, Techniques Électroniques Et Art Musical Son, Geste, Écriture

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    Volume !1 : 1 (2002)

    Varia

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    Bastien Gallet

    Techniques lectroniques et artmusical : son, geste, criture

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    Avertissement

    Le contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

    Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales dvelopp par le Clo, Centre pour l'ditionlectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

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    Rfrence lectroniqueBastien Gallet, Techniques lectroniques et art musical : son, geste, criture , Volume ![En ligne], 1 : 1 | 2002,mis en ligne le 15 mai 2004, consult le 08 juillet 2014. URL : http://volume.revues.org/2493

    diteur : Editions Seteunhttp://volume.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur : http://volume.revues.org/2493

    Ce document est le fac-simil de l'dition papier.Editions Seteun

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    Bastien GALLET, Techniques lectroniques et art musical : son, geste, criture , Volume ! La

    revue des musiques populaires, n 1(1), 2002, p. 17-28.

    ditions Mlanie Seteun

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    Rsum.Cet article se propose de rendre compte des diffrentes musiques que le mdium lectro-

    nique a contribu faire natre en partant de lhistoire des techniques musicales et de leur usage

    par les musiciens et les compositeurs. Nous montrons ainsi que les jeunes musiques lectroniques

    (techno au sens large) investissent ces techniques dune manire qui ne doit rien lusage que purent

    en faire les compositeurs. Une potique des gestes contre une esthtique du timbre.

    Mots-clefs. Technique Electronique Sampler Geste Dispositif instrumental Ecriture .

    techniques lectroniques et art musical : son,geste, criture

    par

    Bastien GALLET

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    Toute technique nouvelle cre de nouveaux possibles mais cest lusage quon en fait qui dtermine

    leur effectivit. Lenregistrement et la production lectronique des sons largirent considra-blement le champ de lart musical. La question est de savoir ce que rent les musiciens de cet largissementimprvu. Sil est ncessaire dexplorer les possibles, il faut aussi srier les usages. A condition de sparer clai-rement les rels usages musicaux des simples procds techniques. La plupart des oppositions reconnues nereposent souvent que sur des distinctions dordre technique : on oppose communment musique concrteet musique lectronique sous prtexte que lune privilgiait lenregistrement des sons alors que lautre lesproduisait sur des gnrateurs de frquence. Mais il est un usage du microphone qui rend la musique diteconcrte indiscernable de celle que lon labore dans les studios lectroniques. Pierre Henry est plus prochede Karlheinz Stockhausen et de John Cage que de Ralph Htter et de Juan Atkins. Il peut leur arriver duserdes mmes instruments mais ils ne leur poseront pas les mmes questions et il nen sortira pas la mmemusique. Lhistoire de la musique lectronique au XXe sicle est lhistoire des diffrentes stratgies que lesmusiciens ont invent an de domestiquer des techniques sans cesse nouvelles. Cette histoire commenceavec deux inventions conues sans intention musicale et deux courtes annes dintervalle, le tlphone etle phonographe.

    Gestes et machines

    Le 2 juin 1875, Graham Bell dcouvrit que le ux lectrique peut, sous certaines conditions, transmettre

    distance (dun tage lautre de luniversit de Boston) le son dune voix faisant vibrer une membraneportant en son centre un disque de fer dispos devant un lectro-aimant. Lexprience sera relate bien desannes plus tard par son dle assistant, Thomas A. Watson : Loscillation tait parvenue travers le llectrique jusquau mcanisme receveur qui, heureusement, tait en mesure de transformer le courant enun cho extrmement faible du son de la voix qui lavait gnr. Plus heureux encore, pendant ce momentcrucial, un homme tenait son oreille peu de distance de ce mcanisme et il reconnut instantanmentlimportance du son peine audible qui venait dtre transmis par voie lectrique. [] Cest ce momentprcis que le tlphone est n1. Entre loscillation lectrique et la vibration sonore (reprsents de part etdautre par une mme onde sinusodale), un passage (une premire traduction) est ouvert qui ne sera plus

    jamais referm. Le tlphone sera, lanne suivante, la premire application de cette analogie fondamentale.Trente et un ans plus tard, en intercalant entre lanode et la cathode de lampoule vide de Fleming 2unegrille mtallique permettant de rgler le dbit du courant lectrique circulant entre les deux lectrodes, Leede Forest inventa lamplication lectronique3. Il rendit ainsi possible les communications tlphoniques longue distance (que la perte de puissance des oscillations lectriques rendait impossible) et ouvrit la voie la transmission radiophonique. Quelques annes plus tard, aprs avoir mont plusieurs tubes en cascade andaugmenter leur effet amplicateur, Lee de Forest eut lide de renvoyer le courant de plaque dun audiondans sa propre grille. Boucl sur lui mme, le tube mit un sifement continu dont la hauteur changeaitavec les variations de tension de la plaque : la lampe triode devint un gnrateur daudiofrquences. Cestsur ce principe, celui dun pur et simplefeed-back, que Lee de Forest inventa, en 1915, le premier instrumentde musique authentiquement lectronique : lAudion piano4. Relis aux touches dun piano, les tubes lec-trons se mettent mettre, rpondant aux gestes de linterprte, des ondes sonores qui ont pour unique

