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La friche Dupaty, dite “Jardin de ta soeur” « le jardin des possibles » Qu'est-ce que c'est? L'expression “Jardin de ta soeur” recouvre deux choses: l'espace vert en lui-même, et le collectif du même nom. Ce dernier est né en 2003 d'une mobilisation autour de la reconversion d'une friche au sein du quartier Bordeaux-Nord, et il réunit des associations, des professionnels et des habitants. Le Jardin a été ouvert officiellement en juin 2006. Pour quoi faire? Le constat est partagé: le quartier manque d'espaces verts, et notamment d'un lieu public “majeur”. Pour les habitants, l'aménagement de lieux de détente et de promenade propices à la rencontre et à l'échange et d'aires de jeux pour les enfants contribuerait à améliorer sensiblement la convivialité et la qualité de vie du quartier. Ce besoin exprimé par les habitants rejoint la demande formulée par de nombreux acteurs du quartier: avoir un espace extérieur capable d'accueillir des pratiques artistiques (cirque, théâtre, cinéma en plein air, concerts, ateliers de création) ou plus simplement des repas et des déambulations. Corollairement à cette volonté commune, le collectif s'est bâti autour de l'idée que la friche, placée derrière le Centre Social Bordeaux Nord, ne devait pas devenir un immeuble, alors qu'il manque des espaces de proximité et des lieux de rencontre. Comment ça s'est déroulé? A l'origine de la création du collectif, un quartier en mutation, avec des immeubles qui fleurissent à la place des terrains vides. Face à cette évolution s'organise un travail de veille de la part des acteurs, qui interpellant les élus et services de la Ville, sollicitent les habitants, et sont concertés lors du livre blanc de la Ville. Parallèlement, et depuis plusieurs années, des acteurs du quartier tels que le collectif Bordonor investissent la friche Dupaty pour y organiser des manifestations culturelles et festives. En 2002, deux spectacles culturels sont organisés sur une dizaine de jours; les habitants redécouvrent ainsi un lieu jusqu'alors plutôt investi par des gens venant promener leur chien.

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Page 1: « le jardin des possiblesLa friche Dupaty, dite “Jardin de ta soeur” « le jardin des possibles » Qu'est-ce que c'est? L'expression “Jardin de ta soeur” recouvre deux choses:

La friche Dupaty, dite “Jardin de ta soeur”

« le jardin des possibles »

Qu'est-ce que c'est?

L'expression “Jardin de ta soeur” recouvre deux choses: l'espace vert en lui-même, et le collectif du même nom. Ce dernier est né en 2003 d'une mobilisation autour de la reconversion d'une friche au sein du quartier Bordeaux-Nord, et il réunit des associations, des professionnels et des habitants. Le Jardin a été ouvert officiellement en juin 2006.

Pour quoi faire?

Le constat est partagé: le quartier manque d'espaces verts, et notamment d'un lieu public “majeur”. Pour les habitants, l'aménagement de lieux de détente et de promenade propices à la rencontre et à l'échange et d'aires de jeux pour les enfants contribuerait à améliorer sensiblement la convivialité et la qualité de vie du quartier. Ce besoin exprimé par les habitants rejoint la demande formulée par de nombreux acteurs du quartier: avoir un espace extérieur capable d'accueillir des pratiques artistiques (cirque, théâtre, cinéma en plein air, concerts, ateliers de création) ou plus simplement des repas et des déambulations.

Corollairement à cette volonté commune, le collectif s'est bâti autour de l'idée que la friche, placée derrière le Centre Social Bordeaux Nord, ne devait pas devenir un immeuble, alors qu'il manque des espaces de proximité et des lieux de rencontre.

Comment ça s'est déroulé?

A l'origine de la création du collectif, un quartier en mutation, avec des immeubles qui fleurissent à la place des terrains vides. Face à cette évolution s'organise un travail de veille de la part des acteurs, qui interpellant les élus et services de la Ville, sollicitent les habitants, et sont concertés lors du livre blanc de la Ville.

Parallèlement, et depuis plusieurs années, des acteurs du quartier tels que le collectif Bordonor investissent la friche Dupaty pour y organiser des manifestations culturelles et festives. En 2002, deux spectacles culturels sont organisés sur une dizaine de jours; les habitants redécouvrent ainsi un lieu jusqu'alors plutôt investi par des gens venant promener leur chien.

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L'appropriation de l'espace se poursuit en 2003 avec les 40 ans du Centre Social Bordeaux-Nord (CSBN) et un travail d'exploration avec les jeunes sur le cadre de vie et l'espace public, en collaboration avec Bruit du Frigo (BdF), collectif pluridisciplinaire dont l'activité est un hybride entre bureau d'étude et médiateur urbain. Le point d'orgue de ces activités a lieu en juillet 2003 avec la réalisation d'un jardin public éphémère, sur une journée.

