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I

À mon oncle Tino,

qui est toujours dans mon cœur

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II

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III

TABLE DES MATIÈRES

Introduction 1

CHAPITRE 1 : Des théories sur la traduction : les études

d’Antoine Berman

5

1.1. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain 5

1.1.1. Traduction ethnocentrique et traduction hypertextuelle 7

1.1.2. L’analytique de la traduction : les tendances

déformantes

9

1.1.3. Analyse d’une grande traduction : l’Énéide de Pierre

Klossowski

12

1.2. L’épreuve de l’étranger 15

1.2.1. La traduction au manifeste 16

1.2.2. Les théories sur la traduction des Romantiques

allemands

18

1.2.2.1. Goethe : traduction et littérature mondiale 19

1.2.2.2. A. W. Schlegel : la volonté de tout traduire 20

1.2.2.3. F. Schleiermacher : la traduction dans l’espace

herméneutico-linguistique

22

1.3. Hölderlin et le rapport avec l’Étranger 23

CHAPITRE 2 : Baptiste Beaulieu : le médecin devenu

romancier

29

2.1. Biographie 29

2.2. Œuvres 30

2.2.1. Alors voilà : les 1001 vies des Urgences 30

2.2.2. Alors vous ne serez plus jamais triste 32

2.2.3. La ballade de l’enfant gris 33

2.3. Toutes les histoires d’amour du monde 34

2.3.1. Thématiques traités dans le roman 37

2.3.1.1. L’amour 37

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IV

2.3.1.2. La médecine et la mémoire du passé 39

2.3.2. Toutes les histoires d’amour du monde : un exemple

d’autofiction

40

CHAPITRE 3 : Proposition de traduction de Toutes les

histoires d’amour du monde

43

CHAPITRE 4 : Commentaire à la traduction 101

4.1. Observations de type morphologique 101

4.2. Observations de type lexical 107

4.3. Observations de type syntaxique 115

Conclusion 123

Interview à Baptiste Beaulieu : « J’ai découvert la plus belle

histoire d’amour que ce soit »

125

Le langage militaire : un exemple de concordancier 127

Bibliographie 129

Sitographie 131

Riassunto 135

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1

INTRODUCTION

La traduction joue un rôle fondamental dans notre société. Pour s’en rendre

compte, il suffit de penser à ce qu’il ne pourrait jamais se faire sans elle. Pour fournir un

exemple, une personne occidentale qui n’a jamais étudié les langues orientales ne réussi-

rait pas à regarder un film ayant le chinois comme langue originale, sans le doublage ou

les sous-titres. Sans la traduction des modes d’emploi et des interfaces homme/machine,

il serait difficile d’employer correctement un ordinateur, un smartphone ou n’importe

quel appareil électroménager. En effet, la traduction ne concerne pas uniquement la litté-

rature : au contraire, elle contribue à améliorer la vie quotidienne des personnes en ren-

dant nouvelles technologies et innovations accessibles au grand public. En outre, elle fa-

cilite la communication entre les individuels ou les groupes de personnes, ce qui facilite

des échanges culturels ou commerciaux. Elle est, en somme, un long pont qui permet de

s’ouvrir au reste du monde et de faire sa connaissance.

Cependant, une traduction doit être bien faite pour marcher : malheureusement,

ce n’est pas toujours le cas. À ce propos, il est facile de trouver sur Internet des exemples

de mauvaises traductions qui, parfois, frisent le ridicule. Dans l’exemple suivant, pour

rendre en français le mot anglais « mug » le traducteur a choisi, au lieu de « tasse », un

autre sens qui n’avait rien à voir avec l’original :

Figure 1 : Une tasse très dangereuse.

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2

Le même effet se produit dans l’exemple suivant, où le traducteur devait expliquer que le

produit de l’image, une assiette, pouvait être placé dans le four à micro-ondes et lavée

dans le lave-vaisselle. C’est ainsi que l’assiette s’est transformée en coffre-fort :

Figure 2 : Assiette ou coffre-fort ?

On pourrait continuer à l’infini, à cause de la grande quantité d’exemples de ce type, où

la professionnalité de la traduction a manifestement été largement sous-estimée. En tout

cas, ils sont la démonstration du fait que la traduction est une arme à double tranchant :

elle peut valoriser un texte si elle est bien exécutée ou le minimiser si elle a été faite de

manière superficielle.

La traduction a joué un rôle fondamental au cours de notre carrière d’étudiants de

langues étrangères. Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’elle ait été choisie comme

sujet du mémoire de licence de master. Il a été convenu d’opter, par goût, pour une tra-

duction littéraire. L’œuvre à traduire ne devait pas avoir été déjà traduite vers l’italien :

pour éviter ce risque, la solution la meilleure était celle de choisir une œuvre contempo-

raine présentée comme nouveauté sur le site Internet d’e-commerce Amazon, à savoir le

roman Toutes les histoires d’amour du monde de Baptiste Beaulieu, dont il sera question

plus tard dans l’introduction. La consultation de l’ICCU (Istituto Centrale per il Catalogo

Unico)1 confirme l’absence de traduction italienne de ce roman français.

1 https://www.iccu.sbn.it/it/

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3

Quant au mémoire, il sera divisé en quatre chapitres. Le premier sera consacré aux

théories sur la traduction et, en particulier, à celles d’Antoine Berman. Ses deux premières

sections porteront sur la lecture de deux essais de Berman : La traduction et la lettre ou

l’auberge du lointain et L’épreuve de l’étranger. Le premier résume les thématiques trai-

tées par l’auteur au cours d’un séminaire où il critiqua les théories de traduction tradition-

nelles. Dans ce cas, l’étude se concentrera, en particulier, sur les notions de « traduction

ethnocentrique » et de « traduction hypertextuelle » et sur les treize tendances défor-

mantes, identifiées par l’auteur, qui déforment idéalement à travers la traduction le con-

tenu exprimé par le texte original. La section consacrée à cette œuvre terminera par l’ana-

lyse que le même Berman fournit de la traduction de l’Énéide de Virgile effectuée par

Pierre Klossowsky. Cette traduction a été considérée comme significative par Berman

parce qu’elle a été une des premières à remettre en question les théories de traduction

traditionnelles. Quant au deuxième essai, L’épreuve de l’étranger, il consiste en une ana-

lyse comparative des théories de traduction formulées par les auteurs romantiques alle-

mands : la section consacrée s’attardera sur celles de Goethe, A. W. Schlegel et F.

Schleiermacher, sans oublier le manifeste de la traduction qui ouvre l’essai. Enfin, la troi-

sième et dernière section du chapitre sera consacrée entièrement à un traducteur allemand

présent dans les deux œuvres : c’est Friedrich Hölderlin, qui, dans ses traductions, a fait

preuve d’une attention particulière envers l’étranger, évidente dans ses poésies et sa tra-

duction de l’Antigone de Sophocle.

Le deuxième chapitre constituera une approche à la proposition de traduction. En

effet, il sera entièrement consacré à l’auteur du roman, Baptiste Beaulieu, qui a mené de

front les deux métiers de médecin et d’écrivain. Après sa biographie, l’analyse se con-

centrera sur les quatre œuvres que Beaulieu a publiées jusqu’à présent. Une attention par-

ticulière sera consacrée au roman faisant l’objet de la traduction, Toutes les histoires

d’amour du monde. L’analyse de l’œuvre s’arrêtera de manière détaillée sur les théma-

tiques traitées dans le roman et terminera par un approfondissement sur le genre de l’auto-

fiction, auquel Toutes les histoires d’amour du monde appartient. Il faut remarquer que

les renseignements repérés sur l’auteur et ses œuvres proviennent entièrement d’articles

en ligne et blogs, ce qui met en évidence la grande contemporanéité du sujet traité. En

effet, les recherches conduites sur des matériaux bibliographiques de critique littéraire

dans les publications papier n’ont porté aucun fruit.

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4

Le troisième chapitre développe la proposition de traduction : pour faciliter leur

comparaison, le texte original en français et le texte traduit en italien seront présentés en

miroir. Vu la longueur du roman (480 pages), il a été convenu d’en traduire uniquement

les 80 premières, correspondant à la presque totalité de la première partie du roman. La

traduction a été menée principalement avec l’aide de trois dictionnaires en ligne : le bi-

lingue Garzanti et deux monolingues, le Trésor de la Langue Française informatisé pour

le français et le Garzanti informatisé pour l’italien. D’autres dictionnaires sur papier et

en ligne et des sites Internet spécialisés, mentionnés dans la bibliographie et dans la sito-

graphie, ont été utilisés dans des cas particuliers.

Enfin, le quatrième et dernier chapitre contiendra le commentaire à la traduction,

c’est-à-dire l’analyse des changements qui se sont produits dans la traduction par rapport

au texte original. Le chapitre sera divisé en trois sections différentes selon la branche

linguistique impliquée : la première section concernera les modifications de type mor-

phologique, la deuxième, celles de type lexical et la troisième, celles de type syntaxique.

Chaque section contiendra des exemples, tirés du texte original et de sa traduction, à tra-

vers lesquels seront expliquées les raisons pourquoi une certaine variation s’est produite.

L’étude prêtera une attention particulière aux exemples qui se sont révélés les plus diffi-

ciles à traduire et aux cas les plus curieux.

Le mémoire contiendra aussi deux annexes : une interview que Baptiste Beaulieu

a accordée au quotidien français 20 minutes à l’occasion de la sortie dans les librairies de

Toutes les histoires d’amour du monde et un petit concordancier contenant des mots du

texte original appartenant au langage militaire, leurs définitions dans les dictionnaires

monolingues français et leurs équivalents italiens.

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5

CHAPITRE 1

Des théories sur la traduction : les études d’Antoine Berman

Parmi les théoriciens de la traduction, une place importante est occupée par An-

toine Berman. Traducteur, il a également été auteur d’ouvrages sur la traduction des textes

en prose et en poésie et directeur du Centre Jacques-Amyot de traduction et de termino-

logie.

À cette occasion, on prendra en considération deux d’entre ses œuvres plus cé-

lèbres : La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain et L’épreuve de l’étranger.

1.1. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain

Publiée pour la première fois en 1985, cette œuvre constitue le résumé d’un sémi-

naire qui s’est déroulé au Collège International de Philosophie en 1984. Le texte est idéa-

lement divisé en deux parties : dans la première, l’auteur critique les théories tradition-

nelles, selon lesquelles la traduction doit restituer un texte dont le sens est encore plus

beau que l’original. La deuxième partie, au contraire, consiste dans l’analyse de trois

grandes traductions, jugées comme « littérales ».

Parmi les participants au séminaire, il y avait des traducteurs « professionnels » :

ceux-ci soutenaient que traduire littéralement signifiait « traduire mot-à-mot » ou, quand

cela n’était pas possible, comme dans le cas des proverbes, « trouver un équivalent ».

Berman critiqua cette méthode : si, d’un côté, elle rendait le sens du texte original plus

clair et plus proche de la langue traduisante, à savoir la langue vers laquelle on traduisait,

de l’autre, l’étrangeté propre au texte original n’était pas prise en compte dans la langue

traduisante. Le texte original était donc francisé et la langue traduisante n’était pas consi-

dérée comme une « auberge du lointain », d’où le titre de l’œuvre.

De plus, selon A. Berman, la traduction est un travail qui s’effectue en deux

phases. La première est celle de l’« expérience », selon laquelle qui traduit fait l’« expé-

rience des œuvres et de l’être-œuvre, des langues et de l’être-langue » (Berman 1999 :16),

mais aussi « d’elle-même, de son essence » (ivi : 16). La traduction possède donc un sa-

voir inhérent à elle-même. Quand le traducteur a fait l’expérience de ce savoir, il peut

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passer à la deuxième phase, dite de « réflexion ». Elle se fait à travers la traductologie,

qui consiste exactement en la « réflexion de la traduction sur elle-même à partir de sa

nature d’expérience » (ivi : 17). À ces deux aspects, on peut en ajouter un troisième, étroi-

tement lié à la philosophie : il s’agit du fait que la traduction peut être portée, et donc

influencée, par la pensée philosophique. À tel propos, A. Berman cite une réflexion sur

l’argument, écrite par le philosophe allemand Martin Heidegger :

Toute traduction est en elle-même une interprétation. Elle porte dans son être, sans

leur donner voix, tous les fondements, les ouvertures et les niveaux de l’interpréta-

tion qui se sont trouvés à son origine. Et l’interprétation n’est, à son tour, que l’ac-complissement de la traduction qui encore se tait […]. Conformément à leur es-

sence, l’interprétation et la traduction ne sont qu’une et même chose.

Vu qu’elle doit être expérience et traduction, la traductologie se voit comme une pensée

de la traduction et met en évidence ce que cette dernière a en commun avec la philosophie.

Cependant, il ne s’agit pas de la seule fonction qu’elle doit accomplir : en effet, elle doit

aussi réfléchir sur toutes les formes de traduction existantes, comme par exemple les tra-

ductions scientifique, juridique, de la littérature enfantine et ainsi de suite.

En annonçant le parcours à suivre, A. Berman affirme que la traduction est « tra-

duction-de-lettre, du texte en tant qu’il est lettre » (ivi : 25), mais cette affirmation est en

contraste avec le fait que la majorité des traductions tendent à prendre leurs distances de

la lettre : les théories de traduction arrivent même à condamner l’emploi du « mot-à-mot »

et les traductions trop littérales. Selon ces théories, la traduction est caractérisée par trois

traits : culturellement parlant, elle est « ethnocentrique », littérairement parlant, elle est

« hypertextuelle » et philosophiquement parlant, elle est « platonicienne ». Ces traits ca-

chent une dimension éthique, poétique et pensante à laquelle sont liées non seulement la

traduction, mais aussi la lettre. Pour y accéder, il est indispensable, comme l’écrit Ber-

man, de détruire la tradition ethnocentrique, hypertextuelle et platonicienne de la traduc-

tion. Cependant, avant d’effectuer cette destruction, il faut analyser ce qu’il faut détruire :

ce procédé s’appelle « analytique de la traduction » et consiste dans « la critique de l’eth-

nocentrisme, de l’hypertextualisme et du platonisme de la figure traditionnelle de la tra-

duction » (ivi : 26). L’analyse de la traduction étudie les trois traits et observe comment

ces derniers se manifestent dans une traduction. De plus, elle propose une triple dimen-

sion alternative à la traditionnelle, selon laquelle la traduction éthique s’oppose à celle

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ethnocentrique, la traduction poétique s’oppose à l’hypertextuelle et la traduction pen-

sante s’oppose à la platonicienne.

Pour son analyse, A. Berman part de l’« expérience historique du traduire », c’est-

à-dire ces grandes traductions qui ont mis en discussion la dimension traditionnelle en

faveur de l’alternative : en particulier, il examine la traduction du Paradis perdu de John

Milton effectuée par Chateaubriand, la traduction de l’Antigone de Sophocle écrite par

Friedrich Hölderlin et celle de l’Énéide de Virgile effectuée par Pierre Klossowski. L’ana-

lyse de ces deux dernières traductions sera expliquée dans les sections qui suivent.

1.1.1. Traduction ethnocentrique et traduction hypertextuelle

D’après Berman, la plupart des professionnels considèrent la traduction ethnocen-

trique et la traduction hypertextuelle comme les formes normales et « normatives » de la

traduction.

Une traduction est considérée comme « ethnocentrique » si elle renvoie à sa

propre culture, à ses normes et à ses valeurs et inflige une connotation négative à tout ce

qui se trouve en dehors de ceux-ci, appelé par Berman « l’Étranger ». Au contraire, une

traduction « hypertextuelle » est celle qui concerne les textes nés de la transformation

formelle d’un autre texte déjà existant, comme par exemple les imitations ou les parodies.

Ces deux types de traduction sont étroitement liés entre eux : en effet, la traduction eth-

nocentrique est nécessairement hypertextuelle, tandis que la traduction hypertextuelle est

nécessairement ethnocentrique.

La traduction ethnocentrique est une réalité historique née chez les anciens Ro-

mains. Si, au début, les auteurs latins écrivaient en grec, ensuite ils sont passés à la tra-

duction des textes grecs : elle s’effectuait en annexant et en latinisant tous les termes et

les formes grecs, ce qui donnait des exemples de syncrétisme1. Cicéron et Horace furent

les premiers théoriciens de la traduction annexionniste, mais c’est saint Jérôme qui, dès

l’avènement du Christianisme, a diffusé leurs idées à travers sa traduction de la Bible,

appelée Vulgata. Au début la traduction était vue comme un moyen pour construire la

culture romaine à travers l’annexion des formes étrangères. Ensuite, au contraire, elle est

1 Synthèse de deux ou plusieurs traits culturels d'origine différente, donnant lieu à des formes

culturelles nouvelles.

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devenue un instrument pour diffuser la parole de Dieu : grâce à la traduction de la Bible,

le monde entier pourrait la connaitre.

La traduction ethnocentrique se fonde sur deux principes, selon lesquels le sens

du texte original doit être adapté à la langue vers laquelle il est traduit. Le premier principe

affirme qu’« on doit traduire l’œuvre étrangère de façon que l’on ne “sente” pas la tra-

duction » (ivi : 35) : sur cette base, la traduction ne doit présenter aucune trace de la

langue d’origine, elle doit être écrite dans une langue normative et elle ne doit pas pré-

senter des anomalies lexicales ou syntaxiques. Le deuxième principe, qui est une directe

conséquence du premier, dit qu’« on doit traduire l’œuvre étrangère de façon à donner

l’impression que c’est ce que l’auteur aurait écrit s’il avait écrit dans la langue tradui-

sante » (ibidem). Quand un traducteur italien, par exemple, doit traduire une œuvre écrite

en français, il doit le faire comme s’il avait dû écrire cette œuvre en italien : si l’original

a produit un certain effet sur le lecteur français, la traduction devra le produire aussi sur

le lecteur italien. Par conséquent, la traduction doit faire recours à des procédés litté-

raires : c’est à ce point qu’elle devient hypertextuelle.

Une relation hypertextuelle s’instaure quand un texte est relié à un autre texte qui

lui est antérieur. L’imitation, la parodie et le pastiche sont des exemples d’hypertextua-

lité : ils consistent à sélectionner un certain nombre de traits stylistiques d’une œuvre et,

ensuite, à composer un texte qui reprenne ces traits, de façon qu’il semble avoir été écrit

par le même auteur. La traduction aussi doit reprendre les traits stylistiques d’une œuvre

mais, contrairement aux typologies textuelles citées, elle se limite à reproduire un texte

déjà existant.

Comme on l’a vu, la traduction ethnocentrique doit faire recours à des opérations

hypertextuelles : ce phénomène est évident dans les « belles infidèles », c’est-à-dire des

traductions remontant au classicisme français qui sont, à part entière, des transpositions

libres. En effet, à cette époque-là, le français était considéré comme la langue de la com-

munication, de la représentation et de la création littéraire par excellence : pour cette rai-

son, il ne tolérait pas la présence d’éléments linguistiques vernaculaires ou populaires.

Un exemple de ce phénomène repose dans la « traduction » effectuée par Voltaire d’un

célèbre vers d’Hamlet de William Shakespeare, « to be or not to be, that is the question » :

Demeure, il faut choisir, et passer à l’instant

De la vie à la mort et de l’être au néant.

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Toute traduction doit comporter un processus de transformation hypertextuelle, mais il

faut comprendre quelle place occupe-t-elle dans l’espace littéraire. Berman cherche à

l’expliquer avec l’exemple des « traductions poétiques », lorsque des poètes modernes,

comme par exemple Baudelaire ou Mallarmé, traduisent en toute liberté des poésies

écrites par d’autres auteurs, en employant les « lois du dialogue entre poètes » (ivi : 38)

comme justification de leur travail. Par conséquent, les textes qu’ils ont produits ne sont

pas de véritables traductions, mais plutôt des « recréations » libres et hypertextuelles. Un

autre aspect est lié à la poésie : celui de l’« intraduisibilité ». Comme l’affirme Berman,

la poésie est, par tradition, intraduisible en raison du rapport étroit entre « son » et sens

qu’elle instaure, et qui la rend vraie et authentique. Donc, l’intraduisibilité est vue comme

une valeur permettant à la poésie de s’auto-affirmer.

Berman conclut ses observations par une réflexion. Les textes hypertextuels sont

souvent vus comme viles copies, médiocres ou « de seconde main » : par conséquent,

étant elle aussi liée à l’hypertextualité, la traduction est considérée à son tour comme une

activité honteuse, ce qui pousse les traducteurs à s’excuser en avance auprès des lecteurs

en cas de fautes ou d’imperfections.

1.1.2. L’analytique de la traduction : les tendances déformantes

À travers l’analytique de la traduction, Berman examine les façons dont un texte

est déformé par sa traduction. Son analyse concerne non seulement les parties du système

de déformation, mais aussi les forces et les tendances qui « dévient la traduction de sa

pure visée. L’analytique se propose de mettre ces forces à jour et de montrer les points

sur lesquels elles s’exercent » (ivi : 49). Contrairement à ce qu’on pense, elles concernent

tout type de traduction, pas seulement l’ethnocentrique et l’hypertextuelle, parce qu’elles

déterminent « a priori » le désir de traduire du traducteur. Le travail de Berman est censé

« détruire » symboliquement ces forces et concerne celles qui s’exercent dans la prose

littéraire, un domaine de traduction dont il a fait l’expérience et qui, en général, a été

négligé. Selon l’expert, la prose littéraire se caractérise par le fait qu’elle enferme en soi-

même toutes les « langues » qui coexistent dans une certaine langue. Elle produit, au ni-

veau formel, une condition d’« informité » : bien qu’elle fasse en sorte que la prose soit

jugée négativement par rapport à la « belle écriture » de la poésie, c’est aussi l’aspect qui

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la rend riche. De plus, vu que la prose est considérée comme inférieure à la poésie, les

déformations produites par la traduction sont mieux tolérées, même si elles sont plus dif-

ficiles à remarquer.

Selon Berman, treize différentes tendances déformantes visent à détruire la lettre

des textes originaux :

La rationalisation. Ce procédé concerne les structures syntaxiques et la ponctuation

du texte original et consiste à recomposer des phrases et des séquences de phrases et

à « les arranger selon une certaine idée de l’ordre d’un discours » (ivi : 53). Un autre

exemple de rationalisation se trouve dans la traduction des verbes par des substantifs.

De cette façon, le texte traduit prend une structure plus linéaire que l’original, mais

par contre, le traducteur détruit la condition d’« imperfection » typique de la prose et

le texte perd toute trace de concrétude.

La clarification. Elle concerne la « clarté sensible des mots ou leur sens » (ivi : 54).

D’un côté, cette tendance rend explicite et défini ce qui était celé et indéfini dans le

texte original, mais de l’autre elle rend clair ce qu’il ne devait pas l’être.

L’allongement. En général, toute traduction est plus longue que le texte original, mais

souvent l’allongement n’ajoute rien au texte traduit : au contraire, il peut l’appauvrir

ou affecter la rythmique de l’œuvre. Berman cite, à tel propos, deux mauvaises tra-

ductions effectuées par Armel Guerne : celle du Moby Dick d’Herman Melville, qui

rend les exploits du capitaine Achab titanesques, et celle des Fragments de Novalis,

des poésies brèves qui se sont « aplaties » avec l’allongement.

L’ennoblissement. C’est le procédé qui vise à rendre la traduction même plus belle

que l’original du point de vue formel. Il s’agit de la dite « rhétorisation », qui consiste

à produire des phrases « élégantes » à partir du texte original. Ce procédé, qui est tout-

à-fait une réécriture, finit par banaliser les éléments rhétoriques et par leur donner une

place excessive : par conséquent, la prose perd sa richesse orale et sa dimension in-

formelle. Inversement, on obtient le même effet en employant des mots argotiques ou

propres du langage oral pour vulgariser le texte quand ce ne serait pas nécessaire.

L’appauvrissement qualitatif. Ce procédé consiste à remplacer des mots ou des ex-

pressions présents dans le texte original par des mots ou des expressions sans richesse

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11

sonore, signifiante ou iconique : cette dernière « produit une conscience de ressem-

blance » (ivi : 58). S’il est appliqué à la totalité de l’œuvre, il risque de détruire sa

signifiance.

L’appauvrissement quantitatif. Cette tendance porte sur le lexique et consiste dans le

fait qu’un texte en prose ayant plusieurs signifiants tend à en perdre lorsqu’il est tra-

duit vers une autre langue, par exemple en traduisant les trois mots espagnols « sem-

blante », « rostro » y « cara » par un mot identique pour les trois, « visages ». L’ap-

pauvrissement quantitatif est lié à l’allongement, parce que ce dernier fait ajouter à la

traduction des signifiants explicatifs qui ont une fonction uniquement ornementale.

L’homogénéisation unifie le tissu hétérogène du texte original sur tous les plans. C’est

une synthèse des tendances précédentes.

La destruction des rythmes. La déformation peut affecter la rythmique d’un texte, par

exemple dans sa ponctuation : Berman cite l’exemple d’un texte de Faulkner qui pré-

sentait quatre signes de ponctuation dans le texte original et vingt-deux dans sa tra-

duction en français.

La destruction des réseaux signifiants sous-jacents. Toute œuvre possède un « texte

sous-jacent », ou « sous-texte » : il s’agit d’un ensemble de réseaux formé sous la

« surface » du texte par des « signifiants clefs », qui restent donc cachés. Berman

prend par exemple le roman de l’écrivain argentin Roberto Arlt Les Sept Fous : le

texte original présente des augmentatifs (ex : « portalón », « jaulón », « gigantón »),

qui sont employés pour créer une ambiance effrayante et cauchemaresque. Cependant,

ils ont étés traduits en français par leur forme primitive (« portail », « cage »,

« géant »), ce qui a fait perdre l’effet voulu par l’auteur.

La destruction des systématismes. Un systématisme est, à dans un texte, un groupe de

signifiants majeurs : l’emploi d’un certain temps verbal ou d’un certain type de su-

bordonnée est un exemple de systématisme. Un systématisme est détruit quand le tra-

ducteur y introduit des éléments qu’il excluait auparavant, par exemple avec l’allon-

gement. Par conséquent, le texte traduit paraitra incohérent par rapport à l’original.

La destruction ou l’exotisation des réseaux langagiers vernaculaires. La prose inclut

par nécessité des éléments vernaculaires à cause de sa visée polylingue et de concré-

tude, vu que la langue vernaculaire est considérée comme plus iconique que la langue

cultivée. En plus, la prose a pour objectif « la reprise de l’oralité vernaculaire » (ivi :

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64) : pour ces raisons, effacer les éléments vernaculaires d’une œuvre en prose équi-

vaut à l’endommager. Cependant, il est possible de les conserver à travers la soi-disant

« exotisation » : cela se produit avec des procédés typographiques, comme par

exemple l’écriture en italique, ou la traduction de l’élément avec un équivalent local

(ex. : le mot « lunfardo », qui indique un jargon argentin, est traduit en français par

« argot »).

La destruction des locutions. Cette tendance consiste à traduire des locutions figées

ou des proverbes propres à une certaine langue littéralement ou avec des expressions

équivalentes, ce qui signale de l’ethnocentrisme.

L’effacement des superpositions de langues. Dans une œuvre en prose, il peut exister

deux types de superposition de langues : la coexistence des dialectes avec une langue

cultivée ou la présence de plusieurs langues cultivées. Celui qui traduit cette œuvre

doit faire en sorte que cette superposition soit préservée.

Toutes ces tendances représentent la dite « lettre », à savoir « les dimensions auxquelles

s’attaque le système de déformation » (ivi : 67). Ce système définit une « figure tradition-

nelle du traduire » (ibidem) critiquée par les théories de la traduction.

1.1.3. Analyse d’une grande traduction : l’Énéide de Pierre Klossowski

L’attention se porte maintenant sur l’analyse, faite par Berman, d’une « grande

traduction », c’est-à-dire une traduction qui a mis en question les théories de traduction

traditionnelles : il s’agit de la traduction de l’Énéide de Virgile effectuée par Pierre Klos-

sowski.

Publiée en 1964, cette traduction provoque des réactions contrastantes : si certains

philologues la jugent négativement, d’autres la voient comme quelque chose qui va mar-

quer l’histoire de la traduction française. Son auteur, Pierre Klossowski, était non seule-

ment traducteur, mais aussi écrivain et essayiste, ce qui a beaucoup influencé son travail.

Précédemment, il avait traduit, entre autres, Rilke, Nietzsche, Kafka, Heidegger et Höl-

derlin, dont il sera question dans la dernière section de ce chapitre. Sa décision de traduire

l’Énéide va de pair avec la tendance, très répandue au XXe siècle, de retraduire des œuvres

classiques, comme les Bucoliques ou les Géorgiques du même Virgile ou l’Odyssée

d’Homère. Ces retraductions était vues comme le moyen par lequel la littérature moderne

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pouvait retourner à ses origines épiques et mythiques : il s’agit donc d’un mouvement

historique dans lequel le lecteur moderne pouvait accéder aux œuvres qui ont construit sa

façon de penser et d’exister.

Or, il est nécessaire de faire un pas en arrière pour expliquer l’origine de ce mou-

vement. Les retraductions constituent une « mémoire rapatriante » pour le fait qu’elles

ont toujours été effectuées librement, mais, au XIXe siècle, on a assisté à un double ef-

fondrement de la tradition imitative, provoqué par la rupture de la littérature avec une

tradition qui fournissait une origine et des modèles et, surtout, par une emprise philolo-

gique, c’est-à-dire le fait que la philologie a pris le contrôle de l’accès aux textes de la

tradition. La traduction des textes classiques est devenue, par conséquent, une tâche des

philologues parce qu’ils étaient les seuls qui pouvaient, grâce à leur formation, fournir

une version fiable de ces textes. Cependant, ces traductions étaient illisibles à cause de

leur caractère trop érudit : c’est ainsi qu’au XXe siècle, le mouvement de retraduction se

donne pour objectif de rendre ces œuvres accessibles à tous.

Pour ce qui concerne la traduction de P. Klossowski, il existe deux problèmes liés

aux caractéristiques structurelles de l’Énéide. Le premier concerne la langue latine, qui

s’oppose syntaxiquement à la langue française par le fait que les mots peuvent suivre un

ordre libre dans la phrase. Il est impossible de maintenir cet ordre en français, mais par

ailleurs il ne faut néanmoins pas l’exclure complètement. Le deuxième problème est celui

du « dire épique » : étant strictement lié à l’ordre libre des mots latins, il est en fait im-

possible à reproduire dans la langue française, où l’ordre des mots n’est pas libre parce

qu’il doit obéir à des règles syntaxiques précises. Klossowski explique lui-même, dans la

préface de son œuvre, comment résoudre ces problèmes :

C’est pourquoi nous avons voulu, avant toute autre chose, nous astreindre à la tex-

ture de l’original ; suggérer le jeu des mots virgilien.

Donc, les jeux de mots latins ne sont pas copiés, mais évoqués. Klossowski prend par

exemple la traduction des vers qui suivent :

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram Ils allaient obscurs sous la désolée nuit à travers

l’ombre,

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perque domos Ditis uacuas et inania regna. À travers les demeures de Dis vaines et les

royaumes d’inanité.

Il est évident qu’ils n’ont pas été traduits littéralement : « sola sub nocte » est devenu

« sous la désolée nuit » et le mot « sola », qui signifie « déserte, solitaire », a été traduit

par « désolée ». Le « que » qui relie les deux vers disparait, « uacuas » (« vides », en latin)

est traduit par « vaines » et l’adjectif « inania » est rendu par un substantif, « inanité ».

Un autre exemple est dans le début de l’Énéide :

Arma uirumque cano, Troiae

qui primus ab oris

Les armes je célèbre et

l’homme qui le premier des

Troyennes rives

Italiam fato profugus

Lauiniaque venit

en Italie, par la fatalité fugitif,

est venu au Lavinien

litora…

littoral…

Cette traduction donne l’impression d’être littérale. Il est évident que le traducteur a pro-

duit une latinisation du français, mais sans faire un calque. Le talent de Klossowski réside

exactement dans le fait qu’il sait reproduire la syntaxe latine dans la langue française sans

la copier telle quelle. Comme l’écrit Berman :

Ce qui est traduit, c’est le système global des inversions, rejets, déplacements, et

non leur distribution factuelle tout au long des vers.

Ce que la traduction fait, c’est d’aller chercher dans la langue française les points où la

langue latine peut s’insérer sans trop l’endommager.

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Dans d’autres cas, le respect de la syntaxe latine permet de restituer des traits du

dire épique, comme par exemple l’apparition du divin :

Et uera incessus patuit dea. Et véritable, par sa démarche, se révèle la déesse.

L’inversion sujet/verbe renforce la dimension épique de l’événement, ce qui ne se passe

pas, par exemple, dans la traduction philologique de l’Énéide effectuée par J. Perret :

Vraie déesse, à sa démarche elle apparut.

La traduction de P. Klossowski n’a pas été exempte des critiques. Certains philo-

logues l’ont accusée d’être un « fatras de latinismes assaisonné d’imitations » (ivi : 139),

d’autres l’ont jugée illisible. En tout cas, elle a eu deux conséquences. La première, c’est

le fait que l’Énéide est redevenue accessible au grand public : comme la déesse du vers

cité, elle a fait sa réapparition. La deuxième, et plus importante, c’est le fait que, avec

cette traduction, la langue française a reparcouru, une à une, toutes les étapes de son his-

toire : en effet, la latinisation fait évoquer les textes des grands auteurs français, des poètes

du XVIe siècle aux tragédies de Corneille et Racine. C’est là, comme Berman l’écrit,

l’objectif de P. Klossowski : « redonner à la langue la mémoire de son histoire jusqu’à

son origine, l’ouvrir à un avenir de possibilités insoupçonnées » (ivi : 137).

1.2. L’épreuve de l’étranger

Publié en 1984, L’épreuve de l’étranger est un essai où Berman examine les théo-

ries de traductions des Romantiques allemands et les compare avec les contemporaines.

Dans l’introduction de l’essai, Berman explique que les Romantiques allemands

ont produit, au cours du XIXe siècle, de grandes traductions qui renvoient toutes à une

autre traduction : celle de la Bible, effectuée au XVIe siècle par Luther. À travers cette

traduction, l’acte de traduire est devenu une partie intégrante de la culture allemande,

qu’il a contribué à construire, et il a permis à la langue allemande de s’auto-affirmer. Les

traductions des Romantiques allemands répondent au besoin de l’époque d’enrichir son

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répertoire poétique et théâtral : la traduction s’intègre donc à la littérature et lui fait assu-

mer un caractère universel.

Cependant, avant de concentrer l’attention sur les théories romantiques, il faut se

pencher sur la préface de l’œuvre, qui, comme son titre le suggère, est un véritable mani-

feste de la traduction.

1.2.1. La traduction au manifeste

Comme l’observe Berman, la traduction est une activité controverse : en effet, si,

d’un côté, cette pratique intuitive n’exige aucune théorie, de l’autre, il est vrai que beau-

coup d’écrits lui ont été consacrés. Pendant longtemps, les experts du secteur ont essayé

de définir les « problèmes » de la traduction et ils sont parvenus à trois conclusions. Pre-

mièrement, la traduction était considérée comme une activité « cachée », dans le sens

qu’elle ne s’énonçait pas par elle-même. La deuxième, c’est le fait qu’elle est restée « im-

pensée » parce que ceux qui en traitaient l’assimilaient souvent à autre chose, comme par

exemple à une sous-littérature. Enfin, les analyses sur la traduction comportaient néces-

sairement des « points aveugles » ou non-pertinents. La traduction a donc eu besoin de

s’affirmer comme une pratique autonome. De plus, elle s’est toujours trouvée dans une

condition « ancillaire », liée aux concepts de « fidélité » et « trahison ». Comme l’ex-

plique Berman, la condition ancillaire consiste dans le fait que la traduction doit servir

symboliquement et en même temps deux maitres : la langue étrangère et le lecteur. Si le

traducteur décide de servir seulement la langue étrangère, en l’imposant à son propre es-

pace culturel, il risque d’apparaitre comme un traitre aux yeux des siens ; si cette dernière

circonstance ne se produit pas, il est possible que l’autre culture se sente privée d’une

œuvre qu’elle sentait comme sienne. Au contraire, si le traducteur ne sert que le lecteur,

avec le soi-disant précepte d’« amener l’auteur au lecteur », « il aura (…) trahi l’œuvre

étrangère et (…) l’essence même du traduire » (Berman 1984 : 15). Enfin, il faut dire que

toute culture tend à résister à la traduction : d’une part, cette dernière se plie à cette in-

jonction et elle donne les traductions ethnocentriques, dont on a déjà parlé. De l’autre,

elle s’y oppose par nature à cause de sa « visée éthique » : en effet, l’essence de la tra-

duction réside dans le fait qu’elle s’ouvre et dialogue avec l’étranger.

Selon Berman, on peut réfléchir sur la traduction sur la base de trois axes. Le

premier est celui de son histoire : à tel propos, la traduction serait née vers la fin du Moyen

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Âge et pendant la Renaissance. À ces deux époques, les poètes avaient l’habitude d’écrire

leurs vers en plusieurs langues et parfois, ils en arrivaient même à s’auto-traduire. Par

conséquent, leur écriture tendait à être multilingue et souvent certains genres poétiques

étaient associés à une langue en particulier : l’italien, par exemple, était considéré comme

la langue de l’amour par excellence.

Ensuite, le deuxième axe est celui de l’éthique de la traduction, qui consiste « à

dégager, à affirmer et à défendre la pure visée de la traduction en tant que telle » (ivi :

17) : en termes simples, elle définit le concept de « fidélité ». C’est elle qui donne un sens

à ce qu’on écrit et le transmet par la traduction. Cependant, cette éthique « positive »

suppose à son tour une éthique « négative », à savoir la théorie des valeurs idéologiques

et littéraires qui détournent la traduction de sa visée. De plus, elle suppose aussi les « mau-

vaises traductions », c’est-à-dire les traductions ethnocentriques, qui nient systématique-

ment l’étrangeté des œuvres étrangères.

Enfin, le troisième et dernier axe concerne l’analytique de la traduction, qui com-

plète son éthique négative. Comme l’observe Berman, elle produit, au niveau linguistique

et littéraire, une « systématique de la déformation » (ivi : 18), face à laquelle le traducteur

assume une position ambivalente : d’une part, il veut forcer sa langue à se remplir de mots

étrangers, de l’autre il veut forcer l’autre langue à s’insérer dans sa langue maternelle. Il

doit se consacrer à la soi-disant « psychanalyse de la traduction », dans le sens qu’il doit

repérer les systèmes de déformation qui peuvent affecter son activité et opèrent incons-

ciemment au moment de faire des choix linguistiques ou littéraires. Ces systèmes relè-

vent, en même temps, des registres linguistiques, de l’idéologie, de la littérature et du

psychisme du traducteur.

En tout cas, la traduction a un caractère « approximatif » parce que chaque traduc-

tion gagne et perd toujours quelque chose. De plus, elle montre un côté original du texte,

qui était caché dans la langue de départ : de cette manière, l’œuvre se voit comme « ré-

générée » sur le plan culturel et social, mais aussi dans sa « parlance » propre. Berman

explique pourquoi :

En re-produisant le système-de-l’œuvre dans sa langue, la traduction fait basculer

celle-ci, et c’est là (…) un gain, une « potentialisation ». (…) Dans la langue d’arri-

vée, la traduction éveille des possibilités encore latentes et qu’elle seule (…) a le

pouvoir d’éveiller.

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Outre la visée éthique, il en existe une autre de type métaphysique, liée à la pulsion

et au désir de traduire. Cette visée consiste dans le fait d’aller chercher le « “ pur langage ”

que toute langue porte en elle » (ivi : 21), celui qui se trouve au-delà des langues mater-

nelles, et pousse les traducteurs à vouloir tout traduire et devenir donc des polytraduc-

teurs. Les Romantiques allemands sont les traducteurs qui ont le plus purement incarné

cette visée : pour eux, c’est une occasion pour faire des expériences linguistiques et jouer

avec la langue allemande, généralement jugée comme raide. La polytraduction comporte

des conséquences : en effet, elle finit par dénaturer la langue maternelle et produit des

hiérarchies entre les langues, parce que les langues étrangères sont vues comme supé-

rieures à la langue maternelle. C’est pour cette raison qu’il faut établir un rapport dialo-

gique entre langue étrangère et langue maternelle.

En résumé, histoire, éthique et analytique sont les trois axes qui peuvent définir la

réflexion moderne sur la traduction. Cependant, il est possible d’ajouter un quatrième axe,

celui de la transtextualité. Pour l’expliquer, Berman prend par exemple le Don Quichotte :

bien qu’il soit considéré comme le plus grand roman espagnol, il s’agit en réalité de la

traduction d’un manuscrit en arabe. C’est une démonstration du fait que le lien entre lit-

térature et traduction est très fort.

1.2.2. Les théories sur la traduction des Romantiques allemands

Avant d’analyser les théories romantiques, Berman se penche sur la traduction de

la Bible effectuée par Martin Luther de 1521 à 1534 afin de rendre l’œuvre accessible au

peuple allemand. Pour ce faire, Luther choisit de traduire en employant une variante lo-

cale de l’allemand, qui est donc transformée en variante « standard », mais en conservant

les modes d’expression des parlers populaires. De cette manière, ce qui était au départ

une langue orale devient la forme de base de l’allemand écrit. Le latin, en tant que langue

écrite par excellence, est écarté, même si Luther travaille à partir de la Vulgata. Le texte

sacré par excellence est donc germanisé : historiquement, cette germanisation se produit

à une époque où l’Allemagne veut changer le rapport avec les textes sacrés et affirmer sa

propre religion nationale, en contraste avec le Catholicisme. Il nait ainsi un mouvement

qui trouve sa force exactement dans la Bible de Luther et provoque une césure religieuse,

mais aussi littéraire, parce que l’Allemagne voit la naissance et la formation de l’allemand

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littéraire. De plus, en Allemagne, l’idée que la traduction est « création, transmission et

élargissement de la langue, fondation (…) d’un espace linguistique propre » (ivi : 49)

commence à se répandre. La traduction de Luther peut donc se considérer comme « his-

torique » parce qu’elle a marqué une époque en tant que traduction : toutes les traductions

effectuées ensuite la prendront comme référence et elle répandra l’idée que la traduction

peut contribuer à former et à développer sa propre culture nationale.

L’introduction concernant Luther terminée, il faut passer aux Romantiques alle-

mands. À cette occasion, on s’attardera sur trois des auteurs examinés par Berman :

Goethe, Schlegel et Schleiermacher.

1.2.2.1. Goethe : traduction et littérature mondiale

Goethe a traduit Diderot, Voltaire, Racine et Corneille et a inséré des fragments

de traductions dans deux de ses œuvres les plus célèbres, Les Souffrances du jeune Wer-

ther et Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister.

La réflexion de Goethe se penche sur le concept de « littérature mondiale », selon

lequel la traduction est vue comme un biais par lequel elle illustre et produit des échanges

interculturels et internationaux grâce auxquels les individus, les peuples et les nations

construisent leur propre identité et leurs rapports avec l’étranger. La littérature mondiale

est donc l’ensemble des œuvres qui ont atteint un statut universel et sont devenues le

patrimoine de l’humanité « cultivée » : elle comprend toutes les littératures nationales,

qui agissent les unes sur les autres, et les contemporaines, qui coexistent et se rencontrent

dans un seul espace. La traduction est importante parce qu’elle permet l’accès à cet es-

pace : par conséquent, toutes les langues doivent apprendre à en faire l’expérience et à

être à leur tour des langues-de-traduction. La traduction fait donc partie de la littérature

d’une nation.

Selon Goethe, la traduction est marquée par trois étapes, chacune associée à un

mode de traduction précis. La première est celle de la traduction en prose, qui sert à faire

connaitre l’étranger. La deuxième, c’est la traduction « parodistique », qui s’approprie de

l’étranger et elle l’adapte à notre façon de parler et penser. Enfin, la troisième, la dernière

et la plus importante, est celle de la traduction « superbe », qui veut rendre la traduction

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identique au texte original. Elle est ainsi appelée parce qu’elle constitue une « ultime pos-

sibilité du traduire » (ivi : 97) et la transmission de l’étranger au familier s’achève avec

elle. C’est le mode qui, selon Goethe, rencontre le plus de résistances parce qu’il pousse

le traducteur à renoncer à l’originalité de sa propre langue : cependant, la traduction étant

identique à l’original, il en facilite la compréhension. En tout cas, ces trois modes peuvent

coexister et être employés en même temps.

Enfin, pour expliquer le rapport avec l’étranger, Goethe repère quatre époques de

la formation sociale :

Époque idyllique. Cette première époque voit la formation, dans une masse

d’individus, de certains cercles d’hommes cultivés, qui entretiennent des

rapports intimes et sont liés à leur propre langue maternelle.

Époque sociale ou civique. À un certain point, les cercles commencent à

s’accroitre et à se rapprocher, même s’ils restent encore séparés.

Époque la plus générale. Les cercles continuent à s’agrandir et finissent

par entrer en contact.

Époque universelle. Tous les cercles fusionnent en un seul grand cercle et

sont mis à l’égalité.

Ce qu’on vient de décrire, c’est le processus qui a amené à la création de la littérature

mondiale : il est suffisant de remplacer les cercles par les nations. Enfin, pour expliquer

le rapport avec l’étranger, Goethe utilise la soi-disant « loi de l’opposition », selon la-

quelle l’homme doit rencontrer et accueillir en lui ce qui s’oppose à sa nature : c’est le

cas, par exemple, du rencontre entre culture française et culture allemande du XIXe siècle,

qui a profité à toutes les deux. Le rapport avec l’étranger est contemporain et il se fonde

sur la culture grecque, qui est considérée comme « l’expression immédiate de la Nature »

(ivi : 102) pour le fait qu’elle représentait l’homme dans son harmonie : pour cette raison,

toutes les autres cultures y font référence.

1.2.2.2. A. W. Schlegel : la volonté de tout traduire

A. W. Schlegel a été non seulement traducteur, mais aussi philologue et critique :

on dit qu’il représente « l’unité des trois figures » (ivi : 208), vu que, quand il traduit, il

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se laisse guider dans ses choix par la philologie et la critique. La théorie de la traduction

proposée par lui est surtout une théorie du langage poétique.

L’histoire de cette théorie commence en 1796, quand le maître de Schlegel,

Bürger, lui suggère de faire une traduction « poétique » de William Shakespeare. Schlegel

accepte, mais la traduction devra être non seulement poétique, mais aussi fidèle : cela

signifie qu’il traduira en respectant le texte anglais, sans le modifier, mais en même temps,

il en devra restituer sa métrique. C’est ainsi qu’il élabore la théorie selon laquelle toute

langue est « transformable sans mesure » (ivi : 212) et toutes les « formes » produites par

le travail poétique peuvent se transférer d’une langue à l’autre : donc, si la poésie produit

des formes, la traduction s’occupe de les reproduire et contribue à faire devenir le langage

« œuvre et forme ». C’est une théorie en contraste avec la traditionnelle de l’intraduisibi-

lité de la poésie, dont il a été question plus haut : en effet, même si la traduction a des

limites, il n’existe rien qu’il soit complètement intraduisible. Au contraire, comme dit-

Berman, « plus le texte à traduire est poétique, plus il est théoriquement traduisible et

digne d’être traduit » (ivi : 213). Quand il travaille sur un texte poétique, le traducteur fait

recours à des formes métriques étrangères, considérées comme « universels poétiques »,

qu’il introduit dans sa langue maternelle pour l’élargir poétiquement : l’allemand, par

exemple, étant une langue raide, doit faire recours au système métrique de l’italien. Toute

traduction est donc une « polytraduction ».

La conséquence de cette théorie, c’est le fait que si toute poésie est traduisible,

alors on peut tout traduire. Le traducteur romantique allemand ne connait aucune limite à

son désir de vouloir tout traduire, qui est aussi la tâche essentielle de tout traducteur. Par

conséquent, il est possible de parler d’ « omnitraduction » : tout traduire signifie traduire

des œuvres, passées ou étrangères, qui produiront la littérature à venir.

Pour terminer, il est possible de comparer le désir romantique de tout traduire avec

la passion pour la polytraduction de certains traducteurs modernes : Berman cite

l’exemple du traducteur Armand Robin, qui traduit non seulement en français, mais aussi

dans sa langue maternelle, à savoir le fissel, un dialecte breton.

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1.2.2.3. F. Schleiermacher : la traduction dans l’espace herméneutico-linguistique

Pour aborder le domaine de la traduction dans l’espace herméneutico-linguistique,

Berman analyse les théories de deux Romantiques allemands : Schleiermacher et Hum-

boldt. À cette occasion, l’accent sera mis sur le premier.

Schleiermacher est considéré comme le fondateur de l’herméneutique moderne,

également connue sous le nom d’« herméneutique de la compréhension » : celle-ci rompt

avec l’herméneutique traditionnelle, qui visait à établir des règles pour interpréter les

textes sacrés, et se constitue comme une théorie de la dite « compréhension intersubjec-

tive », c’est-à-dire « des processus de “lecture” qui se donnent au niveau de la communi-

cation de sujets-consciences » (ivi : 227). La compréhension d’un texte se voit donc

comme produit expressif d’un sujet et phénomène de langage objectif. En effet, le langage

est son espace principal d’opération et aussi la dimension dans laquelle l’homme est à la

fois libre et assujetti : si, d’une part, il est soumis à la langue qu’il parle, de l’autre, il

forme de son côté la langue. Le langage n’est plus vu comme un instrument, mais comme

un milieu où l’homme se construit, prend conscience de soi-même et entre en relation

avec les autres.

Par conséquent, la traduction est intégrée dans un nouvel espace de jeu : celui du

langage naturel, où l’homme peut entretenir tout rapport entre sa langue maternelle et les

autres langues. Ainsi, en 1823, Schleiermacher tient une conférence « sur les différentes

méthodes de traduction ». Il explique que, lors de la traduction, il faut adopter une ap-

proche méthodique parce qu’on doit déduire les possibles méthodes de traduction, mais

aussi systématique parce qu’il faut exclure progressivement ce qui n’est pas acte de tra-

duire. Une fois l’exclusion terminée, il faut examiner les traductions existantes et élaborer

une méthodologie de traduction.

Enfin, en parlant de traduction, Schleiermacher établie trois distinctions. La pre-

mière est celle entre traduction généralisée et traduction restreinte : la traduction généra-

lisée consiste dans le fait que toute communication est un acte de traduction et de com-

préhension, tandis que la traduction restreinte est inter-langues et ne concerne pas tous

les actes de communication. La deuxième distinction oppose interprétation et traduction.

L’interprétation concerne la « vie des affaires », elle est orale et son contenu est objectif :

son langage est très simple parce qu’elle sert uniquement à désigner. La traduction, au

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contraire, est liée à la « science » et à l’« art », c’est-à-dire à la philosophie et à la littéra-

ture. Elle est écrite et subjective parce que, grâce à elle, le traducteur s’exprime lui-même

et entretient une relation d’intimité avec sa langue maternelle.

Enfin, la troisième distinction concerne deux pratiques ayant le but de résoudre

les problèmes et les difficultés liés à la traduction : il s’agit de la paraphrase, qui fait

percevoir au lecteur l’étrangeté de l’auteur du texte original, et de la recréation, où l’au-

teur met de côté son étrangeté et se rend familier au lecteur. Ces deux méthodes concer-

nent, respectivement, la traduction non-ethnocentrique et la traduction ethnocentrique,

que Schleiermacher appelle « inauthentique » parce que, devant adapter le texte au lec-

teur, elle nie le rapport qui lie l’auteur à sa langue maternelle et l’idée même de langue

maternelle. Une langue où l’on fait recours à la tradition ethnocentrique ne s’est pas en-

core auto-affirmée : de plus, elle ne peut ni accueillir les autres langues, dans leur diffé-

rence, en son sein, ni se poser comme une langue cultivée. À tel propos, Schleiermacher

analyse les rapports que les cultures entretiennent avec la langue maternelle : la langue

française classique, par exemple, se voit comme prisonnière des canons et privilégie des

traductions ethnocentriques qui sont tout à fait des adaptations. Au contraire, l’allemand

classique et romantique est une langue vue comme « ouverte », « libre » et auto-affirmée,

qui produit des œuvres propres et privilégie les traductions non-ethnocentriques. Pour

terminer, Schleiermacher affirme que la traduction non-ethnocentrique, et donc authen-

tique, doit être un processus massif, systématique et, surtout, pluriel parce qu’elle con-

cerne plusieurs langues et littératures et parce qu’il est possible d’effectuer plusieurs tra-

ductions d’une même œuvre. La traduction massive contribue à construire un champ de

la traduction dans l’espace linguistique et littéraire.

Les trois auteurs romantiques ont été tous examinés : cependant, il faut en ajouter

un quatrième, Friedrich Hölderlin. Vu que Berman en parle dans les deux textes analysés,

il a été convenu de lui consacrer un sous-chapitre à part.

1.3. Hölderlin et le rapport avec l’Étranger

Au cours de sa vie, Hölderlin a été atteint de schizophrénie : pour cette raison, ses

traductions, qui ont été sa dernière production avant de la maladie, ont été longtemps

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considérées comme « l’œuvre d’un fou » et seulement au XXe siècle, leur importance

dans l’histoire de la traduction a été reconnue.

Les traductions de Hölderlin sont liées au rapport avec l’étranger : c’est lui-même

qui les appelle « l’épreuve de l’étranger ». Même si elles ont été écrites en allemand, elles

présentent aussi des éléments linguistiques propres aux langues des textes originaux (et

en particulier le grec), au souabe (son dialecte maternel) et à l’allemand ancien, comme

par exemple les mots empruntés de la bible de Luther : en effet, son but est de renouveler

la langue allemande en redonnant aux mots présents dans le poème leur sens ancien à

travers la traduction.

L’attention de Hölderlin à l’égard de l’étranger se voit tout d’abord dans certains

poèmes écrits par lui-même. L’un des plus célèbres, « Migration », montre que, même si

un individuel est très attaché au propre, il est quand même attiré par l’épreuve de l’étran-

ger : en effet, après un long éloge au propre, le poète intègre le vers suivant :

Mais moi, c’est le Caucase où je prétends !

Cependant, un autre poème, « L’Unique », montre la double face de l’étranger : quand

quelqu’un l’aime trop, il finit par supplanter l’amour pour le propre :

Qu’est-ce donc, aux

Antiques rives heureuses

Qui m’enchaine ainsi, pour que je leur porte

Plus grand amour encore qu’à ma patrie ?