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    source le ux oscillant entre les lectrodes de la lampe. Lauditeur de ces sonorits nouvelles est demble

    confront un problme de nomination. Le son lectronique nest rien en lui-mme, son tre est plasti-que. Le qualier revient, comme le fera Lee de Forest quarante-cinq ans plus tard, grener le chapeletdes ressemblances ou voquer les cacophonies dun big bandlunatique5. Pour dsigner ce qui nest djplus vraiment un instrument de musique, Lee de Forest prfrera Audion piano, terme peu vocateur, uneexpression se son invention : Squawk-a-phone , littralement Tlphone--couacs . Ce nom trangepeut se lire comme une adresse ironique Graham Bell. Le tlphone de Bell ne se contente plus de trans-mettre les voix, il se met mettre des sons en son nom propre. Boucl sur lui-mme, il se prend parlertout seul : avec la lampe triode, nous dit Lee de Forest, le tlphone sinvente unephonogonie.

    Le principe de lAudion pianoest la base des principaux instruments lectroniques davant-guerre, lter-phone (1916) de Leon Theremin, les Ondes (1926) de Maurice Martenot et le Trautonium (1931) de FranzTrautwein. Ces deux derniers sont dots dun clavier et dun banc de ltres agissant sur le timbre sonore.Lassociation dun gnrateur de sons et dun panel deffets et de ltres sera caractristique de toute la sriedes synthtiseurs analogiques, du RCA Mark I en 1956 aux synthtiseurs modulaires de Donald Buchla etde Robert Moog dans les annes 60. Ils emprunteront tous lapparence des instruments clavier tradition-nels mais cette continuit revendique masque une rupture plus profonde, celle du geste instrumental. Lalutherie lectronique repose sur le principe du relais nergtique6. Linstrument vient prendre le relais

    de linterprte. Lnergie que celui-ci dpense nest pas celle qui produira le son, comme cest le cas pourles instruments acoustiques. Le musicien abandonne son instrument (une machine qui ignore encore sonpouvoir) le soin de la gnration effective des sons. Il devient le dclencheur dun mcanisme auquel ila cess de participer. La continuit caractristique du geste instrumental est rompu. Limagerie robotiquede la musique des annes 70, du Disco au Krautrock, de Giorgio Moroder et Jean-Marc Cerrone Can etKraftwerk, exprimera avec force cette nouvelle logique instrumentale. Le musicien qui touche le clavier dusynthtiseur cesse dtre un interprte, la singularit de son geste ne dtermine quun son gnrique. Der-rire les machines, le robot occupe dsormais la place de linstrumentiste.

    Lvolution de la facture instrumentale nest que le symptme dune volution plus profonde et plus dura-ble, celle de lart musical. En changeant de mdia, la musique sest change elle-mme. La plasticit du sonlectronique rend inutile les mdiations fastidieuses de lcriture instrumentale. Cest sur lui et sur lui seulque devront porter les efforts de la composition musicale. On ne compose plus des notes sur des portes, oncompose les ondes des oscillateurs lectroniques, ces ux qui, depuis 1948, circulent entre les composantssemi-conducteurs des transistors. En rendant audible le ux lectronique, les machines vont faire plus quede crer de nouveaux sons, elles vont entraner la musique dans des devenirs imprvus7. Llectron taitun vecteur, il devient une musique. Il transportait des voix dun point lautre de lespace, loscillateur faitentendre la sienne, une voix davant les sons, celle dune musique en train de natre : la musique lectroni-

    que. Les techniques ncessaires la production dune telle musique furent longtemps la chasse gardedun nombre rduit de studios exprimentaux Paris (le Groupe de recherches de musique concrte de laRTF, 1948), Cologne (le Studio de musique lectronique de la NWDR, 1952), New York (le Laboratoire de

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    musique exprimentale de lUniversit de Columbia, 1953), Tokyo (le Studio de musique exprimentale,

