11 Recettes Pour Le d Veloppement Durable Oct 08

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developpement durable

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  • 111 recettes pour le dveloppement durable

    Proposes par Dominique Bidouwww.db-dd.org

    Eloge de la recette

    Les meilleurs cuisiniers utilisent des recettes. Celles de leurs grand-mre, ou cellesquils rapportent de leurs voyages. Une recette, cest une piste, un espoir de platnouveau, alliant des saveurs en un savant mlange. Il y a une infinit de recettes, quitraduisent des savoir faire, des cultures, des sensibilits.

    La cuisine est un art, qui sexprime dans des situations trs varies : chez soi, dansdes grands restaurants, la cantine. La satisfaction quelle procure est partage entrele cuisinier et les convives : il faut leur plaire, connatre leurs gots, les faire voluer.Les recettes constituent une aide pour le cuisinier, une source dinspiration. Bien sr,il ne les suit pas la lettre, il prend du recul, les recompose en fonction de sa propresensibilit, il y met tout son talent. Avec la mme recette, deux chefs diffrents fontdeux plats bien diffrents. Les ingrdients indiqus apportent la base, mais lescarottes nont pas la mme saveur selon leur provenance, le producteur, le march oon se les procure. Et puis il y a quantit de condiments, dherbes, de petites chosesque lon ajoute et qui ne figurent dans aucune recette. Le tour de main, ensuite, lamanire de prparer les plats, de les cuire, et ensuite de les prsenter. Parlonsmaintenant du repas, compos base de recettes : la diversit des plats successifsrenforce celle du menu, sans parler du pain, de la boisson : les eaux comme le vin ontleur personnalit. Non, les recettes nentranent pas luniformit, si les cuisiniers sont la hauteur !

    Il en est de mme du dveloppement durable. Une affaire complexe, comme lacuisine, faire partager du plus grand nombre, chacun avec sa personnalit, sesgots, ses inhibitions. Il ny a pas quun chef, mais le plus souvent plusieurs chefsdont les autorits se superposent, se conjuguent, sopposent parfois. Pour syretrouver, et progresser sur la bonne voie, la recette peut tre bien utile. Il sagit defaciliter la tche des protagonistes. Leur viter de tout chercher alors que biendautres avant eux ont t confronts aux mmes problmes. Les mmes problmes,dans des contextes diffrents, avec des partenaires ou des oppositions propres chaque situation. Comment commencer ? Par o prendre le bb ? Il est biencommode davoir recours des recettes, prouves si possible, qui peuvent aider ouvrir la discussion avec les parties prenantes , les personnes concernes parlaffaire qui sengage. Des recettes qui jalonnent des tapes franchir pour sorientervers le dveloppement durable.

  • 2Tout comme le bon cuisinier, il faut juste comprendre le sens de la recette, il fautsavoir linterprter, ne pas en devenir lesclave ni lotage. La recette donne des ides,guide laction, mais nempche pas de penser ni de discuter (bien au contraire), et nese substitue pas au pilote. La recette applique btement, la lettre, sansimagination, ne donne rien de bon ni en cuisine ni en dveloppement durable. Ellepeut cependant contribuer lapprentissage des intresss, leur permettre de prendrela mesure des insuffisances des approches trop rigides et uniformes. Elle leurdonnera envie daller au-del, voire de commettre quelques transgressions, qui leurouvriront de nouveaux horizons.

    Amorons ce recueil de recettes en rappelant limportance du bel ouvrage, le travailsrieux, bien fait. On est parfois surpris, quand on examine certaines oprationsexemplaires, par la banalit de la dmarche suivie. On a respect les rglestraditionnelles, on ne sest tout simplement pas fait de concessions. On a pos lesquestions avant dy rpondre, on a identifi les enjeux avant de se fixer des objectifs,on sest donn les moyens de faire ce que lon a dcid, on a refus de tricher lapremire difficult. On appelle a du bon sens, et cen est assurment, maislexprience montre bien quil nest pas spontan, quil demande un effort et de larigueur.

    Parfois, on choisit de garder la mmoire des tapes franchies, dcrire ce que lon fait,pourquoi on le fait, etc. On formalise ce cheminement, cette progression, de manire pouvoir ensuite revenir sur la dmarche, la comprendre, la critiquer, lamliorer,capitaliser et crire de nouvelles recettes pour soi-mme ou dautres personnes.Certains appellent a des dmarches de progrs.

    On peut saider de mthodes, de recettes dj crites par dautres, ou produites pardes instances collectives, o de nombreux acteurs auront apport leur point de vue.Ca fait gagner du temps, mais cela ne dispense jamais de la rflexion sur la maniredont cette mthode sapplique dans le cas despce. Ces mthodes doivent stimulerlintelligence, en aucun cas sy substituer, comme les recettes de cuisine, qui nepourront jamais se substituer au talent du cuisinier.

    Voici donc 11 recettes pour le dveloppement durable. Il y en a bien dautres, maiscommenons avec celles-ci, issues dun recueil publi dans le magazine CyberArchi(www.cyberarchi.com ) de janvier 2007 juin 2008, en esprant quelles feront despetits !

