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www.santesud.org AGIR SANS REMPLACER trimestriel • n° 114 • juin 2017 INFOS Soigner et sauver les mamans et leurs bébés Assurer des accouchements à risque dans des lieux isolés à Madagascar. Renforcer le métier des sages-femmes en Mongolie. Des problématiques distinctes avec la même ambition : réduire la mortalité maternelle et infantile grâce à une meilleure prise en charge des naissances. © Santé Sud Meray, 21 ans, est mère de quatre enfants. Elle vit à Bekily, dans la région d’Atsimo-Andrefana, à 45 km de l’hôpital le plus proche et à 175 km du centre qui pratique des césariennes. Un médecin généraliste communautaire (MGC) assure des consultations à 5 km de son village. Ce n’est qu’à partir de sa troisième grossesse que Meray a réalisé le suivi prénatal avec le MGC. « La majorité des femmes ne savent pas ce qu’il faut faire pendant une grossesse, ni qu’un suivi doit être mené », explique M. Bevaoky, le chef du village. « Beaucoup de femmes, sinon de bébés, meurent pendant l’accouchement », ajoute-t-il. M. Bevaoky alerte sur l’importance de sensibiliser la communauté aux consultations prénatales. Il explique que le centre de santé manque de moyens, et les médecins, de formation à la prise en charge des femmes et des nouveau-nés. « Il faudrait que le médecin soit présent le plus possible, et que les stocks de matériels et de médicaments soient mieux approvisionnés. Il serait bien d’avoir un centre de référence plus proche pour les césariennes. » L’IMPORTANCE DU SUIVI PRÉNATAL MADAGASCAR Nasantogtokh Dasdhdondog est sage-femme au Centre national pour la mère et l’enfant, hôpital de référence à Oulan Bator. En Mongolie, les sages-femmes pratiquent l’accouchement sous la surveillance du médecin et ne disposent pas d’autonomie pour prescrire des médicaments ou pour analyser des examens, explique-t-elle. « Il est nécessaire de faire évoluer cette situation, de renforcer nos capacités. Les fiches de poste doivent mieux préciser nos fonctions et nous donner plus de responsabilités. L’école doit disposer de lieux de stage dans les hôpitaux. Si notre formation initiale, de quatre ans, est adéquate, elle manque de pratique : les étudiantes ne réalisent aucun accouchement durant tout le cursus à l’université. Or, si elles pouvaient avoir entre 10 et 20 accouchements physiologiques, la qualité de la formation s’améliorerait ! J’étais enthousiaste de voir qu’en France les sages-femmes jouissent d’une autonomie totale pour exercer leur métier dans le cadre de grossesses saines. » « IL FAUT RENDRE À NOTRE MÉTIER TOUTE SA VALEUR » MONGOLIE SSI N°114.indd 1 30/05/2017 09:43

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www.santesud.orgAGIR SANS REMPLACERtrimestriel • n° 114 • juin 2017INFOS

Soigner et sauver les mamanset leurs bébésAssurer des accouchements à risque dansdes lieux isolés à Madagascar. Renforcer le métier des sages-femmes en Mongolie.Des problématiques distinctes avec la même ambition : réduire la mortalité maternelle et infantile grâce à une meilleure prise en charge des naissances.

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Sud

Meray, 21 ans, est mère de quatre enfants. Elle vit à Bekily, dans la région d’Atsimo-Andrefana, à 45 km de l’hôpital le plus proche et à 175 km du centre qui pratique des césariennes. Un médecin généraliste communautaire (MGC) assure des consultations à 5 km de son village.Ce n’est qu’à partir de sa troisième grossesse que Meray a réalisé le suivi prénatal avec le MGC.« La majorité des femmes ne savent pas ce qu’il faut faire pendant une grossesse, ni qu’un suivi doit être mené », explique M. Bevaoky, le chef du village. « Beaucoup de femmes, sinon de bébés, meurent pendant l’accouchement », ajoute-t-il.M. Bevaoky alerte sur l’importance de sensibiliser la communauté aux consultations prénatales.Il explique que le centre de santé manque de moyens, et les médecins, de formation à la prise en charge des femmes et des nouveau-nés. « Il faudrait que le médecin soit présent le plus possible, et que les stocks de matériels et de médicaments soient mieux approvisionnés. Il serait bien d’avoir un centre de référence plus proche pour les césariennes. »