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    vier du basslinerRoland TB-303 et inventant par inadvertance lacid house. Les riffs de DJ Pierre, transforms laide des six boutons de contrle du gnrateur, balayant les frquences et les ltres, deviennent soudainglissants, explosifs, stridents ou nasillards au gr des tressautements incontrls de la ligne de basse et deses variations de timbre8. Le TB-303 manipul de cette manire donne aux sons quil gnre une textureottante, incertaine et cest cette instabilit qui dnira le courant acid. Malgr tout, le son lectronique na

    que la plasticit que lui permet son instrument. Le choix dune machine dune marque et dun modle vient rpondre une demande musicale prcise, celle dun timbre ou dune texture, dune qualit denve-loppe ou dattaque. Un morceau de musique lectronique a toujours t dabord un certaine compositiondinstruments. La house est ne le jour o Frankie Knuckles a eu lide dadjoindre ses platines (sur les-quelles couraient les disques des labels disco Salsoul et Philadelphia International) une bote rythmes etdes squences de percussion tournant sur une source spare. Ce qui diffrencie la house du disco nest pastant le contenu sonore quun certain dispositif instrumental qui opre sur la source disco, la comprime, larare, lacclre, en un mot la rduit. Le tempo port 120 bpm et les morceaux ramens lvidencede leurs structures porteuses, 4/4 mtronomique, basses et ligne mlodique erratique, il ne reste quune

    surface rythmique indniment extensible, un pur et simple trac remplir. La house est une musique deDJ, une musique sans commencement ni n, donc sans uvres sinon les tracks9 que produisent les musicienslocaux an dagrmenter les mix. Elle soppose nettement en cela la musique lectronique que produisi-rent compositeurs et lectro-acousticiens ds le milieu des annes 50. Une musique de sons, capts par desmicrophone ou produits par des gnrateurs de frquence, manipuls, combins, monts pour faire uvre.Une uvre qui tait note sur partition et qui est aujourdhui xe sur bande magntique. La musique napas cess de scrire, seul le support a chang. On enregistre des sons comme on inscrivait des signes sur desportes10. Il ny a que les DJ et leurs descendants avoir renonc lcriture (il sagit vrai dire moins dunrenoncement que dun pur et simple oubli). Ce quils composent ne sont ni des sons ni des notes, mais des

    gestes et des machines : des gestes qui redeviennent concrets et des machines qui se mettent ressembler des instruments. Les DJ ne sont que des oprateurs, ils ne revendiquent pas la cration dun matriau quilsse contentent apparemment de recomposer et cest ce qui les spare, dnitivement, des compositeurs de

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    musique lectro-acoustique. Il faut entendre le Bucephalus Bouncing Ball dAphex Twin11comme une trans-

    position sauvage et ironique, prs de quarante ans de distance, du Kontaktede Karlheinz Stockhausen. On ytrouve la mme srie deffets dans un contexte qui en dplace irrmdiablement le sens. Avec Aphex Twin, lecontactinaugural que Stockhausen tablissait entre lectronique et acoustique dune part, entre les diffrentsparamtres du son dautre part, est dnitivement rompu12. A la logique totalisante des premires grandesuvres lectro-acoustiques soppose radicalement une dispersion qui ne laisse aucune place la moindreperspective dunication du matriau musical. Comme le suggre le titre du morceau (Bucephalusvient dugrec Boukephalosqui signie tte de buf ), Aphex Twin hybride soigneusement tous ses sons. On retrouvecette inquitante logique corporelle dans le vido-clip que Chris Cunningham a ralis partir du morceau Come To Daddy . La tte dforme du musicien colle sur des corps denfants vient rpondre ce quun

    traitement musical dirimant fait subir une voix denfant. Rien ne nous empche dentendre l une rpliqueun peu barbare au Chant des adolescents(1956) de Stockhausen13. A la fusion progressive que le composi-teur met en scne entre les voix et llectronique vient rpondre la disruption tratologique de Come ToDaddy . Sur la pochette du mini album14quil a consacr des mix alternatifs du mme morceau (autantde versions recomposes du monstre initial) gure incidemment la frquence dchantillonnage du samplerdigital : 44.1 kHz.

    Rien ne mesure mieux lcart entre ces deux conceptions du mdium lectronique que les deux albums

    auxquels donna lieu, trente annes de distance, le synthtiseur modulaire Moog. Le Switched-On BachdeWendy Carlos (1968) et le Switched-On Wagner de Curd Duca (1996). Le respect afch de la premire pourles uvres de Jean-Sbastien Bach quelle interprte sur le synthtiseur ambant neuf de Robert Moogcontraste trangement avec la dsinvolture du second transformant sans vergogne la musique de Richard

    Wagner. Robert Moog et Wendy Carlos usrent de la grandeur de Bach pour justier lexistence dun instru-ment qui ne se prtait quindirectement, et presque par hasard (linterface clavier), ce genre de musique.Curd Duca se sert du synthtiseur Moog, que sa dsutude magnie, an de ramener le gnie wagnrien la mesure inme dun sifement monophonique15. La grandeur de Bach devait rejaillir sur linstrument desa musique. Trois dcennies plus tard, cest Wagner qui shonore de sortir vivant, bien quamoindri, du ltre

    synthtique. Lintrt sest dplac de lanecdotique facult (et dimitateur) du synthtiseur son pouvoirsans limite de dformation. Bach tait un modle, Wagner nest plus quun prtexte.

