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1 1 - Les Précolombiens 1.1 - Avant les Caraïbes - Tous les préhistoriens sont unanimes à reconnaître que l'homme aux Antilles n'est pas autochtone et serait venu d'Amérique centrale ou méridionale à la fin du pléistocène, c'est-à-dire au paléolithique américain (- 15.000). Soudées à l'Amérique du Sud (Vénézuela), les îles constituaient, Trinidad en particulier, la route principale de diffusion, des groupes ethniques les plus anciens entre le continent et les grandes Antilles. Les petites îles auraient été peuplées avant les grandes. Les Arawaks se composent d'un ensemble de peuples, formant une grande famille linguistique. Ils partirent du bassin de l'Amazone et se dispersèrent dans toutes les directions à travers une grande partie du sud et du centre du continent américain. (Colombie, Bolivie, Vénézuela, Mexique) et aussi le sud-ouest des Etats Unis (Floride). Vers l'an 1000 avant J.-C. commence la période néo-indienne. Les Igneris, peuplades Arawaks, qui connaissaient l'agriculture et la poterie, vivaient le long du Bas-Orénoque, franchirent le delta de ce fleuve, où ils rencontrèrent les Méso-Indiens. Ils apprirent les techniques de la pêche et de la navigation. Au début de l'ère chrétienne, ils commencèrent à se répandre dans les Antilles et, vers 200 après J.-C., ils atteignirent Puerto-Rico. Entre 300 et 1000 après J.-C., le peuplement néo-indien s'étendit encore. Il occupa les Iles-Vierges, la République Dominicaine, Jamaïque, Cuba et les Bahamas. A leur arrivée, les Arawaks repoussèrent les Calusas ou Muspas, qui ont probablement fourni leur contingent au peuplement des îles côtières de la Floride et des Bahamas. Ils venaient antérieurement de Floride. Mais lorsque les Creeks envahirent leur territoire, tout ce qui resta de la nation Calusa chercha refuge sur les keys, îles calorigènes qui bordent la Floride. La partie occidentale de Cuba a été peuplée par les Guanahabibes ou Guanahatebeyes. L'est de l'île était peuplée par les Ciboneys, avant l'arrivée des Arawaks. "De nature très peu pacifique, grands céramistes, sculpteurs et agriculteurs, les Arawaks ont introduit de proche en proche, et du sud au nord, la culture du maïs et du manioc sur des monticules de terre, le tissage, les rites funéraires et l'exhumation des morts dans des urnes, le droit matrilinéaire

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1 - Les Précolombiens

1.1 - Avant les Caraïbes - Tous les préhistoriens sont unanimes àreconnaître que l'homme aux Antilles n'est pas autochtone et serait venud'Amérique centrale ou méridionale à la fin du pléistocène, c'est-à-dire aupaléolithique américain (- 15.000).

Soudées à l'Amérique du Sud (Vénézuela), les îles constituaient, Trinidaden particulier, la route principale de diffusion, des groupes ethniques les plusanciens entre le continent et les grandes Antilles. Les petites îles auraient étépeuplées avant les grandes.

Les Arawaks se composent d'un ensemble de peuples, formant unegrande famille linguistique. Ils partirent du bassin de l'Amazone et sedispersèrent dans toutes les directions à travers une grande partie du sud etdu centre du continent américain. (Colombie, Bolivie, Vénézuela, Mexique) etaussi le sud-ouest des Etats Unis (Floride).

Vers l'an 1000 avant J.-C. commence la période néo-indienne. LesIgneris, peuplades Arawaks, qui connaissaient l'agriculture et la poterie,vivaient le long du Bas-Orénoque, franchirent le delta de ce fleuve, où ilsrencontrèrent les Méso-Indiens. Ils apprirent les techniques de la pêche et de lanavigation. Au début de l'ère chrétienne, ils commencèrent à se répandre dansles Antilles et, vers 200 après J.-C., ils atteignirent Puerto-Rico.

Entre 300 et 1000 après J.-C., le peuplement néo-indien s'étenditencore. Il occupa les Iles-Vierges, la République Dominicaine, Jamaïque, Cubaet les Bahamas.

A leur arrivée, les Arawaks repoussèrent les Calusas ou Muspas, qui ontprobablement fourni leur contingent au peuplement des îles côtières de laFloride et des Bahamas. Ils venaient antérieurement de Floride. Mais lorsque lesCreeks envahirent leur territoire, tout ce qui resta de la nation Calusa chercharefuge sur les keys, îles calorigènes qui bordent la Floride.

La partie occidentale de Cuba a été peuplée par les Guanahabibes ouGuanahatebeyes. L'est de l'île était peuplée par les Ciboneys, avant l'arrivéedes Arawaks.

"De nature très peu pacifique, grands céramistes, sculpteurs etagriculteurs, les Arawaks ont introduit de proche en proche, et du sud au nord,la culture du maïs et du manioc sur des monticules de terre, le tissage, lesrites funéraires et l'exhumation des morts dans des urnes, le droit matrilinéaire

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exogame et le culte des ancêtres." (Canals-Frau : Préhistoire de l'Amérique).Le travail de la terre et la préparation des aliments, le manioc

nécessitant une longue préparation avant d'être comestible, revient auxfemmes, de même que la poterie. Les hommes complètent la subsistance parla chasse et la pêche en rivière.

En Guadeloupe, ils étaient installés en Basse-Terre, dans la région de laCapesterre, des Trois-Rivières et de la Rivière Duplessis; en Grande-Terre, àl'Anse à l'Eau et de Gros Cap et à Folle-Anse à la Marie Galante. Leshabitations sont situées "en bordure de la mer sur la côte au vent, près desmarigots ou d'une embouchure de rivière, sur une plage ou une des premièrescollines de la côte, de préférence aux endroits d'une eau profonde abritée parune barrière madréporique, leur permettant une pêche facile." (Allaire)

1.2 - La migration des Calibis - Entre 1000 et 1500, une troisièmemigration part de l'Amérique du Sud et remonte une à une les îles des PetitesAntilles. Les Caraïbes subjuguèrent les anciennes populations Arawaks,branche des Igneris. Ils arrivèrent dans les Grandes Antilles, une centained'années avant la conquête ibérique.

Les Caraïbes comme les Arawaks appartenaient à la même airegéographique englobant le vaste ensemble forestier de l'Amazonie brésilienne,du delta de l'Orénoque et du Vénézuela. Ils possédaient de nombreux traitsculturels communs, c'est-à-dire une conception identique de l'univers et unemême attitude à l'égard des êtres et des choses.

Les Calibis de "terre ferme" (Caraïbes) attribuaient les raisons de leurdépart du continent sud-américain aux nombreuses guerres, qu'ils durentsoutenir contre les Arawaks, leurs ennemis héréditaires. Ils étaient venus auxîles pour combattre et anéantir les Ignéris et les Taïnos (Arawaks) habitant lesPetites et les Grandes Antilles. Mais il serait faux de croire que l'installation desGalibis se soit traduite par un déferlement humain, qui aurait entraînél'extinction totale des Arawaks.

1.3 - L'installation victorieuse des Caraïbes - Si l'on s'en tient àla tradition orale transmise de génération en génération par les anciens, pourêtre rapportée jusqu'à nous par les écrits des missionnaires européens, lesCaraïbes insulaires descendraient des Galibis de "terre-ferme". Ils s'étaientdétachés du continent pour conquérir les îles et selon le R.P. Breton : "lecapitaine qui les avait conduits était petit de corps, mais grand en courage,

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qu'il mangeait peu et buvait encore moins, qu'il avait exterminé tous lesnaturels du pays à la réserve des femmes, qui ont toujours quelque chose dansleur langue pour conserver la mémoire de ces conquêtes, il avait fait porter lestêtes des ennemis (que les François ont trouvées) dans les antres des rochersqui sont sur le bord de la mer, afin que les pères les fissent voir à leurs enfantset successivement à tous les autres qui descendaient de leur postérité ......”

“Ils m'ont dit qu'ils avaient des rois, que le mot Abouyou était celui deceux qui les portaient sur leurs épaules : et que les Caraïbes qui avaient leurcarbet au pied de la Soufrière de la Dominique, au-delà d'Amichon, étaientdescendus d'eux, mais je ne leur demandai pas si leurs rois avaient commencésdès ce capitaine, qui avait conquis les îles et quand ils ont cessé de régner."

D'après cette relation, qui décrit un ensemble d'évènements cohérents,structurés dans le temps, on peut retenir plusieurs faits. La tradition veut queces populations se soient fixées en premier lieu sur le piton volcanique de laSoufrière de la Dominique (Amichon). C'est seulement alors, qu'ellesoccupèrent successivement l'île voisine de la Guadeloupe et toutes cellesformant l'Archipel des Petites Antilles. Puis, en souvenir de cette bataillevictorieuse où tous les natifs furent massacrés, à la réserve des femmes, ceshommes échangeront leur nom de Galibis contre celui de leur chef appelé"Kallinago". Il s'agit ni plus ni moins de l'ancêtre éponyme, fondateur du clancaraïbe insulaire.

Ce dernier avait un rôle plus sociologique que religieux, car les Caraïbesne lui rendaient aucun culte et n'admettaient pas la notion d'un être suprêmecréateur du monde.

2 - De COLOMB à D'ESNAMBUC

2.1 - L'arrivée de Christophe Colomb aux Iles - Au cours de sonpremier voyage en 1492, avec trois caravelles (Santa-Maria, Nina et Pinta),Christophe Colomb avait découvert "Hisponiola", que les indiens appelaient"Aïti" et les Bahamas. Avec ses compagnons, il fut très bien reçu par lesTaïnos, qui était un peuple paisible ayant une civilisation assez avancée.

Les Taïnos décrivirent les Caraïbes comme de féroces anthropophages,dont ils subissaient régulièrement les attaques. Ces raids avaient pour butessentiellement de se procurer des victimes pour leurs ritesanthropophagiques et des épouses esclaves. Christophe Colomb mit en douteces affirmations jusqu'à la découverte en 1493 de la Guadeloupe.

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2.2 - Le second voyage de Christophe Colomb et découvertede l'île de la Guadeloupe - Lors de son deuxième voyage en 1493,Christophe Colomb à la tête d'une escadre de dix-sept navires, découvre le 3novembre 1493, la Dominique, ainsi nommée car elle fut rencontrée undimanche. L'île suivante sera nommée Marie-Galante en l'honneur du navireamiral, puis la Guadeloupe, ainsi baptisée pour remplir la promesse faite auxmoines du monastère du même nom en Extramadure et enfin un groupe d’îlesappelées "Todos los Santos" (Les Saintes), pour commémorer la fête de laToussaint, célébrée quelques jours auparavant.

Un bâtiment fut envoyé en reconnaissance au sud sur la Dominique et unautre sur l'île au vent de la flotte : la Guadeloupe. Les hommes débarquèrentprès de Sainte Marie, aux environs des chutes du carbet. Ils trouvèrent unvillage Caraïbe, dont les habitants avaient fuit à leur arrivée. Ils y trouvèrentdes restes humains.

• Récit du docteur Chanca, médecin de l’escadre de Christophe Colomb,qui parle de la rencontre des Caraïbes, à la Guadeloupe, en 1493, par J.Rennard “Découverte des Antilles par Christophe Colomb” p 117 :

“Le capitaine monta dans sa chaloupe et descendit sur le rivage. Il portases premiers pas vers les maisons, dans lesquelles il trouva leurs habitants,qui, dès qu’ils l’aperçurent, prirent la fuite. Il entra dans ces maisons où iltrouva les choses qu’ont les Indiens ; car ils n’avaient rien emporté. Il y pritdeux perroquets très grands et bien différents de ceux qu’il avait vusjusqu’alors. Il y trouva beaucoup de coton filé ou prêt à l’être, et des vivresdestinés à leurs habitants. Il prit un peu de chacune de ces choses et surtoutquatre ou cinq ossements de bras ou de jambes humaines. Aussitôt que nouseûmes vu ces derniers objets, nous soupçonnâmes que ces îles étaient cellesde Caribe qui sont habitées par une race qui mange la chair humaine”.

L'amiral et sa flotte restent en Guadeloupe, jusqu’au 10 novembre, dontune partie du temps à un mouillage, au nord de la côte sous le vent.

Le 11 novembre, la flotte longea "Montserra", puis "Antigua" et mouillaà "Névis". Le lendemain, Christophe Colomb passa à "Saint-Christophe" qu'ilbaptisa "San Jorge". L'île suivante fut appelée "Santa Anastasia", il s'agitactuellement de "Saint-Eustache". Le jour suivant, la flotte rencontra l'île de"Sainte-Croix", qui fut appelée "Santa-Cruz", puis d'innombrables îlots nommés"Once Mil Virgene", ces Onze Mille Vierges sont appelées aujourd'hui les îles"Vierges" et la flotte arriva ensuite à Haïti, qui avait été nommé l'année

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précédente "Hispaniola".A son retour vers l'Espagne, Christophe Colomb repasse le 9 avril 1496,

d'abord à Marie-Galante, puis il mouilla à la Guadeloupe où les femmes Caraïbess'opposèrent à son débarquement. Il resta neuf jours pour y faire des vivres etde l'eau.

L'île de la Grande-Terre n'a pas été désigné par Christophe Colomb, carvue de la mer, le navigateur ne discerne qu'une seule île : la Rivière Salée"(bras de mer qui sépare les deux îles : Basse-Terre de Grande-Terre) n'est pasvisible de la haute mer. Il faut pénétrer jusqu’au fond du Cul de Sac Marin pourconstater, qu'il y a une séparation maritime entre les deux îles.

Il y avait très peu de Caraïbes sur la Grande-Terre, car l'île n'a pas derivière et donc peu d'eau potable. Le Moule abritait un village d'Indiens, grâcea une petite source au fond de la Baie. Pendant longtemps, les colonspensèrent, qu'il était impossible de s'établirent dans cette île plate et sèche,dont les mornes peu élevés ne retenaient pas les nuages. L'aridité du sol estaussi aggravée par la nature calcaire de l'île.

2 .3 - Les Espagnols aux Antilles - Avec Christophe Colomb,l'ensemble des îles des Antilles était connu des Espagnols, mais ils négligèrentrapidement les petites îles où il n'y avait ni or, ni pierres précieuses. Parailleurs, le peuple Caraïbe tenait presque toutes les Petites Antilles et, ilsavaient eu connaissance des traitements infligés par les Espagnols aux Taïnos(Arawaks) réduits aux travaux forcés.

Christophe Colomb avait fait des captifs, lors de son passage enGuadeloupe. A titre de représailles, il subit les attaques des Caraïbes, dans ils'arrêta pour faire l'aiguade en 1496 au Vieux-Fort.

A partir de 1518, la conquête du Mexique par Herman Cortes et en1531, celle du Pérou par Francisco Pizarro va pousser les Espagnols à délaisserles îles au profit du continent. La pression des corsaires et des flibustiersvenant de toutes les autres nations maritimes européennes poussera de plusen plus à la concentration du trafic maritime, afin de mieux le protéger.

Les îles encore occupées par les Espagnols seront de moins en moinspeuplées. Vers 1600, Hispaniola n'aura que 10.000 Blancs et Cuba environ3.000 Blancs. La population indienne a quasiment disparu du fait des mauvaistraitements et surtout des maladies venues d'Europe. Pour remédier à cettedépopulation, les Espagnols eurent recours à la traite des Noirs.

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2.4 - La guerre entre les Espagnols et les Caraïbes - Le premierraid des Caraïbes dont nous avons connaissance après l'arrivée des Espagnolsa eu lieu en 1509 sur l'île de Porto-Rico. Il y eu ensuite de nombreusesattaques (environ une par an) contre diverses îles occupées par les Espagnolssans compter les raids contre les Ignéris.

Par exemple, en octobre 1520, cinq pirogues et 150 guerriers Caraïbesattaquèrent Porto-Rico. Ils débarquèrent à la rivière Humacao et tuèrent denombreux espagnols et indiens. Après vingt jours passés sur l'île, ils partirentavec 50 indiens captifs. En 1516, Ponce de Léon, à la tête de trois bateaux,essaya de s'installer en Guadeloupe. Comme les Espagnols voulaient enleverdes Indiennes, ils furent attirés dans une embuscade et massacrés par lesCaraïbes. En 1520, Antonio Serrano fit une nouvelle tentative, qui échoua elleaussi.

L'affrontement entre les Espagnols et les Caraïbes durera centcinquante ans. Les nombreux raids Caraïbes sur Porto-Rico et Hispaniola firentdes morts, mais surtout causa une certaine peur de ces guerriers. Pour leurpart, les Espagnols organisèrent de nombreuses expéditions punitives sur lesîles du sud.

2.5 - L'arrivée des autres Européens - Jusqu'à une périoderécente, la conception dominante était que les Espagnols n'avaient jamaissongé à coloniser les Petites Antilles, car elles étaient dépourvues d'or etpeuplées par les féroces Caraïbes. On croyait également que Pierre Belind'Esnambuc était le premier français à avoir débarqué dans les îles.

Il est certain maintenant que les Espagnols ont multiplié les tentativesde colonisation des Petites Antilles, sans succès à cause des Caraïbes. D’autrepart, les Français étaient présents sur les îles soixante quinze ans avant Belind'Esnambuc.

Les grandes îles du nord : Hispaniola, Cuba et Porto-Rico suffisaient auxconquérants, qui n'avaient les moyens de tout occuper et de tout exploiter.Peu à peu, les Espagnols s'en désintéressèrent au profit du Mexique(Campèche) d'abord, puis du Pérou (Terra Ferma) qui se révélaient pluslucratifs. C'est ainsi que fut abandonnée la partie occidentale d'Hispaniola queles Français occupèrent (Haïti), les Espagnols restant dans la partie orientale(République Dominicaine).

Délaissés par les Espagnols, les petites îles devenaient les repaires deflibustiers. En Guadeloupe, les Caraïbes recevaient ou refoulaient les flibustiers,

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qui abordaient pour réparer les avaries ou simplement pour faire de l'eau.Les Indiens moins bien équipés sur le plan technologique avaient besoin

de vaste espace pour survivre au moyen de la chasse, de la pêche, de lacueillette et de la culture sur brûlis. Ils étaient directement menacés parl'intrusion des nouveaux arrivants.

C'est dans ce monde presque vide que va s'exercer l'effort decolonisation des Français, des Anglais et Hollandais.

En 1620, les Anglais s'emparaient de la Barbade, de Nevis, deMontserrat et d'Antigua. En 1621, les Hollandais prirent Saint-Martin, Saint-Eustache, Aruba, Bonaire et enfin Curaçao en 1634.

2.6 - Les Français dans les îles - Dès 1623, les Français et lesAnglais s'étaient installés à Saint-Christophe, qui devint la base de départ del'implantation française aux Antilles. En 1635, la nouvelle Compagnie de Ilesd'Amérique dirigée par François Fouquet (père du futur Surintendant desFinances) remplaça la Compagnie de Saint-Christophe et décida de conquérir laGuadeloupe, la Dominique et la Martinique.

En juillet 1635, Bellain d'Esnambuc arriva à la Martinique avec lesmeilleurs troupes. A l'origine, le peuplement de la Guadeloupe se fit avec descolons, alors que celui de la Martinique résulte d'une occupation militaire.

3 - L’arrivée des premiers colons

3.1 - L'arrivée des premiers colons en Guadeloupe - Parcontrat la Compagnie des Indes Occidentales donna à L'Olive et Duplessis lecommandement des îles, qu'ils coloniseraient, pour dix ans. Ils partirent aveccinq cents engagés de Dieppe, le 25 mai 1635. L’expédition arriva à laMartinique, mais l'aspect de cette île, coupée et hachée, remplie d'affreuxserpents, les découragèrent.

Nos colons levèrent l'ancre et firent voile pour la Guadeloupe où, le 27juin 1635, ils quittèrent leurs vaisseaux et descendirent à terre, à la PointeAllègre, près de l'actuelle ville de Ste-Rose. Ils s'installèrent près de là dans unlieu décrit par le R.P. Dutertre comme "l'endroit le plus ingrat de toute l'îleautant à cause de la terre qui y est rouge ... qu'à cause des montagnes".

L'expédition était conduite par L'Olive et Du Plessis, mais la mésententeentre les deux chefs provoqua la division. Après avoir partagé les provisions,les outils et les hommes, l'Olive alla s'établir à l'ouest de la Pointe-Allègre, sur

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la rivière dite du Vieux-Fort et Duplessis à l'est de la même Pointe, sur larivière dite du Petit-Fort.

3.2- Les Caraïbes et les premiers colons - Il n'y avait des vivresque pour deux mois. Sans ressource, les sept cents premiers colons sejetèrent sur les tortues dont la plage était couverte. Cette chair sans pain, malpréparée, à laquelle les estomacs européens n'étaient pas faits, causa desdysenteries.

Plusieurs colons prirent le parti d'abandonner la colonie et d'aller vivreavec les Caraïbes, qui leur firent l'accueil le plus cordial. Ils partagèrent aveceux leurs demeures et leurs provisions.

Comme Duplessis était vénéré par les Caraïbes, ils allaient souvent levisiter. Leurs pirogues étaient toujours remplies de vivres. C'était beaucouppour les Caraïbes, puisque c'est tout ce qu'ils pouvaient donner; mais cen'était rien pour la colonie affamée.

Selon le R.P. Dutertre : "Les sauvages ne venaient jamais voir lesFrançais les mains vides et, comme ils les voyaient dans la nécessité, ils leurapportaient toujours quelques vivres. Leurs pirogues étaient souventchargées de tortues, de lézards, de cochons, de lamentins, de patates, debananes, de figues (bananes) et autres fruits que produit le pays. Il faut direque sans ces secours la colonie eût misérablement péri ... Les sauvages n'yallant plus la famine recommença plus violemment que jamais."

3.3 - L'apport des Caraïbes aux premiers colons - L'apport desCaraïbes est double : ils révélèrent aux Européens quels étaient les fruitscomestibles et les plantes nourricières du pays; et ils enseignèrent au colonsles techniques culturales adaptées au milieu.

