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« Un voyage à Notre-Dame de Garaison, le pèlerinage des Pénitents blancs de Toulouse en 1705 Estelle Martinazzo CRISES Université Montpellier III En 1520, la Vierge Marie apparaît à une jeune bergère de Garaison dans les Pyrénées. En ces lieux, des miracles se produisent, les foules accourent avec des offrandes et l’on construit une chapelle, enrichie et ornementée au fil des années (Larouy 1936). La renommée de Notre-Dame de Garaison est faite et au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les pèlerins viennent nombreux jusqu’à la chapelle. Dans ce sanctuaire marial, le lieu le plus frappant est sans doute le narthex, espace où l’on pénètre avant d’accéder à la nef. Les nombreux médaillons et ex voto qui y sont représentés sont en effet autant d’illustrations populaires et colorées des miracles survenus depuis le XVIe siècle (Recroix 1981, 1990). En outre, huit fresques peintes sur les arcs voûtés représentent les processions et pèlerinages de pénitents, bleus, noirs, gris ou blancs. En effet, dès 1604, des pénitents toulousains se sont rendus en pèlerinage à Notre-Dame de Garaison 1 . Pourtant, le premier récit de voyage conservé date seulement de 1705, il s’agit de la relation de voyage des pénitents blancs, consigné dans leur registre officiel d’admission à la confrérie. Société de secours mutuel, la confrérie pénitente se distingue des confréries traditionnelles car ses membres portent le sac, cet habit qui assure leur anonymat. Ils se livrent aussi à la discipline morale et physique, aux oeuvres de charité et à des processions lors de certaines fêtes religieuses. Fondée en 1571 dans le couvent du Tiers-ordre de Saint- François ou « Béguins », les pénitents blancs de Toulouse se sont dotés de statuts dès 1575. Avec leur habit blanc et l’écusson des cinq plaies du Christ, ils imposent très vite leur présence en contribuant au renforcement de la dévotion eucharistique au XVIIe siècle (Pecquet 1972). Lorsque les pénitents blancs décident d’effectuer ce pèlerinage à Garaison en 1705, c’est au coeur des « années de misère » (Lachiver 1991) et la relation de voyage en est très évocatrice car « se trouvant affligée du fléau de la guerre qui déchire l’Europe depuis plusieurs années et pour surcroît d’affliction son roy estant malade, l’Église gallicane s’est 1 Les pénitents gris se rendent pour la première fois à Notre-Dame de Garaison afin de supplier Notre-Dame d’obtenir la guérison du bon roi Henri IV.

« Un voyage à Notre-Dame de Garaison, le pèlerinage … · de Notre-Dame de Garaison est faite et au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les pèlerins ... images miraculeuses et

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« Un voyage à Notre-Dame de Garaison, le pèlerinage des Pénitents blancs de Toulouse en 1705

Estelle Martinazzo CRISES Université Montpellier III

En 1520, la Vierge Marie apparaît à une jeune bergère de Garaison dans les Pyrénées.

En ces lieux, des miracles se produisent, les foules accourent avec des offrandes et l’on

construit une chapelle, enrichie et ornementée au fil des années (Larouy 1936). La renommée

de Notre-Dame de Garaison est faite et au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les pèlerins

viennent nombreux jusqu’à la chapelle. Dans ce sanctuaire marial, le lieu le plus frappant est

sans doute le narthex, espace où l’on pénètre avant d’accéder à la nef. Les nombreux

médaillons et ex voto qui y sont représentés sont en effet autant d’illustrations populaires et

colorées des miracles survenus depuis le XVIe siècle (Recroix 1981, 1990). En outre, huit

fresques peintes sur les arcs voûtés représentent les processions et pèlerinages de pénitents,

bleus, noirs, gris ou blancs. En effet, dès 1604, des pénitents toulousains se sont rendus en

pèlerinage à Notre-Dame de Garaison1. Pourtant, le premier récit de voyage conservé date

seulement de 1705, il s’agit de la relation de voyage des pénitents blancs, consigné dans leur

registre officiel d’admission à la confrérie.