  • 3Recette n11

    Ltude dimpact

    Bon, cest daccord, Nicolas Hulot ma convaincu, en route vers le dveloppementdurable ! Trs bien, mais par o commencer ? Eteindre la lumire en quittant unepice, ou acheter du papier recycl, du caf quitable, cest entendu, mais si on croitque cest avec a que lon va sauver la plante, cest un peu jeune. Et ce nest pas aveccette perspective que je vais mobiliser autour de moi.Il semble que lopinion soit de plus en plus sensible au thme du dveloppementdurable. Chacun donne cette expression le sens quil veut lui donner, cest encoreune auberge espagnole, mais en quelques annes les esprits ont volu, et se sontlargement ouverts : Peut-tre Katrina, le tsunami, les grandes temptes, le prix dubaril de ptrole, Al Gore et les engagements de telle ou telle vedette ont-ils contribu cette prise de conscience. Peu importe la raison, le fait est l : la demande dedveloppement durable a connu ces dernires annes une hausse importante, elle estdevenue une donne de rfrence pour les dcideurs.Alors, par quoi commencer ?Par quelques actions simples, qui produisent des rsultats rapides et visibles : il fautse donner du courage, voir que a marche, et que cest mme assez stimulant,valorisant. Il faut aussi que a permette daller plus loin, den donner lenvie enpremier lieu, et ensuite que a aide le faire. Le dveloppement durable est avanttout une manire daborder les choses de la vie : alors, choisissons des recettes quidonnent un aperu, un avant-got pour rester dans limagerie culinaire, de cettemanire de faire.A viter, toute action trop ambitieuse, donc difficile russir, ou trop longue : il fautdes rsultats rapides pour enclencher la dynamique, et rester dans des champs bienbaliss, pour rduire le risque de se perdre en chemin. Il y a des directives officiellesqui donnent le cadre, cest une premire piste. Commenons par bien appliquer lestextes de rfrence, par bien faire notre boulot, tout simplement. Depuis 1976, enFrance, il y a une loi sur les tudes dimpact sur lenvironnement. Avec un dcretdapplication de 1977. Ca fait trente ans, on a eu le temps de sy habituer. La France at le premier pays europen adopter une mesure de cet ordre. Que dit cette loi ?Quavant de dcider de raliser tel projet douvrage et damnagement, il faut enexaminer les consquences sur lenvironnement. Entre dautres termes, il fautrflchir avant dagir, envisager toutes les suites que les travaux projets vont avoirsur lenvironnement. Et cest au responsable de lopration quil revient de le faire,tout simplement parce que les rflexions en question peuvent lui tre trs utiles pouraffiner son projet, ou mme le transformer en profondeur si les impacts prvisibles se rvlent trop lourds. On ne parlait pas encore de dveloppementdurable, mme le mot environnement tait encore nouveau en France, mais onpeut affirmer que le principe de ltude dimpact sur lenvironnement est une parfaiteintroduction au dveloppement durable. Il ne sagit que denvironnement, sansmention des autres dimensions, sociale et conomique, sans parler de la culturelle,mais ltude dimpact conduit sortir dune vision linaire. Elle fait tomber lesillres, et cest une premire volution dterminante pour le dveloppementdurable. Avant mme de chercher naviguer dans un univers trois dimensions,conomique, sociale et environnementale, comme les thoriciens du dveloppementdurable nous le prconisent, il faut shabituer sortir du cheminement linaire,dtermin uniquement par un objectif qui fait oublier les autres dimensions de la vie.

    1 Publie le 7 fvrier 2007

  • 4Accepter de relativiser un projet, de le plonger dans un univers composite, et detenter de tenir compte de ses diffrentes composantes dans ltude, de sen donner lavolont et les moyens, constitue une avance dterminante dans une culture dudveloppement durable.Depuis 1976, le concept dtude dimpact sur lenvironnement sest largi, de deuxmanires complmentaires. Dune part, on parle dimpact social, conomique, surlemploi, etc. bref, on a largi lunivers, et cest une illustration directe des vertus decet outil, pour relativiser une dcision et la mettre en perspective. Dautre part on at au-del de limpact dun projet douvrage ou damnagement, pour aborder lesconsquences sur lenvironnement dun plan ou dun programme, avec toutes lesdifficults que lon peut connatre pour en apprhender tous les effets directs etindirects, induits par une politique et les vnements qui vont senchaner.Une recette simple pour faire du dveloppement durable, pas rvolutionnaire,consiste bien respecter les obligations sur les tudes dimpact, voire de se lesimposer volontairement si on chappe au domaine dapplication prvu par les textes.De nombreux documents de mthode ont t publis, des professionnels se sontforms, ont acquis de lexprience et le sens de loprationnel, il faut juste le vouloir etsen donner les moyens. En jouant le jeu pleinement et sans rserve des tudesdimpact sur lenvironnement, on accepte de prendre en considration lpaisseur deslments, la diversit des points de vue, et on entre ainsi dans lunivers dudveloppement durable.

