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1 1) LECTURE CURSIVE ET LECTURE ANALYTIQUE EN COLLEGE ET LYCEE. M. Jordy, IG prise de notes lors dune conférence. I- Réfléchir sur la lecture analytique : Q/ Comment définir les principes de base de la lecture analytique ? R/ Le projet de l’Inspection générale est bien de « refonder la discipline » en « énonçant des PRINCIPES COMMUNS, banals parfois mais toujours nécessaires. Citons-en d’emblée six, six vrais « actes de foi pédagogique » : 1- L’EDUCABILITE : tout être humain peut progresser. Il faut refuser tout déterminisme social, familial ou culturel. 2- LE DROIT A L’ERREUR POUR L’ELEVE : « Un élève est en classe pour apprendre », nos élèves ne sont pas là pour témoigner qu’ils savent. Et recevoir un discours magistral ne suffit pas à « savoir ». « Tout apprentissage se fait par tâtonnements, erreurs : la reconnaissance du droit à l’erreur est un devoir pédagogique ». 3- TOUTE PEDAGOGIE EST UNE RECHERCHE : une quête de sens pour l’élève, faite de tâtonnements. « La didactique n’est pas une science exacte. », elle essaie de proposer des démarches cohérentes qui tiennent compte des erreurs des élèves et construit à partir d’elles un apprentissage, un parcours pertinent. 4- LA LECTURE EST UN ACTE : il convient de distinguer la lecture intime, personnelle, de la lecture en classe qui doit être recherche, construction d’un sens. A l’heure actuelle, dans les classes, « la lecture est trop souvent une simple affirmation ou validation d’un sens préconçu. » La démarche de la lecture analytique pourrait se résumer par le sous-titre de M. Descotes : « Construction du sens. » 5- L’ASSOCIATION INDISPENSABLE DE LA LECTURE/ L’ECRITURE/ LA GRAMMAIRE : c’est-à- dire une étroite « interconnexion ». Je lis pour écrire, j’écris pour lire, la grammaire me sert à mieux lire et mieux écrire… 6- LE PRIMAT DU LITTERAIRE DANS L’APPRENTISSAGE : l’apprentissage doit se tourner vers l’acquisition de principes littéraires et donc humanistes, et non de techniques ou de dispositifs qui ne doivent être que des outils au service de la lecture. Voilà six principes « majeurs, humanistes, intellectuels et moraux ». Et, au nom de ces principes, l’élève doit être considéré NON comme un récepteur, mais EN PROCESSUS D’APPRENTISSAGE. On peut,on doit rester- EXIGEANT SUR LA LITTĖRARITĖ des textes proposés. Ne considérons pas par exemple que l’élève de 6 ème mauvais lecteur ne peut accéder aux œuvres du patrimoine. Q/ Mais justement comment définir la littérarité d’une œuvre ? R/ Question difficile ! La réponse paraîtra peut-être un peu sommaire. L’œuvre LITTERAIRE serait celle dont le sens ne s’épuise pas à la première reformulation ( « para-phrase »), comme c’est le cas avec le texte informatif. En collège, veillons à la qualité proprement littéraire des œuvres de jeunesse choisies pour l’étude. Q/ Pourquoi avoir besoin aujourd’hui de réaffirmer ces principes ? R/ Parce qu’il y a eu DÉRIVE. « La didactique du français a permis des avancées puisqu’elle contraint l’enseignant à la conscience et à l’explicitation de ses choix, de ses objectifs et de ses démarches. Mais ce progrès a engendré des dérives et construire les notions didactiques est « devenu un obstacle à la construction du sens. » La règle d’une bonne stratégie de lecture devrait être : « d’abord, on choisit le texte… pour l’expliquer ! et non comme on le voit majoritairement pour mettre en place l’outil. » "Il faut non point bannir toute instrumentalisation mais se garder d'en faire une fin. Pour analyser les textes, l'enseignant a toujours utilisé des outils d'analyse ; ils se sont diversifiés par l'apport de la linguistique, de la sémiotique, de la génétique des textes, etc... A nous de les utiliser à bon escient pour en faire des clés de lecture, des "instruments de lecture", non pour réduire l'enseignement des lettres à leur mise en oeuvre". On voit trop souvent dans les manuels ou dans les pratiques de classe que des textes sont choisis et étudiés, non pas selon leur intérêt littéraire, mais en fonction d’objectifs abstraits purement technicistes.

1) LECTURE CURSIVE ET LECTURE ANALYTIQUE EN ......celle du Lagarde et Michard ou celle demandée à l’épreuve de Français ne sont pas des actes de construction, mais un exposé

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Page 1: 1) LECTURE CURSIVE ET LECTURE ANALYTIQUE EN ......celle du Lagarde et Michard ou celle demandée à l’épreuve de Français ne sont pas des actes de construction, mais un exposé

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1) LECTURE CURSIVE ET LECTURE ANALYTIQUE EN

COLLEGE ET LYCEE.

M. Jordy, IG prise de notes lors d’une conférence.

I- Réfléchir sur la lecture analytique :

Q/ Comment définir les principes de base de la lecture analytique ?

R/ Le projet de l’Inspection générale est bien de « refonder la discipline » en « énonçant des PRINCIPES

COMMUNS, banals parfois mais toujours nécessaires. Citons-en d’emblée six, six vrais « actes de foi

pédagogique » :

1- L’EDUCABILITE : tout être humain peut progresser. Il faut refuser tout déterminisme social, familial ou

culturel.

2- LE DROIT A L’ERREUR POUR L’ELEVE : « Un élève est en classe pour apprendre », nos élèves ne

sont pas là pour témoigner qu’ils savent. Et recevoir un discours magistral ne suffit pas à « savoir ». « Tout

apprentissage se fait par tâtonnements, erreurs : la reconnaissance du droit à l’erreur est un devoir

pédagogique ».

3- TOUTE PEDAGOGIE EST UNE RECHERCHE : une quête de sens pour l’élève, faite de tâtonnements. «

La didactique n’est pas une science exacte. », elle essaie de proposer des démarches cohérentes qui tiennent

compte des erreurs des élèves et construit à partir d’elles un apprentissage, un parcours pertinent.

