prometteuse. Cependant, une austérité budgétaire excessive à court terme, alors que la reprise reste fragile, pourrait être contre-productive si l’économie se retrouvait au point mort. C’est un risque non négligeable qui pèse sur notre scénario et que nous surveillerons de près. L’accord budgétaire attendu cet été, en conjonction avec le relèvement du plafond de la dette publique, nous permettra de mieux estimer l’impact de la politique budgétaire sur la croissance en 2012.

Normalisation monétaire La Fed maintiendra une politique monétaire accommodante jusqu’à ce qu’elle soit certaine de la solidité de la reprise et du mieux sur le front de l’emploi. Elle peut se permettre d’être prudente dans ses hausses de taux, dans la mesure où les anticipations d’inflation à long terme semblent plutôt bien ancrées.

Le second programme d’achat de titres de la Fed (QE2) s’est terminé fin juin et la Fed ne semble pas encline à envisager un nouvel assouplissement quantitatif (QE3), compte tenu d’un arbitrage rendement/risque moins favorable, les avantages attendus en termes de créations d’emploi étant compensés par l’impact potentiellement inflationniste. Le FOMC devrait cependant continuer à réinvestir en bons du Trésor le produit des titres de son portefeuille arrivant à maturité jusqu’à la fin de l’année. Il viendra un moment, assez tôt dans le processus de sortie, où le FOMC mettra un terme à cette politique de réinvestissement, entraînant une contraction passive du bilan de la Fed. Ceci équivaudrait à un léger resserrement monétaire et serait la première étape d’une longue liste visant à normaliser les taux d’intérêt. Ces étapes comprennent le changement de la formule « période prolongée » dans le communiqué du FOMC, qui serait suivi des opérations de drainage de liquidité via des appels d’offres inversés et des dépôts à terme auprès de la Fed. Le taux de rémunération des réserves excédentaires sera ensuite relevé, puis le taux des Fed funds. Nous pensons que ce processus conduira au maintien du taux des Fed funds à son niveau actuel jusqu’au troisième trimestre 2012. Une fois que le FOMC pourra estimer l’impact des hausses de taux sur l’économie et les marchés, il commencera probablement à vendre les titres de son portefeuille pour le ramener à une taille normale.

Risques entourant le scénario Outre des prix du pétrole élevés ou en hausse et un excès de zèle en matière de restriction budgétaire à court terme, deux autres risques pèsent sur le scénario. Les problèmes dans les pays périphériques de la zone euro pourraient mener à une crise financière en Europe qui se transmettrait très probablement ailleurs. Une rechute du marché immobilier américain retarderait le processus de reprise, de plus en plus de ménages se retrouvant en situation de negative equity, c’est-à-dire avec le montant de leur emprunt dépassant la valeur de leur bien immobilier.

Hélène BAUDCHON Mike CAREY [email protected] [email protected]

Etats-Unis (a) 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

PIB 2,9 2,4 2,9 3,7 1,7 2,6 3,1 1,9 2,0 3,1 3,1 2,7 2,8 3,1 3,3

Consommation privée 1,7 2,5 2,4 1,9 2,2 2,4 4,0 2,2 1,5 2,4 2,8 2,0 2,4 2,7 2,8

Investiss., équip. & logiciels 15,3 10,6 11,3 20,5 24,8 15,4 7,7 8,7 7,0 12,5 12,8 10,0 9,0 8,7 8,2

Investissement résidentiel -3,0 -2,7 7,7 -12,3 25,6 -27,3 3,3 -1,9 -6,0 4,5 6,0 8,0 9,3 13,0 16,4

Variation des stocks (b) 1,4 -0,1 0,0 2,6 0,8 1,6 -3,4 1,3 -0,5 0,5 -0,1 0,2 -0,1 0,0 0,0

Exportations nettes (b) -0,5 0,4 0,2 -0,3 -3,5 -1,7 3,3 0,1 0,8 0,1 0,2 0,2 0,2 0,3 0,2

Taux d'épargne 5,8 5,3 4,6 5,5 6,2 6,0 5,4 5,1 5,3 5,3 5,3 4,5 4,6 4,7 4,7

Taux de chômage 9,6 8,8 8,4 9,7 9,6 9,6 9,6 8,9 9,0 8,8 8,5 8,6 8,5 8,3 8,2

Inflation (t/t, %) 1,6 3,0 2,0 1,3 -0,5 1,4 2,6 5,2 4,4 1,5 1,6 2,0 1,8 2,0 2,1

Balance courante (% PIB) -3,2 -2,9 -2,7 -3,3 -3,3 -3,3 -3,0 -3,2 -2,8 -2,9 -2,9 -2,8 -2,7 -2,6 -2,5

(a) données annualisées (b) contribution à la croissance du PIB (en %)

2010 2011 2012

Asie

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 14

Japon : une valse à deux temps

Après la catastrophe survenue en mars, l’économie japonaise s’est contractée à -0,9% t/t au premier trimestre et, en raison d’une confiance des ménages très dégradée, nous attendons une nouvelle contraction au deuxième trimestre. Cependant, avec l’émergence d’une demande de reconstruction, l’économie connaîtra une reprise « en V » à partir du second semestre 2011.

Après l’effondrement de l’activité économique consécutif au désastre du 11 mars, l’économie japonaise a démarré l’année avec une contraction importante du PIB, -0,9% t/t au premier trimestre. L’analyse détaillée des composantes de la demande montre cependant que l’effondrement du mois de mars a fait suite à une reprise qui avait duré jusqu’en février. De plus, la contraction de la majorité des composantes de la demande a été assez limitée, avec une baisse de 0,6% t/t de la consommation privée, une baisse de 1,3% t/t de l’investissement et une hausse de 0,7% t/t des exportations. L’essentiel de la contraction est venu d’une baisse des stocks, qui a contribué négativement à la croissance à hauteur de -0,4%.

La répartition mentionnée ci-dessus suggère une nouvelle contraction du PIB au deuxième trimestre. Du côté de la consommation, alors qu’une enquête récente sur la confiance des ménages suggère que le pessimisme extrême qui prévalait juste après le tremblement de terre se réduit, le niveau de confiance n’a guère évolué depuis le séisme. De plus, l’évolution défavorable des revenus – mise en évidence par la diminution des heures supplémentaires – va peser sur la confiance, déjà affaiblie, des consommateurs. La consommation privée continuera donc de contribuer négativement à la croissance, ce qui, combiné à la contraction de l’investissement et des exportations, nous amène à prévoir une baisse du PIB de 0,8% t/t au deuxième trimestre.

Nous prévoyons cependant que l’économie connaîtra une reprise « en V » par la suite. Il y a quelques motifs d’espoir, parmi lesquels la forte reprise attendue de la production industrielle, suggérée par les prévisions des industriels pour les mois qui viennent. Nous pensons que la production ne sera peut-être pas aussi importante, mais ces chiffres suggèrent néanmoins que le processus de reprise est à la fois plus précoce et plus important qu’envisagé initialement. Cela contribuera à une amélioration des revenus et de la confiance des consommateurs, permettant à la consommation privée de contribuer positivement à la croissance à partir du troisième trimestre, les consommateurs essayant de retrouver leur niveau de consommation antérieur.

De plus, le processus de reprise économique sera soutenu par les plans de soutien post-11 mars, qui devraient être proposés par le gouvernement. La classe politique japonaise a évité le pire : en rejetant la motion de censure contre le Premier ministre, elle a évité la tenue d’élections générales anticipées qui auraient pu retarder la mise en œuvre des mesures de soutien économique proposées. Nous nous attendons donc toujours à ce que le gouvernement propose une série de mesures de soutien dans les prochains mois, mesures qui contribueront à restaurer les infrastructures publiques perdues, via une forte hausse de l’investissement. Combiné aux dépenses en capital des entreprises privées visant à remplacer les équipements de productions perdus ou endommagés, l’investissement sera un autre facteur menant au processus de reprise.

Sur le plan des prix, l’évolution récente de l’inflation sous-jacente a été conforme à notre opinion selon laquelle les problèmes d’offre liés à la catastrophe auraient un impact inflationniste, comme on a pu le constater avec la forte hausse des prix alimentaires. Avec la principale mesure de l’inflation à 0,6% a/a en avril, nous maintenons notre prévision selon laquelle la combinaison de pressions inflationnistes liées à des goulots d’étranglement et de l’impact retardé des prix de l’énergie sur les tarifs publics provoquera une hausse de l’inflation sous-jacente au-dessus du seuil de 1%, au-delà duquel la Banque du Japon (BoJ) est supposée sortir de son « assouplissement monétaire complet ».

Cependant, nous maintenons également notre analyse selon laquelle la BoJ ne répondra pas par un durcissement monétaire au type de pressions inflationnistes constatées actuellement, souhaitant avant tout s’assurer de la solidité de la reprise. Plutôt que d’envisager une sortie de « l’assouplissement monétaire complet », nous prévoyons au contraire que la BoJ fera l’objet de pressions croissantes pour augmenter ses achats d’emprunts publics (JGB), le gouvernement ayant besoin de financer les mesures de soutien en augmentant les émissions de titres de la dette.

Yoshiro SATO

[email protected]

Japon : croissance réelle du PIB

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

T1 10 T3 10 T1 11 T3 11 T1 12 T3 12

Prévisions% t/t

Source : Cabinet Office, Crédit Agricole CIB

Japon (a) 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB 4,0 -0,7 2,9 -0,9 -0,8 1,1 1,8

Consommation privée 1,8 -1,3 1,2 -0,6 -1,0 0,6 0,9

Investissement 2,1 0,8 8,3 -1,3 -3,2 4,2 4,8

Variation des stocks (b) 0,6 -0,1 0,2 -0,4 0,1 0,1 0,1

Exportations nettes (b) 1,8 -0,9 -0,3 -0,1 -0,8 -0,3 0,0

Production industrielle 16,5 -1,2 5,3 -2,0 -1,6 4,3 1,1

Taux de chômage 5,1 4,9 4,8 4,7 4,9 5,1 5,1

Inflation (Core CPI, a/a, %) -1,0 0,4 0,5 -0,2 0,6 0,9 0,3

Dette publique (% PIB) 192 203 207

(a) données annualisées (b) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 15

UEM : normalisation anormale

Le regain d’activité dans la zone euro s’appuie sur une dynamisation de la demande intérieure. Cette normalisation de la croissance trouvera ses limites dans la poursuite de la quête de la rentabilité perdue et dans un policy-mix moins accommodant. La volonté de normalisation de la BCE se confronte néanmoins à une reprise aux caractéristiques pour le moins inédites.

Vigueur hypothéquée Le regain d’activité au premier trimestre 2011 en zone euro (+0,8% t/t), qui a pris de court la plupart des observateurs, est d’autant plus surprenant que l’économie américaine, affiche une croissance plus décevante qu’anticipé (+0,5%t/t). La surprise est d’autant plus marquée que l’on attendait une croissance tirée par la demande mondiale. Or, la demande extérieure n’est pas au rendez-vous, comme le signale un apport nul des échanges à la croissance, commun par ailleurs des deux côtés de l’Atlantique. C’est donc le dynamisme de demande intérieure qui, gagnant progressivement en puissance depuis un an, est seul redevable du rebond du PIB dans la zone euro.

Pourtant, la consommation des ménages continue d’avancer d’un pas lent (+0,3% t/t), s’appuyant sur la baisse du taux d’épargne dans un contexte de taux de chômage élevé (9,9% au premier trimestre 2011) et d’érosion du pouvoir d’achat liée à la montée de l’inflation (+2,5% au premier trimestre 2011). En revanche l’austérité budgétaire qui sévit déjà dans la périphérie et qui était attendue dans les pays du centre n’est pas encore visible dans les comptes. La consommation publique a augmenté de 0,8%, reportant à plus tard dans le courant de l’année les ajustements sur lesquels les pays membres de la zone se sont mutuellement engagés dans leurs derniers programmes de stabilité.

La reprise de l’investissement (+2,1% t/t) explique à elle seule la moitié de la croissance. Cette hausse ne suffit cependant pas à extraire le taux d’investissement du creux conjoncturel dans lequel il demeure depuis un an, suite à l’ajustement massif (-2,8 points de PIB) connu en 2008 et 2009. Le rebond de l’investissement productif privé est une réponse logique face à une remontée du taux d’utilisation des capacités qui retrouve sa moyenne de long terme. Il s’appuie aussi sur l’amorce d’une reconstitution des marges et du taux d’autofinancement des sociétés non financières plus avancée en Allemagne que dans les autres grands pays de la zone. Le rattrapage de l’investissement en bâtiment après le trou d’air de la période hivernale contribue largement à la reprise de l’accumulation. La progression exceptionnelle de la valeur ajoutée dans la construction en témoigne (+2,9% t/t), mais elle a épuisé son potentiel de dynamisation de l’activité. Le progressif essoufflement de l’investissement public, notamment en Allemagne, et les ajustements encore en cours dans le logement et dans la construction privée vont brider ce mouvement de reprise.

Compte tenu du ralentissement de la demande mondiale à l’œuvre, la poursuite de l’expansion de l’investissement productif ne pourra s’appuyer que sur le dynamisme de la demande intérieure, qui paraît d’ores et déjà soumise à plusieurs contraintes : les conditions de rentabilité des entreprises ne sont que partiellement rétablies et le nécessaire relèvement du taux d’autofinancement exigera la poursuite de la reconstitution de l’épargne tout en prescrivant, à l’exception de l’Allemagne, une remontée significative du taux d’investissement. Le redressement du cycle de productivité devrait se poursuivre mais sur des rythmes plus lents, la hiérarchie entre pays n’étant pas bouleversée. L’avance de l’Allemagne serait quelque peu redimensionnée sous l’effet des créations d’emplois plus dynamiques et de l’épuisement de l’apport à la croissance, d’un secteur public qui, via notamment l’investissement public a encore contribué en ce début 2011 au soutien de l’activité. Le potentiel limité d’amélioration des marges ne va pas permettre la progression à la fois de l’emploi et des salaires. Si on s’attend à une lente décrue du taux de chômage à partir de la fin 2011, les salaires eux ne devraient que peu progresser. Les effets retardés du choc pétrolier s’ajouteront à l’inéluctable serrage de vis budgétaire et à un environnement monétaire moins accommodant. La consommation privée s’annonce donc molle et devra encore s’appuyer sur une compression de l’épargne.

Avec des indicateurs d’enquête, qui pointent en direction d’un ralentissement de l’activité, peu nombreux sont les signaux permettant d’espérer une croissance suffisante pour combler rapidement l’écart de production creusé par la crise. Pourtant, avec un taux de croissance de 2% en 2011, la zone euro fait plutôt bonne figure, mais ceci masque un vrai trou d’air au deuxième et troisième trimestre après le bon démarrage du début d’année. L’accélération de l’activité en deuxième partie d’année prochaine sur des rythmes légèrement supérieurs au potentiel dans la plupart des pays du centre ne serait pas suffisante à ramener le PIB par habitant de la zone euro à son niveau du premier trimestre 2008.

UEM : PIB par habitant

25 000

30 000

35 000

01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11

France Allemagne

Italie Espagne

Source : Crédit Agricole S.A.

PPA en USD 2005

UEM : quel niveau « normal » des taux directeurs ?

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

5

6

99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11

%

Taux Refi BCE

Croissance PIB nominal (a/a)

Source : Crédit Agricole S.A.

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 16

La politique monétaire entre hétérogénéité et incertitudes À première vue, la BCE est entrée dans une phase de « normalisation » des taux directeurs, avec une première hausse de 25 pdb délivrée en avril et une augmentation régulière tous les trois mois dans notre scénario central, jusqu’à 2,50% en juillet 2012 (profil inchangé depuis le dernier Perspectives Macro). En pratique, ce processus n’a de « normal » que le nom, tant les différences avec un cycle de normalisation monétaire classique sont nombreuses. Sa définition par les membres de la BCE est elle-même à géométrie variable.

Au-delà de la crise des finances publiques et des réponses exceptionnelles apportées, bon gré mal gré, par la BCE, les caractéristiques de la reprise économique en cours sont elles aussi inédites. L’hétérogénéité des performances entre pays est un premier frein évident à une normalisation ordonnée d’une politique monétaire unique pour une zone monétaire sous-optimale. De ce point de vue, la plupart des indicateurs suggèrent une stabilisation des divergences intra-zone (PIB, chômage, comptes courants), mais pas d’inversion claire de tendance, même si l’Espagne et l’Irlande se détachent du peloton périphérique.