Cette double face est encore plus évidente dans un autre poème, « Mnémosyne » :

Un signe, tel nous sommes, et de sens nul,

Morts à toute souffrance, et nous avons presque

Perdu notre langage en pays étranger

Donc l’étranger est vu comme un péril qui seul l’amour pour la patrie peut conjurer :

Mais ce qu’on aime ? Un éclat de soleil

Au sol, c’est ce que voient nos yeux, et la poussière desséchée,

Et les ombreuses forêts de la patrie…

Ainsi, quand à la fin du poème, le poète retourne à l’étranger, ce dernier est présenté

comme un paysage de mort :

Achille sous le figuier, mon Achille

Est mort,

Et près des grottes marines, des ruisseaux

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Voisins du Scamandre,

Le corps d’Ajax est étendu…

Donc le propre et l’étranger sont vus comme également dangereux : l’étranger peut anéan-

tir celui qui s’en approche trop, mais la patrie, et donc le propre, à long terme finit pour

dévorer celui qui s’y attache. Il est nécessaire de trouver un équilibre : un individu doit,

tôt ou tard, faire l’épreuve de l’étranger, mais en même temps, il ne devra jamais renier

sa propre patrie. La poésie est exactement la dimension où l’expérience du propre et celle

de l’étranger sont dominées et différenciées : c’est pour cette raison que Hölderlin fait

recours à l’allemand, y compris aux dialectes, et au grec simultanément.

La conséquence de tout cela, c’est le fait que quand Hölderlin traduit les poètes

grecs, il cherche à rendre en allemand ce qui était le sens premier des mots grecs : ce

faisant, ses traductions, quoiqu’écrites en allemand, présentent une touche exotique ap-

portée par la « grécisation ». Cette dernière est évidente dans la traduction de l’Anti-

gone de Sophocle, que Berman analyse de façon détaillée dans La traduction et la lettre

ou l’auberge du lointain. Ici, Hölderlin oppose deux mouvements simultanés : l’épreuve

de l’étranger et l’apprentissage du propre. Chacun des deux corrige ce qu’il y a d’excessif

dans l’autre : c’est un combat où la traduction intervient pour accentuer ce que l’original

a occulté, le soi-disant « feu du ciel ». Donc, cette accentuation est une manifestation,

mais aussi une violence parce qu’elle transforme certains traits de l’œuvre.

Pour son analyse, Berman s’arrête sur quatre opérations accomplies par Hölderlin.

La première est celle de la traduction littérale : Berman prend par exemple le début de la

pièce, où Ismène interpelle Antigone. On observe la traduction effectuée par J. Grosjean :

Qu’y a-t-il ? Quelque histoire t’assombrit, je le vois.

Le verbe grec traduit par « assombrit » a deux sens : le sens original, à savoir « avoir la

couleur de la pourpre », et un sens dérivé, c’est-à-dire « être sombre, tourmenté ». Cepen-

dant, Hölderlin choisit de le traduire par le sens original :

Qu’y a-t-il ? Tu sembles teindre une rouge parole.

En faisant ce choix, il dévoile un élément caché de la pièce. L’exemple suivant est tiré de

la traduction de Jean Grosjean :

Assis sur mon antique siège augural

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Le mot grec traduit par « augural » signifiait d’abord « qui observe le vol des oiseaux ».

C’est exactement ce sens qu’Hölderlin choisit :

Sur l’antique siège, j’étais assis, regardant les oiseaux

La deuxième opération, c’est l’« intensification », qui se produit quand Hölderlin intro-

duit, dans le texte de Sophocle, des accentuations qui s’étendent parfois à des passages

entiers et en particulier aux débuts de scène. On observe le vers suivant, traduit à gauche

par Grosjean et à droite par Hölderlin :

Voilà celle qui a commis le délit. C’est elle. C’est elle qui l’a fait.

Dans l’exemple suivant, Hölderlin accentue la description statique de Grosjean :

Ainsi, en fut-il jusqu’à

l’heure ou le disque solaire

Et cela dura longtemps,

jusqu’à ce que, se dislo-

quant,

parvint resplendissant au zé-

nith

l’orbe du soleil vint s’incli-

ner à l’aplomb

et l’embrasa de son feu… de l’Ether et que s’embrasât

l’incendie…

La troisième opération à laquelle Hölderlin fait recours consiste dans l’emploi du souabe

et de l’allemand ancien : la justification peut se trouver dans le fait que, pour traduire le

grec originaire, il faut l’allemand originaire. Pour ne donner que quelques exemples, le

mot grec πονος, qui signifie « peine », est traduit par le mot allemand « arbeit » : au-

jourd’hui, ce dernier indique le travail, mais en souabe et en vieil allemand il indique

exactement la peine. Un autre exemple repose dans l’emploi des formes anciennes de

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l’allemand plutôt que des modernes : ainsi, le traducteur, pour le mot qui signifie

« sensé », préfère le mot ancien « gescheuet » au moderne « gescheit ». Enfin, la qua-

trième et dernière opération, à savoir les modifications apportées à l’original, est celle qui

montre le plus la volonté de Hölderlin de détruire la vision classique de l’art grec. La

modification la plus évidente consiste dans le remplacement des noms des dieux par

d’autres nominations. Ainsi, par exemple, Zeus devient « Père de la Terre » ou « Maitre

de la Terre », Arès, « Esprit de la Guerre », Aphrodite, « Divine Beauté » et Bacchus,

« Dieu du Plaisir ». D’une part, ces modifications servent au poète à effacer « l’imagerie

humanistico-baroque de l’Antiquité » (Berman 1999 : 95) et montrer l’essence des dieux

dans leur originalité orientale. De l’autre, en appelant les dieux « Père », « Esprit » etc.,

il les rapproche de la façon occidentale de représenter les divinités, c’est-à-dire comme

des esprits. L’Antigone est donc orientalisée et occidentalisée au même temps : il apparait

le « principe de limitation ou de sobriété », qui équilibre l’accentuation.

En conclusion, les analyses de Berman ont permis de montrer les changements

que la traduction a apporté non seulement à la littérature, mais aussi à l’histoire et à la

culture. L’acte de traduire a certainement rendu les livres écrits dans des langues étran-

gères accessibles à tous, mais en même temps il doit se conformer à des règles précises

pour respecter le texte original. Avec les théories d’Hölderlin, le travail sur les études

d’Berman s’achève. Le prochain chapitre s’approchera à la proposition de traduction en

présentant le roman qui en fera l’objet, Toutes les histoires d’amour du monde, et son

auteur, Baptiste Beaulieu.

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CHAPITRE 2

Baptiste Beaulieu : le médecin devenu romancier

2.1. Biographie

Né le 2 août 1985 à Toulouse, où il vit actuellement, Baptiste Beaulieu est le der-

nier de trois enfants, ayant deux grandes sœurs. Son père est conseiller financier dans une

banque, tandis que sa mère est cadre dans le siège de Toulouse de la Sécurité sociale.

En 1991, à l’âge de 6 ans, il part pour un voyage en Inde avec sa famille, qui se

révèlera être important pour son avenir : en voyant les conditions précaires dans lesquelles

beaucoup de personnes vivent dans ce pays, il comprend que sa vocation dans la vie est

de devenir médecin. Ainsi, en 2004, après avoir terminé ses études auprès des écoles

Michelet et Saint-Sernin de Toulouse, il entre à la faculté de Médecine de l’Université de

Toulouse. Au cours de sa carrière universitaire, il effectue des stages à Bombay et Hanoï

et un internat auprès de l’hôpital d’Auch, une ville près de Toulouse.

En 2012, Beaulieu fonde le blog Alors voilà, dans lequel il illustre des épisodes

qui se sont produits à l’hôpital où il est interne et qu’il se fait narrer par ses collègues et

ses patients. Le blog nait de la volonté de Beaulieu de présenter l’hôpital comme un lieu

moins dramatique que ce qu’on pense et de se réconcilier, en tant que patient, avec la

figure du médecin. Le succès est tel que l’année suivante, en 2013, Alors voilà reçoit le

premier prix « Alexandre Varney » au Congrès national des internes de médecine géné-

rale. La même année, Beaulieu obtient sa licence avec une thèse sur la réconciliation entre

les soignants et les souffrants et il fait publier son premier livre, Alors voilà : les 1001

vies des Urgences, inspiré exactement à son blog, par la maison d’édition Maza-

rine/Fayard, ainsi que les œuvres qui suivront. La déclaration que Beaulieu a faite à l’oc-

casion de la sortie en librairie de ce livre résume la philosophie sur laquelle se fonde Alors

voilà :

Je crois que si les gens ont peur du milieu hospitalier, c'est parce que ce qui se passe

à l'hôpital reste à l'hôpital. On imagine seulement la maladie, la mort, les odeurs cor-porelles et la douleur. On ne sait JAMAIS qu'il y a aussi de la poésie et de la grâce

dans certaines rencontres... Sans trash et sans mélo, je veux dire aux gens qu'il y a de

belles choses qui s'y passent.

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Aujourd’hui, Beaulieu travaille comme médecin généraliste dans son cabinet de

Toulouse trois jours par semaine. Il est aussi l’animateur de Grand bien vous fasse, une

émission de la radio française France Inter. Parmi ses passions, il y a la photographie : il

est possible d’admirer ses créations dans son compte Instagram.

2.2. Œuvres

Au total, Beaulieu a publié, jusqu’à présent, quatre œuvres, qui seront présentées

en ordre chronologique de publication. L’analyse commencera par son tout premier livre,

Alors voilà : les 1001 vies des Urgences, et terminera par l’avant dernier, La ballade de

l’enfant gris. Vu que son dernier roman, Toutes les histoires d’amour du monde, fera

l’objet de la proposition de la traduction, il retiendra toute notre attention dans une section

dédiée.

2.2.1. Alors voilà : les 1001 vies des Urgences

Alors voilà : les 1001 vies des Urgences est le premier livre de Beaulieu et il est

né de l’expérience personnelle de Beaulieu, en tant que médecin interne, et de son blog

Alors voilà. Publié en 2013, ce livre a été traduit en douze langues et il a reçu le prix

« France Culture/ Lire dans le noir », destiné aux livres audio. De plus, deux adaptations

ont été tirées : une en bandes dessinées, publiée en 2017 par la maison d’édition Rue de

Sèvres, et une théâtrale, qui a été mise en scène à partir de mars 2019.

Le récit du livre se déroule en une semaine à travers le point de vue du protago-

niste, un médecin interne qui travaille aux Urgences d’un hôpital. L’homme connait une

patiente, une femme malade terminale à laquelle il donne le surnom de « femme-oiseau-

de-feu » à cause de sa perruque rouge. La femme attend le retour de son fils Thomas, un

étudiant de Médecine bloqué en Islande à cause de l’éruption d’un volcan. Pour l’aider à

faire passer le temps, le médecin commence à lui décrire tout ce qui se passe aux Ur-

gences : on assiste donc à la narration de différentes situations qui concernent des diffé-

rents personnages, tels que les patients, les infirmiers ou les médecins-chefs.

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Étant inspiré du blog Alors voilà, le livre repose sur ses deux objectifs principaux,

déjà cités dans la biographie de l’auteur. Le premier, à savoir la réconciliation entre mé-

decin et patient, s’accomplit à travers le dialogue entre le protagoniste et la femme-oiseau-

de-feu. Même si elle ne suffira pas à sauver sa vie, la narration des histoires sert à la

femme pour retrouver les moments de sérénité que la maladie, les thérapies et l’absence

de son fils lui ont refusées. Quant à la dédramatisation de l’hôpital, elle se produit à travers

les histoires elles-mêmes, qui sont parfois bizarres. En effet, parmi les protagonistes des

épisodes narrés figurent un homme qui prend la pilule à la place de sa femme quand elle

l’oublie, un vieil homme qui vient de perdre sa femme et pense qu’il va mourir lui aussi

ou encore une mère qui fait boire du Coca à son bébé à la place de la camomille, ce qui

l’a fait devenir obèse.

La dédramatisation se voit aussi dans le langage employé, très informel et conver-

sationnel : onomatopées, mots écrits en lettres capitales, gros mots et listes, combinés à

l’absurdité de certaines situations, rendent l’hôpital un lieu sur lequel il est même possible

de plaisanter. Un exemple est dans ce passage, où le protagoniste et une de ses collègues

doivent soigner un adolescent en état d’ivresse :

Croyez-moi, il n’y a rien de plus pathétiquement ridicule qu’un(e) adolescent(e) com-

plètement rond :

– Parce que TOI, je t’aime bien, TOI ! Tu es gentil, TOI ! Pas comme Kévin et Mme

Pi, la prof de maths... Je t’aime BIEN... (…)

C’est alors que Chef Pocahontas intervient. (…) Chef Pocahontas est un petit bout de

femme qui regarde la Mort droit dans les yeux, l’air de dire : « J’ai fait douze ans

d’études, pétasse. » (…)

– Dis-moi, fiston, où est ton téléphone portable ?

– Ben... Dans... ma... poche... Burp !... Je t’aime bien, TOI !

Chef Pocahontas attrape l’appareil et filme chaque petit détail. (…) Puis elle remet le

mobile dans la poche de fiston. Quand il (elle) sera dégrisé(e), son téléphone lui dis-

pensera une belle leçon, plus percutante que n’importe quel discours moralisateur.

Enfin, le livre présente des analogies avec les Milles-et-une Nuits, le célèbre re-

cueil de contes orientaux. En effet, le protagoniste d’Alors voilà s’identifie avec la prota-

goniste du recueil, Shéhérazade. Dans les Milles-et-une Nuits, un sultan, trahi par sa pre-

mière femme, fait tuer toutes les jeunes filles qu’il épousera ensuite, craignant d’être

trompé à nouveau. Pour arrêter son plan diabolique, Shéhérazade, fille du grand vizir,

persuade le sultan de l’épouser : chaque nuit, pour éviter qu’il la tue, elle lui narre une

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histoire dont elle révélera le final le jour suivant. Le sultan est donc forcé de reporter

l’assassinat sans cesse et, à la fin de la mille-et-unième nuit, il renonce définitivement à

son plan. Comme Shéhérazade guérit le sultan de la folie à travers les histoires, ainsi le

médecin soigne sa patiente de la solitude et de la mélancolie.

2.2.2. Alors vous ne serez plus jamais triste

Alors vous ne serez jamais plus triste est le deuxième livre écrit par Baptiste Beau-

lieu. Publié en 2015, ce roman a gagné le Prix Méditerranéen des Lycéens en 2016. Sa

sortie en librairie a été anticipée par la publication, exclusivement sous forme numérique,

de l’histoire courte La mort est une garce. Dans ce conte, un médecin qui vient de mourir

et dont le corps se trouve à la morgue fait un bilan de sa vie avant que les médecins

légistes lui fassent l’autopsie.

Pour revenir à Alors vous ne serez jamais plus triste, l’œuvre a comme protago-

niste Mark, un chirurgien qui est en crise depuis qu’il est resté veuf. En effet, il a perdu

non seulement sa femme, mais aussi son envie de vivre : Mark ne sait plus comment

soigner ses patients, il est tombé en dépression et il a l’intention de se suicider. Un jour,

l’homme monte dans un taxi et il se rend compte que la conductrice, c’est une vieille

femme un peu excentrique, qui dit s’appeler Sarah Van Kokeliköte. La femme prétend

réussir à deviner quand les personnes vont mourir simplement en les regardant dans les

yeux : ainsi, pour convaincre le docteur à revenir sur sa décision, elle l’oblige à passer

avec elle les sept derniers jours de sa vie. Dès lors, Mark se retrouve propulsé dans un

monde féerique, où il incarne le personnage idéal du chevalier qui s’est perdu au cours de

son chemin. Sarah, au contraire, représente le personnage de la sorcière ou de la magi-

cienne qui l’aide à retrouver le droit chemin.

Ainsi, l’ambiance d’Alors vous ne serez jamais plus triste est celle d’un univers

fantastique en net contraste avec le premier livre de Beaulieu, qui se fondait sur la repré-

sentation de la réalité toute crue. Cependant, le roman partage avec le précédent l’idée,

d’ailleurs commune à toutes les œuvres de Beaulieu, que la littérature peut soigner l’âme

des lecteurs. En particulier, Alors vous ne serez jamais plus triste est une invitation aux

lecteurs à ne jamais perdre espoir quand ils doivent faire face à un moment difficile dans

leur vie.

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La singulière structure du roman est le dernier aspect à prendre en considération.

Comme l’auteur l’explique dans un avertissement au début du roman, ce livre est un

« conte à rebours » : en effet, la narration consiste en un véritable compte à rebours vers

ce qui pourrait être le dernier jour de la vie du protagoniste. Pour accentuer cet effet,

Beaulieu a choisi de numéroter les pages du livre en ordre décroissant.

2.2.3. La ballade de l’enfant gris

La ballade de l’enfant gris est le troisième livre de Baptiste Beaulieu. Paru en

2016, il a reçu le « Grand Prix de l’Académie française de pharmacie » et il est inspiré

d’une histoire vraie, à savoir la mort d’un enfant qui avait été un patient de Beaulieu.

Le roman raconte l’histoire de trois personnages dont les destins se croisent lors

de la narration. Le premier, c’est Jonas, dit Jo’, un médecin interne qui travaille au service

de Pédiatrie d’un hôpital et constitue l’alter ego de l’auteur. Le deuxième personnage,

c’est Noah, dit No’, un enfant de sept ans atteint d’une leucémie incurable : Beaulieu fait

entendre dès le début du livre quel sera son destin. No’ se demande toujours pourquoi sa

mère ne va pas le voir souvent à l’hôpital : par conséquent, Jo’, ému de compassion, finit

par s’attacher à lui. Enfin, le troisième personnage, c’est Maria, la mère de No’, qui a

disparu mystérieusement et se trouverait à l’étranger.

Pour ce qui concerne la structure du roman, l’œuvre est divisée en trois parties où

Beaulieu alterne la narration de ce qui se produit avant et après la mort de No’, un évène-

ment que l’auteur appelle simplement « la Déchirure ». Les vicissitudes qui ont lieu avant

la Déchirure sont narrées à la troisième personne, tandis que celles qui se produisent après

la Déchirure sont narrées à la première personne du point de vue de Jo’. C’est exactement

après la Déchirure que Jo’ décide de partir chercher Maria. Ses recherches l’amènent

d’abord à Rome et ensuite à Jérusalem : il espère que le voyage lui sert à se débarrasser

de la présence encombrante du fantôme de No’, qui le persécute et ne sera libre que quand

il aura connu toute la vérité sur sa mère.

En tout cas, La ballade de l’enfant gris invite le lecteur à réfléchir sur trois thé-

matiques. D’abord, ce roman reprend la question, déjà traitée dans les œuvres précé-

dentes, de la relation entre médecin et patient. En particulier, la distance émotive qu’il

doit y avoir entre ces deux figures est remise en cause, surtout quand le patient est un

enfant. Ensuite, le livre ouvre un débat sur l’amour. Quand Jo’ finalement retrouve Maria

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et qu’elle lui raconte son histoire, le lecteur est poussé à s’interroger sur deux questions :

en effet, il est invité à se demander si une mère doit forcément aimer son propre fils et si,

quand une personne en aime une autre, elle doit tout accepter de l’autre et tout partager

avec lui. Enfin, le roman est une critique implicite des préjugés et des rôles imposés par

la société : en particulier, l’auteur dénonce le fait que le destin des femmes est de devenir

des mères et, pour cette raison, la société leur met de la pression afin que la maternité

arrive dès que possible.

En résumé, les trois premières œuvres de Baptiste Beaulieu ont été analysées dans

les grandes lignes, avec une attention prêtée aux aspects les plus importants. Au contraire,

l’analyse de Toutes les histoires d’amour du monde, dont il sera question dans les sections

qui suivent, sera plus détaillée et approfondira non seulement l’intrigue et les thématiques

traitées, mais aussi le genre dont il fait partie, c’est-à-dire celui de l’autofiction.

2.3. Toutes les histoires d’amour du monde

Paru en 2018, Toutes les histoires d’amour du monde est le quatrième livre de

Baptiste Beaulieu et le dernier à être publié jusqu’à présent. Ce roman demi-épistolaire a

pour protagoniste, encore une fois, un médecin qui constitue l’alter ego de l’auteur : il

s’appelle Jean et il ne parle plus avec son père, Denis, depuis six mois.

Un jour, Denis va au cabinet de Jean pour le renseigner du fait qu’il a trouvé dans

une malle trois carnets pleins de lettres écrites par Moïse, père de Denis et grand-père de

Jean, qui est décédé six mois auparavant. Les lettres ont été écrites de 1960 à 2004, une

par année et toutes dans le même jour, le 3 avril. Moïse y a raconté toute l’histoire de sa

vie et le destinataire, c’est une femme, appelée Anne-Lise Schmidt, dont Denis et Jean

ignoraient l’existence. Cependant, Jean n’a pas le temps de réaliser ce qui est en train de

se passer parce que Denis est frappé d’un malaise : il est emmené à l’hôpital, où il révèle

à son fils qu’il avait décidé de partir en voyage pour se mettre sur les traces de son père,

mais maintenant son état de santé l’empêche de le faire. Jean, alors, lui promet de résoudre

le mystère de Moïse à sa place et commence à lire les lettres. La narration consiste donc

en une alternance entre le passé des lettres, que le lecteur lit avec Jean, et le présent, où

Jean mène sa recherche.

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L’histoire de Moïse commence le 3 juillet 1910, quand il nait, deuxième de trois

enfants, dans une famille pauvre qui vit à Fourmies, une petite ville dans le Nord de la

France. Cependant, quatre ans après, en 1914, la famille s’installe à Vireux-Wallerand,

un village dans les Ardennes où le père de Moïse, Georges, espère trouver un meilleur

travail. Juste au moment où la famille semble avoir trouvé un peu de bonheur, la Première

Guerre mondiale éclate : Georges est obligé de s’engager, mais il meurt au front deux ans

après. La Guerre terminée, la mère de Moïse, Marie, épouse son voisin Pierre, mais

l’homme meurt de tumeur après peu de temps. Quant à Marie, elle mourra dans les années

50 à cause d’un ulcère aux jambes.

À l’âge de quinze ans, Moïse connait une fille allemande, Hennie, qui est venue

passer ses grandes vacances en France. Il tombe amoureux d’elle, mais, l’été terminé, elle

doit retourner en Allemagne. Les années passent et, quand Moïse a dix-huit ans, il épouse

son amie d’enfance Couronnée après avoir découvert qu’elle est enceinte de leur fille

Louise. Cependant, Couronnée s’avère être une femme infidèle : en effet, elle trahira

Moïse plusieurs fois, même avec ses amis, et elle aura un autre fils avec un de ses amants.

Peu après le mariage, Hennie revient en France pour quelques jours : Moïse la rencontre

et tombe amoureux d’elle pour la deuxième fois, mais elle doit retourner en Allemagne

encore une fois.

En 1940, la Seconde Guerre mondiale éclate et la France est occupée par l’armée

allemande. Moïse s’engage, mais il est fait prisonnier par les Allemands et enfermé dans

un camp de travail. Un jour, il tombe malade : il est emmené à un hôpital militaire et

soigné par un médecin, Herr Doktor Schmidt, qui s’avérera être l’oncle de Hennie. Une

fois guéri, il est envoyé dans un autre camp de travail à Cologne, où il rencontre un ou-

vrier, Willy, qui s’avère être le frère de Hennie. Grâce à lui, Moïse retrouve Hennie,

tombe amoureux d’elle une troisième fois et s’installe chez elle. En 1943, Hennie tombe

enceinte, ce qui constitue un problème pour la famille Schmidt. En effet, le père de Hennie

et Willy s’était opposé au nazisme et, pour cette raison, il avait été arrêté et emprisonné

avec ses enfants. Hennie et Willy furent libérés, tandis que leur père mourut en prison.

Pour éviter que le bébé soit capturé par les nazis à son tour, Hennie et la femme de Willy,

Anna, font falsifier leurs papiers d’identité et elles échangent leurs dossiers médicaux.

Ainsi, le 3 avril 1944, nait Anne-Lise, la fille de Moïse et d’Hennie : elle est déclarée fille

de Willy et d’Anna et prend leur nom de famille, Schmidt. Cependant, le bonheur n’est

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pas destiné à durer longtemps. En 1945, Hennie se retrouve victime d’un bombardement :

blessée grièvement, elle meurt après peu de temps.

La Guerre terminée, Moïse décide de retourner en France, mais, avant de partir, il

confie Anne-Lise à Willy et Anna pour éviter qu’elle soit maltraitée à cause de ses ori-

gines allemandes. Il retrouve Couronnée, mais les deux époux divorcent quand Couron-

née découvre la trahison de son mari. Après le divorce, elle épousera un ami de Moïse,

Duvernois : ils s’installeront à Beyrouth avec Louise et son mari, mais ils retourneront en

France après avoir tout perdu. En 1947, Moïse va voir les Schmidt à Cologne, mais, une

fois arrivé à leur maison, il se rend compte qu’il n’y a personne : grâce à un ami de famille,

le pasteur Müller, il découvre que Willy, Anna et Anne-Lise se sont installés aux États-

Unis.

L’année suivante, Moïse écrit à un journal pour raconter son histoire. Une femme,

Paulette, lui répond : les deux se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre. Ils se

marient en 1950 et, en 1953, nait Denis. En 1956, le pasteur Müller va voir Moïse : il lui

donne des nouvelles des Schmidt et il lui montre des vidéos de Hennie, maintenant gran-

die. Entretemps, Moïse a commencé à travailler comme garçon de salle d’opération dans

un hôpital. Un jour, il doit amener à la morgue le corps d’une petite fille qui lui rappelle

Anne-Lise : c’est alors qu’il décide d’écrire une lettre par an le 3 avril, le jour de l’anni-

versaire d’Anne-Lise. En 2004, à l’âge de 94 ans, Moïse écrit sa dernière lettre et dit

définitivement adieu à Anne-Lise :

Parfois je pense à ce qui est arrivé, puis à ce qui aurait pu arriver et n’a jamais été, et

je mords l’intérieur de mes joues, j’ai honte de cette immense douleur, et je pleure

encore comme celui qui sait bien que, finalement, le bonheur est un projet surhumain

sur cette terre.

Pourtant j’ai espoir qu’un jour une personne découvre mon secret : je ne t’ai jamais

oubliée, je t’ai aimée comme un papa sait aimer, au point de me priver de toi, et cet

amour-là n’a jamais ni changé ni faibli. Et j’ai écrit pour que tu saches, un jour peut-

être, qui était ton père : un homme qui n’a pas failli.

La lecture des lettres est terminée : à la fin du livre, Jean a recousu la relation avec son

père et maintenant ils peuvent commencer à chercher Anne-Lise conjointement.

Toutes les histoires d’amour du monde est un roman presque autobiographique.

En effet, il narre un épisode de la vie de l’auteur, même si certains éléments ont été in-

ventés : cet aspect sera approfondi dans la dernière section du chapitre. Baptiste Beaulieu

a vraiment trouvé les lettres écrites par son grand-père en 2013, dix ans après sa mort.

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Maintenant, il veut trouver Anne-Lise : pour cette raison, il donne quelques indications

pour la recherche à la fin du livre et dans son blog et il invite ses lecteurs à le contacter

s’ils ont des renseignements utiles.

2.3.1. Thématiques traitées dans le roman

L’analyse effectuée dans cette section concernera les trois principales thématiques

traitées dans Toutes les histoires d’amour du monde : l’amour, la médecine et la mémoire

du passé.

2.3.1.1. L’amour

Le thème de l’amour est évident dès le titre du roman. En effet, il suggère que le

livre ne concerne pas une, mais plusieurs histoires d’amour : un amour qui, dans la nar-

ration, se présente sous trois formes différentes.

La première forme d’amour relevée est celle de l’amour entre père et fils ou fille,

qui se manifeste de manière différente selon les personnages. Pour ce qui concerne Denis

et Jean, au début du livre, leur relation est conflictuelle, mais elle devient progressivement

sereine grâce aux lettres et à un jeu-vidéo de guerre, avec lequel père et fils jouent con-

jointement. Ensuite, Moïse entretient des relations différentes avec ses enfants. Si celle

avec Louise est presque inexistante, celle avec Denis est plutôt froide et détachée : dans

la lettre du 3 avril 1962, il arrive même à se définir comme « un parent incapable de

câliner son propre enfant » (Beaulieu 2018 : 33). La relation avec Anne-Lise, au contraire,

est tellement affectueuse qu’il semble montrer une préférence marquée à son égard.

La deuxième forme est celle de l’amour entre homme et femme, qui n’est pas

toujours heureux. Pour analyser cet aspect, il est nécessaire de comparer les relations que

Moïse entretient avec les femmes qu’il aime. D’abord, l’amour pour Couronnée est un

amour d’enfance idyllique qui se révèle être une illusion quand Moïse devient adulte.

Quant à Paulette, même s’il l’a épousée et s’il a eu un fils avec elle, Moïse ne la considère

pas comme la femme de sa vie : au contraire, son véritable amour est celui pour Hennie,

qu’il n’oubliera jamais et qui est terminé trop tôt.

La troisième et dernière forme analysée est celle de l’amour entre deux hommes.

Celle de l’homosexualité est une thématique chère à Beaulieu : en effet, il est homosexuel

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et activiste pour les droits des membres de la communauté LGBT. Dans le passé, par

exemple, l’écrivain a dénoncé des cas d’homophobie chez les médecins et, en 2016, il a

même reçu des menaces de mort après avoir publié un éditorial contre l’homophobie sur

le site internet Huffington Post. Pour revenir à Toutes les histoires d’amour du monde, le

protagoniste aussi est homosexuel, étant un alter ego de Beaulieu. Cependant, dans ce

roman, l’homosexualité est vue comme un tabou ou, simplement, comme un état dont les

personnages ont honte. En effet, elle est exactement la cause de la rupture entre Jean et

Denis : Jean révèle à son père son homosexualité quand Moïse meurt, mais Denis ne l’ac-

cepte pas et les deux hommes ne se parlent plus depuis ce jour. Pour éviter que ses proches

lui posent des questions gênantes, Jean décide même de ne pas aller aux obsèques de son

grand-père. Finalement, quand père et fils commencent à se réconcilier, Denis accepte

l’homosexualité de son fils : c’est là que Jean avoue à son père qu’il a un compagnon,

appelé simplement « l’Amoureux », et il le lui présente.

Enfin, le récit présente aussi les histoires des personnages rencontrés par Jean pen-

dant sa recherche, qui sont toutes liées par le fil rouge de l’amour :

Histoire de Kayoosh et Kasim : elle est narrée par Françoise Robinet, la petite-fille de

la garde champêtre qui avait aidé la famille de Moïse au cours de la Première Guerre

mondiale. Jean la rencontre par hasard dans le train qui le mène à Vireux : elle tra-

vaille comme psychologue pour les organisations non gouvernementales et, un jour,

elle est envoyée au camp de réfugiés de Calais. Là, elle connait Kayoosh et Kasim,

un couple de conjoints irakiens qui vivent au camp avec leurs enfants. Craignant de

perdre les enfants, Kasim décide de se suicider en s’immolant par le feu et, quand elle

le découvre, Kayoosh se tue à son tour.

Histoire de Marie Neveux, l’arrière-petite-fille de Prosper, un voisin de la famille de

Moïse. Elle a accouché d’un enfant mort-né en 1993 et, pour cette raison, elle n’a pas

réussi à aimer ses autres enfants pendant des années. Aujourd’hui, elle travaille dans

un bar et elle fait du bénévolat dans le service de réanimation néonatale d’un hôpital.

Histoire d’Henri, qui travaille pour une association bénéfique qui aide les personnes

pauvres ou sans domicile fixe.

Histoire de Martine, Yvette et Victor : Martine est la petite-fille de Jean Francotte, le

meilleur ami de Moïse. Infirmière, elle s’occupe d’Yvette, une vieille femme qui a

élevé seule son neveu Victor. Cependant, à un certain moment de sa vie, ce dernier a

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décidé de n’avoir plus de relations avec Yvette et il est décédé de SIDA quelques

années après la mort de sa grand-mère.

Histoire de Richard, le petit-fils d’Esther, une femme juive que Moïse a rencontrée à

l’hôpital militaire. Artisan, il a été toxicomane et il a épousé Titine, une fille malade

d’anorexie qui a guéri grâce à l’amour pour son mari. Ils ont un fils homosexuel, qui

est justement le compagnon de Jean.

2.3.1.2. La médecine et la mémoire du passé

Vu que son activité principale est la médecine, il n’est pas étonnant que Baptiste

Beaulieu installe la médecine dans ses œuvres et le roman Toutes les histoires d’amour

du monde ne fait pas exception. En effet, le protagoniste travaille comme médecin et

d’autres personnages travaillent ou ont travaillé dans ce domaine professionnel. Au cours

de la narration, certains personnages tombent malades et leur maladie est décrite par l’au-

teur de façon détaillée. De plus, le contexte du passé permet à l’auteur de comparer la

médecine de l’époque avec la médecine moderne : pour donner un exemple, quand Pierre,

le beau-père de Moïse, tombe malade, la tumeur est soignée, par ailleurs sans succès, à

travers des morceaux de radium appliqués directement sur les plaies. Aujourd’hui,

compte tenu des progrès de la médecine, employer cette technique serait impensable.

Cependant, contrairement aux autres livres de Beaulieu, l’hôpital n’est pas le lieu

central du livre. Il est plutôt un lieu de transition vers un moment considéré comme fon-

damental pour la poursuite de la narration : en effet, c’est exactement à l’hôpital que Jean

promet à son père qu’il l’aidera à dévoiler le secret de Moïse. Ce dernier « retrouve »

Hennie quand il est à l’hôpital militaire, grâce à une photo de la fille que Herr Doktor

tient dans sa poche, et il commence à écrire les lettres tandis qu’il travaille dans un hôpital.

De toute façon, le roman reprend l’idée de la littérature comme médicament, déjà traitée

en Alors vous ne serez jamais plus triste. En ce cas, ce sont les lettres qui constituent un

médicament idéal, vu qu’elles aident le protagoniste à renouer le lien avec son père.

La dernière thématique traitée dans cette section, c’est la mémoire du passé, qui

est continuellement rappelée grâce à l’alternance entre passé et présent. De plus, elle se

révèle fondamentale pour Jean parce qu’elle l’aide à comprendre le présent et à construire

l’avenir. Vu qu’elle est symbolisée par les lettres, on peut affirmer qu’elle aussi sert à

soigner, au moins d’un point de vue psychologique : pour cette raison, il est possible de

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la connecter avec le thème de la médecine. Enfin, la présence de la mémoire est renforcée

par l’existence, dans le texte, de certaines photographies en noir et blanc, presque toutes

appartenant à une collection privée de Baptiste Beaulieu. L’une d’entre elles a une liaison

avec le mystère des lettres : cette liaison sera dévoilée seulement à la fin du roman.

2.3.2. Toutes les histoires d’amour du monde : un exemple d’autofiction

Toutes les histoires d’amour du monde est la narration d’un épisode de la vie de

l’auteur, mais avec des éléments fictionnels : pour cette raison, il est légitime de la tenir

pour un exemple d’autofiction.

Le mot « autofiction » est un néologisme, inventé en 1977 par l’écrivain français

Serge Doubrovsky, qui décrit un genre littéraire où se produit la narration de la vie de

l’auteur faite par l’auteur lui-même, mais, à la différence de l’autobiographie, des élé-

ments de fiction y apparaissent. L’autofiction se détache de l’autobiographie et du « pacte

autobiographique » entre auteur et lecteur, théorisé par Philippe Lejeune. Comme Dou-

brovsky l’écrit lui-même :

L'autofiction, c'est la fiction que j'ai décidé en tant qu'écrivain de me donner de moi-

même, y incorporant, au sens plein du terme, l'expérience de l'analyse, non point seu-

lement dans la thématique mais dans la production du texte.

Doubrovksy utilise le mot « autofiction » pour la première fois pour décrire son roman

Fils. Le livre raconte une journée de la vie du protagoniste, c’est-à-dire le même Dou-

brovksy, par le biais d’une séance de psychanalyse. La narration se produit à travers un

monologue intérieur avec flux de conscience, pareil à celui de l’Ulysse de James Joyce et

caractérisé par la présence de phrases déstructurées, jeux de mots et allitérations et par le

nombre réduit de signes de ponctuation. Doubrovsky affirme avoir employé une langue

« obsessionnelle, répétitive » où « les mots s'appellent les uns les autres » (Le Monde).

Le monologue est parfois brisé par les interventions du psychanalyste, qui parle en an-

glais : en effet, le récit se déroule à New York, où Doubrovksy a vécu pendant de nom-

breuses années.

Le mot « fils », qui donne le titre au livre, a un double sens. Au singulier, il indique

un rapport de filiation imaginaire de l’auteur avec l’écrivain Marcel Proust : en effet, le

livre présente des analogies avec À la recherche du temps perdu. Au pluriel, au contraire,

le mot indique le réseau de liens, rêves et souvenirs qu’un individu produit : ce réseau

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présente parfois des nœuds qui rendent la vie douloureuse et dramatique et ils se présen-

tent sous forme de monstres ou de fantômes à chasser par le biais de la psychanalyse.

Le protagoniste, Serge, représente l’alter ego de l’auteur et il a une double person-

nalité. Il a la sensation de ne pas réussir à trouver sa place dans le monde, mais en même

temps, il peut occuper chacune d’entre elles. Serge est patient, mais aussi analyste de soi-

même : ce stratagème lui permet de se transformer en un personnage de fiction.

Toutes les histoires d’amour du monde présente aussi des différences avec la réa-

lité, à commencer par les personnages. Dans le roman, Beaulieu a un alter ego, Jean, qui

a une sœur adoptive, Anna-Lisa (à ne pas confondre avec Anne-Lise), qui n’existe pas

dans la réalité. Les cinq histoires d’amour aussi sont inventées : elles sont un autre expé-

dient que Jean utilise, en les narrant, pour se rapprocher de son père. Denis a compris que

les histoires sont un fruit de l’imagination de son fils, mais il fait semblant d’y croire par

amour pour Jean. Cependant, il n’est pas clair si ces deux éléments sont les seuls à relever

de la fiction. En effet, l’histoire de Moïse est tellement complexe et détaillée que le lecteur

a du mal à croire à tout ce qui se passe : il est possible que des éléments contenus dans

les lettres aient été inventés de toutes pièces. Dans l’autofiction, il y a toujours des élé-

ments fictionnels, mais seul l’auteur les connait. C’est au lecteur d’établir quels sont ces

éléments et si y croire ou pas. Ce qui est sûr, c’est le fait que les lettres, dans la mesure

où elles apparaissent dans le livre, ont été remaniées par Jean/Baptiste : en effet, au cours

du temps, l’encre s’est effacée et les lettres, désormais, sont presque illisibles.

L’analyse du genre de l’autofiction met un terme au travail sur Baptiste Beaulieu,

un auteur contemporain qui sait comment faire converger son activité principale de mé-

decin et ses propres expériences de vie à l’intérieur de l’écriture. Une démonstration de

ce constat peut reposer dans le succès obtenu par ses œuvres, qui lui a permis de gagner

plusieurs prix. Enfin, l’attention peut se concentrer sur la traduction vers l’italien de

Toutes les histoires d’amour du monde ou, plus précisément, d’une partie du roman à

cause de la longueur de ce dernier.

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ria,

la

stori

a d

i tu

tti

e

due?

Une

exis

tence

enti

ère.

U

n’i

nte

ra e

sist

enza

.

Mo

i, t

on s

ecre

t, i

l m

’aura

fall

u d

es s

em

ain

es

de

lect

ure

s, d

e ri

res,

de

larm

es e

t de

renco

ntr

es h

um

ain

es p

our

le p

erce

r.

Il t

uo s

egre

to,

a m

e ci

sono

vo

lute

set

tim

ane

di

lett

ure

, ri

sate

, la

crim

e e

inco

ntr

i u

mani p

er s

copri

rlo

.

On r

iait

et

on p

leura

it a

uss

i bie

n à

l’é

po

que

qu’a

ujo

urd

’hu

i, e

t po

ur

les

mêm

es

rais

ons.

All

’epo

ca s

i ri

deva

e si

pia

ngeva

tanto

quan

to o

ggi e

per

gli s

tess

i m

oti

vi.

Alo

rs j

e veu

x d

ire

à la

per

sonne

qu

i lit

ces

mo

ts :

cro

yez

-mo

i su

r par

ole

,

de

la

tête

au

ur,

il

n’y

a

pas

UN

m

ot

de

cett

e m

yst

érie

use

,

extr

aord

inair

e et

inju

ste

his

toir

e qu

i ne

vo

us

conce

rne

pas

.

All

ora

vo

glio

d

ire

a chi

sta

legg

endo

ques

te par

ole

: cr

edet

em

i su

lla

par

ola

, da

cim

a a

fondo

, no

n c’

è U

NA

par

ola

d

i ques

ta m

iste

rio

sa,

stra

ord

inar

ia e

ing

iust

a st

ori

a ch

e no

n v

i ri

gu

ard

i.

Pre

miè

re p

arti

e :

Pri

ma

par

te:

Page 51: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

45

QU

EL

QU

E

CH

OS

E

D’E

XT

RA

OR

DIN

AIR

E

QU

I V

OU

S

TO

MB

E

DE

SS

OU

S

QU

AL

CO

SA

DI

ST

RA

OR

DIN

AR

IO C

HE

VI

PIO

MB

A A

DD

OS

SO

Phil

ia :

senti

ment

dés

inté

ress

é, f

ait

d’é

lan,

de

gén

éro

sité

et

de

chale

ur

hu

main

e qu

’on r

appro

cher

ait

au

jourd

’hu

i du t

erm

e «

am

itié

»,

mais

une

am

itié

so

lide,

sur

laquell

e o

n e

st s

ûr

de

com

pte

r.

Phil

ia:

senti

mento

dis

inte

ress

ato

, fa

tto

di

slancio

, gen

ero

sità

e c

alo

re

um

ano

che

al

gio

rno

d’o

ggi

coll

egher

em

mo

al

term

ine

“am

iciz

ia”,

ma

un’a

mic

izia

so

lida,

su

lla

quale

si

è si

curi

di co

nta

re.

Au

jourd

’hu

i A

l g

iorn

o d

’oggi

Surp

rendre

les

mala

des

de

la s

all

e d’a

tten

te à

to

urn

er

leurs

yeu

x v

ers

mo

i,

pu

is v

ers

l’ho

rlo

ge

accr

och

ée a

u m

ur

au-d

essu

s de

ma

tête

, dan

s un c

ri

sile

ncie

ux e

t co

mm

un :

« Q

uel

ennu

i, d

oct

eur,

d’a

tten

dre

ici

avec

tous

ces

inco

nnus…

», gén

ère

un s

enti

ment

d’o

ppre

ssio

n q

ue

je n

e so

uhait

e à

per

sonne,

m

ais

c’e

st

l’u

sage.

Je

l’

acce

pte

et

je

l’

ente

nds.

P

ourt

ant,

toujo

urs

, re

vie

nt

cett

e m

êm

e et

obsé

dante

pen

sée :

« Q

u’i

nfi

ni est

le

flo

t

des

êtr

es à

co

nso

ler

! »

Sorp

render

e i paz

ienti

in s

ala

d’a

ttes

a a

rivo

lger

e lo

sguar

do v

erso

di m

e,

po

i ver

so l

’oro

log

io a

ppes

o a

l m

uro

al

di

sopra

dell

a m

ia t

esta

, in

un

lam

ento

sil

enzio

so e

co

mu

ne

(“D

ott

ore

, ch

e no

ia a

spet

tare

qui

con t

utt

i

ques

ti sc

ono

sciu

ti…

”),

gen

era

un se

nti

mento

d’o

ppre

ssio

ne

che

no

n

auguro

a n

essu

no

, m

a si

usa

co

sì.

Lo

acc

etto

e l

o c

apis

co.

Tutt

avia

, m

i

rito

rna

sem

pre

in m

ente

quel

lo s

tess

o p

ensi

ero

oss

ess

ionante

: “C

om

’è

infi

nit

o i

l fl

uss

o d

i es

seri

um

ani da

conso

lare

!”

Il dev

ait

êt

re dix

heu

res

et le

ca

bin

et m

éd

ical

où j’

off

icia

is co

mm

e

rem

pla

çant

étai

t ple

in

com

me

un

œu

f quan

d

quelq

ue

cho

se

d’e

xtr

aord

inair

e m

’est

to

mbé

des

sus.

Sar

anno

sta

te l

e d

ieci

e lo

stu

dio

med

ico

in c

ui

lavo

ravo c

om

e so

stit

uto

era

pie

no

co

me

un u

ovo

quan

do

qualc

osa

di st

rao

rdin

ario

mi è

pio

mbat

o

addo

sso

.

Je r

acco

mpag

nais

le

neu

viè

me

pat

ient

de

la m

atin

ée,

mo

n r

egar

d s

’est

accr

och

é à

un g

rand g

ail

lard

chau

ve

aux y

eux b

leus

cern

és

de

tris

tess

e.

L’h

om

me

m’a

so

uri

m

ala

dro

item

ent.

S

on

air,

do

ux,

fau

ssem

ent

rass

ura

nt,

je

le c

onnais

par

ur.

Sta

vo a

cco

mpag

nando

all

a po

rta

il n

ono

paz

iente

dell

a m

atti

nat

a quan

do

il m

io s

gu

ardo

si è

rivo

lto

ver

so u

n t

izio

alt

o e

calv

o,

dag

li o

cchi

azzu

rri

cir

condat

i d

i tr

iste

zza.

L’u

om

o m

i ha

sorr

iso

go

ffam

ente

. Il

suo

asp

etto

,

do

lce

e fa

lsam

ente

ras

sicu

rante

, lo

co

no

scev

o a

mem

ori

a.

« M

ais

qu

’est

-ce

que

tu f

ais

ici

? »

“Ma

cosa

ci

fai qu

i?”

Page 52: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

46

Le

ton d

e m

a vo

ix…

J’é

tais

sur

la d

éfe

nsi

ve.

Six

mo

is q

ue

no

us

ne

no

us

étio

ns

plu

s par

lé,

mo

n p

ère

et m

oi.

Dep

uis

la

mo

rt d

e pap

i. M

a sœ

ur

et

ma

mèr

e, a

u t

élép

ho

ne,

m’i

nfo

rmaie

nt

de

tem

ps

en t

emp

s :

« I

l lit,

je

ne

le d

érange

pas

», o

u :

« I

l est

au g

renie

r, je

cro

is q

u’i

l bri

cole

. » T

out po

ur

ne

surt

out

pas

évo

quer

la

rais

on d

u f

roid

gla

cia

l qu

e la

vie

avait

jet

é en

tre

no

us.

Aprè

s êt

re e

ntr

é dan

s m

on b

ure

au s

ans

une

bis

e, c

om

me

si d

e ri

en

n’é

tait

, il a

far

fou

illé

dans

un s

ac

à do

s, l

’air

fébri

le.

Il t

ono

del

la m

ia v

oce

… E

ro s

ull

a d

ifensi

va.

No

n c

i par

lavam

o p

iù d

a se

i

mesi

, io

e m

io p

adre

. D

all

a m

ort

e del

no

nno

. O

gni ta

nto

mia

mad

re e

mia

sore

lla

mi

info

rmavano

al

tele

fono

: “S

ta l

eggendo,

no

n l

o d

istu

rbo

”,

oppure

: “È

in s

off

itta

, cr

edo

che

stia

face

ndo

dei

lavo

ri”.

Il tu

tto

per

no

n

acce

nnar

e per

nes

sun m

oti

vo

all

a ca

usa

del

fred

do g

lacia

le c

he

la v

ita

aveva

get

tato

tr

a di

no

i. D

opo es

sere

en

trat

o

nel

mio

u

ffic

io se

nza

nea

nche

dar

mi

un b

acio

, co

me

se n

ull

a fo

sse,

ha

rovis

tato

in u

no

zain

o,

con a

ria

febbri

le.

« I

l no

us

a m

enti

pendant

des

année

s, J

ean.

Il n

ous

a m

enti

à t

ous.

– Q

ui?

– T

on g

rand

-pèr

e.»

“Ci

ha

menti

to p

er a

nni,

Jea

n.

Ha

menti

to a

tutt

i.”

“Chi?

“Tuo

no

nno

.”

Je n

e sa

is p

as t

rop à

quo

i je

m’a

tten

dais

. Q

u’i

l s’

ass

oie

et

confe

sse :

« J

e

suis

dés

olé

de

ce q

u’i

l s’

est

pas

sé e

ntr

e no

us,

de

ne

pas

avo

ir é

té à

la

hau

teur

de

tes

atte

nte

s, de

ne

pas

av

oir

co

mpri

s, je

veu

x qu

’on se

réco

ncil

ie,

je v

eux q

ue

tout

soit

co

mm

e av

ant,

qu’o

n r

evie

nne

à ce

jo

ur

loin

tain

qu

and t

u m

’as

regar

dans

les

yeu

x,

à la

mat

ernit

é, e

t que

tu

m’a

s co

uro

nné

pèr

e quo

i qu

’il

arri

ve »

? E

t qu’i

l ajo

ute

en t

endan

t une

main

ver

s m

oi ce

mo

t qu’i

l n’u

tili

sait

plu

s :

fist

on.

No

n s

o b

ene

cosa

mi

aspet

tass

i. C

he

si s

edess

e e

confe

ssas

se:

“So

no

dis

pia

ciu

to

per

quel

lo

che

è su

cce

sso

tr

a no

i,

di

no

n

esse

re

stat

o

all

’alt

ezza

dell

e tu

e as

pet

tati

ve,

d

i no

n

aver

ca

pit

o,

vo

glio

ch

e ci

rico

ncil

iam

o,

vo

glio

che

tutt

o s

ia c

om

e pri

ma,

che

rito

rnia

mo

a q

uel

gio

rno

lo

nta

no

in c

ui

mi

hai

guar

dat

o n

egli

occ

hi,

al re

par

to m

ater

nit

à, e

mi

hai

inco

ronat

o pad

re qual

siasi

co

sa ac

cada”?

E ch

e ag

giu

ng

esse

,

tenden

do

una

mano

ver

so d

i m

e, q

uell

e par

ole

che n

on u

sava

più

: fi

glio

mio

.

Au l

ieu d

e ça

, il a

po

uss

é dan

s m

a dir

ecti

on u

n p

aquet

so

igneu

sem

ent

envelo

ppé

dans

du p

apie

r bu

lle.

Invec

e ha

spin

to v

erso

di

me

un p

acchet

to a

vvo

lto c

on c

ura

in c

arta

da

imball

agg

io.

« Q

u’e

st-c

e que

c’es

t ?

– D

es l

ettr

es »

, a-

t-il g

rom

melé

.

“Co

sa s

ono

?”

“Dell

e le

tter

e” h

a bo

rbott

ato.

Page 53: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

47

So

n t

eint

étai

t te

rreu

x,

com

me

si l

e sa

ng c

has

sé d

e so

n v

isag

e ne

saura

it

plu

s ja

mais

ret

rouver

so

n c

hem

in.

La

sua

carn

agio

ne

era

terr

ea, co

me

se i

l sa

ngue

caccia

to d

al su

o v

iso

no

n

riusc

isse

più

a r

itro

var

e il

suo

cam

min

o.

« P

resq

ue

une

centa

ine.

To

ute

s ad

ress

ées

à la

mêm

e per

sonne

et é

crit

es

dan

s des

cahie

rs.

»

“So

no

quas

i un c

enti

naio

. T

utt

e in

dir

izza

te a

lla

stes

sa p

erso

na

e sc

ritt

e in

alc

uni

quad

erni”

.

J’en a

i d

éball

é tr

ois

. N

e ho

sca

rtat

i tr

e.

Un b

leu,

un v

ert

et u

n j

aune.

U

no

blu

, uno

ver

de

e uno

gia

llo

.

Ils

m’o

nt

fasc

iné

imm

édia

tem

ent.

Po

urq

uo

i ?

Peu

t-êt

re l

’id

ée d

es m

ots

(do

nc

de

la v

oix

) qu

i av

aie

nt

pat

ienté

si lo

ngte

mp

s en

eu

x. E

h q

uo

i, s

i o

n

y p

ense

un p

eu,

le m

onde

est

ple

in d

’att

ente

! L

es p

lata

nes,

par

exem

ple

,

ceux q

ui

sont

dan

s le

s co

urs

d’é

cole

s dése

rtes

le

dim

anche

soir

. E

t le

s

pla

ques

d’é

go

ut

sur

lesq

uell

es n

os

enfa

nts

jo

uer

ont

aux b

ille

s le

lu

nd

i

mat

in.

Il y

a l

es

trei

ze p

ages

co

rnée

s de

notr

e ro

man p

réfé

ré,

oubli

é so

us

une

pil

e de

livre

s, q

ui at

tenden

t d’ê

tre

relu

es. E

t la

fig

uri

ne

de

sold

at q

ue

no

us

avo

ns

tant

aim

ée ?

Ell

e a

gli

ssé

der

rièr

e un m

euble

, per

sonne

ne

le

sait

, per

sonne

ne

la d

éran

ge.

Esp

ère-t

-ell

e bie

ntô

t êt

re r

edéc

ouver

te ?

La

po

uss

ière

to

mbe

sur

ell

e co

mm

e heu

res

et a

nnée

s to

mbent

sur

no

us.

Mi

hanno

aff

asc

inat

o i

mm

edia

tam

ente

. P

erch

é?

Fo

rse

per

l’i

dea

dell

e

par

ole

(e

du

nque

dell

a vo

ce)

che

avevano

asp

etta

to c

osì

a l

ungo

. E

h s

ì,

se c

i p

ensi

am

o u

n p

o’,

il m

ondo

è p

ieno

di at

tese

! I

pla

tani, p

er e

sem

pio

,

quell

i che

sono

nei

cort

ili

dell

e sc

uo

le des

erti

la

do

menic

a se

ra.

E i

tom

bin

i su

i quali

i n

ost

ri f

igli

gio

cher

anno

co

n l

e big

lie

il l

uned

ì m

atti

na.

Ci

sono

le

tred

ici

pag

ine

con l

e o

recc

hie

del

no

stro

ro

manzo

pre

feri

to,

dim

enti

cato

sott

o a

una

pil

a d

i li

bri

, ch

e as

pet

tano d

i es

sere

ril

ette

. E

il

sold

atin

o c

he

ci

pia

ceva

tanto

? É

sci

vo

lato

die

tro a

un m

obil

e, n

ess

uno

lo s

a, n

ess

uno

lo

dis

turb

a. S

per

a di

esse

re r

itro

vat

o p

rest

o?

La

po

lver

e

cade

su d

i lu

i co

sì c

om

e le

ore

e g

li a

nni

cado

no

su d

i no

i.