4- LA LECTURE EST UN ACTE : il convient de distinguer la lecture intime, personnelle, de la lecture en

classe qui doit être recherche, construction d’un sens. A l’heure actuelle, dans les classes, « la lecture est trop

souvent une simple affirmation ou validation d’un sens préconçu. » La démarche de la lecture analytique pourrait

se résumer par le sous-titre de M. Descotes : « Construction du sens. »

5- L’ASSOCIATION INDISPENSABLE DE LA LECTURE/ L’ECRITURE/ LA GRAMMAIRE : c’est-à-

dire une étroite « interconnexion ». Je lis pour écrire, j’écris pour lire, la grammaire me sert à mieux lire et mieux

écrire…

6- LE PRIMAT DU LITTERAIRE DANS L’APPRENTISSAGE : l’apprentissage doit se tourner vers

l’acquisition de principes littéraires et donc humanistes, et non de techniques ou de dispositifs qui ne doivent être

que des outils au service de la lecture.

Voilà six principes « majeurs, humanistes, intellectuels et moraux ». Et, au nom de ces principes, l’élève doit

être considéré NON comme un récepteur, mais EN PROCESSUS D’APPRENTISSAGE. On peut,on doit

rester- EXIGEANT SUR LA LITTĖRARITĖ des textes proposés. Ne considérons pas par exemple que l’élève

de 6ème

mauvais lecteur ne peut accéder aux œuvres du patrimoine.

Q/ Mais justement comment définir la littérarité d’une œuvre ?

R/ Question difficile ! La réponse paraîtra peut-être un peu sommaire. L’œuvre LITTERAIRE serait celle dont

le sens ne s’épuise pas à la première reformulation ( « para-phrase »), comme c’est le cas avec le texte

informatif. En collège, veillons à la qualité proprement littéraire des œuvres de jeunesse choisies pour l’étude.

Q/ Pourquoi avoir besoin aujourd’hui de réaffirmer ces principes ?

R/ Parce qu’il y a eu DÉRIVE. « La didactique du français a permis des avancées puisqu’elle contraint

l’enseignant à la conscience et à l’explicitation de ses choix, de ses objectifs et de ses démarches. Mais ce

progrès a engendré des dérives et construire les notions didactiques est « devenu un obstacle à la construction

du sens. » La règle d’une bonne stratégie de lecture devrait être : « d’abord, on choisit le texte… pour

l’expliquer ! et non comme on le voit majoritairement pour mettre en place l’outil. » "Il faut non point bannir

toute instrumentalisation mais se garder d'en faire une fin. Pour analyser les textes, l'enseignant a toujours

utilisé des outils d'analyse ; ils se sont diversifiés par l'apport de la linguistique, de la sémiotique, de la

génétique des textes, etc... A nous de les utiliser à bon escient pour en faire des clés de lecture, des "instruments

de lecture", non pour réduire l'enseignement des lettres à leur mise en oeuvre". On voit trop souvent dans les

manuels ou dans les pratiques de classe que des textes sont choisis et étudiés, non pas selon leur intérêt littéraire,

mais en fonction d’objectifs abstraits purement technicistes.

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Q/ D’où vient cette dérive ?

R/ De la notion - ou plutôt de la mauvaise utilisation - de la notion d’OBJECTIF PÉDAGOGIQUE. Faisons un

rapide historique de cette dérive.

Jusqu’aux années 70, il n’y avait pas « d’objectifs pédagogiques. »Le choix des textes se faisait en fonction de

leur présence dans le manuel ou de la sélection personnelle du professeur, selon ses goûts ou sa conviction de

leur importance patrimoniale.

L’apparition des objectifs pédagogiques a été en soi un progrès, mais est devenu un obstacle dès lors que les

textes se sont transformés en simples outils… au service de l’objectif.

Redisons-le avec force : le texte doit être étudié pour lui-même et NON pour mettre en place un outil. Cette

CONFUSION entre OUTIL et OBJECTIF a été la raison de L’ÉCHEC DE LA LECTURE

MÉTHODIQUE, « alors même que ses fondements théoriques et les démarches qu’elle préconise sont

indiscutablement sûrs. »

Q/ Quels sont les effets de cette dérive ?

R / L’étude de la TECHNIQUE a pris le pas sur l’étude de ce qui fonde la VALEUR de l’œuvre, de

l’ÉMOTION ou du PLAISIR qu’elle génère. Au nom de cette technicité, on parle moins de théâtre que

d’ « acte de langage », moins de conte que de narratologie, moins de poésie que de « poétique ».

Actuellement, par exemple, le schéma narratif est surestimé et surexploité. Il est certes important, mais pas

nécessaire pour LIRE. Une enquête sur ce que les élèves retiennent en fin de collège est édifiante :

1) … l’énonciation.

2) … le schéma narratif.

3)… accessoirement … un nom d’auteur…

Q/ Qu’est-ce que la lecture analytique ?

R/ Ce qui doit amener les élèves à être capables de rendre compte du texte, malgré les erreurs, les tâtonnements,

les difficultés. On pourrait dire qu’il y a LIRE… et LIRE, soit deux définitions à donner car « je ne lis pas

comme je fais lire mes élèves ! »

1- LA LECTURE PERSONNELLE : propose les sens premiers, ébauchés, parcellaires et lacunaires. Elle est

intime, source d’émotions. Ce qu’elle provoque chez le lecteur peut être non formulé, voire non formulable.

2- LA LECTURE-CLASSE : « activité normée, imposée », est l’élaboration d’un sens collectif et construit.

Cette recherche de cohérence et d’unité doit déboucher sur une construction formulée et validée.

La LECTURE ANALYTIQUE est la démarche qui conduit de l’INFORMULÉ AU FORMULÉ. On va

passer de l’approximatif au cohérent dans une construction aboutissant au sens. Et la DIDACTIQUE est

l’ensemble de tous les moyens permettant de passer de la lecture personnelle à la lecture-classe. C’est

l’utilisation de tout ce qui me permet de construire du sens. « Tout comme la lecture méthodique, une lecture

analytique suit un parcours qui transforme l’expérience intime et parcellaire de chacun en une interprétation

collective, validée par le professeur et les recherches conduites par la classe. »

Construire une lecture analytique, c’est donc en quelque sorte passer de la « CO-ERRANCE à la

COHÉRENCE ».

Q/ Comment aider le groupe-classe à construire son interprétation sans projeter immédiatement celle du

professeur ?

R/ Il s’agit de « faire émerger chez chaque individu d’un groupe-classe une interprétation du texte

communément admise », exercice scolaire, artificiel et invention pédagogique à la fois. Des démarches telles que

celle du Lagarde et Michard ou celle demandée à l’épreuve de Français ne sont pas des actes de construction,

mais un exposé de propositions d’un sens suivi d’une validation.