Une autre particularité notable du cycle de resserrement amorcé par la BCE concerne le pilier monétaire de son analyse. La croissance de l’agrégat monétaire large M3, à 2% l’an en avril, est très inférieure aux niveaux observés fin 2005 (autour de 8%), avant la première hausse de taux de décembre. Si, comme nous le pensons, l’offre et la demande de crédit se normalisent progressivement, les biais de liquidité se dissipent et la croissance de M3 dépasse la cible de la BCE début 2012 (4,5%), cette dernière pourrait trouver une autre justification à de futures hausses de taux.

D’une façon générale, les risques baissiers qui pèsent sur notre scénario macroéconomique rendent le calendrier du resserrement monétaire plus incertain. Nous prévoyons toujours deux hausses de taux en juillet et octobre 2011, mais une pause début 2012 ne peut pas être totalement exclue en cas de tensions persistantes dans les pays de la périphérie, d’autant que l’inflation devrait de nouveau converger vers sa cible de 2% au premier semestre 2012. Dans le même temps, les justifications à une remontée progressive du taux directeur de la BCE vers un niveau plus en ligne avec les fondamentaux économiques ne manquent pas. Une dernière différence, essentielle, avec les précédents cycles de resserrement réside, en effet, dans le niveau exceptionnellement bas des taux directeurs (1,25% en termes nominaux et -1,50% en termes réels). Les prévisions du staff de la BCE, pourtant prudentes à l’horizon 2012, suggèrent ainsi un taux directeur « neutre » de l’ordre de 3% à 3,50%. Si ces niveaux ne seront probablement pas atteints avant 2013 voire au-delà, la volonté de la BCE de revenir progressivement à une forme de normalité ne doit selon nous pas être sous-estimée.

Ce processus de normalisation concerne également les mesures de politique monétaire non-conventionnelle même si, dans l’intervalle, le « principe de séparation » de la BCE lui permet d’assurer la stabilité du secteur financier. Le programme de rachats d’obligations souveraines (SMP) est au point mort, mais il n’a pas été arrêté officiellement. L’offre illimitée de liquidité aux banques, pour des maturités allant d’une semaine à trois mois, a été étendue jusqu’au mois d’octobre 2011 au moins. Si plusieurs membres du Conseil des Gouverneurs ont toujours l’intention de revenir à des enchères compétitives offrant une quantité limitée de liquidité, au moins pour les opérations à long terme, il faudra pour cela que le secteur bancaire ressorte renforcé du prochain exercice de stress tests dont les résultats seront publiés pendant l’été. Et, de ce point de vue également, on est encore loin d’une situation « normale ».

Frederik DUCROZET Paola MONPERRUS-VERONI [email protected] [email protected]

UEM 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

PIB 1,7 2,0 1,6 0,3 1,0 0,4 0,3 0,8 0,3 0,3 0,4 0,4 0,5 0,5 0,5

Consommation privée 0,8 1,0 1,0 0,4 0,2 0,2 0,3 0,3 0,1 0,2 0,3 0,2 0,2 0,3 0,3

Investissement -1,0 3,5 2,6 -0,6 2,2 -0,2 0,0 2,1 0,7 0,4 0,6 0,6 0,7 0,7 0,7

Variation des stocks (a) 0,6 0,1 0,1 0,4 0,2 0,1 -0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0

Exportations nettes (a) 0,8 0,5 0,5 -0,1 0,1 0,2 0,2 0,0 0,1 0,1 0,1 0,1 0,2 0,1 0,1

Taux de chômage 10,1 9,9 9,6 10,1 10,2 10,1 10,1 9,9 9,9 9,9 9,8 9,7 9,6 9,5 9,4

Inflation (a/a, %) 1,6 2,7 1,9 1,1 1,6 1,7 2,0 2,5 2,8 2,9 2,7 2,3 1,6 1,9 1,9

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

20122010 2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 17

France : l’arbre ne doit pas cacher la forêt

La croissance française a peu de chances de réitérer sa prouesse du premier trimestre (0,9% en variation trimestrielle). Un atterrissage en douceur de l’activité est donc prévisible à court terme. Au-delà, la croissance devrait devenir plus autonome, notamment grâce à une amélioration de la situation financière des entreprises et à une reprise plus franche de l’emploi. Notre scénario table sur une progression de l’activité de +2,1% en 2011 et +1,8% en 2012.

L’activité française a rebondi au premier trimestre, en affichant un taux de croissance flatteur de +0,9% t/t. Ce résultat, sans conteste encourageant, reste toutefois le fruit de facteurs temporaires. La prime à la casse a largement soutenu l’activité en ce début d’année (livraisons des commandes conclues en décembre), tout comme le mouvement massif de reconstitution des stocks, correction « mécanique » de l’important déstockage constaté au quatrième trimestre lors de la vague de froid.

Le dynamisme de l’activité au premier trimestre paraît donc difficilement extrapolable. Les enquêtes de confiance publiées depuis mars témoignent d’ailleurs d’un tassement de la conjoncture. En mai, le climat des affaires dans l’industrie manufacturière est en léger recul par rapport aux points très élevés atteints ces derniers mois (-2 points, à 107). La confiance de ménages est, quant à elle, toujours bien en-deçà de sa moyenne de long terme (à 83 en juin, contre 100).

Cette dégradation du climat conjoncturel devrait se traduire in fine par un tassement de l’activité. La consommation des ménages portera les stigmates de l’arrêt de certaines mesures de soutien (notamment la prime à la casse), de la remontée de l’inflation (attendue à 2,1% en moyenne en 2011) et de la hausse de la pression fiscale entraînée par l’amélioration des revenus observée en 2010. De plus, elle restera pénalisée par le reflux très lent du taux de chômage (attendu à 9,1% en moyenne en 2011 en France métropolitaine) et son corollaire, le maintien à un niveau élevé du taux d’épargne. Face à ces perspectives de débouchés intérieurs en demi-teinte, les entreprises devraient rester prudentes tant en termes d’investissement que de stocks, d’autant que la hausse des prix des matières premières maintient sous pression leurs marges. Le moteur externe de la croissance devrait également fonctionner au ralenti, les exportations souffrant à la fois du freinage de l’économie mondiale, de problèmes structurels propres (offre peu compétitive, marges à l’exportation serrées, marchés cibles peu porteurs) et du niveau élevé de l’euro.

Il faudra attendre 2012 pour entrer dans un processus de croissance plus auto-entretenue et pérenne. Les dépenses d’investissement des entreprises devraient alors se redresser, sous l’effet d’une mobilisation accrue des capacités de production et d’une amélioration plus nette de leur situation financière. Celle-ci sera permise par le tassement des coûts intermédiaires (en lien avec le reflux prévisible du prix des matières premières), la poursuite du rebond de la productivité, la baisse de la taxation du capital productif (effet de la réforme de la taxe professionnelle) et le maintien du caractère accommodant de la politique monétaire de la BCE. Les entreprises seront par ailleurs amenées à mettre en phase leurs stocks et leur production anticipée, ce qui implique un léger mouvement de restockage. Avec une reprise plus franche de l’emploi et le freinage de l’inflation, les revenus des ménages s’amélioreront, ce qui permettra de soutenir la consommation privée, malgré la mise en œuvre des mesures d’assainissement des finances publiques (décélération des dépenses de santé et hausse nulle en volume des dépenses de l’État). En revanche, l’investissement résidentiel pourrait légèrement fléchir (prix très élevés, remontée des taux de crédit). Enfin, la baisse programmée de l’euro devrait permettre de limiter la contribution négative du commerce extérieur (attendue à -0,1 point en 2012). Au total, les rythmes de croissance trimestriels devraient s’avérer plus robustes, de l ‘ordre de 0,4 - 0,5% t/t. L’activité progresserait alors de 1,8% en moyenne annuelle en 2012.

Ce scénario est entouré d’aléas, à la fois négatifs et positifs. Malgré quelques épisodes de restockage, les chefs d’entreprise jugent toujours le niveau de leurs stocks peu élevé, ce qui pourrait entraîner une contribution plus positive qu’anticipée des variations de stocks à la croissance. A l’inverse, le caractère toujours incertain de l’environnement géopolitique et économique pourrait favoriser un comportement attentiste des ménages comme des entreprises, bridant le cycle de reprise autonome.

Axelle LACAN

[email protected]

France 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

PIB 1,4 2,1 1,8 0,2 0,5 0,4 0,3 0,9 0,3 0,4 0,4 0,4 0,5 0,5 0,5

Consommation privée 1,3 1,3 1,4 0,1 0,1 0,5 0,4 0,4 0,1 0,3 0,3 0,3 0,4 0,5 0,5

Investissement -1,4 3,4 3,1 -1,1 1,0 0,9 0,5 1,2 0,7 0,7 0,8 0,8 0,8 0,9 0,8

Variation des stocks (a) 0,5 0,8 0,4 -0,4 0,3 0,5 -0,3 0,7 0,0 0,1 0,0 0,2 0,1 0,1 0,0

Exportations nettes (a) 0,1 -0,4 -0,1 0,7 -0,1 -0,6 0,3 -0,4 0,1 0,0 0,0 -0,1 0,0 -0,1 0,1

Production industrielle 4,9 4,4 1,9 0,7 2,0 0,8 0,3 3,0 -0,2 0,5 0,6 0,4 0,5 0,6 0,4

Taux d'épargne 16,1 15,9 16,0 16,0 16,0 16,1 16,1 15,9 15,9 15,9 15,9 15,9 16,0 16,0 16,1

Taux de chômage 9,4 9,1 8,8 9,5 9,3 9,3 9,3 9,2 9,1 9,1 9,0 8,9 8,8 8,7 8,6

Inflation (a/a, %) 1,5 2,1 1,5 1,3 1,6 1,5 1,7 1,8 2,0 2,2 2,2 1,6 1,5 1,5 1,5

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011 20122010

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 18

L’Allemagne passe la cinquième

L’Allemagne a tourné le dos à la crise, mais en dépit d’une performance de croissance inégalée en Europe, l’ajustement n’est pas achevé du côté des entreprises. La poursuite du redressement de la profitabilité devrait prévenir toute surchauffe salariale tout en permettant le raffermissement à la fois de la consommation et de l’investissement privé.

Avec un rythme de croissance, inégalé parmi les pays industrialisés, de +1,5% au premier trimestre 2011, l’économie allemande peut compter sur un acquis de croissance de 2,7% pour l’année en cours. Elle a donc définitivement tourné le dos à la récession et le PIB a pu retrouver son niveau d’avant la crise, y compris en termes de produit par habitant. Le tableau affiché par l’économie allemande est donc plus flatteur qu’anticipé, tant par l’intensité de la croissance que par les forces qui la gouvernent. Si l’apport des échanges demeure marquant (+0,5% de contribution à la croissance), plus saillante encore est la contribution de la demande intérieure hors stocks (+1,4%). L’activité aurait pu être davantage soutenue si la demande n’avait pas été partiellement satisfaite par la poursuite du déstockage, justifiant pour le troisième trimestre consécutif une contribution négative des variations de stocks (-0,4%).

Les dépenses privées ont gagné en puissance, expliquant les deux tiers du dynamisme de la demande intérieure, mais ce dernier est aussi imputable, pour le tiers restant, à la robustesse des dépenses publiques courantes (+1,3%) et à celle de l’investissement (+6,8%). Avec l’expiration des plans de relance et dans une moindre mesure, les mesures de consolidation additionnelles décidées par la Loi de finances pour 2011, la composante publique va s’épuiser. L’investissement privé a été soutenu autant par sa composante productive (+4,3%) que résidentielle (+6,7%). Le rebond de cette dernière est une réponse logique après le repli hivernal de l’activité dans le bâtiment. Le maintien de carnets de commandes bien remplis pourrait signaler, enfin, une reprise plus durable du secteur. L’investissement productif privé, ne semble pas avoir pâti de la fin du dispositif d’amortissement anticipé et a été activé par la remontée du taux d’utilisation des capacités à son niveau d’avant la crise. Les perspectives d’une croissance encore soutenue de l’investissement, y compris au motif d’expansion des capacités, sont intactes, et peuvent s’appuyer sur la remontée du taux d’autofinancement des entreprises au niveau d’avant la crise. En effet, sur fond d’un rétablissement encore incomplet de la rentabilité, le taux d’investissement productif, n’a récupéré que la moitié de la perte engrangée depuis la crise. Nous inscrivons donc une poursuite du redressement du taux de marge, s’accompagnant d’une croissance de l’investissement productif suffisamment soutenue pour ramener, à l’horizon de la prévision, le taux d’investissement à son niveau de 2007.

Ces gains de rentabilité, reposeront sur le maintien d’une faible progression des coûts salariaux unitaires (-0,2% au premier trimestre 2011). Si le cycle de productivité sera bridé par le ralentissement prévu de l’activité et par la montée en puissance des créations d’emploi, l’accélération des salaires restera néanmoins contenue. Les négociations engagées permettent de prévoir une évolution du salaire négocié (+2,3% en 2011 et +2,2% en 2012) aboutissant à une remontée plus rapide du salaire effectif (+3,0% en 2011 et +2,5% en 2012), résultat aussi de la progressive normalisation de la durée du travail. La progression du revenu disponible réel (+0,9% en 2011 et +0,5% en 2012), serait freinée à la fois par la remontée du taux de prélèvement obligatoire (hausse du taux de cotisation à l’assurance-chômage et maladie) et par l’inflation (+2,6% en 2011 et +2,1% en 2012). C’est donc encore en puisant dans l’épargne que la consommation privée pourra en 2011 et 2012 marquer une accélération par rapport à sa moyenne de la décennie passée (+1,4% et +0,8% respectivement).

La bonne performance des exportations (+2,3% au premier trimestre 2011) a permis à l’Allemagne de retrouver les parts de marché perdues avec l’effondrement de la demande mondiale. Bien que fondées sur la dynamique des pays émergents en forte croissance qui permet à l’Allemagne de tirer pleinement parti du dynamisme de la demande mondiale, ses exportations restent néanmoins orientées à hauteur de 60% vers le marché européen. L’Allemagne ne pourra pas donc faire abstraction du ralentissement de la croissance dans la zone euro inscrit dans nos prévisions, qui s’ajoutera au frein intérieur que constitue le changement d’orientation budgétaire. D’autre part, les enquêtes au mois de mai continuent de signaler un ralentissement de l’activité : l’indice PMI est en baisse pour le troisième mois consécutif ; l’indice IFO se stabilise en mai mais il est encore en baisse dans le secteur manufacturier. Mais ce ralentissement n’est que le passage naturel d’une phase de reprise soutenue à une phase de croissance plus contenue mais plus autonome car assise sur des ressorts domestiques. Avec une progression du PIB de 3,4% en 2011 et +2,0% en 2012, l’économie allemande croît à l’horizon de notre prévision à un rythme encore supérieur au potentiel.

Paola MONPERRUS-VERONI [email protected]

Allemagne : contribution à la croissance du PIB

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

2009 2010 2011 2012

Demande intérieure Variation des stocksSolde extérieur Croissance du PIB

Sources : Destatis, Crédit Agricole S.A.

en %

Allemagne 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB 3,5 3,4 2,0 1,5 0,5 0,4 0,5

Consommation privée 0,4 1,4 0,8 0,4 0,1 0,1 0,2

Investissement 5,7 9,0 3,5 5,0 1,3 1,0 0,9

FBCF équipement 10,4 13,4 6,6 4,2 2,0 1,9 1,8

FBCF construction 2,6 6,2 0,6 6,2 0,7 0,1 0,1

Variation des stocks (a) 0,7 -0,7 0,0 -0,4 0,0 0,0 0,0

Exportations nettes (a) 1,2 1,4 0,9 0,5 0,1 0,2 0,2

Taux de chômage 6,8 6,2 5,9 6,3 6,2 6,2 6,1

Inflation (a/a, %) 1,2 2,5 2,1 2,2 2,6 2,7 2,6

Déficit public (% PIB) -3,3 -1,7 -1,4 - - - -

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 19

Italie : horizon bouché

L’atonie de la croissance au premier trimestre creuse davantage l’écart avec les pays du centre de la zone. L’Italie, est prise en étau entre une demande extérieure qui s’essouffle et une demande intérieure incapable de prendre la relève, sous l’effet d’une impulsion budgétaire négative.

