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S12-P02-C02 Gastro-entérologie 1 Chapitre S12-P02-C02 0020 Douleurs abdominales et troubles fonctionnels intestinaux S12- P02- C02 CHLOÉ MELCHIOR ET GUILLAUME GOURCEROL Définition Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI) sont définis par l’asso- ciation de symptômes gastro-intestinaux d’évolution chronique sans anomalie structurale du tube digestif dépistée par les examens de rou- tine (biologie, imagerie digestive, endoscopie…). Les TFI sont sou- vent une source d’incompréhension entre le patient et le médecin. L’un des TFI le plus fréquent et le mieux identifié est le syndrome de l’intestin irritable, défini par la survenue d’une douleur et/ou d’un inconfort chronique associé à un trouble du transit, qui sera détaillé dans ce chapitre. Épidémiologie Le syndrome de l’intestin irritable (SII), plus communément appelé colopathie fonctionnelle, est une pathologie très fréquente qui atteint environ 10 % de la population en France. Le SII connaît une pré- pondérance féminine, avec un sex-ratio de 2 pour 1. Le SII survient dans environ 15 à 20 % des cas après un épisode de gastro-entérite aiguë. Le SII est souvent diagnostiqué vers l’âge de 30-40 ans, mais semble évoluer le plus souvent depuis de nombreuses années avant le diagnostic. Cette pathologie chronique peut évoluer spontané- ment soit vers une amélioration, voire une disparition des symp- tômes, soit vers une aggravation. Le SII est toujours d’évolution bénigne, mais est souvent invalidant pour les patients. De par leurs caractères chroniques et récurrents, les symptômes digestifs finissent par avoir un impact majeur sur la vie quotidienne des patients. Ils sont notamment responsables d’une altération majeure de la qualité de vie ainsi que d’une répercussion socioéconomique (surconsom- mation médicale, absentéisme au travail) [3]. Les symptômes du SII sont l’un des motifs les plus fréquents de consultation en gastro- entérologie, ce qui souligne leur importance en termes de santé publique et l’intérêt pour tout médecin de bien savoir prendre en charge ces pathologies. Physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable Le SII est une pathologie multifactorielle sous-tendant une expression clinique commune. (Figure S12-P02-C02-1). Les princi- paux mécanismes impliquent l’hypersensibilité viscérale digestive, les anomalies de la motricité digestive, les perturbations du micro- biote, l’inflammation de bas grade, les acides biliaires endolumi- naux, et les facteurs psychologiques avec notamment le rôle du stress. Le principal mécanisme physiopathologique impliqué dans le SII est le développement d’une hypersensibilité viscérale qui a été identifiée chez plus de 50 % des patients [1]. Cette sensibilité accrue à la disten- sion est une des explications possibles des ballonnements et du syn- drome douloureux fréquemment rapportés par les patients. Cette hypersensibilité peut être soit d’origine périphérique (dysfonctionne- ment des neurones sensitifs), soit centrale (dysfonctionnement de l’intégration des messages sensitifs digestifs), ou les deux origines peuvent coexister. Au niveau périphérique, plusieurs études ont retrouvé une augmentation du nombre de mastocytes et de leur acti- vité de dégranulation au contact des terminaisons nerveuses sensitives, cette augmentation étant directement corrélée à la sévérité des symptômes. Les troubles moteurs peuvent toucher l’intestin grêle et le côlon. Les anomalies fréquemment identifiées sont la présence d’une hyperacti- vité motrice au niveau de l’intestin, souvent associée à des crampes abdominales et plutôt une rétention intestinale des gaz par le côlon, associée aux ballonnements. Le microbiote a probablement un rôle majeur dans la physiopa- thologie du SII. D’une part, l’origine post-infectieuse dans 15 à 20 % des SII et, d’autre part, l’existence d’anomalies quantitatives et qualitatives de la composition de la flore colique de patients souffrants de SII suggèrent l’implication du microbiote dans cette pathologie. Parmi les anomalies du microbiote, un excès de firmi- cutes ainsi qu’une réduction des bactéroïdètes ont été identifiés au cours du SII. Une accumulation intraluminale des acides biliaires pourrait être responsable d’une accélération du transit dans les SII à sous-type diar- rhéique (SII-D), liée à l’effet laxatif des acides biliaires. Cette accumu- lation pourrait résulter d’une malabsorption, d’un excès de synthèse hépatique, ou d’anomalies du microbiote impliqué dans la transforma- tion des acides biliaires primaires. Les facteurs psychosociaux sont fréquemment associés au SII. Ils peuvent précéder la survenue de la maladie, ou bien être la consé- quence de celle-ci. Les troubles thymiques peuvent conditionner le vécu des symptômes et ainsi contribuer à l’exacerbation des symp- tômes douloureux. Figure S12-P02-C02-1 Cadre physiopathologique du syndrome de l’intestin irritable. Pertubations du dialogue intestin-cerveau Anomalies du microbiote Anomalies des acides biliaires Troubles moteurs Intolérance à certains nutriments Perméabilité intestinale accrue Inflammation Hypersensibilité (50-80 % des malades)