La classe est bien sûr un ensemble d’individus différents qui ne comprennent pas les mêmes choses. Il est donc

nécessaire de partir de l’état de ce que les élèves comprennent et d’organiser systématiquement un temps de

RÉACTIONS de lecture, quel que soit le mode de diffusion ( lecture à voix haute, magistrale, silencieuse,

préparation à la maison, découverte, expression orale, travail d’écriture…)

Constatons, avant d’organiser la démarche. Il s’agit de consigner les réactions à partir « d’une amorce »: « Pour

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moi, le texte, c’est … » qui permet à l’élève, par l’effort de formulation, de donner un sens à sa lecture

personnelle : il faut mettre l’élève EN POSITION D’ACTEUR, réagissant en tant que « lecteur-individu

humain ».

Partant donc de réactions incomplètes et personnelles, la lecture analytique consistera donc à nommer, à

formuler ce qui n’était que bribes et sens parcellaires.

Q/ Mais ce travail systématique sur les réactions de lecture n’est-il pas une perte de temps ?

R/ Non, la lecture analytique est « une expérience collective », un « échange » sur un texte. Il s’agit de gagner du

temps sur les éléments communs et de travailler sur les phénomènes d’échos et d’écarts, donc sur la singularité

de chaque texte. N’hésitons pas à revenir à un questionnement préalable simple et fondamental ( que le

professeur évite malheureusement en général un jour d’inspection) : « DE QUOI PARLE LE TEXTE ? » Nous

devons revenir aux « fondamentaux », afin de poser les référents communs au texte ( au besoin par le résumé)

avant d’aller plus loin.

Q/ Toutes les réactions de lecture sont-elles pertinentes ?

R/ Oui ! La lecture analytique est l’articulation des réactions vers la construction d’un sens cohérent. Elle permet

de prendre conscience de la diversité des lectures et de l’éclatement du sens, en se construisant à partir des

réactions et/ou erreurs formulées.

Citons quelques VARIANTES pour construire une interprétation du texte grâce à la production d’élèves :

- " Donner un titre au passage et le justifier » → Travailler sur la diversité des titres proposés.

- « Ecrire la suite du passage et la justifier » : relectures avec commentaires des choix lexicaux , syntaxiques,

explications des connotations…→ « Qu’est-ce que votre texte révèle de votre lecture du texte initial ? ». Les

explications et justifications de tous les choix d’écriture deviennent des éléments de la lecture analytique.

- « Rédiger un résumé du texte et en faire un compte-rendu à voix haute. »

Pour un compte-rendu de commentaire littéraire, le professeur peut reprendre la même construction en strates :

Voici le sens que j’ai trouvé dans toutes les copies.

Voici le sens que j’ai trouvé dans les meilleures copies.

Voici le sens que j’aurais pu trouver si vous aviez utilisé les outils dont vous disposiez.

Q/ Dans cette démarche de l’individuel au collectif, la lecture analytique comporte donc une prise de risque ?

Certains textes sont difficiles, exigeants…

R/ Mais il faut proposer aux élèves des textes exigeants pour que le texte résiste et qu’il puisse y avoir progrès

dans l’élaboration de la lecture ! La classe doit comprendre que la lecture est un « chaos d’interprétations », que

le texte est un « champ de bataille désordonné » où il faut « ordonner du sens ».

Il est nécessaire de choisir aussi des textes « piégés-piégeants ». Prenons les premières pages de La Disparition

de Perec par exemple : les premières réactions iront d’abord vers la lecture de la violence, puis de l’épopée. Des

remarques permettant d’y lire le burlesque, le jeu littéraire, interviendront progressivement. Une lecture

humaniste sur la décomposition du monde ( par la disparition de la lettre mère) finira peut-être par émerger.

Mettons en difficulté les élèves, vérifions la diversité des interprétations, puis proposons un niveau de lecture

plus complexe s’intégrant dans la construction collective du sens. In fine, n’hésitons pas à comparer point de

départ et point d’arrivée.

Il va de soi que, pour le professeur, il s’agit d’un exercice d’équilibriste, sans filet, mais qui vise l’appropriation

du texte par les élèves…plus que la réception de la lecture d’un expert ! Expliquer un texte, c’est bien sûr donner

les outils nécessaires à sa compréhension et il est aussi des textes auxquels sans doute on est amené à renoncer

pour des raisons lexicales, culturelles… « Si on se refuse à ces deuils, il convient de se doter des outils, des

démarches qui combleront les carences, construiront les meilleures conditions de réception des textes,

donneront les outils – culturels, lexicaux…- indispensables à l’appréhension de l’œuvre : cela porte aussi le nom

de « didactique »

Q/ Tous les moyens sont-ils bons pour conduire une lecture analytique efficace ?

R/ En tout cas, le professeur ne doit se priver d’aucune entrée dans la lecture, aussi banale paraît-elle ( par

exemple, l’examen de l’objet- livre), d’aucune question, aussi usée semble-t-elle ( ainsi, pour vérifier une lecture

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cursive : « Tel épisode se situe-t-il au début, à la fin ? Pourquoi ? » / « Telles citations : de qui ? où ? » « Tel

dialogue : entre qui et qui ? »).

Q/ Quelles sont les pistes pour aborder l’œuvre intégrale ?

R/ Lire une œuvre intégrale, c’est prendre acte de son intégrité. La lecture analytique doit être placée dans cette

perspective. « L’œuvre littéraire est un tout signifiant et c’est cette globalité que j’interroge, que j’analyse. Ce

qui impose que les élèves aient lu l’œuvre dans son ensemble auparavant. »

Insistons. Une lecture cursive PRÉALABLE est nécessaire. L’enseignant, pour mettre l’élève « en appétit », ne

doit négliger aucune « porte d’entrée » et aider, encadrer la lecture individuelle, inventant des stratégies de

lecture pertinentes. En classe, la sélection des axes de travail, le choix et le découpage des textes permettront une

« circulation » du sens. Le rythme de travail (étude d’extraits, analyse de chapitres, de traits caractéristiques,

temps de synthèse) appartient au dispositif de l’étude : par définition, le temps consacré à chaque lecture

analytique est variable. Mais ne dépassons pas les quinze heures et organisons le travail sur une période d’un

mois environ.

Q/ Comment amener les élèves à relire et à exploiter leurs notes ?

R/ On a dit que la lecture analytique rendait l’élève capable de lire une œuvre en partant de ses réactions de

lecteur. Elle doit aussi l’amener, en fin d’étude, à RENDRE COMPTE DU SENS : ACTEUR D’UN

COMPTE-RENDU, l’élève va exploiter les notes prises.