Il y

avait

ces

car

net

s et

leu

rs l

ettr

es,

dan

s un

e bo

îte

en c

arto

n a

u g

renie

r.

Ell

es

avaie

nt

fin

i d

’att

endre

, el

les.

C’e

rano

ques

ti q

uad

erni

e le

lo

ro l

ette

re,

in u

na

scat

ola

di

cart

one

in

soff

itta

. A

lmeno

lo

ro a

vevano

fin

ito

di as

pet

tare

.

Les

chance

use

s.

Che

fort

unat

e.

« M

oïs

e le

s a

toute

s éc

rite

s po

ur

une

fem

me,

a d

it m

on p

ère

en g

rim

açant,

le t

ein

t de

plu

s en p

lus

liv

ide.

– U

ne

fem

me

? Q

uell

e fe

mm

e ?

“Mo

ïse

le h

a sc

ritt

e tu

tte

a una

do

nna”

ha

det

to m

io p

adre

fac

endo

una

smo

rfia

, la

car

nag

ione

sem

pre

più

liv

ida.

“Una

do

nna?

Che

do

nna?”

Page 54: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

48

– E

lle

s’ap

pell

e…, a-

t-il c

om

mencé

avec

dif

ficu

lté,

co

mm

e s’

il c

her

chait

tout

à co

up u

n p

eu d

’air

.

– T

u v

as b

ien ?

– E

lle

s’ap

pell

e… »

“Si

chia

ma…

” ha

iniz

iato

a d

ire

con d

iffi

colt

à, c

om

e se

tutt

o a

un t

ratt

o

cerc

asse

una

bo

ccat

a d’a

ria.

“Sta

i bene?”

“Si

chia

ma…

Je l’a

i vu s

oudai

n a

gri

pper

sa

po

itri

ne

de

la m

ain

dro

ite

et s

’eff

ondre

r su

r

le c

ôté

en e

mpo

rtan

t le

s ca

rnet

s av

ec l

ui,

ver

s le

so

l.

All

’im

pro

vvis

o

l’ho

vis

to

affe

rrar

e il

pet

to

con

la

mano

des

tra

e

coll

ass

are

sul

fianco

tra

scin

ando

i q

uad

erni

con s

é, v

erso

il

pavim

ento

.

Quelq

ues

min

ute

s ap

rès,

je

tenais

sa

tête

en a

tten

dan

t le

s se

cours

, m

a

main

dans

cell

e,

mo

ite

et

mo

lle,

de

mo

n

pèr

e,

quan

d

il

repri

t

connais

sance

et,

d’u

ne

vo

ix v

acil

lante

, pro

no

nça

un p

réno

m e

t un n

om

.

Qualc

he

min

uto

do

po

, gli s

tavo

ten

endo

la

test

a as

pet

tando

i s

occ

ors

i, l

a

mia

m

ano

in

quell

a su

dat

a e

mo

rbid

a d

i m

io pad

re,

quan

do ri

pre

se

cono

scen

za e

, co

n la

vo

ce tre

mo

lante

, pro

nunciò

un n

om

e e

un c

ogno

me.

Quel

eff

ondre

ment

! Q

uel

cat

acly

sme

! P

erso

nne

dan

s la

fam

ille

n’a

vait

jam

ais

ente

nd

u p

arle

r d’A

nne-

Lis

e S

chm

idt.

Che

cro

llo

! C

he

cata

clis

ma!

N

essu

no

in

fa

mig

lia

aveva

mai

senti

to

par

lare

di

Anne-

Lis

e S

chm

idt.

3 a

vri

l 1960

Une

mais

on s

ans

fenêt

res,

mais

pas

sans

pèr

e

3 a

pri

le 1

960

Una c

asa

sen

za f

ines

tre,

ma n

on s

enza

padre

Ma

pet

ite

Anne-

Lis

e,

Ce

n’e

st p

as u

ne

fable

que

je v

eux t

’écr

ire,

mais

l’h

isto

ire

de

ma

vie

, qu

i,

ell

e, a

été

un v

rai ro

man.

Mia

pic

cola

Anne-

Lis

e,

Quell

a che

vo

glio

scr

iver

ti n

on è

una

favo

la, bensì

la

sto

ria

dell

a m

ia v

ita,

che,

invece

, è

stat

a un v

ero e

pro

pri

o r

om

anzo

.

Par

fois

, la

nu

it,

quan

d j

e ne

do

rs p

as,

et c

’est

si

souven

t, j

e re

vo

is d

es

épo

ques

heu

reuse

s o

u m

alh

eure

use

s, e

t je

pen

se q

u’i

l au

rait

su

ffi de

bie

n

peu

de

cho

ses

po

ur

que

mo

n e

xis

tence

so

it t

out

autr

e. P

ourt

ant,

je

le s

ais

bie

n,

je d

ois

acc

epte

r que

ce q

ui s’

est

pas

sé n

e peu

t êt

re c

han

gé.

C’e

st la

dure

lo

i des

Ho

mm

es e

t je

n’y

dér

oger

ai pas

.

A v

olt

e, d

i no

tte,

quan

do

no

n r

iesc

o a

dorm

ire,

e m

i su

cced

e ta

nto

spes

so,

rived

o e

po

che

feli

ci

o t

rist

i e

pen

so c

he

sare

bber

o b

asta

te p

och

issi

me

cose

per

ché

la m

ia e

sist

enza

fo

sse

tutt

’alt

ra. T

utt

avia

, e

lo s

o b

ene,

devo

acce

ttar

e il f

atto

che

ciò

che

è ac

caduto

no

n p

uò e

sser

e ca

mb

iato

. È

la

dura

leg

ge

deg

li U

om

ini

e io

no

n l

a in

franger

ò.

Page 55: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

49

Mo

n r

écit

te

par

aîtr

a peu

t-êt

re e

xag

éré…

Mo

i-m

êm

e, j

e m

e d

is :

« E

st-

ce b

ien a

rriv

é co

mm

e ce

la,

Mo

ïse ?

! N

’as-

tu p

as r

êvé

? »

Fo

rse

il m

io r

acco

nto

ti

sem

bre

rà e

sager

ato

… I

o s

tess

o m

i d

ico

: “È

andat

a pro

pri

o c

osì

, M

oïs

e?!

No

n a

vra

i m

ica

sognato

?”

Eh b

ien o

ui, t

out

cela

est

arr

ivé.

Et

mêm

e p

lus

enco

re.

Ebbene

sì,

è ac

caduto

tutt

o q

ues

to.

E a

nche

di p

iù.

Mais

co

mm

enço

ns

par

le

com

mence

ment.

M

a par

tiam

o d

all

’in

izio

.

Je

suis

le

3 j

uil

let

1910,

un

dim

anche,

à

Fo

urm

ies,

pet

ite

vil

le

indust

riell

e et

san

s is

sue

de

15

000 h

abit

ants

, si

tuée

à l

a li

mit

e no

rd d

e

l’A

isne.

So

no

nat

o il 3 lug

lio

1910

, d

i do

menic

a, a

Fo

urm

ies,

cit

tadin

a in

dust

riale

e se

nza

pro

spet

tive

di

15000 a

bit

anti

, si

tuat

a al

co

nfi

ne

sett

entr

ionale

dell

’Ais

ne.

Le

reli

ef

est

vallo

nné,

le

cara

ctèr

e des

habit

ants

est

rude

(« c

elu

i des

gen

s

du N

ord

»,

dis

ent

les

gens

du S

ud).

I ri

lievi

sono

co

llin

ari, i

l ca

ratt

ere

deg

li a

bit

anti

è r

ozz

o (

“quello

dell

a

gen

te d

el N

ord

”, d

ice

la g

ente

del

Sud).

Ma

mèr

e ét

ait

ven

ue

au m

onde

à G

lag

eon,

pap

a à

Ano

r, u

ne

com

mu

ne

très

pro

che.

Mia

mad

re e

ra n

ata

a G

lag

eon e

pap

à ad

Ano

r, u

n c

om

une

mo

lto v

icin

o.

Mo

n p

ère

étai

t fo

rt g

rand,

la b

arbe

fourn

ie e

n c

ouen

ne

de

lard

, et

to

ute

piq

uet

ée d

e m

arguer

ites

de

cim

etiè

re,

com

me

on d

isait

à l

’épo

que.

Il

jouait

de

l’ac

cord

éon,

anim

ait

des

bals

le

dim

anch

e, f

ais

ait

vals

er l

es

jeu

nes

dan

s le

s es

tam

inet

s, e

t c’

est

ainsi

qu’i

ls t

om

bèr

ent

fous

am

oure

ux.

Mio

pad

re e

ra m

olt

o a

lto

, av

eva

la b

arba

dura

com

e una

cote

nna

e tu

tta

punte

gg

iata

di peli

bia

nchi,

di “m

arg

her

ite

del cim

iter

o”,

co

me

si d

iceva

all

’epo

ca. S

uo

nav

a la

fis

arm

onic

a, a

nim

ava

le f

este

la

do

menic

a e

faceva

ball

are

il v

alz

er a

i g

iovani

nell

e bet

tole

: fu

co

sì c

he

si i

nnam

ora

rono

foll

em

ente

.

Ma

mèr

e, M

arie

de

son p

réno

m,

Bas

tien d

e so

n n

om

, ét

ait

jo

lie,

pote

lée,

bru

ne

aux y

eux c

oule

ur

de

cendre

, à

la f

ilat

ure

dep

uis

ses

12 a

ns.

Ell

e ne

sort

ait

que

dep

uis

so

n

dix

-sep

tièm

e an

niv

ersa

ire

et

seu

lem

ent

acco

mp

agnée

de

ses

frèr

es.

Mia

mad

re,

che

face

va

Mar

ie d

i no

me

e B

ast

ien d

i co

gno

me,

era

bell

a,

paff

uta

, m

ora

dag

li o

cchi

colo

r ce

ner

e e

lavo

rava

al

coto

nif

icio

da

quan

do

aveva

12 a

nni.

Aveva

il p

erm

esso

di usc

ire

solo

da

quan

do

aveva

com

piu

to 1

7 a

nni

e so

lo s

e ac

com

pag

nat

a dai su

oi

frat

ell

i.

Page 56: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

50

Sit

ôt

son s

erv

ice

mil

itair

e te

rmin

é, m

on p

ère

avait

dû é

po

use

r m

a m

ère

rap

idem

ent,

ca

r il

avait

m

is

la

char

rue

avant

les

ufs

et

m

am

an

encein

te…

No

n

appen

a ebbe

term

inat

o

il

serv

izio

m

ilit

are,

mio

pad

re

do

vet

te

spo

sare

mia

mad

re r

apid

am

ente

per

ché

aveva

mes

so i

l ca

rro

dav

anti

ai

buo

i e

la m

am

ma

incin

ta…

Mais

, par

ce q

u’e

n c

e te

mp

s-là

curé

s et

pat

rons

marc

haie

nt

main

dans

la

main

, m

ieu

x v

ala

it n

e pas

cau

ser

Égli

se a

vec

mo

n p

ère.

Tutt

avia

, po

iché

all

’epo

ca i

pre

ti e

i p

adro

ni

cam

min

avano

mano

nell

a

mano

, er

a m

eglio

no

n p

arla

re d

ell

a C

hie

sa a

mio

pad

re.

Il ét

ait

très

so

ciali

ste

: il

avait

m

al

aux in

test

ins

quan

d il vo

yait

de

l’in

just

ice.

Po

urt

ant,

il

cro

yait

auss

i au

Chri

st,

« le

pre

mie

r so

cia

list

e

venu a

u m

onde

! E

t m

is à

m

ort

par

les

bo

urg

eois

et

la R

eli

gio

n,

en

plu

s !

».

Era

m

olt

o

soci

ali

sta:

g

li

veniv

a il

vo

ltas

tom

aco

quan

do

ved

eva

un’i

ng

iust

izia

. T

utt

avia

, cr

edev

a anche

in G

esù,

“il

pri

mo

so

cia

list

a

venuto

al

mo

ndo

! E

mes

so a

mo

rte

dai

bo

rghesi

e d

all

a R

eli

gio

ne,

per

giu

nta

!”.

Il a

jouta

it m

êm

e, l

a m

ain

sur

le c

œur

: « M

oi, j

e s

erai

com

me

lui,

je

mo

urr

ai

à 33

ans.

» B

ien s

ûr,

to

ut

le m

onde

souri

ait

, sa

uf

ma

mèr

e, p

lus

super

stit

ieu

se q

ue

socia

list

e :

Add

irit

tura

aggiu

ng

eva,

co

n la

mano

su

l cu

ore

: “I

o s

arò

co

me

lui, m

ori

a 33 a

nni”

. T

utt

i ri

devano

, ce

rto, tr

anne

mia

mad

re, più

super

stiz

iosa

che

socia

list

a:

« S

i j’

étais

sûre

de

cela

, j’

aura

is p

lutô

t m

arié

le

vo

isin

! »

“S

e ne

foss

i st

ata

sicu

ra,

piu

tto

sto a

vre

i sp

osa

to i

l vic

ino

!”

En g

uis

e de

cadea

u d

e m

aria

ge,

mes

deu

x t

ante

s m

ater

nell

es

off

rire

nt

un

gra

nd c

ouvre

-lit

en c

oto

n t

issé

. T

oute

s le

s tr

ois

y a

vaie

nt

trav

ail

lé d

es

années

dura

nt

et i

l ét

ait

dep

uis

to

ujo

urs

co

nvenu q

ue

ce s

erait

po

ur

la

pre

miè

re à

se

fiance

r. M

on g

rand fr

ère,

Pet

it-G

eorg

es,

naq

uit

sur

ce

couvre

-lit

, en

o

cto

bre

1905,

au

sein

d’u

ne

bic

oque

mis

éreu

se,

aux

meu

ble

s ac

het

és à

cré

dit

.

Co

me

regalo

d

i no

zze,

le

m

ie due

zie

m

ater

ne

do

nar

ono

un gra

nde

copri

lett

o d

i co

tone.

Tutt

e e

tre

le s

ore

lle

vi avevano

lavo

rato

per

anni ed

eran

o d

’acc

ord

o d

a se

mpre

su

l fa

tto c

he

sare

bbe

andat

o a

lla

pri

ma

di lo

ro

che

si f

oss

e fi

danzat

a. I

l m

io f

rate

llo

mag

gio

re, P

etit

-Geo

rges

, nac

que

su

ques

to co

pri

lett

o,

nell

’ott

obre

del

1905,

in una

case

tta

mis

era,

co

n i

mo

bil

i co

mpra

ti a

rat

e.

« O

n v

it p

eut-

être

dan

s no

s cr

éance

s, m

ais

on y

vit

heu

reu

x.

»

“Fo

rse

viv

iam

o n

ei

debit

i, m

a ci

viv

iam

o f

eli

ci.”

Il e

st v

rai

que

mes

par

ents

fo

rmaie

nt

un m

énag

e uni. H

éla

s, l

es j

ours

de

chô

mag

e se

mu

ltip

lièr

ent.

Pap

a gag

nait

tro

is f

rancs

par

jo

ur,

mam

an u

n

È v

ero

che

i m

iei

genit

ori

fo

rmavano

una

copp

ia u

nit

a. A

him

è, i

gio

rni

di

dis

occ

upaz

ione

si m

olt

ipli

car

ono

. P

apà

guad

agnava

tre

franchi

al

Page 57: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

51

peu

plu

s d

e deu

x f

rancs.

La

vie

éta

it t

rop r

ude,

et

mes

par

ents

dure

nt

se

réso

udre

au p

ire.

gio

rno

, la

mam

ma

po

co p

iù d

i du

e fr

anchi. L

a vit

a er

a tr

oppo d

ura

e i

mie

i g

enit

ori

do

vet

tero

pre

nder

e la

dec

isio

ne

peg

gio

re d

i tu

tte.

« I

l cr

ie t

rop f

ort

, ex

pli

qua

pap

a en

aband

onnant

Pet

it-G

eorg

es d

evan

t la

po

rte

de

mes

gra

nd

s-par

ents

. M

ieu

x v

aut

que

vous

le p

renie

z quelq

ue

tem

ps

par

ce q

ue,

la

nu

it,

quan

d j

e m

e pro

mène

avec

lui

dans

les

bra

s, j

e

pen

se so

uvent

: “S

i ce

n’é

tait

pas

à

mo

i, je

te

bala

ncer

ais

ça

par

la

fenêt

re !

” »

“Pia

nge

tro

ppo f

ort

e” s

pie

pap

à ab

bando

nando

Pet

it-G

eorg

es d

avan

ti

all

a po

rta

di

casa

dei

mie

i no

nni. “

È m

egli

o c

he

ve

lo p

rend

iate

per

un

po

’ per

ché

di

no

tte,

quan

do c

am

min

o c

on l

ui

in b

racc

io,

spes

so p

enso

che

se n

on f

oss

e m

io f

iglio

lo

butt

erei

dall

a fi

nes

tra!

”.

J’ai

su b

ien d

es a

nnée

s p

lus

tard

que

cett

e sé

par

atio

n l

’avait

tan

t ble

ssé

qu’i

l n’e

n a

vait

pas

des

serr

é le

s m

âcho

ires

d’u

ne s

em

ain

e. E

t puis

, et

c’es

t le

plu

s im

po

rtan

t, n

otr

e m

ais

on,

c’ét

ait

quat

re p

ans

de

mur

et u

n

toit

, ri

en d

’autr

e. Y

’a jam

ais

eu d

e fe

nêt

res

chez

no

us

par

lesq

uell

es j

eter

les

pet

its

gar

çons

bru

yants

.

Ho

sap

uto

mo

lti

an

ni

più

tar

di

che

quell

a se

par

azio

ne

gli

aveva

fatt

o

talm

ente

male

che

no

n a

veva

aper

to b

occ

a per

una

sett

imana.

E p

oi, e

d è

ques

ta la

co

sa p

iù im

po

rtan

te, la

no

stra

cas

a er

a co

stit

uit

a da

quat

tro

pez

zi

di m

uro

e u

n t

etto

, nie

nt’

alt

ro. D

a no

i no

n c

i so

no

mai st

ate

finest

re d

alle

quali g

etta

re i

bam

bin

i ru

mo

rosi

.

3 a

vri

l 1961

Mon c

adea

u d

e nais

sance

, je

l’a

i gard

é to

ute

ma v

ie

3 a

pri

le 1

961

Il m

io r

egalo

di

nasc

ita

l’h

o c

onse

rvato

per

tutt

a l

a v

ita

Ma

chér

ie,

Je v

oudra

is r

evenir

à m

a nais

sance

, u

n d

imanche

mat

in.

Mes

par

ents

logea

ient

pas

bie

n l

oin

de

l’ég

lise

. M

am

an é

tait

dan

s le

s do

ule

urs

quand

les

gen

s gag

nèr

ent

l’o

ffic

e, e

t lo

rsqu’i

ls r

epas

sère

nt

une

heu

re a

prè

s,

j’ét

ais

là.

Mia

car

a,

Vo

rrei

torn

are

alla

mia

nas

cit

a, u

na

do

menic

a m

atti

na.

I m

iei

genit

ori

viv

evano

no

n m

olt

o lo

nta

no

dal

la chie

sa.

La

mam

ma

era

entr

ata

in

trav

aglio

quando

la

gente

entr

ò i

n c

hie

sa p

er

la m

ess

a: q

uando

ques

ta

torn

ò,

do

po u

n’o

ra, er

o là.

Man F

ine,

ma

gra

nd

-mèr

e m

ater

nell

e, d

épo

sa d

ans

mo

n landau

une

pet

ite

bib

le à

la

couver

ture

beig

e, a

ux c

oin

s fe

rrés

de

cuiv

re, m

igno

nne

com

me

No

nna

Fin

e, la

mia

no

nna

mat

erna,

mis

e nell

a m

ia c

arro

zzin

a u

na

pic

cola

Bib

bia

dall

a co

per

tina

beig

e co

n gli ango

li d

i ra

me,

dav

ver

o ca

rina

Page 58: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

52

tout

par

ce q

u’e

lle

était

neu

ve,

et

qu’o

n n

e vo

yait

pas

to

us

les

jours

des

obje

ts n

eufs

par

chez

no

us,

enco

re m

oin

s des

livre

s.

per

ché

era

nuo

va:

da

no

i o

gget

ti n

uo

vi

no

n s

i vedev

ano

tutt

i i

gio

rni,

tanto

meno

dei

lib

ri.

« N

’oubli

e ja

mais

: Q

uan

d o

n v

ient

avec

le

vin

de

mess

e, l

e C

hri

st r

este

toujo

urs

à n

os

côté

s »,

pro

mit

-ell

e.

“No

n d

imenti

carl

o m

ai:

quan

do

si

vie

ne

al

mo

ndo

co

n il vin

o dell

a

com

unio

ne,

Ges

ù r

esta

sem

pre

al

no

stro

fia

nco

” pro

mis

e.

Po

ur

le C

hri

st, je

ne

sais

pas,

mais

po

ur

la p

etit

e bib

le, vo

ilà

soix

ante

ans

qu’e

lle

m’a

cco

mpag

ne

et n

e m

e qu

itte

jam

ais

.

Quan

to

a G

esù,

no

n

lo

so,

ma

quan

to

alla

pic

cola

B

ibb

ia,

sono

sess

ant’

anni

che

mi

acco

mp

agna

e no

n m

i la

scia

mai.

Par

ce q

ue

son c

opai

n d

’enfa

nce

avait

eu l

a bo

nne

idée

de

se n

oyer

dan

s

la M

euse

une

qu

inzain

e de

jours

avant

ma

nais

sance

, pap

a in

sist

a po

ur

m’a

ppele

r M

oïs

e en

so

uvenir

de

lui.

Quelq

ues

année

s av

ant

le t

rio

mp

he

de

Hit

ler

de

l’au

tre

côté

du

Rhin

, co

nveno

ns-

en,

ce

n’é

tait

pas

sa

meil

leure

idée

. A

ucu

ne

bib

le a

u m

onde,

si

neu

ve

et m

igno

nne

fût-

elle

,

ne

me

pro

téger

ait

contr

e ça

.

Dat

o c

he

il s

uo

am

ico

d’i

nfa

nzia

aveva

avuto

la

buo

na

idea

di

anneg

are

nell

a M

osa

u

na

qu

ind

icin

a d

i g

iorn

i pri

ma

dell

a m

ia

nas

cit

a,

pap

à

insi

stet

te p

er c

hia

mar

mi

Mo

ïse

in s

uo

ric

ord

o.

E q

ues

to q

ual

che

anno

pri

ma

del

trio

nfo

di

Hit

ler

in G

erm

ania

: d

icia

mo

ci

la v

erit

à, n

on e

ra l

a

cosa

mig

lio

re c

he

avess

e m

ai fa

tto

. N

essu

na

Bib

bia

al m

ondo

, per

quan

to

foss

e nuo

va

e ca

rina,

mi avre

bbe

pro

tett

o d

a ques

to.

Quan

d l

e chô

mag

e re

do

ubla

, en 1

912,

mo

n p

ère

conçu

t un g

rand p

roje

t :

récu

pér

er P

etit

-Geo

rges

, puis

par

tir

trav

ail

ler

dans

les

Ard

ennes

, o

ù s

e

tro

uvaie

nt

son f

rère

, Ja

cques

, et

de

bie

n m

eil

leurs

sala

ires

.

Quan

do

la

dis

occ

upaz

ione

peg

gio

rò,

nel

1912,

mio

pad

re e

labo

rò u

n

gra

nde

pro

get

to:

ripre

nder

si P

etit

-Geo

rges

, po

i andar

e a

lavo

rare

nell

e

Ard

enne,

do

ve

si

tro

vav

ano

su

o

frat

ello

Ja

cques

e

deg

li

stip

end

i

dec

isam

ente

mig

lio

ri.

Ma

mèr

e ré

sist

a quan

d m

êm

e deu

x a

ns

: M

ia m

adre

co

munqu

e si

oppo

se p

er d

ue

anni:

« P

ense

do

nc

! Q

uit

ter

mo

n p

ays,

mes

par

ents

, et

m’e

n a

ller

si

loin

… À

cent

kilo

mèt

res

! »

“Pensa

ci, i

nso

mm

a!

Las

cia

re i

l m

io p

aese

, i

mie

i gen

ito

ri,

e an

dar

mene

così

lo

nta

no

… A

cen

to c

hilo

met

ri!”

On n

e d

ira

jam

ais

ass

ez l

a bea

uté

des

Ard

ennes,

surt

out

« l

a V

all

ée »

,

com

me

on l

’appell

e. D

e C

har

levil

le à

Liè

ge,

la

Meuse

ser

pente

entr

e le

s

mo

nta

gnes

et, par

fois

, il n

’y a

vra

iment

pla

ce q

ue

po

ur

elle

. L

es v

illa

ges

No

n s

i par

lerà

mai

abbas

tanza

dell

a bell

ezz

a dell

e A

rdenne,

so

pra

ttutt

o

dell

a “V

all

e”,

co

me

la

chia

mano

. D

a C

har

levil

le

a L

ieg

i,

la

Mo

sa

serp

egg

ia t

ra i

ril

ievi

e, a

vo

lte,

c’è

dav

ver

o s

paz

io s

olo

per

lei. I

pae

si

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53

sont

bât

is s

oit

à f

lanc

de

cote

au, so

it e

n b

ord

de

fleu

ve

quand p

ar b

onheu

r

la v

all

ée s

’éla

rgit

et

gri

gno

te u

n p

eu s

ur

les

coll

ines.

vengo

no

co

stru

iti

o s

ui

ver

santi

dei

coll

i o

in r

iva a

l fi

um

e quan

do

per

fort

una

la v

all

e si

all

arga

ed e

rode

un p

o’

le c

oll

ine.

Bie

n s

ûr,

ce

n’e

st q

ue

plu

s ta

rd q

ue

j’ai ap

pré

cié

ple

inem

ent

cett

e nat

ure

.

Po

ur

l’heu

re,

je n

’éta

is q

u’u

n b

ébé

bie

n r

ondele

t, b

run,

les

yeu

x b

leu

s

bo

rdés

de

long

s cil

s, a

do

ré p

ar s

on p

apa

bo

urr

u q

ui m

’appela

it s

on «

gro

s

gam

in »

.

Cer

to, h

o a

ppre

zzat

o a

pie

no

ques

ta n

atura

so

lo p

iù tar

di. P

er il m

om

ento

,

ero s

olo

un n

eonat

o r

oto

ndet

to,

mo

ro,

dag

li o

cchi

azzu

rri

cir

condat

i da

lung

he

cig

lia,

ado

rato

dal

su

o p

apà

burb

ero

che m

i chia

mava

il s

uo

“cic

cio

ttel

lo”.

À v

rai d

ire,

de

lui, j

e n’a

i gar

que

quelq

ues

souven

irs,

des

cli

chés

sans

gra

nd l

ien e

ntr

e eu

x :

A d

ire

il v

ero

, di

lui

ho

co

nse

rvat

o s

olo

qualc

he

rico

rdo, dell

e is

tanta

nee

senza

gra

nd

i le

gam

i tr

a lo

ro:

– M

on p

ère

est

allé

tra

quer

po

ur

les

chas

seurs

. C

royant

me

fair

e p

lais

ir,

en r

epas

sant

dev

ant

la m

ais

on,

il m

e m

ontr

e une

pet

ite

bic

he c

aptu

rée

viv

ante

, la

ro

be

gri

s de

lin e

t le

po

itra

il a

uss

i cla

ir q

u’u

ne

fleu

r de

pêc

her

.

De

gro

sses

lar

mes

ble

ues

coule

nt

de

ses

yeu

x.

Je n

’ai

jam

ais

pu o

ubli

er

cett

e bêt

e, m

a pet

ite

Anne-

Lis

e, e

t l’

eau

dan

s so

n r

egar

d d

evait

rés

onner

en m

oi

bie

n des

année

s ap

rès,

lo

rs de

cir

const

ance

s in

fin

iment

plu

s

malh

eure

use

s au

xquell

es t

u n

e se

rais

pas

étr

angèr

e…

- M

io p

adre

è a

nd

ato

a s

egu

ire

i ca

ccia

tori

. C

reden

do

di

farm

i u

n

pia

cere

, pas

sando

dav

anti

cas

a, m

i m

ost

ra u

na

cerb

iatt

a ca

ttura

ta

viv

a, d

al

manto

gri

gio

lin

o e

dal

pet

to c

hia

ro c

om

e u

n f

iore

di

pes

co.

Del

le g

ross

e la

crim

e blu

sce

ndo

no

dai su

oi

occ

hi. N

on h

o

mai

po

tuto

dim

enti

care

quell

a bes

tia,

mia

pic

cola

Anne-L

ise,

e

l’ac

qua

nel

suo

sguar

do s

areb

be

riecheg

gia

ta i

n m

e m

olt

i ann

i

do

po,

dura

nte

cir

cost

anze

in

finit

am

ente

più

tri

sti

all

e quali

no

n

sare

sti st

ata

estr

anea

– P

lus

tard

, c’

est la

nu

it n

oir

e, juchée

2 s

ur

ses

épau

les,

je

regar

de

un g

rand

feu a

uto

ur

duquel

des

jeu

nes

gens

danse

nt

en r

ond.

Je m

e so

uvie

ns

des

om

bre

s der

rièr

e la

fla

mm

e et

de

mo

n p

ère

qui

dit

: «

Vo

ilà

qu

i es

t bea

u

po

ur

toujo

urs

, m

on g

ros

gam

in.

»

- P

iù t

ardi, è

bu

io p

esto

. A

ppo

llaia

to s

ull

e su

e sp

all

e, g

uar

do

un

gra

nde

falò

into

rno a

l quale

dei

ragaz

zi

ball

ano

in c

erch

io.

Mi

rico

rdo d

elle

om

bre

die

tro a

lla

fiam

ma

e d

i m

io p

adre

che

dic

e:

“Ora

che

sarà

bello

per

sem

pre

, cic

cio

ttel

lo m

io”.

2 I

l es

t pro

bab

le q

u’i

l s’

agit

d’u

ne

faute

de

frap

pe

et q

ue

l’au

teu

r, e

n r

éali

té, se

réf

érai

t à

Mo

ïse.

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54

J’ig

no

re p

ourq

uo

i il a

pré

cis

é pour

toujo

urs

, m

ais

, m

êm

e ap

rès

toute

s ce

s

années

, je

n’a

i p

as o

ubli

é le

s fe

ux d

e la

Sain

t-Je

an. Il

me

suff

it d

’y p

ense

r

et je

retr

ouve

cett

e im

age

en m

oi, i

nta

cte

et t

oujo

urs

bie

n j

oli

e. U

n p

ère,

tu v

ois

, ça

ne

ment

pas

.

Igno

ro p

erch

é ab

bia

pre

cis

ato p

er s

empre

, m

a, p

erfi

no

do

po

tutt

i ques

ti

anni,

no

n h

o d

imenti

cato

i f

alò

di

San

Gio

vanni.

Mi

bas

ta p

ensa

rci

e

ritr

ovo

ques

t’im

mag

ine

in m

e, i

nta

tta

e se

mpre

mo

lto

bell

a. C

om

e ved

i,

un p

adre

no

n m

ente

.

Au

jourd

’hu

i A

l g

iorn

o d

’oggi

« S

’il

s’ag

it j

ust

e d’u

n m

ala

ise

lié

au s

urm

enag

e, p

ourq

uo

i le

gar

dent-

ils

à S

aint-

Anto

ine

ce s

oir

, m

am

an ?

chucho

tai-

je v

ers

la

fem

me

pen

chée

au-d

essu

s du l

it d

e l’

pit

al

par

isie

n o

ù m

on p

ère

, ép

uis

é, d

orm

ait

à

po

ings

ferm

és.

– J

e ne

sais

pas

. C

’est

to

i, l

e m

édec

in.

»

“Se

si t

ratt

a so

lo d

i un m

alo

re d

ovuto

al

tro

ppo l

avo

ro,

per

ché

stas

era

lo

tengo

no

al

Sain

t-A

nto

ine,

mam

ma?”

suss

urr

ai

all

a do

nna

pie

gat

a su

l

lett

o d

ell’

osp

edale

par

igin

o d

ove

mio

pad

re, st

anco

, do

rmiv

a co

n i p

ugn

i

chiu

si.

“No

n l

o s

o. S

ei t

u i

l m

edic

o.”

Dès

so

n a

rriv

ée

dan

s le

ser

vic

e, m

a m

ère

m’a

vait

dre

ssé

un é

tat

des

lie

ux

épo

uvan

table

, lo

in d

u t

able

au i

dyll

ique

qu

’ell

e et

ma

sœur

me

serv

aie

nt

à ch

aque

appel té

lép

ho

niq

ue

: dep

uis

la

déc

ouver

te d

e ce

s ca

rnet

s, D

enis

,

mo

n p

ère,

pas

sait

ses

jo

urn

ées

au g

renie

r et

sur

Inte

rnet

, à

appel

er d

es

mair

ies,

à

com

pu

lser

de

vie

ux

annu

air

es,

des

co

mpte

s re

ndus

mu

nic

ipau

x.

Sin

dal

suo

arr

ivo

al

repar

to,

mia

mad

re m

i aveva

fatt

o u

n p

unto

del

la

situ

azio

ne

spav

ento

so,

lonta

no

dal

quad

ro i

dil

liaco

che

lei

e m

ia s

ore

lla

mi

pre

senta

vano

a

ogni

tele

fonat

a:

da

quan

do

aveva

sco

per

to

quei

quad

erni, D

enis

, m

io pad

re,

pas

sava

le su

e g

iorn

ate

in so

ffit

ta e

su

Inte

rnet

a

chia

mar

e m

unic

ipi

e a

consu

ltar

e vec

ch

i annu

ari

e at

ti

com

unali

.

« I

l a

mêm

e je

té s

a co

llec

tio

n d

e tr

ains

éle

ctri

ques

po

ur

fair

e de

la p

lace

.

Tu t

e re

nds

com

pte

? »

“Ha

per

fino

butt

ato

via

la

su

a co

llez

ione

di

tren

ini

ele

ttri

ci

per

fa

re

spaz

io.

Ti re

nd

i co

nto

?”

Mo

n

pèr

e en

tret

enait

po

ur

ses

loco

mo

tives

du

ites

une

pas

sio

n

dév

ora

nte

, in

exp

lica

ble

. T

ranqu

ille

ment,

dan

s un a

teli

er a

ménag

é so

us

les

com

ble

s, é

qu

ipé

de

lunet

tes

bin

ocu

lair

es

qu

i ag

rand

issa

ient

ses

yeu

x

ble

us

et l

ui

do

nnaie

nt

un a

ir d

e vie

ux h

ibo

u,

il r

epro

duis

ait

à c

oups

de

pin

ceau

des

gar

es,

des

chem

ins

de

fer,

des

mo

rcea

ux d

e vil

les

avec

un

Mio

pad

re n

utr

iva,

per

le

sue

loco

mo

tive

in m

inia

tura

, una

pas

sio

ne

div

ora

nte

, in

spie

gabil

e. T

ranqu

illa

mente

, in

un l

abo

rato

rio

all

est

ito

in

soff

itta

, eq

uip

agg

iato

di o

cchia

li b

ino

cula

ri c

he

ingra

nd

ivano

i s

uo

i o

cchi

azzu

rri

e g

li d

avano

un’a

ria

da

vec

chio

gu

fo,

ripro

duce

va

a pennell

ate

staz

ioni, f

erro

vie

, p

ezzi

di

cit

tà c

on u

n’i

nte

nsa

att

enzio

ne

ai

det

tagli

. Il

Page 61: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

55

souci ac

har

du d

étai

l. Q

ue

mo

n p

ère

se s

oit

défa

it d

u f

ruit

d’a

nnée

s de

pat

ience

et d

e m

inuti

e en d

isait

lo

ng s

ur

son é

tat.

fatt

o c

he

mio

pad

re s

i fo

sse

dis

fatt

o d

el fr

utt

o d

i anni

di

paz

ienza

e

met

ico

losi

tà l

a d

iceva

lunga

sul

suo

sta

to.

« I

l cher

chait

quelq

ue

cho

se,

ne

do

rmait

pre

sque

plu

s, n

e pre

nait

mêm

e

plu

s so

n t

rait

em

ent

po

ur

le c

œur.

Ce

qu

’il

avait

lu d

ans

ces

lett

res

le

rendait

tri

ste,

mais

tri

ste !

Tu n

’im

agin

es

pas

.

– P

ourq

uo

i ne

m’e

n a

-t-i

l pas

par

lé ?

Et po

urq

uo

i n’a

vez-

vo

us

rien d

it ?

»

“Cer

cava

qualc

osa

, pra

tica

mente

no

n

do

rmiv

a p

iù,

add

irit

tura

no

n

pre

ndeva

più

la

med

icin

a per

il

cuo

re.

Quel

lo c

he a

veva

lett

o i

n q

uell

e

lett

ere

lo r

endeva

tris

te,

ma

talm

ente

tri

ste!

Nea

nche

te lo

im

mag

ini.

“Per

ché

no

n m

e ne

ha

par

lato

? E

per

ché

no

n m

i avet

e det

to n

iente

?”

Ell

e s’

appro

cha

et m

urm

ura

à m

on o

reil

le, co

mm

e s’

il p

ouvait

ente

ndre

:

Si av

vic

inò

e m

orm

orò

al

mio

ore

cchio

, co

me

se p

ote

sse

senti

re:

« T

u veu

x vra

iment

qu’o

n ab

ord

e la

ra

iso

n po

ur

laquell

e vo

us

êtes

dev

enu

s deu

x i

mbécil

es i

nca

pable

s de

com

mu

niq

uer

, pap

a et

to

i ?

De

plu

s, n

ous

avo

ns

dû l

ui pro

met

tre

de

no

us

tair

e. »

“Davver

o v

uo

i che

par

liam

o d

el

mo

tivo

per

il quale

tu e

pap

à si

ete

div

enta

ti d

ue

imbecil

li i

ncap

aci

di

com

unic

are?

In p

iù,

abbia

mo

do

vuto

pro

met

terg

li d

i ta

cere

.”

Avant

que

j’eu

sse

pu r

épo

ndre

quo

i que

ce f

ût,

ell

e se

to

urn

a et

dép

osa

avec

am

our

un b

ais

er s

ur

son f

ront.

Pri

ma

che

pote

ssi

risp

onder

e, q

ualu

nque

cosa

fo

sse,

si

gir

ò e

co

n a

mo

re

gli d

ied

e un b

acio

su

lla

fro

nte

.

« D

epu

is q

uand t

u n

’as

plu

s vu d

e fo

rmes

dans

les

nuag

es,

hein

? »

“D

a quand

’è c

he

no

n v

edi p

iù f

orm

e nell

e nu

vo

le,

eh?”

Inca

pable

d’a

gir

en a

du

lte

face

à l

a m

ala

die

, m

a m

ère

use

de

mét

apho

res

toute

s plu

s o

bsc

ure

s le

s unes

que

les

autr

es.

Ain

si,

le d

épre

ssif

« n

e vo

it

plu

s de

form

es

dan

s le

s nuag

es »

, no

tre

gra

nd

-pèr

e n’e

st p

as m

ort

d’u

n

cance

r, il a

« t

ouch

é du d

oig

t l’

os

du s

quel

ette

infi

ni

». D

’ail

leurs

, et

cela

ne

cess

ait

pas

de

m’é

tonner

, m

a sœ

ur

Anna-L

isa

étai

t par

eil

le.

Bie

n

qu’a

do

pté

e,

elle

avait

en

gra

nd

issa

nt

affi

ché

peu

à

peu

le

m

êm

e

tem

pér

am

ent

do

ux qu’e

lle,

le

s m

êm

es

frag

ilit

és au

ssi. P

arfo

is,

leurs

ress

em

bla

nce

s ét

aient

pre

sque

effr

ayante

s :

la

vo

ix,

le

souri

re,

les

expre

ssio

ns,

la

po

siti

on q

uand e

lles

do

rmaie

nt

ou m

angea

ient,

la

faço

n

Inca

pac

e d

i co

mpo

rtar

si d

a ad

ult

a d

i fr

onte

all

e m

ala

ttie

, m

ia m

adre

usa

dell

e m

etafo

re u

na

più

osc

ura

dell

’alt

ra.

Co

sì,

è nata

la

dep

rim

ente

“no

n

ved

e p

iù f

orm

e nell

e nu

vo

le”

e no

stro

no

nno

no

n è

mo

rto

di

tum

ore

, ha

“to

ccat

o c

on i

l d

ito

l’o

sso

dello

schele

tro

infi

nit

o”.

Tra

l’a

ltro

, e

ciò

no

n

smet

teva

di s

tup

irm

i, m

ia s

ore

lla

Anna-

Lis

a le

so

mig

liava.

Seb

bene

foss

e

stat

a ad

ott

ata,

cre

scen

do

aveva

mo

stra

to u

n p

o’

all

a vo

lta

il s

uo

ste

sso

tem

per

am

ento

do

lce

e an

che

le su

e st

esse

fr

agil

ità.

A

vo

lte,

le

lo

ro

som

igli

anze

eran

o q

uas

i sp

avento

se:

la v

oce

, il s

orr

iso

, le

esp

ress

ioni, l

a

po

sizio

ne

in c

ui do

rmiv

ano

o m

ang

iavano

, per

fino

il m

odo

di p

ianger

e…

Page 62: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

56

de

ple

ure

r m

êm

e… J

e ne

po

uvais

m’e

mpêc

her

d’y

vo

ir u

ne

supér

iori

de

l’am

our

sur

le b

iolo

giq

ue

: no

us

som

mes

– o

u p

lutô

t dev

eno

ns

– q

ui

no

us

a aim

és,

et n

on c

e que

no

s gèn

es o

nt

pro

gra

mm

é po

ur

no

us.

No

n p

ote

vo

evit

are

di

ved

erci

una

super

iori

tà d

ell

’am

ore

su

lla

bio

log

ia:

siam

o –

o p

iutt

ost

o d

iventi

am

o –

chi ci

ha

am

ati e

no

n q

uello

che

i no

stri

gen

i hanno

pro

gra

mm

ato p

er n

oi.

« I

l ét

ait

obsé

par

la

vie

de

Mo

ïse,

par

lait

de

ses

der

nie

rs i

nst

ants

en

per

manence

. Il

so

uhait

ait

par

tir

sur

les

trac

es

de

son

enfa

nce

. Il

surc

hau

ffait

»,

ajo

uta

-t-e

lle,

en t

endant

ver

s m

oi

un j

oli

Mo

lesk

ine

à la

couver

ture

vio

lett

e o

ù j

e re

connais

sais

l’é

crit

ure

de

mo

n p

ère.

Ded

ans

?

Une

com

pil

atio

n d

e ca

rtes

, d’é

phém

érid

es,

de

dat

es e

t d’a

dre

sses

, d

ivis

ée

en c

inq g

rand

es p

arti

es, to

ute

s dél

imit

ées

par

des

Post

-it de

coule

ur.

Avec

des

no

ms

sur

chacu

n :

R

obin

et,

Vic

tori

ne,

P

ujo

l,

Anne-L

ise,

évid

em

ment,

mais

auss

i d

es n

om

s de

lieu

x :

rue

de

l’É

galité

, V

ireu

x-

Mo

lhain

, W

all

erand,

le D

élu

ve,

etc

.

“Era

oss

essi

onat

o d

alla

vit

a d

i M

oïs

e, p

arla

va

sem

pre

dei

suo

i u

ltim

i

ista

nti

d

i vit

a.

Vo

leva

met

ters

i su

lle

trac

ce

del

la

sua

infa

nzia

. S

i

sovra

ccar

icava”

, ag

giu

nse

ten

dendo

ver

so d

i m

e una

bell

a M

ole

skin

e

dall

a co

per

tina

vio

la i

n c

ui

rico

no

scevo

la

scri

ttura

di

mio

pad

re.

Co

sa

c’er

a dentr

o?

Una

racc

olt

a d

i ca

rte,

eff

em

erid

i, d

ate

e in

dir

izzi,

div

isa

in

cin

que

gra

nd

i par

ti,

tutt

e del

imit

ate

da

Po

st-i

t co

lora

ti.

Co

n d

ei

no

mi

su

ognuno

: R

obin

et,

Vic

tori

ne,

Pu

jol

e A

nne-

Lis

e, o

vvia

mente

, m

a anche

dei

no

mi

di

luo

ghi:

ru

e de

l’É

galité

, V

ireu

x-M

olh

ain

, W

all

erand,

le

Délu

ve

eccet

era.

« C

’éta

it s

on g

rand p

roje

t. I

l ét

ait

obnu

bil

é par

to

us

les

lieu

x q

ue

Mo

ïse

avait

co

nnu

s de

son v

ivant,

mais

auss

i le

s gens

évo

qués

dans

les

carn

ets

et a

yant

gra

vit

é au

tour

de

lui.

Il

vo

ula

it a

ller

enquêt

er d

ans

un p

etit

vil

lage

des

Ard

ennes

, d’a

bo

rd.

Puis

en A

llem

agne.

– A

vez

-vo

us

lu l

es c

arnet

s, A

nna-

Lis

a et

to

i ?

– T

u r

igo

les

? Il

no

us

aura

it m

ord

u l

a m

ain

s’i

l no

us

avait

vu y

po

ser

un

seu

l do

igt

! »

“Era

il

suo

gra

nde

pro

get

to.

Era

oss

essi

onat

o d

a tu

tti

i lu

oghi

che

Mo

ïse

aveva

cono

sciu

to d

a viv

o,

ma

anche

dall

e per

sone

a cu

i ac

cennava

nei

quad

erni e

che

eran

o leg

ate

a lu

i. V

ole

va

andar

e a

indag

are

in u

n p

aesi

no

dell

e A

rdenne,

per

pri

ma

cosa

. P

oi

in G

erm

ania

.”

“Tu e

Anna-

Lis

a avet

e le

tto

i q

uad

erni?

“Sta

i sc

her

zando

? C

i avre

bbe

mo

rso

la

mano

se

ci a

ves

se v

isto

po

sarc

i

sopra

anch

e so

lo u

n d

ito

!”

So

n t

élép

ho

ne

vib

ra.

Il s

uo

tel

efo

no

squ

illò

.

« T

a sœ

ur,

co

mm

enta

-t-e

lle

aprè

s av

oir

jet

é un r

egar

d à

l’é

cran

. E

lle

arri

ve,

je

vais

la

cher

cher

. »

“È t

ua

sore

lla”

co

mm

entò

do

po

aver

get

tato

uno

sguar

do

allo

scher

mo

.

“Sta

arr

ivando

, vad

o a

pre

nder

la.”

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57

Ma

mèr

e qu

itta

la

cham

bre

, ag

itan

t le

s bra

s au

cie

l et ro

usp

étan

t : « T

oute

cett

e his

toir

e n

’a a

ucu

n s

ens.

»

Mia

mad

re l

asc

iò l

a st

anza,

agit

ando

le

bra

ccia

al

cie

lo e

lam

enta

ndo

si:

“Tutt

a ques

ta s

tori

a no

n h

a alc

un s

enso

.”

La

po

rte

se r

efer

ma

der

rièr

e ell

e, e

t je

me

tourn

ai ver

s le

lit

où s

e re

po

sait

mo

n p

ère.

La

po

rta

si r

ichiu

se d

ietr

o d

i le

i e

mi

gir

ai

ver

so i

l le

tto d

ove

mio

pad

re

ripo

sava.

« J

e sa

is q

ue

tu f

ais

sem

bla

nt

de

do

rmir

, so

uff

lai-

je s

ans

tro

p s

avo

ir

com

ment

m’y

pre

ndre

po

ur

m’a

dre

sser

à lu

i. J

e te

co

nnais

. »

“Lo

so c

he

fai

finta

di

do

rmir

e” f

iata

i se

nza

sap

ere

bene

com

e f

are

per

rivo

lger

mi

a lu

i. “

Ti co

no

sco

.”

Je l

e vis

entr

ouvri

r un œ

il :

L

o v

idi

socc

hiu

der

e u

n o

cchio

:

« E

lle

est

vra

iment

par

tie

? ri

squa-

t-il d

’une

vo

ix f

aib

le.

– O

ui. T

u p

eux a

rrêt

er t

a co

méd

ie.

– M

erci. C

’est

que,

tu c

om

pre

nd

s, j

’appré

hende

le s

avo

n q

ue

ta m

ère

et

Anna-

Lis

a vo

nt

me

pas

ser.

»

“Se

n’è

andat

a dav

ver

o?”

azz

ardò

co

n v

oce

deb

ole

.

“Sì. P

uo

i sm

ette

rla

di re

cit

are

la c

om

med

ia.”

“Gra

zie

. È

ch

e, sa

i, te

mo

il

sa

po

ne

che

tua

madre

e

Anna-

Lis

a m

i

pas

sera

nno

.”

J’at

trap

ai l

a chais

e po

sée

dans

un c

oin

de

la c

ham

bre

et

la r

appro

chai,

tand

is q

u’i

l tr

afi

qu

ait

les

bo

uto

ns

de

télé

com

mand

e éle

ctri

que

de

son l

it

po

ur

rem

onte

r so

n d

oss

ier.

Quelq

ues

sec

ondes

pas

sère

nt

à no

us

regar

der

dan

s le

bla

nc

des

yeu

x.

Quell

e tr

iste

sse !

A

ujo

urd

’hu

i, un em

bar

ras

envahis

sant

meu

rtri

ssait

ce

sile

nce,

ce

bea

u e

t do

ux s

ilence

, fa

mil

ier

com

me

une

vie

ille

co

nnais

sance

, qu

i ét

ait

jusq

u’à

il

y a

peu

de

tem

ps

la

no

rme

de

no

tre

rela

tio

n.

No

us

n’a

vio

ns

pas

bes

oin

de

mo

ts p

our

être

un

pèr

e et

un f

ils.

Main

tenant

il m

e se

mb

lait

devo

ir e

n t

rouver

tel

lem

ent

po

ur

réta

blir

ce q

ui avait

été

bri

sé !

Aff

erra

i la

sed

ia a

ppo

ggia

ta i

n u

n a

ngo

lo d

ella

cam

era

e la

avvic

inai,

mentr

e lu

i ar

meg

gia

va

con i

tas

ti d

el

tele

com

ando

ele

ttri

co d

el s

uo

let

to

per

ria

lzar

e lo

sch

ienale

. P

assa

mm

o a

lcuni

seco

nd

i a

guar

dar

ci

neg

li

occ

hi.

Che

tris

tezz

a!

Ogg

i,

un

imbar

azzo

in

vaden

te

ucc

ideva

quel

sile

nzio

, quel

bello

e

do

lce

sile

nzio

, fa

mil

iare

co

me

una

vec

chia

cono

scen

za, che

fino

a p

oco

tem

po

fa

era

la r

ego

la n

ell

a no

stra

rela

zio

ne.

No

n a

vevam

o b

iso

gno

di

par

ole

per

esse

re u

n p

adre

e u

n f

igli

o.

Ad

esso

mi

sem

bra

va

di do

ver

ne

tro

var

e ta

lmente

tan

te p

er r

ico

stru

ire

ciò

che

era

stat

o s

pez

zato

!

Page 64: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

58

Vo

ilà

sans

do

ute

la

rais

on p

our

laquell

e no

us

évit

ions

soig

neu

sem

ent

de

no

us

retr

ouver

dan

s la

mêm

e p

ièce

dep

uis

six

mo

is e

t qu

e je

so

rtis

la

pre

miè

re q

ues

tio

n q

ui

me

vin

t à

l’es

pri

t :

Pro

babil

mente

è q

ues

to il m

oti

vo

per

cui ev

itavam

o c

on c

ura

di ri

tro

var

ci

nell

a st

essa

sta

nza

da

sei

mesi

e p

er c

ui

mi

sfugg

ì la

pri

ma

do

manda

che

mi

venne

in m

ente

:

« J

e vo

udra

is q

ue

tu m

e par

les

de

Mo

ïse.

– Q

ue

veu

x-t

u s

avo

ir ?

Qu’à

la

fin d

e sa

vie

il

avait

l’a

ir t

ell

em

ent

vie

ux

et s

eul, ç

a lu

i fa

isait

co

mm

e u

n s

ilence

auto

ur

du c

orp

s ?

»

“Vo

rrei ch

e m

i par

lass

i d

i M

oïs

e.”

“Co

sa v

uo

i sa

per

e?

Che

all

a fi

ne

dell

a su

a vit

a er

a ta

lmente

vec

chio

e

solo

che

era

com

e se

ci

foss

e il

sil

enzio

att

orn

o a

lu

i?”

Il e

ut

un g

este

de

la m

ain

, ag

acé.

F

ece

un g

esto

co

n la

mano

, in

fast

idit

o.

« B

onjo

ur

au r

evo

ir m

erci,

et

c’es

t to

ut.

Puis

un s

imp

le s

igne

de

tête

ver

s

la s

ali

ère

quan

d i

l vo

ula

it d

u s

el, v

ers

la p

lati

ne

quan

d i

l avait

bes

oin

qu’o

n c

hange

la f

ace

du d

isque.

Tu n

e te

so

uvie

ns

pas

? »

“Buo

ng

iorn

o,

arri

ved

erci

e gra

zie

, tu

tto q

ua.

Po

i un s

em

pli

ce c

enno

co

n

la t

esta

ver

so la

sali

era

quando

vo

leva

il s

ale

o v

erso

il g

irad

ischi quando

bis

ognava

cam

bia

re i

l la

to d

el d

isco

. N

on t

e lo

ric

ord

i?”

Je m

e so

uvie

ns

: so

n c

afé,

qu’i

l bu

vait

dan

s un v

ieux q

uar

t ca

bo

ssé,

puis

sa

musi

que,

ce

t is

ole

ment

sonore

quoti

die

n co

mm

e une

maniè

re de

po

uss

er d

avanta

ge

le v

olu

me

de

sa s

olitu

de.

Me

lo r

ico

rdo

: il

suo

caff

è, c

he

bevev

a co

n u

n vec

chio

bic

chie

re d

i

met

allo

m

alr

ido

tto

, po

i la

su

a m

usi

ca,

quell

’iso

lam

ento

so

no

ro

quoti

dia

no

che

era

un m

odo

per

alz

are

ult

erio

rmente

il

vo

lum

e dell

a su

a

solitu

din

e.

« S

ale

mente

ur

! » a

bo

ya

mo

n p

ère

en d

irec

tio

n d

u v

ide.

“S

po

rco b

ug

iard

o!”

sbra

itò

ver

so i

l vuo

to m

io p

adre

.

Dur

po

ur

lui

d’e

nca

isse

r que

le b

loc

mu

et e

t m

inéra

l se

rele

vait

la

nu

it

po

ur

adre

sser

ses

sec

rets

à u

ne

autr

e.