Alors que la zone euro affiche sans complexe une croissance de 0,8%, le PIB italien se fige sur un rythme de +0,1% au premier trimestre 2011, sans marquer aucune accélération par rapport à fin 2010 (+0,1% t/t au T4) déjà atone. Cette mauvaise performance, n’est pas isolée puisqu’elle caractérise la phase de reprise italienne depuis la fin de la crise, ce qui creuse un peu l’écart de croissance avec les autres pays du centre plus dynamiques. Elle résulte d’une contribution nulle des échanges extérieurs ainsi que de la demande intérieure.

Mais ce sont surtout les dépenses d’investissement qui s’enlisent avec une progression de +0,1%, contre +2,1 dans la zone euro et expliquent principalement le différentiel de croissance. L’ajustement du bâtiment après le trou d’air hivernal a été moins marqué en Italie et l’investissement public continue d’être la variable d’ajustement des comptes publics. La grande différence vient de l’investissement productif privé qui est resté atone. Pourtant, la phase d’ajustement des conditions de rentabilité des entreprises italiennes ne diverge pas fondamentalement par rapport à celle des autres grands pays de la zone. En dépit de la faiblesse de l’activité, le cycle de productivité est resté soutenu, car l’emploi a encore reculé (-0,8% t/t). Ceci a permis une très faible progression des coûts salariaux unitaires, qui couplée à une reprise à la hausse des prix finaux, a autorisé la poursuite de la reconstitution des marges.

Si les conditions d’offre sont partiellement rétablies, le rôle de l’accélérateur est limité par des perspectives de demande encore affaiblies. La progressive restauration de la compétitivité suffit à ralentir le processus de perte de parts de marché, mais pas à l’inverser. Les exportations italiennes (+1,4% t/t au T1 2011) ne reflètent pas complètement le dynamisme de la demande mondiale. La demande intérieure, quant à elle, reste contrainte par des excès de capacités, qui limitent la progression d’accumulation, avec un taux d’utilisation des capacités toujours en deçà de sa moyenne de long terme. Les données d’activité signalent une bonne tenue de la production industrielle (+0,6% m/m) et du chiffre d’affaires (+1,5% m/m) en avril, tirés par le marché intérieur, mais une nette dégradation des commandes (-6,4% m/m), notamment en provenance de l’étranger. La détérioration progressive du climat des affaires que l’on peut lire dans l’enquête ISTAT dans l’industrie et dans l’indice PMI du secteur manufacturier au mois de mai, témoignent de l’incapacité de la demande intérieure à assurer la relève d’une demande mondiale en ralentissement.

La remontée des ventes au détail en avril ne suffit pas à suggérer un rebond de la consommation des ménages, qui progresse mollement (+0,2% t/t au T1 2011), mais au prix d’une baisse du taux d’épargne. Pris en étau entre une inflation en hausse (+2,3% au T1) et un taux de chômage élevé (8,1% en avril), les ménages affichent un pessimisme croissant (le climat de confiance est encore en repli en juin). Un taux de chômage prévu en hausse et le gel des salaires de la fonction publique prévu jusqu’en 2013 par la Loi de finances de 2011 vont peser sur la dynamique salariale ces deux prochaines années. Jusqu’en septembre 2011, 78% des contrats du secteur privé seront encore en vigueur intégrant une croissance de 1,7% sur l’année 2011. Nous prévoyons donc une progression du salaire négocié de +2,0% en 2011 et +2,3% en 2012. Le salaire effectif devrait croître moins rapidement, du fait de la recomposition de l’emploi en faveur des CDD et de l’intérim au détriment des CDI lors de l’épuisement du dispositif de chômage partiel.

Le début de l’année a pu encore profiter d’une dépense publique soutenue (+0,5%), mais les mesures annoncées (gel des salaires dans la fonction publique et réduction des dépenses, notamment des collectivités locales) vont continuer à grever le revenu des ménages italiens au cours de l’année. De plus, si le collectif budgétaire ne prévoit pas un tour de vis trop sévère pour l’année en cours, reportant de facto le gros des ajustements en 2013, il incorpore une baisse du niveau des retraites et un nouveau report de l’âge de départ. La logique montée de l’épargne de précaution face aux incertitudes croissantes sur l’évolution du revenu disponible pourrait réduire le recours à ce qui a été le seul moteur de la croissance des dépenses privées.

Le risque d’exécution budgétaire en 2011 est faible. et le gouvernement devrait peu ou prou remplir ses objectifs avec un déficit qui reviendrait à la limite établie par le Pacte de stabilité à l’horizon de la prévision (3,9% en 2011 et 3% en 2012).

Paola MONPERRUS-VERONI

[email protected]

Italie et ses principaux partenaires : cycle de productivité

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

2000 2002 2004 2006 2008 2010

g.a.

Italie

Allemagne

France

Source : ISTAT, Crédit Agricole SA

Italie 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB 1,2 0,8 1,2 0,1 0,2 0,2 0,2

Consommation privée 1,0 0,9 0,7 0,2 0,1 0,2 0,2

Investissement 2,8 1,1 2,7 0,1 0,8 0,3 0,3

FBCF équipement 9,4 1,9 4,7 -0,2 0,9 1,0 1,0

FBCF construction -3,7 0,2 0,3 0,4 0,8 -0,5 -0,5

Variation des stocks (a) 0,8 0,4 0,0 -0,3 -0,1 0,0 0,0

Exportations nettes (a) -0,5 -0,3 0,2 0,2 0,1 0,1 0,1

Taux de chômage 8,4 8,7 9,2 8,3 8,5 8,8 9,1

Inflation (a/a, %) 1,6 2,8 1,9 2,3 3,0 3,1 2,9

Déficit public (% PIB) -4,6 -3,9 -3,0 - - - -

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 20

Grèce : gagner du temps

Enfermée dans une trappe à austérité, la Grèce a les plus grandes difficultés à remplir ses objectifs budgétaires. L’économie devrait se contracter davantage que prévu cette année (-3,8%), sous l’effet des nouvelles mesures d’austérité destinées à compenser le retard pris dans la mise en œuvre des réformes. En échange de ces efforts supplémentaires, la Grèce devrait bénéficier d’un nouveau plan d’aide financière impliquant les créanciers officiels et privés

Enfermée dans une trappe à austérité (cercle vicieux entre récession économique et rigueur budgétaire) la Grèce a des difficultés à remplir ses objectifs budgétaires. Un retour sur le marché, initialement prévu pour 2012 paraît aujourd’hui plus qu’improbable soulevant la question du financement de l’État grec à partir de cette date. Le déficit public a été plus élevé que prévu en 2010 (-10,5% du PIB, au lieu de -9,6%), en raison d’une récession plus importante que prévu. Partant d’un niveau de déficit plus élevé et compte tenu de la faiblesse des recettes publiques au cours des quatre premiers mois de 2011 (inférieures de 7% au chiffre budgété), des mesures d’austérité supplémentaires, à hauteur de 6,4 Mds € (environ 3,0% du PIB) pour la seule année 2011, ont dû être adoptées afin de respecter la cible de réduction du déficit public à 7,6% du PIB d’ici la fin de l’année.

Les efforts budgétaires consentis, bien qu’ils aient été remarquables jusqu’à présent et continuent de l’être, ne suffisent pas à faire taire les inquiétudes sur la soutenabilité des finances publiques. Le niveau décevant des recettes – qui s’explique par la faiblesse de l’activité économique et plus encore par la persistance d’une évasion fiscale généralisée – est un vrai problème. Le retour de la croissance et une meilleure collecte de l’impôt sont des conditions nécessaires pour permettre de dégager des excédents primaires suffisants pour stabiliser, a minima, le ratio dette/PIB.

Le nouveau plan d’austérité négocié avec la Troïka qui couvre la période 2012-2015 prévoit une augmen-tation des recettes fiscales, augmentation qui sera toutefois liée à des mesures plutôt ponctuelles que permanentes. En échange des 28 Mds € d’économies budgétaires exigées par la Troïka, une nouvelle aide financière destinée à couvrir les besoins de financement de la Grèce jusque mi-2014, devrait être décidée avec la participation probable du secteur privé sous la forme d’un maintien d’une partie des expositions sur une base volontaire. Ce programme permet une fois de plus d’acheter du temps pour aider la Grèce à rattraper le retard pris dans la mise en œuvre de différentes réformes (accélération des privatisations, réduction des effectifs publics, nouvelles baisses des dépenses).

L’environnement économique n’aide pas. La contraction du PIB s’est certes ralentie, passant de -7,4% a/a au quatrième trimestre 2010 à -5,5% a/a au premier trimestre 2011, mais la récession qui sévit toujours réduit la base sur laquelle est prélevé l’impôt et donc les recettes fiscales. Dans tous les cas, les nouvelles mesures d’austérité et la hausse du chômage (16,2% en mars 2011) laissent entrevoir une nouvelle contraction de la consommation privée. L’investissement devrait à nouveau chuter : le climat des affaires reste déprimé et les entreprises voient chaque jour un peu plus les perspectives de demande s’assombrir.

La demande intérieure, qui continue à se contracter, devrait maintenir les importations à un niveau faible. La demande étrangère de produits grecs est globalement en hausse, le tourisme et le commerce maritime donnent également des signes de timides d’amélioration. Le moteur extérieur reste donc la seule planche de salut en permettant d’atténuer les effets récessifs, sans toutefois être pour le moment un vrai relais de croissance.

Au total, nous avons révisé notre prévision de croissance pour 2011 à -3,8% environ. L’effet bénéfique des réformes sur l’économie devrait commencer à se concrétiser l’année prochaine et la croissance pourrait redevenir légèrement positive. Rompre le cercle vicieux entre récession/austérité budgétaire est aujourd’hui le vrai défi. Car sans croissance, il est difficile de croire que la situation budgétaire du pays puisse s’améliorer durablement.

Katerina ANAGNOSTOPOULOU [email protected]

Grèce : solde budgétaire

-10

-8

-6

-4

-2

0

J F M A M J J A S O N D

2010 2011

Source : Ministère des Finances grec

% du PIB

Grèce 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB -4,4 -3,8 0,3 0,2 -0,5 -0,6 -0,4

Consommation privée -4,6 -4,9 -0,8 1,1 -1,8 -1,3 -3,0

Consommation publique -8,3 -8,5 -5,0 -5,9 -2,9 -1,3 -4,7

Investissement -16,5 -9,0 -2,0 -1,7 -0,1 -0,1 2,9

Exportations 3,8 5,1 5,7 -4,4 4,9 3,1 2,5

Importations -4,8 -8,2 -1,4 -6,1 -0,5 4,1 4,8

Variation des stocks (a) 1,6 -0,8 0,3 -0,1 0,2 1,1 3,1

Exportations nettes (a) 2,3 3,7 1,7 0,9 1,2 -0,5 -0,9

Taux de chômage 12,5 16,4 16,7 15,7 16,4 16,5 16,8

Inflation-HCPI (a/a, %) 4,7 3,1 1,4 4,5 3,3 2,6 2,2

Excédent public (% PIB) -10,5 -7,6 -6,5 - - - -

2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 21

Espagne : des perspectives fragilisées

Dans le contexte de purge des excès de la décennie passée et de tour de vis budgétaire, la faiblesse prolongée de la croissance du PIB espagnol était anticipée. L’Espagne fait face à une montée des risques baissiers, entre le niveau élevé de l’euro, le risque de dérapage des finances publiques régionales et les tensions sociales et politiques croissantes.

Au premier trimestre 2011, le PIB espagnol a, une nouvelle fois, enregistré une timide progression de 0,3% t/t (après 0,2% au T4 2010). Cette croissance est essentiellement tirée par les exportations (5% t/t, après 3,9%). Les premières données sur le T2 2011 (PMI, enquête de la Commission européenne, production industrielle notamment) suggèrent un nouvel essoufflement de l’activité, avec un recul attendu du PIB de 0,2% t/t. Ce repli temporaire serait imputable à la conjonction d’un déstockage, d’une contribution neutre du commerce extérieur et d’une contraction de la demande intérieure. La croissance en deuxième partie d’année devrait rester faible. Sur l’ensemble de l’année 2011, nous maintenons notre prévision d’une croissance moyenne de 0,5%. Les mesures d’austérité mises en place à partir de juillet 2010 et la mise en place des réformes structurelles (en particulier celle sur le marché du travail) jouent à plein cette année. L’assainissement du secteur de la construction va se poursuivre, au moins jusqu’à la fin de l’année prochaine.

En termes de réformes structurelles importantes, le projet de loi sur les modalités de négociations salariales qui doit encore être validé par le Parlement ne devrait toutefois pas aboutir à une désindexation totale des salaires à l’inflation. La correction graduelle des déséquilibres et l’amélioration de la compétitivité des entreprises devraient donc permettre un retour de la croissance, certes plus faible que lors de la dernière décennie (à 0,9% pour le PIB en 2012, autour de 1,5% pour 2013 et 2014), mais sur des bases assainies et solides.

Si ce scénario de croissance est quasiment resté inchangé par rapport à celui de mars 2011, davantage de risques baissiers entourent aujourd’hui les perspectives de l’économie espagnole. La force de l’euro pourrait se traduire par un tassement des exportations, principal moteur de la croissance espagnole en 2011. Du côté des finances publiques, si la dette publique espagnole apparait soutenable, le risque de dérapage existe. La dette publique a sensiblement augmenté au premier trimestre 2011, à 63,6% du PIB (contre 60,1% en décembre 2010 et 55% au T1 2010). Le gouvernement table sur une dette s’élevant à 67,3% du PIB fin 2011. Cette nouvelle phase de consolidation budgétaire repose à plus de 70% sur une baisse des dépenses publiques, tandis qu’en 2010 elle était le fruit d’une baisse des dépenses et d’une hausse des revenus. L’incertitude porte aussi sur la capacité de l’administration centrale à imposer une discipline budgétaire aux régions espagnoles dotées d’une certaine autonomie. En effet, en 2010, l’administration centrale a largement respecté sa cible budgétaire d’un déficit de 5,9% (contre 5% réalisé). En revanche, les régions ont enregistré un déficit de 3,4% du PIB, contre une cible de 2,4%. Un nouveau relâchement des efforts côté régions risquerait de compromettre la cible d’une réduction du déficit total à 6% du PIB en 2011. Par ailleurs, la crise larvée des dettes souveraines fait courir un risque supplémentaire sur l’économie espagnole, via des effets de contagion. Ces effets pourraient transiter par le commerce extérieur. Le plongeon en récession du Portugal n’est pas une bonne nouvelle pour les débouchés espagnols puisque ce pays est le quatrième partenaire commercial de l’Espagne. La contagion pourrait également se matérialiser via les banques. En effet, mi-juin, la Banque d’Espagne a annoncé que l’appel des banques espagnoles au financement de la BCE avait sensiblement progressé en mai (+26% m/m, à 53,1 Mds €), reflet des difficultés des banques espagnoles à se refinancer sur le marché.

En outre, un nouveau risque s’est matérialisé ces dernières semaines, celui de la contestation populaire. Le 15 mai dernier, un mouvement spontané et antipartis, « les Indignés » s’est organisé à Madrid. Cette organisation est le révélateur du clivage social et politique entre les Espagnols victimes de la crise et la classe politique. En effet, l’Espagne est un des pays de la zone euro qui a été touché le plus durement par la crise. Le taux de chômage a dépassé les 21% de la population active au premier trimestre 2011. Ce chiffre, qui représente la moyenne nationale, cache des situations contrastées entre régions, comme l’Andalousie où le chômage avoisine les 30% de la population active, et entre catégories de population, avec un chômage qui touche 44% des moins de vingt-cinq ans. Le 22 mai, lors des élections régionales, l’Espagne a pris un virage à droite. Mais cette victoire du parti conservateur n’est pas tant une victoire qu’un vote contestataire. Ces tensions sociales pourraient rendre plus difficile la mise en application du plan d’austérité budgétaire exigée par la situation des finances publiques espagnoles et les marchés. Si notre scénario de croissance est resté quasiment inchangé, les perspectives de l’économie espagnole demeurent plus que jamais incertaines face à la montée des tensions politiques et sociales et à un environnement global lui-même empreint d’une grande incertitude.