Proposons une EVALUATION EN AVAL ( rapide, orale ou écrite) à partir d’un compte-rendu d’une lecture

analytique. Par exemple, en fin de séance :

« Donnez un nouveau titre au texte et justifiez-le. »

« Demain, deux élèves feront pendant un quart d’heure un compte-rendu oral de la lecture. »

« On a vu que ce texte relève du registre fantastique : expliquez pourquoi. »

Cette évaluation, rapide, est au moins aussi valide qu’une préparation en amont.

2 La lecture anaytique au lycée.

Ce document propose une réflexion sur le sens et les enjeux de la lecture analytique au lycée. En effet la pratique de la lecture analytique dans nos classes de seconde et de première requiert une réflexion

permanente sur le sens de cette démarche, ses ambitions, sa mise en œuvre et la place qu'y prennent le professeur et ses élèves.

Ce travail est le résultat de la réflexion conjointe de mesdames et messieurs les I.P.R. de lettres ainsi que de professeurs formateurs de l'académie. Il s'appuie sur un questionnaire proposé lors de stages

sur l'enseignement du français au lycée par Madame Anne Valois, formatrice de l'académie de Nancy-Metz, pour interroger notre pratique de la lecture analytique. Il conserve ainsi la forme première de

dix questions fréquemment soulevées par la lecture analytique, définie ainsi dans les documents

d'accompagnement de lycée :

" Elle a pour but l'examen méthodique des textes et constitue un travail d'observation des éléments constitutifs de ceux-ci, suivi d'un travail d'interprétation. Elle permet aux élèves de s'approprier progressivement les perspectives d'étude et de distinguer celles qui sont les plus pertinentes selon les textes étudiés. La lecture analytique est une démarche, c'est-à-dire qu'elle peut se réaliser sous la forme d'exercices divers ; aussi bien ceux qui ont pu être appelés précédemment explication de texte ou lecture méthodique, que l'étude d'œuvres intégrales. Les élèves doivent y apprendre à formuler des hypothèses de sens et les confronter aux caractéristiques du texte. Ils ont pris l'habitude d'analyser des textes au collège ; au lycée, il est important qu'ils parviennent à les situer dans leur contexte. " (1)

(1) Accompagnement des programmes, Français, classes de seconde et première, page 82

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1°) Pourquoi proposer la démarche de la lecture analytique aux élèves ? Chaque séance de lecture analytique implique que le professeur se soit au préalable interrogé sur les

raisons pour lesquelles il lance sa classe dans ce travail et sur les finalités qu'il lui attribue :

Pourquoi proposer ce texte précis ?

- Quelles sont ses spécificités culturelles et esthétiques ?

- Quelles valeurs transmet-il (héritages culturels et sociaux) ?

Que veut-on que l'élève ait compris, appris ?

- Quel apprentissage notionnel (genres, histoire littéraire, etc. ) ? - Quelles compétences (lire un texte, analyser un registre…) ?

- Quelle représentation du monde l'élève construit-il ?

Comment se situe cette séance de lecture analytique ?

- Dans la progression annuelle ? (perspectives dominantes et complémentaires ; place dans la progression annuelle ).

- Dans la séquence ? (par rapport aux textes précédents…) - Dans la découverte d'un objet d'étude ?

Pourquoi proposer ce texte à cette classe précise?

- Quel est le niveau de la classe ? ( seconde, première, quelle série ?) - Quels sont les horizons d'attente des élèves ?

Ces questions préalables sont essentielles pour élaborer un projet cohérent et efficace. Elles

guident l'ensemble des choix qui sont effectués ensuite pour construire la démarche de la

lecture analytique.

On peut ici rappeler que le texte ne doit pas être choisi comme prétexte à l'introduction d'une notion, quelle qu'elle soit. Le projet d'analyse élaboré après ce questionnement préliminaire doit être le fruit d'un choix : il ne vise pas à l'exhaustivité mais ne doit pas nier la richesse du texte.

2°) Faut-il proposer une préparation ?

La préparation est une modalité parmi d'autres de la rencontre des élèves et du texte. Elle n'est donc pas obligatoire. Elle est dans tous les cas, si elle est pratiquée, légère et adaptée au niveau des élèves

; elle permet une élucidation et une contextualisation du texte : il s'agit de préparer sa

compréhension, d'aider une première lecture personnelle… et de lever certains obstacles culturels, lexicaux… Préparer une séance de lecture analytique par un questionnaire très technique (à l'image de

certains manuels) ou trop précis dont on effectue la correction en classe va à l'encontre de la démarche inductive préconisée par l'exercice. Il est sans doute préférable de proposer une question de préparation à propos d'un texte dans un

groupement vers le milieu ou la fin d'une séquence, afin que les élèves soient capables de réinvestir certains points en rapport avec l'objet d'étude… Quelques exemples de questions de préparation :

Lire le texte (première rencontre individuelle avec le texte qui n'est pas forcément guidée par

un questionnaire…) Observer le paratexte, formuler des hypothèses de lecture à partir de ces indications… Situer le texte dans un contexte : situation historique, recherches d'indices biographiques

pouvant éclairer le texte, situation dans le cadre d'une œuvre intégrale… Préparer la compréhension. Faire acquérir des connaissances qui faciliteront l'approche du

texte : recherche lexicale, éclaircissement culturel (allusions mythologiques, historiques,

bibliques, topoï, valeurs symboliques), nom d'un personnage, recherches autour du titre... Ces questions permettent à l'élève de rassembler quelques outils qui serviront à la construction du

sens en classe. Elles peuvent accompagner le texte, mais elles peuvent également être

proposées aux élèves sans que le texte ait encore été donné.

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Comparer ce texte avec un texte précédemment étudié, faire le lien avec le titre de la

séquence, avec une lecture cursive, exploiter les acquisitions des textes précédents…

Le contrôle des préparations : les travaux des élèves contribuent à la démarche de construction du sens au cours de la lecture analytique. On peut exploiter ces travaux au fil de la séance, ramasser

quelques préparations, demander une restitution orale, faire un rapide contrôle en début d'heure, à condition de ne pas empiéter excessivement sur le temps de l'analyse elle-même, etc.…

3°) Qui lit le texte ? A quel moment ?

