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UNE CONCLUSION ous voici arrivés au terme de ce voyage dans le temps et dans l´es-pace. » Je ne suis pas mécontent de cette belle phrase, qui peut parfaitement servir de métaphore pour notre vie d´homme, laquelle est un long voyage parmi les différentes expériences de la condition humaine. Nicolas Juan, mon cher fils, et vous mes chers descendants, si vous me lisez, sachez qu´en une vie normale nous avons droit à quelques moments d´exaltation, une part raisonna-ble de bonheur, pas mal d´ennui, des moments de désespoir, un bon nombre de douleurs, physiques ou émotionnelles, et beaucoup de travail. Malheureusement, et c ´est ce qui m´a toujours paru mal fait dans la nature, qui finalement n´est pas si bien organisée que ça, les bons moments ont généralement lieu dans la première partie de la vie : enfance, amour, projets, réalisations… Et les mauvais moments ont plutôt tendance à avoir lieu dans la deuxième partie : deuils, déceptions, mala-dies, vieillesse, mort… Et cela pourrait nous laisser sur l´impression pénible que la vie est mauvaise lorsque nous la quittons, puisqu´elle se fait de plus en plus pe-sante jusqu´à sa fin inévitable. J´y ai beaucoup pensé depuis la triste fin de Juan VÁSQUEZ et depuis la mort d´Isabelle, mais je suis arrivé à la conclusion que pen-ser cela est ne voir qu ´une toute petite partie de la vie, la très petite partie qui nous correspond. Or, la vie est bien au-dessus de nous puisqu´elle continue après nous. Isabelle disait toujours qu´elle n´avait pas peur de la mort, puisqu ´elle avait été heureuse, et qu´elle voulait que je sois heureux après sa mort, et que je me rema-rie. Si donc, dans une circonstance quelconque, un ou plusieurs de vous, mes des- cendants, deviez traverser une série d ´épreuves et vous laisser aller à des mo- ments de découragement, j´aimerais vous léguer, pour que vous puissiez appré-cier la «N 422

10 - Histoire de Ta Famille. Une Conclusion

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Un essai sur la famille Boulaine, plutôt un livre, dont la conclusion est ici. Un peu philosophique et rempli de petits clins d´œil à l´histoire.En français, pour tous ceux qui ont envie d´exercer un peu cette belle langue.

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Une conclusion

UNE CONCLUSION N

ous voici arrivs au terme de ce voyage dans le temps et dans les-pace. Je ne suis pas mcontent de cette belle phrase, qui peut parfaitement servir de mtaphore pour notre vie dhomme, laquelle est un long voyage parmi les diffrentes expriences de la condition humaine. Nicolas Juan, mon cher fils, et vous mes chers descendants, si vous me lisez, sachez quen une vie normale nous avons droit quelques moments dexaltation, une part raisonna-ble de bonheur, pas mal dennui, des moments de dsespoir, un bon nombre de douleurs, physiques ou motionnelles, et beaucoup de travail. Malheureusement, et cest ce qui ma toujours paru mal fait dans la nature, qui finalement nest pas si bien organise que a, les bons moments ont gnralement lieu dans la premire partie de la vie: enfance, amour, projets, ralisations Et les mauvais moments ont plutt tendance avoir lieu dans la deuxime partie: deuils, dceptions, mala-dies, vieillesse, mort Et cela pourrait nous laisser sur limpression pnible que la vie est mauvaise lorsque nous la quittons, puisquelle se fait de plus en plus pe-sante jusqu sa fin invitable. Jy ai beaucoup pens depuis la triste fin de Juan VSQUEZ et depuis la mort dIsabelle, mais je suis arriv la conclusion que pen-ser cela est ne voir quune toute petite partie de la vie, la trs petite partie qui nous correspond. Or, la vie est bien au-dessus de nous puisquelle continue aprs nous. Isabelle disait toujours quelle navait pas peur de la mort, puisquelle avait t heureuse, et quelle voulait que je sois heureux aprs sa mort, et que je me rema-rie. Si donc, dans une circonstance quelconque, un ou plusieurs de vous, mes des-cendants, deviez traverser une srie dpreuves et vous laisser aller des mo-ments de dcouragement, jaimerais vous lguer, pour que vous puissiez appr-cier la vie sa juste valeur, et pour que vous puissiez vous hisser au-dessus de votre destin particulier, quatre uvres dart qui mont beau-coup aid: un film, une peinture, une nouvelle et une musique.