La cueillette de fruits, de baies, de feuilles et de tiges comestiblespouvait offrir un précieux appoint : grappes du raisinier bord-de-mer, fruits desmerisiers et "cerisiers" à baies sucrées, pulpe orangée de l' "abricot-pays",icaques blancs et noirs, prunes de mombin, pomme-cajou, goyave , coeursavoureux du choux-palmiste, etc ...

Les "callinago" firent connaître aux nouveaux venus la valeur des racinesvivrières qu'ils appelaient “oulé” : le manioc, la patate douce, l'ignamecouche-couche, les choux-caraïbes. A ces "racines" s'ajoutaient divers poisdoux du genre Inga.

Dans leurs jardins, ils cultivaient l'arachide ou "pistache", le papayer aux

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fruits rafraîchissants, des petits piments, des concombres, melons etcitrouilles, le ricin.

Ils connaissaient le cacao, ce que rapporte le Père Dutertre : "J'ai étéfort longtemps dans les Iles sans avoir jamais vu un seul arbre de cacau; maisenfin les Sauvages ayant découvert à M. du Parquet ce trésor qui était cachédans la Capsterre de son Ile, plusieurs personnes en ont planté ... Ce sont cesgrains que l'on nomme cacau ou cacou".

Ils cultivaient les bananiers, et désignaient la banane sous le nom debalaranna; la canne à sucre, qu'ils aimaient mâchonner, sous le nom de canicheet l'ananas. Ajoutons encore qu'ils savaient utiliser les fibres du cotonnier,pour faire leurs lits, les cordes de leurs arcs, des rubans et leurs lignes àpêcher.

Ils savaient extraire la teinture du rocou, avec laquelle, "ils se rougissenttout le corps". Ils connaissent aussi le petun, ou tabac, et l'utilisaient ainsi :

"Ils n'usent guère de pétun en fumée, mais ils le font sécher au feu, puisle mettent en poudre et en mêlent un peu avec de l'eau de mer, et mettententre la lèvre et la gencive, et cela est bien fort".

Ils connaissaient admirablement les simples, ils savaient tresser les fibresvégétales pour faire leurs cordes, leurs filets, leurs paniers et leurs corbeilles.

Les Caraïbes ou les Arawaks ont introduit du Brésil : l'ananas, le papayer,le cacaoyer, le manioc, les choux-caraibes et diverses ignames.

Les Caraïbes apprirent aussi aux Français à travailler la terre. Ils lesinitièrent à la culture sur brulis, qu'ils pratiquaient eux-mêmes aux dépens de laforêt. Leur culture était itinérante, et pour créer un jardin, ichali, ils utilisaientla hache de pierre et le feu. Après avoir épuisé l'humus et la cendre, ilslaissaient la forêt reprendre à nouveau possession du sol et allaient plus loin.

Le terme de kàbogneti signifie, que le Caraïbes avait débroussaillé etmis un jardin en culture, "qu'il était habitué là". Le mot d' "habituée" gardeaujourd'hui le même sens, pour les cultures sur brûlis, notamment en côtesous le vent.

L'ichali, où subsistait les souches calcinées des arbres abattus seprésentait comme l'habituée d'aujourd'hui : fouillis de cultures vivrières etarbustives, où le manioc, l'igname et la patate tenaient la première place.

Les colons avaient appris des Caraïbes a "grager" (râper) le manioc, àpréparer la "cassave" , à boire le "ouïcou" (bière de manioc).

L'héritage des Caraïbes est donc beaucoup plus important dans la vierurale que dans le peuplement.

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Les Caraïbes apprirent aussi aux colons français à pêcher ou à harponnerles poissons et animaux marins qui fréquentaient les eaux de la Guadeloupe, àchasser les oiseaux et les bêtes des Grands-Bois, grâce aux pistes qu'ilsconnaissaient. Ils montrèrent comment harponner le lamentin, comment varerles tortues (3 espèces : tortues franches, kahouannes et carets), commenttourner ces tortues (100 à 300 kgs) sur le dos lorsqu'elles venaient pondreleurs oeufs dans le sable des plages. Il suffit de relire Breton et Dutertre pourprendre conscience du rôle important joué par ces "viandes", par les crabes,par les oeufs de tortues et d'oiseaux dans l'alimentation des premiers colons.L'abus de ces mets entraîna de graves dysenteries.

3.4 - La première guerre des colons avec les Caraïbes - Lafamine fut si grande selon le R.P. Dutertre : "qu'on mangea les chiens, leschats et les rats. Depuis la déclaration de guerre aux sauvages, nos gensn'osèrent plus sortir du fort et mangèrent jusqu'à l'onguent des chirurgiens,au cuir des baudriers, qu'ils faisaient bouillir pour le réduire en colle. On en a vubrouter de l'herbe, manger les excréments de leurs camarades après les leurs... On a souvent vu la terre des fosses, où nos pères avaient enterré les mortstotalement remuée le matin; il était évident, qu'on les avait fouillées pourdéterrer les corps et en couper quelque membre pour vivre."

A bout d'expédients pour nourrir ses colons, une pensée fatale traversale cerveau de l'Olive. Il conçut le projet de faire la guerre aux sauvages, pourprendre leur manioc et leurs patates. Duplessis repoussa ce projet homicide etl'Olive demanda l'autorisation de faire la guerre à d'Enambuc, qui gouvernaitl'ensemble des îles.

Celui-ci croyait avoir intérêt à exterminer les Caraïbes de SaintChristophe, mais il n'en avait aucun à faire la guerre à ceux de la Guadeloupe. Ildésapprouva donc hautement le dessein de son ancien lieutenant; il le menaçamême d'écrire au Roi, s'il persistait dans une détermination si contraire à lavolonté du monarque, plusieurs fois manifestée.

Pendant l'absence de l'Olive, Duplessis décéda le 4 novembre 1635.Débarrassé, par la mort de Duplessis, l'Olive revint à la Guadeloupe avec

la ferme résolution de commencer sa guerre contre les Caraïbes, dont ilignorait la détermination dans l'épreuve. Il chercha un prétexte et en trouva undans un vol de poissons (un Caraïbe prit le poisson d'un européen et laissa enéchange un porc et des fruits).

Avant d'entrer en campagne, l'Olive chargea un des ses lieutenant

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Fontaine, de faire le tour de l'île en chaloupe, afin d'étudier la situation dechaque carbet, et de ramener les colons retirés chez les Caraïbes. Seulement,ces derniers doués de finesse et de sagacité, avaient surpris ses desseinshostiles. Après une première échauffourée au Vieux-Fort, les habitants avaientfuit par la montagne, à travers la forêt vierge, sur Capesterre. L'Olive et sestroupes partirent à leur poursuite, mais ils durent abandonner devant l'effort.

Les Caraïbes sachant, qu'ils ne pourraient pas résister aux armes à feudes Européens, prirent la détermination d'abandonner l'île. Ils allèrentdemander asile aux Caraïbes de la Grande-Terre, des Saintes, de la Marie-Galante et de la Dominique. Toutefois, ils avaient laissé à la Guadeloupe, uncertain nombre de leurs plus vaillants guerriers, afin d'épier les mouvementsde l'ennemi et de saisir toutes les occasions de lui rendre le mal, qu'il en avaitreçu.

Les Indiens combattaient à leur façon, en organisant de coups de maincontre les Français, en s'efforçant de les surprendre, lorsqu'ils étaient isolésou en petits groupes, fuyant lorsqu'ils étaient découverts ou qu'ils avaient ledessous. Cette guérilla fit beaucoup de victimes et les nouveaux arrivantsn'osaient plus sortir du fort pour trouver des vivres ou chasser, de peur d'êtreabattus par les flèches de leurs ennemis.

Les Caraïbes n'avaient pas été longtemps à comprendre qu'un fusildéchargé était une arme inutile jusqu'à ce qu'il fût rechargé. L'oeil fixé sur lechasseur, sans faire un mouvement qui pût déceler sa présence, il attendait.Le fusil déchargé sur le gibier, le Caraïbe s'élançait sur le chasseur etl'assommait d'un coup de boutou.

Une soixantaine d'hommes avaient disparu sans que l'on sut ce qu'ilsétaient devenus. Lorsque la cause de leur mort fut connue, L'olive pour seprocurer des aliments à l'aide de la chasse et de la pêche, eut recours à unexpédient, qui d'abord fut couronné d'un plein succès. Il divisait son monde endeux bandes, dont l'une avait pour mission de chasser et l'autre de défendreles chasseurs de l'attaque de l'ennemi. Après quelques jours, les Caraïbesayant étudié cette nouvelle tactique, prirent des mesures, qui entraînaient despertes à chaque chasse.

Les Caraïbes de la Dominique et des autres îles avaient épousé lesquerelles de ceux de la Guadeloupe. Réunis, ils tombaient sur la colonie dans lemoment qu'on attendait le moins. Avec leurs flèches et leurs redoutablesboutous, ils livraient aux colons des combats en règle. Vaincus par la puissancedes armes à feu, obligés de céder, on les voyait au plus fort de la mêlée se

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diviser en deux corps, dont l'un enlevait les blessés et les morts et l'autresoutenait la retraite.

L'Olive dut regretter son injuste agression, car les colons qui n'avaientpas succombé à la maladie, ou au boutou des Caraïbes, affaiblis par lesprivations, ne pouvant joindre un ennemi aussi prompt à la retraite qu'àl'attaque, que les défaites ne rebutaient point et qui revenait sans cesse à lacharge, s'affaiblissant sous la fatigue d'une surveillance de tous les instants dujour et de la nuit, furent contraints de s'enfermer dans le petit fortin que cechef avait fait élever depuis le commencement des hostilités.

Les assiégés se virent en proie à une horrible famine. On en vitdescendre à brouter l'herbe, d'autres faire un affreux repas avec des morceauxde cadavre. Quelques uns eurent recours au suicide, se pendirent ou seprécipitèrent dans les flots.

Les colons ne sortirent de cette intolérable situation qu'à l'arrivée dessecours en hommes et en vivres envoyés par la compagnie. Cependant lesCaraïbes, quoique battus, ne continuaient pas moins à harceler la colonie, quine faisait aucun progrès.

La Compagnie souhaitait le remplacement de l'Olive, mais Richelieu luiconfirma son mandat jusqu'à son terme.

Ce maintien de l'Olive au gouvernement fut funeste à la Guadeloupe.Tout le temps qu'il fut Gouverneur, la guerre contre les Caraïbes n'ayant pasde trêve, son essor fut paralysé, elle ne prit aucun développement. LaCompagnie reporta son attention et ses soins sur les autres îles,principalement sur la Martinique, dont les destinées avaient été confiées à unhomme de coeur et d'intelligence, Monsieur Duparquet. Ce sera le premieranneau de cette chaîne de calamités, qui devait se dérouler sur la Guadeloupe.

En 1638, Poincy fut nommé gouverneur des îles d'Amérique. Il envoyades renforts, des vivres et des munitions à la Guadeloupe. Les troupes derenfort étaient commandées par M.M. de Sabouilly et de la Vernade, quidécidèrent d'en finir avec les Caraïbes. Dans un premier combat dans la régiondu Grand Cul de Sac, Sabouilly en tua une trentaine.

Furieux les Indiens décidèrent de se venger et ils revirent avec treizepirogues, représentant environ 600 ou 700 combattants. Le combat duratrente heures et Sabouilly fut une nouvelle fois vainqueur. Les Caraïbesquittèrent définitivement la Guadeloupe pour la Dominique, ce qui donna unrépit à la colonie.

Aubert, nommé Gouverneur le 4 avril 1640 pour trois années, eut pour

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premier soin de faire la paix avec les Caraïbes.

3.5 - Nouvelle guerre avec les Caraïbes - En 1653, l'île de Marie-Galante fut dévastée par un raid des Caraïbes venant de la Dominique. Lechevalier Houel organisa une expédition de représailles contre les Indiens de laDominique.

Après une dernière tentative des Caraïbes contre Marie-Galante, qui futrepoussée, les Indiens renoncèrent à leurs raids meurtriers. En 1658, lesderniers Caraïbes quittèrent la Martinique et la paix générale ne fut obtenuequ'en 1660.

Les îles de la Dominique et de Saint-Vincent furent reconnue comme lapropriété des Indiens. En 1653, le Gouverneur Houël se disposait à se rendreen France lorsqu'il fut retenu, en Guadeloupe, par une guerre contre lesCaraïbes de la Dominique. La cause des hostilités vint des colons de laMartinique.

Les Caraïbes, en guerre avec les Anglais, firent une expédition contre lacolonie anglaise d'Antigue, expédition qui fut couronnée d'un plein succès. Ilsen revenaient chargés de butin et de quelques prisonniers.

Voulant, dans la joie et l'orgueil de leur triomphe, se montrer aux colonsfrançais, leurs amis, ils s'arrêtèrent, en passant, à l'île de Marie-Galante.Rendus dans leurs villages leurs chants de victoire se changèrent en cris dedésespoir et de fureur. Pendant leur absence, des colons de la Martiniques'étaient rendus à la Dominique, avaient pillé les villages et fait aux femmes etaux filles, les plus sanglants outrages.

Le Caraïbe ne gardait jamais une insulte : il lui fallait une vengeance. Soitque mal renseigné, il crût que le crime avait été commis par les colons deMarie-Galante, soit que, pour le moment, il ne se sentit pas assez fort pours'en prendre à la Martinique, il retourne à Marie-Galante, surprend les colons,les assomme à coups de boutou et met le feu à tous leurs établissements.L'incendie fut assez considérable pour être aperçu de la Guadeloupe.

Une expédition de cent hommes allèrent à Marie-Galante pour s'informer.A son retour, Houël songea à châtier les Caraïbes, auteurs du meurtre desFrançais. Il fit partir pour la Dominique le sieur Dumé avec cent hommes. Cechef battit les Caraïbes des villages de l'est et leurs carbets furent brûlés.

Avec la supériorité des armes européennes, une campagne contre lesCaraïbes n'offrait pas beaucoup de dangers. De son expédition, Dumé n'eutque quatre blessés. Les naturels n'étant redoutables que par les surprises. En

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hostilité avec eux, il fallait sans cesse être sur ses gardes.Au retour en Guadeloupe de l'expédition, Houël fût averti que ces

mêmes Caraïbes dont on venait de brûler les carbets, réunissaient toutes leursforces pour fondre à nouveau sur Marie-Galante. Il envoya une troupe dans l'îleoù celle-ci rencontra trois cents Caraïbes. Ils furent mis en déroute et on lesobligea à se rembarquer avec précipitation.

Trois mois plus tard, Houël apprit qu'une nouvelle expédition desCaraïbes se préparait contre Les Saintes. Il y envoya une troupe. Aprèsplusieurs jours d'attente, les pirogues Caraïbes furent signalées. Attendre ledébarquement, attaquer l'ennemi et le mettre en fuite furent pour le Sieur del'Etoile l'affaire d'un instant.

Ce fut la dernière guerre des Caraïbes contre la Guadeloupe. Elle sepoursuivit contre la Martinique

3.6 - La paix et la disparition des Caraïbes - La politique deHouël, de conserver de bonnes relations avec les Caraïbes, lui fit obtenir lagloire de servir d'intermédiaire entre eux et les gouvernements des autres îles,pour conclure une paix générale.

Cette paix (20 mars 1660) était considérée comme une trêve. LesCaraïbes portaient une haine égale à toutes les nations européennes, quiétaient venues les dépouiller de leurs terres. Toutefois, par suite des grandsmassacres faits de leurs peuplades, plus encore par l'imperfection de leursarmes, désormais trop faibles pour entreprendre seuls des actes d'hostilité, ilssavaient attendre que leurs ennemis fussent en train de se déchirer, pourservir d'auxiliaires à ceux-ci ou à ceux-là.

La paix fut conclue. Les Caraïbes acceptèrent la condition de résider àSaint Vincent et à la Dominique, avec promesse de n'être pas troublés, dansces possessions, par aucune des nations européennes.

Les restes de cette race infortunée se concentrèrent, en effet, engrande partie dans ces deux îles; mais plusieurs familles continuèrent àdemeurer dans des lieux non défrichés de la Guadeloupe, de la Martinique et deSainte Lucie, d'où elles n'ont disparu qu'avec le temps.

Le déclin des Caraïbes est du également aux maladies vénériennes, puispulmonaires importées d'Europe. Celles-ci décimèrent ces populations, aupoint de les réduire à un effectif squelettique.

3.7 - Les premières années de la colonie - Les trente cinq

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premières années furent très agitées. En premier lieu, la mauvaise organisationa précarisé la colonie, qui fut plusieurs fois à deux doigts de sa perte. Leravitaillement de l'île en vivres a souvent été défectueux et sans l'aide desCaraïbes, les colons n'auraient pas survécu. La Compagnie des Iles d'Amériquequi devait y pourvoir a toujours été dépassée, par les événements et n'ajamais su ou pu envoyer les bateaux pour secourir les colons.

Le R.P. Dutertre rappelle, que les promesses faites aux colons étaientirréalistes, du fait que les associés de la Compagnie avaient uneméconnaissance totale des problèmes.

"Plusieurs éblouis par ces belles promesses s'y engagèrent avecbeaucoup de facilité : il leur tardait d'aller dans ces pays enchantés, où on leurfaisait croire qu'ils y trouveraient des vaches, des manipolis (?), des cerfs dedeux sortes, des sangliers aussi de deux sortes, deux ou trois espèces delapins, des cochons, des oulanas et des tatous ... on aurait dit qu'il n'y avaitplus qu'à mettre la table pour faire bonne chère."

Or les européens étaient peu nombreux et surtout il y avait un gravedéséquilibre pour le futur par le manque de femmes. Beaucoup d'hommesvivaient en concubinage avec des Indiennes ou des Noires esclaves. Lapopulation se développait très lentement, il n'y avait pratiquement pasd'enfants.

L'exploitation économique fut difficile, progressive et longue, car lescolons ne connaissaient pas les plantes. Grâce aux Caraïbes, ils purentrapidement développer les cultures locales : racines, pois, manioc, ...

Les premiers essais de cultures pour l'exportation furent des échecs : letabac était produit à meilleur compte en Amérique du Nord, l'indigo et le cotonn'eurent pas le succès espéré. A partir de 1650 commença la culture de lacanne à sucre, qui rapidement ouvrit de réelles perspectives. Mais encore, ilmanquait des transports réguliers avec la Métropole.

Les premières années furent assez anarchiques. La guerre avec lesCaraïbes avait perturbé l'installation des colons, etc .. L'île de la Guadeloupesouffrit aussi sur le plan militaire d'être considérée comme une colonie deseconde zone. Les Gouverneurs généraux installés à la Martinique consacraientleur budget général à la défense de leur lieu de résidence en y conservant lesmeilleurs troupes. Cette pratique a été la cause des nombreuses invasions dela Guadeloupe par les Anglais.

Si la Martinique a bénéficié de l'occupation militaire, organisée par leGouvernement royal, l'île de la Guadeloupe a subit une occupation anarchique :

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propriété de Compagnies successives, de Grands Seigneurs, puis revenant à laCouronne, etc ...

Le 4 septembre 1649, Boisseret et son beau-frère Houël achetèrent laGuadeloupe devant les notaires M° Oger & Morel. Les quatre îles : laGuadeloupe, la Désirade, les Saintes et Marie-Galande furent vendues pour6.000 livres et 600 livres de sucre à la fin de chaque année.

En 1664, un arrêt du Conseil d'Etat força les anciens propriétaires àrevendre leurs droits à la Compagnie des Indes Occidentales. Après l'échec decette compagnie, le roi décida de la dissoudre en 1674. La Guadeloupe futalors rattachée au domaine royal.

3.8 - Les grands Blancs - Les grands colons ou "grands Blancs"étaient proches des dirigeants de l'île. Ils avaient obtenu de vastesconcessions, souvent situées en bordures de mer, pour en faciliter l'accès. Cesgens appartenaient à l'aristocratie française : noblesse de robe ou de province.A la colonie, les nobles n'étaient dispensés que de la taxe sur douze nègres.Parmi eux, on trouvait également des personnes issues de la bourgeoisie,surtout celles des ports commerçants avec les îles.

Pour mettre en valeur une grande concession, il fallait disposer decapitaux importants : achat de la terre, des semences, construction desbâtiments, acquisitions des machines (moulins à sucre), achat et entretien dela maind'oeuvre blanches ou noires. Il en découlait que seules les personnesissues de la Bourgeoisie ou de la Noblesse pouvaient disposer de liquiditéssuffisamment importantes pour avoir de grandes concessions.

Certaines riches familles marquèrent l'économie de l'île à cette époquecomme les Houël, les Crapado, comtes de Lohéac, les Lemercier de Beausoleil,les Bologne, les Leroy de la Potherie, les Gaigneron, les Néron, les Filassier deSaint Germain, ...

3.9 - Les 36 mois ou petits Blancs - Jusqu'à la fin du XVII° siècle,les engagés volontaires furent la principale source de peuplement des îles. Ilsprovenaient généralement des régions côtières de la partie ouest de la France.Ils s'entendaient avec un propriétaire ou plus souvent avec un capitaine debateau, qui payait leur transport et les vendait à l'arrivée à un colon engagiste.Ils devaient travailler trois ans pour obtenir leur liberté. On leur surnommait les"36 mois". Ils subissaient de grosses épreuves : voyage long et sans confort,climat nouveau, travail pénible à défricher le terrain avant la culture, mauvaise

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nourriture, maladies inconnues à l'époque (paludisme et fièvre jaune).Beaucoup de ces engagés mourraient avant la fin de leur période de

servitude. Ils vivaient avec les esclaves noirs dans les mêmes ateliers, où ilsn'étaient ni mieux traités, ni mieux nourris. Selon certains historiens, c'estdans ce milieu que se mélangea les croyances et les traditions pour créer laculture antillaise et la langue créole.

Il faut préciser que les premières concessions étaient situées tout aulong du bord de mer et composées de forêts primaires. On disait à l'époque"en bois debout". Les maîtres étaient durs vis-à-vis de leurs serviteurs, car ilsdevaient rentabiliser leurs exploitations avant la fin du contrat.