020 Douleurs abdominales et troubles fonctionnels intestinaux

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Gastro-entérologie

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Chapitre S12-P02-C02 0020

Douleurs abdominales et troubles fonctionnels intestinaux S12-P02-C02

CHLOÉ MELCHIOR ET GUILLAUME GOURCEROL

Définition

Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI) sont définis par l’asso-ciation de symptômes gastro-intestinaux d’évolution chronique sansanomalie structurale du tube digestif dépistée par les examens de rou-tine (biologie, imagerie digestive, endoscopie…). Les TFI sont sou-vent une source d’incompréhension entre le patient et le médecin.L’un des TFI le plus fréquent et le mieux identifié est le syndrome del’intestin irritable, défini par la survenue d’une douleur et/ou d’uninconfort chronique associé à un trouble du transit, qui sera détaillédans ce chapitre.

Épidémiologie

Le syndrome de l’intestin irritable (SII), plus communément appelécolopathie fonctionnelle, est une pathologie très fréquente qui atteintenviron 10 % de la population en France. Le SII connaît une pré-pondérance féminine, avec un sex-ratio de 2 pour 1. Le SII survientdans environ 15 à 20 % des cas après un épisode de gastro-entériteaiguë. Le SII est souvent diagnostiqué vers l’âge de 30-40 ans, maissemble évoluer le plus souvent depuis de nombreuses années avantle diagnostic. Cette pathologie chronique peut évoluer spontané-ment soit vers une amélioration, voire une disparition des symp-tômes, soit vers une aggravation. Le SII est toujours d’évolutionbénigne, mais est souvent invalidant pour les patients. De par leurscaractères chroniques et récurrents, les symptômes digestifs finissentpar avoir un impact majeur sur la vie quotidienne des patients. Ilssont notamment responsables d’une altération majeure de la qualitéde vie ainsi que d’une répercussion socioéconomique (surconsom-mation médicale, absentéisme au travail) [3]. Les symptômes du SIIsont l’un des motifs les plus fréquents de consultation en gastro-entérologie, ce qui souligne leur importance en termes de santépublique et l’intérêt pour tout médecin de bien savoir prendre encharge ces pathologies.

Physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable

Le SII est une pathologie multifactorielle sous-tendant uneexpression clinique commune. (Figure S12-P02-C02-1). Les princi-paux mécanismes impliquent l’hypersensibilité viscérale digestive,les anomalies de la motricité digestive, les perturbations du micro-biote, l’inflammation de bas grade, les acides biliaires endolumi-naux, et les facteurs psychologiques avec notamment le rôle du

Le principal mécanisme physiopathologique impliqué dans le SII estle développement d’une hypersensibilité viscérale qui a été identifiéechez plus de 50 % des patients [1]. Cette sensibilité accrue à la disten-sion est une des explications possibles des ballonnements et du syn-drome douloureux fréquemment rapportés par les patients. Cettehypersensibilité peut être soit d’origine périphérique (dysfonctionne-ment des neurones sensitifs), soit centrale (dysfonctionnement del’intégration des messages sensitifs digestifs), ou les deux originespeuvent coexister. Au niveau périphérique, plusieurs études ontretrouvé une augmentation du nombre de mastocytes et de leur acti-vité de dégranulation au contact des terminaisons nerveuses sensitives,cette augmentation étant directement corrélée à la sévérité dessymptômes.