L’IMPORTANCE DU SUIVI PRÉNATALMADAGASCAR

Nasantogtokh Dasdhdondog est sage-femme au Centre national pour la mère et l’enfant, hôpital de référence à Oulan Bator. En Mongolie, les sages-femmes pratiquent l’accouchement sous la surveillance du médecin et ne disposent pas d’autonomie pour prescrire des médicaments ou pour analyser des examens, explique-t-elle. « Il est nécessaire de faire évoluer cette situation, de renforcer nos capacités. Les fi ches de poste doivent mieux préciser nos fonctions et nous donner plus de responsabilités. L’école doit disposer de lieux de stage dans les hôpitaux. Si notre formation initiale, de quatre ans, est adéquate, elle manque de pratique : les étudiantes ne réalisent aucun accouchement durant tout le cursus à l’université. Or, si elles pouvaient avoir entre 10 et 20 accouchements physiologiques, la qualité de la formation s’améliorerait ! J’étais enthousiaste de voir qu’en France les sages-femmes jouissent d’une autonomie totale pour exercer leur métierdans le cadre de grossesses saines. »

« IL FAUT RENDRE À NOTRE MÉTIER TOUTE SA VALEUR »

MONGOLIE

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MADAGASCAR

Améliorer la prise en charge des grossesses à risque en milieu isoléSOIGNER EN ZONE RURALEÀ Madagascar, la population vit surtout à la campagne, où l’offre de soins est rare. Dans certaines régions comme l’Atsimo-Andrefana,la mortalité maternelle atteint 90 pour 10 000 naissances.Soutenus par Santé Sud, des médecins généralistes communautaires (MGC) ont choisi de s’installer dans ces zones pour répondre aux besoins des populations. Ils prennent en charge au quotidien des naissances, et peuvent être confrontés à tout moment à des accouchements à risque.LE RISQUE MAÎTRISÉPour renforcer la capacité de ces médecins à prévenir et à prendre en charge des complications de grossesse, Santé Sud agit sur deux fronts : la formation aux soins obstétricaux et néonataux d’urgence de base (SONUB), et la fourniture d’équipements indispensables à la gestion de ces situations.Formés en mars, ces professionnels sont accompagnés sur place par leurs formateurs malgaches durant les premiers mois d’application de leurs nouvelles connaissances. La mortalité de la femme enceinte et du nouveau-né sera désormais limitée dans les régions où ils interviennent.GROUPES CIBLES :37 MGC intervenant dans les zones aux taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés du pays.BENEFICIAIRES FINAUX :13 320 femmes enceintes,12 728 nouveau-nés et 69 264 femmes en âge de procréer.PARTENAIRES : Association des médecins généralistes communautaires de Madagascar (AMC-MAD), ministère de la Santé publique.FINANCEMENT : Fondation Orange.

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Gérer des accouchements diffi cilesLe Dr Voahangy Rasoanomenjanahary réalise environ 60 consultations prénatales par mois. En moyenne, deux grossesses présentent des diffi cultés prévisibles à l’accouchement. Cette médecin généraliste communautaire est installée à Mandambo, une zone rurale dans la région d’Analamanga. La commune ne dispose pas d’ambulance et l’hôpital le plus proche est à 45 km. Jusqu’à présent la seule alternative pour ces femmes était de s’y rendre par leurs propres moyens, une décision diffi cile et coûteuse pour les familles.Le Dr Rasoanomenjanahary a participé à la formation aux SONUB, et grâce aussi au matériel reçu dans le cadre du programme de Santé Sud, elle se dit désormais en mesure de prendre en charge des accouchements dystociques (présentant des difficultés). Ses acquis en gestion active de la troisième phase de l’accouchement ont été renforcés, ce qui permet de prévenir des risques d’hémorragie post partum. Aussi a-t-elle mis à jour ses connaissances sur l’utilisation des produits utérotoniques, nécessaires pour déclencher l’accouchement.

Une communauté beaucoup plus confi anteExerçant à Bekily, dans la région d’Atsimo-Andrefana, le Dr Dominique Razakandrainy diagnostique entre deux et trois cas d’accouchement avec des diffi cultés prévisibles, sur la vingtaine de consultations qu’il réalise par mois. Médecin généraliste communautaire (MGC), il prend aussi en charge l’accouchement en urgence de femmes qui n’ont pas été suivies durant leur grossesse. « Le problème se pose quand une césarienne s’avère nécessaire : le seul centre adéquat se situant à 180 km, la diffi culté de trouver des moyens de locomotion entraîne généralement la mort du fœtus, voire de la patiente », déplore-t-il.