Après les trois ans, ils étaient libérés et généralement ils se groupaient"en matelotage" avec un autre compagnon d'infortune pour exploiter à deuxune petite concession.

3.10 - Les femmes - Il y avait une grande pénurie de femmes, quirisquait d'entraver la colonisation. Les responsables de la Compagniedécidèrent : "de tirer des filles de l'Hospital St-Joseph de Paris, pour lesenvoyer aux Iles, afin d'y arrêter les habitants qui en venaient chercher enFrance, pour se marier; elles furent conduites, cette année 1643, parMademoiselle de La Fayolle, dans le navire du Capitaine Boudart."

Le R.P. Dutertre décrit cette duègne des filles à marier : "Elle lui (àHouël, Gouverneur) présenta quantité de lettres de la Reine et d'autres Damesde qualité qui l'éblouirent, et firent qu'il la reçut avec respect, la traita avecautant de civilité que si elle eût été une Princesse."

Les jeunes filles de France trouvèrent rapidement des maris et d'autresvirent les remplacer sous la responsabilité de Mademoiselle de La Fayolle.

4 - L’organisation coloniale

4.1 - Le contexte général - Le R.P. Du Tertre décrit le contexte del’île et son évolution : “Il est vrai que dans son premier état, l’île étaitrebutante. Les Caraïbes étaient des Barbares, les terres incultes neproduisaient rien avant un travail inconcevable et les vaisseaux n'étaient pasaccoutumés à les fréquenter. Les premiers Français périssaient souvent, par lamain des Caraïbes, succombaient sous le faix du travail, ou manquaient deschoses nécessaires, qui devaient leur être apportées de la Métropole.”

“Mais depuis que les Sauvages ont été rangés à la raison, que les terres

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ont été défrichées, et que les vaisseaux ont fait voile de ce côté là, touteschoses y abondent maintenant, et rien n'y manque, soit pour la nécessité, soitpour la délicatesse de la vie.”

4.2 - Le Gouvernement - Le R.P. Du Tertre nous donne sa vision :“Le gouvernement de toutes les Iles (sis à St Christophe), depuis l'année1625, que l'on commença d'établir des Colonies, jusqu'en l'année 1649 a étéaristocratique. La Compagnie des Indes Occidentale a gouverné les habitantspar des Lieutenants, auxquels elle donnait des commissions (mandats) pourtrois ans. Elle les honora ensuite de la qualité de Gouverneur, et pour lesrendre plus considérables, elle joignit la qualité de Sénéchal à celle deGouverneur, avec pouvoir de présider à tous les jugements.”

“Elle donnait à ces Lieutenants ou Gouverneurs un droit capital (decapus : la tête) de vingt-cinq livres de tabac, à prendre sur chaque habitant, etautant pour l'entretien des forts nécessaires à la conservation des Iles : elleexemptait outre, un certain nombre de leurs domestiques, des droitsSeigneuriaux, et leur donnait la préférence pour acheter des Nègres, quand ilen arrivait dans leur Ile.”

“L'on eut pris, en ce temps-là le Gouvernement des Iles, pour une imagedu siècle d'or : car les Gouverneurs qui n'avaient point d'autre fortune queleurs établissements dans ces lieux, appréhendant qu'on ne les blâma enFrance, et qu'on empêcha la continuation de leurs charges, gouvernaient leshabitants plutôt en pères, qu'en Seigneurs et en Maîtres, et la confiancecordiale, que les habitants avaient en leurs Gouverneurs, causait une si étroiteunion, qu'ils semblaient n'avoir point d'autre volonté que la leur.”

“Mais les guerres civiles ayant déchirées les Iles durant les années 1645,1646 et 1647, les intrigues détestables qu'on y a pratiquées depuis, ontégalement divisé les esprits des Gouverneurs et des peuples, ... ont beaucoupdiminué de l'affection qu'ils avaient pour leurs personnes, et du respect quiétait du à leurs charges.”

“La Compagnie ayant vendu les Iles de la Martinique et de la Guadeloupeà Messieurs Du Parquet et Hoüel, le Gouvernement devint en quelque façonmonarchique, et chaque Ile ne dépendit plus que d'un Seigneur.”

“Les Gouverneurs étaient absolus, ils commandaient avec toute sorted'autorité, ... ils avaient aussi l'authorité d'en chasser (de l'Ile) ceux qui ne leuragréaient pas.”

“... Chaque quartier forme une ou deux compagnies, selon que le

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quartier est peuplée, de sorte que tous les habitants sont soldats, etobéissent aussi exactement à leur capitaine, qu'à Mr le Gouverneur, ...”

“Il n'y a point de garnison dans les Iles, mais les habitants sont obligésde monter la garde chacun à son tour. On la monte huit jours de suite dans laGuadeloupe, ... Cette garde de huit jours est assez incommode aux habitantsde la Guadeloupe, particulièrement à ceux qui sont seuls, car leur plantationdépérit beaucoup par une si longue absence. Les maîtres de cases y peuventenvoyer un de leurs gens, mais pas un de leurs esclaves, à qui on ne permetpas de manier des armes.”

“Du temps que je demeurais à la Guadeloupe, l'on faisait régulièrementl'exercice générale une fois le mois, ..”

“L'on ne se mariait point dans les Iles sans en avoir demandé lapermission au Gouverneur; et quiconque eut passé outre après sa défense, enaurait été honteusement chassé ...”

“Personne ne peut sortir d'aucune Ile sans un congé par écrit, duGouverneur, et scellé du cachet de ses armes ... On l'obtient facilement, maiscelui qui veut sortir, est obligé de faire publier sa permission au Prône (sermondu curé pendant la messe), pour avertir qu'il s'en va, afin que ceux qui luidoivent, ou à qui il doit, viennent compter avec lui, si bien que personne nes'en va sans payer, et les capitaines des navires n'oseraient embarquer qui quece soit sans congé ...”

A toutes ses autres attributions, le Gouverneur joignait celle desénéchal. La justice sous sa main, commandant la troupe, son pouvoir étaitsans limite. De par sa volonté l'habitant était saisi, emprisonné, mis aux fers. Ildictait des arrêts de mort que le juge prononçait. Chose remarquable, sanstroupe soldée, sans gendarmerie, sans police, le Gouverneur, pour exercer sondespotisme, n'avait de force que celle que lui prêtaient les colons eux-mêmes.

4.3 - La justice au début de la colonisation - La justice laissait aumaître le soin de punir son esclave pour toutes les fautes ordinaires et ellen'intervenait que lorsque celui-ci avait commis un crime.

Il n'y avait qu'un seul juge, à la fois civil et criminel, un procureur fiscalet un greffier. Pour le civil, le juge tenait deux audiences par semaine. Lesparties se présentaient en personne, sans être assistées, ni d'avocats , ni deprocureurs. Comme il ne se faisait aucune écriture, que les plaideurs neconnaissaient point l'usage des exceptions et des moyens dilatoires, qued'ailleurs les questions soumises à la solution du magistrat étaient simples.

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Elles recevaient une solution à l'instant même et sans frais.Avant l'établissement du Conseil Souverain, on appelait des sentences

du juge au Grand Conseil du Roi à Paris. Si peu de personnes dans la colonieétaient en situation de tenter cette voie de réformation, c'était comme s'il n'yavait pas eu un second degré de juridiction, c'est-à-dire la possibilité de faireappel.

L'éloignement de la France était un obstacle financier important à cetteprocédure d’appel.

Le corps de justice n'est composé dans chaque Isle, que d'un Juge : quiporte tout ensemble la qualité de juge civil et criminel, ... d'un Procureurfiscal, et d'un Greffier, sans Avocats, ni Procureurs. ... chacun plaide sa causelui-même ...

Il y des Notaires dans chaque quartier des Iles, qui reçoivent lestestaments, et qui passent toutes sortes de contrats, comme on fait enFrance, mais ils le font à bien meilleur marché.

Les Iles ont été longtemps sans prisons, et l'on ne parlait point en cetemps-là de geôlier, ni d'écroue.

4.4 - Les bâtiments publics et particuliers - Les maisons desGouverneurs sont toutes de pierres de taille et de moellons.

Selon R.P. Du Tertre : “Les bâtiments sont pour l'ordinaire fort peuélevés, à cause de la violence des vents et des ouragans.”

“Je n'ai vu des vitres, qu'aux fenêtres des maisons des Gouverneurs,tous les particuliers n'en ont point, soit parce que le verre est trop fragile, soitparce que l'usage en est incommode à cause des chaleurs du pays, ...”

“Les cases des simples habitants ne sont encore palissadées que deroseaux, particulièrement aux endroits où on ne craint pas les incursions desSauvages; ces logements n'ont que des salles basses, séparées en dedans endeux ou trois chambres, ...”

“Celles de plus pauvres, sont couvertes de feuilles de cannes, de roseau,de latanier et de palmiste, et celles-là sont incomparablement plus agréablesque nos chaumines de France.”

“La cuisine est toujours séparée de la case .... quelque coffres, unetable, un lit, et des bancs, font tout l'ameublement des cases. Les personnesmariées ont des couches comme en France : mais les autres n'ont que deshamacs pendants, dans lesquels, ils se couchent à la façon des Sauvages etoutre que l'usage en est commode, ils ne font pas de dépense, d'autant qu'il

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ne faut ni oreiller, ni draps, ni couverture, de sorte qu'un bon lit de coton suffitpour la vie d'un homme.”

4.5 - La communication - Les journaux étaient inconnus dans lacolonie. Ce que l'on voulait porter à la connaissance du public, lesavertissements à lui donner, étaient envoyés au curé, qui en faisait lapublication, le dimanche, au prône de la paroisse. Lorsqu'un habitant avaitobtenu du Gouverneur l'autorisation de s'absenter de la colonie, comme il nepouvait laisser des dettes, le curé publiait son départ, afin que les créanciersfussent avertis. On allait donc à l'église non seulement pour assister à l'office,mais encore pour avoir des nouvelles, être informé des actes del'administration.

4.6 - Le colon et la capitation - La capitation (vient de capet :tête) est un mode ancien d'imposition par tête. Chaque contribuable payait unimpôt par personne vivant dans son foyer.

Le droit de séjour dans l'île, ou si l'on aime mieux de capitation, était eneffet énorme, surtout pour ceux qui n'avaient pas grand'chose. Rendu dansl'île, le colon devait d'abord employer son temps à se bâtir une demeure; nefût-ce qu'une hutte, il lui fallait un lieu pour être mis à couvert. Pendant cetemps, et avant que les vivres, qu'il avait plantés arrivent à maturité, sesfaibles ressources, s'il en avait, étaient dépensées en objets alimentaires.

Cependant, dès la première année de séjour dans l'île on était tenu delivrer à la compagnie cinquante livres de tabac. Cette loi était générale : onexigeait ces 50 livres de tabac, des "libres" (noirs ou mulâtres affranchis), desengagés, des esclaves, des femmes, des filles et des enfants au-dessus de dixans. Il va sans dire que les maîtres payaient pour les esclaves et les engagés.

La compagnie ne voulait rien payer ni pour le traitement du Gouverneur,ni pour l'entretien des fortifications. Pour y faire face, le Gouverneurdemandait à chaque habitant vingt-cinq livres de tabac.

Le R.P. Du Tertre précise : “Chacun payait à son Seigneur (leGouverneur), les cent livres de petun (tabac), qu'on avait coutume de payer àla Compagnie : tous les Blancs et les Noirs, hommes et femmes, libres, etesclaves, au-dessus de dix ans payaient ces droits, excepté quelques officiersqui avaient un certain nombre de leurs gens exemptés, ...”

“Les ecclésiastiques et les libres Créoles, c'est à dire, ceux qui étaientnés dans le pays ne payaient pas de droits.”

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“C'était l'unique obligation des habitants des Iles, car il n'y avait nitailles, ni impôts, ni douane pour l'entrée et la sortie des marchandises.”

“On ne payait point ... de taxes pour la vente des habitations, etlorsqu'on voulu établir cette coutume, le peuple se souleva, et la Compagniefut obligée de n'y plus penser, parce qu'on lui fit savoir que cela aurait ruinéles habitants, qui ne créaient des habitations que pour les vendre; et la plupartdes habitations en ce temps-là, changeait deux ou trois fois de maître en uneannée.”

Aucun navire autre que ceux de la Compagnie des Indes-Occidentales nepouvait apporter des marchandises. Le prix des marchandises était fixé par lescommis de la Compagnie des Indes-Occidentales, qui fixaient également le prixdes denrées que le colon devait offrir en échange.

Ce système réservait la part du lion à la Compagnie et lésait les colons.Mais ce qui occasionnait le plus grand mécontentement, était que laCompagnie des Indes-Occidentales laissait la colonie pendant plus de la moitiéde l'année dans le grand dénuement.

4.7 - La répartition des terres - Contrairement àl’Angleterre, qui a fait payer la terre à ses colons, pour les inciter à la mettrerapidement en valeur;  la France a opté pour le principe de la gratuité, ce qui adonné des résultats médiocres.

Les ordonnances royales et les arrêts du Conseil d'Etat ne précisent pasl'étendue des concessions. Mais il fut rapidement admis que pour former unehabitation, il fallait de 100 à 300 carrés, c'est-à-dire environ 100 à 300hectares.

Le Père Labat dit que les administrateurs concédaient des étendues deterrain "à proportion des besoins et des forces" des postulants, estimés entêtes d'esclaves. Pour acquérir des terres, les formalités demeuraient lesmêmes qu'au début de la colonisation. Les demandeurs présentaient un placetau Gouverneur et à son intendant; ils déclinaient leur qualité et indiquaient quelterrain ils convoitaient, avec les dimensions de la concession. Un certificat ducapitaine du quartier et de l'arpenteur royal devait attester l'exactitude desréférences et assurer que le terrain était libre.

Conjointement, le Gouverneur et l'Intendant accordaient la concession,qui devait être inscrite au Greffe et, en principe, confirmée l'année suivantepar le Roi.

Le jour de la prise de possession, les nouveaux concessionnairesdevraient convoquer les voisins et procéder au bornage pour éviter les litiges.

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La concession durait aussi longtemps que la capitation était payée.

Selon Guy Lasserre dans sa géographie de la Guadeloupe : “Dans unpremier temps dans l’île de la Basse-Terre, on donna à chaque colon uneconcession de 200 pas de large sur 1.000 pas de long (le pas = 0,974 m),soit un terrain de 24 ha 20 ares. Ensuite, les nouvelles concessions eurent200 pas de large sur 500 pas de long, soit 12 ha 10 ares.”

“La première bande de terrains de 50 premiers pas géométriques étaitréservée au Roi pour la défense de l’île ; ensuite débutaient les attributions deconcessions, qui variaient en fonction des pentes montagneuses et des coursd’eau,”  qui formaient une limite.”

“Dans les autres îles plus plates, le partage géométrique s’est poursuividans l’intérieur des terres, sauf pour les zones morneuses incultivables.”

“Le cadastre de 1732 pour la Grande-Terre est accompagné de matricesdonnant le nom du propriétaire et la surface du domaine. 651 propriétésétaient installées dans l’île, dont 119 habitations-sucreries. Celles-cicouvraient une surface variant entre 100 et 200 hectares. Trois avaient entre300 et 600 hectares et quelques petites avaient entre 20 et 30 hectares.”

“En conclusion, les terres cultivables étaient revenues aux grandespropriétés des Maîtres de “cazes” sucriers ; les terres sèches, marécageuses,morneuses restaient à la disposition des petits propriétaires. La côte sous levent peu propice à la grande culture de la canne à sucre restait réservée auxpetits blancs héritiers des 36 mois.”

4.8 - La dépendance vis-à-vis de la Martinique - Lorsque l'île dela Guadeloupe fut rattachée au Domaine Royal en 1664, elle fit partie dugouvernement des Iles d'Amérique qui siègait au Fort Royal de la Martinique,et qui devint le gouvernement des Iles du Vent en 1712.

Devenue une capitale et les autres îles des provinces, la Martinique,comme toutes les capitales, fut tout, et les autres îles rien. A elle allaienttoutes les faveurs. Son Gouverneur, plus élevé en grade, plus richementrétribué, était mieux choisi. Bien qu'en sa qualité de chef suprême, il dutdonner ses soins à toutes les contrées placées sous son obédience, luidemander qu'il étendit sa sollicitude au même degré sur toutes les îles eût étéexiger de lui ce qui n'est pas dans la nature humaine.

Sa prédilection était et devait être pour le lieu de sa résidence, pour lespersonnes qui l'entouraient. Il lui importait moins qu'une autre colonie quecelle soumise à son administration immédiate fût conquise par l'ennemi :partant, celle-ci était toujours mieux pourvue d'armes, de munitions, de

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troupes, de vivres. Les choses, à cet égard, furent poussées si loin qu'unmoment vint où le ministre dut faire cette observation à De Blénac : "Le Roiregarde les autres îles avec les mêmes yeux que la Martinique".

Malgré cela, l'arrêt du Conseil d'Etat de novembre 1688 condamnatoutes les îles à la souffrance au profit du bien-être et de la prospérité d'uneseule île. Par cet arrêt, toutes les prises devaient être conduites et vendues àla Martinique.

Le résultat de cet état de chose fut que la Martinique devint l'entrepôtde toutes les denrées coloniales : on ne les trouvait que là. La ville de Basse-Terre fût désertée par les navires de commerce, forçant les colons de laGuadeloupe à transporter leurs sucres à la Martinique.

Les autres colonies n'achetant et ne vendant qu'en seconde main, aprèsavoir payé des frais de cabotage et une commission au commerce de laMartinique. Par conséquence, le prix des objets de consommation fut par ellesplus élevé et celui des denrées fournies en paiement plus bas. Aussi, elles nefaisaient pas de progrès, tandis que le chef-lieu éblouissait par son éclat et saprospérité.

La prospérité de la Martinique appelant plus de faveurs, et la faveurdéveloppant de plus en plus cette prospérité, la compagnie d'abord, puis lesministres après, n'entendant parler que de cette île, finirent par ne voir qu'elleseule.

D'autorité le préjugé descendit jusque dans le peuple, passa dans lelangage commercial : le café, le sucre de toutes les îles en général, étaient dits: “sucre, café Martinique”.

Les savants aussi se laissèrent entraîner par le torrent. Ils ne pouvaientcroire qu'une colonie qui avait tant de renommée n'eût pas une étendue plusconsidérable que celles dont on ne disait rien : dans les cartes du golfe duMexique dressée au XVIII° siècle, la Martinique est figurée plus grande que laGuadeloupe.

Pendant la guerre de Sept Ans, l'escadre anglaise arriva le 23 janvier1759, deux jours après le Fort St Charles tomba. Débarquant à nouveau auGosier, les Anglais attaquèrent à revers le réduit Français (sis à Gourbeyre),prirent successivement Capesterre et Trois-Rivières. Les colons se rendirenten avril 1759. La Guadeloupe devenait anglaise. Les conséquenceséconomiques furent très favorables à l'île. Les Anglais développèrent l'activitésucrière et surtout ils permirent la création de la ville de Pointe-à-Pitre aumilieu des marais et l'utilisation de la rade du Petit Cul de Sac. Ce site

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excellent permit à la colonie d'avoir un véritable port et un abri sûr par tousles temps, bien protégé par les îlots.

Ce n'est qu'après l'occupation anglaise que le Gouvernement Françaispris conscience de son importance et toutes les richesses qui étaientrenfermées dans son sein. Mais cette dépendance vis-à-vis de la Martinique necessa réellement qu'après la départementalisation en 1948, après trois sièclesde colonisation. Cette injustice se ressent encore dans le comportement desGuadeloupéens.

4.9 - Un aveu toujours d’actualité - Créées uniquement pourfournir à la France ce qui lui manque et pour recevoir ce qu’elle a en trop, nospossessions d’Amérique ont fluctué au point de vue économique, entre desalternatives brusques de grande prospérité et de profonde misère. Lamétropole réussit difficilement à stabiliser la richesse aux colonies. Elle ne saitjamais définir quel genre de produits leur demander. Selon ses besoins, elle lesincite un jour à cultiver abondamment ce que demain elle prohibera avecvéhémence, sans souci des possibilités et des répercussions. Et c’est ainsiqu’en 1756 le duc de Choiseul, dans un rapport adressé au comte d’Ennery,gouverneur de la Martinique, et au comte Nolivos, gouverneur de laGuadeloupe, leur fit les aveux suivants qui conservent une certaine actualité : “... Les colonies fondées par les diverses puissances de l’Europe ont toutes étéétablies pour l’utilité de leurs métropoles; mais, pour se servir utilement deschoses, il faut les connaître; et ces établissements, occupés d’abord auhasard, formés ensuite sans connaissance de leur véritable utilité, sont encoreaujourd’hui, après un siècle de possession, très imparfaitement connus oumême tout à fait ignorés de la plupart de ceux qui les possèdent.”

5 - La Compagnie des Indes Occidentales

5.1 - Une idée fausse - Les gouvernants ne s'entêtent pas moins queles peuples dans une idée fausse : pour les uns comme pour les autres, elleforme un préjugé qui ne peut être guéri qu'avec la puissance du temps.

On était convaincu que les colonies ne pourraient être fondées, prendredu développement et devenir profitables à l'Etat que par les compagnies :avec une compagnie, il fallait un privilège; ces deux choses ne marchent pasl'une sans l'autre.

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5.2 - La création de la Compagnie des Indes-Occidentales - Paracte du pouvoir royal, le 31 octobre 1626 a été créé la première compagniedite de Saint-Christophe. On y lit : "Que d'Esnambuc et du Rossey prendrontpossession des îles de Saint-Christophe et autres, et ce, pour y trafiquer etnégocier des deniers et marchandises qui se pourront recueillir et tirerdesdites îles et de celles des lieux circonvoisins. "

Richelieu voulut bien laisser supposer que l'intérêt des "sauvages"entrait aussi dans le plan de colonisation. Les indigènes devraient aux colonsles lumières et les bienfaits du christianisme.