  • 5Recette n 21

    La gestion diffrencie

    Le principe de cette deuxime recette est simple : la vie est complexe, c'est d'ailleursce qui en fait le charme, et il serait bien maladroit de lui imposer un traitementuniforme. Le dveloppement durable demande une gestion diffrencie, desHommes et des espaces. videmment, ce serait bien plus simple de ne voir qu'uneseule tte , ou encore quun seul modle de dveloppement. Les instructions seraientles mmes pour tout le monde, et on ferait l'conomie d'une analyse fine, pralableaux projets et aux interventions. Ne peut-on pas dire, trs schmatiquement, et avecde nombreuses exceptions, que les procdures organises autour de cases remplir,conues comme un questionnaire choix multiple, et que l'on connat bien enmatire d'urbanisme, conduisent une gestion indiffrencie des espaces ? Il s'agitbien sr d'une mauvaise perception des dites procdures, qui doivent permettre de seposer les bonnes questions, et non d'une grille prte porter , reproductible l'infini sous rserve de quelques amnagements. Pour qu'il en soit ainsi, il faut de lavolont et des moyens. Il faut accorder la rflexion sur l'urbanisme une attention la hauteur des enjeux, et non pas la prendre pour une tape oblige, une formalit, unmal ncessaire. L'laboration d'un plan d'urbanisme exige un travail pralabled'analyse, d'enqute, de dialogue, et pour cela des moyens financiers et humains mobiliser bien avant que les travaux ne se profilent, bien avant que tout retourd'investissement ne se manifeste. Il faut bien le dire, il n'y a pas eu d'enthousiasmepour les tudes pralables, notamment celles sur l'environnement, pourtantexplicitement cites comme obligatoires dans l'laboration des POS, autrefois...Comment, dans ces conditions, esprer une gestion diffrencie des espaces ?

    La nature dans la ville

    Le concept de gestion diffrencie des espaces verts est aujourd'hui reconnu, maisest-il vraiment mis en pratique ? Il est n au dbut des annes 1980 dansl'agglomration Rennaise, avec un code de qualit pour les espaces verts de la ville,prolong une dizaine d'annes plus tard par un code vert pour ceux des villesvoisines, du district de l'poque. Le principe en est simple : selon les usages, lesespaces ne doivent pas tre grs de la mme manire. C'tait malgr tout unervolution, parce que ce simple nonc revenait prendre des liberts par rapportsaux pratiques courantes, fondes essentiellement sur une approche horticole. Il fallaitaller au-del, et faire accepter aux jardiniers des villes de nouvelles mthodes, parfoiscontraires ce qu'ils avaient toujours fait. Ici, les pelouses classiques tondues trsfrquemment sont transformes en pelouses fleuries hautes, tondues uniquementquand l'herbe dpasse 30 cm. L, dans des zones de loisir, des prairies maigres sontcoupes 3 4 fois par an. Ailleurs, des couvre-sols sont implants au pied des arbres2.Le bon sens, auquel il est fait souvent rfrence quand on tente de trouver les voiesdu dveloppement durable, prouve ici tout son intrt. Quoi de commun entre desespaces de prestige, dont la fonction est avant tout visuelle, et des espaces verts delotissements, destins aux jeux des enfants. La gestion diffrencie permet la fois demieux rpondre aux besoins, de faire des conomies, et de prserver l'environnement.

    1 Publie le 7 mar 20072 Ces pratiques sont dcrites dans le bilan 1988-1991 du protocole Environnement de l'agglomrationRennaise, Pour l'environnement une action concerte, DRAE Bretagne et AUDIAR, 1991.

  • 6Au del de la gestion des espaces publics, c'est toute la diversit des espaces de naturequi doit tre prise en charge, avec une gamme d'instruments allant de l'acquisitionpar la puissance publique au rglement, en passant par la sensibilisation des acteurs,et un enrichissement de l'offre de services aux particuliers.

    Le paysage sonore

    La notion de paysage sonore, par exemple, se substitue la recherche uniforme dusilence. La succession de zones calmes et animes, constitue en fonction des usageset des morphologies urbaines, est un exemple d'une gestion diffrencie intgrerds la conception d'un quartier, ou l'occasion de travaux importants. Accepter lebruit de rues passantes et commerantes, tout en assurant le calme pour lespopulations riveraines, ne s'improvise pas, et demande un travail fin le plus en amontpossible. La mme rflexion vaut l'intrieur d'un logement, ou d'un btiment usage professionnel, o l'existence de zones animes, acceptant un certain niveau debruit, ne doit pas empcher le repos ou la concentration. L'uniformit aligne sur lesexigences les plus fortes n'est pas une bonne solution, ni en matire de qualit de vie,ni financire. De mme que tous les espaces verts ne doivent pas devenir des gazonsanglais, toutes les rues, toutes les pices d'une maison ne doivent pas sacrifier unsilence absolu qui deviendrait vite insupportable.