Lecture par le professeur :

Une lecture expressive du texte en tout début d'heure, prise en charge par le professeur, constitue le meilleur moyen de faire cerner les enjeux du passage aux élèves, ainsi que ses qualités littéraires. On

peut espérer qu'une belle lecture du texte par le professeur serve en quelque sorte d'exemple à suivre, et incite les élèves à imiter certaines intonations, à mieux maîtriser leur débit . Une autre démarche consiste à faire lire en silence le texte puis à faire écrire ou dire aux

élèves leurs impressions leurs réactions, leurs questions… Le professeur lit ensuite le texte à haute voix ; les élèves sont amenés alors à formuler les hypothèses de sens suggérées par cette nouvelle

lecture et à les confronter avec leur premier jet. Cette double lecture a le mérite de susciter l'activité de l'élève qui affine sa réception du texte ; le dialogue qui s'engage est ainsi fructueux. L'analyse est

préparée par une double lecture qui a le mérite d'éviter les contresens ou faux-sens.

Lecture par les élèves :

Dans le cours de la séance, La lecture, ou la relecture, du texte par les élèves est importante . Il est nécessaire de revenir à de multiples reprises durant la séance vers la lecture, orale ou

silencieuse, de certains passages ou du texte dans son intégralité: la démarche repose sur le texte, sur la compétence de lecteur des élèves.

Par la relecture l'élève s'approprie le texte, le laisse résonner et le mémorise. Une mise en voix mal réussie permet de déceler une incompréhension du lecteur. On peut avoir recours à la relecture si les élèves perdent de vue l'objectif de la séance ou que

l'attention se relâche. Une relecture du texte permet par conséquent de re-dynamiser une

séance. Elle peut permettre en outre au professeur de solliciter les élèves n'ayant pas encore pris la

parole durant l'heure de cours.

En fin de séance la relecture aide à construire le bilan avec les élèves. Il est également fort utile de revenir sur la mise en voix en prolongement de séance (entraînement à

la lecture expressive d'un texte à présenter à l'EAF) ; les séances d'aide individualisée ou de module

consacrées à la poésie ou au théâtre peuvent particulièrement se prêter aux exercices de lecture à haute voix

4°) Comment organiser et gérer la durée d'une lecture analytique ? Quelles activités proposer ?

a. Objectifs de séance : Le professeur, particulièrement en classe de seconde, doit accepter de faire des choix - forcément

douloureux - guidés par l'articulation du sens, de la richesse du texte, des perspectives d'étude (dominante et complémentaires), ainsi que par la progression de la séquence, par l'angle d'approche

de l'objet d'étude, par l'apport notionnel prévu… et donc par les buts qu'il s'est précisés en préalable à sa préparation.

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On comprend l'importance pour le professeur de déterminer un projet de séance précis (cf.

question n°1) : un objectif trop vaste et mal défini se solde souvent par des séances de lecture

analytique trop longues et mal finalisées. Il n'est pas opportun de faire figurer l'objectif au tableau, en début de séance avant toute rencontre

avec le texte. On peut proposer aux élèves, au cours ou en fin de séance, de formuler eux-mêmes les objectifs afin de répondre à la question : " Qu'ai-je appris et compris aujourd'hui ? "

b. Problématique : Même si la lecture analytique en classe de seconde n'est pas traversée par les mêmes enjeux qu'en

première, il est tout à fait conseillé de guider les élèves dans l'élaboration et la formulation d'une problématique. Celle-ci se formule à partir des hypothèses de sens exprimées en début de séance et des

connaissances que l'on a déjà ; il est essentiel que les élèves en soient les auteurs. Ils expriment une première compréhension du texte, ils s'interrogent, élaborent un questionnement en relation avec

la séquence, l'objet d'étude… ; ils cernent une problématique, reviennent au texte pour l'analyser sous cet angle notamment, l'interprètent. Le professeur les guide, il suscite, il suggère, oriente, fait

reformuler… La problématique interroge les spécificités du texte. Elle oriente par une question une démarche de

lecture, de construction de sens ; elle induit les choix qui seront opérés dans l'analyse. Elle pourra

s'apparenter aux questions posées au moment de l'épreuve orale de français : il semble judicieux de sensibiliser également les élèves de seconde à cette démarche de problématisation des textes, afin de

leur donner de bons réflexes méthodologiques et de développer leur capacité à réfléchir. (exemples de problématiques : " en quoi ce texte illustre-t-il les principes du mouvement romantique ? " ; "

quelle est la cible de La Bruyère à travers ce portrait-charge ? " ; " quels sont les enjeux de cette

scène d'exposition ? " ; " dans quelle mesure ce poème s'inscrit-il dans une perspective de modernité ? "…)

c. Quelques activités :

Afin que l'élève ne demeure pas dans la " confortable " situation de récepteur prenant en notes le message professoral, il est essentiel de proposer à la classe des situations d'apprentissages multiples

et de varier les modes d'approche de l'explication du texte. Pour cela l'alternance entre l'écrit et l'oral dans une même séance est très précieuse :

Phases d'expression orale : Les phases de reformulation à l'oral sont à privilégier : la première expression orale des élèves à la

découverte du texte est le point de départ essentiel de la séance ; par la suite les temps de reformulation orale guident les bilans écrits intermédiaires ; les interactions permettent de

parvenir à l'élaboration progressive du sens du texte :

lecture, restitution de prise de notes, questionnement, reformulation par les élèves et/ou par

le professeur, échange entre professeur et élèves, échange entre élèves et interactions… répartition de l'activité de recherche en binômes, par rangées (etc…) puis restitutions au

groupe classe.

Temps d'écriture : Il est essentiel de distinguer et faire distinguer par les élèves deux types d'écriture ; celle qui est de recherche et de tâtonnements (relevés par exemple, repérages divers…) qui contribue à

l'interprétation et n'a pas à être archivée, et l'écriture qui conservera ce qui doit être retenu et mémorisé à propos du texte : cette écriture là doit être guidée par le professeur, élaborée (pas de

mots épars avec des flèches), elle a pour but de rendre compte d'une interprétation organisée,

synthétique. La mémorisation dépend de la qualité et de l'organisation de cette trace écrite.

activités de repérage (dispositifs visuels sur le texte, légendes…) entrées tabulaires pour faciliter les recherches par groupes (l'apport des TICE est à cet égard

intéressant : exploitation des possibilités du traitement de texte, fonctionnement en réseau…)

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recherche de bilans intermédiaires phases de rédaction (une phrase de commentaire, recherche de problématique par les élèves

pour les préparer à la logique de l'épreuve orale…) construction de schémas, synthèses partielles ou finales …

d. Mise en œuvre de ces activités : Toutes ces activités ne sont pas forcément pertinentes lors d'une même séance ; c'est leur alternance,

leur durée plus ou moins longue qui maintiendra la concentration voire l'intérêt des élèves plus qu'un cours exclusivement dialogué mené toujours sur le même rythme ; il faut savoir tenir compte de la

marge d'improvisation et de réajustement nécessaires à chaque séance de lecture analytique. Dès

lors, comment concilier une ossature de cours construite par le professeur en amont de la séance et les besoins, les attentes, les demandes d'explication des élèves ? Rendre l'élève actif dans une lecture analytique, c'est oser se détacher de cette préparation de cours souvent rigide ou trop fermée, orientée vers des " axes " d'étude très détaillés que les élèves

subissent plus qu'ils ne construisent. En effet, La DEMARCHE de lecture analytique ne peut être

assimilée à l'exposition d'un commentaire composé. C'est une construction qui s'inscrit dans une dynamique.