Les troubles moteurs peuvent toucher l’intestin grêle et le côlon. Lesanomalies fréquemment identifiées sont la présence d’une hyperacti-vité motrice au niveau de l’intestin, souvent associée à des crampesabdominales et plutôt une rétention intestinale des gaz par le côlon,associée aux ballonnements.

Le microbiote a probablement un rôle majeur dans la physiopa-thologie du SII. D’une part, l’origine post-infectieuse dans 15 à20 % des SII et, d’autre part, l’existence d’anomalies quantitativeset qualitatives de la composition de la flore colique de patientssouffrants de SII suggèrent l’implication du microbiote dans cettepathologie. Parmi les anomalies du microbiote, un excès de firmi-cutes ainsi qu’une réduction des bactéroïdètes ont été identifiés aucours du SII.

Une accumulation intraluminale des acides biliaires pourrait êtreresponsable d’une accélération du transit dans les SII à sous-type diar-rhéique (SII-D), liée à l’effet laxatif des acides biliaires. Cette accumu-lation pourrait résulter d’une malabsorption, d’un excès de synthèsehépatique, ou d’anomalies du microbiote impliqué dans la transforma-tion des acides biliaires primaires.

Les facteurs psychosociaux sont fréquemment associés au SII. Ilspeuvent précéder la survenue de la maladie, ou bien être la consé-quence de celle-ci. Les troubles thymiques peuvent conditionner levécu des symptômes et ainsi contribuer à l’exacerbation des symp-

Figure S12-P02-C02-1 Cadre physiopathologique du syndrome de l’intestinirritable.

Pertubationsdu dialogue

intestin-cerveau

Anomaliesdu microbiote

Anomaliesdes acides biliaires

Troubles moteurs

Intolérance à certainsnutriments

Perméabilitéintestinale

accrue

Inflammation

Hypersensibilité(50-80 % des malades)

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stress. tômes douloureux.

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Clinique

La douleur abdominale est le principal symptôme fonctionnel. Ellepeut prendre des caractéristiques différentes tant sur la localisation quedans son intensité qui peut aller jusqu’à mimer une urgence chirurgi-cale. Le syndrome douloureux survient de manière chronique, depuisau moins 3 mois selon les critères internationaux dans le cadre du SII.Le plus fréquemment, ces douleurs sont spasmodiques et surviennentdurant la journée. L’évolution des douleurs par crises de quelquesheures à quelques jours est classique. Les périodes de crise sont habi-tuellement exacerbées en cas de stress et améliorées pendant lespériodes de repos comme les vacances.

Le deuxième symptôme le plus fréquent est la survenue d’un ballon-nement abdominal ou d’un inconfort abdominal, évoluant de mêmede manière chronique, depuis au moins 3 mois.

Dans le cadre du SII, des troubles du transit à type de diarrhée, consti-pation ou une alternance des deux sont associés au syndrome doulou-reux et/ou à l’inconfort abdominal. Dans le SII, l’émission de gaz ou deselles peut soulager les douleurs et les ballonnements abdominaux. Lesous-type de SII est défini à l’aide de l’échelle de Bristol, courammentutilisée en consultation de gastro-entérologie (Figure S12-P02-C02-2).En cas de constipation isolée, le patient présente moins de trois selles parsemaine, le plus souvent dures. La constipation peut être associée à desépisodes de débâcle diarrhéique aussi appelée fausse diarrhée et définis-sant le SII avec alternance diarrhée-constipation. La diarrhée au cours duSII est typiquement motrice, c’est-à-dire des selles liquides uniquementdiurnes, survenant le matin ou en période post-prandiale. Les sellescontiennent alors souvent des résidus, typiques du caractère moteur dela diarrhée.

Cette symptomatologie peut s’associer à des signes digestifs hauts,appartenant aux TFI dits « hauts » (pyrosis, pesanteur gastrique…). Demême, l’association à certaines pathologies psychosomatiques est rap-portée comme le syndrome de vessie douloureuse ou la fibromyalgie.