Le grand objet de la colonisation fut le commerce, et pour le développerl'on adopta précisément le moyen le plus propre à paralyser son essor, lesystème d'une compagnie, en autres termes, un intérêt particulier. Une foisentré dans cette voie, il fallut recourir à toutes les mesures restrictives etprohibitives nécessaires à la sauvegarde de cet intérêt.

Le commerce vit dans la liberté et l'espace; on lui enleva l'espace et laliberté.

A la compagnie seule furent réservés le soin et le droit d'approvisionnerles colonies de tous les objets nécessaires en échange de l'achat de toutes lesdenrées récoltées et fabriquées.

Les prix étaient déterminés par des commis, qui apportaient dans leurmission un arbitraire inintelligent et sordide.

Les navires, allant aux îles, ne purent s'expédier que de deux ports, LeHavre et Saint Louis, et il y avait obligation pour eux d'effectuer le retour dansun seul, Le Havre.

Les colons exaspérés traitèrent avec les hollandais. La prospérité de lacolonie et les bénéfices qu'en tirait le commerce libre avec la Hollande auraientdû être un enseignement. Ces faits ne donnèrent aucune lumière. On ne trouvarien de mieux que de tenter encore une fois ce qui avait si mal réussi. Onreconstitua la Compagnie des Indes-Occidentales le 12 février 1635. L'autoritéroyale livra tout à la nouvelle compagnie, ne gardant pour elle que lanomination du Gouverneur et des officiers de justice.

Mais ce n'est pas parce que la première compagnie n'avait pas desprivilèges assez étendus, qu'elle avait été conduite à sa ruine; elle avait péripar l'impéritie et l'avidité de ses agents. Les mêmes causes produiront lesmêmes effets.

En réfléchissant à tous les obstacles que les premiers colons ontrencontrés, on est étonné qu'ils aient pu en triompher. En lutte avec le climat,

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les tremblements de terre, les ouragans; obligés de se défendre contre lesattaques continuelles des Caraïbes, il leur fallait encore livrer sans cesse desassauts à la politique insensée des agents de la Compagnie des Indes-Occidentales.

5.3 - Le privilège du pavillon français - Jusqu’à l’effondrementrécent de la marine marchande, l’état a toujours imposé le privilège du pavillonfrançais, c’est à dire que les importations et les exportations entre la Franceet les colonies, puis Départements s’Outre-Mer se faisaient obligatoirementpar des navires français.

Ce principe du refus de la concurrence se traduit par des prix excessifspour les usagers et par un relâchement dans la gestion pour les entreprisesayant le monopole.

Après les échecs de la Compagnie des Indes Occidentales et puis de laCompagnie Générale Transatlantique, le Gouvernement a donné le privilège àAir France en matière de transport aérien. Nous constatons après des dizainesd’années de trafic les pertes gigantesques de cette Compagnie, dont les coûtsde transport sont deux fois plus élevés que ceux de ces récents concurrentsdans le cadre du nouveau marché Européen.

Avec le Marché Commun, la concurrence s’est faite au profit desutilisateurs.

6 - L’esclavage

6.1 - Les débuts de l'esclavage - On croit généralement que lamalheureuse idée d'introduire des noirs aux Antilles, de faire la traite, est dueà Las-Cazes, qui pour soulager le sort des naturels (Améridiens), demanda etobtint qu'on allât en chercher à la côte de Guinée. Cette croyance pour êtreaccréditée n'est pas moins le résultat d'une erreur.

Depuis 1406, soit environ un siècle avant l'arrivée de Colomb enAmérique (1692), des noirs avaient été apportés et vendus à Séville. En1442, ils étaient exposés en vente sur le marché de Lisbonne.

Les Espagnols ayant exterminé les naturels d'Ispagnola (actuellement StDomingue / Haïti), pour remplacer leurs bras dans les travaux des mines, ilfallut d'autres bras, et c'est en Afrique qu'ils allèrent en chercher. En 1503, ily avait à Saint-Domingue des noirs en quantité considérable. En 1511, la courde Madrid, après s'être glorifiée de la prospérité de la colonie, attribuée à une

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faveur du ciel à cause de la multiplication des églises, prescrit le transport auxîles de beaucoup de noirs de Guinée, "puisqu'un nègre travaille plus que quatreindiens ". C'est en 1517, sur la proposition de Las-Cazes "de donner lapermission aux colons d'amener des nègres pour soulager le sort des naturels"qu'un privilège fut donné à des Flamands d'introduire aux îles quatre millenègres.

Les Anglais ne tardèrent point à suivre les traces des Espagnols. En1562, ils envoyaient chercher des noirs dans les colonies espagnoles et en1618, à Londres, une Compagnie des Indes-Occidentales était organisée etobtenait le privilège exclusif de chercher des cargaisons d'hommes pour lesrevendre.

La France ne vint que plus tard dans ce honteux trafic. Louis XIII s'estlongtemps opposé à l'établissement de l'esclavage. Aux Etats-Généraux de1614, il y avait eu ce vote :"Le Roi est supplié d'ordonner que tous lesseigneurs soient tenus d'affranchir dans leurs fiefs tous les serfs".

Le premier acte législatif touchant à la traite porte la date du 11novembre 1673, quelque trente ans après la mort de Louis XIII. Dès le débutde la colonie, les noirs furent introduits, les premiers provenaient d'un navireespagnol, capturé par un dénommé Pitre, vers 1643.

Au début de la colonie vers 1660, le préjugé de couleur n'existait pas. Iln'était pas rare de voir des blancs épouser des noires. Mais, s'il est vrai, que laloi forme les moeurs, le législateur ayant placé l'union du blanc et de la femmenoire au nombre des délits punissables de peines afflictives et infamantes, cedont il ne faudrait s'étonner ce serait que la défense de la loi, ne se fût, à lalongue, infiltrée dans la coutume et n'eut fini par acquérir la puissance d'unpréjugé; alors surtout que nous verrons le législateur persister dans saprohibition, dont l'effet est efficace sur l'esprit de l'homme.

Le malheur, c'est qu'un préjugé une fois établi n'est pas facile à guérir.

6.2 - Le "Code Noir" - Cet acte important précédait de peu larévocation de l'Edit de Nantes. L'édit de mars 1685, vulgairement appelé leCode Noir, avait été promulgué par Seigneley. Ce code était pour les colonies,le pendant de l'Edit de Nantes. Pour amener les protestants à une abjuration,ils n'étaient point encore violentés, mais il leur était défendu de se réunir pourprier; ils ne pouvaient être employés sur les habitations comme commandeur;leurs mariages étaient nuls, ne produisaient aucun effet civil, les enfants enprovenant étaient dits des bâtards.

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Sauf l'intolérance religieuse, et en général, une trop grande sévéritédans la répression des délits, le principe de l'esclavage admis, l'éditsauvegardait tous les droits, ceux du maître comme ceux de l'esclave et del'affranchi.

La nourriture, les vêtements à fournir à l'esclave étaient prévus,déterminés. Victime des actes de violence de son maître, il était reçu à porterplainte au procureur du roi, qui devait informer et poursuivre.

Tout maître avait le droit d'affranchir son esclave. De sa volonté, lecolon faisait de son esclave un citoyen. Les colons affranchirent beaucoup etla Métropole éleva des digues entre leur volonté et l'affranchissement.

Il est juste d'observer qu'à l'époque de la promulgation du Code Noir, etmême plus tard, la législation criminelle de toute l'Europe était empreinted'une grande barbarie. C'était le temps de la torture, de la roue et du bûcher;le temps où le vol domestique était puni de mort; celui où l'on attachait àrépandre de l'ignominie sur la personne des condamnés, où l'on s'acharnaitquelquefois sur leurs cadavres.

6.3 - L'église et l'esclavage - A cette époque, où le clergé avaittant d'empire sur les hommes, parlant au nom d'un Dieu mort en prêchant laliberté et l'égalité de tous, n'aurait-il pas pu empêcher l'établissement del'esclavage ?

Il aurait été beau au moins de le tenter. Mais il plaçait plus sa missiondans le dogme que dans la morale. Les grandes vérités du Christianismeconsistaient pour lui dans quelques pratiques. Et puis, possesseur lui-mêmed'esclaves, il ne pouvait s'élever contre l'esclavage.

La simple lecture des récit du R.P. Labat montre l'état d'esprit des gensde cette époque, y compris le clergé.

Le R.P. DUTERTRE est le seul (à ma connaissance) qui exprime dans sesécrits de la compassion sur la situation difficile des esclaves.

6.4 - La lourde responsabilité de l'Ancien Régime - Le systèmeesclavagiste sur lequel repose la société coloniale de 1635 à 1848 a plusieursdimensions : politique, économique, sociale et religieuse. Le Roi de Francejusqu'à Louis Philippe est le suprême garant de l'ordre esclavagiste veillant aucloisonnement des castes (Blancs et Noirs). C'est lui qui promulgue l'édit de1685 connu sous le nom de Code Noir. C'est le monarque - au vrai, sesministres et ses commis - qui écrit au Gouverneur des îles du Vent (26

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décembre 1703) : "Le roi ne veut pas que les titres de noblesse des sieurssoient examinés ni reçus, parce qu'ils ont épousé des mulâtresses, ni quepermettiez qu'on rende aucun jugement pour la présentation de leurs titres."

C'est lui qui prend la mesure d'écarter de la vie publique, "de toutesespèces de fonctions et charges publiques dans les colonies", non seulementles affranchis mais leurs descendants à quelque degré qu'ils se trouvent : enun mot les "sang-mêlé", tous "ceux qui sortent d'une race nègre".

Elle est formulée pour la première fois en 1733 dans un ordre du roi àl'adresse des îles du Vent :

"L'ordre du roi, Monsieur, est que tout habitant de sang mêlé, ne puisseexercer aucune charge dans la judicature, ni dans les milices. Je veux que touthabitant qui se mariera avec une Négresse ou mulâtresse ne puisse êtreofficier, ni posséder aucun emploi dans la colonie (.....) au cas que je soisinformé, qu'on ne l'ait pas été, d'un fait aussi important, je casserai, lorsquej'en aurai connaissance, les officiers qui seront dans les milices ou qui aurontd'autres emplois."

L'édit de décembre 1723 déclare en outre : "les Nègres incapables derecevoir des Blancs aucune donation entre vifs à cause de mort, ouautrement".

La Couronne, enfin, règle les affranchissements et veille à contenir legroupe des gens de couleur libres ou esclaves.

6.5 - La première révolte à Capesterre - Après le cyclone de1656, les esclaves africains se révoltèrent dans le quartier de la Capesterre. Ily avait parmi eux deux plus résolus et plus intelligents que les autres. C'étaitPèdre et Jean-Leblanc, qui avaient appris le maniement des armes. Jean-Leblanc était de la côte d'Angole, Pèdre du Cap-Vert.

Ils avaient dans le secret préparé leurs compatriotes à se soulever. Ils'agissait d'égorger tous les blancs et de fonder à la Guadeloupe deuxroyaumes, l'un à la Capesterre gouverné par le roi Jean-Leblanc, et l'autre à laBasse-Terre où serait le siège de la cour de Pèdre.

Le jour de la révolte venu, les noirs du Cap-Vert manquèrent au rendez-vous. Jean-Leblanc et ses hommes ne les attendirent point. Ils fondent surl'habitation la plus proche, en égorgent les habitants, s'emparent des armes ets'enfoncent dans les bois.

Pendant quinze jours, ces révoltés se tenant sur la lisière des bois,épiant le moment favorable, se ruaient tantôt sur une habitation, tantôt sur

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une autre, portant partout la désolation : ils pillaient les propriétés etégorgeaient les blancs qui leur tombaient sous la main.

Un colon nommé Despinay, s'offrit pour aller réduire les insurgés. Ilchoisit vingt autres colons, dont le courage et la résolution étaient connus.

Mis sur la piste des brigands par un pisteur brésilien, il les rejoignit et lesrévoltés furent tous tués ou pris. Pèdre et Jean-Leblanc, attrapés vivants,furent écartelés.

6.6 - L'esclavage, la résistance et la répression - Très tôt sedéveloppe un processus de résistance des esclaves qui s'efforcent de saperles bases de l'esclavagisme.

Sur les vaisseaux négriers, les captifs africains tentaient déjà de selibérer. Sur les plantations, bossales (nouveaux africains) ou créoles (nés auxîles) complotent, se rebellent, s'enfuient. Les fugitifs ou Nègres marrons seregroupent dans les bois et organisent leur défense en tissant un réseaud'informateurs parmi les libres, qui leur procurent des armes, des munitions,des aliments, voire de l'argent.

Les bandes de Nègres marrons cheminent dans les forêts de Basse-Terre et de Grande-Terre. Les insurrections d'esclaves, qui se multiplient avecle développement de la monoculture sucrière, entrent dans une phase pré-révolutionnaire après la guerre de Sept Ans (1756-1763).

6.7 - Les sources du préjugé de couleur - L’historien AugusteLacour a bien traité ce sujet que je reprend en l’état :

“Les dénombrements dressés pour l'année 1789, portent la populationtotale de l'île à 106.593 habitants, divisés comme suit :

Blancs Libres Esclaves13.712 3.058 89.823

“De blanc à blanc, la noblesse n'existait pas. Ce qui constituaitl'aristocratie était non les parchemins, mais la couleur. Aux blancs, auxindividus de race européenne étaient exclusivement réservées les fonctionspubliques, lucratives ou honorifiques.

“Dans l'échelle sociale, après le blanc venait l'homme de couleur. A luiétaient laissés les métiers. Il pouvait s'enrichir par le négoce, acquérir deshabitations, des esclaves; mais c'était tout. Il n'aurait pas pu exercer laprofession de médecin, tenir une pharmacie. Il servait dans la milice, mais dansdes compagnies séparées, et sous des chefs blancs. Le blanc n'avait pour lui

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aucune antipathie; au contraire, il était disposé à lui rendre tous les services enson pouvoir, pourvu que la nature de ces services ne sortît pas de la sphèredes faits qui descendent du patron au client.

“La bienveillance n'allait pas jusqu'à permettre à l'homme de couleur defranchir le seuil de la porte et de venir s'asseoir au foyer. Le blanc qui auraitcontracté une alliance avec une fille de couleur, reçu un mulâtre à sa table oudans son salon, aurait été mis au ban de la société.

“Pourtant au début de la colonisation, le préjugé de couleur n'existaitpas, des blancs contractaient des unions légitimes avec des noires et desmulâtresses.

“Comment est venu le préjugé ?“Un des premiers actes que nous rencontrons en Guadeloupe, touchant

l'homme de couleur, est l'ordonnance du Sieur Tracy, qu'il publia à son arrivéeaux Antilles.

“En attachant une note d'infamie au fait de procréer un mulâtre, enrendant l'auteur de ce fait passible de peines afflictives et infamantes, lelieutenant général dût brouiller les idées. Il n'était pas possible qu'à la longue,on ne regardât pas comme d'une nature différente l'enfant, dont la naissanceavait pour le père une cause de déshonneur.

“Le blanc, qui contractait de semblable alliances, était déchu de sesdroits; le noble qui dérogeait, ne pouvait plus réclamer les privilèges résultantde ses titres, ni les transmettre à ses descendants.

“Les lettres, les instructions, les ordres ministériels venaient tour à tourtracer à cet égard le devoir des gouverneurs et des conseils supérieurs.

“Voici une lettre du ministre de la marine, en date du 27 mai 1771, elleest adressée au Gouverneur de Saint-Domingue :

"J'ai rendu compte au roi de la lettre de MM. de Nolivos et de Bongarsdu 10 avril 1770, contenant leurs réflexions sur la demande qu'on fait lessieurs ..... de lettres-patentes qui les déclarent issus de sang de race indienne;Sa Majesté n'a pas jugé à propos de la leur accorder; elle a pensé qu'unepareille grâce tendait à détruire la différence que la nature a mise entre lesblancs et les noirs, et que le préjugé politique a eu soin d'entretenir commeune distance à laquelle les gens de couleur et leurs descendants ne doiventjamais atteindre; enfin qu'il importait au bon ordre de ne pas affaiblir l'étatd'humiliation attachée à l'espèce, dans quelque degré qu'il se trouve, préjugéd'autant plus utile, qu'il est dans le coeur même des esclaves, et qu'ilcontribue principalement au repos des colonies : Sa Majesté a approuvé en

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conséquence que vous ayez refusé de solliciter pour les sieurs ...... la faveurd'être déclarés issus de race indienne, et elle vous recommande de nefavoriser sous aucun prétexte les alliances des blancs avec les filles de sangmêlé. Ce que j'ai marqué à Monsieur le comte de Nolivos, le 14 de ce mois, ausujet de M. le marquis de ...... , capitaine d'une compagnie de dragons, qui aépousé en France une fille de sang mêlé, et qui par cette raison ne peut plusservir à Saint-Domingue, - de comprendre sa compagnie dans les emploisvacants, - vous prouve combien Sa Majesté est déterminée à maintenir leprincipe qui doit écarter à jamais les gens de couleur et leur postérité de tousles avantages attachés aux blancs."

“Cette position équivalait à une prohibition, qui ne se bornait pasuniquement aux classes privilégiés.

“Ainsi c'est dans un intérêt gouvernemental qu'en France on entretenaitle préjugé de couleur, qu'était défendu tout rapprochement entre le blanc et lemulâtre. Lorsque le sang aura coulé, on répudiera ce funeste système dedivision, mais le préjugé, s'étant déjà infiltré dans les moeurs, restera, et lecolon en sera rendu responsable.”

6.8 - La destruction du système esclavagiste - "Il faut détruirel'esclavage, non seulement pour les esclaves mais pour les maîtres, car iltorture les uns et déprave les autres." C. Schnakenbourg

Sous la pression de l'insurrection générale des esclaves de SaintDomingue en août 1791, les commissaires civils envoyés par la Conventiondurent proclamer le 29 août 1793 la liberté générale. La Conventionmontagnarde confirma et renforça ces décisions par son décret du 16 pluviôsean II (4 février 1794), qui abolit l'esclavage dans les colonies françaises. Elledépêcha en Guadeloupe deux commissaires, Pierre Chrétien et Victor Hugues,avec mission de reprendre l'île aux occupants anglais.

Ils reprirent l'île aux Anglais après de nombreuses batailles au Gosier, àPointe-à-Pitre et à la Baie-Mahault. Les Anglais vaincus, signèrent un armistice,avec Victor Hugues. Ils abandonnèrent l'île et leurs alliés les blancsguadeloupéens. Ceux-ci (environ 1.800 personnes) furent tous exécutés à laPointe de Jarry.

Maître de la Guadeloupe, Victor Hugues proclama l'abolition del'esclavage en 1794. Les noirs incultes restèrent en grand nombre dans lesexploitations agricoles. Les mulâtres et les "libres" ayant généralement unecertaine instruction, ils formèrent l'encadrement nouveau de l'île sous la

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révolution (administration, commerce, industrie, etc ...)La classe de négociants de couleur enrichis dans le commerce étranger

avec la Nouvelle-Angleterre et la guerre de course (corsaire) s'affirme sous leGouvernement de Victor Hugues (1794-1798).

Elle fournit également un encadrement à l'armée insurrectionnelle quis'oppose au rétablissement de l'esclavage par Bonaparte en 1802. Elle dutaffronter la force expéditionnaire, commandée par le Général AntoineRichepance.

Les forces en présence étaient d'une part, les troupes métropolitaine duGénéral Richepance et d'autre part, les troupes locales créées par VictorHugues. Elles furent vaincues en partie à cause des hésitations des deux chefsMagloire Pélage et Louis Delgrès, officiers d'origine martiniquaise, qui nevoulurent jamais franchir le pas et faire la guerre révolutionnaire comme àHaïti.

Les troupes locales se divisèrent : le Général Pelage se rendit, avec sesrégiments. Après de nombreux combats, autour de Delgrès périrent ses 800soldats au Matouba. Ils se firent sauter plutôt que de se rendre à Richepance.Les autres furent déportés en masse sur les côtes américaines.

Le 4 mars 1848, le Gouvernement provisoire (avant la proclamation dela Seconde République) adopta le principe de l'abolition de l'esclavage dans lescolonies. Une commission d'abolition fut formée sous la présidence de VictorSchoelcher, qui signa le décret d'abolition le 27 avril 1848.

6.9 – L’esclavage persiste de nos jours - Malheureusement,l'esclavage existe encore. Selon l'O.N.U., il y aurait en 1993 environ 200millions d'esclaves dans le monde. Esclaves économiques privés de tous leursdroits : aux Indes, au Moyen Orient, en Amérique du Sud ... et esclaves àl'ancienne mode dans de nombreux pays d'Afrique.

• Esclavage : un mal général en terre d’Islam : Anthropologue,spécialiste de l’islam et connu pour sa liberté de ton à l’égard du monde arabo-musulman, Malek CHEBEL publie « L’esclavage en terre d’Islam » (Fayard),dans lequel il dénonce l’hypocrisie de nombreux pays musulmans à ce sujet.

Interrogé par Laurence d’Hondt, il répond :LH – Votre livre est accablant pour l’islam !MC – « Je ne veux pas accabler le monde musulman, mais l’interpeller en

lui demandant pourquoi il laisse l’esclavage se poursuivre dans le silence. Celafait deux siècles que le christianisme travaille sur cette question et l’interdit,

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au nom des droits de l’homme. Mon livre veut nommer un mal général en terremusulmane qui fait que la personne humaine n’est pas respectée dans sadignité d’homme. »

LH – Pourquoi cela ?MC – « L’islam n’est pas une religion de repentance mais une religion

percutante, faite d’injonctions et fondée sur des certitudes. L’individu qui lapratique n’est pas sujet aux doutes, qui sont antinomiques de sa religion. »

LH – Donc aucun sentiment de culpabilité ?MC – « Pour le musulman, posséder un esclave est un signe de richesse,

une question de fortune qui n’appelle pas de culpabilité particulière. »LH – Mais le Coran est pourtant explicite ...MC – « Certes, le Coran incite à l’affranchissement d’un esclave, surtout

s’il est musulman. Mais il n’y a pas d’interdiction formelle de l’esclavage. Enislam, on peut dire qu’il est plus respectable d’être musulman que d’être unhomme. »

LH – Le Coran ne serait pas assez coercitif ?MC – « Non. On se cache derrière le Coran pour justifier une pratique

honteuse. L’absence de culpabilité de l’esclavagiste vient de traditionsanciennes, de la pratique des gouvernements actuels et même de l’hypocrisiedes élites intellectuelles qui le dénoncent et affichent pourtant la présenced’une bonne comme signe de réussite sociale. »

LH – La traite orientale diffère-t-elle de la traite occidentale ?MC – «  Oui. Fondée sur des bases économiques, la traite occidentales a

duré deux siècles. En Afrique, les Occidentaux ne sont pas venus chercher desbonnes pour augmenter leur statut social, mais une main d’oeuvre. En Orient,l’esclave pouvait évoluer au sein d’une famille ou d’une dynastie. Beaucoupplus socialisée, intériorisée et donc difficile à chasser, la traite orientale a duréquinze siècles.