Per

lu

i er

a st

ato

duro

da

mandar

e g

iù il fa

tto c

he

il b

locc

o m

uto

e d

i p

ietr

a

di no

tte

si a

lzava

per

riv

ela

re i

suo

i se

gre

ti a

un’a

ltra

per

sona.

« I

l y a

quo

i d

ans

ces

lett

res

?

– L

a p

lus

bell

e his

toir

e d’a

mo

ur

que

j’aie

jam

ais

lu

e.

– C

e n’é

tait

pas

avec

gra

nd

-mèr

e, c

ette

his

toir

e, h

ein

?

– É

vid

em

ment

que

no

n !

»

“Co

sa c

’è i

n q

uell

e le

tter

e?”

“La

più

bell

a st

ori

a d’a

mo

re c

he

abbia

mai

lett

o.”

“No

n e

ra c

on l

a no

nna

ques

ta s

tori

a, e

h?”

“Cer

to c

he

no

!”

3 a

vri

l 1962

3 a

pri

le 1

962

Page 65: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

59

Tous

les

chem

ins

renden

t ég

aux,

à l

a f

in

All

a f

ine,

tutt

e le

str

ade

ci r

endono u

guali

Ma

chér

ie,

No

us

avio

ns

dém

énag

é et

hab

itio

ns

une

mais

onnet

te

à V

ireu

x-

Wall

erand, au

33 r

ue

de

l’É

galité

, une

venell

e à

flanc

de

coll

ine,

to

ute

en

mo

nté

e. O

n y

jo

uis

sait

d’u

ne

cuis

ine,

d’u

ne

cave

de

pla

in-p

ied d

onnant

sur

une

ruell

e o

ù é

taie

nt

les

wat

er-c

lose

ts,

de

deu

x c

ham

bre

s à

l’ét

age,

do

nt

la n

ôtr

e. U

n v

rai chât

eau

!

Mia

car

a,

Avevam

o t

rasl

oca

to e

abit

avam

o i

n u

na

case

tta

a V

ireu

x-W

all

erand,

al

33 d

i ru

e de

l’É

galité

, una

viu

zza

sul

fianco

di u

na

coll

ina,

tutt

a in

salita

.

avevam

o una

cucin

a, una

canti

na

al

pia

no

ter

ra ch

e dav

a su

una

stra

din

a do

ve

c’e

rano

i b

agni

e due

cam

ere

da

lett

o a

l pri

mo

pia

no

, tr

a

cui

la n

ost

ra. U

n v

ero

e p

ropri

o c

aste

llo

!

Il y

avait

à l

’ép

oque

des

« r

ues

de

l’É

gali

té »

un p

eu p

arto

ut

en F

rance

et

toute

s co

ndu

isaie

nt

à un c

imet

ière

.

All

’epo

ca c

’era

no

dell

e “r

ue

de

l’É

gali

té”

un p

o’

ovunque

in F

rancia

e

po

rtav

ano

tutt

e a

un c

imit

ero

.

C’e

st d

e là

qu’e

lles

tira

ient

leur

no

m,

l’É

galité

. È

da

lì c

he

trae

vano

il

loro

no

me,

l’U

gu

agli

anza

.

La

dis

tance

a ça

de

bo

n qu’e

lle

per

met

par

fois

au

x il

lusi

ons

de

se

main

tenir

. M

on p

ère

et s

on f

rère

, qui s’

imag

inaie

nt

amis

, se

quer

ell

èrent

bie

n v

ite.

Fau

t dir

e : l’

oncle

Jac

qu

es a

vait

la

bo

isso

n m

auvais

e, il fr

appait

tante

Hél

ène,

qu

i le

lu

i re

ndait

bie

n.

J’ai

pas

so

uvenir

des

tra

ces,

mais

Hélè

ne

dis

sim

ula

it le

s ble

us

sous

de

la po

udre

de

crai

e, is

sue

de

la

carr

ière

.

La

dis

tanza

ha

di

bell

o c

he

a vo

lte

per

met

te a

lle

illu

sio

ni

di

mante

ner

si.

Mio

pad

re e

suo

fra

tello

, ch

e si

im

mag

inav

ano

am

ici, l

itig

aro

no

mo

lto

pre

sto

. C

’è

da

dir

e che

lo

zio

Ja

cques

div

enta

va

vio

lento

a

causa

dell

’alc

oo

l e

pre

ndeva

a bo

tte

zia

Hélè

ne,

che

gli

ene

rest

itu

iva.

No

n m

i

rico

rdo

deg

li

em

ato

mi,

m

a H

élè

ne

nas

condeva

quell

i blu

co

n

dell

a

po

lver

e d

i ges

so,

pro

ven

iente

dal

la c

ava.

« E

lle

se m

aqu

ille

en f

em

me

qu

i ne

se f

ait

pas

dér

ou

ille

r par

so

n h

om

me,

alo

rs ç

a se

vo

it d

eux f

ois

plu

s »,

dis

ait

mam

an e

n p

inça

nt

les

lèvre

s. E

lle

avait

bea

uco

up d

e philo

sophie

, m

a m

ère.

“Si

trucc

a da

do

nna

che

no

n s

i fa

pes

tare

dal

suo

uo

mo

, m

a co

sì s

i ved

e

il d

opp

io”

dic

eva

la m

am

ma

piz

zic

ando

le

labbra

. E

ra m

olt

o s

agg

ia,

mia

mad

re.

Une

fois

, j’

ai

cru v

oir

du v

ernis

au b

out

des

do

igts

d’H

élè

ne.

U

na

vo

lta,

ho

cre

duto

di

ved

ere

dell

o s

malt

o s

ull

a punta

dell

e d

ita

di

Hélè

ne.

Page 66: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

60

« M

ais

no

n,

mais

no

n,

c’es

t des

cro

ûte

s de

sang q

u’e

lle

gar

de

sous

les

ong

les.

E

lle

pro

mène

son

Jacq

ues

un

peu

par

tout,

co

mm

e ça…

»,

aff

irm

ait

do

ctem

ent

Pet

it-G

eorg

es, qui av

ait

bea

uco

up d

e philo

sophie

lu

i

auss

i.

“No

, no

, so

no d

elle

cro

ste

di sa

ngue

quell

e che

ha

sott

o a

lle

ung

hie

. P

ort

a

a pas

segg

iare

co

il

suo

Ja

cques,

un

po

’ o

vunque…

” aff

erm

ava

sacc

ente

mente

Pet

it-G

eorg

es,

che

era

anche

lui

mo

lto

sag

gio

.

Les

gri

ffure

s de

son v

isag

e, m

on o

ncle

en a

ccu

sait

les

bra

nches

et

les

sous-

bo

is.

C’é

tait

pas

une

bo

nne

maniè

re d

e s’

aim

er,

et q

uan

d ç

a cr

iait

tro

p, Ja

cques

fla

nquait

to

ute

sa

fam

ille

deho

rs e

t, b

ien s

ûr,

la

trib

u a

rriv

ait

chez

no

us,

so

uven

t en

ple

ine

nu

it.

Plu

sieu

rs f

ois

, m

on p

ère

avait

ess

ayé

de

le r

ais

onner

, m

ais

en v

ain

. A

lors

arr

iva

un j

our

où l

es

deu

x f

rère

s ne

s’ad

ress

èrent

plu

s la

par

ole

. C

epen

dant,

la

mais

on r

esta

toujo

urs

ouver

te

po

ur

la t

ante

Hélè

ne,

ses

cin

q e

nfa

nts

, sa

cra

ie b

lanch

e et

ses

pet

its

bo

uts

de

mar

i so

us

les

ong

les.

Mio

zio

dav

a la

co

lpa

dei gra

ffi su

l su

o v

iso

ai ra

mi e

al so

tto

bo

sco

. N

on

era

un b

el

mo

do

di am

arsi

: Ja

cqu

es m

ette

va

all

a po

rta

tutt

i i co

mpo

nenti

dell

a su

a fa

mig

lia

quando

url

avano

tro

ppo

e, o

vvia

mente

, la

tri

bù v

eniv

a

da

no

i, s

pes

so n

el

cuo

re d

ella

no

tte.

Mio

pad

re a

veva

cerc

ato d

i fa

rlo

rag

ionar

e p

iù v

olt

e, m

a in

vano

. C

osì

arr

ivò

il

gio

rno

in c

ui

i due

frat

ell

i

no

n s

i ri

vo

lser

o p

iù l

a par

ola

. T

utt

avia

, la

cas

a ri

mas

e se

mpre

aper

ta p

er

la z

ia H

élè

ne,

i s

uo

i cin

qu

e fi

gli

, il

suo

ges

so b

ianco

e i s

uo

i pez

zett

ini d

i

mar

ito

sott

o a

lle

ung

hie

.

À V

ireu

x, to

ut

Fra

nça

is a

vait

dro

it à

deu

x lo

pin

s de

terr

e po

ur

pla

nte

r des

pat

ates

, plu

s u

ne

par

t de

bo

is.

Les

ter

rain

s ét

aient

gra

tuit

s, r

etir

és a

u s

ort

tous

les

vin

gt

ans.

Je

me

souvie

ns

enco

re o

ù é

taie

nt

les

tres

à c

ause

de

ce t

rou s

om

bre

, dan

s le

fo

nd,

où o

n a

mas

sait

les

mau

vais

es h

erbes

.

A V

ireu

x o

gni

fran

cese

aveva

dir

itto

a d

ue

appez

zam

enti

di

terr

a per

pia

nta

re p

atat

e, p

iù u

na

par

te d

i bo

sco

. I

terr

eni

eran

o g

rati

s e

veniv

ano

asse

gnat

i co

n u

n’e

stra

zio

ne

a so

rte

ogni

vent’

anni. M

i ri

cord

o a

nco

ra

do

v’e

rano

i

no

stri

a

causa

d

i quel

buco

ner

o,

sul

fond

o,

do

ve

accu

mu

lavam

o l

e er

bac

ce.

« C

’est

un n

id d

e sa

ng

lier

s sa

uvag

es

! » a

vait

dit

pap

a, u

n jo

ur,

en c

royant

pla

isante

r.

“È u

n n

ido

di

cin

ghia

li s

elv

agg

i!”

aveva

det

to p

apà

un g

iorn

o,

cred

endo

di sc

her

zare

.

Je m

’en é

tais

tro

uvé

tell

em

ent

eff

rayé

que,

le

lend

em

ain

, il

m’y

avait

fait

déc

ouvri

r un n

id d

’alo

uet

tes

avec

de

joli

s pet

its

œu

fs d

edan

s, trè

s co

loré

s,

myst

érie

ux,

frag

iles

et b

eaux à

ple

ure

r.

Ne

ero

ri

mast

o ta

lmente

sp

aventa

to ch

e, l’

indo

mani, m

i aveva

fatt

o

sco

pri

re u

n n

ido

di

all

odo

le c

on d

entr

o d

ei b

egli

ovet

ti,

mo

lto c

olo

rati

,

mis

teri

osi

, fr

agil

i e

bell

i da

mo

rire

.

Page 67: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

61

Au

jourd

’hu

i qu’i

l es

t ta

rd d

ans

ma

vie

et

que

je s

uis

devenu p

ère

à m

on

tour,

je

sais

bie

n l

a vér

ité,

ma

pet

ite

Anne-L

ise

: il l

es

y a

vait

mis

exprè

s

dura

nt

la n

uit

po

ur

dis

siper

mes

crain

tes.

Ogg

i che

sono

vec

chio

e c

he

sono

div

enta

to p

adre

a m

ia v

olt

a, s

o b

ene

la v

erit

à, m

ia p

icco

la A

nne-

Lis

e: l

i aveva

mess

i d

i pro

po

sito

dura

nte

la

no

tte

per

dis

sip

are

i m

iei

tim

ori

.

J’aim

erais

savo

ir e

n f

air

e au

tant

pour

mo

n f

ils,

malh

eure

use

ment

je s

uis

dev

enu c

e que

je d

étes

tais

chez

ma

mèr

e :

un p

aren

t in

capable

de

câli

ner

son p

ropre

enfa

nt.

Mi

pia

cere

bbe

riu

scir

e a

fare

alt

rett

anto

per

m

io

fig

lio

, m

a

sfo

rtunat

amente

so

no d

iventa

to q

uel

lo c

he

det

esta

vo

in m

ia m

adre

: un

gen

ito

re i

ncap

ace

di co

cco

lare

il pro

pri

o f

igli

o.

3 a

vri

l 1962

Sur

les

gen

oux

de

mon p

ère,

j’a

ppre

nais

à c

raquer

une

all

um

ette

3 a

pri

le 1

962

Sull

e gin

occ

hia

di

mio

padre

, im

para

vo a

d a

ccen

der

e un f

iam

mif

ero

Ma

pet

ite,

Je m

’éta

is p

rom

is d

e t’

écri

re u

ne

lett

re p

ar a

n,

c’est

to

ut,

et

vo

ilà

que

je

me

relè

ve

la n

uit

po

ur

po

urs

uiv

re m

on h

isto

ire…

M’e

st a

vis

que

ce n

’est

pas

la

der

niè

re f

ois

que

cela

m’a

rriv

era.

Il

ne

faut

pas

tro

p c

roir

e le

s

ho

mm

es,

tu s

ais

?

Pic

cola

mia

,

Mi er

o r

ipro

mess

o d

i sc

river

ti u

na

lett

era

all’

anno

, tu

tto q

ua,

ed e

cco

che

mi

alz

o d

i no

tte

per

pro

segu

ire

la m

ia st

ori

a… P

enso

che

no

n sa

l’u

ltim

a vo

lta

che

mi

succ

eder

à.

No

n

bis

ogna

cred

erci

tro

ppo

agli

uo

min

i, s

ai?

En h

aut

de

la g

rande

côte

qui

plo

ng

eait

dan

s le

pays,

il

y a

vait

deu

x

imm

ense

s chât

aig

nie

rs d

e m

er e

ncad

rant

une

pet

ite

chap

ell

e, l

es t

roncs

à

dem

i ro

ngés

par

les

ours

. Q

uan

d o

n p

ouss

ait

une

bro

uet

te b

ien c

har

gée

,

avant d’e

nta

mer

cet

te d

esce

nte

ver

s m

on p

ays

ver

t et

jau

ne,

to

ut le

mo

nde

s’ar

rêta

it à

l’o

mbre

de

ces

arbre

s quelq

ues

inst

ants

. A

u p

rinte

mp

s, l

’un

fleu

riss

ait

to

ut

bla

nc,

l’a

utr

e to

ut

rose

.

Su

lla

cim

a del gra

nde

pen

dio

che

si s

pin

geva

ver

so i

l paes

e, c

’era

no

due

eno

rmi

ippo

cast

ani

che

cir

condavano

una

cappell

ina,

co

n

i tr

onch

i

rosi

cchia

ti p

er m

età

dag

li o

rsi. Q

uando

sp

ingevano

una

carr

iola

mo

lto

cari

ca,

pri

ma

di

aff

ronta

re l

a d

isce

sa v

erso

il

mio

pae

se v

erde

e gia

llo

,

tutt

i si

fe

rmavano

per

qualc

he

ista

nte

all

’om

bra

d

i queg

li alb

eri. In

pri

maver

a, u

no

dav

a fi

ori

tutt

i bia

nchi, l

’alt

ro f

iori

tutt

i ro

sa.

« C

’est

par

ce q

ue

celu

i-là

, se

s ra

cin

es s

ont

si p

rofo

ndes

qu’e

lles

po

uss

ent

dep

uis

la

Japo

nie

! »

dis

ait

pap

a sa

ns

tro

p s

avo

ir à

quo

i il

avait

aff

air

e :

pays

? co

nti

nent

? vil

le ?

“È p

erch

é le

rad

ici

di

quell

o l

à s

ono

co

sì p

rofo

nde

che

cres

cono

dal

la

Gia

ppo

nia

!” d

iceva

pap

à se

nza

sap

ere

bene

con c

osa

aves

se a

che

fare

:

un p

aese

? U

n c

onti

nente

? U

na

cit

tà?

Page 68: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

62

« C

’est

en J

apo

nie

qu’e

st f

abri

quée

cet

te c

oule

ur.

Si

tu v

ois

du r

ose

, o

ù

que

ce s

oit

, tu

peu

x ê

tre

sûr

que

la J

apo

nie

y e

st p

our

quel

que

cho

se !

»

“È in

G

iappo

nia

che

vie

ne

fabbri

cato

quel

co

lore

. S

e ved

i del

rosa

,

ovunque

esso

sia

, p

uo

i st

are

sicu

ro c

he

la G

iappo

nia

c’e

ntr

a qual

cosa

!”

Chac

un d

es v

illa

ges

avait

so

n é

cole

et

ceux q

ui

réuss

issa

ient

à dép

asse

r

le c

erti

fica

t d’é

tudes

dev

enaie

nt

inte

rnes

dan

s une

vil

le vo

isin

e, p

lus

gra

nde.

Ogni

pae

se aveva

la su

a sc

uo

la e

chi

riusc

iva

a ott

ener

e la

li

cenza

ele

menta

re d

iventa

va

coll

egia

le i

n u

na

cit

tà v

icin

a, p

iù g

rande.

« V

ous,

fa

ut

pas

y

com

pte

r !

C’e

st

des

tr

ucs

de

bo

urg

eois

»,

avait

fro

idem

ent

pré

dit

ma

mèr

e.

“Sco

rdat

evelo

! È

ro

ba

da

borg

hes

i!”

aveva

pre

vis

to f

reddam

ente

mia

mad

re.

Les

ham

eau

x é

taie

nt te

llem

ent

mo

des

tes,

quit

ter

la b

ourg

ade

étai

t co

mm

e

chang

er d

e pays

: o

n n

e se

méla

ngea

it g

uèr

e et

, dan

s le

s bals

, il y

avait

de

la b

agar

re e

ntr

e je

unes

gen

s de

com

mu

nes

dif

fére

nte

s…

I pae

si e

rano

tal

mente

pic

coli

che

lasc

iare

la

bo

rgat

a er

a co

me

cam

bia

re

naz

ione:

no

n s

i so

cia

lizza

va

più

e,

all

e fe

ste,

c’e

rano

ris

se t

ra r

agaz

zi

di

com

uni d

iver

si…

Quo

i qu’i

l en s

oit

, no

us

fûm

es v

ite

ado

pté

s. T

out

prè

s de

chez

no

us,

il

y

avait

mo

nsi

eur

Jérô

me,

le

fact

eur,

qui avait

un g

arço

n, Je

an, p

lus

âgé

que

mo

i d

’un a

n,

mais

le

plu

s gra

nd a

mi

et p

eut-

être

le

seu

l vra

i que

j’aie

jam

ais

eu (

je s

uis

ass

ez

âgé

aujo

urd

’hu

i po

ur

po

uvo

ir a

ffir

mer

une

tell

e

cho

se,

ma

pet

ite

Anne-

Lis

e).

Notr

e vo

isin

le

plu

s pro

che,

un c

ousi

n

ger

main

de

mo

n p

ère,

s’a

ppela

it P

ierr

e M

arjo

let,

un h

om

me

à la

fig

ure

vra

iment

sym

pat

hiq

ue,

m

ais

, au

vil

lag

e, ni

no

us

ni

per

sonne

ne

lui

par

lait

, ca

r il é

tait

Bel

ge

et, co

mm

e d

isait

pap

a, «

il fa

ut

quan

d m

êm

e pas

po

uss

er !

».

Co

mu

nque

sia,

ven

imm

o a

do

ttat

i velo

cem

ente

. V

icin

o a

cas

a no

stra

,

c’er

a il s

igno

r Jé

rôm

e, i

l po

stin

o, ch

e av

eva

un f

igli

o, Je

an, p

iù g

rande

di

me

di un a

nno

, m

a il p

iù g

rande

am

ico

e f

ors

e l’

unic

o v

ero c

he

abbia

mai

avuto

(o

ggi

sono

gra

nde

abbas

tanza

per

pote

r af

ferm

are

una

cosa

del

gen

ere,

mia

pic

cola

Anne-

Lis

e).

Il n

ost

ro v

icin

o p

iù c

aro

, un c

ug

ino

di

pri

mo

gra

do

di

mio

pad

re,

si c

hia

mava

Pie

rre

Mar

jole

t. E

ra u

n u

om

o

dall

’asp

etto

dav

ver

o s

impat

ico

, m

a, i

n p

aese

, né

no

i né

ness

un a

ltro

gli

par

lava

per

ché

era

belg

a e,

co

me

dic

eva

pap

à, “

com

unque

no

n b

iso

gna

esag

erar

e!”.

La

Belg

iqu

e, o

n y

all

ait

de

tem

ps

en t

em

ps.

Mam

an e

n r

appo

rtai

t du c

afé,

du c

ho

cola

t, e

t du t

abac

po

ur

pap

a, l

e to

ut

cach

é so

us

sa j

upe à

cau

se d

e

la d

ouan

e. L

a ro

ute

lo

ngea

it l

’acié

rie

où m

on p

ère

trav

ail

lait

, se

ule

ment

sépar

ée p

ar les

vo

ies

ferr

ées

et les

eau

x. N

ous

lancio

ns

des

bais

ers

à pap

a,

In

Belg

io,

ci

andavam

o

ogni

tanto

. M

am

ma

po

rtav

a a

casa

ca

ffè,

cio

cco

lata

e t

abac

co p

er p

apà,

il

tutt

o n

asco

sto

sott

o a

lla

go

nna

per

via

dell

a do

gan

a.

La

stra

da

cost

eggia

va

l’acc

iaie

ria

in

cui

mio

pad

re

lavo

rava,

sep

arat

a so

lo d

ai

bin

ari

e dall

’acq

ua.

Man

davam

o d

ei

baci

a

Page 69: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

63

mais

auss

itôt

une

diz

ain

e d’o

uvri

ers

nus

jusq

u’à

la c

eintu

re,

plu

s po

ilus

que

des

ours

, ven

aie

nt

lancer

des

pla

isante

ries

qu

i fa

isaie

nt

rougir

et

fuir

ma

mèr

e.

Je

ne

me

souvie

ns

plu

s de

ce

qu’i

ls

cria

ient

d’a

uss

i

em

bar

rass

ant,

mais

, à

leur

âge,

j’a

i dû f

air

e le

s m

êm

es

pla

isante

ries

à

d’a

utr

es je

unes

fill

es.

P

arce

que

c’est

co

mm

e ça

sur

terr

e dep

uis

le

com

mencem

ent,

et

peu

t-êt

re q

ue

c’es

t m

êm

e po

ur

ça q

u’e

lle

tourn

e en

rond.

pap

à, m

a su

bit

o u

ne

dec

ina

di

oper

ai

nud

i fi

no

all

a v

ita,

più

pelo

si d

egli

ors

i, v

eniv

ano

a f

are

dell

e bat

tute

che

face

vano

arr

oss

ire

e sc

appar

e m

ia

mad

re. N

on m

i ri

cord

o p

iù c

osa

gri

dass

ero

di co

sì i

mbar

azza

nte

, m

a, a

lla

loro

età

, ho

do

vuto

far

e le

ste

sse

bat

tute

ad a

ltre

rag

azze

. P

erch

é su

lla

Ter

ra v

a co

sì s

in d

all

’in

izio

e f

ors

e è

pro

pri

o p

er q

ues

to c

he

gir

a in

to

ndo.

En c

e te

mp

s-là

, m

am

an to

mba

encein

te p

our

la q

uat

rièm

e fo

is (

une

sœur,

enfa

nt

mo

rt-n

ée

aprè

s m

oi

et

avant

Pet

it-G

eorg

es,

ell

e n’e

n

par

lait

jam

ais

). M

on f

rère

René

vin

t au

mo

nde

en f

évri

er 1

914,

en m

êm

e te

mps

qu’u

ne

pet

ite

cousi

ne

chez

l’o

ncle

Jac

ques.

C’é

tait

leu

r si

xiè

me.

A q

uei te

mp

i, m

ia m

adre

rim

ase

incin

ta p

er la

quar

ta v

olt

a (d

i una

sore

lla,

nat

a m

ort

a do

po

Pet

it-G

eorg

es e

pri

ma

di

me

3,

non p

arla

va

mai)

. M

io

frat

ello

René

nac

qu

e nel

febbra

io d

el

1914,

conte

mpo

ranea

mente

a u

na

cug

inet

ta d

allo

zio

Jac

ques

. E

ra la

loro

ses

ta f

igli

a.

Po

ur

me

rass

ure

r de

tous

ces

cris

que

mam

an p

ouss

ait

, M

an F

ine

m’a

vait

appri

s u

ne

chanso

n s

ur

le p

etit

Jés

us,

qui

all

ait

à l

’éco

le e

n p

ort

ant

sa

cro

ix s

ur

son é

pau

le.

Qu’e

st-c

e que

je l

’ai

aim

ée,

cett

e ch

anso

n !

J’a

i

cher

ché

à la

ret

rouver

, im

po

ssib

le.

On n

e cho

isit

pas

ce

qu

i re

ste

dan

s

no

s m

ém

oir

es,

mais

je

suis

sûr

que

le d

ernie

r so

uven

ir q

u’o

n b

rûle

, c’

est

l’am

our.

Tu s

eras

la

der

niè

re à

t’e

n a

ller

de

ma

tête

, m

a L

iset

te,

et t

ant

pis

po

ur

mo

i !

T’o

ubli

er m

’aura

it r

endu l

a vie

bie

n m

oin

s pénib

le,

il f

aut

que

tu le

saches

.

Per

ras

sicu

rarm

i d

i tu

tte

quel

le u

rla

che

mam

ma

lancia

va,

No

nna

Fin

e m

i

aveva

inse

gnat

o u

na

canzo

ne

su G

esù B

am

bin

o,

che

andava

a sc

uo

la

po

rtan

do l

a cr

oce

su

lle

spall

e. Q

uanto

mi

pia

ceva,

quel

la c

anzo

ne!

Ho

cerc

ato d

i ri

tro

var

la,

ma

è st

ato i

mpo

ssib

ile.

No

n s

i sc

egli

e ciò

che

rest

a

nell

a m

em

ori

a, m

a so

no

si

curo

ch

e l’

ult

imo

ri

co

rdo

ch

e si

bru

cia

è

l’am

ore

. S

arai

l’

ult

ima

ad

andar

tene

dall

a m

ia

test

a,

mia

L

iset

te,

paz

ienza

! D

imenti

cart

i m

i avre

bbe

reso

la

vit

a m

eno f

atic

osa

, sa

pp

ilo

.

Man F

ine

rest

a un b

on m

om

ent

avec

no

us,

car

Ren

é en n

ais

sant

avait

lais

sé «

des

mo

rcea

ux d

e phlé

bit

e dan

s la

jam

be

de

mam

an »

, dis

ait

Pet

it-

No

nna

Fin

e re

stò p

er u

n b

el

po

’ da

no

i per

ché

Ren

é, n

asc

endo

, av

eva

lasc

iato

“dei

pez

zi

di

flebit

e su

lla

gam

ba

dell

a m

am

ma”

dic

eva

Pet

it-

3 É

tan

t P

etit

-Geo

rges

le

frèr

e ai

de

Moïs

e, i

l es

t im

poss

ible

qu

e la

ur

soit

née

avan

t P

etit

-Geo

rges

et

aprè

s M

oïs

e.

Page 70: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

64

Geo

rges

. C

’éta

it u

ne

fem

me

po

telé

e, m

ais

au c

arac

tère

sec

, «

mêm

e que

son s

ang d

onnait

des

gru

meau

x »

.

Geo

rges

. Era

una

do

nna

paff

uta

, m

a dal ca

ratt

ere

fred

do

e “

analo

gam

ente

il s

uo

san

gue

face

va

i gru

mi”

.

Mo

n e

ntr

ée à

l’é

cole

? C

’est

pap

a qui

m’y

co

ndu

isit

et,

po

ur

que

je n

e

ple

ure

pas

, il m

’avait

ach

eté

un c

orn

et d

e bo

nbo

ns

au F

am

ilis

tère

, ce

qui

ne

m’a

vait

pas

em

pêc

de

hurl

er q

uan

d i

l avait

fait

min

e de

me

lâcher

la m

ain

. D

u c

oup,

il m

’avait

ram

ené

à la

mais

on,

où m

a m

ère

confi

squ

a

les

bo

nbo

ns,

me

cala

so

us

son b

ras,

puis

me

ram

ena

dar

e-d

are

à l’

éco

le,

la j

am

be

enco

re g

ross

e et

ro

uge

à ca

use

de

son s

ang q

ui

cail

lait

. L

à-b

as,

mes

ple

urs

am

eutè

rent

toute

l’

éco

le.

La

dir

ect

rice

, m

adem

ois

ell

e

Fer

ner

e, u

ne

per

sonne

d’u

n c

erta

in â

ge

et m

oust

achue,

ne

fit

qu’a

ccen

-

tuer

ma

pan

ique

en v

ou

lant

me

conso

ler.

C’e

st u

ne

inst

itutr

ice,

mad

am

e

Gau

fret

te,

qui

vin

t, s

e m

it à

geno

ux,

pu

is m

e se

rra

contr

e el

le s

i fo

rt q

ue

je t

om

bai am

oure

ux d

’ell

e su

r-le

-cham

p.

Il m

io in

gre

sso

a s

cuo

la?

Fu p

apà

ad a

cco

mp

agnar

mi

e, p

erché

no

n

pia

ngess

i, m

i aveva

com

pra

to u

n s

acch

etto

di ca

ram

ell

e al F

am

ilis

tère

, il

che

no

n m

i aveva

imp

edit

o d

i url

are

quando

avev

a fa

tto f

inta

di m

oll

arm

i

la m

ano

. D

i co

nse

gu

enza

, m

i aveva

ripo

rtat

o a

cas

a, d

ove

mia

mad

re

seques

trò

le

cara

mell

e, m

i st

rinse

sott

o a

l su

o b

racc

io,

po

i m

i ri

po

rtò

a

scuo

la a

lla

svelt

a, l

a gam

ba

anco

ra g

ross

a e

ross

a a

causa

del sa

ngue

che

si c

oag

ula

va.

Lì, i

mie

i p

ianti

get

taro

no

lo

sco

mp

iglio

in t

utt

a la

scu

ola

.

La

pre

sid

e, l

a si

gno

rina

Fer

ner

e, u

na p

erso

na

baff

uta

e d

i u

na

cert

a et

à,

no

n

fece

che

acce

ntu

are

il

mio

pan

ico

nel

tenta

tivo

di

conso

larm

i.

Un’i

nse

gnante

, la

sig

no

ra G

aufr

ette

, ar

rivò

, si

mis

e in

gin

occ

hio

, po

i m

i

stri

nse

a s

é ta

lmente

fo

rte

che

mi

innam

ora

i su

bit

o d

i le

i.

Le

soir

, je

gri

mpais

sur

les

geno

ux d

e m

on p

ère

et il

m’a

mu

sait

en f

ais

ant

pas

ser

son a

llu

met

te s

ous

les

quat

re p

ied

s de

la l

am

pe

à pét

role

, ca

r no

us

n’a

vio

ns

pas

enco

re l

’éle

ctri

cit

é. P

etit

-Geo

rges

, à

la l

ueu

r sa

franée

du

flam

bea

u,

tira

it l

a la

ngu

e en

ess

ayant

de

fair

e se

s A

-E-I

-O-U

sur

son

cahie

r d’é

cole

. Q

uan

t au

pet

it d

ernie

r, il devait

do

rmir

, ca

r, lu

i, je

ne

m’e

n

souvie

ns

pas

.

La

sera

, sa

livo

su

lle

gin

occ

hia

di m

io p

adre

e m

i fa

ceva

div

erti

re f

acendo

pas

sare

un f

iam

mif

ero

sott

o a

i quat

tro

pie

di

dell

a la

mpad

a a

pet

rolio

,

dat

o c

he

no

n a

vevam

o a

nco

ra l

’ele

ttri

cit

à. A

l chia

rore

co

lor

zaff

erano

dell

a fi

am

ma,

Pet

it-G

eorg

es t

irava

fuo

ri l

a li

ngua

cer

cando

di sc

river

e le

A-E

-I-O

-U

sul

suo

quad

erno

di

scuo

la.

Quan

to

al

pic

coli

no

,

pro

bab

ilm

ente

do

rmiv

a per

ché

no

n m

i ri

cord

o d

i lu

i.

Héla

s, m

a pet

ite

souri

s, m

a pet

ite

Anne-L

ise,

ce

bo

nheu

r pais

ible

, ce

bo

nheu

r fr

agil

e, c

e bo

nheu

r de

tous

les

bo

nheu

rs, si

pré

cie

ux e

t si

ancie

n

po

ur

mo

i au

jourd

’hu

i, i

l ne

devait

plu

s dure

r lo

ngte

mp

s.

Ahim

è, s

cric

cio

lin

a m

ia,

mia

pic

cola

Anne-

Lis

e, q

uell

a fe

licit

à se

rena,

quell

a fe

licit

à fr

agil

e, q

uell

a fe

licit

à d

i tu

tte

le f

eli

cit

à, c

he

oggi per

me

è

così

pre

zio

sa e

anti

ca,

no

n s

arebbe

dura

ta a

lu

ngo

.

Au

jourd

’hu

i A

l g

iorn

o d

’oggi

Page 71: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

65

« M

ais

n’a

-t-i

l ja

mais

évo

qué

une

autr

e fe

mm

e ?

Une

do

uble

vie

? J

e ne

sais

pas

, m

oi…

N’a

-t-i

l ja

mais

sem

blé

ém

u s

ans

rais

on ?

“Ma

no

n h

a m

ai acc

ennat

o a

un’a

ltra

do

nna?

A u

na

do

ppia

vit

a o

che

so

io…

No

n t

i è

mai

sem

bra

to c

om

mo

sso

sen

za

un m

oti

vo

?”

– N

on, no

n. Il

éta

it c

om

me

tu l’a

s co

nnu. Â

pre

. T

acit

urn

e. Q

uan

d j

’avais

8 a

ns,

je

m’é

tais

éco

rché

le g

eno

u à

vélo

au p

arc

Mo

nce

au, à

Par

is. Je

me

souvie

ns

de

m’ê

tre

jeté

dan

s se

s bra

s, je

le s

erra

is c

ontr

e m

oi en p

leura

nt,

Mo

ïse,

lu

i, e

h b

ien,

il a

vait

les

bra

s le

vés

, le

co

rps

figé

et le

vis

age

cris

com

me

quan

d o

n v

ous

impo

se u

n c

onta

ct p

hysi

qu

e dés

agré

able

. L

’éta

it

com

me

ça,

ton g

rand

-pèr

e.

“No

, no

. Era

co

me

l’hai co

no

sciu

to. S

contr

oso

. Tac

iturn

o. Q

uan

do

avevo

8 a

nni, m

i so

no

sbu

ccia

to i

l g

ino

cchio

in b

icic

lett

a al

Par

c M

once

au,

a

Par

igi. M

i ri

cord

o d

i es

serm

i get

tato

tra

le

sue

bra

ccia

, lo

str

ingevo

a m

e

pia

ngendo

e M

oïs

e, i

nvec

e, e

bbene,

aveva

le b

racc

ia a

lzat

e, i

l co

rpo

par

ali

zzat

o e

il

vo

lto

co

ntr

atto

, co

me

quando

ti

impo

ngo

no

un c

onta

tto

fisi

co s

pia

cevo

le.

Era

co

sì,

tuo n

onno

.”

– J

e vo

is t

rès

bie

n c

e que

tu v

eux d

ire.

Ou

i, v

raim

ent

très

bie

n…

»

“So

mo

lto

ben

e che

cosa

sig

nif

ica.

Sì, d

avver

o m

olt

o b

ene…

Avais

-je

pro

no

ncé

cet

te p

hra

se d

ans

le b

ut

de

ble

sser

mo

n p

ère ?

De

le

confr

onte

r à

cett

e si

tuat

ion insu

ppo

rtab

lem

ent

sim

ilair

e qu

i no

us

touch

ait

aujo

urd

’hu

i, l

ui

et m

oi

? Je

ne

savais

pas

. V

oula

nt

fuir

le

sile

nce

qu

i

suiv

it m

a ré

po

nse

, je

bais

sai

mo

n v

isag

e ver

s le

s ca

rnet

s de

Mo

ïse.

Avevo

pro

nuncia

to

quel

la

fras

e allo

sc

opo

di

feri

re

mio

pad

re?

Di

met

terl

o d

i fr

onte

a q

uel

la s

ituaz

ione

inso

ppo

rtab

ilm

ente

sim

ile

che

oggi

ci

riguar

dava,

a m

e e

a lu

i? N

on l

o s

apevo

. P

er s

fugg

ire

al

sile

nzio

che

segu

ì all

a m

ia r

ispo

sta,

abbas

sai

lo s

guar

do

ver

so i q

uad

erni d

i M

oïs

e.

Po

urq

uo

i avo

ir r

aco

nté

sa

vie

à c

ette

fem

me ?

Qu

i ai

me

quelq

u’u

n s

ans

le c

onnaît

re ?

Per

ché

avev

a ra

cco

nta

to l

a su

a vit

a a

quel

la d

onna?

Chi

am

a qualc

uno

senza

co

no

scer

lo?

Mo

n

pèr

e bala

ya

l’air

devant

lui.

Déc

idém

ent,

to

ut

cela

le

ble

ssait

pro

dig

ieuse

ment.

Mio

pad

re s

paz

zò v

ia l

’ari

a davanti

a s

é. D

ecis

am

ente

, tu

tto

ciò

l’a

veva

eno

rmem

ente

fer

ito

.

« U

ne

fois

, peu

t-êt

re, bo

ule

var

d d

u M

ontp

arnass

e, d

es t

ouri

stes

s’é

taie

nt

per

dus…

Il

leur

a in

diq

le c

hem

in e

t j’

ai

eu l

’im

pre

ssio

n q

u’i

l pre

nait

bea

uco

up d

e pla

isir

à d

iscu

ter.

Il…

– I

l… ?

“Una

vo

lta,

fo

rse,

al

boule

vard

du M

ontp

arn

ass

e, d

ei t

uri

sti

si e

rano

per

si…

Ha

ind

icat

o lo

ro la

stra

da

e ho

avuto

l’i

mp

ress

ione

che

pro

vas

se

mo

lto

pia

cer

e a

dis

cute

re.

Lui…

“Lu

i?”

Page 72: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

66

– I

l par

lait

un peu

all

em

and,

contr

aire

ment

à ce

qu’i

l avait

to

ujo

urs

pré

tendu.

– R

ien d

’autr

e ?

»

“Par

lava

un p

o’

di

tedes

co,

al

contr

ario

di

quanto

avev

a se

mpre

fat

to

cred

ere.

“Nie

nt’

alt

ro?”

Sil

ence

. J’

insi

stai.

S

ilenzio

. In

sist

etti

.

« L

’as-

tu d

éjà

vu p

leure

r, p

ar e

xem

ple

?

– N

on.

Enfi

n,

peu

t-êt

re,

à la

to

ute

fin

, quand i

l m

’a c

onfi

é co

mbie

n i

l

regre

ttai

t de

ne

jam

ais

m’a

vo

ir d

it q

u’i

l m

’aim

ait

.

– C

’est

to

ut

? »

“L’h

ai

mai

vis

to p

ianger

e, p

er e

sem

pio

?”

“No

. O

meg

lio

, fo

rse

pro

pri

o a

lla

fine,

quan

do

mi

ha

confi

dat

o q

uan

to s

i

pen

tiva

di

no

n a

ver

mi

mai det

to c

he

mi

vo

leva

bene.

“Tutt

o q

ua?

Mo

n p

ère

rele

va

la t

ête,

heu

rté.

M

io p

adre

alz

ò la

test

a, c

olp

ito

.

« P

ardo

n.

Ce

n’e

st p

as c

e que

je v

ou

lais

dir

e… »

“S

cusa

. N

on è

quel

lo c

he

vo

levo

dir

e…”

Sa

pau

me

vin

t se

po

ser

sur

la m

anche

de

mo

n s

weat

. Je

cru

s, u

n i

nst

ant,

qu’i

l all

ait

to

uch

er m

a m

ain

, m

ais

no

n.

Il s

uo

pal

mo

si po

sò s

ull

a m

anic

a dell

a m

ia f

elp

a. C

redet

ti, per

un ist

ante

,

che

mi

avre

bbe

tocc

ato

la

mano

, m

a no

n l

o f

ece.

« J

’ai

beso

in d

’une

pau

se.

Lais

se-m

oi

le t

em

ps

d’y

réf

léchir

. »

“Ho

bis

ogno

di u

na

pau

sa.

Dam

mi

il t

em

po

di ri

flett

erci

su.”

Que

sig

nif

iait

to

ut

cela

? T

out

ce b

ruit

aprè

s to

ut

ce s

ilence

? C

es p

ages

et c

es p

ages

gri

bo

uil

lées

aprè

s ce

s année

s m

uet

tes

? M

on g

rand

-pèr

e

avait

m

is d

e l’

ouat

e au

tour

de

son e

xis

tence

, il av

ait

fe

utr

é to

us

ses

rapport

s av

ec

ses

fils

, avec

sa

fe

mm

e,

avec

ses

pet

its-

enfa

nts

, et

main

tenant

il

no

us

fais

ait

Ç

A ?

Il

éc

rivait

la

vér

ité

et

l’ad

ress

ait

à

quelq

u’u

n d

’autr

e ?

À u

ne

inco

nnue

?

Co

sa s

ignif

icava

tutt

o c

iò?

Tutt

o q

uel

ru

mo

re d

opo t

utt

o q

uel

sil

enzio

?

Quell

e pag

ine

e pag

ine

pas

ticc

iate

do

po t

utt

i qu

esti

anni

muti

? M

io

no

nno

aveva

mes

so l

’ovat

ta i

nto

rno a

lla

sua

esis

tenza

, av

eva

indebo

lito

tutt

i i ra

ppo

rti co

n i

suo

i fi

gli

, co

n s

ua

mo

gli

e, c

on i

suo

i nip

oti

e a

des

so

ci

face

va

QU

ES

TO

? S

criv

eva

la v

erit

à e

la m

andava

a qualc

un a

ltro

? A

una

sco

no

sciu

ta?

Pép

é, s

ala

ud.

Che

stro

nzo

, il n

onno

.

« I

l y a

bie

n e

u c

ette

fo

is,

repri

t m

on p

ère

au b

out

d’u

ne

min

ute

. Q

uan

d

ta m

ère

et m

oi

som

mes

all

és l

es v

oir

, m

am

an e

t lu

i, p

our

leur

anno

nce

r

“C’è

sta

ta q

uel

la v

olt

a” r

ipre

se m

io p

adre

nel g

iro

di u

n m

inuto

. “Q

uan

do

tua

mad

re e

io

sia

mo

andat

i a

tro

var

li,

lui

e m

ia m

adre

, per

annu

ncia

re

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67

que

no

us

étio

ns

en t

rain

d’a

do

pte

r ta

ur.

Il a

eu l

’air

réjo

ui. V

raim

ent.

C’é

tait

ass

ez r

are

po

ur

que

j’en g

arde

la t

race

là-d

edan

s (i

l se

tap

ota

la

tem

pe)

.

loro

che

stav

am

o p

er a

dott

are

tua

sore

lla.

Aveva

un’a

ria

feli

ce. D

avver

o.

Era

una

cosa

piu

tto

sto

rar

a dat

o c

he

ce n

’è a

nco

ra t

racc

ia l

ì dentr

o.”

(S

i

pic

chie

ttò

la

tem

pia

.)

– Q

ue

s’es

t-il

pas

sé ?

“C

os’

è su

ccess

o?”

– I

l ét

ait

là,

sur

son f

aute

uil p

réfé

ré,

avec

so

n c

asque

sur

les

gen

oux e

t le

dis

qu

e vin

yle

en

tr

ain

de

tourn

er.

Je

leur

raco

nta

is

no

tre

vis

ite

à

l’o

rpheli

nat

, j’

ai

dit

: “

Ell

e a

5 a

ns,

ell

e es

t no

ire,

ell

e vie

nt

du C

ap-V

ert

et e

lle

s’ap

pell

e A

nna-

Lis

a.”

Il a

blê

mi,

a b

afo

uil

lé,

et s

’est

ret

iré

dan

s sa

cham

bre

sans

do

nner

d’e

xp

lica

tio

n.

»

“Era

lì,

su

lla

sua

po

ltro

na

pre

feri

ta,

con i

l su

o e

lmo

sull

e g

ino

cchia

e i

l

vin

ile

che

gir

ava.

Gli

rac

conta

vo

dell

a no

stra

vis

ita

all

’orf

ano

tro

fio

, ho

det

to:

“Ha

5 a

nni, è

ner

a, v

iene

da

Cap

o V

erde

e si

chia

ma

An

na-

Lis

a.”

È i

mpall

idit

o,

ha

farf

ug

liat

o q

ual

cosa

e s

i ri

tira

to i

n c

am

era

sua

senza

dar

e sp

iegaz

ioni.

J’o

uvra

is l

a bo

uch

e po

ur

le f

air

e cr

euse

r p

lus

avant

dan

s ce

tte

dir

ecti

on

quan

d m

on p

ère

a se

coué

la t

ête

et b

alb

uti

é des

mo

rcea

ux d

e phra

ses

:

Sta

vo

apre

ndo

la

bo

cca

per

far

lo s

cavar

e p

iù a

vanti

in q

uell

a d

irez

ione

quan

do

mio

pad

re h

a sc

oss

o la

test

a e

ha

balb

etta

to d

ei pez

zi d

i fr

ase:

« A

nna-

Lis

a, A

nne-

Lis

e… Ç

a a

dû s

e ca

tapult

er d

ans

sa t

ête.

Tu e

n

com

pre

ndra

s la

rais

on q

uan

d t

u a

ura

s av

ancé

dans

la l

ect

ure

des

let

tres

.

To

ut

est

là-d

edans.

Et

dan

s ce

tte

sata

née

pho

to :

la

vér

ité

y é

tait

dep

uis

toujo

urs

. Q

u’e

st-c

e qu’e

lle

me

fait

mal, c

ette

photo

– Q

uell

e pho

to ?

»

“Anna-

Lis

a, A

nne-

Lis

e… G

li s

i sa

rà c

atap

ult

ato

nel

la t

esta

. N

e ca

pir

ai il

mo

tivo

quan

do

sar

ai a

nd

ato

avan

ti n

ell

a le

ttura

dell

e le

tter

e. È

tutt

o l

ì

den

tro.

E i

n q

uell

a m

ale

det

ta f

oto

: la

ver

ità

era

lì d

a se

mpre

. Q

uanto

mi

fa m

ale

, quell

a fo

to…

“Quale

fo

to?”

Il a

pri

s le

Mo

lesk

ine

po

sé s

ur

mes

geno

ux, a

feu

ille

té q

uel

ques

pag

es o

ù

les

list

es d

e no

ms

et d

e li

eux s

’accu

mu

laie

nt

en d

éso

rdre

, puis

so

rti

un

cli

ché

jau

ni

: lu

i, â

d’u

ne

diz

ain

e d’a

nnée

s, a

ccom

pag

de

ses

par

ents

dan

s une

rue

de

Par

is.

Ha

pre

so la

M

ole

skin

e ap

po

ggia

ta su

lle

mie

g

ino

cchia

, ha

sfo

gli

ato

alc

une

pag

ine

in

cui

le

list

e d

i no

mi

e lu

oghi

si

accu

mu

lavano

in

dis

ord

ine,

po

i ha

tira

to f

uo

ri u

n’i

stanta

nea

ing

iall

ita:

rit

raev

a lu

i, c

he

aveva

cir

ca d

ieci anni,

e i

suo

i gen

ito

ri i

n u

na

via

di P

arig

i.

« I

l la

ten

ait

ser

rée

contr

e lu

i qu

and i

l est

… B

ref,

ell

e est

dan

s m

on

po

rtef

euil

le d

epu

is l

a m

ort

de

pap

a. »

“La

teneva

stre

tta

a sé

quan

do

è…

Inso

mm

a, è

nel

mio

po

rtaf

og

lio

da

quan

do

è m

ort

o p

apà.

Page 74: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

68

« P

apa

»,

sa

faço

n

de

pro

no

nce

r ce

m

ot…

Je

m

e su

is

senti

imm

édia

tem

ent

ém

u :

je

n’a

rriv

ais

plu

s à

l’uti

lise

r m

oi-

mêm

e, il m

e

rest

ait

coin

dan

s la

go

rge

à ch

aque

tenta

tive.

Il

a ag

ité

les

carn

ets

rem

pli

s d

e P

ost

-it

sous

mes

yeu

x.

“Pap

à”,

il su

o m

od

o d

i pro

nuncia

re q

uell

a par

ola

… M

i so

no

sen

tito

imm

edia

tam

ente

co

mm

oss

o:

io st

esso

no

n ri

usc

ivo

p

iù a

usa

rla,

m

i

rim

aneva

stro

zzat

a in

go

la a

ogni te

nta

tivo

. H

a ag

itat

o i q

uad

erni p

ieni d

i

Po

st-I

t so

tto

ai

mie

i o

cchi.

« J

e vo

ula

is p

arti

r pas

ser

quelq

ues

jours

à V

ireu

x s

ur

les

trac

es d

e to

n

gra

nd

-pèr

e. M

’im

pré

gner

des

li

eu

x de

son enfa

nce

. C

’éta

it la

to

ute

pre

miè

re é

tape

de

mo

n p

roje

t po

ur

retr

ouver

cet

te f

em

me.

Les

bil

lets

de

trai

n e

t l’

tel ét

aie

nt

déj

à ré

serv

és

et p

ayés…

»

“Vo

levo

tra

sco

rrer

e qual

che

gio

rno

a V

ireu

x p

er m

ette

rmi su

lle

trac

ce d

i

tuo

no

nno

. Im

pre

gnar

mi

dei

luo

ghi

dell

a su

a in

fanzia

. E

ra l

a pri

ma

fase

del

mio

pro

get

to p

er r

itro

var

e quell

a do

nna.

I b

igli

etti

del

tren

o e

l’h

ote

l

eran

o g

ià s

tati

pre

no

tati

e p

agat

i…”

Il a

to

urn

é so

n v

isag

e ver

s la

fenêt

re, t

erra

ssé.

Par

quell

e ét

range

déf

ait

e ?

Aucu

ne

idée

. Je

su

is a

llé

po

ur

lui

pre

ndre

la

main

, m

ais

il

a tr

essa

illi

,

alo

rs j

’ai

sto

ppé

mo

n g

este

net

. L

e fr

ôle

ment

de

nos

pea

ux e

st c

e qu’i

l y

a de

plu

s ab

îmé,

de

dif

ficil

e entr

e lu

i et

mo

i m

ain

tenant.

Ha

rivo

lto

lo

sguar

do

ver

so

la

finest

ra,

abbat

tuto

. D

a qual

e

stra

na

sco

nfi

tta?

No

n n

e ho

id

ea. S

ono

andat

o d

a lu

i per

pre

nder

gli

la

mano

, m

a

è tr

asal

ito

, allo

ra h

o i

nte

rrott

o i

l m

io g

est

o d

ecis

o.

Far

sfi

ora

re l

e no

stre

pell

i er

a la

co

sa p

iù r

ovin

osa

, dif

ficil

e tr

a m

e e

lui

in q

uel

mo

mento

.

So

n a

git

atio

n n

e fa

ibli

ssait

pas

. L

a su

a ag

itaz

ione

no

n d

imin

uiv

a.

« C

om

ment

je v

ais

m’y

pre

ndre

, m

oi, p

our

conti

nu

er m

es

rech

erches

en

étan

t co

incé

ici, h

ein

? C

om

ment

? »

“Co

me

farò

a c

onti

nuar

e le

mie

ric

erche

blo

ccat

o c

osì

, eh?

Co

me?”

Le

vis

age

de

mo

n p

ère,

so

n r

egar

d f

uyant…

Cet

te g

êne,

éno

rme,

qu

i

aug

menta

it la

pes

ante

ur

de

l’air

en

tre

no

us,

le

s no

n-d

its

mais

au

ssi

l’in

sist

ance

mis

e en

œu

vre

po

ur

les

pré

serv

er,

tout

me

par

ut

soudai

n

into

léra

ble

. R

este

r dan

s ce

tte

cham

bre

? In

supp

ort

able

. Il

m

e fa

llait

par

tir.

V

ite.

L

oin

. A

lors

, sa

ns

tro

p

com

pre

ndre

co

mm

ent

ces

mots

sort

aient

de

ma

bo

uch

e au

ssi fa

cil

em

ent,

je

me

suis

ente

ndu d

ire

d’u

n to

n

réso

lu :

Il vo

lto di

mio

pad

re,

il

suo

sg

uar

do

sf

uggente

Quell

’im

bar

azzo

,

eno

rme,

che

aum

enta

va

la p

esante

zza

dell

’atm

osf

era

tra

di

no

i, i

sil

enzi

ma

anche

l’in

sist

enza

mes

sa i

n a

tto p

er p

rese

rvar

li,

all’

impro

vvis

o t

utt

o

mi

par

ve

into

ller

abil

e. R

imaner

e in

quell

a st

anza?

Era

inso

ppo

rtab

ile.

Do

vev

o a

ndar

mene.

In f

rett

a. L

onta

no

. C

osì

, se

nza

cap

ire

bene

com

e

quell

e par

ole

mi

usc

isse

ro d

alla

bo

cca

così

fac

ilm

ente

, m

i so

no

sen

tito

dir

e co

n t

ono r

iso

luto

:

Page 75: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

69

« M

oi, j

e vais

le

fair

e. J

e vais

par

tir

là-b

as à

ta

pla

ce.

Sur

les

trac

es d

e

Mo

ïse,

co

mm

e tu

dis

. A

vec

les

car

net

s. E

t quan

d je les

aura

i te

rmin

és,

je

po

urr

ai t

’aid

er à

cher

cher

Anne-

Lis

e. M

ais

seu

lem

ent

si t

u m

e pro

met

s

de

te r

epo

ser.

Je

veu

x q

ue

tu p

rennes

soin

de

ton c

œur,

d’a

cco

rd ?

»

“Lo

far

ò io

. A

ndrò

lag

giù

al po

sto t

uo.

Mi

met

terò

su

lle

trac

ce d

i M

oïs

e,

com

e d

ici

tu.

Co

n i

quad

erni. E

quan

do l

i avrò

fin

iti, p

otr

ò a

iuta

rti

a

cerc

are

Anne-

Lis

e. M

a so

lo s

e m

i pro

met

ti d

i ri

po

sart

i. V

og

lio

che

tu t

i

pre

nda

cura

del tu

o c

uo

re,

va

bene?”