L’examen clinique reste quant à lui le plus souvent pauvre, la nor-malité de l’examen contrastant souvent avec la plainte du patient. Il està noter que la palpation abdominale peut réveiller une douleur abdo-minale, mais n’identifie ni masse ni réaction péritonéale.

Le patient est souvent anxieux vis-à-vis de ces symptômes, dontl’évolution est souvent ancienne, parfois par poussées favorisées par lestress. La principale difficulté consiste à explorer de manière raison-nable ces patients avec d’une part le risque d’explorer de manière tropinvasive et répétée une pathologie fonctionnelle (y compris lorsqu’ellepeut présenter des symptômes d’alarme) et d’autre part le risque deméconnaître une pathologie organique, voire une urgence chirurgicale.Par principe, les symptômes d’alarme tels que de la fièvre, des réveilsnocturnes liés à la douleur, un amaigrissement ou une altération del’état général, la présence d’anomalies cliniques et la présence de rec-torragies ou de méléna, doivent conduire à la réalisation d’explorationscomplémentaires.

Examens complémentaires

Leur but est encore de ne pas méconnaître une pathologie orga-nique. La majorité des sociétés savantes recommandent de ne pas réa-liser d’explorations complémentaires chez un patient jeune (< 50 ans),présentant les critères diagnostiques de SII, de sous-type non diar-rhéique, en l’absence de signes d’alarme [6]. Chez ces patients, un bilanbiologique (NFS, CRP) peut cependant être proposé pour éliminer laprésence d’un syndrome inflammatoire et/ou d’une anémie. En cas dediarrhée, le bilan initial peut rechercher aussi une hyperthyroïdie(TSH), une parasitose (par un examen parasitologique des selles sur3 jours) et une maladie cœliaque (anticorps antitransglutaminase). Encas de diarrhée après une prise d’antibiotique récente, une diarrhée àClostridium difficile peut être recherchée par la présence de toxine dansles selles.

La coloscopie n’est pas réalisée pour tous les patients. Il faut recher-cher des critères indiquant sa réalisation comme un âge supérieur à50 ans, des antécédents familiaux de cancer colorectaux ou de polypes,l’apparition récente ou la modification des symptômes, la présence designes d’alarme (fièvre, amaigrissement, rectorragie ou méléna, anémieferriprive, altération de l’état général, symptomatologie nocturne). Demême, devant une symptomatologie résistante au traitement sympto-matique, la réalisation d’une coloscopie doit être discutée. La colosco-pie a pour but d’éliminer une pathologie tumorale ou inflammatoire.En cas de diarrhée, des biopsies étagées seront réalisées pour éliminerune colite microscopique. Il n’y a donc pas lieu de réaliser une colo-scopie chez un individu jeune, sans antécédent familial digestif ni ano-malie clinico-biologique, lorsque la symptomatologie répond bien autraitement symptomatique entrepris.

Les autres examens sont réalisés en fonction des signes associés. Unefibroscopie œso-gastro-duodénale peut être discutée devant la présencede symptômes dyspeptiques associés ou de diarrhée avec la recherched’une atrophie villositaire à l’histologie des biopsies duodénales. Uneéchographie abdominale peut être réalisée si la symptomatologie estévocatrice d’une pathologie biliaire (colique hépatique), pancréatiqueou rénale.

L’ensemble de ces examens ne doit pas être répété en l’absence demodification de la symptomatologie des patients.

Critères diagnostiques

Les TFI n’étant identifiés que par leurs symptômes, l’élaboration decritères basés sur la clinique a rapidement été une nécessité. Les critèresde Rome III (Tableau S12-P02-C02-I) sont actuellement utilisés en

Selles dures et morcelées(en billes)

d’évacuation difficile

Type 1

Type 2

Type 3

Type 4

Type 5

Type 6

Type 7

Selles dures, mouléesen saucisse et bosselées

Selles dures, moulées en saucisse,à surface craquelée

Selles molles mais moulées,en saucisse (ou serpentin)

Selles molles morcelées,à bords nets et d’évacuation facile

Selles molles morcelées,à bords déchiquetés

Selles totalementliquides

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pratique courante [4]. En fonction du contexte (par exemple face à desFigure S12-P02-C02-2 Échelle de Bristol.