Le CSBN et BdF impulsent la mobilisation d'un maximum d'acteurs du quartier, en essayant d'avoir le panel le plus représentatif possible (c'est-à-dire pas seulement ceux que le projet a convaincus); il s'agit de regrouper tout le monde et de faire émerger des dénominateurs communs à partir des idées très différentes qui sont exprimées. De ce point de vue, il faut souligner l'important travail d'ingéniérie de BdF qui, en apportant sa compétence technique, a eu une importance primordiale, puisque c'est un document professionnel (un travail “de bureau d'études“ réalisé pour partie bénévolement, pour partie sur fonds du CSBN) qui a été proposé à la Ville en 2004. Ce document, un projet d'usage et d'aménagement, est la résultante d'un an de travail entre une trentaine de personnes, réunies tous les mois, et représentant un panel très large. Il rassemble de manière synthétique les envies exprimées, autour de 3 axes: détente et loisir, expérimental, et évenementiel. Conjointement à ce projet a été remis à la Ville une Charte du collectif qui définit le rôle de celui-ci dans le projet.

S'ensuit un an de travail (2004-2005) avec la Direction des Espaces Verts de la Ville de Bordeaux et des bureaux d'étude, qui aboutit à l'acceptation du projet proposé initalement par le collectif.

A l'été 2008, la 2ème phase de la construction du Jardin est en cours, avec le terrassement et l'aménagement. Parallèlement se met en place la 3ème partie, dédiée à l'animation de celui-ci, avec des manifestations telles que les 10 ans du Collectif Bordonor.

Du point de vue des moyens financiers, il est à noter que chaque association membre du collectif apporte ses fonds propres. Selon les projets, les dossiers de demande de subventions sont réalisés “à tour de rôle” par les différentes structures participant au collectif du Jardin de ta soeur.

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Quelles difficultés ont été rencontrées? Comment ont-

elles été surmontées?

A la mi-2008, les principaux problèmes rencontrés sont d'ordre technique, avec notamment les questions liées aux normes de sécurité. Le gros du travail du collectif consiste en une activité de médiation avec les différents services de la Ville (confrontation aux normes, aux études de marché, etc). Le fait qu'il y ait des gens plutôt partants sur le projet quand d'autres sont assez rigides fait que celui-ci “avance” puis “recule”. L'impression qui en ressort est celle d'essuyer les plâtres parce que la méthode participative exigée par le collectif est aussi une nouvelle façon de fonctionner pour la Ville et ses services.

Une autre difficulté à mettre en lumière est celle du temps nécessaire à la coordination du collectif; par exemple lorsque la Ville propose un document et qu'il faut réagir et faire des propositions rapidement, alors que l'organisation de réunions, et la participation des habitants en général, suppose un temps relativement long.

Quels résultats?

La volonté qui a émergé des multiples concertations entre acteurs et habitants est celle d'un “jardin partagé”: différent d'un jardin ordinaire ou d'un square de quartier, son utilisation est souhaitée partagée entre les diverses catégories d'usagers (habitants: enfants, familles, personnes âgées et acteurs: associations, écoles, etc.) et il est pensé pour répondre aux attentes de tous. A l'inverse d'un jardin public classique, il s'agit de faire du Jardin de ta soeur un espace vivant et en mouvement, avec l'idée qu'il puisse être en partie transformé au fil du temps et au gré des saisons, afin de répondre aux envies des usagers. Concrètement, cela signifie qu'il doit conserver partiellement un état de friche à même de renvoyer aux usagers l'image d'un espace à constamment réinventer.

Il faut bien voir qu'à l'origine, il n'y avait rien d'acquis; la Ville proposait en effet de déléguer la gestion deux parcelles sur les quatre que contient le terrain et que réclamait le collectif. Au final, ce dernier en a obtenu trois.

Le Jardin se veut accessible à l'ensemble de la population du quartier, et pas seulement au voisinage immédiat. Sa taille conséquente et ses multiples possibilités d'usage – savamment entretenues – le destinent à un public élargi. D'ailleurs, son aire d'influence est comprise entre le Cours du Médoc, le Cours Lucien Faure, les boulevards et les quais, ce qui correspond à un territoire recensant une population de 10 000 habitants.

Par ailleurs, suite à la demande du collectif, il a été obtenu que l'ensemble mobilier soit créé spécialement pour le Jardin. Chaque mobilier est ainsi une oeuvre unique, réalisée par des artistes

La gestion du Jardin se veut également écologique: pour ce faire, les eaux de pluie et éventuelles sources du terrain sont récupérées pour l'arrosage et l'alimentation des fontaines d'eau non-potables, des bacs à compost ont été installés, et le Jardin vise l'autonomie énergétique.