Sandrine BOYADJIAN

[email protected]

Espagne : PIB et contribution de ses composantes

-2,5

-1,5

-0,5

0,5

1,5

-2,5

-1,5

-0,5

0,5

1,5

T1 09 T3 09 T1 10 T3 10 T1 11

stocks

com. ext.

demande int. hors stocks

PIB (éch.dr.)

Source : INE, Crédit agricole SA

pp %, t/t

Espagne 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB -0,1 0,5 0,9 0,3 -0,2 0,2 0,3

Consommation privée 1,3 0,1 0,9 0,0 -0,1 0,2 0,3

Investissement -7,6 -3,7 1,0 -1,4 0,4 0,0 0,2

FBCF équipement 1,8 -0,4 2,3 0,0 -0,2 0,6 0,6

FBCF construction -11,1 -7,5 -0,4 -2,5 -0,7 -0,5 -0,2

Variation des stocks (a) -0,1 -0,4 0,0 0,0 -0,1 0,0 0,0

Exportations nettes (a) 1,2 1,5 0,2 0,3 0,0 0,1 0,1

Taux de chômage 20,1 20,4 20,2 20,6 20,5 20,3 20,1

Inflation (a/a, %) 2,0 3,2 2,2 3,2 3,3 3,2 3,0

Solde public (% PIB) -9,2 -6,2 -4,9 - - - -

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 22

Portugal : les temps sont durs

Le Portugal est le troisième pays à faire appel à l’aide financière européenne et doit en contrepartie se soumettre à un plan drastique d’ajustements. Conséquence immédiate de cette nouvelle cure d’austérité, le pays a replongé en récession, laquelle devrait s’étendre jusqu’en 2012.

La situation du Portugal est préoccupante Le pays cumule les problèmes. Le principal challenge pour le Portugal est celui de s’extraire du régime de faible croissance qui le caractérise depuis une décennie. Vient à sa suite la question de la santé du système bancaire dans un contexte de fort endettement du secteur privé. Une autre préoccupation plus récente pour le pays est la fuite des Portugais d’un niveau d’éducation élevé vers les anciennes colonies (Brésil et Angola), et ce en l’absence de visibilité sur l’avenir du pays. L’économie portugaise est entrée en récession technique au premier trimestre 2011, avec un recul du PIB de 0,7% t/t, après -0,6%t/t au quatrième trimestre 2010 et les perspectives ne sont guère encourageantes pour les deux années à venir.

Soutien financier UE/FMI : et de trois… Après la Grèce, l’Irlande, cela a été au tour du Portugal de faire appel à l’aide financière UE/FMI, le 7 avril dernier. Cette aide s’élève à 78 milliards € (soit 45% du PIB), sur trois ans, ce qui devrait permettre de couvrir les besoins de financement de l’État portugais de ces trois prochaines années. Les premiers euros de cette aide sont venus du mécanisme européen de stabilité financière. Ils ont permis de couvrir les grosses échéances (5 milliards €) de la mi-juin.

Dans le cadre de cette aide, l’objectif de réduction du déficit public a été sensiblement assoupli par rapport au programme annoncé le 11 mars dernier. En effet, le déficit budgétaire devra atteindre 5,9% du PIB en 2011, 4,5% en 2012 et 3% en 2013 (contre respectivement 4,6%, 3% et 2% ciblés en mars 2011). Les conditions qui accompagnent cette aide reprennent en partie les mesures d’austérité annoncées en mars, qui avaient été rejetées par le Parlement portugais et conduit à la démission de son Premier ministre M. Socrates. Ce nouveau plan comprend aussi un programme de privatisations, qui devrait rapporter 5,5 Mds € dans les caisses de l’État portugais, et une aide financière de 12 milliards € destinée à renforcer le capital des banques. Il inclut également la mise en œuvre de réformes structurelles profondes, en particulier sur le marché du travail, dans le secteur de l’éducation et celui de la justice. Ces dernières devraient à terme permettre au pays de gagner en compétitivité et de ré-hausser son potentiel de croissance. Dans l’intervalle, les perspectives de croissance du Portugal ont été sensiblement revues à la baisse. Le gouvernement table dorénavant sur une contraction du PIB de l’ordre de 2% en 2011 et 2012. Compte tenu de ces « immenses challenges

1 » et de la mauvaise orientation des indicateurs conjoncturels (enquêtes de la Commission

européenne et indice de la production industrielle), nous affichons désormais une récession plus sévère qu’initialement anticipé (cf. tableau ci-dessous, contre -1,7% pour 2011 et -0,7% en 2012 précédemment). En effet, les ménages portugais sont confrontés à une forte détérioration du marché du travail, à une baisse significative des salaires dans la fonction publique, à un durcissement des conditions d’accès au crédit, et à une accélération sensible – même si temporaire – des prix à la consommation suite à la hausse de la TVA de 2 pp en janvier dernier (à 23%), et à la flambée du prix des matières premières.

Légère détente des tensions politiques Le 5 juin, les élections législatives anticipées se sont soldées par la victoire de la droite. Une coalition de droite entre le PSD (parti de centre-droit) qui a obtenu 39% des voix et le parti de droite CDS-Parti populaire (12% des voix) s’est formée. Une telle majorité devrait ainsi garantir une stabilité politique pour les quatre prochaines années. Le président du PSD, Pedro Passos Coelho, s'est engagé à mettre en œuvre le Programme des réformes convenu avec la Troïka. Le bémol toutefois est le taux d'abstention très élevé (de 40%) lors de ce vote. Ceci suggère que des tensions sociales couvent. Les fondations de l’économie portugaise vont donc être réformées, avec un coût pour la société portugaise dont la capacité d’acceptation est difficilement prévisible.

Sandrine BOYADJIAN [email protected]

Portugal : PIB et ses composantes

-5

-3

-1

1

3

-5

-3

-1

1

3

T1 09 T3 09 T1 10 T3 10 T1 11

Demande étrangère

Demande int. hors stocks

stocks

PIB (éch. dr.)

Source : INE, Crédit agricole S.A.

ppt/t, %

Portugal 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB 1,3 -2,1 -1,9 -0,7 -1,1 -0,6 -0,2

Consommation privée 2,3 -4,3 -2,6 -2,8 -1,5 -0,9 -0,7

Investissement -4,9 -4,6 -1,0 -0,9 -0,9 0,3 0,0

Variation des stocks (b) -0,2 -0,3 0,0 -1,0 0,0 0,0 0,0

Exportations nettes (b) 0,7 3,4 0,7 3,6 0,0 0,1 0,5

Exportations 8,8 4,2 4,7 0,2 0,6 0,6 1,8

Importations 5,1 -4,3 2,6 -7,5 0,5 0,2 0,5

Taux de chômage 11,0 12,6 13,0 12,4 12,6 12,6 12,8

Inflation (a/a, %) 1,4 3,3 1,8 3,7 3,7 2,9 3,1

Déficit public (% PIB) -9,1 -6,1 -5,1 - - - -

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

________________________

1 Termes employés dans le rapport réalisé par la Troïka et publié par le FMI le 17 mai 2011.

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 23

Irlande : les risques d’un modèle de croissance peu équilibré

Dans sa revue de printemps, le FMI a estimé qu’en Irlande, le processus de réformes connaissait un démarrage rapide. Cependant, une réelle reprise, plus équilibrée entre la demande extérieure et la demande domestique, sera indispensable pour rétablir, à long terme, la soutenabilité des finances publiques. La croissance de l’activité, tirée par les exportations, devrait continuer à avantager l’Irlande par rapport aux autres pays périphériques. Toutefois, les risques de contagion en provenance du secteur financier n’ont pas disparu et ceux générés par la crise grecque augmentent.

La croissance du PIB irlandais a fortement rebondi au premier trimestre (1,3% t/t), après la forte contraction – liée aux conditions météorologiques – du quatrième trimestre 2010 (-1,4% t/t). La bonne tenue de la demande mondiale a soutenu les exportations irlandaises (+3,8% t/t), tandis que la demande domestique est restée négative (-0,6% t/t).

Les indices PMI signalent un ralentissement de la production au deuxième trimestre 2011. En mai, l’indice manufacturier a fortement chuté (de 58,6 à 52,6), mais il est resté au-dessus de la barre des 50, qui constitue le seuil entre les zones d’expansion et de contraction. Les commandes à l’exportation ont fortement augmenté, et ce à un rythme beaucoup plus élevé que l’ensemble des nouvelles commandes, ce qui souligne l’extrême dépendance de l’Irlande à son moteur extérieur. La reprise de la demande domestique a été constamment retardée, en raison des multiples ajustements auxquels doit se soumettre le pays sur les volets budgétaire, bancaire et de l’immobilier.

Les conditions de crédit restent très restrictives en raison des fortes incertitudes affectant le secteur financier. Si le FMI estime que le processus de réformes a connu un démarrage rapide en Irlande, il reste beaucoup à faire pour restaurer la confiance des investisseurs dans le système bancaire irlandais et éviter que le poids accumulé des dettes par le secteur bancaire ne pèse sur les comptes publics. La problématique de la répartition de l’effort entre les secteurs public et privé reste au cœur des discussions politiques. Le défi principal reste cependant de reprendre le contrôle de la dette publique, qui a connu une croissance vertigineuse, de 44% du PIB en 2008 à environ 112% en 2011. Le programme actuel de consolidation budgétaire, qui vise à réduire le déficit de 31,9% du PIB en 2011 à 2,8% en 2014 et qui a été approuvé par le FMI et l’UE (en échange d’un plan d’aide de 85 Mds €), a progressivement été adopté. Les chiffres budgétaires mensuels montrent que les efforts de consolidation sont en bonne voie, mais que le volet « recettes » reste une source d’inquiétude. En particulier, alors que l’impôt sur les sociétés et les droits d’accise restent supérieurs aux attentes, les recettes en provenance de la TVA et de l’impôt sur le revenu ont été inférieures aux prévisions. Cela peut s’expliquer par la fragilité du marché du travail et par le repli de la consommation.

Le taux de chômage devrait se stabiliser dans les mois qui viennent, mais à un niveau élevé (15% de la population active). La confiance des ménages reste faible, mais – signe encourageant – elle s’est améliorée au mois de mai pour la quatrième fois en cinq mois. Le pouvoir d’achat reste fortement sous pression. Alors que la hausse des prix des matières premières se stabilise, les resserrements budgétaire et monétaire aggravent les difficultés des ménages, qui sont contraints au désendettement.

Au total, après trois années de contraction, l’économie irlandaise devrait afficher une croissance de 0,9% a/a cette année. Au-delà d’un premier trimestre dynamique, la croissance devrait se modérer au deuxième trimestre (0,6% t/t). Les risques restent majoritairement baissiers. Les perspectives d’exportation devraient rester soutenues, mais fortement sensibles aux fluctuations du taux de change et de la demande mondiale. Jusqu’ici, les efforts de consolidation budgétaire ont été conformes aux prévisions, mais les marchés restent nerveux, compte tenu de la résurgence des tensions sur le dossier grec. Dans ce contexte, la situation financière de l’Irlande reste fortement exposée à des facteurs exogènes.

Bénédicte KUKLA [email protected]

Irlande : contribution au PIB

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

-18

-12

-6

0

6

12

18

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Var. de stocksExportationsFBCF totaleConso. des administ. pub.Conso. des ménagesImportationsPIB

Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A.Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

contribution annuelle au PIB %

Irlande 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB -0,4 0,9 2,1 1,3 0,6 0,1 0,4

Consommation privée -0,3 -4,6 -1,1 -1,9 -1,5 -1,0 -0,5

Investissement -7,7 -27,2 -0,8 1,1 -2,0 -0,5 -0,5

Variation des stocks (b) 0,1 0,9 0,1 0,7 -0,5 0,0 0,1

Exportations nettes (b) 1,2 7,1 3,0 4,0 0,9 0,8 0,8

Exportations 0,6 12,0 6,7 3,8 1,3 1,6 1,5

Importations -0,8 5,2 5,0 -0,3 0,5 1,0 1,0

Taux de chômage 13,7 14,9 13,6 14,8 15,0 15,0 14,7

Inflation (a/a, %) -1,6 1,4 1,3 0,8 1,5 1,6 1,9

Déficit public (% PIB) -32,4 -10,3 -8,9 - - - -

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 24

Scandinavie : de plus en plus active

Le taux d’utilisation des capacités de production et l’emploi progressent rapidement. Les conditions sont réunies pour une croissance du PIB tirée de l’intérieur, en dépit d’un ralentissement global à court terme. La normalisation de la politique monétaire, qui vise à freiner la demande de crédit et les prix des logements, devrait se poursuivre, mais le niveau élevé des devises plaide pour un rythme progressif de hausse des taux.

La Suède s’éloigne de la surchauffe Après un démarrage rapide en 2011, la croissance ralentit : le mouvement de rattrapage qui a suivi la crise est terminé et la politique économique devient moins expansionniste. La Riksbank a relevé le taux repo lors de chacune de ses réunions, depuis qu’elle a entamé une normalisation monétaire préemptive en juillet 2010. En conséquence, le taux des emprunts hypothécaires a fortement augmenté et la confiance des consommateurs a baissé. Le crédit aux ménages et la progression des prix de l’immobilier ont ralenti. À 0,4% t/t au premier trimestre 2011, la croissance de la consommation est revenue à sa tendance de long terme.

L’augmentation du coût des emprunts hypothécaires et des prix de l’énergie, qui grève les revenus des ménages, devrait être compensée par l’amélioration du marché du travail, avec une consommation privée qui devrait restée soutenue. L’emploi n’a jamais été aussi élevé, en grande partie grâce à la forte croissance du secteur manufacturier, très dépendant des exportations et qui avait été lourdement affecté par la crise. Les réformes gouvernementales visant à augmenter la participation au marché du travail et à limiter le chômage structurel ont débouché sur une augmentation de l’offre de main d’œuvre. Avec l’augmentation de la population active, le chômage – bien qu’en baisse – reste nettement plus élevé qu’avant la crise, ce qui suggère qu’il subsiste des ressources inemployées sur le marché du travail. Cela devrait limiter la hausse des salaires et faciliter les créations d’emploi.

Le taux d’utilisation des capacités de production est revenu à la normale, ce qui devrait amener la Riksbank à poursuivre la normalisation de sa politique monétaire afin d’empêcher la formation de pressions inflationnistes. Le taux repo devrait atteindre 2,25% fin 2011 et 3,25% fin 2012.

La vigueur du marché du travail norvégien devrait conduire à une hausse de l’inflation La croissance du PIB (hors activités offshore) a accéléré au premier trimestre, grâce, surtout, aux investissements réalisés dans les activités d’extraction et le secteur immobilier résidentiel. La consommation des ménages, temporairement affectée par la hausse des prix de l’électricité, reste soutenue par le dynamisme du marché de l’emploi. Le taux de chômage a baissé rapidement depuis le début de l’année et la croissance des salaires a été ajustée à la hausse. Un manque de main d’œuvre perceptible dans certains secteurs, principalement manufacturier et immobilier, devrait également exercer des pressions haussières sur les salaires.

Depuis le début de l’année, l’inflation, bien qu’elle soit restée en dessous de l’objectif, a été plus élevée que la Norges Bank ne l’avait prévu, en raison de la hausse des prix du carburant et de l’électricité. L’inflation sous-jacente est toutefois restée globalement en ligne avec les prévisions, contenue par la désinflation importée et la faiblesse des pressions inflationnistes domestiques. L’inflation devrait accélérer dans les mois qui viennent. Le renforcement de la demande des consommateurs devrait permettre aux commerçants de répercuter la hausse des coûts dans les prix finaux. Avec des signes d’accélération des prix de l’immobilier résidentiel et de l’endettement des ménages, cela suggère que la normalisation de la politique monétaire va continuer, portant le taux deposit à 2,75% fin 2011 et à 3,75% fin 2012, selon nos prévisions.

Slavena NAZAROVA [email protected]

Suède : emploi record

5,5

6,5

7,5

8,5

9,5

10,5

11,5

4 300

4 350

4 400

4 450

4 500

4 550

4 600

4 650

4 700

01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11Emploi, CVS. taux de chômage, CVS, éch.dr.

