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Revue québécoise de psychologie (2011), 32(1), 157-179 « REGRET DE VIVRE ET EFFROI DE MOURIR » 1 . ESSAI SUR LE QUATRIÈME ÂGE « REGRET TO LIVE AND TERROR OF DYING ». ESSAY ON FOURTH AGE Léandre Bouffard 2 Micheline Dubé Université de Sherbrooke Université du Québec à Trois-Rivières Dans la Grèce antique, un mythe illustrait bien le dilemme qui nous torture encore aujourd’hui face au vieillissement. Eos, déesse de l’Aurore, obtint de Zeus l’immortalité pour son amoureux terrestre Tithonos, prince de Troie. Cependant, elle avait oublié de demander pour lui la santé, la vitalité et la jeunesse. Tithonos demeura donc vivant, mais son corps et son esprit vieillirent. Finalement, c’est avec grand chagrin que Eos plaça Tithonos dans un endroit isolé, hors de la vue de tous. Comme Eos, certains scientifiques défendent l’idée d’une vie humaine prolongée, presque sans limites. Mais d’autres chercheurs craignent que la réalisation de ce rêve n’augmente le nombre de Tithonos, très vieux et fragiles, privés d’esprit, de corps et de dignité. Le désir d’une vie longue est de toutes les époques : il est associé au culte du progrès défendu par Francis Bacon (1561-1626) et a été repris au Siècle des lumières (18 e siècle). Ce désir devient inquiétant dans la société technoscientifique actuelle. En effet, la recherche médicale et l’industrie pharmaceutique veulent dépasser les limites imposées par la vie organique et mènent une lutte « anti-âge » avec ses métaphores guerrières : vaincre le vieillissement, combattre les rides, etc. Les travaux progressent sur plusieurs fronts (Klatz, 2005) : - la médecine régénératrice pour remplacer les tissus endommagés et compenser les effets du vieillissement; - les technologies liées aux cellules souches dans le traitement des maladies dégénératives; - le génie génétique qui s’est affirmé lors de la naissance de la brebis Dolly, en 1996; - les nanotechnologies qui interviennent au niveau de la cellule et tentent de renverser le processus de vieillissement. Ce mouvement « prolongéviste » puissant s’affirme non seulement dans le domaine de la recherche, mais il envahit le champ culturel et crée des groupes de gens qui veulent « être âgés sans être vieux ». Comme il a pour objectifs de dépasser les limites de la vie et de « domestiquer » 1. Cette expression est du jeune poète québécois Émile Nelligan (1879 à 1941). 2. Adresse de correspondance : 831, rue Goretti, Sherbrooke (QC), J1E 3H3. Téléphone : (819) 562-3162. Courriel : [email protected]. Les auteurs remercient Huguette Bégin, Hélène Bourassa et Albert Drouin pour leurs commentaires constructifs lors de la rédaction du présent texte.

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Revue québécoise de psychologie (2011), 32(1), 157-179

« REGRET DE VIVRE ET EFFROI DE MOURIR »1. ESSAI SUR LE QUATRIÈME ÂGE « REGRET TO LIVE AND TERROR OF DYING ». ESSAY ON FO URTH AGE Léandre Bouffard 2 Micheline Dubé Université de Sherbrooke Université du Québec à Trois-Rivières

Dans la Grèce antique, un mythe illustrait bien le dilemme qui nous torture encore aujourd’hui face au vieillissement. Eos, déesse de l’Aurore, obtint de Zeus l’immortalité pour son amoureux terrestre Tithonos, prince de Troie. Cependant, elle avait oublié de demander pour lui la santé, la vitalité et la jeunesse. Tithonos demeura donc vivant, mais son corps et son esprit vieillirent. Finalement, c’est avec grand chagrin que Eos plaça Tithonos dans un endroit isolé, hors de la vue de tous. Comme Eos, certains scientifiques défendent l’idée d’une vie humaine prolongée, presque sans limites. Mais d’autres chercheurs craignent que la réalisation de ce rêve n’augmente le nombre de Tithonos, très vieux et fragiles, privés d’esprit, de corps et de dignité.

Le désir d’une vie longue est de toutes les époques : il est associé au culte du progrès défendu par Francis Bacon (1561-1626) et a été repris au Siècle des lumières (18e siècle). Ce désir devient inquiétant dans la société technoscientifique actuelle. En effet, la recherche médicale et l’industrie pharmaceutique veulent dépasser les limites imposées par la vie organique et mènent une lutte « anti-âge » avec ses métaphores guerrières : vaincre le vieillissement, combattre les rides, etc. Les travaux progressent sur plusieurs fronts (Klatz, 2005) : - la médecine régénératrice pour remplacer les tissus endommagés et

compenser les effets du vieillissement; - les technologies liées aux cellules souches dans le traitement des

maladies dégénératives; - le génie génétique qui s’est affirmé lors de la naissance de la brebis

Dolly, en 1996; - les nanotechnologies qui interviennent au niveau de la cellule et

tentent de renverser le processus de vieillissement.

Ce mouvement « prolongéviste » puissant s’affirme non seulement dans le domaine de la recherche, mais il envahit le champ culturel et crée des groupes de gens qui veulent « être âgés sans être vieux ». Comme il a pour objectifs de dépasser les limites de la vie et de « domestiquer » 1. Cette expression est du jeune poète québécois Émile Nelligan (1879 à 1941). 2. Adresse de correspondance : 831, rue Goretti, Sherbrooke (QC), J1E 3H3. Téléphone :

(819) 562-3162. Courriel : [email protected]. Les auteurs remercient Huguette Bégin, Hélène Bourassa et Albert Drouin pour leurs commentaires constructifs lors de la rédaction du présent texte.

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l’espèce humaine (Robitaille, 2007), il suscite un questionnement éthique puisqu’il fait de la mort une absurdité, une indécence inacceptable, et de la vieillesse une maladie qu’il faut combattre par les biotechnologies. Cette lutte contre le vieillissement entraîne, selon Lafontaine (2008), la stigmatisation des signes de la vieillesse, la ghettoïsation des vieillards, la dévalorisation de leur statut social, le déni de leur individualité, autant de manifestations de l’âgisme sur lequel nous reviendrons. Il faudrait ajouter, à la suite de Baltes1 (2006), que la recherche en biotechnologie accapare des ressources considérables dont une partie au moins pourrait servir à l’amélioration des conditions de vie des personnes très âgées.