    Ombre et lumire

    Autre exemple : la lumire. L'clairage public, notamment, permet d'illustrer cetterecherche de diffrenciation. Selon les horaires, qui eux-mmes sont fortement lisaux usages, ou selon les lieux, de grand passage ou de passage occasionnel. Leconcept d'urbanisme lumire prend ainsi toute sa force, car il s'agit de crer unpaysage nocturne avec du relief, au lieu d'un clairage uniforme, et par suitesurdimensionn pour la plus grande partie des espaces. Qualit de vie, qualit dupaysage urbain de nuit et mise en valeur de sites et de points singuliers, fontaine oumonument, conomies d'nergie, la gestion diffrencie de l'clairage public se rvleproductive sur de nombreux plans. Elle ncessite un travail de conception,d'intelligence, fonde sur l'analyse des lieux et l'coute des habitants. Lescloisonnements entre disciplines doivent, l encore tre dpasss, le concepteurlumire devant runir autour de lui, outre les services municipaux qui auront grerau quotidien ses installations, des architectes, des urbanistes, des sociologues, descoloristes, des bureaux d'tudes lectricit, voire des historiens et les services descurit.Accepter que le monde soit plein de diffrences, et les cultiver, en tirer parti, pourfaire des conomies tout en rpondant mieux aux attentes et en respectantl'environnement. Il semble qu'on soit bien dans l'esprit du dveloppement durable.La gestion diffrencie semble s'imposer au bon sens, mais dans la pratique, le poidsdes habitudes, des cloisonnements, et le besoin lgitime de contrler et d'valuer, quientrane souvent l'adoption de grilles bties sur le mme modle, la rende biendifficile mettre en place. Choisir la gestion diffrencie, qui entrane celle de laconception diffrencie, n'est pas chose simple, c'est une volont quil fautmanifester, et qui ouvre la piste du dveloppement durable.

  • 7Recette n 31

    Lusage au cur du projet

    Une erreur courante et bien comprhensible des promoteurs du dveloppementdurable, est de croire que ce sont eux qui font le dveloppement durable. Bien sr, ilsont un rle important danimateur, et peut-tre de catalyseur, mais ne nous faisonspas dillusion, ce sont les acteurs de la socit, chacun dans sa fonction et avec sesintrts et sa culture, qui font que le dveloppement est durable ou non. Une desexpressions de rfrence pour le dveloppement durable est penser globalement,agir localement , et il faut la traduire de manire moins philosophique mais plusoprationnelle : la macro conomie est importante pour donner une ide gnrale desenjeux, mais la micro conomie est essentielle pour entraner les acteurs sur la voiedu dveloppement durable. En bref, on nobtiendra aucun rsultat durable sansrpondre aux aspirations et aux objectifs personnels des diffrents acteurs concerns.On peut souhaiter voir les consommateurs et usagers vertueux, et il est certainementpossible de leur donner les repres pour quils le deviennent, mais si, sans attendre cersultat, on leur impose un cadre o ils ne se reconnaissent pas, o ils ne trouvent pasleurs marques, on obtient une recette de lchec assur. Il faut que lusager, lapersonne qui va vivre dans le quartier ou la maison que lon veut durable, adhre auprojet qui lui est propos, et pour cela, la meilleure manire est de bien rpondre ses besoins, et de privilgier la qualit dusage. On ne construit pas une maison pourfaire des conomies dnergie, on le fait pour satisfaire un besoin, celui de loger desgens par exemple, avec leurs familles, leurs modes de vie, leurs habitudes, leursmodles culturels. Et on le fait dans les meilleures conditions environnementales, enprivilgiant autant quil est possible les conditions de travail des personnels qui vontcontribuer louvrage, de la carrire au chantier en passant par les usines et lestransporteurs, et en soutenant lconomie locale. Mais ninversons pas les priorits, lapremire est bien celle de satisfaire un besoin. Le concept de btiment durable napas de sens. Ce quil faut, cest un btiment dont les occupants pourront adopter unmode de vie durable. Cest le mode de vie qui doit tre le point de dpart, et non lebtiment, dont les qualits ne peuvent sanalyser sans rfrence lusage qui en estfait. Le dialogue avec les bien nomms usagers, qui commence par une coute sans apriori, est un des ingrdients de base de tout projet de dveloppement durable.Lexemple des btiments scolaires offre une bonne illustration de lusage de cetingrdient. Dun ct on lit, dans le compte-rendu dun sminaire internationalorganis par le programme de lOCDE pour la construction et lquipement delducation2, que les btiments ducatifs contribuent de manire cruciale lamlioration des rsultats. () Les volutions dans la conception de ces btimentsse doivent de servir le processus ducatif et damliorer la qualit delenvironnement dapprentissage. De lautre, on constate que depuis la mise enuvre de la dcentralisation et linvestissement des collectivits, les ralisations servlent, lusage, malgr quelques russites souligner, souvent inadaptes lavie scolaire quotidienne et fort coteuses en maintenance et entretien. Lesrhabilitations ne donnent pas plus de satisfaction au regard des pratiquespdagogiques. Il apparat que la fonctionnalit, c'est--dire la vie quotidienne deslves et des personnels, a souvent t oublie ou mal conue. () La force deshabitudes, comme le poids des pressions multiples, empche de concevoir lcole