LH – Et ce n’est pas fini ...MC – « Sauf cas exceptionnels, comme en Mauritanie, l’esclavage n’est plus unstatut définitif. Il prend des formes diverses, comme la domestique ou l’ouvrierdans le Golfe à qui l’on confisque sa carte d’identité. Il y a des foyers en pleineexpansion. A Beyrouth, des agences recrutent des bonnes asiatiques. Certainsefforts sont faits, comme au Maroc. On y recense près d’un million de bonnes,souvent africaines et pas rémunérées. Le secrétaire d’État à la Famille tentede leur donner des droits. La tâche est compliquée car ces personnels sontsouvent cachés. » (publication du 10 juillet 2008) 

7 - La route des esclaves

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7.1 – Trafic des esclaves – « Dépi lan Guinen, Nèg rayi Nèg » (Déjàen Guinée, les Nègres haïssaient les Nègres). Ce proverbe créole rappelle quela tragédie des esclaves commençait dès l’Afrique avec des trafiquantsafricains, qui capturaient et vendaient leurs frères.

Toutes les sociétés humaines ont connu l’esclavage à un moment donné.En Afrique Noire comme dans la Grèce antique, les vaincus devenaient lesesclaves des vainqueurs et travaillaient pour eux. Parfois, les vainqueursépousaient les femmes esclaves.

Dès le VIII° siècle, il existait un petit trafic organisé par les Arabes quitraversaient le désert pour acquérir des esclaves, qu’ils emmenaient vers lespays de la Méditerranée.

Au XVIe siècle, c’est un système de grande ampleur qui s’est mis enplace, avec l’approbation des grandes puissances européennes. Les coloniesd’Amérique réclamaient un grand nombre d’esclaves pour servir dans lesplantations. Les commandants des navires négriers vendaient de la pacotillevenant d’Europe aux Africains contre des esclaves. Ceux-ci étaient transportésen Amérique où ils étaient vendus au prix fort. Les commandants des naviresnégriers chargeaient alors du sucre, des épices, du coton, etc. qu’ilsrevendaient très chers en Europe. Ce commerce était connu sous le nom de“trafic du bois d’ébène” ou de commerce triangulaire.

7.2 – La route des esclaves - Tous les pays côtiers d’Afriquevendaient des esclaves pour avoir des fusils, dans le but de se renforcer.L’exemple du Dahomey est représentatif de cette organisation. Au début dutrafic, le royaume du Dahomey, vassal du royaume de l’Oyo, était un payscontinental et payait un tribut annuel de 45 esclaves.

Pour s’acquitter, le royaume du Dahomey a commencé la conquête duroyaume d’Allada, qui le séparait de la mer. Elle s’est fait petit à petit, tribuaprès tribu. Chaque année, à la saison sèche, après les récoltes, le Roi quidemeurait à Abomey, levait une armée parmi ses sujets paysans, pour faireune guerre de razzia. La saison sèche avait l’avantage de pouvoir incendier lesherbes pour découvrir les ennemis en fuite qui s’y cachaient.

Les vaincus capturés étaient divisés en deux groupes : les “valeurssûres”, c’est-à-dire les artisans ou les prêtres vaudous qui étaient conservéset les “autres” qui étaient acheminés vers la ville d’Ouidah, pour être venduscomme esclaves. Dans toutes les autres régions, les sorciers faisaientautomatiquement partie de ceux qui étaient vendus. Ce qui explique le nombreimportant de sorciers parmi les esclaves qui arrivaient aux îles.

L’Adjaho, second personnage du royaume, avait la responsabilitégénérale des esclaves, il faisait le tri parmi les “valeurs sûres”. Il choisissaitceux qui iraient servir au Palais Royal d’Abomey, ceux-là étaient

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systématiquement castrés. Près du Palais, ils étaient regroupés dans le “Parcdes esclaves”, qui couvrait plusieurs hectares.

L’Adjaho désignait deux convoyeurs pour conduire les esclavesenchaînés sur les 120 kilomètres, qui séparaient Abomey du lieud’embarquement près d’Ouidah. Chaque colonne avait 20 esclaves attachés àun poignet par des fers et au cou par un collier ; une longue chaîne lesunissait les uns aux autres. Un des responsables avait la charge matérielle dutransport (nourriture, logement, encadrement, etc.) et l’autre devait veiller àla santé des esclaves, qui étaient une valeur marchande. À chaque étape, ilfaisait soigner les blessés et les malades, ...

Sur le trajet, il y avait 47 postes de contrôle qui percevaient des taxessur les caravanes d’esclaves, afin de les nourrir, les héberger et les soigner. Àchaque étape, les esclaves étaient drogués, pour leur faire oublier leurstourments, les endormir et surtout les calmer.

Lors de leur arrivée dans la ville d’Ouidah, les esclaves étaient enfermés,dans l’esclaverie. Ils étaient mis dans un local sombre, afin de les habituer àvivre dans la pénombre, car dans les navires négriers, ils seraient parquésnombreux, sous les ponts, sans lumière. Dans l’esclaverie, beaucoup deprisonniers faisaient des tentatives de suicide, certains mouraientd’épuisement et aussi volontairement de faim.

Dans la ville d’Ouidah, le vice-roi Yovogan Dagaba était chargé de lanégociation avec les Blancs. Avant de présenter les esclaves, ceux-ci étaientnettoyés, puis ils étaient oints avec de l’huile de palme, afin d’améliorer leuraspect. Les transactions ne portaient que sur les sujets jeunes, les autresn’intéressaient pas les colons. Les acheteurs vérifiaient la qualité de leursdents, de leurs bras et de leurs jambes, puis cherchaient à éliminer ceux quirisquaient d’être malade. Ceux qui étaient sélectionnés étaient immédiatementmarqués au fer rouge, pour éviter les substitutions. Les négociations duraientplusieurs semaines, afin d’établir le prix de vente de chaque esclave. Ce prixétait élevé, de l’ordre de 5 fusils, plus divers ustensiles pour un esclave, ce quireprésentait le salaire annuel d’un artisan boulanger de Paris.

Uniquement sur Ouidah, on estime que le trafic portait sur environ10.000 esclaves par an, selon le témoignage d’un Danois. Ce commerce pritfin au milieu du XIXe siècle, quand l’Angleterre et la France décidèrentl’abolition de l’esclavage pour des raisons économiques et non de moralité oude justice. Le prix du sucre ayant baissé, avec la concurrence de la betterave,l’esclave n’était plus rentable.

7.3 - Les ravages du trafic : La première conséquence est quel’esclavage nourrissait la guerre en Afrique. Les Rois locaux, pour s’enrichir parla vente d’esclaves, devaient faire la guerre aux tribus voisines. La demande

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des négriers Blancs a fortement augmenté le besoin d’esclaves pour satisfairele marché. 

La seconde conséquence est la perte pour l’Afrique de ses élémentsjeunes et dynamiques, qui ont été déportés en masse pendant plus de troissiècles. Pour un esclave vendu, combien y avait-il de victimes ? Combien detués et de blessés pendant les razzias ? Les autres captifs invendables : tropâgés, malades, blessés, orphelins, étaient conservés par les conquérants, maiscoupés de leurs racines.

Le nombre exact des victimes est très nettement supérieur à celui destransportés en Amérique ; il est impossible à évaluer. De nos jours encore, desconflits subsistent entre les descendants des trafiquants et ceux des esclavesdemeurés en Afrique.

Un grand nombre d’esclaves mouraient sur les navires négriers, car lesconditions de transport maritime étaient déjà mauvaises pour les équipages etles passagers payants de la marine à voile (pas de place, pas de fruits, ni delégumes frais, les ravages du scorbut). Les conditions étaient pires pour lesesclaves, qui subissaient le confinement dans les cales, le manque d’hygiène etla mauvaise nourriture pendant le voyage qui durait un à deux mois.

8 - La guerre des épices - La journaliste Anca Bertrand a fait un travailénorme pour préserver la mémoire des us et coutumes créoles, dans tous lesdomaines. Sa revue “Parallèles” a permis à des nombreux antillais des’exprimer. Malheureusement, son décès prématuré a peut être marqué la finde ce travail.

Selon Anca Bertrand : “On ne peut pas expliquer le processus de ladécouverte des Indes Occidentales, c'est-à-dire les Antilles, si on ne connaitpas le commerce européen et particulièrement celui des épices.

“Les épices étaient entre autres : la cannelle, la muscade, les piments,l'anis, le gingembre, la girofle, le poivre (l'épice la plus chère et qui se venditau moyen-âge à son poids d'or).

“Ces épices venaient toutes de l'Inde et transitaient par l'Arabie versl'Europe, très friande de client de tout premier ordre.

“Le chemin des épices des Indes passait par l'Arabie, l'Egypte, laMéditerranée et les Balkans, alimentant l'Europe du Centre, du Nord et del'Occident.

“Les Arabes, enrichis à ce commerce de transit, décidèrent d'éliminer lesautres intermédiaires et ce fut le grand mouvement d'expansion arabe surl'Egypte, l'Afrique du Nord, l'Espagne et la France.

“L'islamisation n'a été que le motif moral, le motif honorable, avoué,

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pour cacher ce vaste mouvement de commerce, tout comme lachristianisation des contrées sauvages a été la couverture morale del'expansion coloniale.

“L'Europe a réagi contre cet encerclement du Commerce avec les Indes,une première fois avec les Croisades, essayant de libérer le chemin de l'Indesous la même couverture : LA RELIGION.

“N'ayant pas abouti, l'Europe a essayé de trouver un autre chemin desépices, en contournant l'Afrique. Et ce n'est pas un simple hasard que cesoient précisément l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la France qui aient alimentéles recherches d'exploration et de la navigation à long parcours.

“Avec Vasco de Gama, l'Afrique est contournée et retrouvé le cheminlibre du commerce de l'épicerie.

“Ce n'est pas non plus un hasard que ce soit un Génois : ChristopheColomb, qui ait reçu l'appui de l'Espagne pour tenter la découverte d'un autrechemin plus court, plus direct, toujours vers l'Inde; c'était la marche parl'ouest, vers le pays du Cipangou (Japon et Chine) et l'Inde.

“Ainsi, le commerce de l'épicerie (poste important dans le commerceexotique comptant : tissus, pierres précieuses, chevaux, etc ...) amena ladécouverte de l'Amérique et des Antilles (Ante-isles : les îles avant la Terre-Ferme) qui devinrent, non sans raison les Indes Occidentales, véritablesgreniers du commerce de l'épicerie : muscade, girofles, cannelle, piments,gingembre, vanille et sucre.

“Non seulement qu'il est nécessaire du point de vue de la culturegénérale de connaître comment se développa le commerce de l'épicerie quifait partie de notre vie quotidienne, mais c'est à ce commerce que les Antillesont du leur essor et ont contribué à l'épanouissement de l'Europe Occidentale.

“Ce sont les Antilles (qu'on préféra au Canada en 1763) qui tout le longdu XVII° et du XVIII° siècles ont contribué non seulement à l'enrichissement desMétropoles occidentales, mais ont libéré politiquement l'Europe de la menaceArabe, ces transitaires devenus inutiles.”

8.1 - Pourquoi les épices ? - Jusqu’au XIXème siècle, les hommesn’avaient aucun moyen de conserver les aliments, sauf à les mettre dans lasaumure, qui en transformait le goût. Au Moyen Age, un premier pas a été faitavec la fabrication de pâtés par les pâtissiers, qui permettaient de donner à laviande une durée de vie plus longue au prix d’une transformation du goût. Maisen Europe, les préparations culinaires restaient fades, par manque d’épices.

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8.2 - Un commerce très ancien - L'histoire nous apprend qu'au 18°siècle avant Jésus-Christ, les Madianites (peuples de la Palestine méridionale)venaient en caravane de Galaad (ville situé à l'est du Jourdain) et sedirigeaient vers l'Egypte, où ils allaient vendent des parfums, de la myrrhe, dela résine et des esclaves.

C'est à ces premiers marchands que les fils de Jacob vendirent leur frèreJoseph. Et la Bible nous dit que le jeune Joseph fut vendu par eux à Putiphar,eunuque de Pharaon et commandant des gardes.

Le commerce de l'Egypte était, à cette époque, très florissant. Lescaravanes, qui s'y arrêtaient, étaient en sûreté, et, de là, pouvaient se rendre,par de bonnes routes, en Ethiopie, en Afrique septentrionale, en Arabie, auNiger, en Arménie, au Caucase, à Babylone, à Carthage.

C'est d'Arabie que les Egyptiens recevaient les aromates destinés àl'embaumement des corps. Ils échangeaient ces produits contre du sel et desplumes d'autruche.

Les Indiens (des Indes), eux, avaient une grande expérience ducommerce. Ils avaient leur réglementation et connaissaient, déjà la taxationdes prix.

"Les sanctuaires de Bénarès et de Jagrenat étaient des lieux de négoce,comme, plus tard, le deviendront les monastères du Moyen-Age".

L'Europe, en grande partie inculte et pas civilisée, ignorait tout ducommerce qui se pratiquait en Asie et en Afrique. La monnaie n'étant pasencore en usage, le commerce se faisait par troc. On échangeait des tissus,des bijoux, des esclaves, contre des produits alimentaires.

Les marchands, en caravanes, se dirigeaient vers les pays qui avaient leplus de denrées à échanger. Ils se faisaient escorter d'hommes armés à causedu peu de sûreté des routes. L'extrême longueur des distances à parcourird'un point à un autre obligeait de ménager les forces des bêtes. C'était doncdes marchandises de faible volume qui étaient transportées.

En Asie, les Etats construisaient des caravansérails aux haltes choisiespar les caravanes; ces caravansérails devinrent vite des villages, puis des villestrès riches à cause du commerce qu'on y faisait.

C'est aux Phéniciens, peuples sémitiques, établis sur les bords de laMéditerranée (la Syrie d'aujourd'hui) dès le 24° siècle avant Jésus-Christ, qu'ilrevenait d'utiliser la voie maritime pour les transactions commerciales.

Les Phéniciens commerçaient pour leur propre compte, à la différence

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des autres peuples chez lesquels le commerce était un privilège royal. Leurspremiers voyages nautiques, qui se situent au moment de la guerre de Troie,en 1280 avant Jésus-Christ, se distinguent par des actes de piraterie.

Les vaisseaux phéniciens, qui avaient très peu de quille et qui étaientpresque ronds, naviguaient en longeant les côtes; ils se manoeuvraient aumoyen de grandes rames et d'une large voilure.

En s'orientant sur la constellation de la Petite Ourse, les Phéniciensabordèrent la Grande-Bretagne et les ports de la Baltique. Le trafic, qu'ilsfirent avec l'Egypte, l'Italie, l'Espagne, Israël, la Grèce, portait principalementsur le blé, du vin, de l'huile, de la cire, des fruits, du miel, de la résine, desparfums, etc ...

8.3 - La lutte entre la Croix et le Croissant pour la maîtrise ducommerce des épices - Au Moyen Age, le commerce extérieur se faisait parla Méditerranée. Les Grecs et les Arabes nous apportaient les marchandises del'Orient, qu'ils chargeaient à Alexandrie."

"Mais les Croisades firent passer entre les mains des Francs cette sourcede richesses. Les conquêtes des croisés, dit l'Abbé Fleury, leur assurèrent laliberté du commerce pour les marchandises de la Grèce, de Syrie et d'Egypte,et, par conséquent, pour celles des Indes qui ne venaient point encore enEurope par d'autres routes. "

Toujours selon l'Abbé Fleury : "Gènes, Venise, Pise, Florence et Marseilledurent leurs richesses et leur puissance à ces entreprises."

"On ne peut se dissimuler, ajoute Chateaubriand, que la marine et lecommerce modernes ne soient nés de ces fameuses expéditions. Ce qu'il y eutde bon en elles appartient à la religion, le reste aux passions humaines".

Après l’expansion de l’Islam en Egypte, puis Afrique du Nord et enfin enEspagne, la route des épices par le sud était aux mains des commerçantsarabes. Les conquêtes des Turcs en Asie Mineure et dans les Balkansfermaient la route caravanière des épices. La prise de Constantinople en 1453et la chute de l’Empire Romain d’Orient causèrent un choc pour l’Occident, quiprit conscience de la grave menace des Mulsulmans.

Les seules routes ouvertes étaient celles de l’ouest soit en contournantl’Afrique, soit en traversant l’Atlantique.

8.4 - Les conséquences des routes des épices - En 1492,Christophe Colomb, recherchant une nouvelle route commerciale pour se

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rendre aux Indes, pays des épices, découvre le continent américain, dont il nesoupçonnait pas l'existence. Une des routes des épices est ouverte.

Dès 1497, le portugais Vasco de Gama, par la route du Cap de BonneEspérance, arrive aux Indes; son second voyage sera "une véritable croisadedes marchands de poivre, de gingembre et de cannelle".

En 1520, toujours à la recherche de la route des épices, Magellandécouvre le détroit qui porte son nom. "Le grand explorateur portait commearmes parlantes; un globe terrestre chargé de deux bâtons de cannelle, detrois muscades et de douze girofles, avec comme tenants deux rois indigènescouronnés portant à la main externe une branche d'épice et comme devise :Primus me circumdedisti".

La découverte de la route des Indes et la possession des coloniesproductrices d'épices donnèrent tour à tour à la Hollande, au Portugal, àl'Espagne, à la France et à l'Angleterre richesses et puissance maritime etfurent l'occasion d'innombrables guerres, de rapines, de pillages.

C'est la fièvre de l'or, l'appât des richesses, qui occasionnèrent ladestruction des paisibles Incas et marquèrent les hommes de ce temps dusceau de la honte, à cause de la traite et de l'esclavage, qu'ils pratiquaientalors, bien que ce fût au nom de la "Très Sainte Trinité".

Les armateurs nantais, dieppois, bordelais avaient mis sur pied un trafictriangulaire; le bateau quittait l'un de ces ports chargé de verroterie et autrescolifichets, les échangeait en Afrique contre du bétail humain, qui lui-même,était troqué sur un point quelconque des régions américaines contre du petun,de l'indigo, du sucre ou du rhum.

Cependant, si, pour certains, le commerce des épices était synonyme depleurs et de grincements de dents, d'autres, au contraire, lui durent l'originede leurs fortunes et de toutes sortes de privilèges et de considérations.

La famille des Médicis, qui régna sur la France, débuta comme épicierdroguiste. Elle n'en rougissait pas, étant donné qu'elle ajouta dans sesarmoiries 3 grains de poivres à côté des fleurs de lis du blason des Capétiens.

Selon Brillat-Savarin, le commerce des épices furent un des moteurs del’économie en Europe : "Si vous tardiez à planter au coin de la rue principaleun épicier, comme vous avez planté une croix au-dessus du clocher, toutdéserterait. Le pain, la viande, les tailleurs, le prêtre, les souliers, legouvernement, la solive, tout vient par la poste, par le roulage ou le coche,mais l'épicier doit être là, se lever le premier, se coucher le dernier, ouvrir saboutique à toute heure, aux chalands, aux cancans, aux marchands.

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"Sans lui, aucun de ces excès qui distinguent la société moderne dessociétés anciennes, auxquelles l'eau de vie, le tabac, le sucre était inconnus”.

8.5 - Les épices et la Guadeloupe - Le 28 juin 1635, de l'Olive etdu Plessis débarquent à la Guadeloupe, à la Pointe Allègre, avec cinq centshommes. C'est le début de la colonisation de l'île. Les Caraïbes, qui sedonnaient mutuellement ce qui leur manquait, en vinrent à troquer avec lescolons : "pierres vertes", hamac, perroquets, etc ... contre couteaux, fusils,toile à voile, et, plus tard, eau de vie.

De 1643 à 1759, la ville de Basse-Terre est le grand centre d'activitécommerciale de la Guadeloupe, suivit du Moule et de Ste-Anne. Elle perd deson importance vers 1763, dès la fondation de la ville de Pointe-à-Pitre, qui"par la sécurité de son port, devient la rade la plus fréquentée des Antilles".

En 1644, la fabrication du sucre commence à la Guadeloupe. Jusqu'àcette date, l'argent n'a pas cours dans le pays; le système est au troc et à lavente à crédit que les négociants métropolitains consentent aux planteurs, àcondition que ceux-ci leur réservent une partie de leurs récoltes.

En 1671, une ordonnance, rendue le 13 février par De Baas, gouverneurgénéral des Iles d'Amérique, fixe, à la Guadeloupe, à un pour cent, c'est-à-direà une livre pour chaque cent livres pesant de marchandises, l'impôt sur lesmarchandises d'épicerie, payable à l'arrivée des vaisseaux, aprèsdéchargement des marchandises et avant embarquement à l'égard de cellessortant.

Dans "la Quinzaine en Guadeloupe", n° 38 du 1er mai 1965, M. AlainBoismery, dans son article : "Les relations commerciales entre Marseille et lesAntilles", déclare : "En 1671, fut aménagée par Gaspard Maurellet la premièreraffinerie marseillaise travaillant le sucre des Antilles". Il est dit plus loin que lemême Maurellet s'essaya le premier au trafic du "bois d'ébène" et, "dès 1750,on retrouve des provençaux à la Guadeloupe et à la Martinique ..."