La lecture analytique ne doit pas pour autant servir de prétexte à une discussion ouverte et chaotique sur le texte : il s'agit de démêler les exigences de l'exercice imposées par le professeur (rigueur de

l'observation, précision des relevés, pertinence du niveau d'interprétation exigé, apport notionnel et contextualisation du texte d'étude) à certaines réalités pédagogiques incontournables (prise en

compte de la phase de réception initiale, nécessité de relancer l'attention de l'élève, gestion de la

participation et des interactions…) En classe de seconde la lecture analytique pourrait se limiter à une heure (la concentration, l'effet de

lassitude, le rythme biologique de l'élève sont autant de critères dont il faut tenir compte) ; elle se prolongera éventuellement par des activités de lecture ou d'écriture en rapport avec le texte d'étude. La lecture analytique en première se déroulera en une ou deux heures, en fonction de la difficulté et

de la longueur du texte, de l'objectif de la séance (la question de la durée de la lecture analytique ne prend sens que par rapport aux objectifs.)

5°) Comment permettre à l'élève de s'approprier le sens du texte ? a. Une phase de réception initiale relativement brève mais fondamentale :

La phase de réception initiale, relativement brève, au cours de laquelle les élèves formulent des réactions qui découlent de leur première perception d'un texte est un moment à privilégier entre tous.

Il permet de partir de ce que les élèves ont compris, de leurs intuitions sur le texte. C'est l'étape qui permet à l'élève d'être reconnu comme lecteur du texte. Bien entendu cette première étape de lecture ne peut être que partielle, voire partiale ; elle n'est pas encore justifiée ; elle est destinée à être infirmée, confirmée et dans tous les cas approfondie,

prolongée par l'interprétation à laquelle aboutit la démarche de la lecture analytique guidée par le professeur. Cette phase de réception initiale (intuition première, manifestation d'incompréhension,

réinvestissement des acquis de la séquence en cours…) peut se dérouler de différentes manières :

A l'oral : à partir de quelques questions simples posées aux élèves, questions toujours relatives à la réception par les élèves (" Quelles observations pouvez-vous faire à partir du paratexte ? " " De quoi est-il question dans ce texte ? " ; " Qu'avez-vous compris ? " ; " Quels thèmes avez-vous repérés ? " " Qu'avez-vous reconnu ? " (Genre, registre, etc.…) ; " Quelles sont vos premières impressions ? " ; " Que ressentez-vous après une première lecture de ce texte ? ", " Quel est l'enjeu de ce texte ? ", " Quel rapport établissez-vous avec le texte précédent ? ", " Quelle est selon vous la phrase la plus importante de ce texte ? " …) Les questions trop techniques qui ont tendance à présenter les outils

d'analyse comme des entrées à part entière entravent ou retardent souvent l'accès au sens (exemples

: questions sur les temps verbaux, sur la versification, la focalisation…) Ces points sont bien évidemment essentiels mais doivent être étudiés au moment des relevés qui valident les impressions

initiales.

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A l'écrit : en demandant aux élèves de résumer le texte en une ou deux phrases (exercice

particulièrement intéressant dans le cadre de lectures analytiques consacrées au narratif, au

théâtre…), de chercher quelques mots-clés résumant leurs principales impressions ( exemple : " dégoût ", " morbide " pour l'analyse du poème de Baudelaire " Une charogne ") , de formuler - ou de

reformuler - après la phase orale tout simplement leurs hypothèses de lecture (en insistant par exemple sur le genre et le registre littéraire exploités…).

b. Une phase de construction progressive du sens : Ainsi ritualisée, cette phase de réception a pour vertu de créer des habitudes de questionnement des textes. La phase de problématisation du

texte peut découler de cette première étape. Le professeur note au tableau les remarques des élèves, les organise en choisissant une disposition d'écriture. Le recours à des craies de couleur dans cette

étape est un outil précieux pour aider la classe à visualiser les rapprochements entre les remarques

formulées par les uns et les autres. L'enseignant invite parfois les élèves à prolonger leur intuition initiale par un recours à d'autres expressions (" comment pourrait-on résumer ce que vient de dire X ?

" " Est-ce que tu veux faire allusion à ceci ou cela ? "). Il faut que le professeur ait une claire conscience des buts qu'il poursuit (POUR QUOI ?) et c'est en s'appuyant sur elle qu'il reçoit les

réponses des élèves les traite et les organise. Le rôle du professeur est ensuite de guider les élèves dans le dépassement constructif de leurs

premières observations : certaines remarques seront progressivement écartées, dans le respect du

travail de compréhension fourni par les élèves ; d'autres seront approfondies ; d'autres enfin seront recherchées, car une lecture analytique exigeante ne peut se limiter aux remarques des élèves. En

effet toutes les hypothèses n'ont pas pu être d'emblée formulées, le rôle du professeur est donc de faire percevoir aux élèves les dimensions littéraires, symboliques, culturelles ou sociales qu'ils n'ont

pas pu appréhender à la découverte du texte. Les observations initiales ont été notées au tableau, elles sont confirmées ou infirmées au fil de l'analyse, et on pourra, à la fin de la séance, mesurer le chemin parcouru en les comparant aux

interprétations fondées, validées et plus approfondies auxquelles la classe est parvenue. Le défi que nous devons relever est de bien prendre en compte ces premières remarques dans notre

questionnement ou notre dispositif pédagogique, qui ne pourra par conséquent pas se faire trop dirigiste. Les premières impressions ne se résument pas à une première discussion

anarchique sur le texte, simple préambule à des axes d'étude proposés de manière trop

magistrale par le professeur.

6°) Comment donner à l'élève, à l'occasion de la lecture analytique, la maîtrise d'outils de lecture ? Comment développer ses compétences de lecteur ?