Le film, si vous pouvez le trouver, sappelle Shadowlands, distribu par Warner Bros., avec Anthony HOPKINS et Debra WINGER. Il ra-conte le destin authentique dune divorce amricaine et dun professeur anglais de luni-versit dOxford, C.S. LEWIS. Ce qui commen-ce comme des relations littraires continue comme un mariage de convenance qui volue en un mariage damour et finit en tragdie quand elle meurt dun cancer. Quelque temps avant sa mort, dans un moment de rmission, ce couple va se promener la campagne et connat un moment de bonheur. Et elle le pr-vient, comme Isabelle ma prvenu, quelle va bientt mourir, et quil lui faudra se souvenir de ce moment, car le bonheur quil ressent main-tenant et la peine quil aura au moment de sa mort ne sont en fait que les deux faces de la mme ralit. A la fin du film, il pleure avec le fils quelle lui a laiss, et rpte les mmes paroles: la peine de maintenant fait partie du bonheur dalors: cest le march que la vie nous propose.

La peinture, cest Lallgorie du printemps de Sandro BOTTICELLI que vous pouvez voir en-dessous. Elle a t peinte en 1478, pour dcorer la villa quavait Lorenzo di Pierfrancesco de MDICIS prs de Florence. Elle a t inspire par un pome de POLIZIANO, Stanze per la giostra, qui avait t compos pour cl-brer la victoire dans une joute de Giuliano de MDICIS, frre de Laurent de MDI-CIS le Magnifique, et qui tait lui-mme inspir par deux vers de LUCRCE et une strophe dHORACE. Le tableau reprsente, droite, Zphyr, dieu du vent. Il sou-tient son amante Cloris et souffle sur elle, et elle se transforme en Flora, la desse du printemps, vtue dune tunique vaporeuse orne de fleurs dont elle sort des fleurs quelle distribue dans la prairie. Au centre, Vnus gnitrix enceinte, surmon-te dun Cupidon qui envoie une flche droit vers le cur de lune des trois Gr-ces qui sont gauche, et qui sont Agla, Euphrosyne et Thalie. Celle qui est vise est Agla, reprsente sous les traits de Simonetta VESPUCCI, la bella Simo-netta, pouse dun cousin germain dAmerigo VESPUCCI, le voyageur florentin qui a donn son nom lAmrique. Simonetta tait la plus belle femme de son temps, et elle tait lamante de Giuliano, qui apparat lextrme-gauche du ta-bleau sous lapparence du dieu Mercure. Simonetta et Giuliano taient le couple idal de la Renaissance, mais un couple tragique, car Simonetta est morte de consomption, cest dire de tuberculose, en 1476, lge de 22 ans, et Giulia-no a t assassin dans la Cathdrale de Santa Maria del Fiore de Florence, le jour de Pques de 1478, lors de la conspiration des PAZZI. Le tableau est donc un hommage un couple disparu prmaturment, et une idalisation de ce couple par son association avec un couple mythologique, le couple Flora-Zphyr, qui nest au-tre que lun des nombreux avatars dun couple mythique que lon retrouve tout au long de lhistoire depuis les anciens Egyptiens, et aujourdhui dans le conte de la Belle au Bois Dormant et de son Prince charmant. Cest en fait un trs vieux conte, beaucoup plus profond quil ne pourrait sembler premire vue, puisquil rend compte du cycle de la vie et de la mort. Dans le conte originel, avant quil nait t dulcor par Charles PERRAULT, la Belle est viole dans son sommeil et rendue enceinte, et elle se rveille en donnant naissance au printemps. Cest en fait une transposition du cycle de lhiver et du printemps, et de la faon comme la nature, endormie pendant lhiver, mais grosse de promesses, se rveille au printemps et donne naissance la vgtation et donc la vie. Ce tableau, fait aprs la mort de Giuliano, est donc une affirmation du triomphe de la vie sur la mort, car, mme si les individus et les gnrations disparaissent, la vie refleurit toujours sous dautres formes.