    Le signe et la trace

    Mary had a little lambfurent, le 4 dcembre 1877, les premiers mots laisser une trace sur la feuille dtaindu phonographe de Thomas Edison16: cette phrase au prtrit dont linscription sur le cylindre prenni-sait indniment la prsence fut le tout premier ftiche de la phonographie. Lenregistrement du son surdes cylindres, puis sur des disques et des bandes magntiques, en fait un objet, disponible et plastique. Leprincipe ne changera pas (lenregistrement sur CD sappelle toujours une gravure), seul variera la nature dessupports et lamplitude de la manipulation possible, du DJ hip-hop scratchant ses vinyles au musicien faon-nant ses morceaux sur ordinateur. La xation des sons (quelle soit analogique ou digitale) implique unerupture profonde par rapport leur reprsentation graphique. Le signe not reprsente un son produire,

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    et interprter. Il nest pas lui-mme cette interprtation. Linscription physique ou le code digital (les 0 et

    1 du chiffrage binaire des donnes) ne sont pas des reprsentations du son. Ils ne dlivrent aucun sens maisune mise disposition des sons eux-mmes qui les rend indniment manipulables. Le code digital nest pasle signe dun son, mais le son devenu signe. Des partitions aux machines, on passe dune reprsentation duson sa pure et simple exposition. Il faut bien prendre la mesure de cette volution et des dplacementsquelle implique. Un des premiers la thoriser fut Pierre Schaeffer, peu aprs les expriences quil menaen 1948 dans le Studio dessai de la Radiodiffusion franaise (amputer les sons de leur attaque, passer desaccords de piano lenvers, varier la vitesse de rotation du tourne-disque, rpter plusieurs fois un mmefragment sonore). Pierre Schaeffer a toujours voulu voir lorigine de la musique concrte un change-ment dans lattitude dcoute. Ce quil interprtait comme une rduction au sens phnomnologique. Il y

    aurait une mthode concrte (ou acousmatique si lon suit la lecture de Franois Bayle17) qui consisterait se dtacher de lcoute naturelle, comprise comme la recherche des causes et des origines. Ce dtachementoprerait une rduction des sons leur pure matrialit sonore. Lcoute rduite est, aux yeux de PierreSchaeffer, limpratif moral de la musique concrte. Le problme est que cette rduction na rien de ph-nomnologique. L o Husserl entreprend de suspendre phnomnologiquement la thse de lexistencedu monde an de mettre en vidence le sens de sa transcendance18, Schaeffer ne fait que modier techni-quement notre rapport au monde. Comme lcrit trs justement Jean Molino : Lcoute rduite est uncoute articielle, grce laquelle je peux me familiariser avec les proprits immdiatement sensibles duson : la mise en vidence dun objet sonore est en contradiction absolue avec linspiration fondatrice de laphnomnologie, qui vise non dcrire les proprits sensibles dun objet du monde mais en comprendrela gense19. La rduction technique lobjet sonore ne peut se justier de la dmarche phnomnologi-que, elle en est mme la ngation. Si rduction il y a, elle est bien plutt instrumentale. Lcoute concrteest une coute opratoire. Elle arrte et manipule, enregistre et transforme, xe et analyse20. Lauditeur,du seul fait quil coute, devient un instrumentiste, un instrumentiste dont linstrument est le micro21. Lamusique concrte rvolutionne moins lcoute que ses techniques opratoires mais elle sera la premire enmesurer rigoureusement les effets sur lart musical. Le son tait un signe interprter, il devient une trace instrumenter. Lenregistrement fait du compositeur un auditeur et de lauditeur un interprte. Sur la scne

    du thtre concret, une seule personne joue tous les rles.

    Les diffrentes techniques denregistrement nont pas seulement rendu les sons indniment manipulables,elles ont galement gnr un extraordinaire surplus de prsence sonore et musicale. Une prsence qui tend devenir le nouveau matriau de lart musical. Pour beaucoup de musiciens, faire de la musique revientessentiellement intervenir en elle. Il faut pour cela inventer de nouveaux gestes non de production, maisdinterposition, ce que conrment, de Dtroit Manchester et Francfort, vingt annes de dtournementsonore (des DJ hip-hop new-yorkais aux adeptes britanniques du samplingtous azimuths) et de msusage desmachines lectroniques22. Les musiques drives des courants house et techno fourmillent de manipulateurs

    gniaux et dingnieurs en herbe, dAphex Twin23au groupe allemand Oval24qui sattaque la technologiedigitale et son interface universelle, la norme MIDI (Musical Instrument Digital Interface). En altrantdlibrment les CD ou en rendant impossible toute discrimination entre bons et mauvais signaux (bruits et