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Gastro-entérologie

signes d’alarme), ces critères diagnostiques ne dispensent pas des explo-rations complémentaires vues précédemment.

Pour le SII, les critères de Rome III (voir Tableau S12-P02-C02-I)définissent la présence d’une douleur abdominale ou d’un inconfortdigestif qui doit survenir au moins 3 jours par mois depuis au mini-mum 3 mois. Cette douleur abdominale doit être associée à au moinsdeux des critères suivants : améliorée par la défécation, survenueassociée à une modification de la fréquence des selles ou survenueassociée à une modification de la consistance de selles. Le SII estensuite catégorisé en différents sous-types selon la consistance desselles à l’échelle de Bristol (voir Figure S12-P02-C02-2) : diarrhéique(SII-D), constipé (SII-C), alternance diarrhée-constipation (SII-M)ou indéterminé.

Pour le ballonnement fonctionnel, les critères de Rome III défi-nissent la présence d’un ballonnement ou d’une distension abdominalequi doit survenir au moins 3 jours par mois depuis au minimum3 mois et l’absence de critères suffisants pour un autre TFI.

Diagnostics différentiels

Les diagnostics différentiels auxquels il faut penser dépendent avanttout de la symptomatologie : douleur abdominale, diarrhée, constipa-tion… Les orientations diagnostiques devant ces symptômes sont déjàdétaillées dans les chapitres correspondants.

Parmi les diagnostics différentiels les plus fréquents, les syndromesmyofasciaux [2] sont peu connus et sont très souvent étiquetés parerreur SII. Cette méconnaissance entraîne souvent de multiples explo-rations inutiles et un retard diagnostique qui peut être important. Lesdouleurs abdominales présentes au cours des syndromes myofasciauxsont des douleurs pariétales plus souvent localisées au niveau del’hypocondre droit et des fosses iliaques. Ces douleurs sont volontierslocalisées et circonscrites, et peuvent être reproduites avec lamanœuvre de Carnett. Les principaux critères diagnostiques devantfaire évoquer ce syndrome sont la contraction localisée d’un muscle, lareproduction de la douleur spontanée à la palpation d’un muscle,l’identification de points « gâchettes » ou la mise en évidence d’un défi-cit musculaire. Les deux muscles à systématiquement examiner pourne pas méconnaître un syndrome myofascial sont le psoas et l’obliqueexterne. Ces syndromes myofasciaux sont facilement améliorés par uneprise en charge kinésithérapeutique.

De même, il faut savoir penser à une endométriose digestive en cas derecrudescence cataméniale du syndrome douloureux, qui de par

et dont les examens complémentaires peuvent être normaux. D’autressymptômes digestifs peuvent également être présents, tels que ballon-nements et troubles du transit (constipation, occlusion…), en particu-lier en cas d’atteinte profonde. L’examen clinique, l’IRM, voire lacœlioscopie permettent d’orienter le diagnostic.

Traitement

L’objectif du traitement est de soulager la douleur abdominale maisaussi de normaliser le transit. Il n’existe pas de traitement de référencedu SII et aucun traitement ne permet de guérir de la maladie. Dès lors,chaque traitement cible un mécanisme physiopathologique en particu-lier. Malheureusement, en pratique courante il est difficile d’identifieravec certitude le ou les mécanismes impliqués en fonction de la cli-nique ou des résultats d’examens complémentaires. Il en résulte la dif-ficulté du choix du traitement à cibler chez chaque patient. Seul l’essaid’un traitement pourra déterminer son efficacité. Il faut donc expli-quer au patient que l’essai d’un traitement peut s’avérer inefficace sansremettre en cause le diagnostic.