La nouvelle, cest Dsespoir est mort de VERCORS. VERCORS, qui sappe-lait en fait Jean BRULLER, est devenu clbre grce son rcit Le silence de la mer, qui a aujourdhui perdu de son impact, bien quil ait t vot parmi les 50 livres les plus importants du XX sicle. A mon avis, Dsespoir est mort bien que tout autant le produit de son poque, est plus intemporel, et atteint luniver-salit. Il dcrit labattement qui saisit des militaires franais aprs la dbcle de 1940, et lincident minuscule qui leur rend courage. Voici la fin de la nouvelle:

Cest alors que nous vmes venir les quatre petits canetons.

Je les connaissais. Souvent javais regard lun ou lautre, lune ou lautre de ces trs comiques boules de duvet jauntre, patauger, sans cesser une seconde de couiner dune voix fragile et attendrissante, dans les caniveaux ou la moindre flaque. Plus dune fois, lun deux mavait ainsi aid vivre, un peu plus vite, un peu moins lourdement, quelques-unes des minutes de ces interminables jours. Je leur en savais gr.

Cette fois, ils venaient tous quatre la file, la manire des canards. Ils venaient de la grande rue, claudicants et solennels, vifs, vigilants et militaires. Ils ne cessaient de couiner. Ils faisaient penser ces dfils de gymnastes, portant orgueilleusement leur bannire et chantant fermement dune voix trs fausse. Jai dit quils taient quatre. Le dernier tait le plus jeune, - plus petit, plus jaune, plus poussin. Mais bien dcid ntre pas trait comme tel. Il couinait plus fort que les autres, saidait des pattes et des ailerons pour se tenir la distance rglementaire. Mais les cailloux que ses ans franchissaient avec maladresse mais fermet for-maient, pour lui, autant dembches o son empressement venait se buter. En vrit, rien dautre ne peut peindre fidlement ce qui lui arrivait alors, sinon de dire quil se cassait la gueule. Tous les six pas, il se cassait la gueule et il se relevait et repartait, et sempressait dun air martial et angoiss, couinant avec une profusion et une ponctualit sans faiblesse, et se retrouvait le bec dans la poussire. Rare-ment ai-je assist rien daussi comique. Ainsi dfilrent-ils tous les quatre, selon lordre immuable dune parade de canards, et, toujours couinant, tournrent-ils le coin de la ruelle. Et nous vmes le petit, une dernire fois, se casser la gueule avant de disparatre. Et alors, voil, RANDOIS nous mit ses mains aux paules, et il sappuya sur nous pour se lever, et ce faisant il serra les doigts, affectueuse-ment, et nous fit un peu mal. Et il dit:

- A la soupe! Venez. Nous en sortirons.

Or, ctait cela justement que je pensais: nous en sortirons. Oh! Je mentirais en prtendant que je pensai ces mots-l exactement. Pas plus que je pensai alors prcisment des sicles, dinterminables priodes plus sombres encore que celle-ci qui sannonait pourtant si noire; ni au courage dsespr, lopinitre-t surhumaine quil fallut quelques moines, au milieu de ces meurtres, de ces pillages, de cette ignorance fanatique, de cette cruaut triomphante, pour se passer de main en main un fragile flambeau pendant prs de mille ans. Ni que cela valait pourtant la peine de vivre, si tel devait tre notre des-tin, notre seul devoir dsormais. Certes, je ne pensai pas prcisment tout cela. Mais ce fut comme lorsquon voit la reliure dun livre que lon connat bien.

Comment ces quatre petits canards, par quelle voie secrte de notre esprit nous menrent-ils dcouvrir soudain que notre dsespoir tait pervers et strile? Je ne sais. Aujourdhui o je mapplique crire ces lignes, je serais tent dima-giner quelque symbole, la fois sduisant et facile. Peut-tre naurais-je pas tort. Peut-tre, en effet, inconsciemment pensai-je aux petits canards qui dj devaient dfiler non moins comiquement sous les yeux des premiers chrtiens, qui avaient plus que nous lieu de croire tout perdu. Peut-tre trouvai-je quils parodiaient as-sez bien, ces quatre canetons fanfarons et candides, ce quil y a de pire dans les sentiments des hommes en groupe, comme aussi ce quil y a de meilleur en eux. Et quil valait de vivre, puisquon pouvait esprer un jour extirper ce pire, faire refleurir ce meilleur. Peut-tre. Mais il se pourrait plus encore que, tout cela, je le dcouvrisse seulement pour les besoins de la cause. Au fond, jaime mieux le mystre. Je sais, cela seul est sr, que cest ces petits canards dlurs, martiaux, attendrissants et ridicules, que je dus, au plus sombre couloir dun sombre jour, de sentir mon dsespoir soudain glisser de mes paules com-me un manteau trop lourd. Cela suffit. Je ne loublierai pas.