Du côté de l'animation du Jardin, les activités sont nombreuses, avec entre autres des ateliers de jardinage et un “espace laboratoire” autour du potager.

PerspectivesLe collectif a pour projet de faire en sorte de “déboucher” le Jardin en ouvrant un accès sur le tram, pour qu'il devienne un lieu passant, plus utilisé, plus sûr et plus tranquille car moins enclavé.

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Rencontre avec... Jean-Philippe Lasfargues, référent du Jardin de ta soeur

Qu'est-ce que le Jardin de ta soeur?C'est un jardin qui est partagé. Pas dans le sens d'un partage de l'espace, mais des pratiques. Ces pratiques peuvent être quotidiennes, expérimentales, culturelles, évenementielles... C'est aussi un carrefour de rencontres et de pratiques; on brasse énormément de populations différentes, avec des gens nouveaux, anciens... Il y a un gros travail de mixité sociale, et c'est notre pari, c'est de dire: il faut investir l'espace public pour faire en sorte que les gens se rencontrent et se parlent.

Comment la friche a-t-elle été récupérée par les habitants du quartier?La mobilisation est de longue date. Nous étions dans une dynamique de veille; par exemple, pour interpeller les habitants, un jour au CSBN, on a distribué des petits morceaux de papier vert, pour montrer que si les gens voulaient vraiment un espace vert sur le quartier, on en avait tous un petit bout et qu'il fallait s'unir! C'est un peu le principe de dire: si l'on veut quelque chose, il faut se bouger un petit peu.

Qu'est ce qui a marqué le lancement de la démarche?En juillet 2003, on a investi pendant une semaine ce jardin, pour le transformer durant une journée seulement en potentiel jardin public, ouvert sur le quartier. Donc il y a eu un gros travail d'aménagement, et un tas d'animations culturelles, ludiques. Et on a tout démonté le soir. Ça a provoqué à la fois beaucoup d'intérêt des gens, qui sont venus et ont découvert le lieu autrement, et en même temps beaucoup de frustrations, parce que le lendemain, quand ils ont voulu revenir, il n'y avait plus rien. A partir de ce moment les élus au Sport et au DSU nous ont demandé de nous regrouper et de leur proposer quelque chose.

La mobilisation a-t-elle été facile?On a essayé de regrouper tout le monde, chacun ayant des idées bien différentes. Notre travail en tant que soutien à la vie associative, ça a été de rassembler toutes ces énergies, toutes ces idées, et d'essayer de retrouver les dénominateurs communs.

Un travail de mise en tension, pour faire vivre le réseau ainsi créé.

Et du point de vue des partenaires?Le fait qu'on ait réussi à synthétiser les envies de tout le monde a été notre grande force, puisque même les interlocuteurs et les gens avec qui on sait ne pas avoir d'atomes crochus au départ venaient appuyer le projet, parce qu'eux s'y retrouvaient. Tout le monde s'y retrouvait.

Et vis-à-vis de la Mairie?On a eu ce qu'on voulait. Surprenant peut-être, mais aussi parce que derrière il y avait de la méthode et du bon sens. La difficulté a été moins par rapport aux élus qu'aux agents, peu habitués à des exigences comme les nôtres.

Quels usages du Jardin sont prévus?L'image qui me vient est celle du Palais Omnisports de Paris Bercy! Ils font du motocross, puis du windsurf, puis de la pétanque... quelque chose d'ultra-modulable. Par exemple, sur une semaine, un festival des jeux d'eau, ou un concours de billes. Le temps d'une semaine, développer une pratique; c'est l'aspect un peu “laboratoire”: on tente, on expérimente, on fait des choses. L'intérêt c'est que des gens du quartier l'utilisent pour un usage quotidien, et que des gens d'autres quartiers, pour créer un appel d'air, puissent venir. Des gens qui sont venus aux 10 ans du Collectif Bordonor ont été bluffés; peut-être que s'ils viennent demain, il le trouveront plus commun; et dans 6 mois, si autre chose s'installe, ils seront de nouveau étonnés. L'idée c'est aussi d'être surpris, de temps en temps.

Et pour l'avenir?C'est un projet ambitieux, parce qu'il est constant. Ce lieu n'est jamais gagné, il faut le rendre vivant toute l'année. C'est un pari sur du très long terme, parce que l'aménager, c'est une chose, mais l'animer, c'est autrement plus complexe. C'est un travail quotidien. Le top du top, ce serait de rebaptiser l'arrêt de tram sur lequel devrait déboucher le nouvel accès, non pas “arrêt de ta soeur” (rires), mais “arrêt du Jardin de ta soeur”!”

Contacts

Structure Collectif Jardin de ta [email protected]

Personne-ressource Jean-Philippe Lasfargues, directeur adjoint du Centre Social Bordeaux-Nord

Téléphone 05 56 39 46 72

E-mail [email protected]