En 1674, la Guadeloupe est prospère et sa société constituée. Ellepossède 113 sucreries (97 à la Guadeloupe proprement dite, 12 à Marie-Galante et 4 à la Grande-Terre) qui fabriquent 4.375.000 livres de sucre paran. Le coton, le gingembre et le tabac sont produits à raison de 80 à 100.000livres chacun.

Elle consomme 3.461.340 livres de marchandises diverses parmilesquelles nous relevons : 4.000 barriques de boeuf d'Irlande, 800 barriquesde lard salé, 400 barriques d'eau-de-vie, 200 tonneaux de vin rouge de

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Bordeaux, 200 pipes de vin de madère, 400 barriques de farine minot deBagneux, 100 petites barriques d'huile d'olive de 15 pots, 60 demi-barriquesd'huile à brûler, 50 caisses de chandelles de Hollande, 10 caisses de chandellesmoitié cire et moitié suif, 50 caisses de savon, 20 barriques de morue verte,15 boucauts de morue sèche, 20 caisses de saumon.

Le reste se répartit en d'autres objets, tels que tissus, chaussures,chapeaux et notamment : 500 grages (râpes) à manioc en cuivre, 400 gragesde poivre, 100 grages de muscade, 130 grages de girofle et 40 grages decannelle.

Le 10 octobre 1679, le vaisseau du Roy "Le Triomphant" revient àBrest, après avoir établi le commerce français aux Antilles; il apporte à LouisXIV le chocolat préparé avec le cacao des premières plantations antillaises.

En 1705, la charge de chocolatier de la reine est créée.Mme de Sévigné, dans les lettres à sa fille, raconte les mérites et les

désagréments du chocolat : "il vous flatte pour un temps, et puis vous allumetout d'un coup une fièvre continue qui nous conduit à la mort; ... la marquisede Coëtlogon prit tant de chocolat l'an passé, qu'elle accoucha d'un petitgarçon noir comme le diable, qui mourut !"

En 1720, il y a 3.650 pieds de cacaoyers à la Guadeloupe; en 1777, il yen aura 45.000.

En 1782, le corps des épiciers verse la somme de cent mille livres surcelles de cent cinquante mille que les six corps marchands offrent au roi pourla construction d'un navire de guerre, à la suite de la défaite essuyée, le 12avril, par le lieutenant-général de Grasse, au cours de la bataille navale qu'illivra aux Anglais, entre la Dominique et les Saintes, pendant la guerre del'indépendance américaine.

9 - Le mythe du bon sauvage - Le cannibalisme des Caraïbes ontbeaucoup marqué Christophe Colomb et ses marins. Le mot : cannibale vientdu nom caraïbe : “Cariba” ou “Caniba”, et en espagnol, cela s’écrit “caribales”,puis “cannibales”.

L’installation des Français aux Antilles, 140 ans après leur découvertepar Christophe Colomb, nous permet d’avoir une autre vision des Caraïbes,moins sinistre que celle de Christophe Colomb.

Nous reprenons le texte intégral de l’article du Dr Chatillon : “Le Mythedu bon sauvage”, paru dans la revue : “Parallèles” en 1966. :

En 1658, paraissait à Rotterdam “L'histoire naturelle et morale des

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Antilles” de César de Rochefort, pasteur protestant, qui fit plusieurs voyagesaux Antilles, dont il revient en 1650. Il a visité de nombreuses îles et est l’amidu Commandeur de Poincy gouverneur de l'île de St Christophe. Il fait uneexcellente étude des Caraïbes de près de deux cents pages, documentethnologique de la plus grande importance, car c'est une des meilleures étudesque nous possédions sur les Caraïbes.

L’Histoire Général des Antilles Françaises du R.P. DUTERTRE et leDictionnaire des Caraïbes du R.P. BRETON sont d’excellent témoignages de cepeuple.

Depuis peu (1993), nous connaissons le document de l’inconnu deCarpentras. Avec l’équipage du navire du Capitaine Fleury de Dieppe, il vécutainsi qu’une centaine de marins chez les Caraïbes, à réparer leur navireendommagé. Cela se passe à la Martinique quarante ans avant la colonisationfrançaise.

Les chroniqueurs espagnols de la conquête : Las Casas et Garsilaso de laVega ont fait une description très élogieuse des indiens, mais il s'agit avanttout de ceux qui formaient les civilisations avancées des Mayas, Aztèques etIncas.

Avec Jacques Cartier et Champlain se trouvèrent au contact de cescivilisations primitives du Canada.

Tous les récits de ces voyageurs insistent sur le fait qu'alors qu'ilss'attendaient à trouver ces infidèles dominés par le vice, ils constatent aucontraire chez eux des vertus naturelles manquant souvent aux vraischrétiens. Même leur anthropophagie est mise sur le compte de l'ignorance etils insistent sur le fait qu'il s'agit là d'une vengeance envers leurs ennemis.

Deux grands auteurs devraient en prenant la défense de ces sauvagesmenacés par les exactions des européens fonder ce mythe du Bon Sauvage.

Ronsard montre cette société sans morale, sans loi, sans gouvernementet défend ces hommes qui connaissent l'âge d'or et ne sauraient qu'être gâtépar ce que nous leur apporterions.

"Pauvre Vilgaignon, tu fais une grande fauteDe vouloir rendre fine une gente si peu cauteComme ton Amérique ou le peuple inconnuErre innocemment tout farouche et tout nuQui ne connaît les noms de vertu ni de vice."Montaigne, à son tour, au livre I des Essais dans le chapitre intitulé : Des

Cannibales s'attache à montrer que ces sauvages, s'ils ont des coutumes

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différentes des nôtres, nous sont par bien des côtés supérieurs. Quoiqu'il ensoit, notre jugement devrait tenir compte de la relativité historique de nosopinions.

A l'époque de la colonisation des Antilles, le sauvage américain avaitdonc été un thème littéraire très apprécié et il était naturel que le Caraïberentre à son tour dans cette lignée. César de Rochefort ne se cache pas danssa préface de recourir aux mêmes procédés que ces prédécesseurs.

"A l'exemple de Lery et Lescarbot, nous avons parsemé cet ouvrage deparallèles empruntées de divers pays et de divers peuples. Si certains ne lesconsidèrent pas comme des traits appartenant au dessin essentiel du tableau,ils les pourront regarder avec quelque plaisir comme des bordures de fleurs, defruits et d'oiseaux pour l'ornement de la pièce."

Voici sa vision des Caraïbes :"Les Caraïbes sont gens bien faits et proportionnés de leur corps, assez

agréables, la mine riante, large d'épaules et de hanches et presque tous enassez bon point et plus robustes que les français. Leur bouche estmédiocrement fendue et leurs dents sont parfaitement blanches et serrées. Ilsont aussi le front aplati, mais par artifice et non pas naturellement car leurmère leur presse à la naissance. Entre ceux du pays, on ne voit ni borgne, niaveugle ou qui ait de nature aucune infirmité."

Moralement, le portrait est aussi flatteur :"Les Caraïbes, dans leur naturel, sont d'un tempérament triste, rêveur

et mélancolique, la température de l'air contribuant à l'entretien de cettehumeur, mais ayant remarqué que cette fâcheuse constitution altère leursanté, ils font pour la plupart une telle violence à leur inclinaison, qu'ilsparaissent gais, agréables et enjoués, aussi ont-ils de la peine à souffrir lacompagnie des mélancoliques et ceux qui ont conversés souvent avec eux lesont toujours reconnus fort facétieux et fort soigneux de ne laisser écouleraucun sujet de rire."

Leur naturel au reste est doux et bénin et ils sont si ennemis de lasévérité que lorsqu'ils sont traités avec rigueur, ils en meurent souvent dedéplaisir.

Ce bon naturel leur vient du dédain des biens matériels et les chrétiensdevraient bien s'en inspirer.

"Ils nous reprochent souvent notre avarice et le soin déréglé que nousavons d'amasser des biens pour nous et nos enfants puisque la terre est sicapable de donner la nourriture à tous les hommes pourvu qu'ils veuillent

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prendre tant soit peu la peine de la cultiver. Aussi quant à eux, ils sontentièrement libres du souci des choses qui appartiennent à la vie etincomparablement plus gras et plus dispos que nous sommes. En un mot, ilsvivent sans ambition, sans chagrin, sans inquiétude, n'ayant aucun désird'acquérir des honneurs, d'amasser des richesses. Que s'ils vont à la chasse ous'ils abattent des arbres, pour faire un jardin, ils font tout cela sansempressement, par manière de divertissement et de récréation, en se jouant.Surtout, s'ils s'étonnent, quand ils voient que nous estimons tant l'or etdisaient : "voici le Dieu des chrétiens". Pour ceci, ils nous ont réduits enesclavage, nous ont chassés de nos demeures. Pour ceci, ils sont toujours eninquiétude, ils dérobent, ils blasphèment et il n'y a ni vilenie, ni méchanceté oùils se portent."

"Pour nos Caraïbes, quand ils voient les chrétiens tristes, ils sontaccoutumés de leur faire doucement la guerre (le reproche) en disant :Compère, tu es bien misérable d'exposer ta personne à de si longs et sidangereux voyages et de te laisser ronger à tant de soucis et de crainte. Lapassion d'avoir des biens te fait endurer toutes ces peines et tu n'es pasmoins en inquiétude pour le bien que tu as déjà acquis que pour ceux que turecherches encore. Ainsi tu vieillis en peu de temps, tes cheveux blanchissentet tu cours à grand hâte vers le tombeau; que ne méprises-tu les richessescomme nous."

Ce grand détachement des biens temporels explique qu'il n'y ait point devol.

"Ils ne sont point enclins de leur nature à dérober, ils vivent sansdéfiance les uns des autres tellement que leur maison et leur héritage sont àl'abandon sans porte, ni clôture.

"Tous les intérêts des Caraïbes sont communs entre eux, ils vivent engrande union et s'entraident beaucoup les uns les autres. Cet amour fait quel'on ne voit que fort peu de querelle et d'inimitié entre eux."

Leur nudité, qui aurait dû choquer notre pasteur calviniste, témoigne aucontraire de la pureté de leurs moeurs "ils vont nus entièrement hommes etfemmes et si quelqu'un voulait cacher les parties naturelles, il serait moquédes autres. Quand on leur reproche leur nudité, ils disent que nous venons nusau monde et que c'est folie de cacher le corps qui nous a été donné par lanature."

"Les jeunes hommes antillais ne fréquentent point de filles, ni defemmes, qui ne soient pas mariées et l'on remarque que les hommes sont

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d'ordinaire en ces pays-là moins amoureux que les femmes. Hommes etfemmes Caraïbes sont naturellement chastes et quand nos gens lesconsidèrent trop curieusement et se rient de leur nudité, ils sont accoutumésde leur dire : “Compère, il ne faut regarder qu'entre les deux yeux.” Vertudigne d'admiration en un peuple nu et barbare."

Ils savent pratiquer l'hospitalité la plus avenante."Ces sauvages, tout sauvages qu'ils sont ont de la civilité et de la

courtoisie, la plupart témoignent de la docilité et du jugement et ceux qui lesont pratiqués longtemps ont remarqués plusieurs traits d'amitié, dereconnaissance, d'honnêteté et de générosité."

Ils semblent donc vivre dans l'état d'innocence de l'homme avant lafaute, en dehors de ce qu'un psychiatre contemporain a appelé l'universmorbide de la faute.

"Ils ne savent pas le nom de plusieurs vices, mais les chrétiens en leur enapprennent que trop. Il n'y a point de mots qui réponde à celui de péché, maisil n'y en a point aussi qui exprime la vertu."

Assurément, il y a deux grandes ombres à ce tableau pour notrepasteur, leur plus grand crime est non seulement de ne pas connaître la vraiereligion, mais encore de la refuser.

"Quelqu'un d'entre les Caraïbes travaillant un jour le dimanche, MonsieurDumontel rapporte, qu'il lui dit : “Celui qui a fait le ciel et la terre sera fâché dece que tu travailles aujourd'hui car il a ordonné ce jour pour son service.” Etmoi, lui répondit le sauvage, “je suis fâché contre lui, car il n'a pas envoyé lapluie en son temps et a fait mourir mon manioc et mes patates par la grandesécheresse. Puisqu'il m'a si mal traité, je veux travailler tous les dimanchespour le fâcher."

"Quand on leur parle de l'essence divine et des mystères de la foi, ilsécoutent fort patiemment tout le discours, mais après qu'on a achevé, ilsrépondent comme par moquerie : “Compère, tu es fort éloquent, tu es mouchemanigat c'est-à-dire fort adroit, je voudrais aussi bien parler que toi, mais si jeme laisse persuadé à de tels discours, mes voisins se moqueront ."

Enfin leur cannibalisme ne pouvait que faire horreur à César deRochefort, cependant, il l'excuse en partie car il est répandu dans le mondeentier et il montre même que c'est pour eux la forme de l'extrême vengeance,il était difficile de lui demander de comprendre qu'il se trouvait en présenced'un cérémonial sacré au cours duquel la tribu en mangeant le prisonnieraccroît sa force et son courage.”

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Quoiqu'il en soit notre fréquentation ne les ont certaine-ment pasaméliorés.

"Depuis que les Caraïbes ont fréquentés avec les nations étrangères, ilsont beaucoup relâchés leurs anciennes pratiques et ont quittés plusieursfaçons de faire qui leur étaient auparavant inviolables. De sorte qu'ils setrouvent aujourd'hui en un notable changement de ce qu'ils étaient autrefois.Ce qui est arrivé est en partie de ce que nous les européens les ont déniaiséset en partie aussi de ce que nous les avons corrompus."

On ne saurait nier l'intérêt de cette étude de Rochefort qui prolongel'effort humaniste de la Renaissance en nous montrant dans ses ouvrages desêtres qui quoique très différents de nous n'en ont pas moins gardés les vertusnaturelles. Cette description devait susciter l'ironie du Père Dutertre, quidonne cependant une étude assez bienveillante des Caraïbes, mais nepardonnait pas ses plagiats à l'auteur.

"Je prie cependant le lecteur de m'excuser si je ne fais pas les Caraïbessi polis que le Sieur de Rochefort les a faits en quelque endroit de son livrepuisque je suivrais, en cela, le sentiment de ceux qui les ont fréquentés quim'ont protesté plusieurs fois, qu'ils ne les reconnaissaient plus dans lapeinture, qu'il en a faite."

Par contre, on ne trouve pas chez Rochefort, comme un siècle plus tardchez Rousseau et les philosophes, la volonté d'opposer l'état de nature àl'ordre social européen et ce n'est jamais chez lui une critique de la société,mais tout au plus un rappel aux mauvais chrétiens des vertus, qu'ils devraientpratiquer.

Assurément cette description peut apparaître comme un jeu littéraire etl'on sait que ces Caraïbes devaient en quelques années ou être massacrés ouêtre relégués à la Dominique, le système politique colonial exigeantl'occupation totale des terres cultivables comme le remarque le DocteurBangou dans son histoire de la Guadeloupe.

Cependant Aubert, Gouverneur de la Guadeloupe en 1640 et ami deRochefort à qui il a fourni des documents après les premières guerres avec lesCaraïbes menées par son prédécesseur L'Olive, avait réussi à établir une paixet d'excellentes relations avec ces Caraïbes qui malheureuse-ment ne devaitdurer que quelques années.

Si le mythe du Bon Sauvage n'eut donc des conséquences éphémèresaux Antilles françaises, par contre, il eut au moins à son actif, dès le XVI° etXVII° siècle, deux réalisations importantes.

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Las Casa après des années de lutte devait obtenir en 1537, une bullepontificale reconnaissant la nature authen-tiquement humaine des indiensd'Amérique texte peut-être aussi important dans l'histoire coloniale que, plustard, la déclaration des droits de l'homme.

C'est surtout l'ordre religieux le plus probe alors, qui prenant la défensedes indiens guaranis, pour les soustraire aux exactions des portugais, lesjésuites, qui fondent en 1610 la république des guaranis, indiens appartenant àla même souche que les Caraïbes. Cet état, objet de scandale pour le mondecolonial, a duré 150 ans et ne devait disparaître que grâce aux intriguesqu'avaient suscité sa réussite admiré même par les philosophes du XVIII° siècle.

Ces deux initiatives marquent bien que le sauvage n'a pas été seulementun thème littéraire, mais que des hommes d'action ont essayés de le sauvercontre les entreprises coloniales.

Enfin peut-être l'étonnement de Rochefort devant ces primitifs, qui setrouvant en dehors des vérités de la foi n'en sont pas moins souvent meilleursque nous explique-t-il le dernier avatar du mythe du Bon Sauvage : celui quirépondant à l'angoisse de notre monde moderne explique sa nouvelle fortunedans la littérature de Loti à Aléjo Carpentier.

Se sentant de plus en plus inadapté aux transformations dans le mondeduquel il vit, l'homme du XX° siècle se tourne vers les civilisations primitives oùil semble retrouver l'image d'un monde perdu et le contact avec l'inconscient.

Gauguin n'en est-il pas le meilleur exemple qui après sa première enfanceau Pérou recherche, d'abord en Martinique, puis en Polynésie, la solution à sonangoisse qu'il devait traduire dans la toile précédant son suicide :

"D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?"

10 - La Révolution Française à la Guadeloupe ou “O liberté, quecrimes on commet en ton nom !”

10.1 - Début de la Révolution et la perte des Iles - C’esten septembre 1789 que l’on connut à la Guadeloupe les grands événementsqui, en juillet, avaient changé la face du régime en France. La nouvelle causaun véritable délire. Le peuple s’empressa d’arborer la cocarde tricolore et il yeut dans les villes et les campagnes des fêtes populaires.

La révolte gagna toute la colonie. Les propriétés furent pillées,incendiées et les blancs massacrés. La désorganisation fut complète dans l’île.

Le 4 avril 1792, le roi Louis XVI signe un premier décret donnant auxnoirs libres et aux hommes de couleur le droit de vote. Puis le 28 mars 1792,

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l’Assemblée législative fait un premier pas vers l’émancipation des esclaves.Craignant en même temps des mouvements populaires, l’Assemblée

législative envoie aux Iles trois commissaires avec 12.000 hommes sous lesordres de Rochambeau pour la Martinique, Collot pour la Guadeloupe et Ricardpour Ste Lucie.

L’annonce d’une telle expédition causa une émotion extrême auxAntilles. Les rumeurs disaient que ces 12.000 hommes étaient desrévolutionnaires assoiffés de sang qui allaient tout mettre au pillage.

Cette division fut repoussée par les batteries de la rade de Fort deFrance, puis par les boulets du Fort St Charles à Basse Terre. L’expéditionretourna simplement en France.

Le 21 septembre 1792, la Convention, qui a succédé à l’Assembléelégislative, a aboli la Royauté et proclamée la République dans sa premièreséance. Les Gouvernements Généraux des îles décident de soutenir la Roi etrentrent en rébellion.

En Guadeloupe, les hommes de couleurs se retirent de l’Assembléecoloniale et à Pointe-à-Pitre, le 20 décembre 1792, la foule et les soldatsparcourent les rues avec le drapeau tricolore en réclament la République. LaMunicipalité se sépare du Gouverneur de de l’Assemblée coloniale.

Lacrosse, représentant de la République, arrive le 5 janvier 1793 àPointe-à-Pitre, où l’on fête la liberté, puis il passe ses pouvoirs à Collot,gouverneur nommé par la Convention.

La République doit faire face en Europe à la coalition de l’Angleterre, laPrusse et du Piémont; elle ne peut aider les colonies. Le 5 février 1794,l’amiral Jervis et le Général Sir Charles Grey se présentent devant la Martiniqueavec quatre vaisseaux, neuf frégates, plusieurs corvettes et galiotes. Le 23mars 1794, Rochambeau signait la capitulation et se rendait avec les 250hommes restant.

Le 9 avril, les Anglais débarquent aux Saintes et 12 au Gosier. Le FortFleur l’Epée est pris le lendemain et le 22 avril 1794, Collot capitule à Basse-Terre.

En février, Ste Lucie était prise et en un mois, les Anglais s’étaientemparés de nos colonies aux Antilles.

10.2 - Victor Hughes débarque à la Guadeloupe et remporte lavictoire de Pointe-à-Pitre - Robespierre décide de reprendre les îles auxAnglais et confie cette tâche à Victor Hughes, accusateur public à Rochefort

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et à Brest où il avait ordonné l’hécatombe des officiers et des marins del’Appolon.

Il quitte l’île d’Aix avec 1.153 hommes de troupes sur trois bateaux etarrive à la Désirade, le 2 juin 1794, où il apprend l’occupation de la Guadeloupepar 8.000 anglais, auxquels se sont joints 2.000 blancs. De plus, l’escadreanglaise (14 vaisseaux de ligne et 18 transports) de l’amiral Jervis estprésente.

Dans la nuit du 2 juin, les hommes débarquent à la Pointe des Salines etécrasent les anglais qui se retirent au Fort Fleur l’Epée. Mais Victor Hughess’empare du morne Mascotte, qui domine le fort (ancien fort).

Le 6 juin, par une nuit obscure il attaque avec 200 marins et enlève lefort à une heure du matin. L’ennemi épouvanté se retire au-delà de la RivièreSalée. Le Fort est aussitôt remis en état. Les trois bateaux français sous lesordres du contre-amiral Leissègues entre dans la rade de Pointe-à-Pitre ets’empare de 87 bâtiments de commerce anglais.

Avec le décret d’abolition de l’esclave du 4 février 1794, Victor Hughesest soutenu par les hommes de couleur, qui viennent renforcer ses troupes. Ilen a bien besoin, car la flotte anglaise bloque Pointe-à-Pitre et les troupesennemi tiennent toute la Basse-Terre.

La ville de Pointe-à-Pitre comptait alors 12.000 âmes, dont 4.000blancs, 3.000 hommes de couleur libres et 5.000 esclaves.