Pour résoudre adéquatement ce dilemme et pour mieux comprendre les enjeux liés au vieillissement, il convient de distinguer, à l’instar de Neugarten (1974) et de Baltes (2006), le troisième âge et le quatrième âge. Dans les sociétés industrialisées, le troisième âge débute vers 60-65 ans, tandis que le quatrième âge apparaît autour de 80-85 ans (Baltes & Smith, 2003). Cette approximation heuristique n’exclut pas une large variation individuelle, puisque certaines personnes ne font pas partie du quatrième âge à 90 ans, tandis que d’autres l’abordent à 70 ans. En effet, certaines personnes très âgées sont encore en forme, alertes et actives. Ainsi, à plus de 80 ans, Sophocle a écrit sa dernière pièce, Picasso continuait de peindre, Pablo Casal pratiquait quotidiennement son violoncelle et Cousteau parcourait les mers; à 90 ans, l’écologiste québécois Pierre Dansereau travaillait encore à la défense de l’environnement. Ces exemples sont stimulants2 en ce qu’ils nous montrent « ce qui est possible », selon l’expression de Baltes, mais ce sont d’heureuses exceptions et la majorité connaît un déclin inexorable.

Pour quelques cas de centenaires qui s’endorment un soir, en pleine possession de leurs moyens, et qui ne se réveillent pas, combien vont se regarder sombrer petit à petit dans une chute qui n’en finit plus (Mazen, 2009, p. 50).

La sénescence n’est pas une pente que chacun descend à la même vitesse. C’est une volée de marches irrégulières que certains dégringolent plus vite que d’autres (Howell, gérontologue américain, dans De Beauvoir, 1970, I, p. 51).

Le dilemme qui nous préoccupe se situe dans un contexte de

bouleversement démographique. En effet, au cours du 20e siècle, en Occident, 30 années se sont ajoutées à l’espérance de vie. Associé à la baisse de la fécondité, ce phénomène provoque un « vieillissement de la population » sans précédent, les personnes de 80 ans et plus constituant

1. Nous ne saurions trop recommander la lecture de cet article écrit par le gérontologue

allemand Paul Baltes l’année de sa mort. Publié dans la revue Daedalus, il est paru en français dans la revue québécoise Vie et vieillissement, 2010, vol. 8, no 1.

2. Nous recommandons le chapitre 9 sur la « Vieillesse créatrice » de l’ouvrage de Csikszentmihalyi (2009), La créativité.

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le groupe qui s’accroît le plus rapidement. Cette « ascension rapide des grands vieillards » (selon l’expression de Lefrançois, 2007) réjouit certains gérontologues qui veulent dépasser les limites humaines, mais elle inquiète les éthiciens et ceux qui sont plus soucieux de la qualité de vie des personnes très âgées.

Le bouleversement démographique actuel s’accompagne de transformations culturelles profondes. Les « horizons symboliques » relatifs à la vieillesse se sont modifiés sous l’influence de facteurs culturels identifiés par Pierron (2009). Au vieillissement de la population, s’ajoutent trois autres éléments : - la « sécularisation » de la vie longue : on ne parle plus de l’espérance

en une vie éternelle, mais d’espérance de vie tout court; - l’envahissement du « paradigme médical » : la vieillesse est alors

conçue comme un problème technique à régler; - la quasi-absence de la transmission des traditions et des valeurs : la

« valeur jeune » a remplacé l’insoutenable étrangeté du vieillard; alors, que peut-il transmettre?

Intrigués par ces transformations démographiques et culturelles,

secoués par l’expérience vécue lors des derniers mois de vie de nos mères (décédées à 84 et 88 ans) et encouragés par une littérature naissante portant sur les personnes très âgées, nous proposons, dans le présent essai, une réflexion sur ce que nous deviendrons. Ne faut-il pas nous rappeler – à l’instar du jeune Bouddha – que « Je suis la demeure de la future vieillesse ». Notre réflexion se base sur une littérature scientifique en pleine croissance dans le domaine et a pour objectif de dépasser la description tronquée de la vieillesse qui se limite trop souvent à mettre de l’avant l’idée de « vieillissement réussi » qui s’applique fort bien au troisième âge1 (Bouffard, 2009; Freund & Baltes, 2003), mais qui ne semble pas adéquate pour décrire la grande vieillesse où les pertes l’emportent sur les gains. Sans tomber dans le pessimisme ou le mélodrame, nous tenterons, dans la première partie, de préciser les contours du quatrième âge, Augmentation du coefficient d’adversité au quatrième âge, selon l’expression de Simone de Beauvoir (1970) et de suggérer, dans une deuxième partie, les implications nécessaires pour Favoriser la qualité de vie et la dignité humaine au quatrième âge.

1 . On consultera à ce sujet le numéro thématique sur le « Vieillissement réussi » paru en

2003 dans la Revue québécoise de psychologie (vol. 24, no 3). Le présent essai pourrait fort bien être considéré comme le premier pas d’une réflexion plus poussée sur le quatrième âge. D’ailleurs, la revue Vie et vieillissement a publié un numéro spécial sur ce thème en 2010 (vol. 8, no 1).

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AUGMENTATION DU COEFFICIENT D’ADVERSITÉ AU QUATRIÈME ÂGE

Dans la présente section, nous nous efforcerons de tracer le portrait des plus âgés et de signaler leurs pertes à partir de ce que nous offrent les recherches récentes sur le quatrième âge. La considération des difficultés associées à cet âge ne vise pas à dévaloriser les personnes très âgées, mais à nous inciter, nous, futurs vieillards, à nous préparer à la vieillesse et à enclencher les mesures économiques, sociales, médicales et psychologiques qui la rendront viable.

Il est d’observation courante que les problèmes de santé augmentent avec le vieillissement, surtout après 80 ans (Smith & Baltes, 2007). Par exemple, 96 % des participants très âgés de l’étude longitudinale de Berlin sont atteints d’au moins un problème interne, orthopédique ou neurologique. On a observé des symptômes (de modérés à sévères) dans 71 % des cas, une maladie grave pouvant menacer la vie dans 33 % des cas et de la multimorbidité (au moins cinq problèmes sérieux) dans 30 % des cas. Au-delà de 85 ans, 84 % des personnes ne peuvent plus utiliser les transports en commun et éprouvent des incapacités importantes : déplacement en fauteuil roulant, besoin d’aide pour la toilette et l’habillage. Les cas d’incapacité provoquent perte d’énergie, instabilité physiologique, dépendance et « fragilité »; ils diminuent ainsi les capacités neuroendocriniennes (Diensbier, 2009) et affaiblissent l’organisme dans sa réponse au stress (Fortin, Krolak-Salmon, & Bonnefroy, 2008). Ces limites physiques font dire à une personne de 90 ans : « À cet âge, le spectacle de la vie a gardé de l’intérêt, mais on y est de plus en plus mal assis »! Voltaire, âgé de 80 ans, déplorait : « Le cœur ne vieillit pas, mais il est triste de le loger dans des ruines ».