    1 Publie le 5 avril 20072 En mai 2004, Londres

  • 8comme lieu de vie et de travail1. Peut mieux faire, dirait-on dans un livret scolaire.Encore un effort pour tre durable.Les projets damnagement nchappent pas cette rgle. On a pu voir desdocuments vertueux, fonds sur des principes irrprochables, rester impuissants faceaux aspirations des candidats la construction. La maison individuelle est souventmal vue dans les milieux environnementalistes, du fait de la consommation despaceet dnergie quelle provoque. Elle nen constitue pas moins le modle bien ancr dansles esprits, et constitue lobjectif principal de trs nombreuses familles. Pourprserver le caractre vert des ceintures proches des villes, on a tent den freinerlurbanisation diffuse, avec le rsultat que lon observe du report de la constructionau-del des frontires du territoire contrl par les autorits dagglomration. Beaursultat, qui conduit un allongement des dplacements, sans restreindre pourautant la consommation despace.La rponse la question des extensions urbaines nest pas dans les plansdurbanisme, elle est dans loffre de quartiers rpondant la fois aux aspirations desfuturs habitants, et des exigences environnementales fortes. Cest proposer desensembles o chacun pourra adopter un mode de vie durable, et y trouvera delintrt. Limportance de lanalyse du contexte social et des usages figure en bonneplace dans toute recette pour un amnagement durable, bien avant les premiersdessins, avec le concours de sociologues et mme danthropologues, pour insrer leprojet dans la vie de la ville daccueil, et intgrer les pratiques des habitants. Le jeudes acteurs est insparable du plan.Les gens votent avec leurs pieds, dit-on. Le dveloppement durable, o se conjuguentle logement, laccs aux services publics et lemploi, et aussi les loisirs,lalimentation, les relations de voisinage, la relation personnelle avec la nature, lesrfrences culturelles, ne sera jamais le rsultat dune approche thorique. Ce sera lefruit dune dynamique sociale fonde sur les usages, et les professionnels delamnagement et de la construction, tout comme les militants du dveloppementdurable, doivent sy insrer pour y participer utilement.

    1 Rapport dtape au ministre de lEducation nationale 26 mars 2002 du Conseil national delinnovation pour la russite scolaire. On se reportera utilement sur ce point au dossier n 177 duCERTU (centre dtudes sur les rseaux, les transports, lurbanisme et les constructions publiques,www.certu.fr) Les groupes scolaires : vers des ralisations durables adaptes aux usagers, 2006.

  • 9Recette n 41

    La recherche de la qualit

    La confusion est frquente, entre le dveloppement et la croissance. Les exgtes dudveloppement durable et le grand public appartiennent deux mondes totalementdistincts, et la communication en est rendue bien difficile. Au del des mots, quechacun dfinit sa manire, nous ressentons tous que le prlvement de ressourcesconnatra forcment une limite, et que si la croissance est indissociable de ceprlvement, nous sommes dans une impasse. Les rflexions sur l'empreintecologique, c'est dire la surface utile de plante ncessaire pour fournir les biensque nos consommons et digrer nos rejets, montrent que l'humanit vit au dessus deses moyens, malgr les formidables ingalits qui permettent une minorit deprlever un maximum de ressources alors qu'une partie importante du reste dumonde vit au dessous des seuils de pauvret. Certains en viennent prner unedcroissance, mais ce serait alors accepter une fois pour toutes que la croissance etles prlvements sont indissociables. Le dveloppement durable, c'est au contraireparier sur notre capacit les dcoupler. Prenons un exemple : nous pouvons mangerplus, mais personne, dans nos socits, ne considre que ce soit un progrs. Ce seraitplutt le trop manger qui nous guetterait, avec son cortge de problmes pour notresant, notre apparence et notre bonne forme. Mais on peut manger mieux, desproduits plus quilibrs, et aussi issus de modes de production plus respectueux deshommes et de la nature. On peut aussi mieux cuisiner, mettre plus de savoir etd'exprience dans la prparation des plats et la composition des menus. Bref, voil undomaine o la recherche de la qualit est une voie vidente de progrs, et non pas lacourse la quantit. Et en amont, pour parvenir ce mieux, c'est toute la chane deproduction et de distribution qui est affecte, avec des consquences sur lespopulations agricoles comme sur les conditions de travail des personnels dans lescuisines, sur les techniques agricoles, les paysages, le cycle de l'eau, etc. On dcritainsi un processus de croissance fond sur la recherche de la qualit. Il y a bien unecroissance. Plus de travail humain, de comptences agricoles, sanitaires,gastronomiques, dittiques, tout a reprsente de la valeur, qu'il convient detraduire en flux montaires et en PIB. Mais a ne signifie pas accroissement de lapression sur les ressources : bien au contraire, cette croissance rduit lesprlvements et les rejets, elle permet de bnficier des dividendes de la nature sansattenter au capital.La recherche de la qualit est source de richesses multiples. Pour ceux quibnficient des biens et services ainsi proposs, mais aussi pour ceux qui lesproduisent. On l'observe clairement dans la construction : une opration bienprpare, un chantier bien tenu, sont les conditions ncessaires pour obtenir unbtiment de qualit, rpondant l'usage pour le quel il a t conu, et offrant lesperformances techniques attendues. C'est aussi plus de comptences, de besoin deformation des concepteurs et des personnels sur le chantier, le recours destechniques et des produits plus performants, une nette diminution des accidents dutravail et une attractivit retrouve pour les mtiers du btiment. Et le tout pour un