Tout le Petit Cul de Sac est en feu. Les Anglais tiennent les batteries deSaint Jean et du Morne Savon d’où ils bombardent la ville de Pointe-à-Pitre. Ilsont débarqué au Gosier ont repris le morne Mascotte et la bataille fait ragepour le contrôle du Fort Fleur l’Epée. Trois généraux français sont déjà tués :Aubert, Cartier et Rouyer. Il ne reste que 200 hommes sur les 1.153 audépart. Dans la ville de Pointe-à-Pitre, les hommes sont réduit à défendre leMorne du Gouvernement.

Dans la nuit du 1er au 2 juillet 1794, les Anglais bombardent la villependant huit heures, puis attaquent en trois colonnes. Le combat est difficilepour les Français. Soudain, une formidable explosion se fait entendre. Parmégarde, des soldats anglais ont mis le feu à un dépôt de poudre. Le dépôt asauté en tuant plusieurs officiers anglais. C’est le signal d’une panique et lecommencement de la déroute. Les Anglais fuient vers la Place Sartines(aujourd’hui place de la Victoire) en criant : “La ville est minée”.

Boudet et le capitaine d’artillerie Pélardy rassemblent les hommesdisponibles. Ils descendent du morne, se précipitent sur l’ennemi, le mettent

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en déroute, capture son artillerie et le poursuivent jusqu’à sesretranchements.

Les Anglais ont perdu 475 hommes, dont 25 officiers, parmi lesquels legénéral Gown, commandant en second et le capitaine de vaisseau Robertson.Le Général Symes, commandant en chef de l’attaque, est blessé. Il y a en plus400 autres blessés et 300 prisonniers.

Dans la nuit, l’amiral Jervis décide de rembarquer ses troupes de Grande-Terre pour le transporter au camp de Berville.

Deux cents Français et quelques recrues inexpérimentées ont remportéune brillante victoire sur deux mille Anglais. Mais il reste à vaincre le reste destroupes anglaises et les colons alliés qui tiennent l’île de Basse-Terre.

10.3 - La victoire totale et l’exécution des colons - VictorHughes n’a plus de généraux, il nomme le capitaine Pélardy, général de divisionet commandant en chef et il donne au chef de bataillon Boudet, le grade degénéral de brigade. Il fait recruter 2.000 hommes noirs et de couleur, qui sontrapidement formés pour le combat.

L’ennemi est regroupé au camp de Berville, en face de Pointe-à-Pitre, del’autre côté de la Rivière Salée, où se trouve maintenant la zone industrielle deJarry. Les Anglais tirent nuit et jour sur la ville et les Français à court demunitions ne peuvent pas répondre.

Le Général Grey, convaincu que la famine et la fièvre jaune ne tarderontpas à forcer les Français à se rendre, décide à cause de l’hivernage et lacrainte des cyclones, de retourner avec ses vaisseaux à la Martinique.

Dès son départ, Victor Hughes décide d’aller attaquer les Anglais dansleur camp. Il forme trois colonnes. La première avec Pélardy doit débarquer àGoyave pour attaquer les ennemis à gauche. La seconde avec Boudet doitattaquer, à partir du Morne à l’Eau, sur la droite, le camp de Berville. Latroisième commandée par Bures, chef de bataillon attaque au centre.

Le 26 septembre au point du jour, l’attaque générale commence.Pélardy parvient au Petit-Bourg et tombe à l’improviste sur l’ennemi. Il lesculbute, tue 140 hommes et s’empare de la Pointe à Bacchus où 3 officiers et160 hommes sont faits prisonniers. Les Français trouvent des vivres et desmunitions, dont 160 barils de poudre. Les canons de la batterie sont pointéssur deux bateaux anglais qui sont contraints de s’éloigner après avaries.

Boudet bouscule les troupes des colons de M. de Richebois et traverseBaie-Mahault et dresse son camp face à Berville.

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Bures, qui a traversé la Rivière Salée et mis l’ennemi en fuite, varejoindre Boudet; le 28, le camp de Berville est complètement cernée. Le 29,Boudet attaque sans reconnaissance des lieux. L’ennemi écrase les Françaisdans un défilé où ils sont entassés. 400 hommes, l’élite des troupes restentsur le champ de bataille. Les républicains cèdent du terrain, mais Pélardy lerejoint la nuit avec 300 hommes.

L’émmigré de Richebois propose à Graham, qui refuse, de faire unetrouée dans l’armée républicaine et de se rendre dans la ville de Basse-Terre,où le Général Prescott, qui a des forces considérables, ne bouge pas.

Le 6 octobre, le général Graham dont les troupes sont décimées par lafièvre jaune, fait demander un armistice. Hughes exige la capitulation queGraham accepte. Les Anglais se retirent sur leurs vaisseaux, en abandonnantleurs alliés colons, aux républicains.

Les colons sont au nombre de 865. Hughes en choisit 365 qui sontfusillés aussitôt. Le Général Graham assista à l’exécution de ses alliés colons.Le 7 octobre, les 500 autres sont conduits le long du fossé de la batterie duMorne Savon, attachés par groupe de cinq. Ils sont hachés par les canons, lesblessés sont jetés à la mer.

Mais le Général Prescott tient toujours la ville de Basse-Terre. Le 11octobre Pélardy part en avant-garde. Les Anglais évacuent la ville et seretirent dans le fort Saint Charles, avec 800 hommes. Dès le 20 octobre,Pélardy fait tirer sur le fort en attendant des renforts.

Dans la nuit du 19 au 20 novembre, les Anglais s’embarquent sur uneescadre de quatre vaisseaux, qui ont mouillés sous le fort. Il ne restait plusqu’à libérer Marie-Galante, ce qui fut fait le 27 novembre.

10.4 – Le gouvernement de Victor HUGHES – Selon Lucien-RenéAbenon dans “Petite histoire de la Guadeloupe” : Après sa victoire, VictorHughes était le maître de l’île. Alors qu’en France, après la mort deRobespierre, la Terreur s’adoucissait, elle régnait en maîtresse dans l’île. Laguillotine faisait chaque jour de nouvelles victimes. On pourchassait les colonsinsurgés qui s’étaient réfugiés dans les montagnes, pour les exécuter.Beaucoup ne durent la vie qu’à l’émigration et il est certain que cette époquemarqua profondément la population blanche de la colonie.

Le départ des colons posa le problème de leurs biens. Victor Hughesdécida de les mettre sous séquestre et en confia la garde à ses partisans quien profitèrent pour s’enrichir facilement. Le proconsul s’appuyait sur une

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armée où Noirs et Blancs vivaient de conserve. Il n’avait pas hésité à décorerdu grade d’officier les Noirs qui arrivaient à la tête de leur troupe.

La dureté de la répression que Victor Hughes exerça sur les colonsdécima les familles et fit naître des haines inexpiables qui resurgiront par lasuite.

Sous le Gouvernement de Victor Hughes, les 2/3 des colons furentexécutés, la colonie ne se releva pas de cette saignée.

Le Directoire sous la pression des Anglais et des Américains décida dese débarrasser de son encombrant représentant. Le 5 juin 1798, il fut destituéet remplacé par le général Desfourneaux.

Quelques années plutard, il sera chargé du rétablissement de l’esclavageen Guyane, tâche dans laquelle il excella.

10.5 – Les corsaires de la Guadeloupe : Victor Hugues sut aussiorganiser la course contre les Anglais et cela rapporta aussi beaucoupd’argent. Les corsaires guadeloupéens réalisèrent des centaines de capturesentre 1795 et 1801.

Ces marins n’avaient que de petits bâtiments. Ils causèrent des pertessérieuses aux Anglais, malgré la flotte de guerre basée à la Barbade, quicomprenait 31 bâtiments de guerre, portant ensemble 1.412 canons.

Le Gouverneur de Curaçao ayant favorisé la capture d’un corsaireguadeloupéen par les Anglais, ses amis décidèrent de venger cette perte. Ilsattaquèrent et pillèrent Curaçao, qu’ils occupèrent pendant sept mois. Furieux,les Etats-Unis déclarèrent la guerre à la France et s’associèrent aux Anglaispour anéantir les corsaires guadeloupéens. Cette lutte se faisait entre lespetits navires corsaires et de puissants vaisseaux de guerre.

• Les principaux corsaires de la Guadeloupe : La liste complète de cescorsaires a disparu des archives, mais certains noms sont restés : Langlois ditJambe de Bois, Vida, Grassin, Giraud-Lapointe, Facio, Vilac, Pierre Gros,Augustin Pillet, Ballon, Mathieu Goy, Joseph Murphy, Lamarque, Laffitte,Dubas, Christophe Chollet, Perendreaux, Petrea, le mulâtre Modeste et AntoineFluet.

• Les prises des corsaires de la Guadeloupe : Voici l’état de prises faitessur les Anglais, par les corsaires de la Guadeloupe ou par les bâtiments armésdu Gouvernement, de 1795 jusqu’à la fin janvier 1810, époque de la prise dela colonie par les Anglais :

- Nombre de corsaires : 175- Nombre de prises : 700 navires anglais,

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- Produit brut des prises : 29.521.687,28 livres

• Antoine Fluet dit Capitaine Moëde : Dans l’excellent livre de Sainte-Croix de la Roncière : “Victor Hughes”, nous avons relevé ce texte :

“Le plus illustre des corsaires de la Guadeloupe est Antoine Fluet,surnommé “Capitaine Moëde”, à la suite d’un combat mémorable. Il revenaitsur son bateau “La Thérèse” ayant enlevé à l’ennemi une quantité de petitsbarils pleins d’or et de “moëdes” (pièce d’or portugaise).”

“Près de la Guadeloupe, un brick anglais lui barra la route. Malgré soninfériorité, Fluet accepta le combat et fit tirer sabord après sabord, son maîtred’équipage allant de canon à canon pour faire le pointage. Trente cinq hommesà la mousqueterie avaient devant eux des piles de fusils tout chargés, quifaisaient un feu continu. Vingt-cinq Noirs étaient occupés à monter les bouletsdu magasin et à les entasser dans les caissons. Fluet, à la barre, dirigeait lamanœuvre et évitait les bordées anglaises. Après sept heures de combat, iln’avait plus de boulets, or l’ennemi était désemparé, les voiles en pantenne etplusieurs vergues brisées. Fluet commanda : “Qu’on défonce les barils et qu’oncharge les canons avec les pièces d’or, et, sous cette mitraille dorée, couronsà l’abordage.”

“Les barils ouverts, les canonniers bourraient leurs pièces de ces“moëdes”, qu’ils envoyaient à l’ennemi. À l'abordage, tous les Anglais furenttués et les marins crièrent : “Vive le capitaine Moëde.”

“Fluet entra triomphalement dans la rade de Pointe-à-Pitre traînant à laremorque le brick de guerre anglais. De la coque, on tira mille huit cent treizeécus et plus de trois cents autres pièces d’or dans le corps des Anglaismorts.”

“Antoine Fluet a été le plus important des corsaires du Consulat et del’Empire et ses bénéfices dans les prises furent considérables :

- Six corsaires armés par lui, avaient fait 29 prises dont la valeur totalebrute a été de 7.146.456 livres coloniales et nette de 6.088.216 livres.”“Napoléon fit de lui le premier décoré de la légion d’honneur de laGuadeloupe.”

• Autres exploits des corsaires : Toujours dans le livre “Victor Hughes”de Sainte-Croix de la Roncière, nous relevons :

“En 1807, le corsaire Général Ernouf enlève à l’abordage le cutteranglais Barbade, portant 49 hommes et 10 canons de 18. Puis il s’empare dubrick anglais Elisabeth, armé de 14 canons de 6, portant 24 hommesd’équipage et chargé de 176 esclaves. Il ramène ces deux prises à Pointe-à-Pitre.”

“En 1807, le bateau corsaire La Revanche du capitaine Vidal, se batcontre le brick anglais Le Curieux, armé de plusieurs pièces de 36 et portant

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120 hommes d’équipage. Le brick prend la fuite et rentre à la Barbade,désemparé, ayant perdu son capitaine, son second et plusieurs hommes. Àbord de La Revanche, il n’y a que deux tué et 13 blessés. En 1808, le mêmecorsaire prend un bâtiment anglais armé de 16 canons de 4, portant 28hommes et chargé de 208 esclaves.”

“En août 1806, l’Austerlitz, en croisière le long des côtes du Venezuela,rencontre le bâtiment de guerre anglais Le Prévost, commandé par unlieutenant de vaisseau et armé de 12 pièces de canon. Il l’attaque et après uncombat d’une heure, enlève le navire à l’abordage.”

“Le 15 juillet 1804, le capitaine Lamarque avec 75 hommes à son bordet des canons de 6 livres, rencontre la corvette anglaise Lily portant 16canons de 12 et 105 hommes d’équipage. Lamarque ménage bien son feu ettue beaucoup d’Anglais et fait des avaries majeures au navire qu’il prend àl’abordage. Il le conduit à Basse-Terre.”

10.6 - De l’Empire à la Seconde République - Selon Lucien-RenéAbenon, le coup d’état du 18 Brumaire modifia le paysage. Bonaparte voulaitrestaurer l’industrie sucrière. Il était convaincu que le seul moyen pour yparvenir était de faire renaître l’ancien état de chose. Pour lui l’esclavagefaisait partie intégrante du monde colonial.

Le mouvement révolutionnaire était passé sur la Guadeloupe comme unevague de fond. Il ne restait plus qu’un milliers de Blancs contre plus de 13.000en 1789.

Une seconde vague de fond déferla, mais sur les Noirs, avec son cortègede sang. En 1801, Bonaparte nomma Lacrosse, comme capitaine général, legénéral Lescallier comme préfet colonial et le sieur Coster comme commissaireà la justice.

Cinq mois après son arrivée, Lacrosse avait contre lui les mulâtres dePointe-à-Pitre, les troupes se mutinèrent et offrirent le pouvoir au généralmulâtre Pélage, qui avait derrière lui toute la colonie. Il refusa un pouvoirrévolutionnaire, mais favorisa le départ de Lacrosse.

Dès la signature de traité d’Amiens, la France récupéra la Martinique etdécida de maintenir l’esclavage. Pour reprendre la Guadeloupe, une expéditionfut confiée au général Richepance.

Après son débarquement, les troupes noires furent désarmées, Pélagefut mis à l’écart et une dure répression s’annonça. Certains officiers noirs lecomprirent et décidèrent de s’opposer par les armes au coup de force qui sepréparait. Ils quittèrent donc Pointe-à-Pitre et se réfugièrent à Basse-Terre.Delgrès, Ignace, Codou, Palème, Noël Corbet étaient donc bien décidés à

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résister aux forces françaises. Delgrès et Ignace se trouvèrent au Fort StCharles où ils furent assiégés par les troupes de Richepance auxquelles s’étaitjoint Pélage. Les insurgés, face à des forces très supérieures, ne pouvaient pasfaire grand chose. Le 10 mai 1802, ils adressèrent une lettre publique àl’opinion française où ils affirmaient mourir pour la liberté.

Le fort, intenable, fut évacué après de durs combats. Ignace se réfugiaavec ses troupes près de Pointe-à-Pitre. Il fut littéralement balayé sur le sitede Baimbridge par les canons de ses adversaires. Ceux des siens qui purents’échapper furent tous exécutés.

Delgrès s’était retranché sur les hauteurs de Basse-Terre. Sur le pointd’être pris à l’habitation Danglemont, il se fit sauter avec plusieurs centainesde ses compagnons le 28 mai 1802. Leur mort montra que le peupleguadeloupéen n’acceptait pas avec résignation le sort qui lui était fait; certainsavaient préféré la mort à la servitude.

Une répression féroce s’abattit sur les insurgés, dont un très grandnombre furent exécutés. Les fugitifs se réfugièrent dans les bois. On organisale corps des coureurs des bois, pour mieux les atteindre. Pélage lui-même futemprisonné, puis déporté en Floride.

On proclama le rétablissement de l’ancien système colonial, quimaintenait l’esclavage.

La Guadeloupe ne s’est jamais relevé des excès de Victor Hughes etceux de Richepance. Une grande saignée parmi les Blancs, puis une grandesaignée parmi les Noirs, pour revenir à un système inhumain, qui relevait del’ancien régime, que la Révolution avait aboli. Encore quelques années et aprèsWaterloo en 1815, les Bourbons seront de retour. La restauration sera aussivalable pour les Métropolitains.

10.7 - L’abolition de l’esclavage – Selon Lucien-René Abenon, laproclamation soudaine de la Seconde République (24 février 1848) permitl’abolition rapide de l’esclavage le 27 avril 1848.

Aux Antilles, l’agitation des esprits était telle qu’il ne fut pas possibled’attendre passivement la nouvelle. A la Martinique, une émeute se produisitau Prêcheur et déferla sur St Pierre. La maison Desabaye, où s’étaient réfugiésplusieurs Blancs, fut incendiée et 32 occupants brûlés vifs le 22 mai. Pouréviter les troubles, le gouverneur Rostoland prit sur lui de proclamer l’abolitionle lendemain.

En Guadeloupe, les choses se passèrent plus calmement, mais pour les

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mêmes raisons, le gouverneur Layrle mit fin le 27 mai à deux sièclesd’esclavage. L’insurrection ouverte avait forcé les autorités de la Martinique àagir et, sans attendre, la Guadeloupe avait suivi le même chemin dans uneatmosphère enthousiaste et passionnée.

Maintenant que la liberté était acquise, restait à savoir ce qu’on allait enfaire. Il fallait d’abord donner une identité complète à ceux qui venaientd’échapper à la servitude. Une commission d’état-civil fut constituée pourouvrir de nouveaux registres, où les esclaves qui n’avaient qu’un prénom,furent dotés d’un nom. Beaucoup de nouveaux citoyens gardèrent ceux dontils s’étaient servis jusqu’alors, se contentant d’y adjoindre un prénom.Quelques-uns, pour éviter les homonymies trop fréquentes, choisirentd’accoler deux prénoms ensembles. On eut aussi beaucoup recours à dessurnoms, à des sobriquets qui se retrouvent encore actuellement d’une façonassez courante. Il arriva que certains prirent simplement les noms de leursmaîtres, ce qui s’expliquait parfois par des filiations qui, pour être officieuses,n’en avaient pas moins un haut degré de probabilité.

Comment allait vivre ceux qui venaient d’être libérés de la servitude ?Beaucoup n’avaient guère le goût du travail de la canne qui leur rappelait tropleur situation antérieure. Le travail agricole était discrédité pour longtemps auxAntilles. Les villes étaient encore incapables d’abriter la grande majorité deshabitants de l’île.

L’abolition ne donna pas lieu à des mouvements migratoires trèsimportants. Une partie notable de la population resta sur les domaines où elleavait toujours vécu. Elle n’entendait nullement abandonner les cases où elledemeurait, et les jardins à vivres concédés par les maîtres et considéréscomme leurs biens propres par ceux qui les détenaient. Dans la plus grandepartie des cas, les maîtres durent s’incliner.

Il fallait pourtant continuer à cultiver la canne et promouvoir pour celade nouvelles relations entre les cultivateurs et les colons. On décida d’avoirrecours à l’association, les travailleurs signant avec le planteur un contrat oùils s’engageaient à cultiver ses champs de cannes. Les bénéfices de la ventedu sucre seraient partagés en parts. Un certain nombre allaient au propriétaire,d’autres aux contremaîtres ou aux géreurs et le restant était partagé entre lesouvriers. Beaucoup de travailleurs s’estimèrent lésés en fin de contrat. Ilsn’avaient aucun moyen de contrôler les chiffres que leur avançait lepropriétaire. Ils perdirent confiance dans le système, d’autant qu’ils nepouvaient être payés qu’en fin de contrat et qu’il leur fallait alors vivre à

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crédit. Le système d’association, inadapté, disparut très vite.On recourut alors au colonage partiaire. Le colon recevait une petite

exploitation agricole et la cultivait en cannes, puis il apportait sa récolte aupropriétaire ou à l’usine. Il était payé proportionnellement à sa production. Cetype de contrat fut le plus communément adopté car il présentait l’avantaged’accorder aux travailleurs une certaine indépendance, d’autant mieux acquiseque la crise sucrière s’accentuait, ruinant bon nombre de propriétaires malgréles indemnités accordées lors de la suppression de l’esclavage. Beaucoupfurent obligés de vendre leurs terres à des entreprises métropolitaines quivoyaient les choses de plus loin que ceux qui détenaient séculairement le solde la colonie. Le système des travailleurs casés fut aussi parfois adopté. Onlaissait ceux-ci bénéficier de leur case et de leur jardin à condition qu’ilstravaillent sur la terre de leur patron.

Toute une transformation sociale était en marche. Elle allaitprofondément marquer la colonie. L’aristocratie des planteurs avait étédurement touchée par l’évolution économique et sociale; elle ne cessa dedécliner. Une petite paysannerie noire se créait à la périphérie des grandsdomaines sucriers, entre les grands colons déclinants et la masse des ouvriersagricoles, un groupe social était en formation avec lequel il fallait compter.Enfin le personnage de l’usinier prenait chaque jour une importance croissante.

Bientôt il fallut élire les représentants de l’île. Les hommes de couleurdéfendaient leurs idées. De nombreux clubs s’ouvrirent comme en France. Ilsjouèrent un rôle important dans la désignation des deux candidats à ladéputation : Schoelcher et Perrinon.

Les colons désignèrent l’un d’eux : Charles Dain, avocat de Basse-Terre,issu d’une vieille famille de l’île, qu’une brochure publiée en 1835, “L’abolitionde l’esclavage”, permettait de considéré comme relativement modéré.Finalement, les colons se rallièrent aux candidatures de Perrinon et de Dain.

Le 22 août les élections eurent lieu. Les résultats furent les suivants :Perrinon 19 233 voix, Schoelcher 13.038, Dain 10.196. Louisy Mathieu etWallon furent élus suppléants avec respectivement 11.632 et 11.588 voix.Schoelcher avait été plébiscité; il était au comble de sa popularité et toute lapopulation de couleur lui savait gré de son passé d’abolitionniste. Comme ilavait été élu en même temps à la Martinique, il décida d’opter pour cettedernière île. Il céda alors sa place à Louisy Mathieu qui devint ainsi le premierreprésentant noir de la colonie.