Source : SCB, Crédit Agricole CIB

%('000) Pers.

Norvège : l’inflation devrait augmenter

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

5

00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12

Ecart de production, retardé de 6 trimestres

CPI-ATE, éch.dr.

Source : Statistics Norway, Crédit Agricole CIB

% a/a a/a, %

Europe

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 25

Royaume-Uni : sous pression

Le rééquilibrage, tant attendu par la BoE, de la croissance vers les exportations et l’investissement semble en train de se réaliser, mais la faiblesse de la demande intérieure demeure inquiétante. Malgré une inflation qui devrait approcher les 5% plus tard cette année, la normalisation de la politique monétaire se fait attendre. Nous avons repoussé à novembre notre prévision pour la première hausse de taux.

La croissance au premier trimestre de l’année a été inférieure aux attentes et sa décomposition a confirmé la faiblesse de la demande intérieure. Tirée principalement par le commerce extérieur, la hausse de 0,5% t/t du PIB compense tout juste la contraction du trimestre précédent. De plus, la demande domestique accuse une lourde chute (-0,9% t/t). La consommation des ménages enregistre sa pire performance en presque deux ans (-0,6% t/t), malgré un rebond de 0,3% t/t des ventes au détail au cours du trimestre. La hausse de la TVA en début d’année et la flambée des prix pèsent lourdement sur le moral du consommateur, confronté à l’érosion de son pouvoir d’achat et à l’incertitude sur ses revenus futurs. Les ménages ont pu également anticiper une hausse des taux hypothécaires en lien avec un éventuel début de resserrement monétaire ce qui les a incités à la prudence. Le rebond récent des indicateurs de confiance des consommateurs suggère qu’une partie de la faiblesse ne pourrait être que temporaire, les ménages ayant probablement sur-réagi à la rhétorique du gouvernement au sujet des mesures d’austérité. Mais même si un rebond est attendu dès le deuxième trimestre, la consommation devrait rester faible par comparaison au rythme de longue période. Le faible niveau de productivité par rapport à sa tendance d’avant crise est de mauvais augure pour les créations d’emploi futures et pour la progression des salaires qui devrait rester modérée.

Le fort repli de l’investissement au premier trimestre (-4,5% t/t) semble en décalage par rapport aux intentions d’investissement suggérées par les enquêtes. L’incertitude sur la demande et un retour sur investissement insuffisant semblent les principaux freins à une reprise de l’accumulation du capital. Néanmoins, nous pensons que le besoin de renouveler les capacités de production obsolètes, la situation financière saine des entreprises et des taux historiquement bas vont finir par soutenir l’investissement qui devrait, selon nos prévisions, fortement contribuer à la croissance ces deux prochaines années. De plus, les capacités non utilisées dans l’économie, telles que suggérées par les enquêtes, semblent moins importantes que ce qu’indique l’écart de production (output gap).

La croissance devrait rester volatile dans les prochains mois. Nous anticipons un ralentissement marqué au deuxième trimestre 2011 en phase avec l’essoufflement de la croissance mondiale mais aussi et surtout en raison d’« évènements exceptionnels », avec le jour de congé supplémentaire pour les noces royales ou de facteurs de nature temporaire comme les ruptures de la chaîne d’approvisionnement après le désastre au Japon. Ces effets devraient s’inverser au troisième 2011 et contribuer à une accélération de la croissance si une partie de la production venait à être reportée du deuxième au troisième trimestre.

Nous avons révisé à la hausse nos prévisions d’inflation. Nous tablons à présent sur une hausse de l’indice CPI de 4,3 % cette année et de 2,4 % en 2012, contre 4,0 % et 2,0 % précédemment. Nous continuons de prévoir une baisse sensible de l’inflation à compter de début 2012, mais qui, en moyenne, devrait se maintenir au-dessus de la cible de la BoE l’année prochaine. Un premier relèvement des taux dès cette année nous paraît toujours le plus probable, dans le but de contrer le risque de dérapage des anticipations d’inflation et les effets de second tour sur les salaires. En effet, après une période prolongée d’inflation élevée, les pressions sur les salaires devraient finir par se matérialiser, alors que les entreprises cherchent toujours à restaurer leurs marges dans un souci de préserver leur profitabilité. Nous avons, toutefois, reporté au mois de novembre (contre août précédemment) notre prévision relative à la première hausse de taux, compte tenu de la faiblesse actuelle de la consommation des ménages et des perspectives de ralentissement temporaire de la croissance mondiale.

Slavena NAZAROVA [email protected]

Royaume-Uni : consommation des ménages

et indicateur de confiance

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

-40

-30

-20

-10

0

10

20

84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10

Confiance du consommateur, avancée 6m

Consommation, CVS, éch.dr.

Source : Gfk, ONS, Crédit Agricole

% a/asolde d'opinions

donnéede mai

Royaume-Uni 2010 2011 2012

T1 T2 T3 T4

PIB 1,4 1,3 1,9 0,5 0,2 0,6 0,4

Consommation privée 0,8 -0,3 1,3 -0,6 0,2 0,3 0,3

Consommation publique 1,0 0,5 -0,9 0,5 -0,3 0,2 -0,3

Investissement 3,7 0,3 4,4 -2,0 0,3 1,5 1,0

Variation des stocks (a) 1,4 0,2 0,0 -0,5 0,0 0,0 0,0

Exportations nettes (a) -1,0 1,3 0,7 1,4 0,1 0,2 0,2

Balance publique (% du PIB) -8,9 -7,8 -5,6 - - - -

Taux de chômage (BIT) 7,9 7,8 7,7 7,7 7,9 7,8 7,8

Inflation (HICP, a/a, %) 3,3 4,4 2,4 4,1 4,5 4,6 4,1

(a) contribution à la croissance du PIB (en %)

2011

Océanie

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 26

Australie : vers un rebond de la croissance

Après une contraction au premier trimestre, le PIB devrait fortement rebondir : nous attendons une croissance de 3,1% en 2011 et de 3,4% en 2012. La Banque centrale (RBA) s’est montrée réticente à poursuivre la hausse des taux, mais compte tenu de la probable montée de l’inflation au-dessus de l’objectif dans les mois qui viennent, nous attendons deux hausses de taux supplémentaires de 25 pdb dans le cycle actuel.

L’Australie continue de bénéficier de termes de l’échange favorables. Sur fond de prix élevés, le secteur des matières premières continue de soutenir la croissance de l’investissement. En dehors de ce secteur, l’investissement est cependant moins dynamique – les ménages étant particulièrement prudents – ce qui souligne la persistance d’une croissance à deux vitesses en Australie. L’économie a subi une forte contraction du PIB au premier trimestre en raison des inondations et des cyclones, mais la reconstruction soutiendra la croissance, qui devrait dépasser à nouveau son niveau potentiel dans les mois qui viennent. Au total, nous attendons une croissance de 3,1% cette année avec une accélération à 3,4% en 2012. Pour ce qui est du court terme, Après une contraction de 1,2% t/t au premier trimestre 2011, nous attendons un rebond à 2,4% t/t au T2 2011.

La RBA continue de qualifier le réglage de sa politique monétaire de « modérément restrictive » et montre peu d’empressement à relever ses taux d’intérêt, compte tenu notamment de la croissance modérée du crédit, de la baisse des prix de l’immobilier et de l’appréciation de la devise. L’augmentation des pressions inflationnistes – liées aux conditions météorologiques – au cours des derniers mois devrait être temporaire, mais l’augmentation des prix des services publics suggère que l’inflation ne baissera pas rapidement. Les pressions salariales devraient par ailleurs contribuer à la hausse générale de l’inflation, d’autant plus que le taux de chômage est passé en dessous de 5%. Nous continuons de tabler sur une inflation supérieure à l’objectif de la RBA (2 à 3%) cette année et donc sur deux hausses de taux supplémentaires. Nous restons positifs sur le dollar australien (AUD), une des devises de notre grille de prévision affichant les meilleures performances. L’essentiel des gains générés par la détention de dollar australien devrait néanmoins provenir du portage (en relation avec l’écart de taux d’intérêt) plutôt que de l’appréciation du cours.

Nouvelle-Zélande : la reprise prend de la vitesse

Les perspectives économiques de la Nouvelle-Zélande se sont améliorées après les tremblements de terre. La hausse des prix du pétrole et l’activité de reconstruction devraient se traduire par une montée des pressions inflationnistes dans les mois qui viennent, mais le niveau élevé du dollar néo-zélandais devrait maintenir la hausse des prix sous contrôle. La reprise restant fragile, la Banque centrale devrait maintenir son taux directeur inchangé cette année, puis commencer à le relever début 2012.

L’économie néo-zélandaise a été sévèrement pénalisée par les deux tremblements de terre qui ont touché le Canterbury en l’espace de six mois. Cependant, l’impact sur le reste du pays ne semble pas avoir été trop important. Les indicateurs économiques récents montrent que la reprise se poursuit à un rythme soutenu, avec un resserrement du marché du travail et une amélioration du climat des affaires. Les exportations sont également dynamiques, ce qui se traduit par une hausse de l’excédent commercial. Par ailleurs, la production agricole devrait augmenter cette année grâce à des conditions climatiques favorables. Nous attendons une poursuite de la reprise au second semestre, avec une augmentation du tourisme provoquée par la coupe du monde de rugby (dont le bénéfice est estimé à 700 millions de dollars néo-zélandais), ainsi que la poursuite de l’activité de reconstruction. Globalement, par rapport au trimestre précédent, les perspectives économiques se sont améliorées. Nous prévoyons toujours une croissance de 2,0% a/a pour 2011 et de 3,5% a/a pour 2012.

La banque centrale (RBNZ) a abaissé son taux directeur (OCR) de 3% à 2,5% à la suite du tremblement de terre de février à Christchurch. Lors de sa dernière réunion de politique monétaire, la RBNZ a ouvert la porte à des hausses de taux, en raison de la montée des pressions inflationnistes, alimentées par l’augmentation des prix du pétrole et par l’activité de reconstruction. Nous attendons une hausse de l’inflation à 3,9% a/a en 2011, un niveau supérieur à l’objectif de la RBNZ. Parallèlement, le dollar néo-zélandais s’est hissé à un niveau record, permettant une amélioration substantielle des termes de l’échange et le maintien de l’inflation importée sous contrôle. L’environnement économique mondial étant toujours incertain, la RBNZ devrait, selon nous, maintenir ses taux inchangés cette année, mais elle devrait commencer à les relever au premier trimestre 2012.

Mitul KOTECHA [email protected]

Australie : PIB

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Source : Crédit Agricole CIB, Bloomberg

Nouvelle-Zélande : PIB

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a/a prévisions (éch. dr.)

Source : Crédit Agricole CIB, Bloomberg

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Amérique

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 27

Canada : reculer pour mieux sautiller

La croissance canadienne continue d’être forte, mais le dollar canadien aussi. C’est pour cette raison, et accessoirement aussi parce que l’inflation n’est pas menaçante, que la BoC a, une nouvelle fois, opté pour le statu quo monétaire à l’issue de sa réunion du 31 mai. Elle aurait pu reprendre, dès cette réunion, la normalisation de sa politique monétaire entamée en juin 2010, mais elle n’avait pas préparé le terrain. Son communiqué de mai le fait, nous semble-t-il, ouvrant la porte à une reprise des hausses de taux, par pas de 25 pdb par trimestre, avec un premier geste le 7 septembre.

À l’issue de sa réunion du 31 mai, la Banque du Canada (BoC) a une nouvelle fois opté pour le statu quo monétaire, maintenant à 1% son principal taux directeur. D’après nous, cette décision, bien que largement attendue, n’était pas aussi assurée que cela. La BoC aurait de fait pu reprendre la normalisation de sa politique monétaire neuf mois après son dernier geste et presque un an après l’avoir entamé en juin 2010. En effet, malgré un stress financier plus élevé fin mai qu’à la mi-avril (regain de tensions sur le front de la crise souveraine européenne et retour des inquiétudes sur la croissance), les indicateurs économiques et la tonalité du communiqué de la précédente réunion du 12 avril semblaient suffisamment positifs pour justifier un passage à l’acte en mai. En fait, dans un environnement où les opportunités pour normaliser les conditions monétaires sont rares, il s’agit de ne pas les rater. Il nous semblait que la BoC disposait d’une telle fenêtre de tir, qu’il pouvait être judicieux de saisir, comme elle l’avait fait au milieu de l’année dernière.

Les arguments en faveur du statu quo l’auront néanmoins emporté. Il est vrai que, d’une part, elle n’avait pas préparé le terrain et, en ces temps instables, il n’est pas bon de surprendre les marchés. À l’issue de sa réunion du 12 avril, elle avait, en effet, conservé sa formule de conclusion selon laquelle tout retrait supplémentaire du stimulus monétaire sera évalué avec soin, ne laissant transparaître aucune velléité de procéder à une hausse de taux la réunion d’après. Elle évoquait, d’autre part déjà, explicitement, la vigueur du CAD comme pouvant renforcer les vents contraires auxquels l’économie doit faire face. Cette « vigueur persistante » est de nouveau pointée du doigt et a dû beaucoup jouer contre la reprise du cycle des hausses de taux. Compte tenu des répercussions que cela a sur le loonie, la BoC ne peut se permettre in fine de trop creuser l’écart avec la Fed.

Sauf que cela ne l’a pas empêché de remonter par trois fois ses taux entre juin et septembre 2010. Donc l’argument a ses limites, d’autant plus que, un an plus tard, la croissance canadienne se porte bien voire mieux, comme en atteste en particulier son accélération au premier trimestre à 3,9% en rythme annualisé (après 3,1% au trimestre précédent). Certes, c’est conforme aux attentes de la BoC. Et elle anticipe un « freinage considérable » de la croissance au cours du deuxième trimestre à cause des perturbations temporaires dans la chaîne de production dues aux désastres qui ont frappé le Japon. Le passage à vide de la croissance mondiale et américaine en particulier justifie de temporiser encore un peu (statu quo attendu le 19 juillet), mais la BoC n’a guère de raisons de retarder beaucoup plus la reprise des hausses de taux. L’écart de production est, en effet, en bonne voie d’être refermé dès la mi-2012. C’est ce qu’anticipe actuellement la BoC, son scénario actualisé à paraître le 20 juillet ne devrait guère être différent, et nos propres prévisions de croissance sont plus optimistes (2,8% en 2011 en moyenne annuelle et 3,1% en 2012 contre, respectivement, 2,9% et 2,6% pour la BoC). De plus, la BoC a, nous semble-t-il, préparé le terrain aux hausses de taux en concluant comme suit son communiqué du 31 mai : « dans la mesure où l’expansion se poursuit et l’offre excédentaire notable au sein de l’économie se résorbe graduellement, la Banque réduira en partie le moment venu la détente monétaire considérable en place. » Elle rappelle, comme il se doit, que cette « réduction devra être évaluée avec soin », synonyme, d’après nous, de normalisation graduelle des taux, ce que peut se permettre la BoC en l’absence de menace sur le front de l’inflation. Elle pense atteindre sa cible de 2% d’ici la mi-2012.

Nous parions donc sur un premier geste de +25 pdb à l’issue de sa réunion du 7 septembre. La BoC poursuivrait ensuite la normalisation de sa politique monétaire au rythme d’une hausse de taux de 25 pdb par trimestre, ce qui porterait à 2,50% son principal taux directeur fin 2012.

Hélène BAUDCHON

[email protected]

Canada : vigueur persistante du CAD

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CAD/USD moyenne de LT

Source : Réserve fédérale, Crédit Agricole S.A.

Canada : réduction des surcapacités

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écart de production TUC (dr.)

Source : Statistics Canada, Crédit Agricole S.A.

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Pays émergents

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 28

Les marchés émergents reprennent leur souffle

Le trou d’air sur les marchés émergents pourrait se prolonger dans les semaines qui viennent, l’impact des chocs récents (prix du pétrole, Japon) se reflétant dans les statistiques d’activité et les craintes sur les dettes souveraines européennes risquant de se prolonger. Nous restons cependant convaincus que les marchés émergents bénéficient d’une forte capacité de résistance. L’actuelle correction des prix des actifs sur les marchés émergents devrait conduire à des niveaux attractifs.