Il a

ho

ché

la t

ête

en d

em

andant

: H

a sc

oss

o la

test

a ch

iedendo

:

« T

u m

e ra

conte

ras

ce q

ue

tu v

ois

là-

bas

? L

es g

ens

que

tu r

enco

ntr

es ?

»

“Mi

racc

onte

rai co

sa v

edi

lagg

iù?

Dell

e per

sone

che

inco

ntr

i?”

J’all

ais

lu

i ré

po

ndre

, m

ais

il

a a

lors

dép

osé

la

pho

togra

phie

sur

mes

gen

oux,

avec

u

ne

lente

ur

sole

nnell

e.

Il

me

confi

ait

un

pré

cie

ux

tali

sman,

un p

ort

e-bo

nheu

r ap

pelé

à m

’att

irer

les

faveu

rs d

u h

asar

d e

t de

la b

onne

fort

une

dura

nt

ma

quêt

e.

Sta

vo p

er r

ispo

nd

erg

li,

ma

in q

uel

mo

mento

ha

mess

o la

foto

gra

fia

sull

e

mie

gin

occ

hia

, co

n u

na

lente

zza

sole

nne.

A q

uel

punto

mi

aff

idava

un

pre

zio

so tal

ism

ano

, un p

ort

afo

rtuna

chia

mat

o a

d a

ttir

are

su d

i m

e i

favo

ri

del ca

so e

la

buo

na

sort

e dura

nte

la

mia

ric

erca

.

« G

arde-

la,

a-t-

il

murm

uré

, av

ant

d’a

joute

r d’u

n

ton

myst

érie

ux

:

appell

e-m

oi

po

ur

me

raco

nte

r ce

qu’e

st d

even

u l

e m

onde

où a

gra

nd

i

Mo

ïse.

M

ais

, su

rto

ut,

li

s le

s le

ttre

s. L

is-l

es et

tu

co

mpre

ndra

s to

ut,

vra

iment

tout.

»

“Co

nse

rvala

,” h

a m

orm

ora

to,

pri

ma

di

agg

iunger

e c

on t

ono

mis

teri

oso

:

“chia

mam

i per

rac

conta

rmi

cos’

è d

iventa

to i

l m

ondo

in c

ui

è cr

esciu

to

Mo

ïse.

Ma,

so

pra

ttutt

o,

legg

i le

let

tere

. L

egg

ile

e ca

pir

ai

tutt

o,

pro

pri

o

tutt

o.”

Pu

is,

à l’

inst

ant

où j

e fr

anchis

sais

la

po

rte

de

sa c

ham

bre

, le

s pré

cie

ux

carn

ets

à la

m

ain

, j’

ai

frém

i d

’ém

oti

on

:

étai

t-ce

le

fr

uit

de

mo

n

imag

inat

ion o

u l’a

vais

-je

vér

itab

lem

ent

ente

ndu p

rono

nce

r ce

s m

ots

to

ut

bas,

« M

erci, f

isto

n »

?

Po

i, n

el

mo

mento

in c

ui

olt

repas

savo

la

po

rta

del

la s

ua

cam

era,

co

n i

n

mano

i p

rezio

si q

uad

erni, h

o t

rem

ato d

all

’em

ozio

ne:

era

il

frutt

o d

ella

mia

im

mag

inaz

ione

o

l’avevo

ver

am

ente

se

nti

to

pro

nuncia

re

quell

e

par

ole

a b

ass

a vo

ce,

“Gra

zie

, fi

gli

o m

io”?

3 a

vri

l 1963

Le

jour

il

a t

elle

men

t plu

que

mêm

e le

s m

outo

ns

ont

rétr

éci

3 a

pri

le 1

963

Il g

iorn

o in c

ui ha talm

ente

pio

vuto

che

per

fino le

pec

ore

si so

no r

istr

ette

Ma

souri

s,

Scr

iccio

la m

ia,

Page 76: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

70

J’aim

erais

que

tu c

om

pre

nnes

mo

n é

mo

tio

n q

uan

d,

un j

our

d’a

oût

1914,

les

clo

ches

se

mir

ent

à so

nner

le

tocs

in.

Le

gar

de

cham

pêt

re c

oll

ait

des

aff

iches

avec

deu

x p

etit

s dra

pea

ux c

rois

és

et e

n g

ross

es l

ettr

es :

Vo

rrei

che

cap

issi

la

mia

em

ozio

ne

quando

, un g

iorn

o d

i ago

sto

del

1914,

le

cam

pane

si

mis

ero

a

suo

nar

e a

mar

tello

. L

a guar

dia

ca

mpest

re

inco

llava

dei

manif

est

i co

n d

ue

band

ieri

ne

incr

ocia

te e

co

n s

u s

crit

to a

cara

tter

i cu

bit

ali

:

MO

BIL

ISA

TIO

N G

ÉN

ÉR

AL

E.

MO

BIL

ITA

ZIO

NE

GE

NE

RA

LE

.

Des

gens

ple

ura

ient

dan

s la

rue,

d’a

utr

es c

hanta

ient,

mo

n p

ère

rentr

a

dar

e-dar

e du tra

vail

, se

tai

lla

la b

arbe,

et m

a m

ère

lui pré

par

a une

muse

tte

avec

les

deu

x j

ours

de

viv

res

pré

vu

s su

r le

fasc

icu

le d

’appel.

Dell

e per

sone

pia

ngevano

per

str

ada,

alt

re c

anta

van

o,

mio

pad

re r

ientr

ò

in

fret

ta dal

la

vo

ro,

si ta

gliò

la

bar

ba

e m

ia

mad

re g

li pre

par

ò un

tasc

apan

e co

n i d

ue

gio

rni d

i viv

eri pre

vis

ti d

al fa

scic

olo

di chia

mat

a all

e

arm

i.

Au lo

in, des

nu

ages

se

rass

em

bla

ient dan

s l’

om

bil

ic n

oir

d’u

n o

rage.

Bie

n

sûr,

je

ne

me

suis

rendu c

om

pte

de

rien,

ou p

lutô

t je

ne

m’e

n s

ouvie

ns

pas

. C

e que

je m

e ra

ppell

e, c

’est

le

dép

art

: j’

étais

his

sé s

ur

le d

os

de

mo

n

pèr

e,

et

il

ple

uvait

à

ver

se.

L’o

ncle

Ja

cques

en

tonnait

des

chants

pat

rioti

qu

es.

C’e

st c

om

me

ça,

que

veu

x-t

u,

la G

uer

re a

vait

réc

oncil

ié l

es

deu

x f

rère

s.

In

lonta

nanza

, dell

e nu

vo

le si

ra

dunavano

nell

’om

beli

co ner

o di

un

tem

po

rale

. C

erto

, no

n m

i so

no

res

o c

onto

di nu

lla,

o p

iutt

ost

o n

on m

e ne

rico

rdo

. Q

uel

lo c

he

mi

rico

rdo

, è

la p

arte

nza

: er

o i

ssat

o s

ull

a sc

hie

na

di

mio

pad

re

e pio

veva

a d

irott

o.

Lo

zio

Ja

cques

into

nav

a dei

canti

pat

riott

ici.

È c

osì

, ch

e co

sa c

i vuo

i fa

re,

la G

uer

ra a

veva

rico

ncil

iato

i d

ue

frat

ell

i.

La

pet

ite

pla

ce d

e la

gar

e ét

ait

no

ire

de

mo

nde.

Des

épo

use

s, d

es p

aren

ts,

qu

i ac

com

pag

naie

nt

ple

ins

d’a

ngo

isse

l’u

n d

es l

eurs

. L

e tr

ain a

rriv

a, l

es

gen

s cr

iaie

nt,

ple

ura

ient,

se

tira

ient

par

les

vêt

em

ents

, m

oi-

mêm

e, d

e vo

ir

tout

cela

sans

do

ute

, je

me

mis

à h

url

er e

t m

a m

ère

dut

m’a

rrac

her

des

bra

s de

mo

n p

ère,

un d

ernie

r bais

er,

des

cen

tain

es

de

mo

uch

oir

s ag

ités

aux p

ort

ière

s et

ce

fut

tout.

La

Guer

re c

om

mença

it.

La

pia

zzet

ta del

la

staz

ione

era

pie

na

di

gente

. M

ogli

, genit

ori

, che

acco

mp

agnavano

pie

ni

d’a

ngo

scia

uno

dei

loro

car

i. I

l tr

eno a

rriv

ò,

la

gen

te u

rlava,

pia

ngeva,

si

tira

va

per

i v

esti

ti,

io s

tess

o,

senza

du

bbio

ved

endo

tutt

o c

iò,

mi

mis

i a

url

are

e m

ia m

adre

dovet

te s

trap

par

mi dall

e

bra

ccia

di m

io p

adre

, un u

ltim

o b

acio

, ce

nti

naia

di fa

zzo

lett

i ag

itat

i ver

so

le p

ort

iere

e f

u t

utt

o q

ua.

La

Guer

ra i

niz

iava.

Ma

mèr

e en

par

lera

it t

oujo

urs

de

cett

e m

aniè

re :

« I

l a

tell

em

ent

plu

, ce

jour-

là,

que

mêm

e le

s m

outo

ns

ont

rétr

éci

! »

Mia

mad

re n

e avre

bbe

sem

pre

par

lato

in q

ues

to m

odo

: “H

a ta

lmente

pio

vuto

, quel

gio

rno

, ch

e per

fino

le

pec

ore

si so

no

ris

tret

te!”

.

Page 77: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

71

Mo

i, c

’est

le

mo

nde

qu

i es

t dev

enu p

lus

pet

it s

ans

mo

n p

ère

po

ur

me

po

rter

sur

ses

épau

les.

Quan

to a

me,

il

mo

ndo

era

div

enta

to p

iù p

icco

lo s

enza

mio

padre

che

mi

po

rtas

se s

ull

e su

e sp

all

e.

Dan

s sa

pre

miè

re c

arte

po

stale

, d

icté

e à

un c

am

arade,

on p

ouvait

lir

e :

N

ell

a su

a pri

ma

cart

oli

na,

det

tata

a u

n c

om

pag

no

, si

po

teva

legger

e:

« J

’intè

gre

la p

rem

ière

rése

rve,

à S

ain

t-N

aza

ire,

et

monte

rai

au f

ront

ava

nt

tous

les

autr

es. C

’est

de

ma f

aute

, j’

aura

is d

û f

air

e le

néc

essa

ire

à

la n

ais

sance

de

Ren

é, o

n m

’aura

it a

lors

ass

igné

au

x te

rrit

ori

aux.

Pour

y

avo

ir d

roit

, il

suff

isait

pourt

ant

d’a

voir

tro

is e

nfa

nts

et

de

s’acq

uit

ter

de

quel

ques

form

ali

tés.

»

“In

tegro

la p

rim

a r

iser

va,

a S

ain

t-N

aza

ire,

e a

ndrò

al

fronte

pri

ma d

i

tutt

i gli

alt

ri. È

colp

a m

ia, avr

ei d

ovu

to f

are

il

nec

essa

rio a

lla n

asc

ita d

i

Ren

é, c

osì

mi avr

ebber

o a

sseg

nato

ai

terr

itori

ali

. T

ra l

’alt

ro, per

ave

rne

dir

itto

, bast

ava

ave

re t

re f

igli

e s

bri

gare

alc

une

form

ali

tà.”

Ensu

ite,

il ré

pét

ait

plu

sieu

rs f

ois

: «

C’e

st d

e m

a f

aute

. »

Po

i ri

pet

eva

più

vo

lte:

“È

colp

a m

ia.”

On l

isait

auss

i :

« O

n n

e pen

se j

am

ais

que

la G

uer

re a

rriv

era,

ma c

hér

ie…

»

Si

leggeva

anche:

“N

on s

i pen

sa m

ai

che

arr

iver

à l

a G

uer

ra,

mia

cara

…”

La

vér

ité,

c’e

st q

u’i

l éc

rivait

mal, m

on p

ère.

Im

po

ssib

le p

our

lui d’a

vo

uer

avo

ir r

écupér

é le

s fo

rmu

lair

es à

la

nais

sance

de

son tro

isiè

me

sans

jam

ais

avo

ir s

u c

orr

ecte

ment

ni

les

déc

hif

frer

ni

les

rem

pli

r.

La

ver

ità,

è

che

scri

veva

male

, m

io

pad

re.

Per

lu

i er

a im

po

ssib

ile

confe

ssar

e d

i aver

rec

uper

ato i

mo

du

li a

lla

nas

cit

a del

suo

ter

zo f

igli

o

senza

aver

mai

saputo

dec

ifra

rli

com

pil

arli

co

rret

tam

ente

.

« I

l fa

ut

bie

n t

ravail

ler

à l’

éco

le,

René,

par

ce q

ue

sino

n o

n n

ous

enver

ra

à la

G

uer

re co

mm

e pap

a »,

ente

nd

is-j

e P

etit

-Geo

rges

m

urm

ure

r au

-

des

sus

de

son c

ouff

in.

“Bis

ogna

andar

e bene

a sc

uo

la,

René,

per

ché

sennò

ci

mander

anno

in

Guer

ra c

om

e pap

à” s

enti

i P

etit

-Geo

rges

mo

rmo

rare

al d

i so

pra

dell

a su

a

cull

a.

Les

pre

mie

rs

jours

au

vil

lage

fure

nt

calm

es,

en

dép

it

des

co

nvo

is

mil

itair

es

ple

ins

com

me

des

œ

ufs

de

sold

ats

au

vis

age

gri

s-ja

une,

inqu

iets

et

sile

ncie

ux.

La

Guer

re c

loue

le b

ec d

es h

om

mes

avant

de

les

tuer

. Je

le

sa

is,

ell

e m

’a

tant

ble

ssé

enfa

nt,

et

ta

nt

ble

ssé

adu

lte,

impo

ssib

le d

e m

e re

mém

ore

r une

vie

sans

ell

e, n

i avant,

ni ap

rès…

I pri

mi

gio

rni

in p

aese

furo

no

cal

mi,

malg

rado

i c

onvo

gli m

ilit

ari

pie

ni

com

e uo

va

di

sold

ati

dal

vo

lto

gri

gio

e g

iall

o,

pre

occ

upat

i e

sile

nzio

si.

La

Guer

ra c

hiu

de

il b

ecco

agli

uo

min

i pri

ma

di

ucc

ider

li.

Lo

so

, m

i ha

feri

to c

osì

tan

to d

a bam

bin

o e

co

sì t

anto

da

adult

o,

mi

è im

po

ssib

ile

rico

rdar

e una

vit

a se

nza

di

lei, n

é pri

ma,

do

po…

Page 78: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

72

Bie

ntô

t des

rum

eurs

ala

rmante

s co

uru

rent,

les

tres

aura

ient

per

du l

a

bat

ail

le de

Char

lero

i. L

es

route

s fu

ren

t en

vahie

s de

réfu

gié

s belg

es

épo

uvan

tés,

no

irs

de

cras

se,

qu

i po

rtai

ent

leurs

mais

ons

sur

le d

os

et

colp

ort

aient

les

plu

s aff

reu

ses

no

uvell

es :

le

s P

russ

iens

coupaie

nt

les

sein

s des

fem

mes

et c

louaie

nt

mêm

e le

s en

fants

aux p

ort

es d

es g

ranges

,

com

me

des

cho

uet

tes

!

Ben

pre

sto

ci

rco

laro

no

vo

ci

all

arm

anti

, i

no

stri

av

rebber

o

per

so

la

bat

tagli

a d

i C

har

lero

i.

Le

stra

de

furo

no

in

vas

e d

i ri

fug

iati

belg

i

spaventa

ti,

spo

rchi

di

fango

, ch

e port

avan

o u

n f

ard

ello

su

lla

schie

na

e

dif

fondevano

le

no

tizie

più

ter

rifi

canti

: i

Pru

ssia

ni

tagli

avano

i s

eni

all

e

do

nne

e ad

dir

ittu

ra i

nchio

davano

i b

am

bin

i all

e po

rte

dei

gra

nai, c

om

e

dell

e civ

ette

!

Dan

s le

pays,

ce

fut

la d

ébandad

e et

bea

uco

up d

e gen

s fu

irent.

Des

bo

urg

eois

, qu

i habit

aie

nt

en f

ace,

no

us

confi

èrent

à la

hât

e le

urs

obje

ts

pré

cie

ux d

ans

l’id

ée

de

revenir

les

cher

cher

aprè

s la

Guer

re.

In p

aese

ci fu

lo

sco

mp

igli

o e

mo

lte

per

sone

fugg

iro

no. D

ei b

org

hesi

che

abit

avano

di fr

onte

a n

oi ci aff

idar

ono

in f

rett

a i lo

ro o

gget

ti p

rezio

si, co

n

l’in

tenzio

ne

di to

rnar

e a

rip

render

li d

opo la

Guer

ra.

Une

phra

se q

ui m

’est

res

tée,

c’e

st q

uan

d l

e m

ari a

bala

ncé,

en i

nsp

ecta

nt

no

tre

log

is :

Una

fras

e che

mi

è ri

mas

ta i

mpre

ssa

è st

ata

quan

do i

l m

arit

o h

a valu

tato

,

isp

ezio

nando

cas

a no

stra

:

« L

es

sold

ats

ne

cher

cher

ont

jam

ais

de

bij

ou

x i

ci.

»

“I s

old

ati

no

n v

erra

nno

mai

a ce

rcar

e dei

gio

iell

i q

ui.”

Je m

e re

vo

is,

pen

du a

u t

abli

er d

e m

a m

ère :

M

i ri

ved

o,

appes

o a

l gre

mbiu

le d

i m

ia m

adre

:

« I

ls s

’en v

ont

par

ce q

u’i

ls o

nt

peu

r, m

am

an

? »

“S

e ne

vanno

per

ché

hanno

pau

ra, m

am

ma?”

Et

la v

oir

rép

ondre

, en

core

, deb

out

sur

le s

euil

, m

âcho

ires

ser

rées

, bil

lets

dan

s la

po

che,

ne

sachant

pas

bie

n c

om

ment

les

regar

der

par

tir

:

E la

ved

o r

ispo

nder

e, a

nco

ra, in

pie

di su

lla

sog

lia, co

n le

masc

ell

e se

rrat

e

e i

big

liet

ti i

n t

asca

, no

n s

apendo

ben

e c

om

e guar

dar

li p

arti

re:

« O

ui. I

ls o

nt

asse

z d’a

rgen

t po

ur

ça. O

ù q

u’i

ls a

ille

nt,

ils

se

senti

ront

en

sécu

rité

avec

ça.

Ils

savent

ce q

u’e

st la

vra

ie v

ie,

eux.

– C

’est

quo

i, la

vra

ie v

ie ?

– A

h ç

a… D

em

and

e à

ta p

etit

e bib

le.

»

“Sì. H

anno

so

ldi

a su

ffic

ienza

per

far

lo.

Ovunque

vad

ano

, si

senti

ranno

al si

curo

co

n q

uell

i. S

anno

co

s’è

la v

ita

ver

a, l

oro

.”

“Co

s’è

la v

ita

ver

a?”

“Ah,

quello

… C

hie

dil

o a

lla

tua

Bib

bia

.”

Ce

jour-

là, j’

ai co

mm

encé

à co

mpre

ndre

co

mm

ent

fonct

ionnait

le

mo

nd

e

des

adu

ltes

.

Quel g

iorn

o h

o i

niz

iato

a c

apir

e co

me

funzio

nava

il m

ondo

deg

li a

du

lti.

Page 79: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

73

Un a

prè

s-m

idi,

par

pru

den

ce,

les

sapeu

rs f

irent

saute

r le

po

nt

et,

mo

i, j

e

n’a

rrêt

ais

pas

de

me

répét

er q

ue

c’ét

ait

terr

ible

, ca

r m

on p

ère

étai

t de

l’au

tre

côté

du f

leu

ve

main

tenant,

co

incé

avec

l’e

nnem

i.

Un p

om

erig

gio

, per

sic

ure

zza,

i p

om

pie

ri f

ecer

o s

alta

re i

n a

ria

il p

onte

e

io n

on s

met

tevo

di

ripet

erm

i che

era

terr

ibil

e per

ché

mio

pad

re a

des

so

era

dall

’alt

ro lat

o d

el f

ium

e, b

locc

ato

co

n i

l nem

ico.

« C

om

ment

il f

era

po

ur

rentr

er s

’il n’y

a p

lus

de

po

nt

? dem

andai-

je à

ma

mèr

e.

– I

l pre

ndra

le

trai

n.

»

“Co

me

farà

a t

orn

are

se n

on c

’è p

iù i

l po

nte

?” c

hie

si a

mia

mad

re.

“Pre

nder

à il

tre

no

.”

Ça

n’a

vait

aucu

n s

ens,

mais

cela

me

rass

ura

it.

No

n a

veva

senso

, m

a m

i ra

ssic

ura

va.

« I

l y a

to

ujo

urs

un t

rain

ou u

n a

uto

bus

po

ur

les

pap

as »

, av

ait

ajo

uté

ma

mèr

e po

ur

que

je lu

i fi

che

la p

aix

et

la l

ais

se é

tendre

ses

po

mm

es d

e te

rre

sur

le t

rott

oir

. E

lle

était

ce

genre

de

per

sonne.

Inca

pable

de

met

tre

à

sécher

des

pat

ates

et

conso

ler

son e

nfa

nt

en m

êm

e te

mps.

Sa

beso

gne

dura

bie

n c

inq m

inute

s quan

d,

soudain

, ell

e re

leva

la t

ête,

l’a

ir a

larm

é.

Les

cano

ns

du f

ort

de

Char

lem

ont

s’ét

aie

nt

tus.

“C’è

sem

pre

un t

reno

o u

n a

uto

bus

per

i p

apà”

aveva

agg

iunto

mia

mad

re

per

ché

la lasc

iass

i in

pac

e e

la lasc

iass

i st

ender

e le

pat

ate

sul m

arcia

pie

de.

Era

quel

gener

e d

i per

sona.

Inca

pac

e d

i m

ette

re a

ess

icca

re l

e pat

ate

e

conso

lare

suo

fig

lio

allo

ste

sso

tem

po

. Il

suo

lavo

ro d

urò

ben

cin

qu

e

min

uti

quan

do

, al

l’im

pro

vvis

o,

alzò

la

te

sta,

co

n

l’ar

ia

all

arm

ata.

I

canno

ni

del

fort

e di C

har

lem

ont

si e

rano

zit

titi

.

« L

eurs

bo

ule

ts p

arte

nt au

mo

ins

à d

ix k

ilo

mèt

res

! Il

s vo

us

met

tro

nt so

us

clo

che,

ta

mèr

e, t

es f

rère

s et

to

i… »

, no

us

avait

pré

venu

s m

on p

ère.

“Le

loro

pal

le r

agg

iungo

no

una

dis

tanza

di

alm

eno

die

ci

chil

om

etri

! V

i

met

tera

nno

sott

o a

una

cam

pana

di vet

ro, t

u, tu

a m

adre

e i t

uo

i fr

atell

i…”

ci aveva

avvis

ati

mio

pad

re.

Le

soir

m

êm

e, no

tre

mèr

e in

sist

a po

ur

qu’o

n d

orm

e to

ut

hab

illé

, en

gar

dan

t no

s ch

auss

es a

ux p

ied

s. Q

uelq

ues

heu

res

plu

s ta

rd,

la s

onner

ie

du to

csin

no

us

réveil

la e

n s

urs

aut.

Des

gen

s co

ura

ient dan

s no

tre

rue,

ver

s

les

bo

is,

en h

url

ant

: « S

auve

qu

i peu

t, les

Pru

ssie

ns

arri

vent

! » S

ans

un

trem

ble

ment,

el

le

cala

le

pet

it

frèr

e su

r sa

poit

rine,

pri

t quelq

ues

La

sera

ste

ssa,

no

stra

mad

re i

nsi

stet

te p

erch

é do

rmis

sim

o v

esti

ti e

co

n l

e

calz

am

agli

e ai

pie

di. Q

ualc

he

ora

più

tar

di, i

l su

ono d

ella

cam

pana

ci

sveg

liò

di so

pra

ssalt

o. D

elle

per

sone

corr

evan

o p

er la

no

stra

via

, ver

so i

l

bo

sco

, url

ando

: “S

i sa

lvi

chi

può

, ar

rivano

i P

russ

iani!

”. S

enza

esi

tare

,

mia

mad

re m

ise

il m

io f

rate

llin

o s

ul su

o p

etto

, pre

se a

lcu

ne

coper

te e

due

Page 80: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

74

couver

ture

s, d

eux,

tro

is p

rovis

ions,

et,

acc

om

pag

nés

de

no

s vo

isin

s le

s

Jérô

me,

no

us

par

tîm

es p

our

la f

orê

t.

o t

re p

rovvis

te e

insi

em

e ai

no

stri

vic

ini,

i

Jerô

me,

par

tim

mo

per

la

fore

sta.

3 a

vri

l 1964

Les

enfa

nts

sauva

ges

3 a

pri

le 1

964

I bam

bin

i se

lvaggi

Ma

pet

ite

Anne-

Lis

e, m

a pet

ite

souri

s,

D’a

utr

es f

am

ille

s se

jo

ignir

ent à

no

us

au f

ur

et à

mesu

re. N

ous

cam

pâm

es

à la

lis

ière

d’u

n b

ois

trè

s so

mbre

, so

us

le r

egar

d b

ienveil

lant

du g

arde

cham

pêt

re,

mo

nsi

eur

Ro

bin

et,

qui

no

us

const

ruis

it d

’une

main

exper

te

des

abri

s avec

des

bra

nchag

es

en p

révis

ion d

es p

luie

s et

des

nu

its

tro

p

fraîc

hes

. P

ou

r no

us

les

go

sses

, c’é

tait

co

mm

e

une

aventu

re.

No

us

do

rmio

ns

sur

un l

it d

e fo

ugèr

es,

le m

atin

no

us

avio

ns

du l

ait

chau

d à

vo

lonté

et,

dan

s la

jo

urn

ée,

mo

nsi

eur

Ro

bin

et c

uis

ait

des

pat

ates

dan

s la

bra

ise,

c’é

tait

cro

ust

illa

nt

et d

élic

ieu

x ;

le

rest

e du t

emps,

no

us

jou

ions

dan

s le

s bo

is,

pas

tro

p l

oin

, ca

r no

s m

ères

n’é

taie

nt

pas

ras

suré

es.

De

vra

is e

nfa

nts

sau

vag

es.

Mia

pic

cola

Anne-

Lis

e, s

cric

cio

lina

mia

,

Alt

re f

am

igli

e si

unir

ono

a n

oi

un p

o’

all

a vo

lta.

Ci

acca

mpam

mo

al

lim

itar

e di un b

osc

o m

olt

o b

uio

, so

tto lo

sguar

do a

mo

revo

le d

ell

a guar

dia

cam

pest

re,

il s

igno

r R

obin

et,

che,

co

n m

ano

esp

erta

, ci co

stru

ì dei

rip

ari

con d

elle

ram

agli

e in

pre

vis

ione

di p

iogge

e nott

i tr

oppo f

resc

he.

Per

no

i

bam

bin

i er

a co

me

un’a

vventu

ra.

Do

rmiv

am

o su

un le

tto di

felc

i, la

mat

tina

avevam

o lat

te c

aldo

a v

olo

ntà

e, nel c

ors

o d

ell

a g

iorn

ata,

il s

igno

r

Ro

bin

et c

ucin

ava

pat

ate

alla

bra

ce,

eran

o c

rocc

anti

e d

eli

zio

se;

per

il

rest

o d

el t

em

po

, gio

cavam

o n

ei

bo

schi, n

on t

roppo

lo

nta

no

per

ché

le

no

stre

mad

ri n

on e

rano

tra

nqu

ille

. D

ei

ver

i bam

bin

i se

lvag

gi.

Une

sem

ain

e pass

a,

ou

peu

t-êt

re

tro

is ?

Je

m

e ra

ppell

e R

obin

et

murm

ura

nt

à notr

e m

ère

: « S

i le

s P

russ

iens

ont

des

chie

ns,

no

us

som

mes

per

dus.

» J

e n’a

vais

pas

co

mpri

s : co

mm

ent

les

chie

ns

– m

es

am

is d

epu

is

toujo

urs

– po

urr

aient

no

us

vo

ulo

ir du m

al

? « C

’est

pas

des

ca

bo

ts

com

me

les

autr

es, m

’aff

irm

a P

etit

-Geo

rges

d’u

n a

ir trè

s in

form

é. I

ls s

ont

pru

ssie

ns.

» A

u l

oin

, no

us

vîm

es d

e la

fu

mée

, tr

ès n

oir

e, e

t si

tôt

que

le

vent

tourn

ait

, notr

e im

agin

atio

n s

’em

ball

ait

et

il n

ous

sem

bla

it q

u’u

ne

menaç

ante

o

deu

r,

très

âc

re,

no

us

sauta

it

à la

go

rge.

L

es

adu

ltes

Pas

sò u

na

sett

imana,

o f

ors

e tr

e? M

i ri

cord

o c

he

Ro

bin

et m

orm

orò

a

no

stra

mad

re:

“Se

i P

russ

iani

hanno

dei cani, s

iam

o p

erduti

.” N

on a

vevo

cap

ito

: co

me

pote

van

o v

ole

rci

male

i c

ani, m

iei

am

ici

da

sem

pre

? “N

on

sono

dei

ca

ni

qualu

nqu

e”

aff

erm

ò

Pet

it-G

eorg

es

con

aria

m

olt

o

info

rmat

a. “

So

no

pru

ssia

ni.

” In

lo

nta

nanza

, ved

em

mo

del

fum

o,

mo

lto

ner

o e

, no

n a

ppen

a ca

mbia

va

il v

ento

, dav

am

o l

iber

o s

fogo a

lla

no

stra

imm

agin

azio

ne

e ci

sem

bra

va

che

un o

dore

min

acc

ioso

, m

olt

o a

cre,

ci

salt

asse

all

a go

la.

Gli a

du

lti

si c

hie

devano

da

do

ve

pote

sse

venir

e, n

on

Page 81: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

75

dis

cuta

ient

d’o

ù c

ela

po

uvait

pro

ven

ir,

pas

de

Vir

eux,

c’ét

ait

à l’o

ppo

sé.

Ceu

x q

ui

connais

saie

nt

les

bo

is p

arlè

rent

de

Fép

in o

u d

e H

aybes

-sur-

Meu

se,

dis

tant

d’u

ne

centa

ine

de

kilo

mèt

res.

da

Vir

eux,

veniv

a d

all

a par

te o

ppo

sta.

Quel

li c

he

cono

scev

ano

i b

osc

hi

par

laro

no

di

Fép

in o

d

i H

aybes-

sur-

Meu

se,

dis

tanti

u

n ce

nti

naio

d

i

chil

om

etri

.

« J

e vais

vo

ir »

, se

pro

po

sa c

oura

geu

sem

ent

mo

nsi

eur

Ro

bin

et.

“Vad

o a

ved

ere”

si o

ffrì

co

ragg

iosa

mente

il

sig

no

r R

obin

et.

Il p

arti

t le

so

ir,

à pas

de

loup,

et l

e m

atin

en r

evin

t ép

ouvanté

avec

des

resc

apés

de

Haybes

.

Par

tì d

i se

ra,

a pas

si f

elp

ati,

e i

l m

atti

no

do

po

rit

orn

ò s

paventa

to c

on d

ei

super

stit

i d

i H

aybes.

« L

es

Pru

ssie

ns

ont

pré

texté

avo

ir e

ssu

des

co

ups

de

feu,

puis

ils

ont

ince

nd

ié le

p

ays.

Il

ne

rest

e pas

u

ne

mais

on debo

ut,

le

s m

ort

s so

nt

inno

mbra

ble

s, e

t ce

tte

odeu

r… e

lle

vo

us

creu

se le

vis

age.

D’a

prè

s ce

que

je s

ais

, une

sect

ion d

e fr

ancs

-tir

eurs

ret

ranchés

sur

les

hau

teurs

a t

enu les

All

em

and

s en

éch

ec t

oute

une

journ

ée.

Aprè

s le

ur

dép

art,

les

Pru

ssie

ns

se s

ont

ven

gés

sur

la p

opula

tio

n.

»

“I P

russ

iani

si s

ono

giu

stif

icat

i d

icendo

di

aver

subit

o d

ei c

olp

i d

’arm

a

da

fuo

co, po

i hanno

ince

nd

iato

il p

aese

. N

on r

imane p

iù u

na

casa

in p

ied

i,

i m

ort

i so

no

innu

mer

evo

li e

ques

t’o

do

re…

vi so

lca

il v

iso

. D

a quel

lo c

he

so,

una

sezio

ne

di

franchi

tira

tori

tri

nce

rati

su

lle c

oll

ine

ha

tenuto

in

scac

co i

Ted

eschi

per

una

gio

rnat

a in

tera

. D

opo la

lo

ro par

tenza

, i

Pru

ssia

ni

si s

ono

vend

icat

i su

l po

po

lo.”

Et

le b

on R

obin

et s

e re

tint

très

fo

rt d

e fo

ndre

en l

arm

es.

E

il

buo

n R

obin

et s

i tr

atte

nne

mo

lto

ben

e dall

o s

copp

iare

in l

acri

me.

Les

jo

urs

pas

sère

nt,

le

li

ng

e m

anqua,

le

s viv

res

auss

i,

les

adu

ltes

maig

riss

aie

nt

po

ur

no

us.

U

ne

déc

isio

n s’

impo

sait

, il

no

us

fall

ait

un

écla

ireu

r. C

’est

Ro

bin

et,

enco

re l

ui, q

ui

se p

roposa

. Il

revin

t du p

ays

quelq

ues

heu

res

aprè

s :

« T

out

est

calm

e… V

os

pat

ates

sèc

hent

enco

re

sur

le t

rott

oir

! »

Il

n’a

vait

pas

tro

uvé

un s

eul

Fri

tz.

Les

gen

s ti

nre

nt

conse

il,

et les

plu

s co

ura

geu

x s

e déc

idèr

ent

à re

gag

ner

le

vil

lage.

I gio

rni

pas

savano

, la

bia

ncher

ia m

anca

va,

i

viv

eri

anche,

g

li ad

ult

i

dim

agri

vano

per

no

i. V

enne

pre

sa u

na

dec

isio

ne,

ci se

rviv

a qualc

uno

che

andass

e in

ric

ogniz

ione.

Anco

ra u

na

vo

lta,

fu R

obin

et a

pro

po

rsi. T

orn

ò

dal

pae

se q

ualc

he

ora

do

po:

“Tutt

o è

tra

nqu

illo

… L

e vo

stre

pat

ate

si

stan

no

anco

ra e

ssic

cando

su

l m

arcia

pie

de!”

No

n a

veva

tro

vat

o n

eanche

un C

rucc

o.

La

gen

te s

i co

nsu

ltò

e i

più

co

ragg

iosi

dec

iser

o d

i to

rnar

e al

pae

se.

Page 82: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

76

Co

mm

e no

us

habit

ions

dan

s la

rue

qu

i m

enait

au b

ois

, et

que

notr

e m

ère

avait

le

sang a

uss

i fr

oid

que

la t

ête

et l

e cœ

ur,

no

us

redes

cend

îmes

au

pays,

et

bie

ntô

t to

us

les

autr

es s

uiv

irent…

Sic

com

e abit

avam

o n

ell

a st

rada

che

po

rtav

a al

bo

sco e

po

iché

no

stra

mad

re a

veva

il s

ang

ue

fred

do

co

me

la m

ente

e i

l cu

ore

, to

rnam

mo

giù

in

pae

se e

pre

sto

tutt

i g

li a

ltri

ci

segu

iro

no

Mais

c’é

tait

co

mpte

r sa

ns

les

All

em

ands,

qu

i se

man

ifes

tère

nt

d’u

n s

eul

coup,

quelq

ues

jo

urs

plu

s ta

rd,

au p

etit

mat

in,

s’in

filt

rant

dan

s no

s ru

es

com

me

une

bru

me,

co

gnan

t au

x p

ort

es, ar

rêta

nt

tous

les

no

table

s, m

air

e,

curé

, m

édec

in,

pro

fess

eurs

des

éco

les

et c

om

mer

çants

.

Ma

no

n a

vevam

o f

atto

i c

onti

co

n i T

edes

chi, c

he

si p

rese

nta

rono a

ll’i

m-

pro

vvis

o,

qual

che

gio

rno

do

po

, di

pri

ma

mat

tina,

in

filt

rando

si

nell

e

no

stre

vie

co

me

una

nebb

ia,

buss

ando

al

le po

rte

e ar

rest

ando

tutt

i i

no

tabil

i, i

l si

ndac

o,

il p

arro

co,

il m

edic

o,

gli i

nse

gnanti

dell

e sc

uo

le e

i

com

mer

cia

nti

.

Ils

fure

nt

enfe

rmés

dan

s l’

égli

se e

t un l

ieute

nant

all

em

and l

es

pré

vin

t :

« S

i u

n s

eul

coup d

e fe

u ê

tre

tiré

, ka

pput,

vo

us

être

fu

sill

és

»,

et,

po

ur

mo

ntr

er q

u’i

ls n

e p

lais

anta

ient

pas

, une

mit

rail

leuse

fut

pla

cée

en b

atte

rie

à la

po

rte

de

l’ég

lise

.

Ven

ner

o r

inchiu

si n

ell

a ch

iesa

e u

n l

uo

gote

nen

te t

edes

co l

i avver

tì:

“Se

un s

olo

co

lpo

ess

ere

spar

ato

, kapput,

vo

i ess

ere

fucil

ati”

e, per

dim

ost

rare

che

no

n s

cher

zavano

, ven

ne

mess

a in

bat

teri

a una

mit

rag

liat

rice

davanti

all

a po

rta

del

la c

hie

sa.

L’o

ccupat

ion c

om

mença

, la

faim

s’i

nst

all

a. N

ous

manqu

ions

de

tout.

La

mo

rt dan

s l’

âm

e, m

a m

ère

déf

it le

fa

meu

x des

sus-

de-

lit

et,

toute

la

Guer

re,

son

cadea

u

de

mar

iage

serv

it

à ce

la :

no

us

do

nner

des

chau

sset

tes.

Je

met

tais

mes

pie

ds

dans

le m

aria

ge

de

mes

par

ents

.

L’o

ccupaz

ione

iniz

iò,

la f

am

e si

inse

diò

. C

i m

anca

va

tutt

o.

A m

ali

n-

cuo

re, m

ia m

adre

dis

fece

il fa

mo

so c

opri

lett

o e

, per

tutt

a la

Guer

ra, il s

uo

regalo

di

no

zze

serv

ì a

ques

to:

farc

i dei

calz

ini.

Met

tevo

i p

ied

i nel

mat

rim

onio

dei

mie

i genit

ori

.

Oh, no

us

touch

ions

bie

n u

n p

eu d

e ra

vit

ail

lem

ent,

et av

ec les

jar

din

s no

us

arri

vio

ns

à ne

pas

mo

uri

r. S

ans

com

pte

r que

mad

am

e R

obin

et, la

fem

me

du g

arde

cham

pêt

re (

elle

ten

ait

une

ferm

e o

ù n

ous

all

ions

cher

cher

du

lait

avant-

guer

re),

co

nti

nua

à no

us

en f

ourn

ir,

et s

ans

qu’o

n l

a paye,

en

plu

s !

Je n

’ai

jam

ais

oubli

é le

s R

obin

et…

Ni

les

sold

ats

all

em

and

s, a

vec

leurs

pet

its

calo

ts r

onds,

qu

i venaie

nt

cher

cher

leu

r pit

ance

dan

s une

gra

nge

en f

ace

de

chez

no

us.

Inuti

le d

e te

dir

e que

no

us

dévo

rio

ns

des

Ah,

ricevevam

o a

nche

un p

o’

di pro

vvis

te e

gra

zie

agli o

rti ri

usc

ivam

o a

sopra

vviv

ere.

S

enza

co

nta

re ch

e la

si

gno

ra R

obin

et,

la m

og

lie

dell

a

guar

dia

cam

pest

re,

avev

a una

fatt

ori

a do

ve

andavam

o a

pre

nder

e il l

atte

pri

ma

dell

a guer

ra:

conti

nuò

a f

orn

ircene

e se

nza

che

la p

agas

sim

o,

per

giu

nta

! N

on h

o m

ai

dim

enti

cato

i R

obin

et…

i so

ldat

i te

des

chi, c

on i

loro

ber

rett

i ro

tond

i, c

he

andavano

a p

render

e il l

oro

pas

to i

n u

n f

ienil

e

di

fro

nte

a c

asa

no

stra

. In

uti

le d

irti

che

div

ora

vam

o c

on g

li o

cchi

le l

oro

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77

yeu

x l

eurs

po

rtio

ns.

Par

fois

, quell

e au

bain

e, l

’un d

’eu

x n

ous

jeta

it u

n

mo

rcea

u d

e pai

n !

Ils

éta

ient

peu

t-êt

re e

n t

rain

de

tort

ure

r m

on p

ère

dan

s

leurs

pri

sons

et,

mo

i, j

e le

ur

fais

ais

des

yeu

x d

oux c

ontr

e des

mie

ttes

.

po

rzio

ni. A

vo

lte,

che

fort

una,

uno d

i lo

ro c

i get

tava

un p

ezzo

di

pan

e!

Fo

rse

stav

ano

to

rtura

ndo

mio

pad

re n

ell

e lo

ro p

rig

ioni

e,

quan

to a

me,

face

vo

lo

ro g

li o

cch

i do

lci

in c

am

bio

di

bri

cio

le.

Au

jourd

’hu

i A

l g

iorn

o d

’oggi

Po

urq

uo

i éc

rivait

-il

une

fois

par

an ?

Et

po

urq

uoi

toujo

urs

à l

a m

êm

e

dat

e ?

Éta

it-c

e un a

cte

d’a

mo

ur

? D

e ré

bell

ion c

ontr

e le

tem

ps

qu

i pas

se ?

Une

maniè

re d

e dir

e :

« T

u c

onnaît

ras

la f

in d

e m

on h

isto

ire,

Anne-L

ise,

et je

vais

viv

re e

nco

re a

ssez

lo

ngte

mps

po

ur

te la

raco

nte

r to

ute

» ?

Per

ché

scri

veva

una

vo

lta

all

’anno

? E

per

ché

sem

pre

all

a st

essa

dat

a? E

ra

un a

tto

d’a

mo

re?

Di

ribell

ione

contr

o i

l te

mpo

che p

assa

? U

n m

odo

per

dir

e: “

Co

no

scer

ai

la f

ine

dell

a m

ia s

tori

a, A

nne-L

ise,

e v

ivrò

anco

ra

abbast

anza

a l

ungo

per

rac

conta

rtel

a tu

tta”

?

Mais

po

urq

uo

i, a

lors

, ét

aient-

ell

es p

lus

ou m

oin

s lo

ngues,

ses

let

tres

?

Co

mm

e si

, ce

rtain

es

année

s, il se

senta

it inqu

iet

de

ne

pas

arri

ver

au b

out

et,

d’a

utr

es an

née

s, au

co

ntr

aire

, l’

idée

de

term

iner

, de

TO

UT

dir

e,

l’eff

rayait

davanta

ge

enco

re.

Ma

all

ora

per

ché

eran

o p

iù o

meno

lu

ng

he,

le

sue l

ette

re?

Co

me

se,

in

alc

uni

anni, s

i fo

sse

senti

to p

reo

ccupat

o d

i no

n r

iusc

ire

ad a

rriv

are

all

a

fine

e, i

n a

ltri

anni, a

l co

ntr

ario

, l’

idea

di

term

inar

e, d

i d

ire

TU

TT

O,

l’aves

se s

paventa

to a

nco

ra d

i p

iù.

Ou

i, d

e quo

i av

ait

-il

peu

r ?

Sì, d

i co

sa a

veva

pau

ra?

Mo

i, e

n a

tten

dant,

je

tourn

e le

s pag

es,

à sa

rec

her

che

dans

cett

e fo

rêt

de

mo

ts,

ress

usc

itant

son m

onde

en r

epas

sant

l’encr

e déla

vée

de

ses

lett

res

au s

tylo

-bil

le.

Je l

ui

rééc

ris

des

sus,

je

le f

ou

ille

, ca

lmem

ent,

lente

ment,

mo

t ap

rès

mo

t, a

vec

une

pat

ience

d’o

rfèvre

.

Io,

nel

frat

tem

po

, gir

o l

e pag

ine,

mi

met

to a

cer

carl

o i

n q

ues

ta f

ore

sta

di

par

ole

, re

susc

ito

il

suo

mo

ndo

rip

ass

ando

l’i

nchio

stro

sbia

dit

o d

ell

e su

e

lett

ere

con l

a penna

a sf

era.

Ci

risc

rivo

so

pra

, le

isp

ezio

no

, co

n c

alm

a,

lenta

mente

, par

ola

do

po p

aro

la,

con u

na

paz

ienza

da

cert

osi

no

.

So

n é

crit

ure

, la

bar

re v

erti

cale

du T

, du I

, du F

, to

ute

s se

s le

ttre

s se

rrée

s

auto

ur

de

sa v

ie,

ce s

ont

des

bar

reau

x d

e pri

son.

So

us

l’encr

e et

dan

s le

bla

nc

du p

apie

r :

lui

le t

aise

ux e

n t

rain

de

crie

r la

vie

d’u

n h

om

me

à la

face

d’u

n m

onde

qu

i en a

co

nnu d

’autr

es.

La

sua

scri

ttura

, l’

asta

ver

ticale

dell

a T

, del

la I

, del

la F

, tu

tte

le s

ue

lett

ere

stre

tte

into

rno

all

a su

a vit

a so

no

sbar

re d

i u

na

pri

gio

ne.

Sott

o l’i

nchio

stro

e nel

bia

nco

dell

a ca

rta:

lu

i, i

l ta

cit

urn

o,

che

sta

url

ando

la

vit

a d

i u

n

uo

mo

in f

accia

a u

n m

ondo

che

ne

ha

cono

sciu

te a

ltre

.

Page 84: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

78

Je s

uppo

se q

ue

c’es

t la

lo

i co

mm

une

quand o

n r

aco

nte

to

ut

ce q

u’i

l a

fall

u d

e dra

mes

po

ur

tuer

l’e

nfa

nt

en s

oi.

Suppo

ngo

che

sia

la l

egge

com

une

quando

si

racc

onta

no

tutt

i i

dra

mm

i

che

ci

sono

vo

luti

per

ucc

ider

e il

bam

bin

o d

entr

o d

i sé

.

Tuer

Ucc

ider

e…

Qu’e

st-c

e qu’i

l y a

, su

r ce

tte

fichue

pho

to, qui a

tant

bri

sé m

on p

ère

? C

osa

c’è

, in

quest

a m

ale

det

ta f

oto

, ch

e ha

feri

to c

osì

tan

to m

io p

adre

?

Co

mm

ent

guér

ir u

n f

ils

? C

om

ment

guér

ir u

n p

ère

? C

om

e si

fa

a guar

ire

un f

igli

o?

Co

me

si f

a a

guar

ire

un p

adre

?

3 a

vri

l 1965

Com

men

t j’

ai

eu u

n p

riso

nnie

r à

moi,

et

rien

qu’à

moi

: A

rist

ide

Pujo

l

3 a

pri

le 1

965

Com

e ho a

vuto

un p

rigio

nie

ro m

io e

solo

mio

: A

rist

ide

Pujo

l

Ma

pet

ite

Anne-

Lis

e,

La

Guer

re b

atta

it s

on p

lein

.

Mia

pic

cola

Anne-

Lis

e,

La

Guer

ra e

ra a

l cu

lmin

e.

Je n

e sa

is p

lus

quel

âge

j’avais

quan

d l

es

pre

mie

rs p

riso

nnie

rs r

uss

es

arri

vèr

ent.

5 a

ns

? Il

s ét

aient

hir

sute

s,

bar

bus,

puan

t la

ch

aro

gne,

gri

maç

ant

quan

d o

n l

eur

coll

ait

une

baïo

nnet

te a

u c

reux d

es r

ein

s po

ur

qu’i

ls

mo

nte

nt

eux-m

êm

es

les

bar

aquem

ents

en

touré

s de

bar

belé

s,

ind

igne

cam

p d

ans

lequel

ils

s’enta

sser

aie

nt

par

diz

ain

es,

à s

ix c

ents

ou

sept

cents

mèt

res

du v

illa

ge.

Les

pau

vre

s gro

gnaie

nt

com

me

des

bêt

es,

ils

avaie

nt

enco

re p

lus

faim

que

no

us.

À la

sais

on d

es f

ruit

s, n

ous

allâ

mes

en m

arau

der

et

leur

en j

eter

par

-des

sus

les

bar

belé

s, à

la

gra

nde

colè

re

des

senti

nell

es q

ui, p

arfo

is,

tira

ient.

Y’a

vait

plu

s de

peu

r que

de

bo

nté

dan

s no

tre

dém

arche,

car

no

us

no

us

étio

ns

mo

nté

le

bo

urr

icho

n,

com

me

quo

i le

s R

uss

es,

po

uss

és p

ar l

a fa

im,

s’éc

hap

per

aie

nt

une

nu

it p

roch

ain

e

et v

iendra

ient

no

us

gri

gno

ter

les

ort

eils

.

No

n s

o p

iù q

uan

ti a

nni avevo

quan

do a

rriv

aro

no

i p

rim

i pri

gio

nie

ri r

uss

i.

5 a

nni?

E

rano

ir

suti

, bar

buti

, puzz

avano

d

i ca

rogna,

fa

cevano

una

smo

rfia

quan

do

gli s

i in

coll

ava

una

baio

net

ta a

l fo

ndo

schie

na

per

ché

mo

nta

sser

o d

a so

li l

e bar

acche

cir

condat

e d

i fi

lo s

pin

ato

, un i

ndeg

no

acca

mpam

ento

nel

quale

si

am

mucchia

vano

a

dec

ine,

a

seic

ento

o

sett

ecen

to m

etri

dal

pae

se.

I po

ver

etti

gru

gniv

ano

co

me

best

ie,

avevano

anco

ra p

iù f

am

e d

i no

i. A

lla

stag

ione

dei

frutt

i, a

ndam

mo

a f

arne

man

bass

a e

gli

ene

get

tam

mo

olt

re i

l fi

lo s

pin

ato,

con g

rande

rabbia

dell

e

senti

nell

e che,

a v

olt

e, s

par

avan

o.

C’e

ra p

iù p

aura

che

bo

ntà

nell

a no

stra

iniz

iati

va

per

ché

ci

erav

am

o co

nvin

ti che

i R

uss

i, sp

inti

dall

a fa

me,

sare

bber

o f

ugg

iti

una

no

tte

succ

essi

va

e sa

rebber

o v

enuti

a m

ang

iarc

i le

dit

a dei p

ied

i.

Page 85: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

79

Pu

is, le

s pri

sonnie

rs f

rança

is a

rriv

èrent

et le

cam

p f

ut

div

isé

en d

eux. L

es

Russ

es

bât

issa

ient

des

ca

sem

ates

à

l’o

rée

du

bo

is.

Les

Fra

nça

is

am

énag

eaie

nt

une

vo

ie

ferr

ée.

Les

o

ffic

iers

al

lem

and

s av

aie

nt

réqu

isit

ionné

l’hô

tel

de

la G

are

po

ur

en f

air

e le

ur

canti

ne.

La

faim

no

us

y

fais

ait

tr

aîner

so

uven

t et

, un

jour,

m

adam

e R

obin

et,

qu’o

n

avait

réqu

isit

ionnée

là-

bas

, m

e pro

po

sa u

n m

arch

é :

ell

e m

e do

nnait

à m

anger

,

en éc

hange

de

quo

i je

fo

urg

uais

en

do

uce

une

ple

ine

gam

ell

e à

un

pri

sonnie

r,

n’i

mpo

rte

lequel.

M

ais

j’

eus

bie

ntô

t un

pré

féré

, un

qu

i

ress

em

bla

it à

mo

n p

ère.

Dès

qu’i

l m

e vo

yait

arr

iver

, A

rist

ide

(c’é

tait

so

n

pré

no

m)

dem

andait

à la

senti

nell

e la

per

mis

sio

n d

e s’

élo

igner

po

ur

po

ser

culo

tte.

Mo

i, j

e m

e g

liss

ais

dans

les

gen

êts

et l

es h

erbes

, et

j’a

rriv

ais

à

pro

xim

ité.

No

us

atte

nd

ions

que

le g

arde-c

hio

urm

e to

urn

e la

têt

e et

ho

p !

j’avais

une

gam

ell

e vid

e et

lu

i u

ne

ple

ine.

J’

avo

ue

que

par

fois

, par

go

urm

and

ise,

la

frin

gale

aid

ant,

j’a

vais

esc

am

oté

un m

orc

eau d

e via

nde.

Po

i ar

rivar

ono i

pri

gio

nie

ri f

rances

i e

il c

am

po

ven

ne

div

iso

in d

ue.

I

Russ

i co

stru

ivano

del

le

case

mat

te

al

lim

itar

e del

bo

sco

. I

Fra

nce

si

all

est

ivano

una

ferr

ovia

. G

li u

ffic

iali

ted

esch

i avevano

req

uis

ito

l’h

ote

l

dell

a st

azio

ne

per

fa

rne

la

loro

m

ensa

. S

pes

so

la

fam

e ci

face

va

vag

abo

nd

are

e, u

n g

iorn

o,

la s

igno

ra R

obin

et,

che

era

stat

a se

ques

trat

a

lagg

iù,

mi

pro

po

se u

n p

atto

: m

i avre

bbe

dat

o d

a m

ang

iare

se,

in c

am

bio

,

avess

i ri

fila

to d

i nasc

ost

o u

na

gav

etta

pie

na

a un p

rig

ionie

ro q

uals

iasi

.

Ma

ebbi p

rest

o u

n p

refe

rito

, uno c

he

som

igli

ava

a m

io p

adre

. N

on a

ppen

a

mi

ved

eva

arri

var

e, A

rist

ide

(ques

to er

a il su

o no

me)

ch

iedeva

all

a

senti

nell

a il

per

mes

so

di

all

onta

nar

si

per

an

dare

in

bag

no

. Io

m

i

intr

ufo

lavo

tra

le

gin

estr

e e

l’er

ba

e lo

rag

giu

ngevo

. A

spet

tavam

o c

he

la

guar

dia

gir

asse

la

test

a e

oplà

! Io

avev

o u

na

gav

etta

vuo

ta e

lu

i u

na

pie

na.

Co

nfe

sso

che

a vo

lte,

per

go

losi

tà e

co

mp

lice

la

fam

e, a

vevo

sott

ratt

o u

n

pez

zo d

i ca

rne.