En ce qui a trait au plan cognitif, une abondante littérature démontre des baisses notables des modalités sensorielles, de la mémoire de même que de la vitesse et de la capacité de traitement de l’information (Baltes & Smith, 2003). Qui plus est, la capacité d’apprendre est sérieusement affectée. Par exemple, Singer, Lindenberger et Baltes (2001) ont mis au point un programme d’entraînement de la mémoire qui fut efficace pour les personnes du troisième âge; mais, à partir de 85 ans, les participants furent incapables d’acquérir cette technique. Baltes et Smith (2003, p. 128) ont alors conclu : « Chez les plus vieux (même ceux en santé), la possibilité d’apprendre est gravement atteinte ». Aux troubles cognitifs courants s’ajoutent les problèmes de démence et, en particulier, la maladie d’Alzheimer dont l’augmentation est quasi-exponentielle avec le vieillissement, le pourcentage atteignant environ 50 % après 90 ans. Malheureusement, dans le cas de cette maladie, la dignité humaine est fort compromise puisque plusieurs caractéristiques humaines fondamentales sont emportées : l’intentionnalité, l’autonomie, l’identité et l’intégration

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sociale. Dans les premières phases de la maladie, le drame est d’autant plus attristant que la personne a conscience de sa dégénérescence et se sent « partir ». C’est le cas de Madame Alice Boulerice, mère de Jacques (écrivain québécois). Ce dernier raconte comment sa mère est entrée dans le pays de l’Alzheimer (voir un bref résumé de son évolution dans l’Encadré 1).

Si l’expérience émotionnelle s’avère généralement positive au

troisième âge, elle l’est de moins en moins au quatrième âge : l’augmentation du stress, l’accumulation des pertes, la sélection des relations sociales et la diminution de la satisfaction de vivre provoquent une tendance à la baisse du niveau de bonheur, quoiqu’en disent certains chercheurs à propos des « centenaires heureux » (à ce propos, voir l’Encadré 2). Sur ce point, les résultats de la recherche longitudinale de Sherbrooke (Québec) concordent avec ceux de l’équipe de Baltes (Baltes & Mayer, 1999). En effet, Lefrançois, Leclerc, Dubé, Hébert et Gaulin (1998) ont noté plusieurs caractéristiques associées à la grande vieillesse : perte d’intérêt, ennui, solitude, sentiment d’inutilité. L’étude de Gerstorf et al. (2010) apporte un appui supplémentaire substantiel. Ces chercheurs se sont basés sur les données de trois grandes études longitudinales

Encadré 1

Alice au pays de l’Alzheimer

Les premiers signes apparaissent alors qu’Alice a 82 ans : elle cherche ses choses plus souvent, elle éprouve des hauts et des bas d’humeur et connaît à l’occasion des problèmes d’orientation. À 84 ans, elle se demande parfois comment faire les choses habituelles. Le matin, il lui faut 15 minutes pour retrouver ses repères afin de savoir où elle est et qui elle est! En visite chez son amie Estelle, elle s’informe sans cesse : « As-tu des nouvelles de Rolande? » pour se faire répondre à chaque fois : « Alice, Rolande est morte! ». Lors d’une promenade en auto, Jacques (son fils) entonne « Lundi matin, le roi, la reine et son petit prince… » qu’Alice chante avec lui. Voilà qu’elle répète « mardi matin » trois fois avant de pouvoir passer à « mercredi matin ». Mais consciente de la difficulté et contente d’avoir triomphé, elle lance : « Ouf, j’ai fini par m’en sortir! ». Le drame, dans cette maladie, c’est que la personne sent qu’elle est progressivement affectée; elle se sent « partir ». À 87 ans, elle doit déménager dans un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Avec le progrès de la maladie, elle ne mange et ne parle presque plus; elle a le regard fixe et la salive coule sur son menton. Les mots de son fiancé (devenu son mari après la guerre) seront les derniers que l’oubli lui arrachera.

Tiré de Boulerice (2008).

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Encadré 2

Que penser des centenaires heureux?

L’importante étude de Jopp et Rott (2006) à Heidelberg (Allemagne) portant sur des centenaires a donné des résultats surprenants : la plupart des centenaires (71 %) se disent plutôt heureux, 55 % affirmant qu’ils sont aussi heureux que lorsqu’ils étaient plus jeunes. Plus surprenant encore, les comparaisons démontrent qu’ils sont aussi heureux que les gens d’âge moyen et les plus vieux (troisième et quatrième âges). Les auteurs reconnaissent, cependant, qu’il s’agit d’un groupe très sélectif. Des 249 participants potentiels, 93 n’ont pas participé pour différentes raisons, la principale étant le décès; 65 ont refusé pour problèmes de santé, de stress et de démence. Des 91 participants interviewés, 35 ont été exclus pour problèmes cognitifs de sorte que les analyses ont porté sur 56 personnes de 100 ans les mieux portantes (84 % étant des femmes et 37 % vivant en institution). On peut donc parler de sélection drastique en plus du fait qu’un groupe de centenaires constitue déjà un club très sélect! Les auteurs mentionnent également qu’ils ont dû réduire et adapter les questionnaires, ce qui peut fort bien en diminuer la fiabilité. On peut comprendre que ces résultats ne concordent pas nécessairement avec ceux d’autres études portant sur des centenaires – en Georgie (États-Unis), en Italie, en Suède, à Berlin et à Boston où l’on a identifié 64 % de centenaires atteints « d’un certain degré de démence » (Silver, Jilinskaïa, & Perls, 2001). Si certains centenaires disent connaître un certain bien-être émotionnel, il ne faut pas oublier que l’ensemble des personnes très âgées souffre de handicaps physiques, cognitifs et sociaux très sérieux. Il faut se méfier de la pertinence de tels résultats, portant sur une population très sélective et démographiquement insignifiante, donc non généralisables. (Allemagne, Angleterre, États-Unis) et ont démontré clairement qu’il y a déclin du bien-être subjectif avec l’approche de la mort. L’étude canadienne de Voyer, Verreault, Cappeliez, Holmes et Nkogho Mengue (2005) a révélé que près de la moitié de ceux qui vivent dans un CHSLD éprouvent de la détresse qui provoque insomnie, comportements inappropriés et usage exagéré de médicaments. Cependant, les chercheurs n’ont pas distingué, dans leurs analyses, les plus vieux des plus jeunes parmi les participants de 65 ans et plus. À cela, il faut ajouter l’expérience des regrets qui peut compromettre le bien-être et la santé des personnes très âgées. Les résultats de Bauer, Wrosch et Jobin (2008) ont démontré que les regrets intenses provoquent de la détresse psychologique et un dysfonctionnement biologique chez les personnes âgées. Par ailleurs, cette perte d’intérêt est bien illustrée par la complainte du vieux roi dans la pièce de Montherland, La reine morte :

À mon âge, on a perdu le goût de s’occuper des autres. Plus rien aujourd’hui qu’un immense « Que m’importe »!

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Sur le plan social, Steverink et Lindenberg (2006) ont identifié trois besoins sociaux chez les personnes très âgées : le besoin d’affection (se sentir accepté et aimé), le besoin de confirmation (se sentir utile et reconnu) et le besoin de statut (être respecté). Ces besoins demeurent importants, mais il devient plus difficile de les satisfaire avec l’accumulation des pertes physiques, cognitives et affectives ainsi que la réduction du réseau social. On comprendra que le sentiment d’inutilité, présent chez un grand nombre, compromet la satisfaction de ces besoins. Même celles et ceux qui sont encore en couple connaissent la solitude si le conjoint a des problèmes de santé, s’il y a peu de soutien émotionnel réciproque et s’il y a des disputes (De Jong Gierveld, Broese van Groenou, Hoogendoorm, & Smit, 2009). La transmission des valeurs et des traditions aux plus jeunes générations – cette générativité si importante pour le bon vieillissement (Vaillant, 2002) – dépend de la perception du respect reçu. C’est dire que la perception du manque de respect prédit une baisse de générativité et, par voie de conséquence, une baisse du bien-être (Chang, 2009).