    1 Publie le 2 mai 2007

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    cot avantageux, pour peu que l'on comptabilise bien tous les effets produits par laqualit et que l'on narrte pas les comptes le jour de la remise des cls.La qualit est aussi un moyen d'ouvrir le champ du possible, et se trouve tre ainsiune des cls pour l'accs la quantit. La recherche dsespre de terres pourconstruire les maisons dont nous avons besoin pour loger chaque anne des centainesde milliers de mnages, en donne une bonne illustration.Le lotissement a mauvaise presse. On imagine des sries de maisons semblables, aumilieu dun jardin, le tout dune affligeante uniformit. Si on ajoute que ces nouveauxensembles sont loin de tout, mal desservis, et replis sur eux-mmes, on a un tableauapocalyptique. Pour lenvironnement, ce mode dhabitat suppose en outre le recourssystmatique la voiture pour le moindre dplacement, avec les suites que lonconnat, pollutions de proximit, effet de serre, accidents de la route, etc. Mais enl'absence de lotissement, que voit-on ? Des maisons individuelles rparties dans lescampagnes, au gr des possibilits de construire. C'est ce qui s'est pass ces derniresannes, o la part des maisons construites dans des lotissements a fortement baiss,au profit du secteur diffus. Pour le dveloppement durable, ce nest pas un progrs, nipour les communes daccueil. La qualit du bti tant peu prs la mme, on seretrouve avec de nouvelles constructions rparties aux quatre coins du territoiredune commune, au lieu dtre groupes. Un impact visuel moins agressif, sans doute,mais aucun gain sur lusage de la voiture, et souvent des problmes difficiles etcoteux rsoudre pour assurer tous les branchements des nouvelles maisons auxrseaux, lectricit, eau, assainissement, tlphone. On aura juste vit leffet demasse que donne un lotissement, avec ses alignements insupportables. Un peu mincecomme avantage, et au prix fort. Comment rsoudre cette difficile quation, offrir lafois de nouveaux terrains pour construire des maisons individuelles, et de la qualitpour leurs habitants comme pour lenvironnement et la collectivit. Comment choisirentre le lotissement uniforme et la multiplication sans relle cohrence de maisonsindividuelles ?La solution est simple noncer : raliser des lotissements de qualit. Au lieu derejeter le principe du lotissement, qui nest quune procdure juridique pour diviser etquiper une parcelle, on va lui associer des exigences de qualit. La questionessentielle pour les lotisseurs n'est pas la qualit, mais la quantit. Leurs chiffresdaffaire est menac, car la rputation du lotissement a pour premire consquenceque de moins en moins de communes ne leur confient de terrain lotir. La pnurie deterrains disponibles est ainsi devenue le problme majeur des lotisseurs. Unproblme de quantit, donc. Il fallait ragir, et pour cela casser limage du lotissementtraditionnel pour en reconstruire une autre, partir d'un concept profondmentrnov. C'est avec la qualit que la difficult sera surmonte. Pour dbloquer denouvelles quantits de terrains, il faut garantir de la qualit pour les projets qui yseront implants. Quantit et qualit ne sopposent pas, elles se conjuguent1.La qualit au secours de la quantit, non pas du nombre de maisons individuellesconstruites chaque anne, mais de la part intgre dans des ensembles cohrents,inscrite dans des oprations conduites avec une mthode rigoureuse.La qualit n'est pas un luxe, rserv aux riches. Le bon sens populaire sait bien que acote cher d'tre pauvre, justement parce que l'on n'a pas accs la qualit.L'conomie, l'environnement et le social, les trois piliers du dveloppement durable,ont besoin de la qualit. Une bonne recette reprendre et diversifier, chacun avec songnie propre.

    1 Depuis la publication de cette recette, le Syndicat national des professionnels de lamnagement et dulotissement, SNAL, a publi dans cet esprit un Guide de lEco-Amnagement (juin 2008)