La situation est ambigüe. Alors que la plupart des investisseurs semblent continuer à croire aux marchés émergents, à moyen terme, ces derniers connaissent actuellement un passage à vide. Nous pensons que les marchés pourraient rester fébriles à court terme, mais qu’ils se stabiliseront, une fois le ralentissement actuel intégré dans les prix.

La phase de ralentissement actuelle résulte de deux facteurs principaux. Premièrement, le marché intègre l’impact des chocs négatifs survenus au cours des derniers mois, principalement les prix élevés du pétrole et les perturbations liées à la catastrophe japonaise. Le paradoxe provient du fait que ces deux chocs ne font plus les gros titres des journaux, alors même que leur impact commence à être visible dans les statistiques d’activité. Deuxièmement, les pays émergents ont souffert de la montée généralisée de l’aversion au risque liée aux craintes sur les dettes souveraines européennes.

Phase de ralentissement à l’horizon Ces sources d’incertitude ne devraient pas disparaître subitement. Leur impact devrait continuer à se faire sentir dans les semaines à venir, y compris sur le marché des changes. Le graphique, ci-dessous, suggère que les devises des pays émergents (courbe orange, résumant le taux de change pour vingt-et-un pays émergents importants contre un panier de devises de pays développés) ont souvent baissé à la suite d’un recul des indices PMI (courbe verte). Les devises asiatiques, toutefois, se montrent souvent plus résistantes.

Après la phase de ralentissement Au-delà de la phase de ralentissement, nous continuons à croire à la solidité des économies émergentes. Une fois que la phase de ralentissement sera prise en compte, nous pensons que la croissance des pays émergents se stabilisera et que le marché reconnaîtra que les marchés émergents, en tant que classe d’actifs, bénéficient d’une bonne capacité de résistance. Premièrement, même si c’est en partie pour de mauvaises raisons, la croissance économique reste relativement forte en Europe et aux États-Unis, ce qui soutiendra les exportations des pays émergents dans les prochains mois. Deuxièmement, le commerce entre pays émergents continue de se développer. Les échanges entre marchés émergents sont de plus en plus importants, ce qui abaisse la dépendance des pays émergents à l’égard des pays développés. Troisièmement, bien qu’en moyenne le risque de crédit ait augmenté dans les pays émergents, la plupart d’entre eux n’ont que des problèmes de bilan limités en comparaison des pays développés. Finalement, nous pensons que les craintes inflationnistes qui ont récemment inquiété certains investisseurs ne sont pas totalement fondées. Dans le contexte actuel de ralentissement, la stabilisation des prix des matières premières conduira probablement à une désinflation plus tard cette année.

Les BRICs sont solides Notre opinion sur les pays émergents, relativement positive à moyen terme, peut être illustrée par les BRICs. Pour commencer, l’économie chinoise ralentit, mais progressivement. L’investissement devrait diminuer à l’avenir : la consommation privée devrait rester soutenue, mais la nécessité de stimuler l’activité diminue dans un monde post-crise. L’inflation devrait atteindre un point haut plus tard cette année, évitant à la Banque populaire de Chine (PBoC) d’avoir à relever fortement ses taux. Nous attendons une croissance de 9,5% en 2011 et d’environ 9,0% en 2012.

L’Inde et le Brésil font tous les deux face à des défis sur deux fronts : le creusement de leur déficit courant et l’inflation. Cependant, dans les deux cas le déficit courant reste limité (il s’est étonnamment resserré au T4 en Inde). Des hausses de taux supplémentaires seront nécessaires au Brésil et en Inde pour contrôler l’inflation, mais nous pensons qu’elles seront relativement limitées. La croissance devrait rester élevée en Inde (7,4% en 2011 et 7,8% en 2012). La croissance ralentit au Brésil, mais elle devrait se stabiliser plus tard cette année (4,0% en 2011 et 4,3% en 2012).

La Russie se distingue à plusieurs égards. Le modèle économique russe a des défauts difficilement contestables (dépendance vis-à-vis du pétrole, du gaz et des métaux) mais, de fait, la croissance russe devrait se maintenir dans les trimestres à venir, en raison du niveau toujours élevé des prix des matières premières. Ce n’est sans doute pas très satisfaisant, mais cela devrait permettre à la Russie de connaître une croissance de 3,7% en 2011 et de 3,3% en 2012.

Sébastien BARBE [email protected]

Indices PMI en baisse, devises en baisse ?

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Taux de change devises émergentes contre $, €, ¥ et £

Indice PMI manuf. EM (moy. pour 12 EM importants – éch. dr.)

Source : Bloomberg,CA CIB

Échanges entre pays émergents

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… vers les pays émergents… vers les pays développés

Part des exportationsdes pays émergents…

Rééquilibrageen cours

Source : Crédit Agricole CIB

Pays émergents

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 29

Europe centrale : en première ligne

L’Europe centrale a bien démarré l’année, mais elle n’échappe pas à la phase de ralentissement de l’économie mondiale. Les perspectives de croissance ont peu changé, mais les risques baissiers sont plus importants qu’auparavant. La consolidation budgétaire reste problématique et une aggravation de la crise de la zone euro exercerait une pression très importante sur les pays de la région.

L’Europe centrale n’échappe pas au ralentissement économique actuel et les indicateurs avancés suggèrent une poursuite du ralentissement de la croissance. Ce ralentissement devrait cependant être temporaire. Les économies d’Europe centrale ont une bonne capacité de résistance et sont en meilleure santé que l’an dernier. Les perspectives de croissance restent bien orientées, malgré l’augmentation de certains risques.

Les principaux risques proviennent d’une aggravation du problème de la dette grecque. À cet égard, les pays d’Europe centrale sont probablement les pays émergents les plus vulnérables, en raison de leurs relations commerciales avec la périphérie européenne et de la fragilité persistante de leur secteur bancaire, qui souffrirait d’une nouvelle crise de liquidité. Au sein de la région, la Bulgarie serait en première ligne, les créances du secteur bancaire sur la Grèce représentant 29,8% du PIB. Viendrait ensuite la Roumanie, qui souffre toujours d’un déficit important – quoiqu’en baisse – de son compte courant. La Hongrie serait également sous pression, le gouvernement devant mettre en œuvre de sévères mesures d’austérité. Seule la Pologne pourrait être épargnée : elle pourrait conserver une croissance légèrement positive, grâce à la résistance de sa demande intérieure.

Les problèmes du financement du déficit budgétaire constituent un autre risque important, qui prend de l’ampleur. En Pologne, l’objectif de déficit ne semble guère atteignable, tandis qu’en Hongrie les risques d’exécution de l’ambitieux plan budgétaire restent importants.

Dans ce contexte, les devises d’Europe centrale devraient continuer à s’apprécier, mais à un rythme plus modéré. Le niveau plus élevé des taux devrait continuer d’attirer les flux de portefeuille, les Banques centrales restant sur le qui-vive, prêtes à relever à nouveau leurs taux si l’inflation augmentait davantage.

Guillaume TRESCA

[email protected]

Russie : un modèle de croissance plus équilibré est nécessaire

La demande domestique, tirée principalement par une politique monétaire accommodante, continue de monter en flèche. Cela soutient la croissance (4,1% a/a au premier trimestre 2011), mais menace la stabilité macroéconomique : la croissance rapide des importations augmente la vulnérabilité des soldes extérieurs aux fluctuations des prix du pétrole (un baril à 100 USD sera nécessaire en fin d’année pour équilibrer le compte courant).

Lors de sa réunion de politique monétaire, fin mai, la Banque centrale (CBR) a décidé de relever le taux de dépôt à 3,5% et d’annoncer une pause, estimant que les risques sur l’inflation et la croissance étaient équilibrés. Mais avec un taux directeur à 3,5%, la politique monétaire russe reste accommodante : l’inflation est à 9,6% a/a et l’inflation médiane à 6,0% a/a. Les ventes au détail (en particulier de biens durables) et le crédit continuent d’accélérer.

La forte demande domestique tire les importations vers des niveaux de plus en plus élevés chaque mois : celles-ci affichent un taux de croissance supérieur à 40% et sont à leur plus haut niveau historique. Une croissance aussi importante des importations augmente la vulnérabilité des soldes extérieurs aux fluctuations des prix du pétrole : un baril (qualité Oural) à près de 100 USD sera nécessaire en fin d’année pour équilibrer le compte courant. Parallèlement, la forte croissance de la demande a provoqué une baisse du chômage vers son niveau non-inflationniste (NAIRU) : le maintien d’une politique monétaire accommodante pourrait aggraver la spirale prix-salaires. La Russie a indéniablement besoin d’un modèle de croissance plus équilibré.

Dans ses remarques récentes, le FMI estimait qu’un resserrement monétaire supplémentaire était nécessaire pour que les objectifs d’inflation à moyen terme soient atteints. Malgré la pause dans le cycle de hausse des taux, la CBR et le ministère des Finances continuent de resserrer la liquidité ce qui pourrait conduire à des conditions monétaires nettement plus restrictives cet automne, avec des taux monétaires qui passeraient du taux de dépôt (actuellement à 3,5%) au taux de repo (entre 5,5% et 6,75%). Cela pourrait faciliter un atterrissage en douceur de l’économie russe.

Maxim ORESHKIN

[email protected]

Europe centrale et orientale : exposition bancaire à la Grèce

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Source : Crédit Agricole CIB, BIS

Russie : importations vers des records historiques

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Importations, CVSSource : FSSS, CA CIB

Mds USD

Pays émergents

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 30

Afrique du Sud : un lent réveil

L’économie a accéléré graduellement, mais la reprise devrait rester lente. La Banque centrale (SARB) se montre cependant légèrement plus prudente au sujet de l’inflation, le resserrement monétaire devrait commencer au second semestre.

La reprise est intervenue en Afrique du Sud plus tard que dans la plupart des autres pays émergents. Des signes de réveil économique sont cependant apparus au premier trimestre. La production industrielle, en particulier, a accéléré après la phase de ralentissement enregistrée l’année dernière. L’indice PMI a baissé en mai, mais il reste assez élevé (à 55,1) et a moins baissé que dans de nombreux autres pays émergents, ce qui constitue un autre signe encourageant.

Toutefois, le réveil de l’Afrique du Sud est lent. La consommation a été soutenue par une progression assez significative des salaires, mais elle reste freinée par un taux de chômage record. Nous attendons une croissance de 3,5% en 2011, avec un léger biais haussier.

Jusqu’à présent, la croissance atone de la consommation privée – combinée avec l’appréciation de la devise – a permis de maintenir l’inflation sous contrôle. Nous estimons cependant que l’inflation séquentielle a accéléré au cours des trois derniers mois et dépasse à présent largement l’inflation en glissement annuel (à 6,5%, contre 4,2% en avril – dernière donnée disponible).

À moins que la phase actuelle de ralentissement de l’économie mondiale ne se transforme en double-dip (ce qui n’est pas notre scénario central), la SARB devra entamer un cycle de hausse des taux au second semestre. Nous prévoyons une hausse cumulée de 100 pdb du repo au cours des trois prochains trimestres (25 pdb au T4 et 75 pdb au T4).

Cette hausse devrait soutenir le rand, bien que celui-ci soit déjà assez élevé par rapport à ses niveaux historiques, en termes effectifs réels. La balance commerciale de l’Afrique du Sud semble bien orientée, notamment au regard de son historique, ce qui devrait également contribuer à la résilience du rand.

Sébastien BARBE [email protected]

Turquie : l’heure de vérité

Ankara défie toujours les lois de la pesanteur financière en maintenant des taux bas, alors que le déficit courant se creuse (8,3% en avril). C’est parce que la confiance des marchés dans les fondamentaux de l’économie est encore forte. Néanmoins, les législatives étant passées, il faut faire des choix clairs de politique économique.

Où sont les points stables de la conjoncture ? Il n’est pas certain qu’une hausse des taux puisse résorber rapidement le déséquilibre externe. En effet, celui-ci est lié à des déficits structurels d’épargne et d’énergie. De plus, l’accélération des importations hors énergie (+42% a/a en avril) est supérieure à celle des exportations (+27%). Quant au financement du solde courant, il est dépendant de capitaux courts : le déficit courant et le risque de change induit vont donc rester des composantes de l’environnement monétaire.

Néanmoins la confiance dans les fondamentaux est forte. D’abord, parce que le risque de liquidité se réduit avec une maturité des dépôts qui s’allonge. Ensuite, parce que la profitabilité des banques est bonne : les ratios de liquidité sont supérieurs à 100% et les créances douteuses limitées à 3,2% du total des engagements. Enfin, parce que la moindre croissance de la production industrielle laisse espérer que le scénario de surchauffe s’éloigne. Le dynamisme de l’investissement et des achats de biens d’équipement témoignent aussi de la qualité de la demande domestique.

Mais il faut du temps pour que le ralentissement industriel impacte les comptes externes. Et ce temps peut éroder le capital confiance accordé à la Banque centrale. La tentation de repousser la hausse des taux reste donc dangereuse, même accompagnée d’une politique fiscale active. Ou alors, il faudrait des privatisations qui assurent un financement stable du déficit courant.

Tania SOLLOGOUB

[email protected]

Afrique du Sud : l’inflation séquentielle dépasse l’inflation

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Inflation t/t, cvs, en rythme annuel Inflation a/a

Source : Bloomberg, Crédit Agricole CIB

Turquie : une croissance ralentie de la production industrielle

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juin-09 déc.-09 juin-10 déc.-10

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Croissance de la production indus.

Tx d'utilisation des capacités indus.(éch. dr.)

Source : CBRT, Crédit Agricole S.A.

Pays émergents

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 31

Inde : la croissance en question

La récente dégradation de l’environnement macro-économique commence à peser sur la demande intérieure. L’inflation, au contraire, ne semble guère réagir au resserrement de la politique monétaire. Cette situation n’est pas sans risque pour la croissance.

La croissance du PIB s’est élevée à 7,8% a/a au premier trimestre. C’est un plus bas depuis cinq trimestres. Cette contreperformance s’explique largement par le fléchissement de la demande domestique. Au contraire, les exportations de biens et services se sont plutôt bien tenues. L’activité économique commence à se ressentir des tensions inflationnistes et de la hausse consécutive des taux d’intérêt (de 275 pdb depuis mars 2010).

L’inflation, parallèlement, résiste à la baisse ; elle s’est même ré-accélérée en mai (à 9,1% a/a). Notamment parce que les entreprises sont en train de répercuter la récente hausse des coûts de production sur leurs prix de vente. C’est un effet de second tour ; et l’inflation, initialement alimentaire et énergétique, de gagner l’ensemble de l’économie. Par ailleurs, les anticipations inflationnistes, en Inde, se forment en partie sur l’évolution des prix passée ; ce qui tend à ralentir tout processus de désinflation.

Deux risques pointent ici. Que l’inflation, aussi déterminée par l’évolution des prix mondiaux des matières premières, et sur lesquels la visibilité est très faible, reste durablement élevée, forçant la RBI à resserrer plus nettement que prévu sa politique monétaire d’ici la fin de l’année. Et, au contraire, que la Banque centrale, en raison du ralentissement de la croissance, relâche trop tôt sa garde face à la hausse des prix. Ce second scénario semble très peu probable au vue de la nouvelle hausse des taux d’intérêt en juin (25 pdb). Mais, quoi qu’il en soit, dans l’un comme dans l’autre, la croissance en pâtirait.

Sylvain LACLIAS

[email protected]

Chine : la croissance et l’inflation devraient baisser

La Chine est en passe de réussir l’atterrissage en douceur de son économie. La croissance va baisser graduellement, vers un rythme de 9% en 2011 et 2012. Combiné au durcissement monétaire et budgétaire, ceci conduira à un recul de l’inflation à partir du second semestre. De telles perspectives n’appellent pas de fortes hausses des taux directeurs. Le yuan va s’apprécier plus rapidement et atteindra 6,30 contre le dollar en fin d’année.

Les autorités chinoises sont en passe de réussir l’atterrissage en douceur de leur économie. L’activité ralentit, mais seulement progressivement, grâce à l’accélération de la consommation, laquelle a contribué davantage que l’investissement à la croissance au premier trimestre pour la première fois depuis que les données sont disponibles. La consommation, soutenue par plusieurs années de progression à deux chiffres des salaires réels, prendra – en partie – le relais de l’investissement et du commerce extérieur, qui ralentissent. Au total, nous attendons un ralentissement de la croissance, de 10,3% en 2010 à 9,3% en 2011, puis 9,0% en 2012.