Je m

e so

uvie

ns

d’u

n s

oir

, P

etit

-Geo

rges

avait

dit

en s

e se

rran

t le

ventr

e :

« J

’ai

tell

em

ent

faim

, je

po

urr

ais

manger

le

cul

d’u

n c

anar

d q

ui

ne

vo

le

pas

! »

et

notr

e m

ère

l’avait

gif

lé :

« T

out

est

po

ssib

le d

ans

un m

onde

en

guer

re,

Geo

rges

, m

ais

to

ut

n’é

lève

pas

! P

as d

e gro

s m

ots

so

us

mo

n

toit

! »

Mi

rico

rdo d

i u

na

sera

in c

ui

Peti

t-G

eorg

es a

veva

det

to,

stri

ngendo

si l

a

pan

cia

: “H

o t

alm

ente

fam

e che

potr

ei m

ang

iare

il

culo

di

un’a

nat

ra c

he

no

n v

ola

!” e

no

stra

mad

re l

’aveva

schia

ffeg

gia

to:

“Tutt

o è

po

ssib

ile

in

un m

ondo

in g

uer

ra,

Geo

rges

, m

a no

n t

utt

o n

obil

ita!

Nie

nte

par

ola

cce

sott

o a

l m

io t

etto

!”

Bie

n s

ûr,

j’a

i so

uff

ert

de

la f

aim

et

du f

roid

, le

s lo

ngues

soir

ées

d’h

iver

sans

lum

ière

, ju

ste

le c

ouver

cle

du p

oêl

e entr

ouver

t, n

ous

soupio

ns

de

bo

nne

heu

re p

our

no

us

couch

er t

ôt

et é

cono

mis

er l

e go

ûte

r et

le

bo

is d

u

Cer

to,

ho

so

ffer

to l

a fa

me,

il

fred

do

e l

e lu

ng

he

sera

te d

’inver

no

senza

luce

, c’

era

solo

il co

per

chio

dell

a st

ufa

so

cchiu

so. C

enavam

o d

i buo

n’o

ra

per

andar

e a

lett

o p

rest

o e

ris

par

mia

re s

ull

a m

eren

da

e su

lla

leg

na

per

la

Page 86: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

80

po

êle.

Mais

po

ur

tout te

dir

e, m

a L

iset

te, ce

qui m

’a le

plu

s m

anqué,

c’e

st

la t

endre

sse.

stufa

. M

a a

esse

re s

ince

ri,

mia

Lis

ette

, ci

ò c

he

mi

è m

anca

to d

i p

iù è

la

tener

ezza

.

Ma

mèr

e n’é

tait

pas

câli

ne,

oh ç

a no

n. É

tais

-je

pro

pre

et

en b

onne

santé

?

C’é

tait

le

pri

ncip

al.

Au d

épar

t de

pap

a, l

’aff

ect

ion d

ont

il m

e co

uvra

it,

j’ai

vo

ulu

la

re

tro

uver

prè

s d’e

lle,

m

ais

ell

e

ne

savait

pas

. L

es

événem

ents

, so

n a

bse

nce…

to

ut

l’écr

asait

. J’

ai

jam

ais

pu p

erce

r so

n

secr

et,

par

ce q

u’i

l devait

bie

n y

avo

ir u

n s

ecre

t der

rièr

e so

n i

ncap

acit

é à

no

us

touch

er,

hein

… U

ne

mèr

e, ç

a n’e

st j

am

ais

co

mm

e ça

sans

un s

acré

myst

ère

der

rièr

e, n

on ?

Ell

e m

e re

po

uss

ait

sans

cess

e, s

i bie

n q

ue

j’ai fi

ni

par

me

rep

lier

sur

mo

i-m

êm

e. H

eure

use

ment,

nous

avio

ns

une

pet

ite

chat

te,

Min

ette

, et

c’e

st s

ur

ell

e que

j’ai

repo

rté

mo

n a

ttac

hem

ent,

prè

s

d’e

lle

auss

i que

j’all

ongea

is m

on c

orp

s, les

nu

its

de

gra

nd g

el. H

éla

s, u

n

jour,

ma

Min

ette

n’e

st p

as r

entr

ée. N

ous

avo

ns

appri

s par

la

suit

e qu

’ell

e

avait

été

mang

ée p

ar d

es s

old

ats

all

em

and

s.

Mia

mad

re n

on e

ra a

ffet

tuo

sa,

quel

lo n

o.

Ero

puli

to e

in b

uo

na

salu

te?

Era

ques

to l

’im

po

rtan

te.

All

a par

tenza

di

pap

à, l

’aff

etto

di

cui

lui

mi

rico

pri

va

ho

vo

luto

rit

rovar

lo p

ress

o d

i le

i, m

a le

i no

n s

apeva

dar

mene.

Gli

eventi

, l’

ass

enza

d

i pap

à… tu

tto

la

schia

ccia

va.

N

on

sono

m

ai

riusc

ito

a s

copri

re i

l su

o s

egre

to,

per

ché

ci

do

vev

a pur

esse

re u

n s

egre

to

die

tro a

lla

sua

inca

pac

ità

di

tocc

arci

, eh

… U

na

mad

re n

on è

mai

così

senza

un g

rande

mis

tero

die

tro

, no

? M

i re

spin

geva

conti

nuam

ente

, co

bene

che

ho

fin

ito

per

chiu

der

mi

in m

e st

esso

. P

er f

ort

una,

avev

am

o u

na

gat

tina,

Min

ette

, ed

è s

u d

i le

i che

ho

riv

ersa

to i

l m

io a

ffet

to.

È a

nch

e

vic

ino

a lei che

mi st

endevo

, nell

e no

tti d

i gra

nde

gelo

. A

him

è, u

n g

iorn

o,

la m

ia M

inet

te n

on è

to

rnat

a. A

bbia

mo

sap

uto

in s

egu

ito c

he

era

stat

a

mang

iata

da

alcu

ni

sold

ati te

des

chi.

C’e

st

com

me

ça,

pen

dant

la

Guer

re,

que

veu

x-t

u,

quan

d

les

riches

maig

riss

ent,

les

pau

vre

s m

eure

nt.

Dura

nte

la

G

uer

ra

è co

sì,

che

cosa

ci

vuo

i fa

re:

quan

do

i

ricc

hi

dim

agri

sco

no

, i po

ver

i m

uo

iono

.

3 a

vri

l 1965

La m

eill

eure

inst

itutr

ice

du

monde

ava

it l

e nom

d’u

n b

iscu

it

3 a

pri

le 1

965

La m

igli

or

maes

tra d

el m

ondo a

veva

il

nom

e di

un b

isco

tto

T’é

crir

e, c

’est

êtr

e un p

eu a

vec

to

i. A

lors

je

me

relè

ve

po

ur

rédig

er u

ne

no

uvell

e le

ttre

, m

a pet

ite

souri

s.

Scr

iver

ti è

un p

o’

com

e ess

ere

con t

e. Q

uin

di

mi

alz

o p

er r

edig

ere

una

nuo

va

lett

era,

scr

iccio

lina

mia

.

Une

fois

, A

rist

ide

me

fit

cadea

u d

e so

n i

mm

ense

bér

et r

ouge.

Ma

mèr

e

en co

nfe

ctio

nna

une

espèce

de

po

upée

en

fo

rme

de

chie

nne,

que

je

bap

tisa

i T

itin

e. A

prè

s M

inet

te,

c’es

t à

elle

qu’a

llait

to

ute

ma

tendre

sse,

Una

vo

lta,

Ari

stid

e m

i re

galò

il su

o e

no

rme

ber

rett

o r

oss

o. M

ia m

adre

ne

confe

zio

una

spec

ie d

i bam

bo

la a

fo

rma

di

cag

na,

che

chia

mai

Tit

ine.

Do

po M

inet

te,

è a

lei

che

andava

tutt

a la

mia

ten

erez

za e

il

mio

cuo

re n

e

Page 87: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

81

et m

on c

œur

en d

ébo

rdait

. L

’éco

le c

onti

nuait

tan

t bie

n q

ue

mal, m

ais

uniq

uem

ent

avec

des

inst

itutr

ices

, le

s ho

mm

es é

taie

nt

au f

ront.

trab

occ

ava.

La

scuo

la b

ene

o m

ale

co

nti

nuava,

ma

solo

co

n d

elle

mae

stre

per

ché

gli

uo

min

i er

ano

al

fro

nte

.

Ma

toute

je

une

inst

itutr

ice,

m

adam

e G

aufr

ette

, bie

n que

sévèr

e, m

e

tém

oig

na

des

tré

sors

de

pat

ience

et

de

do

uce

ur.

Ell

e co

nnais

sait

un p

eu

ma

mèr

e, a

lors

ell

e avait

« c

om

pri

s des

cho

ses

».

Puis

fau

t dir

e :

ell

e

n’é

tait

pas

la

plu

s in

tell

igente

du

vil

lag

e par

has

ard,

mad

am

e G

aufr

ette

.

L’e

spri

t vif

, tr

ès s

ensé

e, g

rande

am

atri

ce d

e m

athém

atiq

ues

, ell

e p

laça

it

tous

ses

espo

irs

dans

la s

cie

nce

et

le p

rogrè

s.

Seb

bene

foss

e se

ver

a, la

m

ia g

iovane

maes

tra,

la

si

gno

ra G

aufr

ette

,

dim

ost

rò n

ei

mie

i co

nfr

onti

un’i

nfi

nit

a paz

ienza

e do

lcez

za.

Co

no

scev

a

un p

o’

mia

mad

re,

così

aveva

“cap

ito

alc

une

cose

”. P

oi bis

og

na

dir

e che

no

n e

ra u

n c

aso s

e la

sig

no

ra G

aufr

ette

era

la

più

inte

llig

ente

del

pae

se.

Dall

a m

ente

ac

uta

, m

olt

o

sagg

ia,

gra

nde

am

ante

del

la

mat

em

atic

a,

ripo

neva

tutt

e le

sue

sper

anze

nell

a sc

ienza

e nel pro

gre

sso.

« C

’est

la

rais

on,

Mo

ïse,

qu

i m

ettr

a fi

n à

la

Guer

re !

La

rais

on !

Pas

les

cano

ns

! »

“È l

a ra

gio

ne,

Mo

ïse,

che

met

terà

fin

e all

a G

uer

ra!

La

rag

ione!

No

n i

canno

ni!

Je l’a

imais

bie

n :

un jo

ur,

je

lui ap

po

rtai

un o

isea

u s

culp

té e

n b

ois

de

pin

,

échangé

contr

e une

bo

îte

de

caro

ttes

à u

n p

riso

nnie

r ru

sse.

Le

vo

levo

bene:

un g

iorn

o le

po

rtai

un u

ccell

o s

colp

ito n

el le

gno

di p

ino

,

che

avevo

ott

enuto

da

un p

rig

ionie

ro r

uss

o i

n c

am

bio

di

una

cass

etta

di

caro

te.

Je c

rois

qu

’ell

e n’a

imait

pas

tro

p les

cad

eau

x,

car

elle

m’a

em

bra

ssé

et a

pri

s so

n m

oucho

ir p

our

s’es

suyer

les

yeu

x. O

u a

lors

« e

lle

était

all

erg

ique

au p

in »

, co

mm

e je

le

pensa

i à

l’ép

oque.

Cre

do c

he

i re

gali n

on l

e p

iace

sser

o u

n g

ranch

é per

ché

mi

ha

bac

iato

e

ha

pre

so i

l su

o f

azzo

lett

o p

er a

sciu

gar

si g

li o

cchi. O

ppure

“er

a all

erg

ica

al p

ino

”, c

om

e pensa

i all

’epo

ca.

Pu

is,

un j

our,

ter

rible

jo

ur,

oui

(je

revo

is e

nco

re l

a s

cène…

et

com

ment

l’o

ubli

erais

-je

?),

aprè

s avo

ir j

oué

avec

mo

n c

opain

Jea

n,

no

us

rentr

ions

tous

les

deu

x e

n c

hahuta

nt,

j’o

uvri

s la

po

rte

asse

z bru

squem

ent,

mais

rest

ai c

loué

sur

le s

euil

par

le

table

au q

ui s’

off

rait

à m

es y

eux.

Po

i un g

iorn

o,

un t

erri

bil

e g

iorn

o,

sì (

rived

o a

nco

ra l

a sc

ena…

e c

om

e

potr

ò m

ai d

imenti

car

la?)

, do

po

aver

gio

cato

co

n i

l m

io a

mic

o J

ean, ri

en

-

tram

mo

tutt

i e

due

face

ndo

bac

cano

. A

pri

i la

po

rta

piu

tto

sto

bru

sca-

mente

, m

a ri

masi

in

chio

dat

o

alla

so

gli

a ved

endo

la

sc

ena

che

si

pre

senta

va

ai

mie

i o

cchi.

3 a

vri

l 1966

3 a

pri

le 1

966

Page 88: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

82

Gust

ave

Mas

est

sort

i de

chez

moi

en e

mm

enant

papa p

our

toujo

urs

G

ust

ave

Mas

è usc

ito d

a c

asa

mia

port

ando c

on s

é papà p

er s

empre

Ma

pet

ite

Anne-

Lis

e,

Il f

aut

que

je t

e ra

conte

co

mm

ent

j’ai

tro

uvé

notr

e m

ère

assi

se a

u s

alo

n

en

trai

n

de

ple

ure

r.

Prè

s d’e

lle,

un

ho

mm

e in

co

nnu

essa

yait

de

la

conso

ler.

Des

let

tres

et

des

car

tes

po

stal

es

étaie

nt

étalé

es

sur

la t

able

, ell

e

serr

ait

co

nvu

lsiv

em

ent

son t

abli

er p

our

s’en t

ampo

nner

le

coin

des

yeu

x.

Le

bo

nho

mm

e, les

vêt

em

ents

plu

s no

irs

qu’u

n p

etit

rac

leur

de

chem

inée,

et c

rott

é de

la t

ête

aux p

ieds,

s’e

st a

gen

ouil

lé e

t m

’a p

ris

les

main

s :

Mia

pic

cola

Anne-

Lis

e,

Bis

ogna

che

ti ra

cco

nti

co

me

ho

tro

vat

o no

stra

mad

re ch

e p

iangeva

seduta

in s

alo

tto.

Vic

ino

a l

ei, u

no

sco

no

sciu

to c

erca

va

di

conso

larl

a.

Dell

e le

tter

e e

del

le c

arto

line

eran

o s

par

pag

liat

e su

l ta

vo

lo,

stri

ng

eva

convu

lsam

ente

il

suo

gre

mbiu

le p

er t

ampo

nar

si g

li a

ngo

li d

egli

occ

hi.

L’u

om

o,

dag

li a

bit

i p

iù n

eri

di

uno

spaz

zaca

min

o e

infa

ngat

o d

alla

tes

ta

ai p

ied

i, s

i è

ing

ino

cchia

to e

mi

ha

pre

so le

mani:

« J

e su

is d

éso

lé,

pet

it.

To

n p

apa

a ét

é gri

èvem

ent

ble

ssé

sur

le f

ront

et i

l

est

par

ti a

u c

iel.

»

“Mi d

isp

iace

, p

icco

lo. Il

tuo

pap

à è

stat

o f

erit

o g

ravem

ente

al fr

onte

ed è

andat

o i

n c

ielo

.”

Ma

mèr

e, d

e sa

pla

ce,

a p

ouss

é ver

s m

oi un c

arré

de

pain

au s

ucr

e ap

po

rté

par

le

mair

e lu

i-m

êm

e. L

a G

uer

re,

tu e

nte

nds

par

ler

d’e

lle

tout

le t

em

ps,

pu

is u

n j

our

ça t

e su

rpre

nd à

l’h

eure

du

go

ûte

r et

ça

t’a

pri

s to

n p

ère

contr

e un b

out

de

bri

oche.

Mia

mad

re,

dal

suo

po

sto

, ha

spin

to v

erso

di

me

un p

ezzo

di

pane

do

lce

po

rtat

o d

al si

ndac

o in p

erso

na.

Dell

a G

uer

ra, ne

senti

par

lare

sem

pre

, po

i

un g

iorn

o t

i so

rpre

nde

all

’ora

dell

a m

erenda

e si

è p

resa

tuo p

adre

in

cam

bio

di u

n p

ezzo

di

bri

oche.

Il a

vait

33

ans

com

me

le C

hri

st. Il

avait

ago

nis

é tr

ois

jo

urs

. A

veva

33 a

nni co

me

Gesù

. E

ra r

imas

to i

n a

go

nia

per

tre

gio

rni.

Le

corb

eau q

ui ta

pota

it a

vec

do

uce

ur

l’ép

aule

de

ma

mèr

e ét

ait

au

nie

r

à l’

pit

al, i

l l’

avait

vu a

rriv

er (

et c

om

bie

n d

’autr

es,

héla

s !)

. A

prè

s bie

n

des

dif

ficu

ltés,

Gust

ave

Mas

(c’

était

so

n n

om

) avait

obte

nu d

e pas

ser

par

la S

uis

se e

t al

lait

, ain

si q

u’i

l avait

pro

mis

au

x m

ori

bo

nds,

de

vil

lage

en

vil

lage,

rap

po

rter

der

niè

res

par

ole

s, m

issi

ves

et

obje

ts p

erso

nnels

au

x

fam

ille

s. C

’éta

it s

a m

issi

on,

à ce

bra

ve

Gu

stav

e :

mar

cher

, m

archer

et

mar

cher

enco

re,

tant

et s

i bie

n q

ue

je m

e so

uvie

ns

de

l’u

sure

de

son

pan

talo

n, to

ut

déc

hir

é, a

ux b

ord

s ro

uss

is, au

tra

ver

s duqu

el o

n a

per

cevait

Il c

orv

o c

he

pic

chie

ttav

a co

n d

olc

ezza

la

spall

a d

i m

ia m

adre

lavo

rava

com

e ca

ppell

ano

all

’osp

edale

e l’

aveva

vis

to a

rriv

are

(e q

uan

te a

ltre

vo

lte,

ahim

è!).

Do

po t

ante

dif

fico

ltà,

Gust

ave

Mas

(er

a ques

to i

l su

o

no

me)

aveva

ott

enuto

il p

erm

ess

o d

i pass

are

dall

a S

viz

zera

e a

ndava,

co

com

e aveva

pro

mes

so a

i m

ori

bo

nd

i, d

i pae

se i

n p

aese

a p

ort

are

ult

ime

par

ole

, le

tter

e e

og

get

ti p

erso

nali

all

e fa

mig

lie.

Era

pro

pri

o q

ues

ta l

a

mis

sio

ne

di

quel

cora

ggio

so G

ust

ave:

cam

min

are,

cam

min

are

e an

cora

cam

min

are,

ta

nto

ch

e m

i ri

cord

o del

l’usu

ra dei

suo

i pan

talo

ni, tu

tti

Page 89: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

83

des

var

ices

gro

sses

co

mm

e m

es

cord

es à

sau

ter.

« O

n m

eurt

vra

iment

quan

d t

ous

les

gens

qu

i no

us

ont

aim

é m

eure

nt

auss

i, o

u q

uan

d i

l n’y

a

plu

s de

souvenir

s. C

ontr

e la

mo

rt, je

ne

peu

x r

ien,

mais

po

ur

le r

este

, ça

,

j’en f

ais

mo

n a

ffair

e, e

t j’

en f

ais

mo

n c

om

bat

… »

stra

ppat

i, d

agli

orl

i bru

cia

cchia

ti,

attr

aver

so d

ei q

uali

si

intr

aved

evano

dell

e vene

var

ico

se g

ross

e co

me

le m

ie c

ord

e per

salt

are.

“S

i m

uo

re

dav

ver

o q

uan

do

mu

oio

no

anche

tutt

e le

per

sone

che

ci

hanno

am

ato

o

quan

do

no

n c

i so

no

più

ric

ord

i. C

ontr

o l

a m

ort

e, n

on p

oss

o f

arci

nie

nte

,

ma

al re

sto

ci penso

io

e n

e fa

ccio

la

mia

bat

tagli

a…

Mo

i, j

e ne

me

souvie

ns

que

des

bu

llet

ins

et d

es c

arte

s, é

talé

s su

r la

tab

le,

il y

en a

vait

une

po

ur

mo

i et

une

po

ur

mo

n f

rère

Geo

rges

. L

a m

ienne

(que

je p

oss

ède

toujo

urs

, m

a p

etit

e so

uri

s),

c’es

t une

vue

du p

ort

de

Sai

nt-

Naz

air

e et

, au

do

s, a

u c

rayo

n,

quelq

ues

mo

ts t

endre

s, h

âtiv

em

ent

écri

ts.

Sur

le m

om

ent,

je

n’a

i pas

bie

n r

éali

sé,

et j

e n’a

i m

êm

e pas

ess

ayé

de

ple

ure

r. P

apa

mo

rt ?

Il

me

sem

bla

it q

ue

cela

ne

me

conce

rnait

pas

. E

t

pu

is,

mo

rt,

qu’e

st-c

e que

cela

vo

ula

it

dir

e ?

Notr

e m

ère

avait

te

int

quelq

ues

aff

air

es

en

no

ir,

et

on

avait

to

ujo

urs

au

ssi

faim

, vo

ilà.

Heu

reuse

ment,

à

la

sais

on

des

nid

s,

no

us

avo

ns

mangé

des

gri

ves

musi

cie

nnes

, des

mer

les

no

irs,

des

gea

is à

la

bell

e ro

be

ble

u t

urq

uin

,

quelq

ues

pie

s do

min

os.

Les

écu

reu

ils

étaie

nt

très

rec

her

chés,

les

pet

its

laper

eau

x a

u b

on f

um

et d

e no

iset

te a

uss

i :

Quan

to a

me,

mi

rico

rdo s

olo

dei

bo

llet

tini

e dell

e ca

rto

line,

spar

pag

liat

i

sul ta

vo

lo. C

e n’e

rano

una

per

me

e u

na

per

mio

fra

tello

Geo

rges

. L

a m

ia

(che

po

ssie

do

anco

ra o

ggi, s

cric

cio

lina

mia

) ra

ffig

ura

va

una

ved

uta

del

po

rto d

i S

ain

t-N

azair

e e

sul re

tro,

a m

atit

a, c

’era

no

alc

une

par

ole

ten

ere,

scri

tte

fret

tolo

sam

ente

. A

l m

om

ento

, no

n h

o r

eali

zzat

o b

ene

e no

n h

o

nem

meno

pro

vat

o a

pia

nger

e. P

apà

mo

rto

? M

i se

mbra

va

che

la c

osa

no

n

mi

riguar

das

se.

E p

oi

“mo

rto

” co

sa v

ole

va

dir

e?

No

stra

mad

re a

veva

go

nfi

ato a

lcu

ne

vic

ende

e avevam

o f

am

e co

me

sem

pre

, ec

co. P

er fo

rtuna,

dura

nte

la

stag

ione

dell

a n

idif

icaz

ione,

abbia

mo

man

gia

to to

rdi bo

ttac

ci,

mer

li n

eri, g

hia

ndaie

dal bel p

ium

agg

io t

urc

hin

o,

alcu

ne

gaz

ze

bia

nche

e

ner

e. G

li s

coia

tto

li e

rano

mo

lto

ric

erca

ti,

i co

nig

liet

ti d

al

buo

n p

rofu

mo

di

no

ccio

la a

nche:

« T

u p

eux d

evin

er l

eur

tail

le à

cell

e du t

rou d

e le

ur

terr

ier,

mo

n g

ros

»,

m’a

ppre

nait

mo

n f

rère

.

“Puo

i in

tuir

e la

lo

ro t

agli

a in

bas

e a

quell

a del

buco

dell

a lo

ro t

ana,

cic

cio

ttel

lo m

io”

mi

inse

gnava

mio

fra

tello

.

No

us

fais

ions

ventr

e de

tout

et a

vio

ns

pri

s go

ût

à to

ut,

si bie

n q

u’a

prè

s la

Guer

re n

ous

avo

ns

conti

nué

à en

mo

uli

ner

quand l’o

ccas

ion s

e pré

senta

it,

Mang

iavam

o d

i tu

tto e

ci av

evam

o p

reso

gust

o, ta

nto

che

do

po la

Guer

ra

abbia

mo

co

nti

nuat

o a

far

lo q

uan

do

se

ne

pre

senta

va

l’o

ccasi

one,

co

sì,

Page 90: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

84

com

me

ça,

mac

hin

ale

ment.

La

Guer

re,

la f

aim

, la

peu

r, le

fro

id,

ça v

ous

lais

se d

e drô

les

d’h

abit

udes

, et

une

dém

angea

iso

n d

ans

les

den

ts.

mec

canic

am

ente

. L

a G

uer

ra, la

fam

e, l

a pau

ra, il f

reddo

vi la

scia

no

del

le

stra

ne

abit

ud

ini e

una

vo

gli

a nei d

enti

.

3 a

vri

l 1967

La b

outi

que

la p

lus

uti

le d

e to

ut

le v

illa

ge

3 a

pri

le 1

967

La b

ott

ega

più

uti

le d

i tu

tto i

l paes

e

Ma

pet

ite

souri

s,

De

no

uvea

ux

vo

isin

s em

ménag

èrent.

Il

s s’

app

ela

ient

Vic

tori

ne

et

Pro

sper

, ét

aient

frèr

e et

ur.

La

tren

tain

e. P

rosp

er n

’éta

it p

as s

ouvent

à

la m

ais

on,

quant

à V

icto

rine,

qu

i par

lait

déjà

bie

n a

llem

and,

ell

e devait

pre

ndre

des

leç

ons

de

per

fect

ionnem

ent,

car

les

sold

ats

all

em

and

s s’

y

succ

édaie

nt

jour

et n

uit

. O

n m

urm

ura

it d

ans

son d

os

: j’

ente

nd

is m

êm

e

une

fois

des

big

ote

s à

la m

ess

e exp

liquer

qu’e

lle

fais

ait

« b

outi

qu

e so

n

cul

».

C’é

tait

une

fem

me t

rès

gén

éreu

se,

et j

e su

is s

ûr

que

mêm

e le

s

pau

vre

s po

uvaie

nt

se s

ervir

, s’

ils

n’é

taie

nt

pas

tro

p m

al

fichus.

Scr

iccio

lina

mia

,

Si t

rasf

erir

ono

dei nu

ovi vic

ini. S

i chia

mavano

Vic

tori

ne

e P

rosp

er, er

ano

frat

ello

e s

ore

lla.

Sull

a tr

enti

na.

Pro

sper

spes

so n

on e

ra i

n c

asa;

quan

to a

Vic

tori

ne,

che

par

lava

già

bene

il t

edes

co,

do

vev

a pre

nder

e dell

e le

zio

ni

di

per

fezio

nam

ento

per

ché

i so

ldat

i te

des

chi

si s

ucc

edevano

gio

rno

e

no

tte.

Si

mo

rmo

rava

all

e su

e sp

all

e: ad

dir

ittu

ra u

na

vo

lta

dura

nte

la

mess

a se

nti

i dell

e big

ott

e sp

ieg

are

che

face

va

“del su

o c

ulo

una

bo

tteg

a”.

Era

una

do

nna

mo

lto

gen

ero

sa

e so

no

sicu

ro

che

per

fino

i

po

ver

i

pote

van

o s

ervir

sene,

se

no

n e

rano

mes

si t

roppo

male

.

D’a

ille

urs

, le

s gen

s n’o

saie

nt

rien l

ui

dir

e, d

’auta

nt

qu’e

lle

n’é

tait

pas

mau

vais

e fi

lle,

et qu’e

lle

no

us

sau

va

la m

ise

plu

s so

uvent qu’à

so

n to

ur…

Surt

out

une

fois

, alo

rs q

ue

no

us

avio

ns

dép

assé

les

bo

rnes

et

la f

ronti

ère.

D’a

ltro

can

to,

la g

ente

no

n o

sava

dir

le n

ull

a, t

anto

più

che

no

n e

ra u

na

catt

iva

ragaz

za e

che

il p

iù dell

e vo

lte

ci

aveva

salv

ato

la

pell

e…

So

pra

ttutt

o u

na

vo

lta

in c

ui avevam

o s

uper

ato

i l

imit

i e

la f

ronti

era.

Une

nu

it,

Pet

it-G

eorg

es m

’avait

rév

eil

lé.

Il t

enait

deu

x b

alu

cho

ns

bie

n

lourd

s et

des

tré

sors

de

dis

crét

ion d

ans

la v

oix

.

Una

no

tte,

Pet

it-G

eorg

es m

i aveva

sveg

liat

o.

Aveva

due

fagott

i m

olt

o

pes

anti

e t

anti

ssim

a d

iscr

ezio

ne

nell

a vo

ce.

« P

apa

n’e

st pas

m

ort

, M

oïs

e, c’

est

que

des

m

enso

nges

. Je

vais

le

cher

cher

. T

u m

’acc

om

pag

nes,

et

bébé

René

auss

i !

– M

ais

… b

alb

uti

ai-

je l

a bo

uche

enco

re p

âteu

se d

e so

mm

eil

, et

po

ur

le

quat

re-h

eure

s ?

»

“Pap

à no

n è

mo

rto

, M

oïs

e, s

ono

so

lo b

ug

ie.

Vad

o a

cer

carl

o.

Tu m

i

acco

mp

agner

ai e

il p

icco

lo R

ené

anche!”

“Ma…

” balb

etta

i co

n la

bo

cca

anco

ra i

mpas

tata

dal

so

nno

“e

per

la

mer

enda?”

Il t

apota

so

n b

alu

cho

n.

Pic

chie

ttò i

l su

o f

ago

tto

.

Page 91: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

85

« J

’ai des

bri

oches,

de

l’ar

gent,

et

on m

anger

a des

écu

reu

ils.

– O

ui, m

ais

… e

t le

s F

ritz

? »

“Ho

dell

e bri

oches

e dei

sold

i e

manger

em

o s

coia

tto

li.”

“Sì, m

a… e

i C

rucc

hi?

Il s

ort

it d

eux b

eau

x l

ance

-pie

rres

de

sous

le l

it :

T

irò

fuo

ri d

ue

bell

e fi

onde

da

sott

o i

l le

tto

:

« L

es

Fri

tz,

on s

’en o

ccuper

a !

chucho

ta-t

-il. T

oi et

mo

i !

»

“Dei

Cru

cchi

ce n

e o

ccuper

emo

!” s

uss

urr

ò. “I

o e

te!

Pet

it-G

eorg

es a

vait

to

ut

pré

vu

: o

n a

llait

ess

ayer

de

rejo

indre

no

s li

gnes

(et

do

nc

no

tre

pèr

e) e

n p

assa

nt

par

la

Ho

llande.

Pet

it-G

eorg

es a

veva

pre

vis

to t

utt

o: st

avam

o p

er p

rovar

e a

raggiu

nger

e le

no

stre

lin

ee (

e dunque

no

stro

pad

re)

pas

sando

per

l’O

landa.

No

us

par

tîm

es

ain

si to

us

les

tro

is, dan

s le

sil

ence

et l’

obsc

uri

té. D

irec

tio

n

la

nu

it,

tout

dro

it

jusq

u’a

u

mat

in.

Pet

it-G

eorg

es

port

ait

Ren

é en

bando

uli

ère

et je

me

char

gea

is d

es

pro

vis

ions.

Je

serr

ais

très

fo

rt s

ur

mo

n

cœur

ma

pet

ite

bib

le.

Par

tim

mo

co

sì t

utt

i e

tre,

nel

sile

nzio

e n

ell

’osc

uri

tà.

Dir

ezio

ne

la n

ott

e,

dri

tto fi

no

al

mat

tino

. P

etit

-Geo

rges

po

rtav

a R

ené

in sp

all

a e

io m

i

occ

upav

o d

elle

pro

vvis

te.

Str

ingevo

mo

lto

fo

rte

al c

uo

re l

a m

ia p

icco

la

Bib

bia

.

Deu

x j

ours

plu

s ta

rd, c’

est

une

mèr

e dev

enue

à m

oit

ié f

oll

e d’i

nqu

iétu

de

à ca

use

de

notr

e dis

par

itio

n q

ui

ouvri

t la

po

rte

et t

om

ba

nez

à nez

sur

deu

x A

llem

ands,

fi

gure

sa

ngu

ine,

baïo

nnet

te au

ca

no

n.

À V

icto

rine,

acco

uru

e, i

ls e

xp

liqu

èren

t qu’i

ls d

evaie

nt

convo

yer

mam

an à

Giv

et,

à la

Ko

mm

and

antu

r.

Due

gio

rni

do

po

, fu

una

mad

re d

iventa

ta q

uas

i fu

ori

di

sé a

cau

sa d

ell

a

no

stra

sco

mpar

sa a

d a

pri

re l

a po

rta

e a

tro

var

si f

acc

ia a

fac

cia

co

n d

ue

Ted

eschi, d

all

’ari

a sa

ngu

igna

e co

n l

a baio

net

ta i

n c

anna.

A V

icto

rine,

che

era

acco

rsa,

sp

iegar

ono

che

do

vev

ano

sco

rtar

e la

mam

ma

a G

ivet

,

all

a K

om

mandantu

r.

Plu

s ta

rd,

no

us

dev

ions

raco

nte

r au

x c

opai

ns

de

l’éc

ole

co

mm

ent

no

us

no

us

étio

ns

fait

pre

ndre

à l

a fr

onti

ère

ho

llandais

e par

des

All

em

ands

furi

bar

ds.

Ils

exig

eaie

nt

de

savo

ir q

ui

avait

en c

har

ge

l’éd

ucat

ion d

e ce

s

go

sses

qu

i av

aie

nt

tué

quar

ante

d’e

ntr

e eu

x

ce

chif

fre

dev

ait

consi

dér

able

ment

var

ier

au c

ours

de

l’hiv

er.

En v

rai, o

n s

’éta

it é

gar

és

dan

s le

s bo

is e

t o

n a

vait

éco

rché,

peu

t-êt

re, un c

oin

d’o

reil

le t

euto

nne

au

lance

-pie

rres

!

Più

tar

di, d

ovem

mo

rac

conta

re a

i co

mp

agni

di

scu

ola

co

me

ci

eravam

o

fatt

i pre

nder

e all

a fr

onti

era

ola

ndes

e da

dei

T

edes

chi

furi

bo

nd

i.

Esi

gevano

di

saper

e ch

i er

a il

resp

onsa

bil

e dell

’educa

zio

ne

di

quei

mo

ccio

si che

avevano

ucc

iso

quar

anta

di

loro

– quel

la cif

ra do

veva

var

iare

in m

odo c

onsi

der

evo

le d

ura

nte

l’i

nver

no

. In

rea

ltà,

ci

eravam

o

per

si

nei

bo

schi

e,

fors

e,

avevam

o

sco

rtic

ato

un

pezz

o

d’o

recc

hio

teuto

nic

o c

on la

fio

nd

a!

Page 92: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

86

Ce

fut

Vic

tori

ne

qu

i no

us

sauva

la m

ise,

sans

qu’o

n s

ût

jam

ais

vra

iment

com

ment.

Se

retr

ouss

ant

les

manches

et

la j

upe,

ell

e vin

t dar

e-d

are

no

us

cher

cher

à l

a K

om

mandantu

r, y

entr

a co

mm

e si

c’é

tait

chez

ell

e, p

uis

s’en

ferm

a avec

deu

x F

ritz

.

Fu V

icto

rine

a sa

lvar

ci

la p

ell

e, s

enza

che

sap

essi

mo

mai

ver

am

ente

com

e. R

imbo

cca

nd

osi

le

manic

he

e la

go

nna,

venne

a ce

rcar

ci

in f

rett

a

all

a K

om

mandantu

r, v

i entr

ò c

om

e se

fo

sse

casa

su

a, p

oi si

chiu

se d

entr

o

con d

ue

Cru

cchi.

San

s V

icto

rine

et s

a bo

uti

que,

qu

i sa

it q

uel dra

me

se s

erait

jo

ué ?

Je

cro

is

que,

à p

arti

r de

ce jo

ur,

to

ute

s le

s m

ères

le d

evin

èrent,

que

les

mau

vais

es

langues

le c

om

pri

rent

auss

i. E

lle

et s

a fa

nta

stiq

ue

bo

uti

que

mér

itaie

nt

une

méd

ail

le p

our

serv

ice

rendu a

u p

ays,

à m

es f

rère

s et

à m

oi-

mêm

e. J

e

peu

x te

pro

met

tre

que

tante

Hél

ène

et n

otr

e m

ère

ne

lais

sère

nt plu

s ja

mais

qu

ico

nque

lui

manqu

er d

e re

spec

t. D

ésorm

ais

, c’

éta

it à

la

vie

à l

a m

ort

entr

e el

les.

Sen

za V

icto

rine

e la

sua

bo

tteg

a, c

his

sà c

he

dra

mm

a sa

rebbe

avvenuto

?

Cre

do

che,

a p

arti

re d

a quel

gio

rno

, tu

tte

le m

adri

lo

in

tuir

ono

e l

o

cap

iro

no

anche

le m

ale

lingue.

Lei e

la s

ua

fanta

stic

a bo

tteg

a m

erit

avano

una

med

agli

a p

er i

l se

rviz

io r

eso

al

Paes

e, a

i m

iei

frat

ell

i e

a m

e st

esso

.

Po

sso p

rom

ette

rti

che

la z

ia H

élè

ne

e no

stra

mad

re n

on l

ascia

rono

mai

più

che

chiu

nque

le m

anca

sse

di

risp

etto

. D

’ora

in p

oi,

sar

ebber

o s

tate

unit

e per

sem

pre

.

Au

jourd

’hu

i A

l g

iorn

o d

’oggi

S’i

l exis

te u

ne

expér

ience

de

pensé

e fo

lle,

c’e

st b

ien d

’im

agin

er n

os

par

ents

et

no

s gra

nds-

par

ents

à n

os

âges

. Je

tre

mbla

is d

éjà

d’é

mo

tio

n e

n

déc

ouvra

nt

Mo

ïse

enfa

nt,

qu’e

n s

erait

-il

lors

qu

’il

raco

nte

rait

ses

année

s

de

jeu

ne

ho

mm

e am

oure

ux ?

L’a

rrac

her

au p

assé

et

le l

ire

ado

lesc

ent,

aim

ant,

mo

nta

nt

à l’

ass

aut

du c

orp

s de

l’au

tre,

fêta

nt

ce c

orp

s, p

uis

le

qu

itta

nt

? L

e su

rpre

ndre

tro

mpé,

tro

mpant

peu

t-êt

re,

ple

ura

nt,

co

nfi

ant,

pu

is c

apable

d’a

imer

à n

ouvea

u ?

Bre

f, v

ivant

ce q

ue

je v

ivais

au

jour-

d’h

ui…

Et

tout

cela

en 1

925

? 1

928

? M

ais

qu

ell

e é

po

que

impo

ssib

le à

conce

vo

ir p

ou

r m

oi

! N

e se

rait

-ce

que

ses

année

s de

jeu

nes

se :

en c

e qu

i

me

conce

rnait

, ell

es n

e si

gnif

iaie

nt

rien.

Se

c’è

un e

sper

imento

menta

le f

oll

e, è

pro

pri

o q

uello

di

imm

agin

are

i

no

stri

genit

ori

e i n

ost

ri n

onni all

a no

stra

età

. T

rem

avo

già

dall

’em

ozio

ne

sco

pre

ndo

M

oïs

e bam

bin

o,

com

e sa

rebbe

stato

quan

do

avre

bbe

racc

onta

to i

suo

i an

ni

di

ragaz

zo i

nnam

ora

to?

Str

appar

lo a

l pas

sato

e

legger

lo ad

ole

scente

, am

ante

, ch

e va

all

’ass

alt

o del

corp

o del

l’alt

ra,

cele

bra

ques

to c

orp

o,

per

po

i la

scia

rlo

? S

orp

render

lo t

radit

o,

trad

ito

re

fors

e, p

iang

ente

, fi

ducio

so,

po

i cap

ace

di

am

are

di

nuo

vo

? In

som

ma,

mentr

e viv

eva

ciò

che

viv

o o

ggi…

E t

utt

o q

ues

to n

el

1925

? 1928

? M

a

che

epo

ca i

mpo

ssib

ile

da

conce

pir

e per

me!

No

n f

oss

e alt

ro c

he

i su

oi

anni

di g

ioventù

: per

quan

to m

i ri

guar

dava,

no

n s

ignif

icavano

nie

nte

.

Page 93: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

87

Po

urt

ant,

entr

e 1910 e

t 1920,

Léo

n T

ols

toï

meu

rt,

mèr

e T

eres

a vie

nt

au

mo

nde,

Sig

mu

nd F

reud p

ubli

e T

ote

m e

t ta

bou,

Coco

Chan

el

com

mence

à se

fa

ire

un no

m et

un je

une

cher

cheu

r du no

m d’A

lber

t E

inst

ein

dév

elo

ppe

la t

héo

rie

de

la r

ela

tivit

é gén

érale

.

Tutt

avia

, tr

a il 1

910

e il 1920, L

eone

To

lsto

j m

uo

re, M

adre

Ter

esa

nas

ce,

Sig

mu

nd F

reud p

ub

bli

ca

Tote

m e

tabù

, C

oco

Chan

el

iniz

ia a

far

si u

n

no

me

e un g

iovane

rice

rcat

ore

di

no

me

Alb

ert

Ein

stei

n e

spo

ne

la t

eori

a

dell

a re

lati

vit

à gener

ale

.

J’au

rais

pu a

joute

r M

arie

Curi

e en

tra

in d

’iso

ler

le r

adiu

m,

ou l

a gri

ppe

espag

no

le d

e 1918

: u

n m

illi

ard d

e co

nta

min

és,

30

mil

lio

ns

de

mo

rts

en

Euro

pe.

Qui se

so

uvie

nt

d’u

n s

eul d’e

ntr

e eu

x ?

Les

gen

s, leu

rs h

isto

ires,

les

liens

d’a

mo

ur

et d

’am

itié

, to

ut

se d

ilue

com

me n

os

larm

es s

ous

une

plu

ie v

iole

nte

.

Avre

i po

tuto

ag

giu

nger

e M

arie

C

uri

e che

sta

iso

lando

il

ra

dio

o

l’in

fluenza

spag

no

la d

el 1

918: un m

ilia

rdo

di in

fett

ati, 3

0 m

ilio

ni d

i m

ort

i

in E

uro

pa.

Chi

si r

ico

rda

anche

solo

di

uno

di

loro

? L

e per

sone,

le

loro

sto

rie,

i l

egam

i d’a

mo

re e

d’a

mic

izia

, tu

tto s

i d

ilu

isce

co

me

le n

ost

re

lacr

ime

sott

o u

na

pio

gg

ia v

iole

nta

.

La

Mo

rt, le

Tem

ps,

c’e

st c

e qui eff

ace

les

vis

ages.

L

a M

ort

e, i

l T

em

po

, è

ciò

che

cance

lla

i vo

lti.

3 a

vri

l 1967

L’e

nfa

nt

qui

cher

chait

un

vis

age

dans

les

visa

ges

3 a

pri

le 1

967

Il b

am

bin

o c

he

cerc

ava

un v

olt

o t

ra i

volt

i

Hiv

er

1916.

La

Guer

re

conti

nuait

, des

re

nfo

rts

arri

vaie

nt

et

les

All

em

and

s ré

qu

isit

ionnaie

nt

des

cham

bre

s.

Inver

no

1916. L

a G

uer

ra c

onti

nuava,

arr

ivavano

dei

rin

forz

i e

i T

edes

chi

requ

isiv

ano

dell

e ca

mer

e.

« J

e su

is o

bli

gée

de

leur

céder

la

tre,

les

gar

çons.

Vo

us

irez

do

rmir

au

sous-

sol, n

ous

exp

liqu

a no

tre

mèr

e. T

âchez

de

ne

rien a

vo

ir à

fair

e avec

eux.

Qu

i sa

it s

’ils

ne

sont

pas

de

ceux q

ui o

nt

tué

mo

n G

eorg

es ?

»

“So

no

co

stre

tta

a ce

der

gli la

vo

stra

, ra

gaz

zi. D

orm

iret

e nello

scanti

nat

o.”

ci sp

iegò

no

stra

mad

re.

“Cer

cate

di

no

n a

ver

e nie

nte

a c

he

fare

co

n l

oro

.

Chis

sà s

e so

no

tra

quel

li c

he

hanno

ucc

iso

il

mio

Geo

rges

?”

Mo

i, ç

a ne

me

par

ais

sait

pas

vra

iment

gra

ve.

D’a

bo

rd,

mo

n p

ère

n’é

tait

pas

mo

rt, c’

était

un m

enso

nge.

Ensu

ite,

les

All

em

ands

qu

’on g

ardait

prè

s

de

no

us,

c’é

tait

ça

de

mo

ins

dans

ses

pat

tes

à lu

i.

A m

e la

co

sa n

on s

embra

va

così

gra

ve.

Pri

mo

, m

io p

adre

no

n e

ra m

ort

o,

era

una

bug

ia. S

eco

ndo, i T

edes

chi che

avevam

o v

icin

o a

no

i alm

eno

no

n

eran

o a

lle

sue

calc

agna.

Page 94: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

88

To

ute

la

journ

ée,

ils

pré

par

aie

nt

l’o

ffensi

ve

d’u

ne

bat

ail

le q

ue

l’H

isto

ire

reti

endra

it à

ja

mais

: la

B

ouch

erie

de

Ver

du

n (

tu a

s sû

rem

ent

dû e

n

ente

ndre

par

ler

dan

s le

s li

vre

s, m

on A

nne-L

ise)

.

Per

tutt

o i

l g

iorn

o p

repar

avano

l’o

ffensi

va

di

una

bat

tagli

a che

la S

tori

a

avre

bbe

rico

rdat

o p

er s

em

pre

: la

Bat

tagli

a d

i V

erd

un (

sicu

ram

ente

ne

avra

i se

nti

to p

arla

re n

ei

libri

, m

ia A

nne-

Lis

e).

Une

nu

it t

rès

som

bre

et

pro

fonde,

des

avio

ns

fran

çais

vin

rent

lâcher

quelq

ues

bo

mbes,

et

no

us

eûm

es b

ien l

a fr

ouss

e, à

cau

se d

u p

ost

e de

défe

nse

anti

-aér

ienne

inst

all

é der

rièr

e chez

no

us.

Réfu

gié

s dans

la c

ave

de

no

s vo

isin

s, n

ous

mes

vo

ir l

es

fais

ceau

x j

aunes

des

pro

ject

eurs

fou

ille

r le

s té

nèb

res

et l

es

rendre

ble

ues.

Quan

d i

ls t

rouvaie

nt

un a

vio

n,

ils

ne

le l

âchaie

nt

plu

s, e

t to

ute

s le

s p

ièce

s d’a

rtil

leri

e de

la D

CA

s’e

n

do

nnaie

nt

à cœ

ur

joie

po

ur

le c

louer

au c

iel

éto

ilé.

Malg

ré l

e tr

agiq

ue d

e

la s

ituat

ion,

no

us,

les

go

sses,

tâc

hio

ns

de

sort

ir p

our

jou

ir d

u s

pec

tacle

.

À

6 a

ns,

t’

as

enco

re

l’âg

e de

cro

ire

que

la

Guer

re,

ça

peu

t êt

re

épo

ust

oufl

ant

de

bea

uté

. À

6 a

ns,

t’a

s au

ssi l’

âge

de

com

mence

r à

haïr

le

mo

nde

enti

er p

arce

qu’i

l t’

a pri

s to

n p

apa.

Una

no

tte

mo

lto b

uia

e p

rofo

nda,

deg

li a

erei fr

ance

si v

enner

o a

sgan

cia

re

alc

une

bo

mbe

e avem

mo

ta

nta

pau

ra a

causa

del

pre

sid

io d

i d

ifesa

anti

aere

a st

abil

ito

die

tro c

asa

no

stra

. R

ifug

iati

nell

a ca

nti

na

dei

no

stri

vic

ini, p

ote

mm

o v

eder

e i

fasc

i g

iall

i dei

rifl

etto

ri i

spez

ionar

e le

ten

ebre

e re

nder

le b

lu.

Quan

do

tro

vav

ano

un a

ereo

, no

n l

o l

asc

iavano

più

e t

utt

i

i pezz

i d

’art

igli

eria

dell

a co

ntr

aere

a si

davano

all

a paz

za

gio

ia

per

inchio

dar

lo a

l cie

lo s

tell

ato.

Malg

rado

la

trag

icit

à d

ella

sit

uaz

ione,

no

i

bam

bin

i ce

rcavam

o d

i u

scir

e per

go

der

ci l

o s

pet

taco

lo.

A 6

anni

hai

anco

ra l

’età

giu

sta

per

cre

der

e ch

e la

Guer

ra p

oss

a av

ere

un

a bell

ezza

mo

zzafi

ato

. A

6 a

nni

hai anche

l’et

à giu

sta

per

iniz

iare

a o

dia

re i

l m

ondo

inte

ro p

erch

é ti

ha

pre

so i

l tu

o p

apà.

D’a

prè

s le

s A

llem

and

s re

stés

à V

ireu

x, V

erdun é

tait

to

mbé

et leu

r ar

mée

vic

tori

euse

mar

chait

sur

Par

is p

our

cass

er l

a vil

le e

n p

etit

s m

orc

eaux.

Sec

ondo i T

edes

chi ri

mast

i a

Vir

eux, V

erdun e

ra c

aduta

e il lo

ro e

serc

ito

vit

tori

oso

mar

cia

va

su P

arig

i per

ro

mper

e la

cit

tà i

n p

icco

li p

ezzi.

« P

ropag

ande

! » no

us

assu

rait

Vic

tori

ne

et,

ma

foi, D

ieu s

ait

si

ell

e

s’ap

pli

quait

nu

it e

t jo

ur

à êt

re l

a m

ieu

x r

ense

ignée

de

no

us

tous.

Sai

nte

fem

me.

“Pro

pag

anda!”

ci

rass

icura

va

Vic

tori

ne

e,

par

ola

m

ia,

Dio

sa

se

si

app

lica

sse

gio

rno

e n

ott

e nell

’ess

ere

la m

egli

o i

nfo

rmat

a d

i tu

tti

no

i.

San

ta d

onna.

Des

tr

ains

de

la

Cro

ix-R

ouge

bo

ndés

de

ble

ssés

s’

exfi

ltra

ient

ver

s

l’A

llem

ag

ne.

Mas

sés

au p

assa

ge

à niv

eau,

on les

reg

ardait

ro

ule

r au

pas

,

on v

oyait

leu

rs f

igure

s bandées

de

chif

fons,

leu

rs y

eux f

ixés

sur

le v

ide,

caves

, in

terd

its,

se

coués

de

trem

ble

ments

, et

to

ut

le ro

uge

de

leurs

Dei

tren

i dell

a C

roce

Ro

ssa

stra

pie

ni

di

feri

ti s

i in

filt

ravano

ver

so l

a

Ger

mania

. A

mm

ass

ati

al

pas

sagg

io a

liv

ell

o,

li g

uar

dav

am

o c

orr

ere

al

pas

so, ved

evam

o i lo

ro v

isi fa

scia

ti c

on d

egli

str

acci

, i lo

ro o

cchi fi

ssi nel

vuo

to,

info

ssat

i, i

nte

rdet

ti,

sco

ssi

da

trem

ori

e t

utt

o i

l ro

sso

del

le l

oro

Page 95: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

89

ble

ssure

s. O

n a

vait

le

cœur

serr

é dev

ant

tant

de

sou

ffra

nce,

et

toujo

urs

,

par

mi eu

x,

c’est

le

vis

age

de

mo

n p

ère

que

je c

her

chais

.

feri

te.

Avevam

o i

l cu

ore

in g

ola

davanti

a t

anta

so

ffer

enza

e,

tra

di

loro

,

ciò

che

cerc

avo

era

sem

pre

il

vo

lto d

i m

io p

adre

.

3 a

vri

l 1968

Un

doct

eur

si h

abil

e qu’o

n c

roir

ait

que

tous

ses

doig

ts s

ont

des

pouce

s

3 a

pri

le 1

968

Un d

ott

ore

così

abil

e ch

e si

dir

ebbe

che

tutt

e le

sue

dit

a s

ono p

oll

ici

Ma

pet

ite

Anne-

Lis

e, m

a pet

ite

souri

s,

À l’

éco

le,

san

s fa

ire

des

ét

ince

lles,

j’

all

ais

m

on pet

it bo

nho

mm

e de

chem

in g

râce

à m

a bo

nne

mém

oir

e qu

i m

e per

mett

ait

d’ê

tre

asse

z bie

n

cla

ssé,

car

à la

mais

on j

e n’a

vais

guèr

e le

tem

ps

d’a

ppre

ndre

mes

leço

ns.

Il f

all

ait

bie

n a

ider

no

tre

mèr

e. E

t puis

… j

’éta

is g

êné

de

déc

ouvri

r to

us

ces

mo

ts q

ue

je n

’avais

jam

ais

ente

ndu

s ch

ez m

oi,

et

que

je m

e gar

dais

bie

n d

e ré

pét

er.

Je c

rois

que

cela

me

culp

abil

isait

d’a

vo

ir q

uelq

ue

cho

se

que

no

tre

mèr

e n’a

vait

pas

, m

êm

e si

c’é

tait

ju

ste

des

le

ttre

s et

des

phra

ses.

Ell

e, e

lle

ne

savait

mêm

e pas

lir

e, a

lors

Mia

pic

cola

Anne-

Lis

e, s

cric

cio

lina

mia

,

A s

cuo

la t

iravo

avan

ti s

enza

bri

llar

e gra

zie

all

a m

ia b

uo

na

mem

ori

a,

che

mi

per

met

teva

di es

sere

mes

so a

bbast

anza

bene

per

ché

a ca

sa n

on a

vevo

aff

atto

il te

mpo

di

impar

are

le le

zio

ni. B

iso

gnava

pur

aiuta

re no

stra

mad

re.

E p

oi…

ero

infa

stid

ito

dallo

sco

pri

re t

utt

e quell

e par

ole

che

no

n

avevo

mai se

nti

to a

cas

a m

ia e

che

mi guar

davo

ben

e dal ri

pet

ere.

Cre

do

che

ciò

mi

face

sse

senti

re i

n c

olp

a per

aver

e qualc

osa

che

no

stra

mad

re

no

n a

veva,

anche

se e

rano

so

lo l

ette

re e

fra

si.

Lei

no

n s

apev

a nea

nche

legger

e, a

llo

ra…

So

uven

t, l

e d

imanche,

po

ur

soula

ger

no

tre

budget

, no

us

all

ions

chez

les

Ro

bin

et. Il

s no

us

ouvra

ient

la p

ort

e, c

oll

aie

nt

une

pet

ite

eau

-de-

vie

entr

e

les

po

gnes

de

mam

an,

pu

is,

en l

ui

fais

ant

sig

ne

de

la b

oir

e :

Spes

so l

a do

menic

a, p

er a

lleg

ger

ire

il n

ost

ro p

ort

afo

glio

, an

davam

o d

ai

Ro

bin

et.