Société de secours mutuel, la confrérie pénitente se distingue des confréries

traditionnelles car ses membres portent le sac, cet habit qui assure leur anonymat. Ils se

livrent aussi à la discipline morale et physique, aux œuvres de charité et à des processions lors

de certaines fêtes religieuses. Fondée en 1571 dans le couvent du Tiers-ordre de Saint-

François ou « Béguins », les pénitents blancs de Toulouse se sont dotés de statuts dès 1575.

Avec leur habit blanc et l’écusson des cinq plaies du Christ, ils imposent très vite leur

présence en contribuant au renforcement de la dévotion eucharistique au XVIIe siècle

(Pecquet 1972).

Lorsque les pénitents blancs décident d’effectuer ce pèlerinage à Garaison en 1705,

c’est au cœur des « années de misère » (Lachiver 1991) et la relation de voyage en est très

évocatrice car « se trouvant affligée du fléau de la guerre qui déchire l’Europe depuis

plusieurs années et pour surcroît d’affliction son roy estant malade, l’Église gallicane s’est

1 Les pénitents gris se rendent pour la première fois à Notre-Dame de Garaison afin de supplier Notre-Dame d’obtenir la guérison du bon roi Henri IV.

mise en prière pour demander à Dieu de détourner son peuple de si grands maux »2. En ces

temps de calamités, le pénitent s’efforce d’apaiser la colère de Dieu par l’intercession et

l’offrande de sa souffrance (Pecquet 1965). Ainsi, lors de ce voyage expiatoire, ponctué de

nombreuses étapes, la procession des pénitents blancs constitue un événement pour les

villages traversés. Être pèlerin, c’est « accomplir des voyages de dévotion pour s’acquitter de

quelque vœu » selon le Dictionnaire universel (Furetière 1690). C’est ce voyage qu’il

convient à présent de mieux comprendre, afin de voir si un rituel est fixé. Qu’est ce qui fait le

succès de la dévotion mariale ? En quoi le pèlerinage est un voyage très particulier ? Peut-on

dire que le pèlerinage contribue au renforcement de la dévotion mariale ?

Préparer le voyage

Au XVIIe siècle, les statues, images miraculeuses et pèlerinages connaissent un succès

prodigieux. Toutes ces dévotions sont encouragées par les autorités religieuses et les jésuites

(Lottin 2005). Très récemment, Bruno Maes, en publiant le manuscrit du père Vincent

Laudun, a mis en exergue la renommée et la culture orale liée aux sanctuaires, montrant que

la renommée des saints et des miracles se transmet de bouche à oreille, avec la naissance au

cours du XVIIe siècle, d’une véritable relation collective aux sanctuaires (Maes 2008). Les

confréries pénitentes entrent parfaitement dans cette perspective en décidant d’effectuer, en

procession, le pèlerinage à Garaison.

En juillet 1705, par ordonnance épiscopale, l’oraison des quarante heures est

proclamée dans toutes les églises du diocèse de Toulouse. Ainsi animés d’une piété toute

particulière, les pénitents blancs se réunissent en assemblée générale et font le vœu de partir

en pèlerinage à Notre-Dame de Garaison tous les sept ans. Six commissaires, trois laïcs et

trois ecclésiastiques, sont envoyés auprès du vicaire général de l’archevêque, par qui

permission de faire le voyage est accordée. Un livret de pèlerinage est spécialement édité et si

l’exemplaire de 1705 ne nous est pas parvenu, on peut très certainement en reconstituer

l’esprit à travers le Réglemens pour la procession que doivent faire messieurs les Pénitens

blancs de Toulouse (Réglemens 1765). Ces livrets sont imprimés lors de chaque pèlerinage à

une centaine d’exemplaires et permettent, en plus de la relation du voyage de 1705, de mieux

comprendre l’esprit qui animait les confréries pénitentes. De plus, les pénitents, passant par la

ville de Lombez, se sentent obligés d’envoyer une délégation auprès de « monsieur l’évêque »

2 ADHG, 19 J 10, fol. 93.

pour « lui faire compliment ». On y envoie donc deux commissaires et le départ est fixé au

dimanche 13 septembre 1705.

Trente-huit confrères participent à cette longue marche et d’autres sont cités à la fin de

la relation car ils contribuent indirectement au pèlerinage : celui qui a doré la croix, celui qui a

fait graver les images de la Vierge et un confrère qui a donné de l’argent3. Les pénitents

portent en effet leur sac, cet habit qui les couvre intégralement et chacun tient aussi à la main

un bâton avec l’image de la Vierge, ce que l’on voit fort bien sur les fresques du narthex.