L’inflation restera probablement élevée, mais devrait baisser graduellement à partir du second semestre 2011, compte tenu du ralentissement des agrégats monétaires, du ralentissement de la demande finale et du réglage plus restrictif de la politique monétaire. Nous prévoyons une inflation moyenne de 5,3% cette année, puis une baisse à 4,0% l’année prochaine. De telles perspectives n’appellent pas à un fort relèvement des taux directeurs : nous n’attendons que des hausses très graduelles cette année et l’année prochaine. La Banque centrale (PboC) continuera par ailleurs à utiliser le resserrement de la liquidité et l’appréciation du yuan pour contrôler les pressions inflationnistes. Nous prévoyons que l’USD/CNY terminera l’année à 6,30.

L’importance croissante de la Chine sur la scène mondiale continuera d’influencer les marchés mondiaux. L’internationalisation du yuan se poursuivra par le biais du commerce, des investissements directs et des flux de portefeuilles obligataires. La part du commerce chinois réglée en yuan devrait passer de 6% début 2011 à 20% en 2013, conduisant à une accumulation de yuan hors de Chine. La dette publique chinoise trouvera graduellement sa place dans les réserves de change mondiales, le pays ouvrant progressivement son compte de capital afin de permettre à des investisseurs étrangers d’intervenir sur le marché obligataire.

Dariusz KOWALCZYK

[email protected]

Inde : croissance et inflation

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juin-06 juin-07 juin-08 juin-09 juin-10 juin-11

prix de gros (a/a, %)

taux directeur (%)

PIB (a/a, %)

Source : CSO, Conseil économique, RBI

Chine : la croissance et l’inflation devraient baisser

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2009 2009 2010 2011 2012 2012

PIB (%, a/a) IPC (%, a/a)

Prévisions

Source : CEIC, Crédit Agricole CIB

Pays émergents

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 32

Mexique : dix-huit mois, c’est long

Le Mexique va mieux. Mais un accord politique sur les réformes structurelles nécessaires va devenir de plus en plus difficile avec l’approche des élections présidentielles de juillet 2012. Des accords ponctuels entre partis sont toutefois possible.

Après le rebond de 2010, l’économie mexicaine est revenue à un rythme de croissance plus modéré : 4,4% a/a au premier trimestre. L’activité est toujours tirée par la demande extérieure : malgré un ralentissement, les exportations progressaient encore de 15% a/a (en USD) en avril. Mais la demande domestique semble à nouveau s’étioler.

La prochaine grande échéance est politique : les élections présidentielles de juillet 2012, l’élu prenant ses fonctions en décembre. D’ici là, il sera difficile d’entreprendre des réformes d’envergure. La situation au Congrès reste bloquée en l’absence de parti majoritaire, et l’approche de l’élection décisive rendra plus difficile une coopération du PRI (qui espère la remporter) avec le PAN au pouvoir. Une étape importante vers cette élection nationale est celle du gouverneur de l’État de Mexico (plus de 15 millions d’habitants) en juillet 2011 : le PRI y est largement favori.

Sur plusieurs des contraintes qui handicapent l’économie mexicaine, des signaux positifs ont cependant été émis ces dernières semaines par les autorités. La compétitivité de l’économie sera stimulée par plusieurs décisions récentes renforçant la concurrence. Il y a aussi quelque chance qu’une réforme (limitée) du droit du travail soit adoptée au cours des prochains mois, un accord PAN/PRI étant possible. Enfin, le président Calderón a même envisagé une « modernisation » de Pemex, incluant une ouverture du capital. Mais ce sera (peut-être) pour après les élections de 2012.

Jean-Louis MARTIN

[email protected]

Brésil : un ralentissement… qui prend du temps

Plusieurs signes montrent que les mesures prises par le gouvernement commencent à faire effet. L’inflation reste cependant trop élevée et les risques sont trop nombreux pour que la Banque centrale (BCB) puisse d’ores et déjà crier victoire. Nous attendons une nouvelle hausse de 25 pdb en juillet, après quoi le Selic restera inchangé à 12,5% pour le reste de l’année 2011.

L’économie brésilienne donne enfin des signes plus clairs de ralentissement, les ajustements budgétaires et monétaires commençant à avoir un impact sur la demande. Ces signes sont visibles sur les ventes au détail, la production industrielle et la croissance du crédit et devraient provoquer une baisse graduelle de l’inflation domestique vers l’objectif de la Banque centrale. Un autre facteur de l’amélioration des perspectives d’inflation à court terme est la baisse de l’inflation importée, liée aux prix des matières premières et à certains effets saisonniers.

Les anticipations d’inflation sont également en baisse, un mouvement qui reflète à la fois les facteurs mentionnés ci-dessus, mais également l’amélioration de la communication de la BCB. Depuis la réunion du mois d’avril, la BCB a réussi à regagner une partie de sa crédibilité, en redonnant au taux Selic son rôle d’outil principal (les mesures macro-prudentielles étant reléguées au second plan) et en réaffirmant son engagement à assurer la stabilité des prix.

Malgré tout cela, nous continuons à penser que le cycle actuel de hausse n’est pas terminé, en raison de la persistance de risques significatifs sur l’inflation. Parmi ces derniers, le plus important est la possibilité que les négociations salariales qui se tiendront au second semestre conduisent à une hausse des pressions inflationnistes. Il est également trop tôt pour être certain du maintien de l’amélioration de la politique budgétaire. Enfin, la crédibilité de la BCB n’est pas encore entièrement rétablie, ce qui augmente les risques de toute attitude qui pourrait être perçue comme de l’indécision. Pour l’ensemble de ces raisons, nous pensons que la BCB sera contrainte de relever à nouveau son taux directeur en juillet, le portant à 12,5%, après quoi le cycle de hausse sera terminé.

Vladimir VALE

[email protected]

Mexique : une activité tirée par les exportations

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2006 2007 2008 2009 2010 2011

mm3m, % a/a

mm3m, % a/a

production industrielle

indic. avancé d'activité

ventes de détail (volume)

exportations (USD, éch. dr.)

Source : INEGI, BCB

Brésil : ralentissement des ventes au détail

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Total Véhicules & pièces détachées

Source : IBGE, Crédit Agricole Brasil

Pays émergents

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 33

Golfe : des revenus pétroliers importants, des dépenses en hausse, mais des problèmes sociaux

Les économies du Golfe continuent de bénéficier de revenus pétroliers élevés, même si leurs dépenses sont en hausse, en raison des charges sociales qui ont suivi le début du « printemps arabe ». Le prix du baril permettant à l’Arabie saoudite d’équilibrer son budget est estimé à 88 USD. Les problèmes de chômage et d’emploi sont réapparus dans tous les pays du Golfe : l’emploi est l’un des défis majeurs.

La plupart des pays du Golfe exportateurs de pétrole profitent d’une période de stabilité macroéconomique basée sur des revenus pétroliers élevés. Tous ont annoncé des programmes de dépenses supplémentaires, notamment sous forme d’allocations, en réponse au « printemps arabe ». Si la moyenne des prix du pétrole dépasse 88 USD le baril, l’Arabie saoudite enregistrera un excédent, ceci malgré rôle du royaume dans le soutien à l’Égypte (4 Mds USD) et des prêts préférentiels ou subventions accordées au Bahreïn, à l’Oman, au Maroc, à la Syrie ainsi qu’à d’autres pays de la région pour un montant d’environ 12 Mds USD. L’emploi est redevenu un sujet de préoccupation dans presque tous les pays du GCC, le chômage – en particulier le chômage des jeunes – étant considéré comme l’une des principales causes potentielles de mécontentement social.

Tous les pays du Golfe ont réorganisé leur politique de travail et augmenté le nombre d’emplois publics. Dans les pays du Golfe, le secteur privé emploie 88% d’expatriés, tandis que le secteur public n’emploie presque que des nationaux. Plus de 94% des Qataris sont employés dans le secteur public et moins de 20% des Omanis travaillent dans le secteur privé. Les gouvernements ont des difficultés à limiter les embauches dans le secteur public, les revenus pétroliers restant importants. Sur le long terme, le coût des emplois publics et des autres avantages sociaux sera plus difficilement soutenable. Alors que l’augmentation de la part de l’État dans l’économie est perçue généralement comme inflationniste, elle soutiendra également la demande. Des changements dans le marché du travail ne se produiront que lorsque les économies du Golfe se départiront d’un modèle combinant bas salaires et faibles qualifications, et que l’immigration sera restreinte. Des baisses de productivité sont inévitables à court terme, mais à long terme l’entrée des nationaux sur le marché du travail se traduira par une hausse de la demande domestique et une baisse des « remises » aux familles restées au pays de la part des travailleurs étrangers.

John SFAKIANAKIS

[email protected]

Tunisie et Égypte : un été particulièrement redouté

Quelques mois après avoir renversé les régimes de Zine al Abidine Ben Ali et de Hosni Moubarak, la Tunisie et l’Égypte entreront de plain-pied cet été dans les difficultés économiques, avec hausses du chômage et de l’inflation.

Le tourisme représente près de 7% du PIB en Tunisie et en Égypte et près du double indirectement. Ce secteur leur permet d’équilibrer à moitié les déficits commerciaux creusés par les importations de pétrole et de nourriture. À ce jour, les baisses de fréquentations touristiques dépassent 50% a/a et les hôtels licencient ou s’apprêtent à le faire. L’été réserve d’autres défis : le ramadan musulman aura lieu en août, ce qui se traduira vraisemblablement par une baisse supplémentaire de l’activité et par une hausse de la consommation alimentaire, dont les prix ont enregistré une forte hausse (+200% a/a au premier trimestre 2011). Les tensions sociales risquent donc d’être ravivées par une inflation alimentaire élevée (surtout en Égypte où elle atteint plus de 20% en mai) et la hausse du taux chômage sur les prochaines semaines. Enfin, les élections d’une assemblée constituante en Tunisie, d’un parlement en Égypte se dérouleront cet automne et les campagnes débuteront dès l’été. Là encore, on peut supposer une perturbation de l’activité économique, du tourisme, mais aussi des intentions d’investissement.

Les impacts économiques des révolutions tunisienne et égyptienne, après une chute de plus 7% du PIB t/t au premier trimestre 2011, ne sont donc pas épuisés. Pour combler des besoins de financements – 5% du PIB pour la Tunisie en 2011 et plus de 10% pour l’Égypte – le soutien financier des agences multilatérales parait incontournable dans la période électorale qui démarre.

Riadh EL-HAFDHI

[email protected]

GCC : chômage des jeunes

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% Chômage des jeunes

Chômage

Source : International Labor Organization

Tunisie et Égypte : forte hausse des déséquilibres courants

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2010 2011 prévisions

Balance courante (Tunisie)Balance courante (Egypte)

Source : Crédit Agricole S.A.

Prévisions

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 34

Taux d’intérêt

30-juin sept-11 déc-11 mars-12 juin-12 sept-12 déc-12

Etats-Unis

Fed funds 0,25 0-0.25 0-0.25 0-0.25 0-0.25 0,75 1,25

3 mois 0,25 0,40 0,40 0,45 0,50 1,00 1,40

Taux 2 ans 0,45 1,25 1,70 1,85 2,00 3,00 3,50

Taux 10 ans 3,09 3,65 4,10 4,25 4,40 4,60 4,75

Japon

Call 0,07 0-0.10 0-0.10 0-0.10 0-0.10 0-0.10 0-0.10

3 mois 0,20 0,34 0,35 0,35 0,40 0,45 0,50

Taux 2 ans 0,17 0,20 0,22 0,23 0,25 0,25 0,30

Taux 10 ans 1,14 1,45 1,50 1,50 1,60 1,60 1,70

Zone euro

Repo 1,25 1,50 1,75 2,00 2,25 2,50 2,50

3 mois 1,48 1,80 2,10 2,35 2,60 2,85 2,85

Taux 2 ans 1,56 2,50 3,00 3,40 3,40 3,40 3,40

Taux 10 ans (All.) 3,00 3,50 4,00 4,20 4,25 4,25 4,25

Royaume-Uni

Taux de base 0,50 0,50 0,75 0,75 0,75 1,00 1,25

3 mois 0,83 1,40 1,65 1,65 1,65 1,90 2,15

Taux 2 ans 0,81 2,15 2,40 2,40 2,65 2,90 3,15

Taux 10 ans 3,33 4,10 4,30 4,50 4,50 4,50 4,50

Suède

Repo 1,75 2,00 2,25 2,50 2,75 3,00 3,25

3 mois 2,47 2,60 2,85 3,10 3,35 3,60 3,85

Taux 10 ans 2,91 4,15 4,35 4,45 4,60 4,75 4,85

Norvège

Deposit 2,25 2,50 2,75 3,00 3,25 3,50 3,75

Suisse

3 mois 0,18 0,50 0,50 0,75 1,00 1,00 1,25

Taux 10 ans 1,71 2,45 2,60 2,85 3,00 3,10 3,25

Canada

Overnight Target 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 2,25 2,50

Australie

Cash Target 4,75 5,00 5,25 5,25 5,25 5,25 5,25

Nouvelle-Zélande

Official Cash Rate 2,50 2,50 2,50 2,75 3,00 3,50 3,75

Prévisions

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 35

30-juin sept-11 déc-11 mars-12 juin-12 sept-12 déc-12

Asie

Chine 1Y lending rate 6,31 6,56 6,56 6,81 6,81 7,06 7,06

Hong Kong Taux de base 0,50 0,50 0,50 0,50 0,50 0,75 1,25

Inde Taux Repo 7,50 8,00 8,00 8,00 8,25 8,25 8,50

Indonésie BI rate 6,75 7,00 7,00 7,00 7,25 7,25 7,25

Corée Call rate 3,25 3,50 3,50 3,50 3,50 3,75 4,00

Malaisie OPR 3,00 3,25 3,25 3,25 3,50 3,50 3,50

Philippines Taux Repo 4,50 4,75 5,00 5,00 5,00 5,25 5,25

Singapour 6M SOR 0,29 0,54 0,64 0,71 0,76 1,10 1,34

Taiwan Redisc 1,75 1,88 2,00 2,00 2,00 2,25 2,50

Thaïlande Repo 3,00 3,50 3,50 3,50 3,50 3,75 4,00

Vietnam Prime rate 9,00 10,00 10,00 10,00 9,00 9,00 9,00

Amérique latine

Argentine Deposit 3 mois 10,87 11,00 11,00 11,00 11,25 11,50 11,50

Brésil Overnight/Selic 12,25 12,50 12,50 12,50 11,75 11,25 11,00

Mexique Taux Overnight 4,50 4,50 4,50 5,25 5,50 5,75 6,00

Europe émergente

Rép. Tchèque Repo 14 j. 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 2,00

Hongrie Repo 2 sem. 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00

Pologne Repo 7 j. 4,50 4,50 4,75 4,75 5,00 5,00 5,00

Roumanie Repo 2 sem. 6,25 6,25 5,75 5,50 5,50 5,50 5,50

Russie Refinancing rate 3,50 3,75 4,00 4,75 6,00 7,50 9,00

Turquie Overnight 6,25 7,00 8,00 8,00 8,00 8,50 9,00

Afrique & Moyen Orient

Afrique du Sud Repo 5,50 5,50 5,75 6,50 7,00 7,50 8,00

EAU Repo 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,25 1,75

Arabie saoudite Repo 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,25 2,75