Devant une perspective future réduite et une vitalité diminuée, les personnes très âgées sélectionnent leurs relations sociales et entretiennent seulement les plus signifiantes (Cartensen, Isaacowitz, & Charles, 1999). Elles réduisent également leur engagement « optionnel » (loisirs, occupations diverses) pour se concentrer sur l’engagement « nécessaire » (santé, famille, sauvegarde de l’autonomie) (Schindler, Staudinger, & Nesselroade, 2006). C’est que le quatrième âge exige de se centrer sur la préservation de soi. Brandstädter (1999) explique bien ce phénomène :

Avec l’avancement en âge, préserver les ressources et contrecarrer les pertes peuvent devenir des préoccupations en elles-mêmes dans la mesure où les vecteurs fondamentaux de l’autodéveloppement intentionnel passent de l’expansion ou de l’actualisation de soi au maintien et à la défense des définitions de soi établies (p. 55, traduction libre). Il semble donc que la théorie tant décriée du désengagement

s’applique au quatrième âge. Ce retrait des personnes âgées, ajouté à la marginalisation qu’on leur impose et à l’âgisme dont elles sont victimes peuvent fort bien ressembler à la mort sociale dont parlent certains observateurs. On peut se demander si l’isolement social ne contribue pas à augmenter chez elles les manifestations pathologiques. C’était l’opinion du réputé sociologue Roger Bastide (1898-1934) qui écrivait naguère que la sénilité pouvait bien être « un produit artificiel de la société qui rejette les vieillards ».

Sur le plan du fonctionnement général de la personnalité, il appert que les possibilités d’adaptation et les capacités d’affronter les tribulations (coping) diminuent considérablement avec le grand âge (Martin, Kliegel,

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Rott, Poon, & Johnson, 2008), ouvrant ainsi la porte à des troubles variés, à la plurimorbidité qui nécessite le déménagement dans une résidence pour personnes âgées semi-autonomes, l’hospitalisation à court terme et parfois le transfert dans un centre hospitalier pour soins de longue durée (CHSLD), où environ 90 % des personnes âgées de 85 ans et plus passent leurs derniers moments (Dechêne, Dion, & Gratton, 2004). Pfitzenmeyer, Mourey, Faivre et Lenfant (2002) font état d’un phénomène fréquent, la « démotivation », qui a un impact délétère sur la capacité d’agir1. La démotivation proviendrait de la perte de la maîtrise sur sa vie – situation parente de la « résignation acquise ». Cet état – cette fragilité – bloque en quelque sorte l’avenir des personnes, réduit leur motricité et diminue leur capacité de passer à l’acte. L’écrivain irlandais Yeats (1865-1939) était « furieux d’être vieux » parce que, disait-il, « je ne peux plus exécuter ce que je projette et pense ». On aura deviné que la démotivation est un important déclencheur de la dépression. La baisse du niveau général de fonctionnement justifie l’expression (fréquemment entendue) désignant le grand âge comme « des mauvaises années ». Flaubert (1821-1880) considérait la vieillesse comme une « déchéance », Chateaubriand (1768-1848) comme un « naufrage » (expression reprise par De Gaulle). Ce sont évidemment des cris pathétiques, mais de fait, l’observation fait voir que le dysfonctionnement augmente, avec l’avancement en âge, comme l’illustre fort bien la Figure 1. Ce déclin soulève la question de la pertinence de chercher à ajouter des années à la vie quand des résultats consistants indiquent que la dignité, le sens de la maîtrise personnelle, l’identité et la qualité de vie sont fortement menacés (Voyer, 2010).

FAVORISER LA QUALITÉ DE VIE ET LA DIGNITÉ AU QUATRIÈME ÂGE2

Assurer un accompagnement aux gens très vieux

Le terme « accompagnement » est préférable à celui de prise en charge puisqu’il implique qu’on laisse à la personne la possibilité de prendre les décisions qui la concernent ou tout au moins d’y participer. Cette participation est souvent opprimée, comme s’en plaint cette femme de 90 ans qui reproche à ses enfants d’avoir choisi (sans la consulter) « ce qu’il y a de mieux pour moi » et qui demande : « Laissez-nous être un peu acteurs de notre vie » (rapporté par Guinchard-Kunstler, 2006, p. 156).

1. Ils ont observé de la démotivation chez 56 % des patients de l’unité gériatrique de

l’hôpital de Dijon. 2. Nous ne saurions trop recommander l’ouvrage de Ancet, Mazen, Mourey et

Pfitzenmeyer (2009) écrit par des chercheurs de plusieurs disciplines qui incite à la réflexion sur la grande vieillesse. La Revue québécoise de psychologie a publié une recension de cet ouvrage (2009, vol. 30, no 3).

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010203040506070

Très pauvre Pauvre Moyen Bon

Niveau de fonctionnement

% p

ar c

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70 ans 80 ans 90 ans

Figure 1. Niveau de fonctionnement selon l’âge (adapté de Baltes & Smith, 2003)

Note. Classement basé sur 23 indices physiques, mentaux, psychologiques et sociaux. Il apparaît clairement que les plus âgés, sont de plus en plus nombreux à connaître un niveau de fonctionnement très pauvre. Les femmes sont ici particulièrement touchées.

Pour conserver sa dignité et le sens de son identité, n’a-t-on pas besoin de garder un certain contrôle sur sa vie?

Comment trouver du sens à sa vie quand l’environnement, tant structurel qu’humain, ne vous renvoie que du vide et nie votre existence en tant qu’individu capable de choix, souhaitant bénéficier de liberté, d’intimité et de responsabilité ? (Mazen, 2009, p. 53).

Pour favoriser cette liberté, les politiques sociales sont de plus en plus

orientées vers le maintien à domicile1 et c’est heureux (Vaillancourt & Jetté, 2003). Cependant, nous avons mentionné qu’environ 90 % des personnes âgées passent leurs derniers moments dans des hôpitaux ou en CHSLD (Dechêne et al., 2004). Malgré le courage et la bonne volonté du personnel, ces institutions servent souvent de boucs émissaires d’un système inadéquat. Ne s’agit-il pas de milieux souvent impersonnels, aseptisés et contraignants dans lesquels travaillent des employés surchargés, fatigués et parfois insuffisamment formés? Il n’est donc pas surprenant que soient dénoncés certains abus2 et de la maltraitance à

1. Pour des renseignements sur PRISMA (Programme de recherche sur l’intégration des

services de maintien à domicile) dirigé par Réjean Hébert (Université de Sherbrooke) et André Tourigny (Université Laval). Site en ligne le 30 janvier 2010 : <www.chsrf.ca/final_research/ogc/pdf/hebert_f.pdf>.