Prêtres, laïcs, marguilliers et officiers de la compagnie participent au pèlerinage4. On

attend d’eux un comportement des plus exemplaires, ainsi « nul confrère ne sera admis au

voyage qu’il n’ait obtenu la permission de Monsieur le Prieur, qu’il ne veuille y assister en

sac blanc et décent et en bas blanc, suivant notre premier Institut » (Réglemens 1765 : 1). Les

confrères doivent respecter un cérémonial strict en marchant deux à deux, chacun portant à

tour de rôle la croix. Le début et la fin du voyage se font nu-pieds mais le reste du trajet au

bon vouloir de chacun.

Décence et modération sont aussi de rigueur. On rappelle à chacun des participants

que « Monsieur le recteur du voyage assisté de la compagnie, exercera pendant le voyage la

correction fraternelle qui pourra s’étendre, si le cas est assez grave jusqu’à mettre le confrère

hors du nombre » (Réglemens 1765 : 10). Les femmes sont bien entendu interdites de

pèlerinage afin d’éviter toute distraction. En effet, « comment se flatter d’apaiser la colère de

Dieu, et de ne pas appesantir sa main sur nous, si nous avons le malheur de devenir un sujet

de scandale ? Loin de nous une idée qui doit saisir de crainte et d’horreur qu’au contraire le

parfum de nos exemples répande partout une odeur agréable » (Réglemens 1765 : 12). La

spiritualité de la discipline est donc le point d’aboutissement des pénitents car ils souhaitent

vivre des souffrances identiques au Christ et opter pour une discipline exemplaire.

La préparation du pèlerinage est aussi spirituelle : jeûne les vendredi et samedi

précédents, confession et communion le samedi à la chapelle. Une offrande pour les

chapelains a été préparée et est exposée à tous les confrères avant le départ. Les pénitents

montrent, que par leur exemple, le dépassement d’eux-mêmes et le caractère de leur

pénitence, ils ont une valeur de salut public. Ainsi tout est réuni pour ce voyage spirituel.

3 ADHG, 19 J 10, fol. 107. 4 Les marguilliers sont les laïcs qui sont en charge de gérer les revenus d’une église, paroissiale ou autre.

Le pèlerinage, un voyage spirituel

Dès 1705, le trajet est fixé et les itinéraires varient peu au XVIIIe siècle. Reprennent-

ils un trajet déjà pratiqué auparavant par des pèlerins toulousains ? C’est probablement le cas

car l’on retrouve des étapes identiques chez les pénitents gris au XVIIIe siècle alors qu’ils ont

initié ce pèlerinage en 1604 (Prières 1764). Les différentes étapes de ce voyage sont appelées

« stations » dans les sources. La station est d’abord une pause ou un moment de repos. Mais

sous l’Ancien régime, il s’agit aussi de cérémonies qui se font avant la messe, pendant

lesquelles les prêtres viennent chanter une prière devant le crucifix ou l’image de la Vierge.

Le pèlerinage des pénitents blancs comporte donc quatorze stations et dure environ

une semaine. A chaque arrêt, la croix est relevée car tous les pèlerins ont tour à tour le droit

de porter la croix. Les pénitents se rendent tout d’abord à la cathédrale Saint-Etienne faire une

station à voix basse car ils arrivent pendant la messe des chanoines. Ils ont en effet passé

depuis 1611 un contrat avec l’église métropolitaine et les chanoines sont en quelque sorte

obligés de réciter des messes en faveur de l’archevêque, du prévôt du chapitre et des

chanoines (Pecquet 1973). Sortis de Toulouse, ils atteignent en premier lieu la paroisse de

Tournefeuille où ils font une station dans un petit oratoire privé dédié à la Vierge. Dans

chaque paroisse traversée, le curé, les vicaires et les habitants viennent à la rencontre de cette

procession. Ainsi à Plaisance ou à Fonsorbes, la croix est encensée par le curé qui donne sa

bénédiction. Les paroissiens apportent de plus presque toujours leurs reliques afin de les faire

encenser par les confrères thuriféraires5. Une des dernières paroisses traversées dans le

diocèse de Toulouse est celle de Sainte-Foy de Peyrolières, où la station se fait non pas dans

l’église paroissiale mais comme bien souvent dans un petit oratoire dédié à la Vierge. Les

confrères prennent leur repas et sont logés dans les paroisses. Ainsi le pèlerinage a un coût

financier et au XVIIIe siècle, la quote-part de chaque pèlerin s’élève à 30 livres. Pour ce qui

est de l’intendance, un fourgon qui transporte les bagages suit la procession.