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    parasites), Oval manifeste ce que les systmes digitaux ont pour fonction deffacer, la prsence rmanente

    de linstrument, sa matrialit opaque et bruissante. Le geste dOval boucle la machine sur elle-mme, ilrvle les rves cliquetants qui habitent son sommeil sans n : linconscient digital de la musique des annes90. Cest un mme type de geste que lon retrouve luvre du hip-hop la drumnbass, des gestes varisdinterposition au cur dune mme boucle indniment tire de breaks et de textures rythmiques. DeKool DJ Herc Goldie et 4 Hero, ce nest pas la boucle qui change, ce sont les facults dintervention dumusicien, des facults qui sont la mesure exacte des capacits de son instrument. On ne fait pas avec deuxplatines et une table de mixage (mme agrment du prcieux cross fader25) ce quon fera partir du milieudes annes 80 avec un sampler digital (1981 pour lEmulator de la socit E-, 1985 pour le Mirage de larme Ensoniq et 1988 pour le clbre Akai S100026). A la transmission manuelle du ux (dune platine sur

    lautre) va succder sa dmatrialisation digitale27. Cod dans la mmoire du sampler, il peut tre, littrale-ment, sculpt trou, rompu, tir, transpos, dfait et remont, compress ou distendu, acclr ou ralenti au gr des fonctions dont dispose linstrument. Le sampler na pas seulement amlior les techniques debouclage du break, il a aussi et surtout t lorigine dune tout autre musique, lajungleet sa version deep &ambient, la drumnbass.

    Les musiques nes ds le milieu des annes 70 de la commercialisation des instruments lectroniques nontpas lambition de leurs anes des annes 50. Lautorit quexerce les musiciens sur ce quils signent (dunpseudonyme le plus souvent) est celle dun geste recomposant un matriau emprunt, elle na pas plusdpaisseur que la grille que Lee de Forest ajouta la valve de Fleming. La mdiation technique a largile champ daction du musicien et augment la puissance de ses gestes mais, contrairement ce que donne penser limagerie du home studio, elle a dissmin son autorit. Il est quelque part entre les noms quilsattribue, fantme dune musique qui est devenue le mdium de sa propre expression. Lambient(et non latechno)est le vrai nom gnrique des jeunes musiques lectroniques, une longue enveloppe ottante dondesradios28et de ux imperceptibles quil revient aux musiciens de rendre audible et de recomposer.

    Electronique et criture

    On peut sinterroger sur la (les ?) manire(s) dont la musique crite, instrumentale, a ragi aux techniqueslectroniques de production et de transformation des sons et leur usage dans la toute jeune musiquelectro-acoustique (DsertsdEdgar Varse date de 1954, Gesang der Jnglingede Karlheinz Stockhausen de1956 et Thema, Omaggio a Joyce de Luciano Berio de 1958). Il sagit en loccurrence moins dune ractionque dune appropriation. Il na pas fallu attendre trs longtemps. Ds les annes cinquante, ces techniquesdeviennent interprtables, cest--dire utilisables, par lcriture instrumentale. Les micropolyphonies despremires uvres pour orchestre de Ligeti (Apparitions 1958-59 et Atmosphres 1961) sont de lavis mmedu compositeur29, de llectronique applique. Encore faudrait-il savoir ce que lon entend par applique .Il tait lpoque impossible de faire entrer les techniques de studio dans le procs de lcriture instrumen-

    tale30. Le compositeur ne pouvait quessayer de recrer certains effets lectroniques (rverbration, boucles,cho, modulation, ltres, etc.) laide de lorchestre. Il ne peut y avoir d application quen un sens gur.Et cest bien de cette manire que lentendent les compositeurs qui, la suite de Ligeti, se sont inspirs de

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    ces techniques. Dans des textes lallure de manifestes, Grard Grisey, Tristan Murail et Hugues Dufourt

    ont soigneusement dcrit ces inuences. Il ny est pas question dappliquer des techniques, mais bien desusciter de rvler un langage31. Cest bien en termes de rvlation, au sens photographique, que GrardGrisey explicite sa dmarche. La forme musicale devient la rvlation lchelle humaine, la projectiondun espace naturel microphonique sur un cran articiel et imaginaire [i.e. lorchestre] ; mieux encore, cetcran est la fois miroir dformant, focalisateur, multiplicateur, slecteur, corrodeur, etc. 32Ce qui estainsi projet la manire dune image photographique sur lcran-miroir orchestral et qui suscite ce nou-

    veau langage est la reprsentation visuelle, microphonique, du phnomne sonore, ce que les acousticiensappellent un sonagramme33. La rvlation, si rvlation il y a, suppose la mise en place dun dispositif com-plexe, du phnomne sonore visualise son inscription dforme sur la partition dorchestre. Ces crans

    successifs (graphique, photographique, sonore) nen laissent pas moins surgir ce qui, encore inaudible dufait de sa contraction dans lobjet sonore, se rvle dans le grossissement-ralentissement de lcriture : lesentrailles du son34. Ce nouveau langage dont parle Hugues Dufourt ne consiste pas tant, comme certainstextes peuvent le laisser croire, recrer sur instruments acoustiques les effets des techniques lectroniques,mais faire de lcriture musicale un instrument de pntration et dexposition du phnomne sonore.Lcriture nous dit Grard Grisey donne voir linvisible, donne entendre linaudible, dpouille le corpssonore de sa peau et dploie ses organes. Si la rvlation est sonore, le rvlateur, lui, est scriptural.