2. Dans une institution de soins de longue durée de Montréal, des membres d’une famille ont dû cacher une enregistreuse pour être enfin écoutés dans leur dénonciation des abus commis à l’endroit d’un des leurs. Cette affaire a fait grand bruit dans les médias. L’année suivante, un journaliste rapportait que rien n’avait vraiment changé. Entre temps, le directeur général s’était suicidé …

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l’occasion (Becmeur, Genty, Patouraux, & Petit, 2009). Ces institutions – que certains désignent comme des « parkings » ou des « mouroirs » – signifient trop souvent pour les bénéficiaires disparition des proches, perte de repères, cohabitation avec des inconnus, angoisse de la souffrance, solitude et « sentiment que la seule chose que vous avez à faire est de mourir » (Mazen, 2009, p. 50). Elle n’est donc que trop vraie cette phrase terrible de Bobin (1999) : « Assis pendant des heures dans le couloir de leur maison de repos, ils attendent la mort et l’heure du repas » (cité dans Pierron, 2009, p. 59).

Il faudrait pourtant peu de choses pour assurer qualité de vie, confort et dignité à ces personnes fragiles et démunies. Comme le signalent les praticiens, que coûtent une bonne parole, un toucher au bras ou un câlin gentil? Ces menus gestes fréquemment associés aux soins journaliers remplissent une journée, que dire une vie, car, comme le disait une vieille dame : « À notre âge, nous prenons tout à cœur »; un rien leur fait mal, un rien leur fait grand bien. Très sensibles aux messages transmis par les professionnels qui s’en occupent, les personnes très âgées perçoivent du réconfort dans la manifestation de compassion qui se transmet par « l’attention portée aux petites choses de la vie quotidienne », selon Perry (2009). Il faut espérer, comme le souhaite Lefrançois (2007, p. 64), que la société se donnera comme devoir « de gérer adéquatement ce surnombre de personnes vieillissantes, de soigner dignement les grands malades et d’intégrer socialement ceux qui auront atteint la vie longue ». C’est donc une approche humaniste et holistique qu’il faut; une approche qui se refuse à conditionner les gens pour en faire de « bons résidents » qui ne bougent pas, acceptent le fauteuil roulant, demandent des couches et ne se plaignent pas; bref, une approche qui se soucie de la qualité de vie et de la dignité des personnes. Pour leur part, Charpentier et Soulières (2007) recommandent une approche qui favorise l’habilitation (empowerment) et suggèrent divers moyens à cet effet (autant d’actions concrètes pour les cliniciens) : - créer divers types de ressources résidentielles pour répondre aux

besoins variés des personnes très âgées; - éviter les « dé-placements » non nécessaires et impliquer la personne

concernée dans les décisions qui s’y rattachent; - aménager des espaces particuliers pour les gens qui ont des

problèmes cognitifs; - favoriser la participation des résidents à la vie de la résidence; - mettre en œuvre des mesures de rétention du personnel (des

préposées surtout) en vue de favoriser des liens plus durables entre employés et résidents;

- mettre sur pied des groupes d’entraide composés de résidents, de professionnels, de bénévoles, de membres des familles et de

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décideurs, car ne faut-il pas un village pour s’occuper d’une personne très âgée? (Guchet, 2001).

Repenser la fin de vie

Cette question de la fin de vie ou du mourir est si complexe et soulève une telle controverse qu’elle exigerait un essai à elle seule. D’un côté, les défenseurs de la vie à tout prix dénoncent toute tentative de suicide assisté ou d’euthanasie active (par exemple, De Koninck, 2009); d’un autre côté, ceux qui réclament « la mort libre », selon l’expression de Simone De Beauvoir (1972), et se demandent sur quelle « féroce déontologie » se base cette volonté de prolonger à tout prix une vie qui n’en est plus une1. Entre ces extrêmes, certains nous rappellent que des soins adéquats diminueraient sans doute le pourcentage trop élevé des suicides chez les personnes âgées.

Une société, à force de mal prendre soin de ses membres vulnérables (…), peut finir par faire du désir de mourir le seul moyen d’échapper à la souffrance et au mépris (Pélissier, 2009b, p. 312).

Sebag-Lanoë (2009) reconnaît la polysémie de l’expression « mourir

dignement » et en indique quelques significations : - Ne pas mourir loin des siens. - Ne pas mourir en devenant l’objet d’acharnement thérapeutique. - Ne pas mourir dans de grandes douleurs. - Ne pas mourir sale et souillé. - Ne pas mourir dans le mépris de ses désirs et croyances religieuses

ou spirituelles. - Échapper à la maladie d’Alzheimer. - « Jouer son personnage » jusqu’au bout. - Mourir quand on l’a décidé soi-même, dans le cadre d’une euthanasie

ou d’un suicide assisté, comme le réclame l’Association pour une mort digne et comme on peut le faire, sous certaines conditions, dans plusieurs pays.

Bref, mourir d’une mort que « nous aurions enfantée nous-mêmes »,

selon l’expression du poète Rainer Maria Rilke.

Cette spécialiste en la matière suggère huit actions concrètes pour aider les gens à mourir dignement : 1. Maintenir la personne âgée dans son environnement habituel le plus

longtemps possible. 2. Soulager la souffrance physique.

1. Voir le site de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD) :

www.aqdmd.qc.ca (en ligne le 21 juin 2011).

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3. Alimenter et hydrater le patient aussi naturellement que possible. 4. Assurer le confort du patient. 5. Apporter une présence disponible, attentive et régulière. 6. Maintenir la communication. 7. Maintenir l’environnement physique propre, confortable et sécurisant. 8. Favoriser la présence des proches.

Dans le même sens, Boire-Lavigne (2010) propose aux médecins d’adopter les Échelles de niveaux de soins qui facilitent la prise de décision à l’endroit d’un patient très âgé et très malade. Cet instrument aide les médecins à ajuster le traitement au cours de l’évolution de la maladie et, ainsi, à éviter l’acharnement qu’on leur reproche parfois.

Les changements d’attitudes devant la mort et l’opposition aux décisions extrêmes (acharnement thérapeutique ou euthanasie), ont fait naître des mouvements en faveur d’une humanisation de la fin de vie, comme le développement des soins palliatifs. Selon les promoteurs de cette approche, l’amélioration de la qualité des soins, un meilleur contrôle de la douleur et un soutien approprié permettraient de redonner un sens à la fin de vie et de diminuer les demandes de mort (Lafontaine, 2008, p. 210).