La lecture analytique évite les excès de certaines lectures " méthodiques " qui, dans leur dérive proposaient des entrées " canoniques ", parfois stéréotypées et avaient tendance à plaquer des grilles

d'analyse trop fermées (analyse de la situation d'énonciation, du schéma actanciel…). Notre priorité est avant tout le sens du texte. Il demeure fondamental d'amener les élèves à justifier leurs

perceptions grâce à l'identification et à l'analyse de procédés précis. C'est ainsi que se construisent les

compétences de lecteur. L'acquisition des outils d'analyse doit par conséquent s'effectuer de manière progressive, étant donné

que l'élève ne peut apprendre à manipuler ces outils et techniques littéraires qu'en les observant, dans les différents textes abordés dans l'année.Il convient de faire reconnaître ces outils de lecture

(organisation du texte, situation d'énonciation, registres, procédés rhétoriques, versification, syntaxe,

lexique et faits de langue…) dans leur fonctionnement dans le texte ; une fois identifiés, ils peuvent être analysés, définis, réinvestis en situation de lecture ou d'écriture.

7°) Comment permettre à l'élève de situer la lecture du texte dans un ensemble plus large (œuvres de l'auteur, mouvement littéraire, siècle) ? Comment établir une progression, une cohérence entre les textes d'un même groupement ?

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Chaque texte étudié est en rapport étroit avec l'objet d'étude, et fait écho soit à la perspective

dominante, soit à la perspective complémentaire de la séquence, voire aux deux. Les groupements

de textes relèvent d'une problématique clairement énoncée, ce qui peut se combiner avec le choix d'un thème commun (exemples : " le thème de la ville dans l'expression de la poésie moderne "

; " portraits de femmes dans éloge et blâme " ; " apologues et images de l'animal "…). Il est non seulement essentiel d'établir une cohérence entre les textes au sein d'une même séquence,

mais des liens et des échos entre les différents objets d'étude sont aussi vivement recommandés (d'où

l'importance du " croisement "). Il est très formateur pour l'élève de revenir au cours de chaque séance de lecture analytique - même de manière allusive - sur les textes étudiés précédemment ; on

peut par exemple construire une lecture analytique à partir d'une confrontation avec un autre texte de la séquence. Cette séquence s'articule elle-même à d'autres dans la perspective d'une progression

annuelle. Le recours aux lectures cursives et complémentaires permet d'élargir le champ culturel de l'élève, de

constater les différents traitements d'une même problématique littéraire à travers les âges… La

constitution avec les élèves d'une frise chronologique (évolutive sur les deux années) peut s'avérer utile, si elle est intelligemment et systématiquement exploitée ; le renvoi aux documents annexes, aux

recherches individuelles, aux thèmes d'exposés, à certains textes du manuel sont autant de stratégies et de prolongements possibles à la lecture analytique. Les questions de préparation peuvent faciliter

également l'accès au contexte historique et culturel du passage étudié. Etablir progressivement des

sommaires de séquence avec les élèves est une activité formatrice.

Pour rendre l'élève progressivement autonome, il convient de l'aider à organiser, structurer et mémoriser les connaissances acquises.

8°) Comment aider l'élève à prendre des notes, à les réutiliser

a. Quelle trace conserver d'une lecture analytique ?

La mémorisation dépend de la qualité et de l'organisation de cette trace écrite. (voir question 4 à

propos des deux types d'écriture). Le tableau joue un rôle fondamental : son organisation permet de mettre en valeur le cadre, la

structure du cours, les mots clefs et les notions nouvelles. Une partie du tableau peut être réservée à

la phase de " brouillon collectif " que l'on utilise ensuite avec les élèves pour sélectionner et organiser les notes .

La prise de notes des élèves ne doit pas être continue au long de l'heure : il est des temps d'oral, de réflexion individuelle, de recherche individuelle et collective qui requièrent l'attention des élèves sans

qu'ils écrivent. Il conviendra, dans certaines classes portées à l'écriture frénétique, de les faire

respecter avec fermeté. Pour permettre une relecture intelligente ultérieurement, la prise de notes doit être organisée. Afin d'éviter que les élèves soient en permanence en train d'écrire, sans

forcément réfléchir ou participer, la prise de notes doit se construire sur des temps de reprise, de synthèse élaborée par le professeur et la classe…

Il est essentiel de faire prendre conscience aux élèves que la mémorisation et la stabilisation de leurs connaissances reposent sur la qualité de leur prise de notes. Pour cela il est important de permettre

aux élèves de participer activement à une formulation élaborée des phases de synthèse. Dans un premier temps on accorde une place privilégiée au cours de la séance aux reformulations orales avec

complexification (synonymes littéraires, " boule de neige " etc.) Celles-ci faciliteront les temps

Cet apprentissage progressif d'une prise de notes intelligente au cours de la scolarité est guidé par le

professeur qui apporte des conseils pratiques de mise en page (couleurs, hiérarchisation) et qui propose surtout des manières d'écrire (début ou membres de phrases donnés en Seconde par

exemple) ce qui est une bonne initiation à la langue du commentaire. Certains professeurs sont parfois anxieux à l'idée de ne pas proposer de trace écrite suffisamment

exhaustive dans le classeur de l'élève (notamment en classe de première) ; on peut concevoir des

dispositifs visuels sur le texte - si tant est que l'on puisse disposer d'un nombre de photocopies suffisant - allégeant et facilitant la prise de notes. Des lectures analytiques se présentant sous la

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forme d'organigrammes permettent à certains élèves - très " visuels " - de mieux percevoir et retenir

les enjeux d'un texte. Le professeur est parfois amené à casser une prise de note trop linéaire en privilégiant des entrées sous forme de schémas, de tableaux… Il faut éviter les inventaires de notions stylistiques qui

apparaissent trop souvent, inexploités, dans les classeurs et que les élèves ne parviennent pas forcément à mémoriser de manière vraiment efficace.