Le Dr Razakandrainy explique que la formation aux SONUB et le matériel reçu pour son cabinet médical permettent d’améliorer la prise en charge des accouchements présentant des diffi cultés, tout comme les hémorragies liées à la phase de délivrance. « Tout cela contribue à augmenter la confi ance de la communauté à l’égard du MGC », conclut-il.

Sur le vif

Santé Sud Infos • N° 114

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Renforcer le métier des sages-femmesDES LIMITES À DEPASSER Installés pour la plupart à Oulan Bator, les gynécologues obstétriciens mongols peinent à répondre aux besoins de la population dans un contexte de hausse de la natalité. En dehors de la capitale, les sages-femmes prennent en charge le suivi des grossesses et les accouchements, sans pour autant disposer d’autonomie juridique ou de formation pratique suffi santes pour assumer seules ces responsabilités.DES CHANGEMENTS AMBITIEUXImpliquée depuis vingt ans en Mongolie, Santé Sud a réuni les acteurs représen-tatifs de la profession (associations de sages-femmes et de médecins, minis-tère de la Santé, université, centres de formation, etc.) afi n de renforcer le métier de sage-femme.Elaboré de manière participative, ce programme va proposer des amen-dements à la loi et étayer la formation initiale et continue à l’échelle du pays. L’association des sages-femmes locale sera consolidée. À terme, ces profes-sionnelles devraient exercer avec plus d’autonomie tout en assurant une coor-dination de qualité avec les médecins en cas de signes de pathologie.La première année a permis d’instaurer la dynamique de travail pluri-acteurs, de dresser l’état de la situation et de réaliser une mission d’observation en France, pays réputé pour l’autonomie de ses sages-femmes et leur qualité d’intervention.GROUPES CIBLES :888 sages-femmes.BÉNÉFICIAIRES FINAUX :les femmes en âge de procréer et leurs enfants.PARTENAIRES : ministère de la Santé et des Sports, Association des sages-femmes de Mongolie, Centre de dévelop-pement de la santé, université de Méde-cine, Centre national pour la mère et l’enfant, directions régionales de la santé de 21 régions de Mongolie, Association des gynécologues obstétriciens.FINANCEMENT : Fondation Sanofi Espoir.

NOTRE ACTION

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Du temps et de la pratiquepour concrétiser le changementLe Dr Byanjargal Yadamsuren coordonne, en lien étroit avec Santé Sud, le groupe de travail pluri-acteurs qui conçoit les recommandations et la révision du cadre légal nécessaires au renforcement du métier de sage-femme en Mongolie. Directrice de soins hospitaliers au ministère de la Santé et médecin aguerrie, elle rappelle cependant que le changement sera surtout le fruit de la volonté des sages-femmes et de l’implication de tous les services étatiques et associations professionnelles concernés.De plus, il leur faudra du temps : si le programme a réussi à faire en sorte que le rôle et les gestes des sages-femmes refl ètent les standards internationaux, leurs connaissances et compétences réelles doivent encore être mises à niveau. « Il est essentiel d’augmenter le nombre d’heures de stage de la formation initiale et d’assurer la pérennité de la formation continue et l’approfondissement de la pratique du métier », explique-t-elle, en ajoutant que « la promotion d’échanges entre sages-femmes permettra de favoriser le partage d’expériences ».

« Nous voulons travailler activementpour notre profession »« Pour que notre métier se renforce et soit valorisé auprès de la population, il faut que l’Association des sages-femmes de Mongolie soit soutenue. Notre structure peut agir sur tous les fronts, en dispensant des formations aux professionnelles en activité, en conseillant les femmes enceintes sur leur santé et en sensibilisant la population à l’importance de notre métier. Mais pour cela l’association doit disposer d’un local, d’équipements pédagogiques et techniques, de ressources fi nancières qui assurent son fonctionnement et le développement de sa collaboration internationale. À terme, nous souhaitons que l’association devienne indépendante, compétente et forte, qu’elle représente notre profession à tous les niveaux, y compris auprès d’instances offi cielles pour la défi nition de nouvelles normes de référence et pour une plus grande reconnaissance de ce que nous accomplissons au quotidien. »

Davaasuren Serdamba, présidente de l’Associationdes sages-femmes de Mongolie.

Sur le vif

MONGOLIE

GROUPE SOS, Pôle solidarité Internationale

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EN BREF

FRANCE

Adhérents, donateurs ou curieux, vous êtes conviés à participer à cette occasion unique de rencontrer nos équipes, de découvrir les actions mises en place dans l’année, d’échanger sur l’avenir et d’élire les représentants des adhérents. Rendez-vous à la Cité des Associations – 93, La Canebière, 13001.