La musique, cest le 3 mouvement de la sonate N 31 en la bmol majeur op. 110, de Ludwig van BEETHOVEN. Cest un chef duvre absolu, une des plus belles musiques qui existent, et elle nous transmet un message dfinitif. Mon interprte favori, pour lcouter, cest Claudio ARRAU. Jai assist un concert de Claudio ARRAU, et jen garde le souvenir. Ce soir-l, il a jou surtout du LISZT. Ctait quelques mois avant sa mort, il tait vieux, il tait malade, et on se deman-dait si, comme le petit canard, il nallait pas tomber de son sige et se casser la gueule. Mais, comme le petit canard, il na pas renonc et a jou, et je nai jamais entendu un pianiste comme lui. Il na pas jou cette sonate, et cest dommage, car lui-mme tait lillustration parfaite de son message, que je vais essayer de vous expliquer maintenant. Pour cela, il faut dabord analyser la structure de la pice. Elle est compose de sept lments qui sont lintroduction, le premier arioso, la premire fugue, le deuxime arioso, la transition, la deuxime fugue, et le final. Je vous indique les temps dans linterprtation de Claudio ARRAU, qui dure 1117:

Voyons maintenant le sens de ces mots, et lenchanement des lments. Lin-troduction, comme son nom lindique, sert introduire la pice, et BEETHOVEN y use dun procd qui est comme sa signature, la rptition dune note, la, 28 fois (dans la partition; lcoute, cela semble beaucoup moins). Et il remet a au dbut du 1 arioso, avec 19 mi bmol successifs. Le terme arioso est driv daria, une mlodie accompagne dans lopra. Larioso est similaire, gnralement plus lyrique, disons plus triste. Dans cette sonate, BEETHOVEN renforce cette impres-sion en lui donnant le titre darioso dolente. La fugue est lexercice de compo-sition classique par excellence, qui consiste prendre un thme musical et le traiter selon des rgles trs prcises qui dveloppent, selon des procds dimita-tion, un contraste entre un sujet, ou antcdent, et une rponse, ou consquent, qui peut tre parallle, contraire, asymtrique, rtrograde Cela peut sembler scolaire, mais maints chefs duvre ont t produits ainsi. Une fugue culmine toujours en forme ascen-dante, mais ici, au mo-ment o devrait venir sa conclusion, la musique se dsintgre, retombe, et larioso revient, mais avec quelques change-ments dans le rythme et dans les silences qui le rendent plus pathtique. La transition, comme son nom lindique aussi, sert passer dun lment un autre, en ce cas grce la rptition, dix fois et en crescendo, de lac-cord de sol majeur, sol-si-r, arpg ensuite. De l on repasse la fugue, mais inverse, et si le fi-nal en la bmol majeur est ascendant comme doit ltre le final tradi-tionnel dune fugue, ce nest plus le contrepoint habituel des fugues mais quelque chose dentirement nouveau (pour couter cette musique, voir page 428).

Maintenant, voyons ce que BEETHOVEN veut nous dire avec cette musique. Il nous a laiss dans la partition une quantit dinformations, avec des instructions trs dtailles sur la faon dont il voulait quon joue ce troisime mouvement, com-me tu peux voir sur la page 426 o je te reproduis les premires mesures, qui vont jusquau dbut du premier arioso. Cela montre bien quil voulait nous dire quelque chose de trs spcifique.

En fait, il nous donne l une mtaphore de sa vie. Dans lintroduction, les notes rptes expriment une image qui tait devenue presque une obsession pour lui, celle de quelquun qui frappe la porte (comme dans le clbre exemple du dbut de la 5 symphonie). Si lon sait quil avait pens au suicide car il souffrait beau-coup de sa surdit, quil stait repli sur lui-mme et stait littralement enferm dans sa souffrance, cette obsession pour cette image traduit bien son isolement et son dsir den sortir. Et elle lui permet de nous ouvrir la porte sur son univers int-rieur. Le premier arioso nous rvle ses souffrances en une sorte de confession. Avec la fugue, il cherche ensuite la consolation dans la musique, mais la peine est trop forte et il retombe dans son dsespoir avec le deuxime arioso. La transition est dramatique, elle suggre sa mort avec laccord de sol majeur qui est comme le glas qui sonne pour son enterrement. Mais vient ensuite la deuxime fugue avec son final triomphant qui nous montre comment BEETHOVEN triomphe de ses peines et de son destin et atteint limmortalit, grce sa musique certes, mais aussi grce lexemple de volont quil nous laisse.