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    Recette n51

    Prvoir ladaptabilit

    Le dveloppement durable commence par la satisfaction des besoins. Ceuxdaujourdhui et ceux de demain. Deux chances, immdiate et future, qui peuvententrer en conflit, et qui demandent alors un arbitrage. Arbitrer entre les intrts denos contemporains, de nos proches, et ceux de nos descendants, dont on imagine malle genre de vie le ntre est tellement diffrent de celui de la gnration qui nous aprcds est toujours une mission impossible, dont on ne peut sacquitterconvenablement. Il faut donc tout faire pour viter ce conflit insoluble. Il y a dessolutions, pour prserver lavenir sans appauvrir le prsent, comme le recherche delefficacit maximum dans lexploitation des ressources, pour nen prendre que lestrict minimum, ou encore comme la lutte contre toutes les formes de gaspillage, laconsommation en pure perte des ressources de demain sans profit pour aujourdhui.Il y a une toute autre manire dviter ce conflit entre le prsent et le futur, qui donnela prsente recette : ladaptabilit.Il faut concevoir les biens durables, les biens dquipement en particulier, de manire ce quils puissent tre transforms en permanence pour rpondre des besoins quine cessent de se modifier. Les appartements o nous habitons existaient pour unebonne part il y a cinquante ans. Ils navaient pas le confort moderne, les espacesofferts taient souvent troits. Ils ont t modifis en permanence : une cloisonsupprime ici, des chambres de bonne runies pour faire un appartement, des pointsdalimentation en eau multiplis, une usine dcoupe en appartements, et mme ungarage occup par un grand quotidien Paris. Ce patrimoine sest montr trs souple,et a permis de sadapter des besoins. Ces transformations se sont dautant mieuxpasses quelles ont t continues, et le cot social, parfois lourd, quil a fallu payer lat loccasion de reprises profondes dans des tissus qui navaient pas du tout volu.La rhabilitation brutale fait toujours plus de dgts que lamlioration continue. Larecette de dveloppement durable commence par crer les conditions techniques etinstitutionnelles dune amlioration continue, permanente. Elle exige une vision surlavenir, un souci danticipation qui appartient plus au politique quau technique,mais auquel le concepteur dun ouvrage ou dun amnagement doit rpondre. Unexemple fameux, lchelle dun quipement, est le lyce de Caudry, dans le Pas deCalais. La Rgion, matre douvrage, a bien analys le besoin dans la dure, et a ainsinot dans le cahier des charges que ltablissement devrait tre transform pourdautres utilisations dans le futur, compte-tenu de la dmographie locale. Larchitecteretenu, Lucien Kroll, a propos un ensemble de btiments connects entre eux pluttquun grand bahut, comme il est frquent pour ce type douvrage, permettant ainsidoffrir une plus grande adaptabilit pour des usages non encore dfinis.Ce qui est vrai dans les villes lest aussi dans les campagnes. Il ny a qu voir dans lesvillages les raccords entre les morceaux de maison, des extensions tant venuesprogressivement complter une habitation, quand ce nest pas un btiment agricolequi sest vu transform en habitation. Avec les mmes matriaux, les mmes volumes,les mmes techniques constructives pour la structure de base.Revenons en ville. Ce sont les infrastructures qui posent problme, en gnral plusque les btiments, si ces derniers ont t bien conus. On le voit avec la taille des rues,les capacits des rseaux, les espaces offerts pour la vie collective. La densit depopulation, la mixit entre activits et habitat sont dpendantes des possibilitsoffertes par ces infrastructures de tous genres, y compris numriques aujourdhui.

    1 Publie le 13 juin 2007

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    Les travaux du club Ville Amnagement1 clairent la question. Ladaptabilit doit tredcline tous les stades du projet, commencer par la programmation, qui nestplus linaire mais volutive et itrative. On parle alors de r-interroger les projets,on donne des affectations dattentes des territoires, avec des fonctions qui serontprcises au fur et mesure de lvolution du territoire. Certains oprateursprivilgient la souplesse de la programmation lchelle de chaque btiment qui nereoit pas daffectation prcise. La vocation des immeubles laisse des margesdintervention aprs la construction en intgrant des solutions techniques derversibilit dans la construction.La souplesse, la flexibilit, la capacit dadaptation, quel que soit le nom quon luidonne, pose toutefois la question de lidentit du projet, de son sens gnral.Comment concilier d'un ct ladaptabilit et de l'autre la force dun projet ? Il est bonquun parti d'amnagement soit nettement affirm dans le contexte urbain au seinduquel le projet sinsre. Une belle contradiction, qui ne peut que stimuler lesprit decrativit, une des marques du dveloppement durable qui nous conduit sortir descontradictions par le haut ! La rponse se rfre au principe de gouvernanceurbaine, la capacit de travailler ensemble de tous les acteurs dune socit. Lesrepres, qui structurent l'espace et lui donnent sa personnalit, et de grandes margesde manuvre pour que chacun se l'approprie, et que l'ensemble puisse voluer au furet mesure que les besoins et les modes de vie se transformeront. C'est quedveloppement durable n'est pas un concept fig, il progresse avec les connaissanceset les techniques, et intgre les modes de vie et les attentes. L'ide mme d'unquartier durable n'a pas grand sens en soi, c'est le mode de vie de ses habitants quidoit tre durable. Le dialogue entre le hard et le soft , entre le bti et les rglesde vie, est donc une condition essentielle de la durabilit d'un quartier. Le motgouvernance n'est donc pas une formule creuse et bien pensante, mais une ardenteobligation pour reprendre une expression clbre, dont les termes ne peuvent tretrouvs que dans une pratique exigeante d'changes et de confiance rciproque entreles acteurs, dcideurs politiques, architectes, urbanistes, ingnieurs, et population.Personne ne sait ce que lavenir sera, et la modestie, la prudence simposent quand onveut dcrire les besoins et le mode de vie de nos descendants. Le dveloppementdurable, cest videmment penser aux gnrations futures, mais qui peut direcomment elles vivront, quelles seront leurs valeurs de rfrence ? Il est trop facile dese prsenter comme dfenseur des gnrations futures, pour tenter d'imposer sapropre conception du futur.Au-del du principe dconomie des ressources, il convient de veiller maintenir despossibilits d'adaptation, de rversibilit ventuelle, pour laisser la crativit de nosenfants le soin d'ajouter sur le territoire des couches nouvelles de notre histoirecommune. Le durable n'est pas l'ternel, mais l'adaptable. Une recette simple formuler, mais qui exige beaucoup de savoir faire !