Sénèque, le philosophe de l’Antiquité (dans sa Lettre 26 à Lucilius, Livre III), est plus radical et conseille « d’apprendre à mourir », même si cet apprentissage ne peut servir qu’une fois. Ce conseil s’apparente à la recommandation que faisaient autrefois les prêtres de se « préparer à la mort » qui pouvait arriver à l’improviste! L’accumulation des pertes peut aider à apprendre, à se préparer et à « rendre la mort plus supportable » (De Beauvoir, 1972). Faut-il souligner que des recherches sont nécessaires – en éthique et en clinique – pour soutenir cette étape de l’approche de la mort?

Poursuivre, intensifier et adapter ce qui s’impose déjà au troisième âge

Modifier nos représentations et nos attitudes à l’égard de la grande vieillesse

Si les représentations sociales à l’égard des gens du troisième âge se sont améliorées avec l’arrivée de « jeunes vieux » plus scolarisés et plus à l’aise financièrement et grâce à une publicité qui voit en eux des consommateurs de loisirs et de voyages, la perception des personnes du quatrième âge, elle, n’en est que plus négative de sorte que l’âgisme se démasque. Même le droit pénal – excellent révélateur des valeurs de notre société – reconnaît qu’ « un délit commis contre un enfant est perçu comme plus inacceptable que celui qui atteint un vieil homme » (Mathieu, 2009, p. 28).

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Butler (1975) définit l’âgisme comme un processus par lequel des personnes sont stéréotypées et discriminées en raison de leur âge et qui s’apparente à celui du racisme et du sexisme. Pélissier (2009a), pour sa part, en distingue trois types. Le premier, l’âgisme économico-démographique1, qui propage des visions alarmistes provenant de changements démographiques réels (le vieillissement de la population); les pays occidentaux seraient « envahis » par des vieilles personnes qui constituent un poids économique inquiétant. Le deuxième, l’âgisme par uniformisation, qui attribue certaines caractéristiques à l’ensemble des personnes d’un certain âge. On considère alors les personnes très âgées comme oisives, aisées (oubliant le grand nombre de pauvres), conservatrices, avares, égoïstes, alors que pour ces caractéristiques « Le temps ne fait rien à l’affaire » (comme l’écrivait Molière). Le troisième, l’âgisme accusateur (fruit des deux autres), qui rend les personnes âgées « responsables » de nos maux. Ainsi, elles deviennent des boucs émissaires privilégiés, portant les tares et causant les problèmes dont la société malade ne veut pas s’occuper.

Des études ont démontré que les stéréotypes s’insinuent en nous et affectent inconsciemment notre comportement. Ainsi, des étudiants universitaires marchent plus lentement après avoir reçu un message subliminal (priming) associé à la vieillesse (Bargh, Chen, & Burrows, 1996). Des résultats semblables ont été obtenus avec le temps de réaction (Kavakami, Young, & Dovidio, 2002). Ces recherches nous rappellent que l’adoption, même inconsciente, d’un stéréotype influence notre comportement, comme l’explique la théorie de la prophétie autoréalisante.

Il y a donc fort à faire pour lutter contre la discrimination souvent peu visible, mais insidieuse et délétère. On rapporte des initiatives efficaces : la formation des personnels qui s’occupent des gens très vieux, l’éducation de la population et des jeunes en particulier, puisque nos représentations et nos attitudes se construisent tôt (Dupont, 2009), et des rencontres intergénérationnelles fréquentes et bien organisées. Guinchard-Kunstler (2006) raconte qu’après pareilles rencontres autour de livres pour enfants écrits par des personnes âgées, le jeune Armand (huit ans) conclut péremptoirement : « Finalement, être vieux, c’est pas un défaut »! Il est urgent d’agir, car l’âgisme n’est pas banal : « Il ne se limite pas à des insinuations perverses sur nos fragilités (…), à traiter les personnes vieillissantes sans le respect ou les égards qui leur sont dus (…), à berner les aînés ou à les priver de leurs besoins fondamentaux. L’âgisme peut même être meurtrier »! (Plamondon, 2009, p. 58). En effet, « Une culture qui nie la mort et la vulnérabilité ne peut laisser les vieilles personnes nous les rappeler » (Pélissier, 2009a, p. 8).

1. À ce propos, voir le chapitre 8 de Lefrançois (2004).

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Favoriser la poursuite des buts personnels chez les personnes très âgées

Il est bien démontré que l’existence et la poursuite de buts personnels favorisent le bien-être (Lapierre & Bouffard, 2009) et le bon vieillissement (Dubé, Lapierre, Bouffard, & Labelle, 2000), mais ces résultats s’appliquent surtout à des personnes d’âge moyen ou du troisième âge. Peut-on s’attendre à des résultats semblables avec les gens du quatrième âge? On peut en douter puisque les buts personnels forment un « système dynamique » constitué des contingences de l’environnement et des ressources personnelles (Shah & Kruglanski, 2008). Or, les personnes très âgées sont limitées par des ressources déficientes, comme nous l’avons vu dans la première partie de ce texte. Les résultats de Lawton, Moss, Winter et Hoffman (2002) confirment cette impression. Ces chercheurs ont observé, chez un groupe de 600 personnes dont la moyenne d’âge était de 77,4 ans, une diminution du nombre de projets personnels, des loisirs actifs, des activités intellectuelles et du sens de la vie avec l’avancement en âge.

La poursuite des buts et la persistance malgré les obstacles sont influencées par la probabilité de les atteindre, la perception de contrôle et le sentiment d’efficacité personnelle, autant de variables qui déclinent chez la grande majorité des personnes très âgées (Freund, Nikitin, & Ritter, 2009). De plus, le développement tout au long de la vie implique une interaction dynamique entre l’individu et son environnement, réaction à cet environnement et proaction à l’endroit de celui-ci puisque l’individu peut façonner son environnement (au moins partiellement) et non seulement être façonné par lui (Baltes, Lindenberger, & Staudinger, 2006). Or, cette psychologie du développement semble bien s’appliquer au vieillissement réussi du troisième âge, mais devient problématique avec l’arrivée des contraintes, des limites et des pertes au quatrième âge.

Considérons maintenant l’autorégulation dans la poursuite des buts personnels. Elle devient de plus en plus importante en vieillissant, puisque les normes sociales régissant les comportements font moins sentir leur influence (Freund et al., 2009). Cependant, cette exigence d’autorégulation pose problème aux gens très âgés, car « la vulnérabilité et les contraintes bioculturelles qui apparaissent au très grand âge rendent l’autorégulation progressivement difficile » (Gerstorf & Ram, 2009, p. 39, traduction libre). De plus, puisque les normes sociales et les expectations font sentir leur influence au cours du jeune âge et de la période adulte, les gens ont eu peu de possibilités de mettre en pratique leur autorégulation. Ils arrivent donc peu habitués et peu équipés pour l’exercer lors du grand âge.