Ci

apri

vano

la

po

rta,

sch

iaff

avano

un b

icch

ieri

no

di

acquavit

e

sull

e m

ani

dell

a m

am

ma

po

i, f

acendo

le s

egno

di

ber

la:

« A

llo

ns

! A

llo

ns

! F

inis

d’e

ntr

er !

»

“Dai!

Dai!

Vie

ni

avanti

!”

C’é

tait

co

mm

e ça

à l

’épo

que

: o

n n

’éta

it p

as t

ota

lem

ent

chez

eu

x t

ant

qu’e

lle

n’a

vait

pas

sif

flé

son v

erre

. E

nsu

ite

ils

se t

ourn

aie

nt

ver

s no

us

et

c’ét

ait

to

ujo

urs

la

mêm

e quest

ion :

« E

t l’

éco

le ?

Ça

va

? » C

es

gens-

là,

ils

avaie

nt

l’o

bse

ssio

n d

e l’

éco

le.

Era

co

sì a

ll’e

po

ca:

no

n s

i er

a m

ai

com

ple

tam

ente

a c

asa

loro

fin

ché

lei

no

n a

veva

bevuto

tutt

o d

’un f

iato

il

suo

bic

chie

re.

Po

i si

gir

avano

ver

so

di

no

i e

face

vano

sem

pre

la

stes

sa d

om

anda:

“E

a s

cuo

la?

Co

me

va?”

.

Quell

e per

sone

erano

oss

essi

onat

e dall

a sc

uo

la.

Page 96: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

90

Plu

sieu

rs fo

is,

no

us

y re

nco

ntr

âmes

no

tre

vo

isin

de

toujo

urs

, P

ierr

e

Mar

jole

t. C

’est

en p

apo

tant

avec

lu

i qu

’on s

’aperç

ut

qu’i

l ét

ait

pas

si

méc

hant

po

ur

un B

elg

e et

que,

d’a

ille

urs

, c’

était

peu

t-êt

re le

ca

s de

bea

uco

up d

e B

elges.

Più

vo

lte

vi

inco

ntr

am

mo

il

no

stro

vic

ino

di

sem

pre

, P

ierr

e M

arjo

let.

Chia

cchie

rando

co

n l

ui

ci

acco

rgem

mo

che

no

n e

ra p

oi

così

cat

tivo

per

esse

re b

elg

a e

che

fors

e, d

’alt

ronde,

era

il ca

so d

i m

olt

i B

elg

i.

Veu

f avec

un g

rand f

ils,

Alf

red,

couvre

ur

de

son é

tat,

Pie

rre

étai

t une

sort

e de

coute

au s

uis

se hu

main

, au

ssi

bie

n m

arin

que

cord

onnie

r o

u

bo

urr

elie

r, c

e qu

i ét

ait

pré

cie

ux e

n t

emp

s de

Guer

re.

Ved

ovo

co

n u

n f

iglio

gra

nde,

Alf

red,

oper

aio

co

nci

atet

ti d

i pro

fess

ione,

Pie

rre

era

una

sort

a di

colt

ell

ino

sviz

zero

um

ano

, ta

nto

mar

inaio

quanto

cia

bat

tino

o s

ell

aio

, il

che

era

pre

zio

so i

n t

emp

i d

i G

uer

ra.

Une

fois

, il n

ous

pro

cura

du b

lé q

ue

no

us

pas

sâm

es

dan

s un t

ourn

is t

rès

fin p

our

en r

etir

er u

n s

on b

ien a

éré,

puis

il

all

um

a notr

e fo

yer

et

no

us

pré

par

a du p

ain.

Una

vo

lta,

ci

pro

curò

del

gra

no

che

pass

am

mo

in

un v

agli

o m

olt

o f

ine

per

ric

avar

ne

una

crusc

a ben s

etac

cia

ta,

po

i ac

cese

il

no

stro

cam

ino

e c

i

pre

par

ò d

el p

ane.

« V

ous,

les

enfa

nts

, vo

us

aure

z dro

it à

une

éno

rme

rabas

se4!

»

“Vo

i bam

bin

i avre

te d

irit

to a

un’e

no

rme

rabass

e5!”

Sa

vo

ix d

onnait

l’i

mpre

ssio

n d

e so

rtir

d’u

ne

gro

tte.

Ça

téta

nis

ait

ma

mèr

e

à ch

aque

fois

, et

ell

e ro

ug

issa

it,

tres

sail

lait

ou b

ais

sait

les

yeu

x d

evant

tant

de

gra

ves

. Je

cro

is q

ue,

san

s so

n m

ari, e

lle

avait

peu

r des

gro

ttes

et

du n

oir

. O

u d

es B

elg

es.

C’é

tait

peu

de

tem

ps

avant

qu’e

lle

n’a

rrêt

e de

s’habil

ler

en n

oir

.

La

sua

vo

ce dav

a l’

impre

ssio

ne

di

usc

ire

da

una

gro

tta.

O

gni

vo

lta

lasc

iava

di

stucc

o m

ia m

adre

, ch

e ar

ross

iva,

tra

sali

va

o a

bbas

sava

gli

occ

hi d

avanti

a c

osì

tan

ti s

uo

ni g

ravi. C

redo

che,

sen

za s

uo

mar

ito

, aves

se

pau

ra d

ell

e gro

tte

e del

bu

io.

O d

ei

Belg

i. Q

ues

to a

ccad

eva

po

co p

rim

a

che

smet

tess

e d

i ves

tirs

i d

i ner

o.

L’h

iver

1917 ar

riva,

au

ssi

fro

id que

les

autr

es hiv

ers

de

guer

re.

La

venell

e en p

ente

éta

it d

evenue

une

vra

ie p

atin

oir

e, e

t m

êm

e le

s F

ritz

s’am

usè

rent

avec

no

us.

À 7

ans,

quan

d o

n t

’off

re u

ne

luge,

tu l

a pre

nd

s.

Tu r

egar

des

pas

si

le c

asque

de

ton b

ienfa

iteu

r es

t ro

nd o

u p

oin

tu.

On a

tous

trah

i no

s pèr

es c

et h

iver

-là,

en j

ouant

avec

les

Bo

ches.

Sau

f ceu

x

L’i

nver

no

del

1917 a

rriv

ò,

fred

do

co

me

gli

alt

ri i

nver

ni

di

guer

ra.

La

stra

din

a in

pendenza

era

div

enta

ta u

na

ver

a e

pro

pri

a p

ista

di pat

tinag

gio

e per

fino

i C

rucc

hi

si d

iver

tivano

co

n n

oi. A

7 a

nni, q

uando

ti

regala

no

una

slit

ta l

’acc

etti

. N

on g

uar

di

se l

’elm

o d

el

tuo b

enefa

ttore

è r

oto

ndo

o

chio

dat

o. A

bbia

mo

tutt

i tr

adit

o i n

ost

ri p

adri

quell

’inver

no

, gio

cando

co

n

4 P

om

me

cuit

e à

l’in

téri

eur

d’u

ne

pât

e à

pai

n e

nco

re c

hau

de

(note

de

l’éd

iteu

r, N

dE

).

5 M

ela

cott

a al

l’in

tern

o d

i un

a pag

nott

a an

cora

cal

da

(nota

del

l’ed

itore

).

Page 97: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

91

do

nt

le p

ater

nel

était

mo

rt à

la

guer

re.

Mais

bo

n,

je n

e sa

vais

pas

tro

p c

e

que

po

uvaie

nt

ress

enti

r ce

s gam

ins-

là,

j’at

tendais

to

ujo

urs

que

le m

ien

rentr

e et

me

par

do

nne

d’a

vo

ir,

le t

emps

d’u

ne

gli

ssad

e, f

rate

rnis

é av

ec

les

Chle

uhs.

J’a

tten

dais

qu’i

l re

ntr

e et

do

nne

tort

à c

e vie

ux c

orb

eau

d’a

um

ônie

r :

la m

ort

, ça

fait

peu

r et

ça

fera

to

ujo

urs

peu

r, a

lors

auta

nt

se

raco

nte

r des

pet

ites

his

toir

es

bie

n r

assu

rante

s, e

t d’a

ille

urs

les

enfa

nts

y

ont

dro

it,

c’es

t co

mm

e ça

.

i M

ang

iacr

auti

. T

utt

i, t

ranne

quell

i il

cu

i pad

re er

a m

ort

o i

n g

uer

ra.

Vab

bè,

no

n

sapevo

pro

pri

o

cosa

pote

sser

o

pro

var

e quei

ragaz

zin

i,

aspet

tavo se

mpre

ch

e il

m

io to

rnas

se e

mi

per

do

nas

se d

i aver

fa

tto

am

iciz

ia c

on i C

rucc

hi,

il te

mpo

di una

sciv

ola

ta. A

spet

tavo

che

torn

asse

e des

se t

ort

o a

quel

vec

chio

co

rvo

del

cappell

ano

: la

mo

rte

fa e

far

à

sem

pre

pau

ra,

quin

di

tanto

vale

ra

cco

nta

rsi

dell

e st

ori

ell

e m

olt

o

rass

icura

nti

e d

’alt

ronde

i bam

bin

i ne

hanno

dir

itto

, è

così

.

Pu

is,

sans

pré

venir

, je

to

mbai

mala

de.

P

oi, s

enza

avvis

are,

mi am

mala

i.

J’avais

de

vil

ain

es

mar

bru

res

sur

les

jam

bes,

les

yeu

x c

aves

, le

tein

t

jau

ne,

des

sueu

rs n

oct

urn

es.

Avevo

dell

e bru

tte

chia

zze

sull

e gam

be,

gli

occ

hi

info

ssat

i, i

l co

lori

to

gia

llo

gno

lo,

del

le s

udo

razio

ni

no

tturn

e.

« I

l a

bu d

e la

neig

e !

» r

épét

ait

Pet

it-G

eorg

es,

qui

n’é

tait

pas

le

der

nie

r

à dén

once

r le

s bêt

ises

des

autr

es.

“Ha

bevuto

la

neve!”

rip

etev

a P

etit

-Geo

rges

, ch

e no

n e

ra m

ai

l’u

ltim

o a

den

uncia

re l

e sc

iocc

hezz

e deg

li a

ltri

.

La

purg

e du d

oct

eur

Ser

nez

n’y

fit

rie

n (

mo

nsi

eur

Ser

nez

éta

it u

n v

ieu

x

do

cteu

r qui

n’a

vait

plu

s que

deu

x r

em

èdes

: la

purg

e et

les

sang

sues

, et

ce n

’est

cer

tain

em

ent

pas

grâ

ce à

lu

i si

j’a

i su

rvéc

u, tu

peu

x m

e cr

oir

e su

r

par

ole

). V

icto

rine,

exper

te e

n h

erbes

de

toute

s so

rtes

, vin

t au

ssi, e

t je

dev

ais

pre

ndre

tel

lem

ent

de

tisa

nes

qu’o

n a

vait

des

cendu m

on l

it à

la

cuis

ine.

Mo

n é

tat

emp

irait

. S

ans

rem

ord

s, m

a m

ère

cas

sa l

a ti

reli

re e

t

convo

qua

un a

utr

e do

cteu

r, m

ais

belg

e.

La

purg

a del

dott

or

Ser

nez

no

n s

ervì

a nu

lla

(il

sig

no

r S

ernez

era

un

dott

ore

an

zia

no

ch

e co

no

scev

a so

lo

due

rim

edi,

la

purg

a e

le

sangu

isug

he,

e

no

n è

cert

o gra

zie

a lu

i se

so

no

so

pra

vvis

suto

, puo

i

cred

erm

i su

lla

par

ola

). V

enne

anche

Vic

tori

ne,

esp

erta

di

erbe

di

ogni

sort

a, e

do

vev

o b

ere

talm

ente

tan

te tis

ane

che

avevano

po

rtat

o il m

io let

to

in c

ucin

a. I

l m

io s

tato

di

salu

te p

egg

iora

va.

Senza

alc

un r

imo

rso

, m

ia

mad

re r

uppe

il s

alv

adanaio

e c

onvo

cò u

n a

ltro

dott

ore

, m

a belg

a.

Le

savant

me

sais

it c

om

me

une

po

upée

, m

e dés

habil

la,

me

reto

urn

a dan

s

tous

les

sens,

m

’éco

uta

le

ur,

le

s po

um

ons,

l’

abdo

men,

deb

out,

allo

ngé,

pen

du p

ar l

es

pie

ds,

avec

un s

avo

ir-f

air

e e

t une

vir

tuo

sité

qui

Lo

sci

enzia

to m

i aff

errò

co

me

se f

oss

i u

na

bam

bo

la, m

i sp

og

liò

, m

i ri

gir

ò

in tutt

i i s

ensi

, m

i au

scu

ltò

il cu

ore

, i p

olm

oni,

l’a

dd

om

e, in p

ied

i, d

iste

so,

Page 98: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

92

fire

nt

dir

e p

lus

tard

à m

on f

rère

: «

On a

ura

it c

ru q

ue

tous

ses

do

igts

étai

ent

des

po

uce

s !

»

a te

sta

in g

iù,

con u

na

com

pet

enza

e u

n v

irtu

osi

smo

tal

i da

far

dir

e p

tard

i a

mio

fra

tello

: “A

vra

i pensa

to c

he

tutt

e le

sue

dit

a fo

sser

o p

oll

ici!

”.

Fin

ale

ment,

il m

’abando

nna

sur

le c

ôté

, p

ante

lant,

et d’u

n a

ir t

rès

som

bre

il

anno

nça

so

n

dia

gno

stic

:

« E

nco

re

cett

e ch

ienne

de

gri

ppe

espag

no

le !

»,

ce q

ui

valu

t à

ma

mèr

e ce

tte

phra

se m

ém

ora

ble

de

bo

n

sens

:

All

a fi

ne

mi

abbando

su u

n f

ianco

, se

nza

fia

to,

e co

n a

ria

mo

lto

cupa

annu

nciò

la

sua

dia

gno

si: “A

nco

ra q

ues

ta c

avo

lo d

i in

flu

enza

spag

no

la!”

,

il c

he

vals

e a

mia

mad

re q

ues

ta f

rase

mem

ora

bil

e d

i buo

nse

nso

:

« I

mpo

ssib

le,

do

cteu

r !

Mo

n f

ils

est

100

% a

rden

nais

. »

“È i

mpo

ssib

ile,

dott

ore

! M

io f

igli

o è

al 100%

ard

ennese

.”

N’a

vais

-je

pas

fi

lé u

n m

auvais

co

ton ex

prè

s, dans

l’es

po

ir d’o

bte

nir

quelq

ues

tendre

sses

de

sa p

art

? Ç

a, j

e ne

l’ai

jam

ais

su…

Po

urt

ant

j’en

ai

guér

i co

mm

e ça

, de

cett

e fi

èvre

, peu

t-êt

re p

arce

que

per

sonne

dans

la

fam

ille

n’a

vait

ja

mais

eu

le

m

oin

dre

sa

ng es

pag

no

l dans

les

vein

es.

Jusq

u’a

u b

out,

j’a

i esp

éré

que

ma

mèr

e m

e pre

ndra

it d

ans

les

bra

s.

No

n e

ro f

ors

e dep

erit

o d

i pro

po

sito

, nell

a sp

eranza

di

ott

ener

e qual

che

tener

ezza

da

par

te s

ua?

Ques

to n

on l

’ho

mai

sap

uto

… T

utt

avia

, so

no

guar

ito c

osì

da

quell

a fe

bbre

, fo

rse

per

ché

nes

suno

in f

am

igli

a aveva

mai

avuto

la

benché

min

ima

trac

cia

d

i sa

ngue

spag

no

lo nell

e vene.

H

o

sper

ato

fin

o a

lla

fine

che

mia

mad

re m

i pre

ndes

se t

ra le

sue

bra

ccia

.

Pen

dant

ce t

emp

s, c

e que

no

us

igno

rio

ns,

c’e

st q

ue

les

Éta

ts-U

nis

éta

ient

auss

i entr

és e

n G

uer

re…

Ma

pet

ite

souri

s, l

e nez

dan

s no

s his

toir

es,

on

ne

sait

jam

ais

quand l

’His

toir

e es

t en

tra

in d

e se

fair

e.

Nel fr

atte

mpo

, quel

lo c

he

igno

ravam

o e

ra il fa

tto

che

anche

gli

Sta

ti U

nit

i

foss

ero

entr

ati

in G

uer

ra…

Scr

iccio

lina

mia

, pre

si c

om

e si

am

o d

all

e

no

stre

sto

rie,

no

n s

app

iam

o m

ai

quando

si st

a fa

cendo

la

Sto

ria.

Au

jourd

’hu

i A

l g

iorn

o d

’oggi

La

vie

fo

urn

it s

ouven

t la

so

luti

on d

u p

roblè

me

qu’e

lle

a ell

e-m

êm

e cr

éé.

Fra

nço

ise

fut

cett

e so

luti

on q

ue

j’at

tendais

.

Spes

so l

a vit

a fo

rnis

ce

la s

olu

zio

ne

di

un p

roble

ma

che

lei

stes

sa h

a

crea

to. F

ranço

ise

fu q

uell

a so

luzio

ne

che

asp

etta

vo.

Au d

ébut,

je n

’avais

pas

rem

arqué

sa p

rése

nce

en m

’ass

eyant dan

s le

tra

in

po

ur

Char

levil

le-M

éziè

res,

d’o

ù j

e pen

sais

gag

ner

Vir

eux,

la c

onvic

tio

n

chevil

lée

au c

orp

s que

je t

enais

le m

eil

leur

mo

yen d

e no

us

réco

ncil

ier,

mo

n p

ère

et m

oi. P

ourt

ant…

quel

le f

em

me !

Min

ce,

la

cin

quanta

ine,

de

All

’in

izio

no

n a

vevo

nota

to l

a su

a pre

senza

sed

endo

mi

sul

tren

o p

er

Char

levil

le-M

éziè

res,

da

cui

pensa

vo

d

i ra

gg

iunger

e V

ireu

x,

con

la

convin

zio

ne

avvit

ata

al c

orp

o d

i tr

ovar

e lì

il

mo

do m

igli

ore

di

rico

n-

cil

iarc

i, p

apà

ed i

o.

Tutt

avia

… c

he

do

nna!

Mag

ra,

sull

a cin

qu

anti

na,

dai

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93

gra

nds

yeu

x v

erts

ourl

és

de

longs

cil

s no

irs,

qu

i par

lait

en a

git

ant

do

uce

-

ment

les

main

s, a

vec

une

vér

itable

cap

acit

é à

crée

r des

ter

rito

ires

. L

a

vo

isin

e id

éale

po

ur

un p

eure

ux c

om

me

mo

i, a

ngo

issé

par

to

ut

ce q

ui peu

t

pote

nti

ell

em

ent

dér

aill

er,

coule

r o

u s

’écr

aser

.

gra

nd

i o

cchi

ver

di cir

condat

i da

lung

he

cig

lia

ner

e, c

he

par

lava

agit

ando

do

lcem

ente

le

mani, c

on u

na

ver

a e

pro

pri

a ca

pac

ità

di

crea

re t

erri

tori

.

La

vic

ina

idea

le p

er u

n p

auro

so c

om

e m

e, a

ngo

scia

to d

a tu

tto c

iò c

he

può

pote

nzia

lmente

der

agli

are,

scio

gli

ersi

o p

reci

pit

are.

« E

t vo

us,

co

mm

ent

réuss

isse

z-v

ous

à ne

pas

avo

ir p

eur

en v

oyag

e ?

»

lui

lança

i-je

avec

un r

ire

ner

veu

x.

“E lei,

co

me

fa a

no

n a

ver

e pau

ra m

entr

e è

in v

iagg

io?”

le

chie

si c

on u

na

risa

ta n

ervo

sa.

Po

ur

évac

uer

mes

crain

tes,

no

us

avo

ns

com

mencé à

éch

anger

. S

ur

mo

i,

sur

ce m

uet

de

Mo

ïse,

et

sur

ses

carn

ets

que

j’ét

ais

pat

iem

ment

en t

rain

de

déc

rypte

r.

Per

fugar

e i

mie

i ti

mo

ri,

abbia

mo

in

izia

to a

sca

mbia

rci

qu

alc

he

par

ola

.

Su d

i m

e, s

u q

uel m

uto

di M

oïs

e e

sui su

oi quad

erni ch

e st

avo

dec

ifra

ndo

paz

iente

mente

.

« J

e m

’acco

rde

deu

x m

ois

de

congé.

Mo

n p

ère

veu

t que

je l

ui

rappo

rte

ce q

u’e

st d

even

u l

e m

onde

où a

véc

u M

oïs

e, e

t m

oi

je v

eux q

u’i

l ail

le

mie

ux.

– J

e peu

x l

es

vo

ir ?

– B

ien s

ûr

! »

“Mi

sono

pre

so d

ue

mes

i d

i co

nged

o.

Mio

pad

re v

uo

le c

he

gli r

ifer

isca

com

’è d

iventa

to i

l m

ondo

in c

ui

Mo

ïse

ha

vis

suto

e i

o v

oglio

che

stia

meg

lio

.”

“Po

sso

ved

erli

?”

“Cer

to!”

Ell

e fe

uil

leta

it les

pre

miè

res

pag

es a

vec

des

ges

tes

em

pre

ints

d’u

n g

rand

resp

ect

quan

d e

lle

surs

auta

en a

per

cevant

un m

ot in

scri

t par

mo

n p

ère

sur

un P

ost

-it

:

Sta

va

sfo

gli

ando

le

pri

me

pag

ine

con d

ei

ges

ti c

aric

hi

di

gra

nde

risp

etto

quan

do

so

bbalz

ò n

ota

ndo u

na

par

ola

scr

itta

da

mio

pad

re s

u u

n P

ost

-It:

« Ç

a alo

rs !

Mo

n n

om

de

jeu

ne

fill

e est

Ro

bin

et !

»

“Cas

pit

a!

Il m

io c

ogno

me

da

nu

bil

e è

Ro

bin

et!”

Le

has

ard, le

has

ard t

ota

l (o

u é

tait

-ce

quelq

ue

cho

se d

’autr

e ?)

no

us

avait

pla

cés

côte

à c

ôte

. C

’est

que

j’ai

eu l

’idée

de

menti

r à

mo

n p

ère.

Trè

s

facil

em

ent.

Il c

aso

, il

puro

cas

o (

o f

ors

e er

a qual

cos’

alt

ro?)

ci

aveva

mes

si f

ianco

a

fianco

. È

lì che

ho

pen

sato

di

menti

re a

mio

pad

re.

Mo

lto

sem

pli

ce.

« V

ous…

vo

us

pen

sez

qu

’il

po

urr

ait

s’ag

ir d

es

mêm

es

Ro

bin

et ?

“L

ei…

lei

pensa

che

po

treb

be

trat

tars

i deg

li s

tess

i R

obin

et?”

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94

– Ç

a m

’éto

nner

ait

vra

iment,

est

ima-t

-ell

e. I

l exis

te p

lusi

eurs

fa

mil

les

Ro

bin

et a

uto

ur

de

Vir

eux,

conti

nua-t

-ell

e, e

t dan

s le

s A

rdennes,

vo

us

n’i

mag

inez

mêm

e pas

! M

on g

rand

-pèr

e s’

appela

it P

aul, P

aul

Ro

bin

et.

Peu

t-êt

re a

-t-i

l ét

é gar

de

cham

pêt

re p

endan

t la

guer

re ?

Malh

eure

use

-

ment,

je

n’a

i p

lus

per

sonne

à qu

i dem

and

er.

»

“Mi

stup

irebbe

davver

o.”

valu

tò.

“Ci

sono

par

ecch

ie f

am

igli

e R

obin

et

nei

din

torn

i d

i V

ireu

x”

conti

nuò

“e

nell

e A

rdenne

no

n può nea

nche

imm

agin

are!

Mio

no

nno

si

chia

mava

Pau

l, P

aul

Ro

bin

et.

Fors

e ha

fatt

o

la g

uar

dia

cam

pes

tre

dura

nte

la

guer

ra?

Sfo

rtunata

mente

, no

n h

o p

ness

uno

a c

ui chie

der

lo.”

To

ut ce

qu

i lu

i re

stait

d’e

ux é

tait

une

vie

ille

pho

togra

phie

bo

uff

ée

par

les

mit

es d

ans

un g

renie

r. S

on a

rriè

re-g

rand

-pèr

e et

sa

fem

me,

en h

abit

s du

dim

anche,

à l

’air

do

ux e

t au

x y

eux n

oir

s, i

ncr

ust

és d

e ch

arbo

n.

Tutt

o c

iò c

he

le r

imaneva

di

loro

era

una

vec

chia

fo

togra

fia

mang

iata

dall

e ta

rme

in u

na

soff

itta

. Il

suo

bis

no

nno

e s

ua

mo

gli

e, v

est

iti

a fe

sta,

dall

’asp

etto

do

lce

e dag

li o

cchi

ner

i, i

ncr

ost

ati d

i car

bo

ne.

C’é

tait

en é

vo

quan

t le

s his

toir

es d

e fa

mil

le e

t le

urs

sec

rets

que

no

us

en

arri

vâm

es à

so

n a

ctiv

ité

de

psy

cho

logue

cli

nic

ienne.

Fu e

vo

cando

le

sto

rie

dei

suo

i fa

mig

liar

i e

i lo

ro s

egre

ti c

he

arri

vam

mo

al su

o l

avo

ro d

i psi

colo

ga

clin

ica.

« J

’ai tr

avail

lé t

oute

ma

vie

po

ur

des

ON

G. J’

ai te

rmin

é hie

r une

mis

sio

n

dan

s le

cam

p d

e ré

fug

iés

de

Cala

is »

, ex

pli

qua-

t-el

le.

“Lavo

ro d

a se

mpre

per

dell

e O

NG

. Ie

ri h

o t

erm

inat

o u

na

mis

sio

ne

nel

cam

po

pro

fug

hi d

i C

ala

is”

spie

.

La

spéc

iali

té d

e F

ranço

ise

? L

e st

ress

po

st-t

raum

atiq

ue.

Là,

ell

e re

ntr

ait

dan

s le

s A

rdennes

se

réco

nfo

rter

auprè

s des

sie

ns.

La

der

niè

re h

isto

ire

do

nt

elle

s’é

tait

occ

upée

l’a

vait

fait

vie

illi

r de

vin

gt

ans.

La

spec

ialità

di

Fra

nço

ise?

Lo

str

ess

po

st-t

raum

atic

o.

In q

uel

mo

mento

torn

ava

nell

e A

rdenne

a ri

nvig

ori

rsi dall

a su

a fa

mig

lia.

L’u

ltim

a st

ori

a d

i

cui si

era

occ

upat

a l’

aveva

fatt

a in

vec

chia

re d

i vent’

anni.

« P

ourt

ant,

j’a

i su

ivi

des

cas

plu

s d

iffi

cil

es,

je

ne

saura

i ja

mais

po

urq

uo

i

celu

i de

Kas

im e

t K

ayo

osh

m’a

heu

rtée

de

ple

in f

ouet

, co

mm

e ça

. »

“Eppure

ho

seg

uit

o c

asi

più

dif

ficil

i. N

on s

aprò

mai

per

ché

quello

di

Kasi

m e

Kayo

osh

mi

ha

colp

ita

in p

ieno

, co

sì.”

Alo

rs,

Fra

nço

ise,

sa

ns

le sa

vo

ir,

s’ét

ait

m

ise

à ra

conte

r la

pre

miè

re

his

toir

e d’a

mo

ur

do

nt

j’all

ais

me

serv

ir p

our

tente

r de

rafi

sto

ler

cell

e,

manquée

po

ur

toujo

urs

, en

tre

Mo

ïse

et m

on p

ère m

ala

de,

et

cell

e, q

ui

rest

ait

à sa

uver

, en

tre

ce p

ère

mala

de e

t m

oi…

Dunque

Fra

nço

ise,

senza

sap

erlo

, si

era

mess

a a r

acco

nta

re l

a pri

ma

sto

ria

d’a

mo

re d

i cu

i m

i sa

rei

serv

ito

per

ten

tare

di

ratt

oppar

e quel

la

per

sa p

er s

em

pre

tra

Mo

ïse

e m

io p

adre

mala

to e

quell

a ch

e ri

maneva

da

salv

are

tra

quel

pad

re m

ala

to e

d io

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95

Au

jourd

’hu

i

His

toir

e de

Kayo

osh

et

Kas

im

Al g

iorn

o d

’oggi

Sto

ria

di

Kayo

osh

e K

asim

Kasi

m a

29 a

ns

quan

d s

a tr

ajec

toir

e de

vie

per

cute

cell

e de

ma

vo

isin

e de

com

par

tim

ent.

Par

ti d

e M

oss

ou

l, e

n I

rak,

il d

ébar

que

à C

ala

is a

prè

s un

long

pér

iple

. L

’acc

om

pag

nent

son

épo

use

, K

ayoo

sh,

et

leurs

deu

x

enfa

nts

: u

ne

pet

ite

de

3 a

ns

et u

n b

ébé

à naît

re.

Kasi

m h

a 29 a

nni

quando

il

cors

o d

ella

sua

vit

a si

sco

ntr

a co

n q

uel

lo

dell

a m

ia v

icin

a d

i sc

om

par

tim

ento

. P

arti

to d

a M

osu

l, i

n I

raq,

sbar

ca a

Cala

is d

opo u

n l

ungo

via

gg

io.

Lo

acc

om

pag

nano

sua

mo

gli

e, K

ayo

osh

,

e i

loro

due

fig

li:

una

bim

ba

di 3 a

nni e

un b

am

bin

o n

on a

nco

ra n

ato.

« I

ls o

nt

dû f

uir

ense

mb

le l

a pro

gre

ssio

n d

e l’

Éta

t is

lam

ique.

Kayo

osh

n’a

ime

pas

Kasi

m,

et j

e l’

ai

tout

de

suit

e se

nti

. E

lle

a 21 a

ns,

c’e

st u

n

mar

iage

arra

ngé.

Qu

i peu

t im

agin

er c

ela

, ic

i ?

» s

’inte

rro

gea

Fra

nço

ise,

le r

egar

d f

ixem

ent

atta

ché

à la

plu

ie q

ui ri

nça

it l

a fe

nêt

re d

u t

rain

.

“So

no

do

vuti

fu

gg

ire

insi

em

e dall

’avanza

ta

dello

S

tato

is

lam

ico

.

Kayo

osh

no

n

am

a K

asim

e

l’ho

ca

pit

o

subit

o.

Ha

21

anni,

è un

mat

rim

onio

co

mbin

ato

. C

hi

lo

può

imm

ag

inare

, qui?

” si

chie

se

Fra

nço

ise,

lo

sguar

do f

isso

su

lla

pio

gg

ia c

he

bag

nava

il f

inest

rino

del

tren

o.

Arr

iver

n’i

mpo

rte

où,

atte

ndre

des

heu

res,

se

cacher

, av

oir

faim

, so

if,

fro

id,

se s

enti

r sa

le,

gri

mper

dan

s des

cam

ions

au c

répusc

ule

, au

pet

it

mat

in,

à m

inu

it,

un b

ébé

sur

son s

ein

, u

n a

utr

e dan

s le

ventr

e, l

a lo

ngue

atte

nte

sur

Lam

ped

usa

avant

de

gag

ner

Cala

is.

Arr

ivar

e in

quals

iasi

po

sto,

aspet

tare

del

le o

re,

nas

conder

si,

aver

e fa

me,

sete

, fr

eddo

, se

nti

rsi

spo

rchi,

sali

re s

ui

cam

ion a

l cr

epusc

olo

, al

l’alb

a, a

mez

zano

tte,

co

n u

n b

am

bin

o s

ul

pro

pri

o s

eno

, un a

ltro

nell

a pan

cia

, la

lunga

atte

sa a

Lam

ped

usa

pri

ma

di ra

gg

iunger

e C

ala

is.

Là,

je

pensa

i à

mo

n g

rand

-pèr

e. À

sa

fam

ille

, à

ses

vo

isin

s et

à s

on v

illa

ge

fuyant

l’avancé

e des

Pru

ssie

ns

dans

la f

orê

t.

In q

uel

mo

mento

pen

sai

a m

io n

onno

. A

lla

sua

fam

igli

a, a

i su

oi

vic

ini

e

a i

suo

i co

mpaes

ani

mentr

e fu

gg

ivano

dal

l’avanza

ta d

ei P

russ

iani

nell

a

fore

sta.

« L

eur

vio

lence

… C

’est

à c

ause

d’e

lle

qu

’on m

’a f

ait

appele

r. L

a clo

iso

n

des

cas

es n

’est

pas

épais

se,

ils

s’éc

hang

ent

des

co

ups

en p

erm

anence

, au

po

int

que

leurs

cri

s ré

veil

lent

tout

le m

onde.

Les

vo

isin

s n’e

n p

euvent

plu

s. E

t to

ut

le c

am

p p

arle

d’e

ux.

»

“La

loro

vio

lenza

… È

per

quel

lo c

he

mi

hanno

chia

mat

a. L

e par

eti dell

e

bar

acch

e no

n s

ono

spes

se,

si p

icchia

no

sem

pre

, al

punto

che

le l

oro

url

a

sveg

liano

tutt

i. I

vic

ini

no

n n

e po

sso

no

più

. E

tutt

o i

l ca

mpo

par

la d

i

loro

.”

Page 102: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

96

Imag

e de

tante

Hél

ène

et d

e sa

flo

pée

de

mar

mo

ts s

e ré

fug

iant

la n

uit

chez

eux,

po

ur

échap

per

à l

’oncle

Jac

ques

que

le v

in r

end m

auvais

.

Imm

agin

o l

a zia

Hélè

ne

e la

sua

sfil

za d

i m

arm

occ

hi

che

si r

ifug

iano

di

no

tte

a ca

sa d

ell

a fa

mig

lia

di

Mo

ïse

per

sfu

gg

ire

allo

zio

Jac

ques

, ch

e

div

enta

cat

tivo

a c

ausa

del

vin

o.

« U

n s

oir

, c’

en e

st t

rop.

Kayo

osh

et

les

pet

its

sont

em

menés

à l’

écar

t, e

n

sécu

rité

. K

asim

se

lam

ente

à l

’entr

ée d

e le

ur

abri

, l’

exis

tence

lu

i es

t

insu

ppo

rtab

le,

il n

e s’

y a

ccro

che

plu

s qu

e po

ur

ses

enfa

nts

. S

on e

spo

ir

est

po

urt

ant

de

const

ruir

e po

ur

eux u

n m

eil

leur

aven

ir q

ue

celu

i qu

i le

s

atte

nd d

ans

un p

ays

ravag

é par

les

bo

mbes

. Il

par

t se

réf

ug

ier

au f

ond d

e

sa c

ase,

no

us

crie

: “

Si

on m

’enlè

ve

les

enfa

nts

, je

m’i

mm

ole

rai

par

le

feu.”

»

“Una

sera

, è

dav

ver

o t

roppo. K

ayo

osh

e i

pic

coli

ven

go

no

allo

nta

nat

i, a

l

sicu

ro.

Kas

im s

i la

menta

all

’ingre

sso

del

lo

ro r

ifug

io,

l’es

iste

nza

per

lu

i

è in

soppo

rtab

ile,

si

aggra

ppa

solo

ai

suo

i fi

gli

. T

utt

avia

, la

su

a sp

eranza

è d

i co

stru

ire

per

lo

ro u

n f

utu

ro m

igli

ore

di

quell

o c

he

li a

spet

ta i

n u

n

Pae

se d

evas

tato

dal

le b

om

be.

Va

a ri

fug

iars

i nell

a s

ua

bar

acca

, ci

url

a:

“Se

mi

tolg

ono

i b

am

bin

i, m

i dar

ò f

uo

co.”

Un vent

gla

cé tr

aver

se

leurs

vie

s et

le

ur

bar

aque,

des

co

upel

les

en

pla

stiq

ue

sont

savam

ment

dis

po

sées

sur

le s

ol

afi

n d

e ré

cupér

er l

’eau

pota

ble

qu

i go

utt

e par

les

tro

us

du to

it. L

es jo

uet

s des

pet

its,

des

fig

uri

nes

de

super

-hér

os

amér

icain

s, j

onchent

le s

ol.

Un v

ento

gel

ido

att

raver

sa l

e lo

ro v

ite

e la

lo

ro b

arac

ca, dell

e co

ppet

te d

i

pla

stic

a so

no

ab

ilm

ente

dis

po

ste

per

te

rra

allo

sc

opo

di

recu

per

are

l’ac

qua

pota

bil

e che

go

ccio

la a

ttra

ver

so i

bu

chi

del

tett

o.

I gio

catt

oli d

ei

bam

bin

i, d

ei pupazz

etti

di su

per

ero

i am

eric

ani, c

osp

argo

no il p

avim

ento

.

« E

t j’

ai

mar

ché

des

sus

»,

dit

Fra

nço

ise,

co

mm

e si

c’é

tait

gra

ve,

et

sans

do

ute

l’e

st-c

e un p

eu p

our

ell

e à

ce m

om

ent-

là.

“E c

i ho

cam

min

ato

so

pra

” dis

se F

ranço

ise

com

e se

fo

sse

una

cosa

gra

ve

e se

nza

dubbio

in q

uel

mo

mento

per

lei

un p

o’

lo e

ra.

Ils

n’a

vaie

nt

que

de

la

do

ule

ur

et

de

la

colè

re

à s’

échang

er,

des

inte

rro

gat

ions

auss

i :

rest

er ?

P

arti

r ?

Rentr

er

au

pays

? T

ente

r

l’A

ng

lete

rre

?

Avevano

so

lo i

l do

lore

e la

rabbia

da

scam

bia

rsi e

anche

dell

e do

mande:

rest

are?

Par

tire

? T

orn

are

al P

aese

? T

enta

re d

i an

dare

in I

ng

hil

terr

a?

« E

t ce

s gam

ins

entr

e eu

x,

ces

go

sses

inno

cents

qui

ont

été

bala

ncé

s su

r

terr

e au

mau

vais

endro

it, au

mau

vais

mo

ment.

»

“E t

ra d

i lo

ro q

uei

bam

bin

i, q

uei

pic

coli

inno

centi

che

sono

sta

ti g

etta

ti

sull

a T

erra

nel po

sto s

bag

liat

o e

al

mo

mento

sbag

liat

o.”

Fra

nço

ise

Ro

bin

et s

’inte

rro

mp

it,

les

main

s o

uver

tes,

im

pu

issa

nte

s. I

l m

e

sem

bla

it l’

aper

cevo

ir,

deb

out,

se

ule

, des

pans

de

bâc

he

en p

last

ique

Fra

nço

ise

Ro

bin

et

s’in

terr

uppe,

co

n

le

mani

aper

te,

impo

tenti

. M

i

sem

brò

di sc

org

erla

, in

pie

di,

da

sola

, co

n d

ei pez

zi

di te

li d

i p

last

ica

che

Page 103: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

97

vo

lant

auto

ur

de

sa t

ête,

les

pie

ds

dans

la b

oue

de

ce c

am

p d

e l’

enfe

r, u

n

cam

p c

om

me

tous

les

cam

ps,

d’u

ne

guer

re a

bsu

rde

com

me

toute

s le

s

guer

res.

M

ais

ce

m

alh

eur

terr

ible

, si

el,

et

si

lo

inta

in

po

ur

mo

i

aujo

urd

’hu

i, m

oi

l’enfa

nt

d’u

n O

ccid

ent

en paix

, qu’e

st-c

e que

j’en

connais

sais

?

vo

lavano

into

rno

all

a su

a te

sta

e i p

ied

i nel fa

ngo

di q

uel c

am

po

infe

rnale

,

un c

am

po

co

me

tutt

i g

li a

ltri

cam

pi, n

ato

da

una

guer

ra a

ssurd

a co

me

tutt

e le

alt

re g

uer

re.

Ma

di

quell

a d

isgra

zia

ter

ribil

e, c

osì

rea

le e

co

lonta

na,

al

gio

rno

d’o

ggi, p

er m

e, f

igli

o d

i un O

ccid

ente

in p

ace,

io

che

ne

sap

evo

?

« A

u m

om

ent

de

mo

n d

épar

t, r

epri

t-ell

e, K

ayo

osh

a s

urg

i. E

lle

venait

d’a

ppre

ndre

le

pro

jet

suic

idair

e de

son é

po

ux. E

lle

asper

ge

sa r

obe

et l

es

murs

de

leur

case

d

’ess

ence

et

m

e d

it devant

lui

en se

fr

appant

la

po

itri

ne

: “J

e pen

sais

ne

pas

aim

er K

asim

, m

ais

no

us

avo

ns

trav

ersé

tro

p

d’é

pre

uves

ju

squ’à

pré

sent.

Si K

asim

brû

le, no

us

brû

lero

ns

ense

mb

le.”

»

“Quando

sta

vo

per

andar

mene”

rip

rese

“K

ayo

osh

spuntò

fuo

ri.

Aveva

appen

a sa

puto

del

pro

get

to s

uic

ida

di su

o m

arit

o. C

osp

arse

il

suo

ves

tito

e i

muri

dell

a lo

ro b

arac

ca d

i benzin

a e

mi

dis

se d

avanti

a l

ui, b

atte

ndo

si

il p

etto

: “P

ensa

vo

di

no

n a

mar

e K

asi

m,

ma

abbia

mo

aff

ronta

to t

roppe

pro

ve

fino

ad o

ra.

Se

Kas

im b

rucia

, bru

cere

mo

insi

em

e.””

Un l

ong s

ilence

no

us

a cu

eil

lis,

Fra

nço

ise

et m

oi,

ju

squ’à

l’a

rriv

ée e

n

gar

e de

Char

levil

le.

Ci

ha

colt

i u

n l

ungo

sil

enzio

, a

me

e a

Fra

nço

ise,

fin

o a

ll’a

rriv

o a

lla

staz

ione

di C

har

levil

le.

Avant

de

no

us

sépar

er,

no

us

no

us

som

mes

pro

mis

de r

este

r en

co

nta

ct :

je l

a ti

endra

is a

u c

oura

nt

de

mes

rec

her

ches

, ta

nd

is q

u’e

lle

m’e

nver

rait

une

cop

ie d

u c

liché

de

ses

gra

nds-

par

ents

.

Pri

ma

di se

par

arci, c

i si

am

o r

ipro

mes

si d

i ri

maner

e in c

onta

tto:

io l’a

vre

i

tenuta

al

corr

ente

dell

e m

ie r

icer

che,

mentr

e le

i m

i avre

bbe

inv

iato

una

copia

dell

a fo

to d

ei su

oi

no

nni.

To

ute

s le

s ép

reuves

de

la t

erre

peu

vent

se d

ress

er e

n t

raver

s de

no

s

his

toir

es d

’Ho

mm

es,

au m

om

ent

exac

t o

ù l

a m

ort

fra

ppe

à la

po

rte,

les

ancie

nnes

hain

es s

ont

bala

yée

s, l

es

défe

nse

s to

mben

t et

il

ne

rest

e que

cela

: l

’urg

ence

d’ê

tre

pré

sent

po

ur

l’au

tre

et d

e ne

pas

céd

er u

n p

ouce

de

terr

ain à

l’a

igre

ur,

aux r

egre

ts o

u à

la

féro

cité

du m

onde.

En c

ela

, le

récit

de

Fra

nço

ise

const

ituait

la

pre

miè

re p

ierr

e du p

ont

qui

all

ait

me

ram

ener

ver

s m

on p

ère.

Notr

e bro

uil

le f

ais

ait

pâle

fig

ure

co

mpar

ée

à ce

Tutt

e le

pro

ve

dell

a T

erra

po

sso

no s

bar

rare

la

stra

da

alle

no

stre

sto

rie

di

Uo

min

i. N

el

mo

mento

esa

tto

in c

ui

la m

ort

e b

uss

a all

a po

rta,

i v

ecch

i

ranco

ri

vengo

no

sp

azza

ti

via

, le

d

ifes

e ca

do

no

e

rest

a so

lo ques

to:

l’urg

enza

di

esse

re p

rese

nte

per

l’a

ltro

e d

i no

n c

eder

e nem

meno

di

un

mil

lim

etro

all

a vio

lenza,

ai

rim

pia

nti

o a

lla

fero

cia

del

mo

ndo

. In

tutt

o

ques

to,

il r

acco

nto

di

Fra

nço

ise

cost

itu

iva

la p

rim

a p

ietr

a del

po

nte

che

mi

avre

bbe

ripo

rtat

o

a m

io

pad

re.

Il

no

stro

dis

sapo

re

era

nu

lla

in

Page 104: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

98

que

ce c

ouple

avait

dû a

ffro

nte

r. L

eur

his

toir

e no

us

oblig

eait

, m

on p

ère

et m

oi.

confr

onto

a c

iò c

he

quell

a co

ppia

aveva

do

vuto

aff

ronta

re. L

a lo

ro s

tori

a

ci

univ

a, a

me

e a

mio

pad

re.

Quan

d,

au t

élé

pho

ne,

je

lui

dét

ail

lai

cett

e re

nco

ntr

e in

atte

ndue,

puis

le

no

m d

e je

une

fill

e de

Fra

nço

ise,

sa

pre

miè

re r

éact

ion f

ut

un c

ri o

ù l’é

ton

-

nem

ent

le p

lus

pro

fond l

e par

tagea

it à

la

plu

s ré

confo

rtan

te e

xcit

atio

n

(auss

i, e

t su

rto

ut,

de

la r

eco

nnais

sance

enver

s m

oi, m

oi

qu

i n

’esp

érais

que

cela

). V

oil

à po

urq

uo

i, l

ors

qu’i

l m

e fi

t la

rem

arque

suiv

ante

:

Quan

do

, al te

lefo

no

, gli

rac

conta

i nei det

tagli q

uell

’inco

ntr

o inat

teso

, po

i

gli d

issi

il

cogno

me

da

nu

bil

e d

i F

ranço

ise,

la

sua

pri

ma

reaz

ione

fu u

n

url

o in c

ui

univ

a lo

stu

po

re p

iù p

rofo

ndo

all

a p

iù c

onfo

rtan

te e

ccit

azio

ne

(ma

c’er

a anche,

e s

opra

ttutt

o,

del

la r

ico

no

scen

za n

ei

mie

i co

nfr

onti

, io

che

sper

avo

so

lo i

n q

uello

). E

cco p

erch

é, q

uan

do

mi

fece

l’o

sser

vaz

ione

seguente

:

« M

ais

il

do

it y

en a

vo

ir p

lein

, des

fam

ille

s R

obin

et,

dan

s le

s A

rdennes,

no

n ?

»

“Ma

dev’e

sser

e p

ieno

di

fam

igli

e R

obin

et n

ell

e A

rden

ne,

no

?”

Je n

’ai p

as s

u r

épo

ndre

autr

ement

: N

on r

iusc

ii a

ris

po

nder

e alt

rim

enti

:

« D

étro

mpe-

toi

! T

rès

peu

! »

“T

i sb

agli

! C

e ne

sono

po

chis

sim

e!”

Oh,

c’ét

ait

un

min

usc

ule

m

enso

nge,

ri

dic

ule

m

êm

e, m

ais

la

rgem

ent

suff

isant

po

ur

sem

er l

a gra

ine

du d

oute

dan

s sa

têt

e. J

e la

issa

is u

ne

po

rte

ouver

te à

so

n i

mag

inat

ion s

urc

hau

ffée

.

Ah, er

a una

bug

ia m

inu

sco

la, per

fino

rid

ico

la,

ma

larg

am

ente

su

ffic

iente

per

pia

nta

re il se

me

del du

bbio

nell

a su

a te

sta.

Las

cia

vo

una

po

rta

aper

ta

all

a su

a im

mag

inaz

ione

surr

isca

ldat

a.

« À

no

tre

arri

vée

en g

are,

Fra

nço

ise

Ro

bin

et a

posé

une

main

sur

mo

n

bra

s et

s’e

st c

onfi

ée

une

der

niè

re f

ois

. E

lle

avait

cru

lo

ngte

mps

que

la

rela

tio

n

entr

e K

asim

et

K

ayo

osh

re

levait

du

sim

ple

devo

ir

face

à

l’ad

ver

sité

, m

ais

en m

e par

lant

dan

s ce

tr

ain ell

e avait

so

udain

pri

s

consc

ience

d’a

utr

e ch

ose

: c

e qu’e

lle

avait

surp

ris

dan

s le

urs

yeu

x c

e

jour-

là é

tait

plu

s gra

nd q

ue

de

la f

idéli

té.

C’é

tait

la

révéla

tio

n p

our

l’u

n

com

me

po

ur

l’au

tre

d’u

ne

po

ssib

ilit

é.

“Al

no

stro

arr

ivo

all

a st

azio

ne,

Fra

nço

ise

Ro

bin

et h

a ap

po

ggia

to u

na

mano

su

l m

io b

racc

io e

si

è co

nfi

dat

a un’u

ltim

a vo

lta.

Aveva

cred

uto

a

lungo

che

la r

ela

zio

ne

tra

Kas

im e

Kayo

osh

dip

endes

se s

em

pli

cem

ente

dal

do

ver

af

fro

nta

re

le

avver

sità

, m

a par

lando

mi

in

quel

tren

o

all

’im

pro

vvis

o s

i er

a re

sa c

onto

di

un’a

ltra

co

sa:

ciò c

he

aveva

colt

o n

ei

loro

occ

hi

quel

gio

rno

era

più

gra

nd

e dell

a fe

delt

à. P

er e

ntr

am

bi

era

la

rivela

zio

ne

di u

na

po

ssib

ilit

à.”

Page 105: À mon oncle Tino,tesi.cab.unipd.it/63554/1/Alessia_Daniele_2019.pdfÀ mon oncle Tino, qui est toujours dans mon cœur II III TABLE DES MATIÈRES Introduction 1 CHAPITRE 1 : Des théories

99

– U

ne

po

ssib

ilit

é ?

a dem

andé

mo

n p

ère.

“U

na

po

ssib

ilit

à?”

ha

chie

sto m

io p

adre

.

– U

ne

his

toir

e d’a

mo

ur,

peu

t-êt

re.

Une

vra

ie.

“Una

sto

ria

d’a

mo

re,

fors

e. U

na

ver

a.”

– E

lle

le c

royait

vra

iment

? “L

o c

redev

a dav

ver

o?”

– E

lle

n’a

rie

n g

aran

ti,

pap

a. E

lle

a ju

ste

hau

ssé

les

épau

les,

l’a

ir s

ubit

e-

ment

apais

é, s

on c

orp

s ac

cablé

s’e

st r

edre

ssé,

com

me

guér

i, p

uis

, au

mo

ment

d’a

ttra

per

so

n p

etit

bag

age,

ell

e a

ajo

uté

qu’e

lle

n’y

pensa

it q

ue

main

tenant,

mais

qu

’ell

e n’a

vait

pas

rép

ondu à

la q

ues

tio

n q

ue

je lu

i avais

po

sée

en e

ntr

ant

dan

s le

tra

in.

“No

n m

i ha

gar

anti

to n

iente

, pap

à. H

a so

lo a

lzat

o l

e sp

all

e, c

on i

l vis

o

impro

vvis

am

ente

ras

sere

nat

o,

il s

uo

co

rpo

appes

anti

to s

i è

raddri

zzat

o,

com

e guar

ito,

po

i, a

l m

om

ento

di

pre

nder

e la

sua

vali

get

ta,

ha

aggiu

nto

che

ci

pensa

va

solo

ades

so,

che

no

n a

veva

risp

ost

o a

lla

do

manda

che

le

avevo

fat

to e

ntr

ando n

el tr

eno

.”

– L

aquell

e ?

“Quale

?”

– “

Et

vo

us,

co

mm

ent

réuss

isse

z-v

ous

à ne

pas

avo

ir p

eur

en v

oyag

e ?

““E

lei,

co

me

fa a

no

n a

ver

e pau

ra m

entr

e è

in v

iagg

io?”

Ell

e m

’a r

épo

ndu e

n r

iant

: “C

’est

le

reg

ard d

e K

ayo

osh

qu

i m

’a d

onné

la r

épo

nse

: i

l su

ffit

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101

CHAPITRE 4

Commentaire à la traduction

Le commentaire d’une traduction analyse et explique les modifications apportées

au texte traduit par rapport à l’original.

Toutes les modifications analysées dans ce chapitre sont le fruit d’un travail dans

le travail : en effet, elles ont été repérées au fur et à mesure que la traduction progressait.

Chaque type de modification est accompagné d’un ou plusieurs exemples. De plus, les

observations ont été divisées selon la branche linguistique analysée, à savoir lexique, syn-

taxe et morphologie : c’est par cette dernière que l’analyse commencera.

4.1. Observations de type morphologique

Vu que la langue française a une morphologie pareille à celle de la langue ita-

lienne, les modifications de type morphologique ont été inférieures en fréquence par rap-

port aux autres, dont il sera question dans les paragraphes suivants. Il est quand même

nécessaire leur consacrer de l’attention.

Dans la plupart des cas, les changements morphologiques apportés dans la traduc-

tion consistaient en remplacements, qui pouvaient concerner des mots appartenant à la

même catégorie grammaticale ou à deux catégories différentes.

Quant au premier cas, deux phénomènes ont été relevés au cours du travail. Le

premier consistait dans le changement de pronom : en particulier, le pronom personnel

complément d’objet indirect pluriel « leur » est remplacé, en italien, par le complément

indirect singulier « gli ». Ce phénomène a été appliqué dans le passage suivant, où la mère

de Moïse informe ses enfants du fait que les soldats allemands ont réquisitionné leur

chambre :

Je suis obligée de leur céder la

vôtre, les garçons.

Sono costretta a cedergli la

vostra, ragazzi.

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En italien, l’emploi du « loro » en tant que pronom personnel complément d’objet indirect

est restreint au langage écrit. Donc, son insertion dans une réplique d’un dialogue aurait

été jugée comme peu spontanée et lourde. En plus, dans ce cas, elle aurait été même peu

cohérente avec le langage typique de la classe sociale du personnage qui parle, une femme

provenant d’un milieu populaire. Cependant, parfois le pronom « gli » peut être employé

au dehors du langage oral, comme dans le passage qui suit, où Moïse décrit les prisonniers

russes :

Ils étaient hirsutes, (…) grima-

çant quand on leur collait une

baïonnette au creux des reins

pour qu’ils montent eux-mêmes

les baraquements entourés de

barbelés.

Erano irsuti, (…) facevano una

smorfia quando gli si incollava

una baionetta al fondoschiena

perché montassero da soli le

baracche circondate di filo

spinato.