Il est également utile de demander au fil de la séance à quelques élèves d'oraliser les notes prises jusque là, afin de voir si elles peuvent être aisément comprises et réinvesties. Les prises de notes

peuvent être parfois relevées et appréciées par le professeur.

b. Stratégies d'exploitation de la prise de notes :

Il est efficace de conduire les élèves à relire le texte et à exploiter leur prise de notes après la séance:

Prise de notes relevées par le professeur. Exploitation pour la production d'un paragraphe de commentaire. " Post-paration " en cours ou en module, ou à faire à la maison : synthèse, question

nécessitant la relecture des notes, tableaux de confrontation des textes, question type oral du

bac en première… Exercice d'écriture (réinvestissement d'un procédé repéré dans le cours au moment de la prise

de notes…). Oralisation d'une partie de la lecture analytique à partir d'une question, ou du bilan de la

séance précédente… Construction de sommaires de séquences : demander aux élèves sur la page de garde de la

séquence de faire apparaître les titres des textes, les auteurs et leur époque, les quelques

notions importantes… Elaboration d'une fiche de notions, d'une synthèse collective… Formulation par les élèves des questions susceptibles d'être posées sur le texte à partir de la

prise de notes et des réponses qu'ils apporteraient… Mémorisation des notions acquises (relecture du cours et enregistrement sur cassette ou cd,

écoute et évaluation par le professeur de ces productions orales…).

9°) Quelle organisation pour la lecture analytique ? Une séance de lecture analytique ne se résume pas à l'élaboration d'un plan détaillé de commentaire

littéraire ; quelques grandes questions posées sur le texte et mettant en valeur sa richesse peuvent amplement suffire à cerner les enjeux du passage. Il est intéressant de reformuler les premières impressions des élèves autour d'une problématique qui peut d'ailleurs parfois faire écho à l'objectif de la séance. La lecture analytique, par un

questionnement judicieux ainsi que par des activités structurantes et variées, aura pour but de

répondre à cette problématique trouvée en début d'heure ou en cours de séance. On s'engage alors dans un processus de construction de sens collectif, validé par le professeur et renvoyé à la classe. Au

terme de cet itinéraire qui va d'une réception imparfaite à un sens construit, on mesure le chemin parcouru en confrontant l'interprétation avec les hypothèses de départ. Il est ensuite important que

les élèves rendent compte individuellement de l'interprétation construite : "Il ne saurait y avoir de

lecture analytique efficace sans que les élèves, à l'oral ou à l'écrit, en classe ou chez eux, n'aient l'obligation de rendre compte du sens construit"(J. Jordy,Inspecteur Général, Colloque du 10/03/05).

10°) Comment rendre l'élève progressivement autonome dans la lecture analytique du texte ?

La mission du professeur est d'amener l'élève à construire progressivement ses compétences de

lecteur. Au fil des séances de lecture analytique, l'élève apprend à formuler de plus en plus clairement

ses réactions de lecteur, à approfondir sa première lecture, à l'interroger à émettre des hypothèses, à les confronter au texte dans sa lettre et à valider ses hypothèses de lecture par le biais de relevés

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systématiques et interprétés. L'autonomie de l'élève s'acquiert progressivement, en instaurant des

habitudes de lecteur au sein de chaque lecture analytique et en engrangeant des connaissances ; on

ne peut que souligner encore une fois les effets néfastes d'une démarche d'explication de texte trop dirigiste et magistrale dans l'apprentissage de l'autonomie. Pour s'approprier des méthodes de travail, l'élève ne doit pas être confronté à des écarts d'apprentissage trop importants : en effet, plus ce qu'on demande est proche de ce qui a été fait en

cours, plus l'élève est susceptible de gagner en autonomie et en aisance dans l'exercice. On constate

que le travail qui habitue l'élève à d'une part relever les " mots du texte " (citation avec guillemets) qui soutiennent ses affirmations et ensuite à les identifier en termes d'analyse littéraire (travail

collectif, erreur et apprentissage) est très fructueux quand il est pratiqué de manière raisonnée : il légitime bien souvent les élèves dans leur perception intuitive et les conduit en douceur vers l'analyse. Lorsque l'autonomie est déjà partiellement acquise, on peut donner aux élèves l'occasion de choisir eux-mêmes le texte à étudier en lecture analytique, dans le cadre d'une oeuvre intégrale par exemple.

Dès le moment de sélection l'élève peut alors se mettre en démarche de sens par rapport au texte, il

n'en trouvera que plus facilement les grandes lignes d'analyse. Le travail de synthèse ou de réinvestissement, en aval des lectures analytiques, porte toujours ses

fruits : les élèves peuvent par exemple construire eux-mêmes des fiches reprenant les outils ou les problématiques essentielles et les réinvestir dans une nouvelle étude de texte. La structure du projet

d'année et le choix de l'enchaînement des séquences va aussi permettre une réactivation des acquis,

non seulement au cours d'une séquence, mais aussi d'une séquence à l'autre, au fil de l'année. Proposer en guise de prolongement une " post - paration " devrait inviter la classe à approfondir la

réflexion, et à mieux maîtriser les enjeux méthodologiques de l'exercice en transposant les savoirs (construction d'un plan de lecture analytique à partir d'une problématique donnée, lectures

complémentaires et exercices de confrontation de textes, entraînement à la rédaction d'un paragraphe de commentaire littéraire en classe de première, lien avec l'image…) Enfin l'autonomie n'est pas dissociable d'un apprentissage régulier et intelligent des connaissances

essentielles. Un élève ne pourra pas construire ses compétences de lecteur autonome sur du sable. La phase de mémorisation est donc indispensable pour permettre à l'élève de s'approprier les

connaissances apportées dans le cours, les savoirs culturels, les outils d'analyse. L'autonomie s'acquiert grâce à un apprentissage régulier des notions enseignées. Le professeur veille à ménager

des temps de stabilisation d'une notion, d'un genre, d'un procédé..., puis un moment de formulation

claire et facilement mémorisable. Le contrôle régulier des acquis permet de fixer ces connaissances et de construire une culture.

conclusion : La séance de lecture analytique est un moment fondamental de construction de sens par l'élève grâce

au groupe classe. Elle doit satisfaire aux exigences de la fondation d'une culture et aux enjeux d'une

expérience personnelle de rencontre avec la littérature. Il est donc nécessaire de réfléchir aux moyens de faciliter l'entrée des élèves dans des textes souvent éloignés de leur univers culturel. Le choix des corpus, des oeuvres est alors essentiel. Mettre en oeuvre des conditions de

découverte, de réception, d'appropriation par des stratégies et des activités variées permet de placer les élèves dans une véritable situation de lecture et donc de les intéresser à cette démarche. Une

gestion intelligente des temps d'écriture et d'oralisation permet de faire de ce temps un moment de

structuration et d'apprentissage progressif. Animer une séance de lecture analytique demande à la fois rigueur, souplesse et créativité au

professeur qui ne perd pas de vue ses objectifs par rapport à une classe donnée mais s'adapte aux

réactions des élèves dans une démarche de co- construction du sens.