Est-ce que la baisse des capacités vient tuer tout projet? Il ne semble pas puisqu’il reste la possibilité de buts personnels signifiants et réalistes, si minimes soient-ils : des buts inscrits dans le passé de l’individu,

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appariés aux capacités résiduelles et orientés vers un avenir proche. Au grand âge, les buts personnels portent principalement sur les relations avec les proches et le maintien de certaines activités privilégiées. Il peut s’agir également de projets de groupe, comme celui de ces dames très âgées de Bregille (France) qui publient un « journal » depuis plusieurs années, chacune y participant selon ses possibilités et ses envies (Guinchard-Kunstler, 2006). D’autres font de la peinture, du chant, du théâtre ainsi que de l’artisanat que certaines dames enseignent à des jeunes. D’autres, enfin, font de l’exercice physique approprié. Comment ne pas s’émerveiller devant un groupe de personnes âgées de 80 à 90 ans de Sherbrooke (Québec) qui font de l’aqua-aérobie trois fois par semaine sous la direction dynamique d’une animatrice de… 86 ans! Ces buts sont essentiels, car ils maintiennent les gens en vie : « Pour que la vieillesse ne soit pas une dérisoire parodie de notre existence antérieure, il n’y a qu’une solution, c’est de continuer à poursuivre des fins qui donnent sens à notre vie » (De Beauvoir, 1970, II, p. 395). Cependant, il faut absolument que ces individus très âgés et fragiles reçoivent quelque soutien pour les appuyer ou compenser leurs trop minimes ressources.

Encourager l’engagement social des gens très âgés

L’engagement social est un facteur de développement personnel, de bien-être et de bon vieillissement (Greve & Staudinger, 2006; Van Willigen, 2000). Voilà un autre défi pour les personnes très âgés et les ceux qui les accompagnent. Est-il encore possible pour elles de trouver des espaces d’investissement et d’actualisation des « potentialités résistantes » (selon l’expression de Lefrançois, 2007)?

Des chercheurs ont constaté, chez des personnes de 75 à 94 ans que,

bien que le bénévolat diminuât avec le vieillissement, les gens engagés dans ce type d’activités étaient d’un statut socio-économique plus élevé, en meilleure santé, fonctionnaient mieux sur les plans cognitif, émotionnel et social et, enfin, étaient moins à risque face à la mortalité que ceux qui ne faisaient pas de bénévolat (quoique pratiquant d’autres activités) (Shmotkin, Blumstein, & Modan, 2003).

Adams (2004) constate, chez des personnes âgées de 65 à 94 ans, une évolution des activités et intérêts qui appuie quelque peu la théorie du désengagement : retrait progressif des loisirs, des plans d’avenir, du bricolage et de l’aide à autrui. Par contre, en accord avec la théorie de la sélectivité émotionnelle de Cartensen (2006), en vieillissant les gens « sélectionnent » leurs relations sociales pour ne garder que les plus signifiantes. Adams (2004, p. 104, traduction libre) conseille donc à ceux qui travaillent auprès des gens très âgés « de les aider à maintenir les liens émotifs qu’ils valorisent le plus et de les laisser se désengager des entreprises qui les intéressent moins » (traduction libre).

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Une étude suédoise réalisée auprès de participants âgés de 80 à 89 ans a confirmé que la « participation » – qu’elle soit orientée vers la performance ou vers les relations sociales – est peu élevée et dépend à la fois des capacités fonctionnelles et des « services publics ». Les auteurs (Haak, Fange, Horstmann, & Iwarsson, 2008) insistent sur la nécessité d’améliorer ces services publics (transport en commun, rampes d’accès, parcs, activités culturelles) en vue de rendre les villes un peu plus « amies des aînés »1.

Schindler et al. (2006) s’intéressent aux diverses formes d’engagement en distinguant l’investissement « nécessaire » (santé, cognition, famille, autonomie, réflexion) et l’investissement « optionnel » (loisirs, amis, sexualité, occupations diverses) chez des personnes de 70 à 100 ans qu’ils ont suivies pendant 10 ans. Ils ont constaté que l’investissement nécessaire demeure stable, tandis que l’investissement optionnel diminue entre 80 et 90 ans, tout en reconnaissant une importante variabilité individuelle. Ils font remarquer que le déclin de l’engagement optionnel n’est pas graduel, mais survient brusquement avec l’arrivée du quatrième âge. Cette étude fait donc voir, ici encore, une sélection importante des choix au grand âge en vue de consacrer les énergies restantes aux activités les plus valorisées.

Toutes ces formes d’activités ou de participation constituent pour

Erikson un « engagement vital », engagement qui diminue progressivement et qui devient ce qu’il appelle un « désengagement engagé ». En effet, Erikson insiste sur l’importance d’un engagement qui devient plus introspectif ou spirituel (méditation, réflexion), qui permet d’intégrer les limites et les pertes à son identité vieillissante et finalement d’accepter sa finitude (Erikson2, Erikson, & Kivnick, 1986).

Recommandations à l’intention des personnes très âgées

Cultiver une perception positive du vieillissement. Les personnes ayant une conception positive de la vieillesse vivraient 7,5 années de plus que celles ayant des perceptions moins positives (Levy, Slade, & Kunkel, 2002). Selon l’étude «The Nuns Study», la présence d’émotions positives prolongeait la vie de façon remarquable : 54 % des religieuses les plus joyeuses (quartile supérieur) ont vécu jusqu’à 94 ans contre 11 % des moins joyeuses (quartile inférieur) (Danner, Snowdon, & Friesen, 2001).

Exploiter ses forces personnelles ou optimiser ses capacités résiduelles favorise le bon vieillissement (Freund & Baltes, 2003) et le

1. Le lecteur intéressé peut consulter l’article intitulé « Municipalités amies des aînés »

dans Vie et vieillissement, vol. 9, no 1 (août 2011). 2. Erik Erikson dépassait largement 80 ans lorsqu’il a publié cet ouvrage.

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bonheur tout au long de la vie (Seligman, Steen, Park, & Peterson, 2005). Cultiver certaines qualités : émerveillement, tendresse, transparence, sagesse et sérénité; corrélativement, éviter certains défauts : rigidité, entêtement, égoïsme, passéisme, indifférence, déni des pertes et mauvaise humeur. Après avoir suivi certaines personnes pendant 60 ans, Vaillant (2002) recommande de développer les caractéristiques suivantes : ouverture et utilité sociale, acceptation des difficultés de la vieillesse, humour, amitié de même que certaines caractéristiques « eriksonniennes » : espoir, autonomie et intégrité. Selon lui, les personnes âgées qui développent ces qualités vieillissent bien et « les petits-enfants les aiment », tandis que les gens fuient ceux qui correspondent aux stéréotypes négatifs.

Adopter certaines stratégies ou une philosophie de vie. Dans une brève synthèse, Dubé (2010) présente les « ingrédients » favorables au maintien de la satisfaction de vivre, malgré le fait que cette dernière soit affectée par l’imminence de la mort (Gerstorf, Ram, Estabrook, Schupp, Wagner, & Lindenberger, 2008). Une attitude positive qui minimise les pertes, le maintien des relations les plus significatives, la spiritualité, l’effort pour continuer de réaliser « ce qui doit être fait » aux dépens de « ce qui pourrait être fait » semblent des stratégies porteuses d’un bon vieillissement même chez les personnes les plus âgées. La philosophie consistant à maximiser les aspects positifs, à minimiser les aspects négatifs et à se « désengager » des buts devenus irréalistes ou non pertinents favoriserait également le sens de la vie, la sagesse et la sérénité au grand âge.