    Seulement, lcriture spectrale tient sa puissance chirurgicale et photographique dune rvolution qui eutlieu dans un tout autre champ du savoir, celui de la science acoustique. Ce qui ntait encore dans les annescinquante quune technique de production sonore (llectroacoustique analogique) va devenir grce Jean-Claude Risset, John Pierce et Max Mathews une vritable thorie, celle du timbre35. Dans le but avou decrer des programmes de synthse numrique des sons (le tout premier fut ralis par Max Mathews en 1957dans lenceinte des Bell Laboratories), ils ont d procder une analyse complte et microphonique de lastructure physique du son qui a boulevers les fondements de lacoustique classique. Aux critres tradition-nels de dnition des sons (hauteur, dure, intensit), ils ont ajout le timbre. Et pour rendre compte dela spcicit du timbre, il faut dvelopper une tout autre thorie acoustique que celle qui comprend le son

    comme un spectre de frquences (le timbre dun son dpend en effet plus de lvolution de ce spectre quede laddition des partiels qui le compose un instant quelconque) ; il faut galement user dautres instru-ments36. La science a t dans ce cas prcis linspiratrice dun important renouveau de lcriture instrumen-tale. Lacoustique de synthse sest assez vite formule dans les termes dun vritable programme artistique : Il y a un art du timbre musical, crit Hugues Dufourt, partir du moment o la notation instrumentale saitutiliser et transcrire des spcications du son battements, effets de chur, modulation, distorsion,saturation, ltrage, rverbration qui pourraient sembler lui chapper par nature. Le timbre est devenu unobjet de composition37. En inscrivant leur esthtique dans le cadre contraignant dune thorie scientique,les compositeurs de lcole spectrale offrent la musique la consistance dune temporalit laquelle les

    autres arts ont dj renonc38. La musique, semble-t-il, na pas encore quitt la scne de lHistoire. Maisnest-elle pas, nous soufe Nietzsche, la tard-venuede chaque civilisation39? Ainsi chanterait-elle sans le savoirles accords dune modernit depuis longtemps teinte. Le temps qui commence nouvre sur aucun nouveau

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    monde, il inaugure la simultanit de tous les ges et le dcs prmatur de lesthtique (il ny a pas de

    philosophie de lart ni des arts, seulement des thories artistiques). Les musiciens lectroniques lont biencompris, eux dont le temps consiste dtourner celui des autres.

    Notes

    1 The Birth and Babyhood of the Telephone , communication la Troisime Convention annuelle des PionniersAmricains du Tlphone Chicago, 1913, nous traduisons.

    2La valve de Fleming ou tube redresseur (1904) fut un des tous premiers dtecteurs de signaux hertziens. Exploitantune dcouverte de Thomas Edison, il permit la transformation du courant lectrique alternatif en courant continu.

    3

    LAudion est en 1906 le premier composant lectronique de lhistoire. I now possessed the rst three-electrodevacuum tube-the Audion, grandaddy of all the vast progenity of electronic tubes that have come into existencesince , Lee de Forest,Father of Radio, Wilcox & Follett, 1950, p. 214.

    4Le Dynamophone ou Telharmonium de Tadeus Cahill de 1905 fut la premire machine produire du son partir dellectricit ( partir de dynamos). Il ne sagissait toutefois pas encore dun instrument lectronique.

    5 En fermant certains interrupteurs, les haut-parleurs faisaient entendre des sons qui semblaient ceux dun violon,dun violoncelle, dun bois, dune corde sourde ainsi que dautres sons qui ne ressemblaient rien quun orchestreait jamais jou et quune oreille humaine ait jamais entendu dune sorte quon entend souvent aujourdhui dansles cacophonies hystriques dun swingband lunatique. De telles sonorits mont incit appeler mon nouvel instru-

    ment le Squawk-a-phone. , Lee de Forest, ibid., nous traduisons, p. 331-332.6Jemprunte lexpression Claude Cadoz, Musique, geste, technologie , dans Les nouveaux gestes de la musique, EditionsParenthses, 1999.

    7Le devenir-insecte et le devenir-molculaire , devenirs qui caractrisent selon Deleuze et Guattari la musiquelectronique. Cf. Mille plateaux, d. de Minuit, 1980.

    8Chicago, 1987. Le morceau qui est sorti de ces tripatouillages fut intitul Acid Tracks. Lexprience est rapportepar David Toop. Voici comment Marshall Jefferson ma dcrit ce moment, lorsque je lai interview en 1988 : AcidTracks a t un accident, mec. [] DJ Pierre, il tait l et il samusait avec ce truc et il a sorti cette squence, mec.Tu sais, dah-dah-dah-gwon-gwon-gwon-ga-gyown. [] On la jou au Music Box et tout le monde ippait. , Ocean ofsounds, traduction dArnaud Rveillon, d. Kargo, 2000, p. 51.