Prévisions

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 36

Taux de change

Taux de change USD 30-juin sept-11 déc-11 mars-12 juin-12 sept-12 déc-12

Pays industrialisés

Euro EUR/USD 1,44 1,34 1,30 1,27 1,24 1,21 1,18

Japon USD/JPY 81 90 94 96 98 100 102

Royaume-Uni GBP/USD 1,60 1,60 1,59 1,55 1,53 1,51 1,51

Suisse USD/CHF 0,84 0,97 1,03 1,09 1,13 1,17 1,21

Canada USD/CAD 0,97 0,96 0,95 0,94 0,93 0,92 0,90

Australie AUD/USD 1,06 1,05 1,06 1,07 1,09 1,11 1,12

Nouvelle-Zélande NZD/USD 0,82 0,80 0,81 0,82 0,83 0,84 0,84

Asie

Chine USD/CNY 6,46 6,36 6,30 6,24 6,18 6,11 6,05

Hong Kong USD/HKD 7,78 7,77 7,77 7,77 7,77 7,77 7,77

Inde USD/INR 44,87 44,80 44,50 43,80 43,10 42,60 42,00

Indonésie USD/IDR 8 608 8 500 8 460 8 420 8 380 8 340 8 300

Malaisie USD/MYR 3,04 2,98 2,96 2,95 2,94 2,93 2,92

Philippines USD/PHP 43,44 42,05 41,50 41,24 40,99 40,73 40,48

Singapour USD/SGD 1,23 1,25 1,24 1,24 1,24 1,23 1,23

Corée du Sud USD/KRW 1 077 1 065 1 040 1 030 1 015 1 000 985

Taiwan USD/TWD 28,88 28,40 28,10 27,90 27,70 27,50 27,20

Thaïlande USD/THB 30,83 29,39 29,20 29,00 28,80 28,60 28,60

Vietnam USD/VND 20 600 21 400 21 400 22 100 22 100 22 800 22 800

Amérique latine

Argentine USD/ARS 4,11 4,15 4,20 4,25 4,30 4,35 4,40

Brésil USD/BRL 1,57 1,65 1,70 1,70 1,70 1,75 1,80

Mexique USD/MXN 11,77 11,50 11,40 11,35 11,30 11,25 11,20

Afrique & Moyen-Orient

Afrique du Sud USD/ZAR 6,84 6,70 6,90 7,00 7,10 7,20 7,30

Europe - émergents

Pologne USD/PLN 2,77 2,89 2,96 3,02 3,06 3,12 3,18

Russie USD/RUB 27,98 30,96 31,81 30,71 32,29 33,34 34,14

Turquie USD/TRY 1,63 1,55 1,50 1,50 1,52 1,53 1,54

Parités croisées contre euro

Pays industrialisés

Japon EUR/JPY 116 121 122 122 122 121 120

Royaume-Uni EUR/GBP 0,90 0,84 0,82 0,82 0,81 0,80 0,78

Suisse EUR/CHF 1,20 1,30 1,34 1,38 1,40 1,42 1,43

Suède EUR/SEK 9,17 9,00 9,05 9,10 9,15 9,15 9,15

Norvège EUR/NOK 7,78 7,80 7,70 7,80 7,70 7,60 7,40

Europe centrale

République tchèque EUR/CZK 24,37 24,00 23,80 23,80 23,60 23,60 23,60

Hongrie EUR/HUF 266 267 265 265 265 265 265

Pologne EUR/PLN 3,99 3,87 3,85 3,83 3,80 3,78 3,75

Roumanie EUR/RON 4,22 4,20 4,20 4,20 4,20 4,20 4,20

Prévisions

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 37

Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A.

2010 2011 2012 2010 2011 2012 2010 2011 2012

Etats-Unis 2,9 2,4 2,9 1,7 3,1 2,0 -3,2 -2,9 -2,7

Japon 4,0 -0,7 2,9 -1,0 0,6 0,9 3,6 2,7 3,3

Zone euro 1,7 2,0 1,6 1,6 2,7 1,9 -0,4 -0,4 -0,2

Allemagne 3,5 3,4 2,0 1,2 2,5 2,1 5,7 5,4 5,4

France 1,4 2,1 1,8 1,7 2,1 1,6 -2,1 -3,0 -3,2

Italie 1,2 0,8 1,2 1,6 2,8 1,9 -3,3 -2,8 -2,4

Espagne -0,1 0,5 0,9 2,0 3,2 2,2 -4,5 -4,0 -3,6

Grèce -4,4 -3,8 0,3 4,7 2,9 1,8 -10,4 -10,3 -7,7

Norvège 0,3 0,7 2,2 2,4 1,7 1,8 14,0 15,0 13,1

Suède 5,4 4,3 2,5 1,2 3,1 2,6 7,0 7,0 7,3

Suisse 1,6 1,9 2,2 0,7 1,0 1,2 9,5 8,0 9,0

Canada 3,1 2,8 3,1 1,8 3,0 2,1 -3,1 -2,6 -2,3

Australie 2,7 3,1 3,4 2,9 3,5 3,3 -2,6 -3,5 -2,8

Nouvelle-Zélande 1,5 2,0 3,5 2,3 3,9 3,3 -2,3 -2,9 -2,7

Royaume-Uni 1,4 1,3 1,9 3,3 4,4 2,4 -2,2 -1,6 -1,2

Asie 9,2 7,8 7,9 4,6 6,0 4,6 3,6 2,6 2,3

Chine 10,3 9,3 9,0 3,3 5,3 4,0 5,2 3,3 2,7

Hong Kong 6,8 6,3 6,5 2,4 4,7 3,8 8,7 10,1 10,5

Inde 8,5 7,4 7,8 9,5 9,0 6,4 -2,8 -2,9 -2,8

Indonésie 6,1 5,8 5,8 5,1 6,1 5,8 0,9 1,5 1,7

Corée 6,1 5,1 6,0 3,0 4,1 3,6 2,8 2,8 3,1

Malaisie 7,2 4,0 5,5 1,7 2,9 2,5 12,8 11,5 11,6

Philippines 7,6 4,9 5,4 3,8 4,9 4,8 4,4 4,2 3,5

Singapour 14,5 6,7 6,9 2,8 5,6 4,0 22,2 23,8 23,6

Taiwan 10,8 5,8 6,3 1,0 2,4 2,8 9,4 8,2 8,3

Thaïlande 7,8 4,7 5,7 3,3 4,2 4,5 4,6 3,6 3,9

Vietnam 6,8 5,8 6,2 9,2 17,8 11,5 -5,5 -5,5 -5,2

Amérique latine 6,6 4,0 4,4 6,8 6,3 6,1 -1,2 -1,7 -1,8

Argentine 7,0 4,0 4,0 17,0 17,0 17,0 1,5 1,5 1,1

Brésil 7,5 4,0 4,3 5,8 5,0 4,5 -2,3 -3,0 -2,8

Mexique 5,3 4,0 4,8 4,2 4,0 4,0 -0,6 -1,0 -1,5

Europe - émergents 4,2 3,7 3,4 7,0 6,9 7,8 0,5 -1,3 -2,6

République tchèque 2,3 2,3 2,5 1,5 2,3 2,0 -3,0 -2,8 -3,5

Hongrie 1,2 2,3 2,5 4,9 4,3 3,5 2,3 1,0 0,0

Pologne 3,8 3,6 3,5 2,6 4,3 3,1 -2,6 -4,5 -4,0

Russie 4,0 3,7 3,3 8,8 8,5 11,0 4,8 3,0 0,0

Roumanie -1,3 1,5 2,9 6,1 7,0 5,0 -5,8 -6,9 -6,4

Turquie 7,5 5,0 4,0 8,3 7,0 7,0 -5,0 -7,5 -7,0

Afrique & Moyen-Orient 4,2 4,2 4,3 5,0 5,6 5,2 4,2 4,2 5,3

Algérie 4,1 4,1 4,3 3,9 4,8 4,3 4,2 5,6 4,1

Egypte 5,2 1,9 4,0 11,1 10,0 9,3 0,3 0,4 1,8

Koweït 3,2 3,5 4,4 4,0 4,2 4,3 32,1 29,1 28,3

Liban 7,5 1,3 6,0 4,3 5,6 3,0 -12,0 -15,0 -7,0

Maroc 3,2 3,5 4,4 1,4 3,0 2,7 -5,4 -13,0 -9,0

Qatar 14,0 15,8 6,0 -2,2 2,7 3,9 13,0 29,0 34,8

Arabie saoudite 3,8 5,5 4,4 5,3 5,6 4,1 9,5 9,7 9,9

Afrique du Sud 2,5 3,5 4,0 4,3 4,7 5,0 -3,5 -4,0 -4,0

Emirats arabes unis 2,0 3,4 3,8 1,0 3,1 3,9 5,5 6,1 7,2

Tunisie 3,4 1,0 3,0 4,4 4,7 5,0 -1,5 -10,3 -3,3

Total 4,9 3,9 4,3 3,2 4,3 3,5 0,6 0,1 0,2

Pays industrialisés 2,6 1,9 2,5 1,3 2,6 1,9 -1,0 -1,0 -0,7

Pays émergents 7,6 6,3 6,4 5,3 6,1 5,3 2,5 1,5 1,3

Notes:

(1) Royaume-Uni : HICP ; Inde : prix de gros ; Chine, index prix de détail ; Brésil : IPCA, Afrique du Sud : CPI-X

(2) Inde : f in de l'année fiscale en mars.

PIB (a/a, %) Inflation (a/a, %)Balance courante

(en % du PIB)

Prévisions

Perspectives Macro – N°133 – 3e trimestre 2011 38

Croissance PIB, % T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

Etats-Unis (annuel) 3,7 1,7 2,6 3,1 1,9 2,0 3,1 3,1 2,7 2,8 3,2 3,3

Japon 2,3 0,0 0,9 -0,7 -0,9 -0,8 1,1 1,8 0,8 0,2 0,3 0,4

Eurozone 0,4 1,0 0,4 0,3 0,8 0,3 0,3 0,4 0,4 0,5 0,5 0,5

Allemagne 0,5 2,1 0,8 0,4 1,5 0,5 0,4 0,4 0,5 0,6 0,6 0,6

France 0,2 0,5 0,4 0,3 0,9 0,3 0,4 0,4 0,4 0,5 0,5 0,5

Italie 0,6 0,5 0,3 0,1 0,1 0,2 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3

Espagne 0,1 0,3 0,0 0,2 0,3 -0,2 0,2 0,3 0,3 0,3 0,2 0,3

Royaume-Uni 0,4 1,1 0,6 -0,5 0,5 0,2 0,6 0,4 0,5 0,5 0,6 0,5

Prix à la consommation, a/a % T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

Etats-Unis 2,4 1,8 1,2 1,2 2,2 3,4 3,4 3,2 2,4 1,7 1,8 2,0

Japon -1,2 -1,2 -1,1 -0,5 -0,2 0,8 1,1 0,7 0,7 1,0 1,0 0,8

Eurozone 1,1 1,6 1,7 2,0 2,5 2,8 2,8 2,7 2,2 1,6 1,9 1,9

Allemagne 0,8 1,0 1,2 1,6 2,2 2,6 2,7 2,6 2,3 1,9 2,0 2,1

France 1,5 1,8 1,8 1,9 2,0 2,2 2,3 2,2 1,6 1,3 1,6 1,7

Italie 1,3 1,6 1,7 2,0 2,3 3,0 3,1 2,9 2,6 1,6 1,9 1,6

Espagne 1,3 2,3 2,0 2,5 3,2 3,3 3,2 3,0 2,4 1,8 2,4 2,4

Royaume-Uni 3,3 3,4 3,1 3,4 4,1 4,5 4,6 4,1 2,9 2,1 2,3 2,3

Taux de chômage, % T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

Etats-Unis 9,7 9,6 9,6 9,6 9,0 9,0 8,8 8,5 8,6 8,5 8,3 8,2

Japon 5,1 5,1 5,0 5,0 4,7 4,9 5,1 5,1 5,0 4,9 4,8 4,7

Eurozone 10,1 10,2 10,1 10,1 9,9 9,9 9,9 9,8 9,7 9,6 9,5 9,4

Allemagne 7,5 7,2 6,9 6,7 6,4 6,3 6,3 6,2 6,1 6,0 6,0 6,0

France 9,5 9,3 9,3 9,3 9,2 9,1 9,1 9,0 8,9 8,8 8,7 8,6

Italie 8,5 8,5 8,3 8,4 8,3 8,5 8,8 9,1 9,3 9,3 9,2 9,0

Espagne 19,4 20,0 20,4 20,5 20,6 20,5 20,3 20,1 19,5 19,0 18,5 18,0

Royaume-Uni 7,9 7,8 7,9 7,9 7,7 7,9 7,8 7,8 7,7 7,7 7,6 7,6

2011 2012

2010 2011 2012

2010 2011 2012

2010

Prévisions

Perspectives Macro - N°133 – 3e trimestre 2011 39

Matières premières

T1 T2 T3 T4 Année T1 T2 T3 T4 Année T1 T2 T3 T4 Année

Métaux

Aluminium USD/t 2 503 2 350 2 500 2 400 2 550 2 173 2 506 2 606 2 650 2 718 2 620 2 800 3 000 2 900 2 900 2 900 2,650 (120c/lb)

Cuivre USD/t 9 312 8 500 8 800 8 600 9 000 7 537 9 633 9 140 9 250 9 575 9 400 10 000 10 500 10 150 9 750 10 100 4,960 (225c/lb)

Nickel USD/t 23 048 23 500 24 500 24 000 26 000 21 807 26 905 24 236 22 860 22 000 24 000 23 000 24 000 24 000 23 000 23 500 15,432 (700c/lb)

Zinc USD/t 2 294 2 300 2 400 2 500 2 700 2 159 2 394 2 248 2 200 2 398 2 310 2 400 2 500 2 600 2 700 2 550 1,764 (80c/lb)

Plomb USD/t 2 619 2 375 2 500 2 600 2 700 2 146 2 603 2 544 2 593 2 700 2 610 2 800 2 900 2 700 3 000 2 850 1,323 (60c/lb)

Etain USD/t 25 766 24 500 25 500 25 000 25 000 20 364 29 917 28 610 29 000 32 473 30 000 34 000 36 000 34 000 36 000 35 000 15,000 (680c/lb)

Métaux précieux

Or USD/oz 1 509 1 350 1 350 1 340 1 260 1 226 1 386 1 507 1 465 1 440 1 450 1 375 1 300 1 250 1 175 1 275 700

Argent USD/oz 34,9 27,0 29,0 28,0 26,0 20,2 32,0 38,0 36,0 30,0 34,0 27,0 26,0 25,0 24,0 25,5 7,0

Platine USD/oz 1 722 1 740 1 760 1 750 1 810 1 609 1 790 1 785 1 800 1 905 1 820 1 925 1 950 2 000 2 045 1 980 1 200

Palladium USD/oz 759 700 750 800 850 525 788 756 800 855 800 900 950 1 000 1 050 975 300

2010 2011 Prix à long

terme30-juin

2012

T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

WTI $/BBL 79 78 76 85 94 103 86 81 80 73 77 83

Brent $/BBL 76 78 77 86 105 118 97 92 91 85 89 95

T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4

WTI $/BBL 84 76 82 91 107 95 84 81 77 75 80 84

Brent $/BBL 80 75 83 93 117 108 95 92 88 87 92 95

Prix moyen

Prix fin de trimestre

2010 2011 2012

2010 2011 2012

Prévisions

Perspectives Macro - N°133 – 3e trimestre 2011 40

Comptes publics

2010 2011 2012 2010 2011 2012

Etats-Unis -8,9 -9,3 -6,9 62,1 68,9 73,4

Japon -9,5 -8,9 -9,2 191,8 202,5 207,2

Zone euro -6,0 -4,0 -3,2 85,1 86,4 87,8

Allemagne -3,3 -1,7 -1,4 83,2 82,0 81,0

France -7,0 -5,7 -4,7 82,4 84,6 86,4

Italie -4,6 -3,9 -3,0 119,0 119,7 121,3

Espagne -9,2 -6,2 -4,9 60,1 67,3 69,9

Pays-Bas -5,4 -3,7 -2,2 62,7 64,4 65,7

Belgique -4,1 -3,8 -3,7 96,8 97,3 99,4

Grèce -10,5 -8,5 -7,5 142,8 156,6 165,8

Irlande -32,4 -10,3 -8,9 96,2 112,1 118,2

Portugal -9,1 -6,1 -5,1 93,0 101,8 108,1

Royaume-Uni -8,9 -7,8 -5,6 75,6 80,6 82,7

Solde budgétaire Dette publique

Achevé de rédiger le 30 juin 2011

Directeur de la publication : Jean-Paul BETBEZE Rédacteurs en chef : Hervé GOULLETQUER, Isabelle JOB

Réalisation & Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Contact : [email protected]

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