Le temps de la consultation est un temps primordial, il permet d’éta-blir une relation de confiance entre le patient et le médecin. L’impor-tance de bien expliquer sa maladie au patient aide dans l’adhésionthérapeutique. Il a notamment été prouvé qu’un programme d’éduca-tion thérapeutique permet d’améliorer les symptômes et la qualité devie des patients [5]. Il est important de fixer un objectif thérapeutiqueraisonnable au cours de la consultation. Viser la disparition de tous lessymptômes chez un patient dont la maladie évolue depuis des annéesparaît trop ambitieux et sera source d’insatisfaction pour le malade. Ilfaudra donc expliquer au patient que l’on vise l’amélioration des symp-tômes et non la guérison ou la disparition complète des symptômes.

Diètes

Les patients sont très réceptifs aux conseils diététiques et ont souventpar eux-mêmes modifié leur alimentation. L’enrichissement de l’ali-mentation en fibres est un conseil souvent donné aux patients, il n’estindiqué qu’en cas de SII à type de constipation. Il n’améliore que par-tiellement la constipation et peut entraîner une aggravation des ballon-nements digestifs en cas d’apport de fibres insolubles. Le niveau depreuve reste bas et le bénéfice attendu faible. Les régimes d’exclusionn’ont à ce jour pas montré d’efficacité reproductible et il faut resterprudent devant le risque important de carence lié à ces régimes.

Antispasmodiques

Les antispasmodiques comme la trimébutine, la mébéverine et lepinavérium ont une action inhibitrice sur la motricité colique. Leursprescriptions visent à soulager les douleurs abdominales, surtoutlorsqu’elles sont postprandiales. Deux antispasmodiques ont prouvéleur supériorité. Le phloroglucinol, d’action rapide, peut notammentsoulager les douleurs abdominales paroxystiques. L’association decitrate d’alvérine et siméthicone permet d’améliorer les douleurs abdo-minales et les troubles du transit.

Montmorillonite beidellitique

La montmorillonite beidellitique est une argile naturelle efficace surla douleur abdominale et le confort digestif uniquement dans le sous-groupe de SII-C. Elle tapisse la muqueuse intestinale et exerce un pou-voir adsorbant.

Modificateurs du transit

Le traitement des troubles du transit peut améliorer le confortdigestif. En cas de constipation ou de fausse diarrhée, les laxatifs

Tableau S12-P02-C02-I Critères de Rome III du syndrome de l’intestinirritable [4].

Critères

Douleur abdominale ou inconfort digestif (sensation abdominale désagréable non douloureuse) survenant au moins 3 jours par mois durant les 3 derniers mois, associée à au moins deux des critères suivants :

– amélioration par la défécation– survenue associée à une modification de la fréquence des selles– survenue associée à une modification de la consistance des selles

Définition des sous-groupes en fonction de la consistance des selles selon l’échelle de Bristol

SII avec constipation prédominante (SII-C) : Bristol 1-2 ≥ 25 % du temps, Bristol 6-7 ≤ 25 % du temps

SII avec diarrhée prédominante (SII-D) : Bristol 6-7 ≥ 25 % du temps, Bristol 1-2 ≤ 25 % du temps.

SII avec alternance diarrhée-constipation (SII-M) : Bristol 1-2 ≥ 25 % du temps et Bristol 6-7 ≤ 25 % du temps.

SII non spécifié : absence de critères suffisants pour répondre aux critères du SII-C, SII-D ou SII-M.

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l’inflammation qu’elle induit peut mimer la même symptomatologie osmotiques comme le macrogol doivent être privilégiés aux laxatifs

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de lest qui ont pour effet secondaire principal un ballonnementabdominal. En cas de diarrhée, un ralentisseur du transit de typelopéramide permet de réduire la fréquence des selles et d’en améliorerla consistance.

Traitements agissant sur la flore intestinale

L’identification d’une pullulation microbienne endoluminale parun test respiratoire peut conduire à un traitement antibiotique. Iln’existe à l’heure actuelle aucune recommandation sur le choix del’antibiotique et/ou la durée de celui-ci. Le seul antibiotique à avoir ététesté avec succès versus placebo est la rifaximine, mais qui n’est actuel-lement pas disponible en France.

Parmi les probiotiques testés dans cette indication, seul le VSL#3(lactobacilles et bifidobactéries) semble efficace dans le sous-groupe deSII-D. Son efficacité pourrait résulter soit de son action potentielle auniveau de la flore soit de son action anti-inflammatoire intestinale.