Pour rsumer, quel est donc ce message que je vous transmets? Que bonheur et malheur sont indissociables, que la vie refleurit toujours, quil faut conti-nuer transmettre mme dans les moments dabattement, et quil faut tou-jours faire preuve de volont et dnergie, car cette volont et cette nergie qui nous permettent de surmonter et de mpriser les obstacles sont la vie mme, et elles nous assurent limmortalit. Car immortels sont les tres hu-mains, et aussi les petits canards, qui ont su, contre vents et mares, faire ner-giquement leur longue et lourde tche.

Cette leon vaut bien un fromage, sans doute.

Cuman, 8 mai 2002.

Post-scriptum: Comme vous le dit le titre, ceci est une conclusion, mais ce

nest pas la conclusion. Il ne tient qu vous dajouter des

chapitres cette histoire et de les crire. Le troisime mouvement de la sonate N 31 op 110 en La bmol majeur de BEETHOVEN, interprte par Claudio ARRAU, est enregistr partir dun disque o il joue les trois dernires sonates de BEETHOVEN (avec la N 30 op. 109 en Mi majeur et la N 32 op. 111 en Ut mineur), sonates qui nous jettent brusquement dans un autre monde, cette zone tonnante des dernires annes de BEETHOVEN. Quoique si vous voulez mon avis personnel, Claudio ARRAU na pas su mettre dans la sonate op 111 tout ce que sait y mettre Alfred BREN-DEL, qui est la rfrence absolue pour couter lariette. Je continue vous trans-crire ce que dit Lucien REBATET (qui tait un horrible facho mais qui savait deux ou trois choses en musique) sur les trois dernires sonates de BEETHOVEN. Au cours des sonates op. 109 et 110, quelques formules traditionnelles tentent un retour, mais pour tre aussitt balayes par les rythmes imprieux, rageurs, ou le grand souffle du cantabile, landante de lop. 109 tant particulirement mouvant. Et comment ne pas signaler au moins, parmi tant de beauts, les variations de cet-te sonate, et le chapitre autobiographique de lop 110, compos aprs la maladie de 1821, que dit larioso mourant, auquel succde le raidissement de la volont, le retour vainqueur la vie, le condens de toute une existence? Mais linsur-passable chef-duvre reste lariette quelle ironie cache dans ce terme dop-ra-comique! de lop. 111, le thme le plus suave, le plus immatriel de toute la musique, que BEETHOVEN prcipite dans la cataracte des variations, do elle revient, encore plus ineffable, par une coda qui est une transfiguration. Lop. 111 na que deux mouvements. Rien naurait pu succder la sublime ariette. Ce nest plus seulement la fin de la 111 mais de toute la sonate de piano. BEETHO-VEN la reue des mains de HAYDN et de MOZART, rgulire, un peu grle, lgante avec ses alter-nances de bonne com-pagnie. Au cours de vingt annes il la change en pomes dune telle den-sit que sa forme, aprs lui, naura plus de sens. SCHUMANN sy essaiera encore quelquefois, et ce ne seront pas ses gran-des pages. LISZT nen fera quune seule exp-rience, sans pouvoir se dpartir de sa veine rhap-sodique. CHOPIN bapti-sera sonates deux suites de pices sans liens. Ensuite, il ny aura plus gure sous ce nom que de lacadmisme, ou alors des musiques dune toute autre essence.

Il a t construit pour eux des portes et des demeures,

Mais elles sont tombes en ruine.

Leurs pierres tombales sont couvertes de poussire

Et leurs tombes sont oublies.

Mais leur nom est toujours prononc

A cause des livres quils ont crits.

Sois un crivain, place cela en ton cur .

Livre de connatre le mode dexistence de R.

Intr 1 1 2 Transition 2 Final

Arioso Fugue Arioso Fugue

x 28 x 19 x 10 sol la bmol

la mi bmol majeur majeur

0 1.35 3.56 6.22 8.22 8.41 8.56 9.58 11.17

F I N

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