Samedi 24 juin 10h MarseilleAssises annuelles de Santé Sud

À VOS AGENDAS

Santé Sud • 200, bd National, Le Gyptis II, Bât. N, 13003 Marseille • Tél. 04 91 95 63 45 • [email protected] • www.santesud.org • Directrice de la publication : Nicole Hanssen • Rédactrice en chef  : Luciana Uchôa-Lefebvre • Merci à  : Anne Bourgognon, François Calas, Uranchimeg Davaajav, Aurélie Dentan,Céline Guillaud, Niry Ramaromandray, Sollèna Rinaldi et Anne Salins • Conception graphique : Point de vue • Impression : CCI Imprimerie.

SANTÉ SUD est une ONG de solidarité internationale, reconnue d’utilité publique, qui agit pour un accès durable à des soins de qualité dans les pays en développement en accompagnant les initiatives locales. Au sein du GROUPE SOS, Santé Sud agit aux côtés de Ginkgo, Djantoli, Afghanistan libre et Planète Urgence en faveur de la solidarité internationale.

3 millions de nouveau-nés n’atteignent pas quatre semaines et 800 femmes meurent chaque jour des complications liées à la grossesse dans le monde. Il est pourtant possible d’éviter ces drames ! Nous avons besoin de vous pour poursuivre nos programmes contre la mortalité maternelle et infantile en Algérie, au Burkina Faso, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, en Mongolie et en Tunisie. Faites un don ! www.santesud.org

UN DON POUR LA SANTÉ DES MÈRESET DE LEURS ENFANTS ©

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Ces programmessont financés par :

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Pensez-vous que la qualité des soins obstétricaux et prénataux peut être améliorée par une autonomisation des sages-femmes ?

Bien sûr. Aujourd’hui en Mongolie, dès qu’il faut décider d’une analyse, interpréter un enregistrement ou examiner une patiente, les sages-femmes sont obligées d’en référer au gynécologue. Ces derniers font face à un nombre d’accouchements considérable et ne peuvent être présents partout. Cela génère des délais d’attente qui nuisent à l’effi cacité du travail obstétrical.

La bonne nouvelle est que les acteurs locaux veulent changer cette situation. Les représentants du ministère de la Santé, de la profession et les responsables d’université se montrent très engagés à faire évoluer la pratique des sages-femmes. En France, ils ont été très impressionnés de constater que nous travaillons vraiment en binôme, ne faisant appel aux médecins qu’en cas de pathologie et assumant seules le processus avant, pendant et après l’accouchement.

Ce sont les Mongols qui défi niront le degré d’autonomie qu’ils attribueront aux sages-femmes et le type de coordination à installer avec les médecins. Ce changement étant de taille, il faudra procéder par paliers. La première étape consistera à sécuriser leur pratique en insistant sur l’apprentissage des gestes à maîtriser, afi n que progressivement médecins et sages-femmes apprennent à se faire confi ance mutuellement. En sortant des écoles, les sages-femmes disposent de la connaissance théorique nécessaire à la prise en charge des grossesses saines : ce qui leur manque est la pratique.

w LA QUESTION À

CATHERINE AUGUSTONI est sage-femme, cadre du pôle femme-mère-enfant à l’Hôpital Nord Franche-Comté. Elle met ses compétences au service du projet de renforcement du métier des sages-femmes en Mongolie.

MALI

TUNISIE

Au Mali, la troisième phase d’un important programme d’amélioration de la prise en charge médicale de populations rurales est lancée. Dix-sept nouveaux laboratoires de première ligne vont assurer des diagnostics biologiques de qualité. La Principauté de Monaco apporte son soutien à Santé Sud et à ses partenaires, dont la fondation Mérieux et le centre d’infectiologie Charles Mérieux au Mali.

Après deux ans de collaboration entre Santé Sud et le ministère des Affaires sociales en Tunisie, un constat s’impose : la prise en charge des jeunes menacés de rupture sociale évolue vers une approche qui les place au cœur des pratiques. Réunis le 23 mars à Tunis à l’occasion du séminaire de clôture du projet, les participants ont rappelé les avancées générées par ce programme qui a ciblé quatre centres publics d’intégration sociale. Leurs capacités institutionnelles sont renforcées et le personnel est formé à l’accompagnement psychothérapeutique et éducatif.

Des laboratoires en région rurale

Les jeunes au cœur des pratiques

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