Les pénitents blancs sont aussi rejoints par d’autres confréries. À Lombez où ils

arrivent le 14 septembre 1705, les pénitents bleus de la ville viennent à leur rencontre et

ensemble, ils se livrent à la cérémonie de l’adoration de la croix, qu’ils encensent

mutuellement, sont reçus à l’entrée de la ville par le grand vicaire et les chanoines. Cette

procession défile sous les fenêtres du palais de l’évêque, ce dernier étant trop âgé pour se

déplacer puis le prieur des pénitents blancs donne la bénédiction dans l’église cathédrale.

Dans la chapelle des pénitents bleus, parée d’illuminations du Très Saint Sacrement pour

5 Les confrères thuriféraires sont ceux qui portent l’encens.

l’occasion, ils font la prière du soir puis passent la nuit à proximité. De même, à Boulogne-

sur-Gesse, les pénitents blancs de Toulouse sont accueillis par les pénitents blancs de la ville

et font station dans leur chapelle.

Au matin du 16 septembre, une délégation de deux prêtres est envoyée à Notre-Dame

de Garaison pour informer les chapelains de l’arrivée imminente des pèlerins pénitents :

« nous entrâmes dans ce saint lieu, deux à deux et nus pieds, suivis de près de quatre cents

personnes » écrit le narrateur. La messe est donnée, les pèlerins se lavent les pieds, prennent

leur repas en silence puis assissent aux vêpres. Le 17 septembre, la journée est consacrée à la

communion et aux prières. Enfin, le 18 septembre 1705, une grande messe de requiem pour

tous les confrères décédés est célébrée. À leur retour à Toulouse, les pénitents noirs et les

confrères qui ne faisaient pas partie du voyage les retrouvent en procession aux portes de la

ville, preuve de l’importance que revêt le pèlerinage à Garaison et la dévotion mariale.

Pèlerinage et renforcement de la dévotion mariale

Les nombreuses peintures du narthex de la chapelle de Notre-Dame de Garaison ont

été réalisées par un seul artiste à partir de 1699 ; elles illustrent le rôle joué par les pèlerinages

et les dévotions mariales, notamment l’importance que les processions pénitentes avaient dans

la vie de ce sanctuaire (Rocroix 1990).

Les chapelains ont en effet cherché à populariser certains miracles choisis dans une

œuvre parue pour la première fois en 1630, Le Lys du Val de Garaison (Molinier 1630).

L’auteur de cet ouvrage est un membre de la confrérie des pénitents noirs, écrivain et orateur

toulousain reconnu, Etienne Molinier (1580-1647). Il cherche par cet ouvrage à mettre en

valeur l’importance de la pénitence pour l’ensemble des pèlerins qui se rendent à Garaison,

certains passages sont très éloquents car :

La première chose qu’ils doivent faire en arrivant est de commencer par rendre grâces de l’heureux sucez de leur voyage […] la supplier [la Vierge] principalement de leur obtenir la grâce de faire une bonne et entière pénitence par une humble confession de leurs péchés, accompagnée d’une douleur sincère de les avoir commis, d’une forte résolution de changer de vie, de satisfaire à la justice de Dieu et de quitter toutes les occasions du péché.

Tous les pèlerins doivent ainsi se livrer à la pénitence. Mais les confréries pénitentes, par le

dépassement d’eux-mêmes, la décence et la rigueur, devaient être des modèles pour

l’ensemble des pèlerins. Ainsi, dans le narthex, les nombreuses représentations de pénitents

devaient contribuer à édifier les pèlerins à peine entrés dans la chapelle. Les processions de

pénitents font aussi la renommée de ce sanctuaire, au même titre que la culture orale ou la

littérature de dévotion. Preuve de son succès, l’ouvrage d’Etienne Molinier est réédité en

1647, en 1700 puis en 1847.