    9Le matriau des DJ house Chicago produit par des musiciens locaux. Les tracks ne sont pas encore des morceaux,seulement une matire mixer. Ils donneront leur nom au label Trax, le premier label house, fond par Larry Sher-man et sur lequel les tous premiers disques de cette musique furent enregistrs.

    10La plupart des uvres de musique lectronique des annes 50 et 60 taient pralablement et intgralement notes surpartition.

    11Alias Richard James. Son pseudonyme le plus connu emprunte le nom dune socit britannique de composants lec-troniques, Aphex Systems.

    12Kontakte (1958-1960) fut la premire uvre associer instruments traditionnels et sons produits par modulation defrquence. Un contact comprendre au double sens dune continuit entre acoustique et lectronique et duneinterprtation totalisante du phnomne sonore. Stockhausen entend dduire les paramtres du son (hauteur,

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    timbre, intensit, rythme) dun champ temporel fondamental par modication continue des proportions de temps.

    Cf. wie di Zeit vergeht, revue Contrechamps n 9, p. 27-65.13Cette hypothse est loin dtre absurde. Au dbut de lanne 1995, Radio 3 a envoy Karlheinz Stockhausen descassettes contenant de la musique de jeunes producteurs lectroniques, parmi lesquels gurait celle dAphex Twin.Un journaliste de la radio a ensuite demand au compositeur quels conseils il donnerait ces musiciens. Stockhau-sen conseilla Aphex Twin dcouter Le chant des adolescents. A quoi lintress rpondit quil ny a ni groove niligne de basse dans ce morceau et quil pourrait, ventuellement, le remixer. Larticle paru dans The Wire (n141)est traduit par Emmanuel Grynszpan dans Bruyante techno. Rexions sur le son de la free party, Mlanie Seteun, 1999,p. 110-115.

    14Retail Item : Come To Daddy, Warp (WAP94CDX). Aux cts des trois nouvelles versions de loriginal ( Pappy mix ,

    Mummy mix , Little Lord Fautelroy mix ) gurent notamment Bucephalus Bouncing Ball ainsi quun mor-ceau au titre savoureux (dans ce contexte) : To Cure A Weakling Child .

    15Sur la pochette du disque, sorti sur le label Mille plateaux, gure ce commentaire en guise de sous-titre : Minimalistmood music, realized on a Moog synthsizer (and other music machines). Contains Richard Wagner compositionstransformed beyond recognition by Curd Duca, who is already well known for his East Listening albums. For this one,he fed a polyphonic Wagner score into a monophonic synthesizer. The result is a collection of abstract melodies andstrange moods, with brilliant arpeggios, fat organs and eerle whistling.

    16La lgende attribue ces mots Kruesi, lingnieur horloger qui ralisa le premier phonographe daprs les plansdEdison.

    17Franois Bayle, Schaeffer phonogne , dans Our, entendre, couter comprendre aprs Schaeffer, Ina-Buchet/Chastel, 1999,pp. 149-151.

    18Notamment au dbut de ses Mditations cartsiennes, trad. fran., Vrin, 1947.19Jean Molino, La musique et lobjet , dans Our, entendre, couter comprendre aprs Schaeffer,Ina-Buchet/Chastel, 1999,

    p. 131.20Comme Pierre Schaeffer lcrit exemplairement dans son journal de lanne 1948 : O rside linvention ? Quand

    sest-elle produite ? Je rponds sans hsiter : quand jai touch au son des cloches. Sparer le son de lattaque consti-tuait lacte gnrateur. Toute la musique concrte tait contenue en germe dans cette action proprement cratrice

    sur la matire sonore. , Luvre musicale, INA.GRM/Sguier, p. 26.21Pierre Schaeffer cit par Jean Molino, ibid., p. 131.22Herman Gillis, inventeur dun ltre qui connat un succs grandissant auprs des musiciens - Sherman Filterbank - a

    intitul son manuel dutilisation, ce qui veut tout dire : Abusers Manual.23Aphex Twin a longtemps modi les synthtiseurs quil achetait dans le but de leur faire produire des sons imprvus.24Le duo a sorti deux albums sur Mille Plateaux, le label francfortois dAchim Szepanski : Systemich et 94 Diskont.25Ou commutateur unipolaire double bascule, une amlioration que Grandmaster Flash doit au DJ disco Pete Jones

    et qui permet la fois dcouter un disque avant de le jouer et de passer sans intervalle de temps dune platine lautre.

    26Le premier chantillonneur numrique, le Fairlight CMI (Computer Musical Instrument), date de 1979 mais son prix

    en rserva lusage aux studios et aux laboratoires de recherche.27Le sampler repose sur le principe de lchantillonnage numrique du son, qui consiste mesurer lamplitude de

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    londe sonore intervalle rgulier (44,1 kHz pour les CD audio, soit 44 100 fois par seconde). Lchantillonnage nest

    quune approximation de londe alors que le signal analogique (lectrique) en est la copie exacte, mais les systmesde codage numrique prsentent lavantage sur les systmes analogiques de permettre llimination du bruit et unrecopiage sans pertes (et donc sans limites).