En ce cas, le pronom « gli » a rendu plus coulissante une phrase complexe particulière-

ment longue. Enfin, le dernier type de variation concerne les changements de temps ver-

bal, qui peuvent se produire pour des raisons différentes. À cette occasion, trois d’entre

elles seront prises en considération. D’abord, les changements de temps verbal peuvent

être opérés pour donner à une phrase une connotation de possibilité ou de certitude. La

phrase qui suit est tirée du prologue du roman :

Combien de temps auras-tu mis pour écrire votre histoire, à tous les deux ?

Le verbe au futur antérieur « auras-tu mis » a été observé. Comme chacun le sait, le futur

antérieur est employé, tant en français qu’en italien, également pour faire une supposition,

ce qui semblait être le cas de cette question. Cependant, elle était suivie par une réponse :

Une existence entière.

Du coup, la phrase n’exprimait plus une possibilité, mais une certitude. Si, en français,

l’emploi du futur antérieur était acceptable en ce cas, en italien, il ne l’était pas. Il valait

mieux employer un autre temps verbal qui exprimait mieux l’idée de certitude, à savoir

le passé composé :

Quanto tempo ci hai messo a scrivere la vostra storia, la storia di tutti e due?

Un’intera esistenza.

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103

Ensuite, les temps verbaux peuvent être modifiés pour mettre en évidence la ponctualité

d’une action que le texte original fait sembler comme progressive. À cet effet, le passé

simple remplace l’imparfait et le plus-que-parfait originaux dans l’exemple qui suit :

Sitôt son service militaire ter-

miné, mon père avait dû épouser

ma mère rapidement.

Non appena ebbe terminato il

servizio militare, mio padre

dovette sposare mia madre

rapidamente.

Vice-versa, une action ponctuelle dans le texte original a été transformée en durative :

Il a eu l’air réjoui. Aveva un’aria felice.

Pour les phrases exprimant des actions progressives dans le passé, l’imparfait a été rem-

placé en italien par une périphrastique composée du verbe « stare » et du gérondif :

Quelques minutes après, je tenais

sa tête en attendant les secours.

Qualche minuto dopo, gli stavo

tenendo la testa aspettando i

soccorsi.

Enfin, la phrase suivante contenait une action apparemment progressive. En réalité, cette

action allait s’accomplir et elle a été traduite par une autre périphrastique, composée de

« stare per » et un verbe à l’infinitif :

Nous étions en train d’adopter ta

sœur.

Stavamo per adottare tua sorella.

La dernière, mais non la moindre, raison concerne le respect de la « consecutio tempo-

rum », à savoir la concordance des temps verbaux des propositions subordonnées avec

ceux des phrases principales auxquelles elles sont liées. L’exemple qui suit a été observé :

Lorsqu’il me fit la remarque suivante (…), je n’ai pas su répondre autrement.

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Subordonnée et principale auraient dû présenter le même temps verbal en italien. Par

conséquent, le passé composé de la principale a été transformé en un passé simple :

Quando mi fece l’osservazione seguente (…), non riuscii a rispondere altrimenti.

Ce phénomène peut concerner aussi plusieurs phrases à la fois qui sont liées entre elles,

par exemple par un rapport de succession temporelle. Un exemple repose dans les lignes

qui suivent, où Françoise Robinet narre le suicide de Kayoosh :

Elle venait d’apprendre le projet suicidaire de son époux. Elle asperge sa robe et les

murs de leur case d’essence.

Les deux phrases constituaient une succession d’actions, mais si la première était au

passé, la deuxième contenait un verbe au présent, « asperge ». Dans la traduction, il a été

nécessaire de mettre la deuxième phrase aussi au passé, pour donner un effet de continuité

avec la première :

Aveva appena saputo del progetto suicida di suo marito. Cosparse il suo vestito e i muri

della loro baracca di benzina.

Enfin, la continuité doit se produire aussi quand une des phrases contient un verbe au

subjonctif :

Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Qu’il s’assoie et confesse…

La première phrase était au passé, tandis que la deuxième contenait un subjonctif présent :

une présence due probablement au faible emploi du subjonctif imparfait dans la langue

française. L’italien, au contraire, en fait un usage plus fréquent et c’est ce temps qui a été

employé dans la traduction :

Non so bene cosa mi aspettassi. Che si sedesse e confessasse…

Maintenant, l’attention se porte sur le remplacement de mots appartenant à deux

catégories grammaticales différentes et, en particulier, sur l’emploi des adjectifs posses-

sifs dans la langue française. Cependant, avant d’expliquer comment ils sont remplacés

dans la langue italienne, il est nécessaire de remarquer comment leur usage en français

est plus large qu’en italien. Dans la phrase suivante, par exemple, Moïse décrit sa mère :

Ma mère, Marie de son prénom, Bastien de son nom, (…) ne sortait que depuis son dix-

septième anniversaire.

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Le français « de son prénom/nom » a été traduit en italien par « che faceva di nome/co-

gnome » : par conséquent, l’adjectif possessif présent dans le texte original a disparu dans

la traduction. Quant au syntagme « ne sortait que depuis son dix-septième anniversaire »,

la traduction littérale « usciva solo dal suo diciassettesimo compleanno » n’aurait pas

marché en italien. Par conséquent, il valait mieux faire un changement total, un phéno-

mène dont il sera question dans la deuxième section du chapitre et qui a fait disparaitre

l’adjectif possessif une deuxième fois. Ainsi, la phrase originale a été traduite comme

suit :

Mia madre, che faceva Marie di nome e Bastien di cognome, (…) aveva il permesso di

uscire solo da quando aveva compiuto 17 anni.

Après avoir fait cette constatation générale, il faut concentrer l’attention sur un cas parti-

culier. Il convient de noter la phrase suivante, où Moïse parle de son père :

Il m’amusait en faisant passer son allumette sous les quatre pieds de la lampe à pétrole.

Dans ce passage, le problème se posait dans la traduction de « son allumette ». La traduc-

tion littérale « il suo fiammifero » aurait fait penser au lecteur italien que le père de Moïse

n’avait qu’une seule allumette et il l’utilisait pour allumer la lampe tous les jours, mais,

puisque cette allumette n’était pas magique et que les allumettes sont jetables, ce n’était

pas possible. Au contraire, il était plus probable qu’il possédait plusieurs allumettes et

qu’il en allumait une chaque soir. En effet, en français, un adjectif possessif peut être

employé à la place de l’article défini simple quand il se réfère à une catégorie générale.

Par conséquent, en italien, « son allumette » a été traduite par « un fiammifero » :

Mi faceva divertire facendo passare un fiammifero sotto ai quattro piedi della lampada

a petrolio.

Le troisième cas de changement morphologique concernait l’accord du nombre

avec le sujet d’une phrase et le conséquent changement de nombre, une opération qui a

été effectuée plusieurs fois au cours du travail :

« Qu’est-ce que c’est ?

– Des lettres », a-t-il grommelé.

“Cosa sono?”

“Delle lettere” ha borbottato.

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Tout le monde s’arrêtait à

l’ombre de ces arbres quelques

instants.

Tutti si fermavano per qualche

istante all’ombra di quegli alberi.

Enfin, le dernier changement concerne les noms altérés et notamment les diminu-

tifs. Même si la langue française prévoit la présence de certains suffixes pour les former,

leur usage est plus limité qu’en italien. Par conséquent, le diminutif de certains substantifs

français ayant un suffixe dans la traduction italienne se crée simplement à travers l’adjec-

tif « petit » antéposé au substantif :

En haut de la grande côte qui

plongeait dans le pays, il y avait

deux immenses châtaigniers de

mer encadrant une petite cha-

pelle, les troncs à demi rongés par

les ours.

Sulla cima del grande pendio che

si spingeva verso il paese,

c’erano due enormi ippocastani

che circondavano una cappellina,

con i tronchi rosicchiati per metà

dagli orsi.

Heureusement, nous avions une

petite chatte, Minette.

Per fortuna, avevamo una gattina,

Minette.

Certains substantifs italiens demandent quand même l’adjectif « piccolo » :

Man Fine, ma grand-mère mater-

nelle, déposa dans mon landau

une petite bible à la couverture

beige.

Nonna Fine, la mia nonna

materna, mise nella mia

carrozzina una piccola Bibbia

dalla copertina beige.

Comme déjà dit au début de la section, les variations de type morphologique

étaient peu fréquentes par rapport aux autres. En revanche, on ne peut en dire autant de

celles de type lexical, qui étaient présentes dans une plus large mesure et desquelles il

sera question dans la section qui suit.

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4.2. Observations de type lexical

Quant au lexique, le travail s’est un peu compliqué. Bien que la traduction de

Toutes les histoires d’amour du monde n’ait pas présenté des gros problèmes en général,

parfois la sémantique a produit des difficultés qui représentent quand même des pistes de

réflexion.

Tout d’abord, une des tâches essentielles du traducteur est de choisir le bon mot,

à savoir choisir le mot qui rend mieux le sens du texte original. Il n’est pas toujours un

travail facile, surtout quand il a à faire avec des mots polysémiques, qui possèdent plu-

sieurs sens. En l’espèce, Toutes les histoires d’amour du monde s’est révélé être un roman

très riche en ce dernier type de mots : vu leur grande quantité, l’analyse ne s’attardera que

sur certaines d’entre elles. La première se trouve dans la phrase qui suit, tirée du prologue

du roman :

Blonde, la mine réjouie, on la voit entrer dans un parc d’attractions et adresser un salut

poli vers le cameraman.

L’attention s’est concentrée sur « parc d’attractions ». Le site Internet de traduction en

contexte Reverso Context proposait, parmi les possibles traductions vers l’italien, « parco

di divertimenti », « luna park » et « parco giochi ». Au premier regard, toutes les trois

semblaient être appropriées, mais la vérité était toute autre. Pour la trouver, il a fallu faire

une analyse plus approfondie, qui a demandé la lecture de l’œuvre dans son intégrité. En

effet, vers la fin du roman le lecteur découvre que l’auteur se réfère à un parc Disneyland :

Ce que tu faisais, je ne m’en rappelle presque plus, tu te baignais dans la mer (…), puis

vous sortiez d’un grand parc où il n’y avait que des fleurs (j’appris plus tard que c’était

le premier parc Disneyland au monde, en Californie).

Évidemment, il n’était pas possible de considérer Disneyland comme un « parco giochi »,

à savoir un petit parc de quartier avec quelques manèges et rien d’autre. En plus, l’appeler

« luna park », « fête foraine » en italien, aurait été réducteur. Donc, en ce cas, « parco di

divertimenti » était la traduction meilleure :

Bionda, dall’aspetto felice, la si vede entrare in un parco di divertimenti e rivolgere un

saluto educato al cameraman.

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Ce cas représente une démonstration du fait qu’il est impensable de traduire une œuvre

sans l’avoir lue complètement auparavant. La narration du prologue continue avec un

autre exemple de phrase ayant un mot polysémique :

Tu sais que tu ne la reverras pas, c’est fini. Alors, j’imagine que tu as dû accueillir

chaque seconde du film, chaque grain, chaque photon.

Ici, c’était le mot « film » à poser des problèmes. Probablement un traducteur novice ne

l’aurait pas traduit, étant donné que ce terme est présent aussi dans la langue italienne.

Cependant, le « film » italien a un sens plus restreint que le français : en effet, il n’est

utilisé que pour indiquer un long-métrage destiné au cinéma ou à la télévision. Le « film »

français, au contraire, se réfère à n’importe quelle « œuvre cinématographique enregistrée

sur film » (Le Petit Robert 2016 : 1045), à savoir sur une bande de pellicule. Donc, ce

mot peut assumer aussi le sens générique de « vidéo ». Dans le cas présent, le film de la

phrase, c’est une petite vidéo de famille, tournée par un réalisateur amateur et destinée à

être vue par peu de personnes. Par conséquent, « video » était l’équivalent italien plus

approprié :

Allora, immagino che hai dovuto accogliere ogni secondo del video, ogni granello, ogni

fotone.

Le dernier mot à être pris en considération se trouvait dans la phrase suivante, où Jean

assiste au malaise de son père Denis :

Je l’ai vu soudain agripper sa poitrine de la main droite et s’effondrer sur le côté en

emportant les carnets avec lui, vers le sol.

Le mot en question, c’est le gérondif « en emportant ». Le verbe « emporter » signifie

« portare via » en italien : cependant, bien que correcte, cette traduction semblait un peu

trop générique et, en plus, ne donnait pas assez d’intensité dramatique à l’événement. Il

valait mieux choisir un équivalent plus spécifique, dans ce cas « trascinare » :

All’improvviso l’ho visto afferrare il petto con la mano destra e collassare sul fianco

trascinando i quaderni con sé, verso il pavimento.

La règle du choix du bon mot s’applique bien dans la traduction des faux amis, à

savoir des mots qui présentent une ressemblance avec des autres mots appartenant à une

autre langue, mais dont le sens est complètement différent. Un exemple de faux ami se

trouve dans la phrase suivante :

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Il a pris le Moleskine posé sur mes genoux, (…) puis sorti un cliché jauni.

Ici, il faut observer le mot « cliché », qui est employé également dans la langue italienne,

mais uniquement avec le sens d’ « idée banale généralement exprimée dans des termes

stéréotypés » (Cntrl). Par contre, en français, ce mot indique aussi une photographie. En

particulier, il s’agit d’une image prise avec un temps d’exposition très court : en italien,

elle est appelée « istantanea ». Donc, dans ce cas, « cliché », c’est un faux ami et la tra-

duction vers l’italien a été comme suit :

Ha preso la Moleskine appoggiata sulle mie ginocchia, (…) poi ha tirato fuori

un’istantanea ingiallita.

Par extension, « cliché » peut aussi indiquer une photographie en général :

Avant de nous séparer, nous nous

sommes promis de rester en con-

tact : je la tiendrais au courant de

mes recherches, tandis qu’elle

m’enverrait une copie du cliché

de ses grands-parents.

Prima di separarci, ci siamo

ripromessi di rimanere in

contatto: io l’avrei tenuta al

corrente delle mie ricerche,

mentre lei mi avrebbe inviato una

copia della foto dei suoi nonni.

Maintenant, l’analyse se déplace vers un autre exemple :

Il part se réfugier au fond de sa case, nous crie : “Si on m’enlève les enfants, je m’im-

molerai par le feu.” »

Le substantif « case » fait avoir le déclic au traducteur italien : en effet, il est très pareil à

« casa », c’est-à-dire la maison, le lieu où une personne vit. Cependant, « casa » n’est pas

la bonne traduction : d’ailleurs, le sujet de la phrase, c’est un homme qui vit dans un camp

de réfugiés, un lieu où le logement est provisoire. Par conséquent, les établissements qui

se trouvent à son intérieur ne sont pas des véritables maisons, mais plutôt des héberge-

ments rudimentaires où les services sont inexistants. Ce concept est exprimé en italien

par le terme péjoratif « baracca » :

Va a rifugiarsi nella sua baracca, ci urla: “Se mi tolgono i bambini, mi darò fuoco.””

Enfin, les substantifs ne sont pas la seule catégorie grammaticale à posséder des faux

amis. En effet, ce phénomène concerne aussi les adverbes, comme dans le cas de la phrase

suivante :

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Voilà sans doute la raison pour laquelle nous évitions soigneusement de nous retrouver

dans la même pièce depuis six mois.

Au premier regard, il aurait fallu traduire « sans doute » par son équivalent italien, « senza

dubbio », mais un problème se présentait aux yeux du traducteur. En réalité, la phrase

précitée exprimait une possibilité : donc, il aurait été erroné de traduire l’adverbe par un

autre qui, au contraire, exprimait une certitude. Il fallait un adverbe de probabilité, comme

par exemple « probabilmente » :

Probabilmente è questo il motivo per cui evitavamo con cura di ritrovarci nella stessa

stanza da sei mesi.

Une autre difficulté pour le traducteur réside dans la traduction des expressions

idiomatiques, une tâche qui parfois s’avère être presque impossible à cause du lien très

strict que ces expressions ont avec leur langue d’origine. Pourtant, il peut faire appel à

des stratégies de traduction : au cours du travail, deux d’entre elles ont été identifiées. La

première, appliquée dans la traduction de la phrase qui suit, consiste en trouver une ex-

pression équivalente dans la langue cible :

Croyez-moi sur parole, de la tête au cœur, il n’y a pas UN mot de cette mystérieuse,

extraordinaire et injuste histoire qui ne vous concerne pas.

L’expression « de la tête au cœur » a un équivalent italien : « da cima a fondo ». Il s’ensuit

que c’est ce dernier qui a été employé :

Credetemi sulla parola, da cima a fondo, non c’è UNA parola di questa misteriosa,

straordinaria e ingiusta storia che non vi riguardi.

Cependant, cette stratégie n’est pas toujours appropriée. En effet, certaines expressions

figées sont si liées à la langue française qu’il est impossible d’en trouver un équivalent

dans l’italienne. C’est ce qui se produit dans la phrase suivante, où Moïse décrit son père

Georges :

Mon père était fort grand, la barbe fournie en couenne de lard, et toute piquetée de

marguerites de cimetière, comme on disait à l’époque.

C’est maintenant que l’analyse se concentre sur l’autre stratégie repérée. D’abord, « la

barbe fournie en couenne de lard » était à observer. Quand une expression figée n’a pas

d’équivalent dans la langue d’arrivée, il vaut mieux expliquer son sens : dire que la barbe

de Georges est « fournie en couenne de lard » signifie dire qu’elle est dure, exactement

comme la couenne de lard. Dans la traduction italienne, l’expression a été transformée,

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par conséquent, en une similitude, « dura come la cotenna del lardo ». Quant à « piquetée

de marguerites de cimetière », une opération supplémentaire s’est rendue nécessaire. Les

« marguerites de cimetière », ce sont des poils blancs, donc il a fallu l’expliquer en italien

par « peli bianchi ». Cependant, la suite de la phrase, « comme on disait à l’époque »,

demandait que l’expression originale apparaisse aussi dans la traduction. Ainsi, elle a été

traduite littéralement et mise entre guillemets pour mettre en évidence le fait qu’elle n’est

pas propre à l’italien. Le résultat final a été comme suit :

Mio padre era molto alto, aveva la barba dura come una cotenna e tutta punteggiata di

peli bianchi, di “margherite del cimitero”, come si diceva all’epoca.

Parfois, le traducteur peut se faire tromper. En effet, certains textes sont si riches en ex-

pressions idiomatiques qu’il peut même arriver à considérer comme telles celles qui ne le

sont pas. C’est le cas de la phrase suivante :

Les griffures de son visage, mon oncle en accusait les branches et les sous-bois.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « en accusait les branches et les sous-bois »

n’est pas une expression figée. L’auteur veut expliquer, tout simplement, que l’oncle de

Moïse, Jacques, donnait la faute des blessures provoquées par sa femme violente aux

branches et au sous-bois. Donc, la phrase a été traduite littéralement :

Mio zio dava la colpa dei graffi sul suo viso ai rami e al sottobosco.

Enfin, il faut mentionner deux expressions qui ne sont pas des locutions figées proprement

dites. Les deux ont subi une transformation totale dans la traduction, afin de rendre le

même sens que l’original et, au même temps, résulter fluides à lire en italien :

La vie était trop rude, et mes pa-

rents durent se résoudre au pire.

La vita era troppo dura e i miei

genitori dovettero prendere la

decisione peggiore di tutte.

Convenons-en, ce n’était pas sa

meilleure idée.

Diciamoci la verità, non era la

cosa migliore che avesse mai

fatto.

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De plus, au cours de la traduction, deux cas particuliers ont exigé un travail plus

approfondi. Le premier a été repéré dans cette phrase :

Il nous procura du blé que nous passâmes dans un tournis très fin pour en retirer un son

bien aéré.

La traduction des mots « tournis » et « son bien aéré » a donné du fil à retordre. D’abord,

les dictionnaires consultés définissaient « tournis » comme « vertige » ou « maladie qui

atteint les bœufs », mais il était évident qu’aucun des deux sens n’était approprié. Quant

à « son aéré », il devait être traduit par « crusca aerata », mais il n’était pas clair s’il était

le terme technique correct. Il a fallu demander l’aide d’un expert, dans ce cas un père qui

travaille dans le domaine de l’agriculture. Il a supposé que le tournis auquel la phrase se

référait pouvait être un moulin, puis il a fait une affirmation qui a amené sur la bonne

voie : « Di solito, si dice che la crusca viene vagliata… ». C’est ce dernier mot, « va-

gliata », qui a fait avoir le déclic. Il dérive du nom d’un instrument agricole, appelé « va-

glio » en italien. Une recherche sur des dictionnaires italiens a permis de découvrir que le

« vaglio », c’est un tamis, « setaccio » en italien, employé en agriculture pour séparer les

grains de blé de la balle. De plus, en italien, les expressions « passare al vaglio » et « pas-

sare al setaccio » ont aussi un sens figuré, à savoir « analyser scrupuleusement quelque

chose ». À la lumière de ces considérations, il est très probable qu’il s’agissait du « tour-

nis » de la phrase, même si les dictionnaires français n’en donnaient pas d’attestation.

Quant à « aéré », il est évident que « setacciato » était son équivalent. Par conséquent, la

phrase a été traduite comme suit :

Ci procurò del grano che passammo in un vaglio molto fine per ricavarne una crusca

ben setacciata.

En tout cas, il faut se demander pourquoi aucun dictionnaire n’accorde au mot « tournis »

le sens de « machine agricole ». Il est possible qu’il ait perdu au cours du temps et qu’il

soit devenu désuet, ce qui sans doute s’est produit pour un mot contenu dans la phrase

suivante, prononcée par le voisin de Moïse, Pierre :

« Vous, les enfants, vous aurez droit à une énorme rabasse ! »

La « rabasse » dont Pierre parle, c’est un mets typique de la cuisine française et, plus

précisément, une pomme cuite dans le pain. Vu que ce mot est propre à la langue et à la

culture française, il n’a pas d’équivalent italien et, dans les faits, il est intraduisible. En

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plus, il fait remarquer un détail curieux. Le texte original présente une note de bas de page

qui explique aux lecteurs le sens du mot « rabasse » : il est probable que cette gourman-

dise soit méconnue même aux Français et qu’elle soit un mets du passé qui a disparu des

cuisines contemporaines. Cette hypothèse est renforcée par les faits que sur Internet les

renseignements sur ce sujet sont inexistants. La décision finale a été celle de laisser le

mot « rabasse » en langue originale, mais écrit en italique, pour produire l’exotisation

théorisée par A. Bernal, dont il a été question dans le premier chapitre. La note aussi a été

traduite :

« Vous, les enfants, vous aurez

droit à une énorme rabasse !»

“Voi bambini avrete diritto a

un’enorme rabasse!”

Pomme cuite à l’intérieur d’une

pâte à pain encore chaude (note

de l’éditeur, NdE).

Mela cotta all’interno di una

pagnotta ancora calda (nota

dell’editore).

Le travail a amené au repérage d’un autre détail curieux : la présence, dans le texte

original, de deux fautes, qui ont été corrigées dans la traduction. La première repose dans

la phrase suivante, où Moïse décrit un souvenir de son enfance duquel son père Georges

aussi est protagoniste :

Plus tard, c’est la nuit noire, juchée sur ses épaules, je regarde un grand feu autour du-

quel des jeunes gens dansent en rond.

Le mot « juchée » a suscité quelques perplexités : il faisait penser que c’était la nuit à être

assise sur les épaules de Georges, ce qui était peu plausible. Au contraire, il était plus

probable que, dans les intentions de l’auteur, c’était Moïse qui devait être juché sur les

épaules de son père. Par conséquent, le deuxième « e » ne serait qu’une faute de frappe

et le participe passé « juché » devrait être accordé au masculin, ce qui a été fait dans la

traduction vers l’italien :

Più tardi, è buio pesto. Appollaiato sulle sue spalle, guardo un grande falò intorno al

quale dei ragazzi ballano in cerchio.

La deuxième phrase analysée contient une faute encore plus frappante :

Une sœur, enfant mort-née après moi et avant Petit-Georges, elle n’en parlait jamais.

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114

Dans le roman, Petit-Georges est décrit comme le frère ainé de Moïse, le « moi » de la

phrase : donc, cette sœur ne pouvait pas être née après Moïse et avant Petit-Georges. Peut-

être l’auteur voulait écrire « avant moi et après Petit-Georges », mais il s’est fait tromper

par la distraction. Il a fallu remédier dans la traduction :

Di una sorella, nata morta dopo Petit-Georges e prima di me, non parlava mai.

Pour terminer l’analyse lexicale, il convient de s’attarder sur un phénomène qui

sert de « pont » vers la section suivante : le changement de préposition. Souvent, certaines

constructions de la langue française contenant une préposition en demandent une diffé-

rente lorsqu’elles sont traduites vers l’italien. Ce phénomène est évident dans ces lignes,

tirées de l’épilogue du roman :

Ce que tu as ressenti quand la bobine a commencé de tourner ? Difficile à dire…

Pour commencer cette analyse, la proposition « ce que tu as ressenti » a été traduite par

« cos’hai provato », pour rendre la traduction vers l’italien plus fluide. Ensuite, l’attention

s’est concentrée sur la subordonnée temporelle « quand la bobine a commencé de tour-

ner » et en particulier sur le syntagme « a commencé de tourner ». La construction verbale

française « commencer de + verbe à l’infinitif » se traduit en italien par « iniziare a +

verbe à l’infinitif ». Par conséquent, la phrase a été traduite par « quando la bobina ha

iniziato a girare ». Enfin, il ne restait que le « difficile à dire » à traduire. D’abord, dans

la traduction, il a fallu ajouter le présent indicatif du verbe « être » devant l’adjectif « dif-

ficile ». En effet, en italien, les phrases nominales sont peu employées dans le langage

écrit. Ensuite, la traduction du syntagme prépositionnel « à dire » présentait une situation

opposée à celle d’« a commencé de tourner ». Si, dans ce dernier syntagme, la préposition

« de » était remplacée par « a » en italien, dans « à dire », c’est exactement l’inverse qui

se produisait. Le « difficile à dire» français a été traduit par « difficile da dire», vu qu’en

italien, en général, les verbes impersonnels composés d’« être » et d’un adjectif sont sui-

vis de cette préposition. Donc, le résultat final, c’était :

Cos’hai provato quando la bobina ha iniziato a girare? È difficile da dire…

Un autre exemple repose dans la phrase suivante, où le frère ainé de Moïse, Petit-Georges,

fait un avertissement à l’autre frère de Moïse, le petit René :

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115

Il faut bien travailler à l’école,

René, parce que sinon on nous

enverra à la Guerre comme papa.

Bisogna andare bene a scuola,

René, perché sennò ci

manderanno in Guerra come

papà.

Il est vrai que la construction « à la guerre » est employée aussi en italien (« alla guerra »),

mais dans ce cas elle n’est pas la solution appropriée. En effet, la construction française

« enverrer à la guerre » a comme équivalent italien « mandare in guerra ».

Ces observations faites, il est évident que le changement de préposition implique

aussi des modifications dans la syntaxe du texte : la section qui suit les analysera de ma-

nière détaillée.

4.3. Observations de type syntaxique

La dernière partie du commentaire est consacrée aux observations et, surtout, aux

variations de type syntaxique.

En termes de syntaxe, l’allongement a été repéré plusieurs fois au cours du travail.

Comme expliqué dans le premier chapitre, toute traduction tend à être plus longue par

rapport au texte original. Ce phénomène dérive de la nécessité d’adapter certaines struc-

tures syntaxiques à la langue italienne. En particulier, l’allongement est employé surtout

pour éviter des ambiguïtés, comme dans l’exemple suivant :

Je veux que tout soit comme avant, qu’on revienne à ce jour lointain quand tu m’as

regardé dans les yeux, à la maternité, et que tu m’as couronné père quoi qu’il arrive.

Le mot « maternité » a été pris en considération. Son équivalent italien « maternità » in-

dique le service hospitalier où les mères peuvent accoucher leurs enfants, mais aussi le

période d’abstention du travail pour la mère pendant les mois qui précèdent et suivent la

naissance de son fils. Vu que, dans ce cas, l’auteur se réfèrait au service hospitalier, il

valait mieux ajouter, dans la traduction, l’équivalent italien du mot « service », « re-

parto » :

Voglio che tutto sia come prima, che ritorniamo a quel giorno lontano in cui mi hai guardato negli occhi, al reparto maternità, e mi hai incoronato padre qualsiasi cosa

accada.

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116

Un autre exemple repose dans la phrase suivante, où la grand-mère de Moïse lui fait une

promesse le jour de sa naissance :

Quand on vient avec le vin de messe, le Christ reste toujours à nos côtés.

En ce cas, le verbe « vient » ne pouvait pas être traduit par un simple « viene ». Étant

donné que le contexte était celui d’une naissance, il était une abréviation de la locution

« venir au monde », qui est également employée en italien. Il fallait donc ajouter au verbe

« viene » le syntagme prépositionnel « au monde » pour rendre le même sens que le texte

original :

Quando si viene al mondo con il vino della comunione, Gesù resta sempre al nostro

fianco.

L’allongement se produisait aussi à travers l’ajoute de certains adverbes, utilisés pour

accentuer une négation :

Après être entré dans mon bureau sans une bise, (…) il a farfouillé

dans un sac à dos.

Dopo essere entrato nel mio ufficio senza neanche darmi un

bacio, (…) ha rovistato in uno

zaino.

N’as-tu pas rêvé ? Non avrai mica sognato?

Ce type de modification a comporté des changements supplémentaires qui concernaient

les verbes. Dans le deuxième, le verbe au passé composé est passé au futur antérieur en

italien pour mettre en évidence le fait que l’auteur faisait une supposition. Dans le premier

exemple, au contraire, la préposition italienne « senza » ne régit pas le syntagme nominal

« un bacio » : par conséquent, il a fallu ajouter le verbe « darmi », « donner à moi » en

italien, entre « senza » et « un bacio ». L’adaptation à l’italien se voit aussi dans les

phrases suivantes :

Il a blêmi, a bafouillé, et s’est re-

tiré dans sa chambre.

È impallidito, ha farfugliato qualcosa e si ritirato in camera

sua.

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Je lui détaillai cette rencontre

inattendue, puis le nom de jeune

fille de Françoise.

Gli raccontai nei dettagli

quell’incontro inatteso, poi gli

dissi il cognome da nubile di

Françoise.

D’abord, le verbe italien « farfugliare » est transitif, donc il a fallu ajouter après lui le

pronom indéfini « qualcosa », « quelque chose » en français. Puis, le verbe « détailler »

se traduit par « raccontare nei dettagli » : vu qu’il régit le substantif « incontro », mais

pas « cognome », il a été nécessaire d’ajouter un autre verbe avant de ce dernier.

Les modifications dans les structures syntaxiques sont influencées aussi par les

changements de signes de ponctuation. La première application de ce phénomène repose

dans les dialogues, dont la structure est différente selon la langue. En français, les ré-

pliques d’un dialogue sont toutes inscrites dans le même couple de guillemets, ce qui les

fait sembler comme une seule unité. En italien, au contraire, les répliques sont séparées

entre elles, comme le montre l’exemple suivant :

« Il nous a menti pendant des an-

nées, Jean. Il nous a menti à tous.

– Qui?

– Ton grand-père.»

“Ci ha mentito per anni, Jean. Ha

mentito a tutti.”

“Chi?”

“Tuo nonno.”

La deuxième application repose dans l’emploi de la virgule. Souvent, le texte original

présentait des périodes très longues où les subordonnées étaient séparées entre elles par

des virgules. Pour rendre le texte traduit plus coulissant, les virgules ont été remplacées

par des points et les périodes ont été ainsi divisées en phrases :

Bien sûr, j’ai souffert de la faim

et du froid, les longues soirées

d’hiver sans lumière, juste le cou-

vercle du poêle entrouvert, nous

soupions de bonne heure pour

nous coucher tôt et économiser le

goûter et le bois du poêle.

Certo, ho sofferto la fame, il

freddo e le lunghe serate

d’inverno senza luce, c’era solo il

coperchio della stufa socchiuso.

Cenavamo di buon’ora per

andare a letto presto e risparmiare sulla merenda e sulla legna per la

stufa.

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118

Heureusement, nous avions une

petite chatte, Minette, et c’est sur

elle que j’ai reporté mon attache-

ment, près d’elle aussi que j’al-

longeais mon corps, les nuits de

grand gel.

Per fortuna, avevamo una gattina,

Minette, ed è su di lei che ho

riversato il mio affetto. È anche

vicino a lei che mi stendevo, nelle

notti di grande gelo.

En certains types de subordonné, la virgule a été remplacée par une partie du discours. Le

tableau qui suit présente une subordonnée relative traduite en utilisant un pronom relatif

et deux subordonnées, une consécutive et une causale, où la virgule est substituée par une

conjonction :

Je me souviens d’un soir, Petit-

Georges avait dit en se serrant le

ventre…

Mi ricordo di una sera in cui

Petit-Georges aveva detto,

stringendosi la pancia…

J’ai tellement faim, je pourrais

manger le cul d’un canard qui ne

vole pas !

Ho talmente fame che potrei

mangiare il culo di un’anatra che

non vola!

L’école continuait tant bien que

mal, mais uniquement avec des

institutrices, les hommes étaient

au front.

La scuola bene o male

continuava, ma solo con delle

maestre perché gli uomini erano

al fronte.

Quand la période est trop longue, les deux points assument la même fonction que le point :

Man Fine, ma grand-mère mater-

nelle, déposa dans mon landau une petite bible à la couverture

beige, aux coins ferrés de cuivre,

mignonne comme tout parce

qu’elle était neuve, et qu’on ne

voyait pas tous les jours des ob-

jets neufs par chez nous, encore

moins des livres.

Nonna Fine, la mia nonna

materna, mise nella mia carrozzina una piccola Bibbia

dalla copertina beige con gli

angoli di rame, davvero carina

perché era nuova: da noi oggetti

nuovi non si vedevano tutti i

giorni, tanto meno dei libri.

Les deux points sont employés aussi pour introduire une explication :

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Il jouait de l’accordéon, animait

des bals le dimanche, faisait val-

ser les jeunes dans les estaminets,

et c’est ainsi qu’ils tombèrent

fous amoureux.

Suonava la fisarmonica, animava

le feste la domenica e faceva

ballare il valzer ai giovani nelle

bettole: fu così che si

innamorarono follemente.

C’était pas une bonne manière de

s’aimer, et quand ça criait trop,

Jacques flanquait toute sa famille

dehors et, bien sûr, la tribu arri-

vait chez nous, souvent en pleine

nuit.

Non era un bel modo di amarsi:

Jacques metteva alla porta tutti i

componenti della sua famiglia

quando urlavano troppo e,

ovviamente, la tribù veniva da

noi, spesso nel cuore della notte.

Enfin, les deux points peuvent être utilisés pour séparer des actions en séquence :

Maman était dans les douleurs

quand les gens gagnèrent l’office,

et lorsqu’ils repassèrent une

heure après, j’étais là.

La mamma era entrata in

travaglio quando la gente entrò in

chiesa per la messa: quando

questa tornò, dopo un’ora, ero là.

Un autre type de modification syntaxique, c’est le changement de l’ordre des syn-

tagmes à l’intérieur d’une phrase. Ce phénomène s’est présenté plusieurs fois au cours du

travail, vu que l’ordre des mots dans la langue italienne est plus libre que dans le français.

Les syntagmes peuvent être déplacées en avant ou en arrière dans la phrase ou inverser

leur position, à groupes de deux :

Elle promène son Jacques un peu

partout, comme ça…

Porta a passeggiare così il suo

Jacques, un po’ ovunque…

Quand ça criait trop, Jacques

flanquait toute sa famille dehors.

Jacques metteva alla porta tutti i

componenti della sua famiglia

quando urlavano troppo.

Ma mère résista quand même

deux ans.

Mia madre comunque si oppose

per due anni.

Tout le monde s’arrêtait à l’ombre de ces arbres quelques

instants.

Tutti si fermavano per qualche

istante all’ombra di quegli alberi.

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Ensuite, certains mots peuvent être supprimés dans la traduction parce que la

langue cible ne le demande pas. Dans la phrase suivante, par exemple, le pronom tonique

« eux » a été éliminé parce que, en italien, la structure « aspettare in essi » n’existe pas :

Peut-être l’idée des mots (…) qui avaient patienté si longtemps en

eux.

Forse per l’idea delle parole (…) che avevano aspettato così a

lungo.

Quand la phrase présente une répétition, la langue française répète le substantif autant

que le déterminant. En italien, par contre, c’est uniquement le substantif à être répété,

tandis que le déterminant se transforme en article zéro :

Ces pages et ces pages… Quelle pagine e pagine…

Le dernier phénomène à être traité, c’est une autre suppression, à savoir celle qui

concerne des entières structures syntaxiques. Souvent, les structures supprimées sont

celles qui sont moins employées dans la langue italienne par rapport à la langue française.

C’est le cas, par exemple, des présentatifs et de la dislocation du sujet :

C’est une institutrice, madame

Gaufrette, qui vint.

Un’insegnante, la signora

Gaufrette, arrivò.

Elle n’était pas la plus intelligente

du village par hasard, madame

Gaufrette.

Non era un caso se la signora

Gaufrette era la più intelligente

del paese.

La coordination aussi tend à être supprimée : en effet, en général, elle est vue d’un mau-

vais œil parce qu’elle tend à rendre les textes moins coulissants. D’habitude, les subor-

données lui sont préférées, comme dans l’exemple qui suit. En ce cas, la subordonnée

employée est relative :

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Ça tétanisait ma mère à chaque

fois, et elle rougissait.

Ogni volta lasciava di stucco mia

madre, che arrossiva.

Maintenant, la phrase suivante est à observer :

Sans compter que madame Robinet, la femme du garde champêtre (elle tenait une ferme

où nous allions chercher du lait avant-guerre), continua à nous en fournir, et sans qu’on

la paye, en plus !

Ce passage contient une longue parenthèse. Elle aurait pu être préservée dans la traduc-

tion, mais ainsi faisant le texte aurait perdu sa fluidité. Par conséquent, elle a été suppri-

mée, tandis que la virgule a été remplacée par les deux points introduisant une séquence

d’actions :

Senza contare che la signora Robinet, la moglie della guardia campestre, aveva una

fattoria dove andavamo a prendere il latte prima della guerra: continuò a fornircene e

senza che la pagassimo, per giunta!

La dernière suppression, avec laquelle le travail sur la traduction s’achève, concerne le

discours direct. En particulier, dans la langue italienne, quand un discours direct est inséré

dans un autre discours direct, il vaut mieux le transformer en indirect :

« Il crie trop fort, expliqua papa

en abandonnant Petit-Georges

devant la porte de mes grands-pa-

rents. Mieux vaut que vous le pre-

niez quelque temps parce que, la

nuit, quand je me promène avec

lui dans les bras, je pense sou-

vent : “Si ce n’était pas à moi, je

te balancerais ça par la fe-

nêtre !” »

“Piange troppo forte” spiegò

papà abbandonando Petit-

Georges davanti alla porta di casa

dei miei nonni. “È meglio che ve

lo prendiate per un po’ perché di

notte, quando cammino con lui in

braccio, spesso penso che se non

fosse mio figlio lo butterei dalla

finestra!”.

Pour conclure ce chapitre, il faut faire une constatation. Commenter une traduction

signifie comparer deux systèmes linguistiques, en mettant en évidence leurs similitudes,

mais aussi et surtout les différences entre eux. Bien que les deux soient néolatines, en

réalité, le français et l’italien présentent des caractéristiques qui les distinguent nettement

l’un de l’autre et qui ne se trouvent dans aucune autre langue. Cet argument sera traité de

manière plus approfondie dans les conclusions.

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CONCLUSION

Ce mémoire a permis d’approfondir un monde, celui de la traduction, où rien n’est

tenu pour acquis, ni laissé au hasard. En effet, il est comparable à un grand puzzle où

chaque pièce est fondamentale pour la bonne réussite du travail et, pour cette raison, elle

nécessite une observation très minutieuse. Tout le travail a eu comme objectifs principaux

ceux de savoir produire correctement une traduction littéraire passive, à savoir de la

langue étrangère (le français, dans ce cas) vers la langue maternelle (l’italien) ; et, une

fois la traduction complétée, celui de savoir en effectuer une analyse comparative pour

identifier les ressemblances et les différences entre les deux langues associées. De plus,

il a présenté un auteur contemporain émergent, encore peu connu du grand public, et il a

donné un aperçu général sur les théories d’un grand expert de traduction.

Dans la traduction littéraire, il est important d’entrer dans l’esprit du traducteur et,

surtout, dans celui des lecteurs. Destinée à un public plus grand et varié, la traduction sera

évaluée par un nombre de personnes bien plus grand que les lecteurs en langue originale

et il est important de cerner leur(s) horizon(s) d’attente. Dans La traduction et la lettre ou

l’auberge du lointain, Antoine Berman critiquait le fait de devoir adapter le texte original

à la langue d’arrivée : la vérité, c’est que, tôt ou tard, le traducteur est obligé de le faire,

même partiellement. Bien que le texte original doive être respecté, s’il est traduit trop

littéralement, le lecteur peut se sentir désorienté ou même dupé. La solution idéale serait

de trouver le juste équilibre entre langue source et langue cible, ce qu’essaie de faire le

présent travail.

La traduction de Toutes les histoires d’amour du monde fournit une ultérieure dé-

monstration d’une thèse que les traducteurs éprouvent grâce à leur travail : chaque langue

a inévitablement ses spécificités idiomatiques. Il est vrai que des langues ayant les mêmes

origines, dans ce cas le français et l’italien, peuvent présenter des ressemblances, mais,

en réalité, ces ressemblances ne constituent qu’un pourcentage minimal de la langue dans

son intégralité. Si le français et l’italien étaient deux langues parfaitement correspon-

dantes, la traduction serait un jeu d’enfant. Or, des points opaques du lexique, des éche-

veaux de phrases compliqués, des tournures idiomatiques mettent à l’épreuve le transfert

d’une langue à l’autre, même voisine.

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124

Maintenant, il faut s’attarder sur un aspect qui a beaucoup frappé : la traduction

d’« en accusait les branches et le sous-bois ». Pour le traducteur, faire le départ entre une

expression originale et une expression idiomatique encore jamais rencontrée peut s’avérer

un parcours de surprises continues. L’expérience du traducteur l’amène à « passer au

tournis » tous les termes rencontrés au cours du travail pour en sonder le fonctionnement.

De plus, quand un traducteur travaille fréquemment avec les expressions idiomatiques, il

apprend à en détecter la structure : ainsi, quand il a à faire à un syntagme qui lui rappelle

une expression idiomatique, il pourrait être tenté de l’étiqueter comme telle, à tort. Les

expressions idiomatiques étaient récurrentes dans le texte : ce mémoire peut servir comme

base de laquelle partir pour effectuer des études lexicographiques plus approfondies.

Enfin, il est juste de prononcer un mot sur Baptiste Beaulieu. Continuer à traduire

ses œuvres servirait à faire connaitre un auteur émergent qui est encore peu connu en

dehors de son pays, même si des traductions de ses trois premières œuvres ont déjà été

effectuées vers d’autres langues et en particulier vers l’allemand et l’espagnol. En effet,

nulle analyse académique n’est encore recensée dans les bibliographies spécialisées. Ce

mémoire peut contribuer en ce sens : les auteurs émergents méritent la juste considération

de la part des maisons de presse, des lecteurs, des critiques littéraires et des chercheurs.

Ce travail sur Baptiste Beaulieu peut inciter à lire, étudier et divulguer aussi les autres

œuvres publiées par l’auteur, qui méritent d’être prises également en considération.

En résumant, la traduction de Toutes les histoires d’amour du monde peut être

considérée comme une contribution au panorama de la traduction littéraire. Cependant, il

faut souligner qu’elle n’est qu’une proposition : vraisemblablement, elle est destinée à

rester ainsi, mais l’avenir n’est pas écrit et néanmoins toutes les traductions le sont.

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125

INTERVIEW À BAPTISTE BEAULIEU : « J'AI DÉCOUVERT LA

PLUS BELLE HISTOIRE D'AMOUR QUI SOIT»

À l’occasion de la sortie dans les librairies de Toutes les histoires d’amour du

monde, Baptiste Beaulieu a accordé l’interview qui suit au quotidien français 20 minutes.

Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

J’ai trouvé trois vieux carnets dans lesquels mon grand-père racontait sa vie. Cela

a été un double choc, personnel et familial : d’abord parce que c’était plutôt quelqu’un de

taiseux qui ne s’épanchait pas et ensuite, parce que j’ai découvert qu’il avait vécu la plus

belle histoire d’amour qui soit… Sauf que ce n’était pas avec ma grand-mère. Évidem-

ment, il a fallu faire un gros travail de réécriture derrière car ce n’était pas un écrivain.

Dans le livre, la maladie est très présente, c’est le lien avec votre profession

de médecin qui fait ça ?

La question s’est posée de couper certains passages, en particulier celui sur le

cancer qui affecte l’un des personnages au début du livre. Mais la maladie dit aussi la

réalité d’un corps malmené dans les années d’avant-guerre. Un corps qui boit, fume et

finit par mourir dans d’atroces souffrances. D’autant que les traitements médicaux étaient

encore balbutiants. Pour traiter les tumeurs, les médecins posaient des morceaux de ra-

dium directement sur les plaies. Cela en dit énormément sur la médecine à l’époque.

Dix ans après avoir commencé à exercer la médecine, est-ce que votre regard

sur la profession a changé ?

Pendant nos études, on a tendance à croire que les médecins peuvent tout guérir.

Quand on commence à exercer, la réalité nous rattrape : bien sûr, on arrive à guérir cer-

tains patients, heureusement d’ailleurs mais il y en a aussi beaucoup qui ne réagissent pas

aux traitements et qui meurent.

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126

Vous êtes très présents sur les réseaux sociaux ?

En une dizaine d’années, j’ai aussi vu les réseaux sociaux franchir la barrière de

la médecine. Des médecins mais aussi des étudiants en médecine se mobilisent pour faire

évoluer les pratiques. C’est aussi un espace d’expression privilégié. Si j’avais pu m’ex-

primer sur Twitter pour partager mes doutes et mes peines comme c’est le cas parfois,

j’aurais sans doute moins pleuré. À l’époque, en tant que médecin et gay, c’était difficile

de répondre aux remarques homophobes notamment envers les patients LGBT. J’avais

l’impression d’être en minorité. Ce n’est plus le cas. Si on me disait ça aujourd’hui, je me

sentirais soutenu par toute une communauté LGBT et des soignants présents sur les ré-

seaux.

Pensez-vous que vous allez réussir à trouver l’amoureuse de votre grand-

père ?

Oui car j’ai écrit ce livre pour cette raison. D’ailleurs, les lectrices et les lecteurs

sont invités à m'aider à la retrouver. Anne-Lise Schmidt aurait 73 ans aujourd’hui, et je

souhaite vivement la voir pour finir l’histoire. Souvent, j’imagine nos retrouvailles, on se

verrait, on tomberait dans les bras l’un et l’autre et on pleurerait ensemble. Je sais, je suis

très sentimental. Mais ce serait réellement magnifique, non ?

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RIASSUNTO

La traduzione ricopre un ruolo molto importante nella società attuale in quanto

facilita gli scambi culturali e commerciali e rende accessibili al grande pubblico non solo

le opere letterarie, ma anche le nuove tecnologie e innovazioni. Per questo motivo è stata

scelta come argomento di questa tesi di laurea. L’opera oggetto della traduzione è

letteraria: si tratta, infatti, del romanzo contemporaneo Toutes les histoires d’amour du

monde di Baptiste Beaulieu, che in questa tesi è stato tradotto dal francese all’italiano. I

quattro capitoli in cui la tesi è divisa contengono, oltre alla proposta di traduzione, le

teorie di un noto traduttore, una presentazione dell’autore del romanzo e delle sue opere

e un’analisi comparativa tra il testo originale e la sua traduzione.

Il primo capitolo illustra le teorie del traduttore Antoine Berman, soffermandosi

in particolare su due dei suoi saggi. Il primo, intitolato La traduction et la lettre ou

l’auberge du lointain, costituisce il riassunto di un seminario che l’autore tenne nel 1984.

Il testo di quest’opera è idealmente diviso in due parti: nella prima, Berman critica le

teorie di traduzione classiche, secondo le quali il testo tradotto dev’essere perfino più

bello dell’originale. Nella seconda parte, invece, l’autore analizza tre grandi traduzioni.

La prima parte dello studio di quest’opera si sofferma sui concetti di “traduzione

etnocentrica” e “traduzione ipertestuale”, due tipi di traduzione strettamente legati tra

loro. La traduzione etnocentrica è incentrata sulla cultura, sulle norme e sui valori propri

del traduttore ed esclude tutto ciò che ne è al di fuori: a quest’ultimo Berman dà il nome

di “Étranger”, “straniero” in francese. In questo tipo di traduzione, il testo tradotto non

deve presentare nessuna traccia della lingua originale e, di conseguenza, il traduttore deve

lavorare pensando a come potrebbe essere il testo originale se fosse stato scritto nella

lingua di destinazione. La traduzione ipertestuale, invece, riguarda i testi nati dalla

trasformazione di testi già esistenti, dei quali vengono ripresi i tratti stilistici per produrre

un nuovo testo. La seconda parte dell’analisi de La traduction et la lettre ou l’auberge du

lointain, illustra le tredici “tendenze deformanti” individuate da Berman, ossia i tredici

modi in cui i testi originali, in particolare quelli in prosa, vengono deformati attraverso la

loro traduzione. Infine, l’ultima parte della sezione contiene l’analisi, effettuata dallo

stesso Berman, della traduzione dell’Eneide di Virgilio eseguita da Pierre Klossowski, la

cui importanza risiede nel fatto che ha messo in discussione le teorie di traduzione

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classiche. A seguire, l’attenzione si sposta verso il secondo saggio analizzato, L’épreuve

de l’étranger, in cui Berman studia le teorie di traduzione degli autori romantici tedeschi

mettendole a confronto con quelle contemporanee. In particolare, in questa tesi vengono

presentate le teorie di Goethe, A. W. Schlegel e F. Schleiermacher. Goethe elaborò il

concetto di “letteratura mondiale”, ovvero l’insieme delle opere letterarie che

costituiscono il patrimonio culturale dell’umanità e che diventano accessibili attraverso

la traduzione. Schlegel si soffermò sul desiderio dei traduttori di tradurre qualsiasi cosa,

mentre Schleiermacher studiò la traduzione in quanto inserita all’interno di uno spazio

ermeneutico-linguistico. L’analisi delle teorie dei tre autori romantici è preceduta da

quella della prefazione del saggio, che si può considerare un vero e proprio manifesto

della traduzione. L’ultima parte del capitolo è dedicata a Friedrich Hölderlin, un autore

trattato in entrambi i saggi di Berman che dimostrò di avere un’attenzione particolare nei

confronti di ciò che è “straniero”: tale attenzione è evidente nelle sue poesie e nella sua

traduzione dell’Antigone di Sofocle, delle quali viene proposta un’analisi.

Il secondo capitolo è interamente dedicato a Baptiste Beaulieu, l’autore del

romanzo tradotto nella tesi. Beaulieu ha accostato il mestiere di scrittore a quello

principale di medico di base e il suo blog, Alors voilà, è molto conosciuto in Francia.

Dopo un breve riepilogo della sua biografia, vengono presentate le quattro opere

pubblicate dall’autore fino ad ora. All’opera oggetto della proposta di traduzione, Toutes

les histoires d’amour du monde, viene dedicata un’attenzione particolare. Il romanzo

narra la storia semiautobiografica di un uomo, Jean, che non parla più con suo padre Denis

da sei mesi. Tuttavia, padre e figlio si riconcilieranno grazie a una serie di lettere in cui

Moïse, padre di Denis e nonno di Jean, racconta la storia della sua vita. La lettura delle

lettere porterà alla scoperta di un segreto che lo schivo Moïse ha tenuto nascosto per molti

anni. Dopo la presentazione della trama, l’analisi si sposta verso i tre temi trattati nel

romanzo: l’amore e le forme in cui si presenta, la medicina, tema comune a tutte le opere

di Beaulieu, e la memoria del passato. Infine, il capitolo termina con un approfondimento

sul genere letterario a cui Toutes les histoires du monde appartiene, ossia quello

dell’autofiction. Con questo termine, ideato dallo scrittore francese Serge Doubrovsky, si

intende un genere letterario che unisce la narrazione della vita dell’autore, fatta in prima

persona dall’autore stesso, a elementi fittizi.

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Il terzo capitolo è dedicato alla proposta di traduzione: pur adattando il testo

francese alla lingua italiana, è stata eseguita nel rispetto dello stile originale e delle

specificità della lingua francese. Toutes les histoires d’amour du monde ha una lunghezza

di 480 pagine, ma ne sono state tradotte solo le prime 80, corrispondenti alla quasi totalità

della prima parte del romanzo. La traduzione è stata effettuata con l’aiuto del dizionario

bilingue Garzanti e di due dizionari monolingue, ovvero le versioni online del Trésor de

la Langue Française per il francese e del dizionario Garzanti per l’italiano. Altri dizionari

e siti Internet specializzati, citati nella bibliografia e nella sitografia, sono stati usati

all’occorrenza in casi particolari. Per facilitarne il confronto, testo originale e testo

tradotto sono stati inseriti in una tabella speculare.

Il quarto e ultimo capitolo della tesi consiste nel commento alla traduzione, ossia

nell’analisi delle modifiche che sono state apportate alla traduzione rispetto al testo

originale. Il capitolo è diviso in tre parti, nelle quali le modifiche vengono presentate

secondo l’ambito della linguistica coinvolto. La prima parte riguarda le modifiche di tipo

morfologico, meno frequenti rispetto alle altre, la seconda quelle di tipo lessicale e la

terza quelle che riguardano la sintassi del testo. Un’attenzione particolare viene riservata

agli esempi la cui traduzione ha presentato alcune difficoltà o che hanno destato curiosità,

come ad esempio la presenza di due errori nel testo originale.

Infine, l’analisi, che ha portato alla luce fenomeni sia generali che particolari, è

corredata da due appendici. La prima consiste in un’intervista che Baptiste Beaulieu ha

rilasciato al quotidiano francese 20 minutes in occasione dell’uscita nelle librerie di

Toutes les histoires d’amour du monde. La seconda appendice, invece, consiste in un

“concordancier”, una tabella in cui vengono presentate alcune parole del testo originale

francese appartenenti al linguaggio militare: per ognuna vengono menzionati la rispettiva

definizione nei dizionari monolingue francesi e il proprio equivalente italiano.

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