Le pèlerinage permet aussi le rassemblement des différentes compagnies de pénitents

autour de la piété mariale, malgré leurs divergences. Ces contacts contribuent très

certainement à une émulation mutuelle et au développement du culte marial, au même titre

que la dévotion eucharistique. En 1705, les pénitents blancs, traversant les différentes villes,

sont amenés à rencontrer d’autres confréries mais la relation de voyage n’offre que peu de

détails. Les processions constituaient un événement dans le cadre urbain et ces rencontres peu

communes ont été tout d’abord décrites dans un registre des pénitents blancs de 1752 :

[…] Lesdits sieurs pénitents blancs du voyage de Garaison firent l’adoration de la croix avec lesdits sieurs pénitents noirs et messieurs les pénitents noirs passèrent devant, les sieurs pénitents blancs et messieurs les pénitents de Garaison furent faire station à Saint-Nicolas, à la Daurade, chez les pénitents noirs qui accompagnèrent les pénitents blancs à leur chapelle et se retirèrent avec la paix du seigneur.

Deux tableaux peints au XVIIIe siècle illustrent cette scène6. Le tableau Départ pour

le pèlerinage de Notre-Dame de Garaison le 1er septembre 1752 représente tout d’abord les

pénitents noirs. On aperçoit, au second plan, un ensemble de pénitents blancs en sac venir la

croix levée au devant des noirs tandis qu’une foule bigarrée, assiste à la cérémonie. Dans le

tableau Retour de Garaison le 8 septembre 1759, les pénitents blancs sont cette fois partis en

pèlerinage et les noirs viennent les retrouver aux portes de la ville de Toulouse. La scène se

déroule au faubourg Saint-Cyprien, près de la porte de l’Isle et d’un couvent – Notre-Dame de

la Porte – aujourd’hui disparu. A l’horizon, le peintre a représenté quelques-uns des

nombreux clochers de la ville. Tous les pèlerins sont nu-pieds et la foule, à l’arrière-plan, les

regarde avec intérêt. Pierre Barthès, annaliste amateur, a recensé les événements survenus à

Toulouse entre 1737 et 1780 et a lui aussi décrit ces différents pèlerinages aux préparatifs

minutieux. Dans les Heures perdues, il décrit un des retours des pénitents blancs, qui se fit au

bruit de la mousquetade du guet (Lamouzèle 1914).

Pourtant, les contacts entre pénitents toulousains ne sont pas toujours cordiaux.

Barthès, pénitent gris, évoque une de ces relations conflictuelles qui eut cours lors d’un

6 ADHG, 1 J 29, « article inédit du Comte Bégouen sur les pénitents blancs toulousains ». Dans la base Palissy du ministère de la culture, un de ces tableaux est recensé dans la chapelle et église des Minimes de Toulouse, mais il n’est à l’heure actuelle pas visible. http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/ Ces représentations de processions pénitentes sont cependant relativement nombreuses car on peut contempler une gravure au Musée des Toulousains de Gamelin qui date de 1778. Cet auteur fait partie des 37 pénitents noirs du voyage à Garaison en 1778.

pèlerinage vers Garaison. Ainsi, les deux confréries devaient se rejoindre à Plaisance et il

évoque à cette occasion que :

Messieurs les pénitents blancs ne firent aucun compte des gris et ne voulurent bouger de table ou

ils étaient pour lors excepté quelques uns de leurs confrères, ayant quitté leurs sacs se

promenaient dans la place de Plaisance en veste, en bounet comme pour se moquer de l’autre

compagnie, qui les auroit eclipsé, soit par la beauté des fourgons et des équipages, soit par la belle

ordonnance de la procession, la conjonction et le zèle des confrères.

Ce pèlerinage se produisit au même mois de la même année et symbolise fort bien la rivalité

certaine, teintée d’animosité qui opposaient les différents pénitents. Ainsi, il est possible de se

demander si le vœu des pénitents blancs en 1705 d’effectuer un pèlerinage vers Garaison tous

les sept ans n’est pas un moyen supplémentaire pour rivaliser d’honneurs avec les pénitents

gris de Toulouse.