Âgé de 90 ans, Tudoire (2001) y va de quelques conseils pratiques qui l’ont aidé à « passer harmonieusement du troisième âge au quatrième âge » : - Ne pas croire qu’à un certain âge, on a droit à la considération

générale. - Ne pas considérer que son expérience soit valable aujourd’hui. - Accepter l’idée que l’évocation de son passé n’a d’intérêt que pour soi-

même. - Être disponible pour son prochain (Nietzsche ajouterait « aussi pour

son lointain »). - S’efforcer d’être « une valeur ajoutée » pour l’autre. - S’intéresser à l’univers de l’autre. - Conserver ou retrouver le sens de l’émerveillement devant la grande

aventure de la vie.

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RÉFLEXIONS FINALES

Nous avons documenté le fait que les pertes et les difficultés augmentent avec la grande vieillesse. Mais pour ne pas en rester à une approche médico-psychologique négative, nous avons présenté un certain nombre d’actions à poser et de recherche à entreprendre, et ce, à divers niveaux. Il nous semble important d’insister avec Lefrançois (2007) sur la nécessité d’élargir nos perspectives en regard de la grande vieillesse. Il serait dommageable, selon Sève (2010), de faire de la grande vieillesse une « affaire personnelle » puisque c’est plutôt une affaire de société. Il importe donc que les divers professionnels de la gérontologie collaborent en vue de modifier la culture existante pour éviter la « dégradation de nos vies » et pour « émanciper toute la succession des âges sociaux » (Sève, 2010, p. 3). L’élargissement de nos perspectives théoriques en matière de psychologie du quatrième âge est également recommandé par Lerner (2006). Ce chercheur fait la promotion du développement sur toute la vie par l’identification des ressources personnelles et leur « jonction » avec les différents contextes favorables à la santé et à la croissance. Cette approche favorise la « plasticité » du changement ontogénétique dont parle Baltes (1997) et reconnaît la « diversité » des trajectoires du développement au cours de la vie. Cette perspective positive et ouverte évite à la fois le « réductionnisme génétique » et le « contextualisme radical » en adoptant plutôt une conception dynamique du développement qui implique la « coaction » entre l’organisme individuel et l’écologie sociale (Lerner, 2006).

Cette nouvelle mentalité pourrait être à l’origine de changements

assez importants : sauvegarder l’équité dans le partage des ressources entre les générations (Haldemann, 2010), réattribuer à la sauvegarde de la qualité de vie des personnes très âgées une partie au moins des subsides dépensés pour prolonger la vie, éviter d’évaluer les vieillards à l’aune des critères de jeunesse (activité, performance, réussite, profit, etc.), créer une société hospitalière, conviviale, fraternelle, intégrative et débarrassée des préjugés à l’endroit de la vieillesse, adopter une approche éthique qui attribue sa valeur aux personnes quel que soit leur âge (Bombardier, 2009; Lefrançois, 2007). Voilà de beaux défis pour le travail communautaire.

Plus concrètement, les praticiens sont requis pour des visites à

domicile (nécessaires pour soutenir l’autonomie), pour un travail d’animation dans les résidences et les institutions, pour la formation de personnels (ce qui constitue, certes, une priorité) et pour un travail d’information auprès du public au moyen des médias : une émission de télévision ou un documentaire peut avoir un impact positif.

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Par-dessus tout, il importe d’aider les personnes très âgées à donner du sens à leur vie et de trouver, nous aussi, du sens à notre future vieillesse. Cette quête est d’autant plus impérative que le sens de la vie a tendance à diminuer avec l’avancement en âge (Ryff, 1991). Cependant, cette « signifiance » peut être rehaussée par des relations sociales, par la préservation de sa liberté, par le sentiment d’utilité et une sollicitude discrète, mais attentive (Mazen, 2009). Finalement, ne peut-on pas penser qu’à l’approche de la mort, le sens de la vie consisterait à assumer sa finitude?

Comme bouquet de la fin, voici un poème touchant trouvé par hasard dans les affaires d’une vieille dame irlandaise.

QUE VOIS-TU, TOI QUI ME REGARDES?

Une vieille femme grincheuse, un peu folle. Le regard perdu, qui n’y est plus tout à fait. Qui bave quand elle mange et ne répond jamais Qui, docile ou non, te laisse faire à ta guise (…) C’est ça que tu penses, c’est ça que tu vois? Alors ouvre les yeux, ce n’est pas moi. Je vais te dire qui je suis … Je suis la dernière de dix, avec un père et une mère, Des frères et des sœurs qui s’aiment. Une jeune fille de 16 ans, des ailes aux pieds, Rêvant que bientôt, elle rencontrera un fiancé. Mariée déjà à 20 ans. Mon cœur bondit de joie… J’ai 25 ans maintenant et un enfant à moi Qui a besoin de moi pour lui construire une maison. Une femme de 30 ans, mon enfant grandit vite, Nous sommes liés l’un à l’autre par des liens qui dureront. Quarante ans, bientôt, il ne sera plus là. Mais mon homme est à mes côtés qui veille sur moi. Cinquante ans, à nouveau jouent autour de moi des bébés; Me revoilà avec des enfants, moi et mon bien-aimé. Voici les jours noirs, mon mari meurt. Je regarde vers le futur en frémissant de peur, Car mes enfants sont tous occupés à élever les leurs,… Je suis vieille maintenant, et la nature est cruelle, Qui s’amuse à faire passer la vieillesse pour folle, Mon corps s’en va, la grâce et la force m’abandonnent. (…) Mais dans cette vieille carcasse, la jeune fille demeure… Je me souviens des joies, je me souviens des peines… Alors ouvre les yeux, toi qui me soignes, et regarde. Non la vieille femme grincheuse…regarde mieux, tu me verras! (Tiré de Guinchard-Kunstler, 2006, p. 174).

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RÉSUMÉ

Dans cet essai sur le quatrième âge, deux chercheurs en gérontologie se penchent sur l’éternel dilemme selon lequel les humains désirent vivre longtemps et vivre bien. En se basant sur une littérature scientifique en croissance, ils démontrent que le « coefficient d’adversité » augmente avec le grand âge et suggèrent des implications nécessaires (sur les plans individuel et social) pour maintenir la qualité de vie et la dignité humaine pour les futurs vieillards que nous serons.

MOTS CLÉS

quatrième âge, dignité, qualité de vie, adversité

ABSTRACT

In this essay on the fourth age, two researchers in gerontology return to the eternal dilemma : live a very long time and live well. The authors found upon a growing scientific literature and demonstrate that the “adversity coefficient” increases at the fourth age and they suggest few concrete actions (at individual and social levels) in order to maintain quality of life and human dignity for us, the future old people.

KEY WORD

fourth age, dignity, quality of life, adversity

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