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10.8 - Le Second Empire - Selon Lucien-René Abenon, sous leSecond Empire, l’Assemblée vota en 1850, une aide de 30 millions pourindemniser les colons dépossédés. Finalement, la commission de l’Assembléeproposa le versement immédiat de 6 millions en espèces sur lesquels 3 millionsseraient prélevés pour la création des comptoirs d’escompte.

Cette solution avait l’avantage d’apporter des liquidités immédiate, alorsque le prix du sucre continuait à décliner. Les colons guadeloupéens reçurent1.947.105 francs pour 86.946 esclaves libérés. Le capital des rentes, allouéesà titre d’indemnité, se montait à 38.949.303 francs.

En 1851, une nouvelle Banque de la Guadeloupe voyait le jour, soncapital était constitué du huitième des fonds accordés pour l’indemnisation.

Le Second Empire favorisa l’évolution économique de la Guadeloupe. Lesystème bancaire se révéla positif de même que l’indemnité accordée auxcolons et l’immigration indienne. Une nouvelle génération d’usines sucrièrescentrales vit le jour.

“Jusqu’en 1860, les usines manipulaient leurs propres cannes pour enobtenir du sucre par des procédés d’une technique assez rudimentaire ... Lesusines centrales qui étaient destinées à travailler la récolte de plusieurspropriétés représentaient un progrès technique important ... La centralisationdiminuaient considérablement le prix de revient, permettait une meilleurefabrication” selon J. Adélaïde.

10.9 - La Troisième République - Selon Lucien-René Abenon, leproblème le plus préoccupant de la Guadeloupe était à nouveau celui du sucre.La crise, qui s’était estompée sous le Second Empire, reprenait de la vigueur.Le problème n’était pas la production qui passait de 39.000 tonnes en 1879 à49.000 tonnes en 1888, mais celui de la baisse continuelle du prix du sucre.__________________________________________________Années Prix au quintal Prix de vente du

payé au producteur quintal__________________________________________________1877 55,77 67,911878 41,86 59,971879 35,13 52,831880 45,23 58,981881 43,37 58,281882 41,45 56,70

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1883 41,45 50,561884 42,72 39,54__________________________________________________

La conjoncture sur le marché international s’assombrissait. désormais, laFrance produisait plus de sucre de betterave qu’elle n’en consommait.

Beaucoup de colons se retirèrent après avoir vendu leur terre. Lesjournaux de l’époque sont remplis d’acte de vente d’habitations sucrières.

Le Crédit Foncier Colonial parvint ainsi à réaliser de fructueusesopérations et s’appropria, d’après M. Chemin Dupontès pour 3.972.780 frs deterre à la Guadeloupe, alors qu’il n’en détenait que 87.079 frs à la Martinique.Les capitaux français, contrairement à ce qui se passait dans l’île soeur où lesbékés surent rester maîtres de l’économie du pays, acquirent une place dechoix dans l’économie guadeloupéenne. En 1907, la Compagnie Sucrière dePointe-à-Pitre, auparavant dominée par Ernest Souques, passait sous lecontrôle de capitaux métropolitains et devenait la SIAPAPA, regroupant l’usineDarboussier, 26 habitations et 8.000 hectares de terrain. Progressivement,d’autres usines subirent le même sort. La SIAPAP s’appropria de : Darboussieret Blanchet; la Société Sucreries Coloniales : Marquisat et Bonne-Mère; laSociété de Beauport : Beauport et Port-Louis; la Société du Centre de laRetraite : La Retraite. Les békés martiniquais se rendaient maîtres desusines de Courcelles, de Gardel et du Comté de Lohéac. Présents dès lesorigines de la colonie dans l’île, les Blancs-Pays guadeloupéens avaient traverséla Révolution, mais succombaient devant la crise sucrière.

L’émergence des Noirs et la montée du mouvement socialiste sont deuxphénomènes conjoints. Dès l’origine l’élément noir a souffert de sa maîtriseinsuffisante du français. Longtemps on a considéré que, pour participer à la viepolitique, il convenait de posséder une bonne connaissance de la langue. Ilfallait même en rajouter; les discours du temps sont remarquables par leuraspect fleuri et redondant qui exclut d’ailleurs pas toujours les impropriétés etles fautes de syntaxe. Or ce discours politique fut longtemps impraticable pourdes gens non scolarisés. La langue d’expression populaire était le créole jugéindigne d’exprimer les réalités des luttes politiques. Toutefois, les conquêtesscolaires et la lutte contre l’alphabétisation amenèrent chaque jour denouveaux citoyens à s’intéresser davantage au fait politique.

Hégésippe Légitimus, fils d’un marin pêcheur, avait été élève au LycéeCarnot à Pointe-à-Pitre. Après sa terminale, il a fondé le Comité de la Jeunesse

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Républicaine Socialiste. Dès les élections de 1892, il fut une menace pourAuguste Isaac. En 1894, son parti s’empara des mairie de Ste Rose, de Gosier,du Lamentin et de l’Anse Bertrand. En 1898, les élections législatives allaientpermettre au nouveau parti de s’imposer définitivement.

Puis son parti se divisa et Achille René Boisneuf devint un concurrent.Son mouvement politique se situait au confluent de plusieurs tendances : leradicalisme, le socialisme et l’anti-cléricalisme. Gratien Candace, qui parvint àse faire élire à Basse-Terre en 1910, était un spécialiste de l’agriculturecoloniale.

Alors que le socialisme déclinait en Guadeloupe, Boisneuf devint maire dePointe-à-Pitre, puis Président du Conseil Général et Député de la Guadeloupe,avec Candace comme un des leaders essentiels de la vie politique locale.

Le Syndicat des Fabricants de Sucre, créé par Ernest Souques (usineDaboussier), regroupait toutes les usines. Petit à petit, ce mouvement gagnales petits planteurs et les colons, puis les ouvriers agricoles. Le syndicalismefut d’abord agricole, car l’activité industrielle était limitée.

Le 15 juillet 1889 fut votée une loi étendant le service militaire auxcolonies anciennes, mais elle ne fut appliquée que tardivement que le 19octobre 1913, par le départ des premiers conscrits vers la métropole.

10.10 - L’époque contemporaine de 1914 à nos jours - SelonLucien-René Abenon

1 - Développement, puis contingentement - La guerre de 1914-1918 retarda les échéances économiques, car les régions betteravièresétaient devenues le théâtre des opérations militaires. Les productions de sucreet d’alcool ayant été réduites en France, celles des colonies se développèrent :

__________________________________________________1913 1915 1917 1919 1921

__________________________________________________En milliers delitres de rhum 2.887 1.829 2.900 3.854 5.000

N.B. - Le rhum et l’alcool servent de base à la fabrication des explosifs.La guerre de 1914 allait pourtant marquer la colonie de manière plus

tragique. La Guadeloupe eut 11.021 mobilisés, 8.700 envoyés au front et1.470 morts.

Comme il fallait permettre à l’agriculture française de se relever et,

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peut-être, lutter contre l’alcoolisme qui avait progressé depuis le début duconflit, on décida par la loi du 31 décembre 1922, de limiter à 160.000 hld’alcool pur les importations de rhums coloniaux. Les quota suivants furentimposés : 80.000 hl pour la Martinique, 60.000 hl pour la Guadeloupe et18.000 hl pour la Réunion.

Une fois de plus la Guadeloupe était défavorisée par rapport à laMartinique et la Guyane complètement oubliée. Chaque usine sucrière etchaque distillerie obtient un quota précis.

2 - Le cyclone de 1928 - Le terrible cyclone du 12 septembre 1928eut des incidences graves dans tous les domaines de la vie de la colonie. Lequotidien “Nouvelliste” rapporte : “Un sinistre sans précédent vient d’apporterdans la colonie la ruine et le deuil. Dans la matinée du 12, un cyclone d’uneviolence extrême s’est abattu sur la Guadeloupe et en moins de deux heurestoutes les communications, toutes les routes ont été détruites, les culturesdévastées et la mort a frappé de nombreuses personnes. Dans cesdouloureuses circonstances, le gouverneur adresse à la population de laGuadeloupe les condoléances les plus émues du gouvernement et de Monsieurle Ministre des colonies.”

Le cyclone commença le mardi 11 septembre vers 11 heures du matin,le paroxysme a été noté le mercredi 12 septembre vers 14 heures et la fin lejeudi 13 septembre vers 12 heures.

Toutes les communes de l’île furent plus ou moins détruites. Partout ondécomptait les morts : 2.000 environ. Les neuf dixième des maisons étaientendommagés, sans toits, sans fenêtres, délabrées comme après unbombardement. d’autres complètement détruites formaient un amas dedécombres. Les usines étaient détruites, les troupeaux décimés, les récoltesdétruites et les habitations anéanties.

La Guadeloupe avait été durement frappée. Il fallut l’aide de la France,pour refaire surface. Le cyclone de 1928 resta longtemps gravé dans lesmémoires.

La vie économique en fut très affectée. La récolte de sucre qui s’étaitélevée à 32.000 tonnes en 1928 (récolte de février à mai) tomba à 2.300tonnes en 1929, pour remonter à 26.300 tonnes en 1930.

3 - La guerre 1939-1945 - La Guadeloupe se trouva dans la guerrede 1939, sans bien se rendre compte du cours des événements. Le nouveau

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gouverneur Constant Sorin a été très controversé. Chargé de maintenir l’ordreau cours d’une période difficile, il l’a fait sans états d’âme excessifs. Ils’appuyait sur la Jeanne d’Arc (navire école en temps de paix et croiseur decombat), aux ordres du contre-amiral Rouyer, lui-même placé sous ladépendance de l’amiral Robert, qui siégeait à Fort de France. Ces amirauxreprésentaient l’Etat vichyste. Le gouverneur de la Guadeloupe fut le jouet desévénements que nul ne pouvait dominer. On a dit qu’il s’inquiétait du sort deses beaux parents israélites demeurés en France et c’est la raison pour laquelleil demeura dans l’obédience vichyste alors qu’il aurait eu la velléité de se rallierà la France libre. Comme l’amiral Robert, il symbolise pour la Guadeloupe unepériode ambiguë au cours de laquelle le pays hésitait sur la voie à suivre.

Dans les premiers temps du conflit, une grande partie de la populationde l’ile se rallia au maréchal Pétain. Sa personnalité tutélaire et paternalistesymbolisait assez bien les liens traditionnels qui unissaient la colonie à lamétropole.

Le gaullisme eut du mal à s’implanter. C’est après la déclaration deguerre des Etats-Unis que les Antillais saisirent la portée de la résistancegaulliste. Dorénavant, la dissidence prit un sens. Pour prendre part à la luttecontre l’Allemagne nazie, il fallait aller à la Dominique, pour s’engager.

Malgré les dangers de la traversée du canal de la Dominique, environ5.000 antillais quittèrent la Guadeloupe et la Martinique, pour partir en fraude.Arrivée à destination, ils étaient pris en mains par les services de la FranceLibre.

L’île ne pouvait qu’être durement affectée sur le plan économique parles événements. Elle fut soumise à un blocus particulièrement rigoureux. D’unepart, les bateaux qui faisaient le commerce transatlantique se faisaient rares;d’autre part, les Anglais et les Américains n’hésitaient pas à arraisonner lesbateaux qui leur paraissaient suspects. En quelques mois, la Guadelouperenoua avec la situation des temps de blocus qu’elle avait tant de fois connue.Impossibilité d’exporter le sucre et la banane qui constituaient les principauxproduits de son agriculture. Impossibilité de se fournir en denrées alimentairesde consommation courante qui, en grande partie, lui venaient de France.L’économie de l’île était ruinée, car il lui était impossible de vendre oud’acheter quoi que ce soit.

Un nouvel état d’esprit, inventif, anima certains qui tirent parti desressources locales trop souvent négligées. On mélangea l’essence, avec del’alcool de cannes. Le savon fut fabriqué avec de la noix de coco. On en revint

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au manioc et on refit cuire des cassaves pour remplacer le pain. On mangeabeaucoup le fruit de l’arbre à pain. On mangea des bananes vertes cuitescomme légumes, que l’on appelait “ti-bandit” ou “ti-sorin” (petit bandit oupetit sorin, du nom du gouverneur), car ce légume est assez indigeste. Onutilisa la toile des sacs pour faire des vêtements, on créa des sandales enherbes tressées, etc ...

En mars 1943, la Guyane passa à la France Libre. La tension montaitdans les îles, la population avait définitivement viré de bord. Le 14 juillet1943, l’amiral Robert abandonnait la partie et nouveau haut commissaire pourles Antilles venait d’être nommé. Le Gouverneur Sorin s’embarqua avecquelques fidèles sur le “Terrible” pour Porto-Rico. La Guadeloupe adhérait à laFrance Libre et entrait dans la guerre à côté des Alliés.

La guerre avait été, pour la Guadeloupe, une période de dure privation.Tout manquait car le pays dépendait de la Métropole, pour une grande partiedes vivres et la totalité des produits manufacturés. Mais la population a eu lasagesse d’être rester calme, malgré la défaite de la France et la tempête quibalayait l’ensemble de l’Europe. Le Gouverneur Sorin obligea les agriculteurs àdévelopper sur 10% de leurs surfaces cultivables, soit des culturesmaraîchères, soit des cultures particulières (arachide pour faire de l’huile, etc).La consommation des cocos était réservée aux fabricants de savon, etc ...

Ces contraintes, mal comprises pendant la guerre, ont permis à lapopulation de manger. Après la guerre, j’ai entendu les agriculteurs remercierle gouverneur Sorin (lors de son passage en Guadeloupe en 1963) : “Nous nevous aimions pas pendant la guerre, mais avec le travail, nous avons d’abordmangé, puis nous nous sommes ensuite enrichi. Aujourd’hui, nous vousremercions ...”

5 - L’après guerre - La Guadeloupe sortit de la guerre dans desconditions relativement enviables. Alors que des pays entiers avaient étédévastés et comptaient leurs morts (50 millions pour l’ensemble de la guerre),l’île n’avait connu que des petites privations, mais rien n’avait changé parrapport à l’avant-guerre.

Les élections, qui suivirent la Libération, amena la victoire des socialisteset des communistes aux Antilles.

La loi du 18 mars 1946 qui apportait la départementalisation auxanciennes colonies, fut très bien accueilli à la Guadeloupe. La France, ruinéepar la guerre, ne pouvait en faire plus. Aussi, le changement ne se fit que très

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longuement. Il fallut attendre le retour au pouvoir du Général de Gaulle, pourque la V° République fasse un important programme de réformes.

L’arrivée au pouvoir de Fidel Castro attisa les illusions. Un mouvementrévolutionnaire le GONG apparu en 1964, prêt à recourir au terrorisme, pourfaire émerger des solutions radicales.

En 1967, un simple incident déclencha une émeute à Basse-Terre, puisdeux mois plus tard à Pointe-à-Pitre. Le procès remua l’opinion, malgré lespeines légères, qui frappèrent les accusés. Les événements suscitèrent unregain du mouvement révolutionnaire qui prit une forme clandestine etrecourut au terrorisme. La Guadeloupe devint l’ïle où l’on posait des bombes.Les attentats se multiplièrent avec leur cortège de dégâts et de victimes,fauchant parfois les terroristes eux-mêmes infiltrés par les policiers. Tout celacréa à la Guadeloupe une atmosphère bien particulière et lui forgea uneréputation de violence et d’activisme révolutionnaire.

L’industrie sucrière est expirante et la production bananière est touchéepar une grave polution. Le rhum vivote.

L’île est trop petite pour avoir une culture extensive, les cyclonesréguliers freinent la mise en place d’infrastructures vulnérables.

Il ne reste guère que le tourisme comme réel espoir, grâce à la baissedes tarifs aériens. Les infrastructures sont lourdes, mais elles résistent assezbien aux cyclones. Les îles ont le soleil et la chaleur toute l’année, de trèsbelles plages, sans danger. La population est accueillante et parle le français.

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SOMMAIRE

1 – Les Précolombiens1.2 – Avant les Caraïbes1.2 - La migration des Calibis1.3 - L'installation victorieuse des Caraïbes

2 - De COLOMB à D'ESNAMBUC2.1 - L'arrivée de Christophe Colomb aux Iles2.2 - Le second voyage de Christophe Colomb et découverte

de l'île de la Guadeloupe2.3 - Les Espagnols aux Antilles2.4 - La guerre entre les Espagnols et les Caraïbes2.5 - L'arrivée des autres Européens2.6 - Les Français dans les îles

3 - L’arrivée des premiers colons3.1 - L'arrivée des premiers colons en Guadeloupe3.2 - La Guadeloupe à l'arrivée des premiers colons en 16363.3 - Les Caraïbes et les premiers colons3.4 - L'apport des Caraïbes aux premiers colons3.5 - La première guerre des colons avec les Caraïbes3.6 - Nouvelle guerre avec les Caraïbes3.7 - La paix et la disparition des Caraïbes3.8 - Les premières années de la colonie3.9 - Les grands Blancs3.10 - Les 36 mois ou petits Blancs3.11 - Les femmes

4 - L’organisation coloniale

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4.1 - Le contexte général4.2 - Le Gouvernement4.3 - La justice au début de la colonisation4.4 - Les bâtiments publics et particuliers4.5 - La communication4.6 - Le colon et la capitation4.7 - La répartition des terres4.8 - La dépendance vis-à-vis de la Martinique4.9 - Un aveu toujours d’actualité

5 - La Compagnie des Indes Occidentales5.1 - Une idée fausse5.2 - La création de la Compagnie des Indes-Occidentales5.3 - Le privilège du pavillon français

6 - L’esclavage6.1 - Les débuts de l'esclavage6.2 - Le "Code Noir"6.3 - L'église et l'esclavage6.4 - La lourde responsabilité de l'Ancien Régime6.5 - La première révolte à Capesterre6.6 - L'esclavage, la résistance et la répression6.7 - Les sources du préjugé de couleur6.8 - La destruction du système esclavagiste6.9 – L’esclavage persiste de nos jours

7 - La route des esclaves7.1 – Trafic des esclaves7.2 – La route des esclaves7.3 - Les ravages du trafic

8 - La guerre des épices8.1 - Pourquoi les épices ? 8.2 - Un commerce très ancien8.3 - La lutte entre la Croix et le Croissant pour la maîtrise du

commerce des épices8.4 - Les conséquences des routes des épices8.5 - Les épices et la Guadeloupe

9 - Le mythe du bon sauvage1 – Les Précolombiens

1.2 – Avant les Caraïbes

Page 70: 1 - Les Précolombiens · vivaient le long du Bas-Orénoque, franchirent le delta de ce fleuve, où ils rencontrèrent les Méso-Indiens. Ils apprirent les techniques de la pêche

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1.2 - La migration des Calibis1.3 - L'installation victorieuse des Caraïbes

2 - De COLOMB à D'ESNAMBUC2.1 - L'arrivée de Christophe Colomb aux Iles2.2 - Le second voyage de Christophe Colomb et découverte

de l'île de la Guadeloupe2.3 - Les Espagnols aux Antilles2.4 - La guerre entre les Espagnols et les Caraïbes2.5 - L'arrivée des autres Européens2.6 - Les Français dans les îles

3 - L’arrivée des premiers colons3.1 - L'arrivée des premiers colons en Guadeloupe3.2 - La Guadeloupe à l'arrivée des premiers colons en 16363.3 - L'apport des Caraïbes aux premiers colons3.4 - La première guerre des colons avec les Caraïbes3.5 - Nouvelle guerre avec les Caraïbes3.6 - La paix et la disparition des Caraïbes3.7 - Les premières années de la colonie3.8 - Les grands Blancs3.9 - Les 36 mois ou petits Blancs3.10 - Les femmes

4 - L’organisation coloniale4.1 - Le contexte général4.2 - Le Gouvernement4.3 - La justice au début de la colonisation4.4 - Les bâtiments publics et particuliers4.5 - La communication4.6 - Le colon et la capitation4.7 - La répartition des terres4.8 - La dépendance vis-à-vis de la Martinique4.9 - Un aveu toujours d’actualité

5 - La Compagnie des Indes Occidentales5.1 - Une idée fausse5.2 - La création de la Compagnie des Indes-Occidentales5.3 - Le privilège du pavillon français

6 - L’esclavage6.1 - Les débuts de l'esclavage

Page 71: 1 - Les Précolombiens · vivaient le long du Bas-Orénoque, franchirent le delta de ce fleuve, où ils rencontrèrent les Méso-Indiens. Ils apprirent les techniques de la pêche

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6.2 - Le "Code Noir"6.3 - L'église et l'esclavage6.4 - La lourde responsabilité de l'Ancien Régime6.5 - La première révolte à Capesterre6.6 - L'esclavage, la résistance et la répression6.7 - Les sources du préjugé de couleur6.8 - La destruction du système esclavagiste6.9 – L’esclavage persiste de nos jours

7 - La route des esclaves7.1 – Trafic des esclaves7.2 – La route des esclaves7.3 - Les ravages du trafic

8 - La guerre des épices8.1 - Pourquoi les épices ? 8.2 - Un commerce très ancien8.3 - La lutte entre la Croix et le Croissant pour la maîtrise du

commerce des épices8.4 - Les conséquences des routes des épices8.5 - Les épices et la Guadeloupe

9 - Le mythe du bon sauvage10 - La Révolution Française à la Guadeloupe ou “O liberté, quecrimes on commet en ton nom !”

10.1 - Début de la Révolution et la perte des Iles10.2 - Victor Hughes débarque à la Guadeloupe et remporte la

victoire de Pointe-à-Pitre10.3 - La victoire totale et l’exécution des colons10.4 – Le gouvernement de Victor HUGHES

10.5 – Les corsaires de la Guadeloupe10.6 - De l’Empire à la Seconde République10.7 - L’abolition de l’esclavage10.8 - Le Second Empire10.9 - La Troisième République10.10 - L’époque contemporaine de 1914 à nos jours