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les autorités ecclésiastiques ont cherché à

développer la dévotion mariale et le culte eucharistique. Ainsi, les créations de confréries du

Rosaire sont par exemple encouragées lors des visites pastorales. Les pèlerinages devaient

aussi contribuer à amplifier la dévotion mariale et la communiquer aux populations

environnantes, notamment dans les campagnes les plus reculées. Les processions pénitentes,

avec leurs croix, leurs images et leurs habits particuliers devaient constituer un spectacle

édifiant.

On comprend aussi au terme de cette étude pourquoi les représentations de pénitents

scandent le décor du narthex de Notre-Dame de Garaison. La foule devait là encore être

édifiée à la vue de ce spectacle. Le pèlerinage de 1705 semble marquer le début d’une longue

suite de voyages toulousains vers ce sanctuaire et pour les pénitents la fidélité et la dévotion à

la Vierge ne se démentent pas tout au long de cette période. Cette étude vient donc nuancer

l’image qu’ont généralement les historiens du déclin du culte marial au XVIIIe siècle. La

décadence, voire la disparition des formes éclatantes de religiosité et de dévotion mariale

repérées au XVIIe siècle n’est pas avérée pour les pénitents toulousains.

Illustrations en annexe (clichés auteur) : Illustration 1 : vue d’ensemble sur le narthex de Notre-Dame de Garaison Illustration 2 : vue d’ensemble sur les processions de pénitents bleus et de pénitents noirs Illustration 3 et 4 : deux détails de la procession des pénitents blancs.

Références bibliographiques

Furetière, Antoine (1690) Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots François tant vieux que modernes de toutes les sciences et des arts, La Haye : A. et R. Leers. Gorsse (de), Pierre (1927) « De Toulouse à Garaison, relation inédite du pèlerinage des Pénitents gris en 1754 » in Revue historique de Toulouse, 12 p. Lachiver, Marcel (1991) Les années de misère, la famine au temps du Grand Roi, 1680-172, Paris : Fayard. Lamouzèle, Edmond (1914) Toulouse au XVIIIe siècle d’après les Heures perdues de Pierre Barthès, Toulouse : J. Marqueste. Larrouy, père Antoine (1936) Notre-Dame de Garaison, édition abrégée et illustrée de la Petite histoire de Notre-Dame de Garaison Paris : Éd. J. David et E. Vallois. Lottin, Alain (2005) La dévotion mariale de l’an mil à nos jours, actes du colloque tenu au musée de Boulogne sur Mer, 22-24 mai 2003, Arras : Artois presses université. Maës, Bruno (2008), Pèlerinages et sanctuaires mariaux au XVIIe siècle, Manuscrit du père Vincent Laudun, dominicain, Paris : éditions du CTHS. Pecquet, Marguerite (1972), « La Compagnie des Pénitents blancs de Toulouse », in Annales du Midi, pp. 213-224. Pecquet, Marguerite (1973), « La fondation des Pénitents blancs de Toulouse », in Annales du Midi, pp. 335-347. Pecquet, Marguerite (1985), « Des compagnies de pénitents à la compagnie du Saint-Sacrement », in XVIIe siècle, n° 69, pp. 3-36. Recroix, Xavier (1981) Les peintures du narthex de la chapelle de Garaison, Castelnau Magnoc : collège de Garaison. Recroix, Xavier (1990) Le sanctuaire de Notre-Dame de Garaison, Bagnères-de-Bigorre : Éd. Pyrénéennes.

Sources imprimées

Molinier, Etienne (1630) Le Lys du Val de Guaraison, ou il est traicté en général de tous les poincts qui concernent la dévotion des Chapelles votives de la Vierge et en particulier de l’origine et des miracles de la Chapelle de Guaraison, Toulouse : R. Colomiez. Réglemens pour la procession que doivent faire messieurs les Pénitens blancs de Toulouse sous l’invocation du saint nom de Jésus, à la Chapelle Notre-Dame de Garaison, par permission de Messieurs les Vicaires généraux de Monseigneur Loménie de Brienne […], A Toulouse : Joseph Dalles, 1765.

Prières et réglemens pour la procession que Messieurs les Pénitens gris de Toulouse, sous l’invocation de Saint-Jean Baptiste doivent faire à la chapelle notre Dame de Garaison le 30 août 1764 […], A Toulouse, chez J.H. Guillemette, 1764.