    28Quun simple scanner suft capter. On pense au travail de Robin Rimbaud (plus connu sous le nom de Scanner)arrachant leur anonymat les conversations tlphoniques circulant dans lair et les diffusant pendant ses concertsau beau milieu dune masse ocanique de sons amens et traits en direct laide dune interface tactile.

    29Cf. les entretiens quil a accords Pierre Michel en appendice de louvrage que celui-ci a consacr au compositeur :Gyrgy Ligeti, d. Minerve, 1985.

    30Ce que permettent aujourdhui les logiciels de composition. Cf. larticle de Grard Assayag dans le premier numro

    de la revue c/arts, Composition assiste par ordinateur : nouveaux chemins de cration , 1999.31 Notre ide-force : le son lectrique suscite un langage nouveau. Il requiert des dications idoines. La compositionsynthtique du son fait partie intgrante de la composition musicale, elle la conditionne du dedans au point denrenouveler les principes et les formes dexpression. Nous entendons contribuer la formation dune nouvelle syn-taxe et dun nouveau style. Extrait du texte-manifeste de Hugues Dufourt qui accompagnait la cration du Collectifde Recherche Instrumentale et de Synthse Sonore en septembre 1978.

    32La musique : le devenir des sons, extrait dune confrence prononce Darmstadt en 1982 et reproduite dans Vingt-cinq ans de cration musicale contemporaine - LItinraire en temps rel, p. 298, LHarmattan, 1998.

    33 Le sonagramme est une mthode concrte de transcription graphique du son qui permet de visualiser lobjet sonoredans sa dimension temporelle , Jrme Baillet, Grard Grisey - Fondements dune criture, p. 14, LHarmattan, 2000.Grard Grisey a utilis des sonagrammes ds 1974. On en relve la trace dans Priodes, compos cette poque.

    34 La forme musicale a quelque chose de terriant : elle tient du voyeurisme et du viol, mais aussi de la vivisection et dela manipulation gntique , ibid., p. 298.

    35 De llectroacoustique analogique la musique sur ordinateur, il y a la distance qui spare une technologie - ft-elle rvolutionnaire - dune thorie , Hugues Dufourt, Les Principes de la Musique , dans Musique contemporaine,

    perspectives thoriques et philosophiques, Mardaga, 2001, p. 61.36 Lordinateur sest rvl un instrument dcisif dans ltude des timbres musicaux. Car il permet la prise en compte

    spare et solidaire des facteurs constitutifs du timbre, savoir la frquence fondamentale, la rpartition des partiels,la distribution de lnergie dans le spectre, les enveloppes temporelles ainsi que les micro-variations des paramtresde lamplitude et de la frquence , ibid., p. 67.

    37Hugues Dufourt, Musique, pouvoir, criture, p. 283, Christian Bourgois, 1991.38Nous suivons ici les analyses de Paul Ardenne : Ce quil sagit dadmettre, au titre de la relation au temps, cest

    combien lart contemporain na plus de temporalit propre. [] linverse de ce que sa dsignation prte penser,lart contemporain nest pas classiquement dnissable par son inscription dans un temps qui serait de lordre delimmdiatet, en tant quart projet, comme le veut ltymologie, dans le prsent, - dans ce quon pourrait en sommeappeler le temps-monde. [] Quoiquinscrit dans lhistoire gnrale, il nonce moins que lhistoire, leffet que le

    surgissement de cette histoire produit dans le corps crateur. Il est pour cette raison, de manire inluctable, un artde la mmoire, un art contraint de se souvenir que quelque chose, avant lui, sest donn comme tant lart. Ainsicompris, le plus souvent dailleurs de manire traumatique, il sinstitue comme pratique qui nexiste quen fonction

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    de ce qui a eu lieu, comme reprise, rexprience ou contrepoint , Dire lart contemporain lge de sa multi-

    plicit smantique dans O va lhistoire de lart contemporain ?, cole nationale suprieure des Beaux-Arts & limage,p. 435, 1997.39 De tous les arts qui spanouissent dordinaire sur le terrain dune certaine civilisation, chaque fois que sont donnes

    certaines conditions sociales et politiques, la musique est la dernire de toutes les plantes faire son apparition, lautomne, quand deurit la civilisation dont elle relve, et alors mme que saperoivent dj le plus souventles premiers signes, les messagers dun nouveau printemps ; parfois mme, la musique est comme la langue dunre engloutie sonnant au cur dun monde neuf et tonn, elle vient trop tard , Humain, trop humain : Opinions etsentences mles, 171, p. 108, Folio/ Gallimard.

    Bastien GALLETest directeur de la rdaction de la revue Musica [email protected]