Anti-inflammatoires

Les traitements anti-inflammatoires n’ont prouvé qu’une actionsur la réaction inflammatoire intestinale sans avoir démontré d’effi-cacité symptomatique. Des études complémentaires pourraientprouver son intérêt chez les patients présentant une inflammation debas grade.

Traitements à action centrale

Les antidépresseurs à faible dose ont une action à la fois antalgiqueet sur l’humeur. Ils n’ont pas l’AMM dans cette indication mais sontcouramment utilisés par les gastro-entérologues en présence de dou-leurs abdominales résistantes aux traitements antalgiques standard.Leur utilisation cible l’hypersensibilité viscérale présente chez plus de60 % des patients.

Les antidépresseurs tricycliques comme la désipramine ont une effi-cacité progressive, il convient d’augmenter progressivement par paliersde 50 mg/sem jusqu’à la dose optimale de 150 mg/j et d’attendre unepériode de 1 à 3 mois avant de juger de leur efficacité. En cas d’effica-cité, les experts recommandent de maintenir le traitement 6 moisavant de diminuer progressivement les doses.

Les inhibiteurs de la recapture de sérotonine (IRS) comme la paroxé-tine représentent une alternative thérapeutique mais ils semblentmoins efficaces que les antidépresseurs tricycliques. Leur action semblesurtout cibler les traumatismes psychologiques, d’autre part un de leurs

intérêts réside dans leur tolérance bien meilleure que les antidépres-seurs tricycliques. Les IRS pourraient avoir leur place dans les formessévères de SII.

Prise en charge psychologique par des traitements alternatifs

Les traitements alternatifs comme la relaxation, l’hypnose, la psy-chothérapie cognitivo-comportementale, l’acupuncture sont proposésle plus souvent aux patients les plus sévères. Le stress ayant un rôle dansl’apparition ou l’évolution des symptômes, la prise en charge psycho-logique peut permettre d’améliorer les symptômes et la qualité de viedes patients. Leur place se situe probablement en association aux autresthérapeutiques. Cependant, pour les antidépresseurs comme pour laprise en charge psychologique, il est parfois difficile de réussir à obtenirl’adhésion du patient, dont l’attente est souvent focalisée sur un traite-ment à visée purement digestive.

Conclusion

Le SII est une maladie dont la physiopathologie complexe n’estqu’incomplètement comprise et dont les traitements sont partielle-ment efficaces. La souffrance des patients réside souvent devant la non-reconnaissance de leur maladie trop souvent étiquetée psychologique.Pour permettre aux patients de sortir de l’isolement, on peut les orien-ter vers l’association des patients souffrant de SII (APSSII).

Bibliographie1. AZPIROZ F, BOUIN M, CAMILLERI M et al. Mechanisms of hypersensitivity in

IBS and functional disorders. Neurogastroenterol Motil, 2007, 19 : 62-88.2. CUMMINGS M, BALDRY P. Regional myofascial pain : diagnosis and manage-

ment. Best Pract Res Clin Rheumatol, 2007, 21 : 367-387.3. DAPOIGNY M, BELLANGER J, BONAZ B et al. Irritable bowel syndrome in

France : a common, debilitating and costly disorder. Eur J GastroenterolHepatol, 2004, 16 : 995-1001.

4. LONGSTRETH GF, THOMPSON WG, CHEY WD et al. Functional bowel disor-ders. Gastroenterology, 2006, 130 : 1480-1491.

5. RINGSTROM G, STORSRUD S, LUNDQVIST S et al. Development of an educa-tional intervention for patients with irritable bowel syndrome (IBS) : a pilotstudy. BMC Gastroenterol, 2009, 9 :10.

6. SPILLER R, AZIZ Q, CREED F et al. Guidelines on the irritable bowelsyndrome : mechanisms and practical management. Gut, 2007, 56 : 1770-1798.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Melchior C, Gourcerol G. Douleurs abdominales et troubles fonctionnels intestinaux. In : L Guillevin,e

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L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5 éd. Paris, TdM Éditions, 2019-S12-P02-C02 : 1-4.