    1 Association des matres d'ouvrage d'oprations urbaines : www.club-ville-amenagement.asso.fr . Onse reportera notamment aux travaux de latelier Dveloppement durable et gestion urbaine de soncongrs de Marseille, du 31 janvier 2007

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    Recette n61

    Chercher le consensus dur

    Le dveloppement durable nest pas quune simple affaire de bon sens. Bien sr, il nefaut pas sen priver, mais ce fameux bon sens, tout comme ce bon Monsieur Jourdain,a bien du mal innover. Ses rfrences sont celles du pass, de lexprience, certesincontournables, mais quil faut savoir dpasser pour explorer des voies nouvelles. Aubon sens, prfrons le recours lintelligence, au sens plein du terme, c'est--dire dela comprhension en profondeur des phnomnes. Celle-ci, associe la sensibilit,est le moteur de la crativit dont nous avons besoin pour relever les dfis du 21esicle. Il nous faut en effet passer dun dveloppement fond sur lexpansion dusystme sur un modle fond sur son intensification, et cette transition exige de noustous un effort considrable, tant il est vrai, comme disait Keynes, que la difficultnest pas de comprendre les ides nouvelles, mais dchapper aux ides anciennes.Lintelligence, donc, mais ne comptons pas trop sur le gnie de quelque sauveur, quiaurait tout compris et saurait, en plus, nous convaincre. Cest le gnie collectif quilfaut mobiliser, celui dune socit toute entire, pour ne pas dire celle des peuples quipartagent notre belle plante. Au-del de lintelligence personnelle, cest lintelligence plusieurs qui permettra de relever les dfis qui nous attendent. Cest cetteconfrontation qui nous aidera sortir des ides reues, transposer des mthodes detravail, croiser des regards, enrichir nos expriences.Lintelligence plusieurs ne simprovise pas. Ce nest pas chose aise que dorganisercette confrontation, pour quelle soit riche, fructueuse, fconde. Le syndrome de latour de Babel nest pas loin, non pas en termes de langue, mais de culture, derfrences implicites qui parsment les changes de nombreux piges, commeEdward T. Hall la si bien montr. Il faut instaurer la confiance entre les acteurs, alorsque leurs intrts peuvent sembler divergents, que des conflits traditionnels ne sontpas encore totalement apaiss.La mobilisation de toutes les intelligences, et leur mise enuvre collective constituece que lon appelle la bonne gouvernance. Objectif : le consensus sur les orientations retenir, non pas un consensus mou de compromis, mais un consensus dur de projetpartag. Cest une option politique, au sens plein du terme, cest une maniredapprocher les grands dfis de notre socit, notamment ceux qui sont urgents.Il sagit donc dactiver les nergies, sur un mode volontaire, et non de rquisition.Bien sr, cest plus long, et cest terrible quand la maison brle de passer tant detemps parler, convaincre, rassembler les bonnes volonts. Mais si on y parvient,la puissance des forces ainsi runies doit permettre daller beaucoup plus vite etbeaucoup plus loin. Le pari peut tre fait que les rponses qui seront apportes dansune tel cadre seront beaucoup plus nombreuses et inventives que celles qui seraientimposes par quelques sachants ou quelques technocrates, et surtout elles serontbeaucoup mieux acceptes, et mises en application : leur efficacit en sera redouble,et se renforcera dans le temps. Lurgence ne doit pas faire oublier que toute solutiondoit sinstaller dans la dure, que la vigilance et leffort ne doivent pas treabandonns ds les premires embellies. Cest la racine des problmes quil fautremonter.Le rchauffement climatique, tout comme les sismes qui dtruisent des villesentires, ne sont pas des phnomnes anecdotiques, et imprvisibles : ce sont des

    1 Publie le 20 septembre 2007

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    sujets de dbat politique au sens plein du terme, dont les conclusions vont marquerdurablement des modes de vie et de dveloppement.Lurgence ne doit pas faire oublier que les vraies solutions de doivent pas treplaques ou imposes, mais intgres et appropries. Telle protection juridique dunsite ou dun animal peut tre dcide dans lurgence, face des menaces soudaines,mais elle ne sera vraiment efficace que si elle est accepte sur place, et reprise dansles projets locaux de dveloppement. A dfaut, elle restera formelle, vcue commeune pnalit, et souvent dtourne : limagination ne manque pas en la matire. Uneprotection dcide dans lurgence ne peut sexonrer dun besoin daccompagnement,et les ajustements qui seront ventuellement apports doivent permettre leurintgration dans les projets des acteurs locaux. Les meilleures causes du monde nepeuvent ignorer le jeu des acteurs et leurs intrts.Il est bien connu que la communication de crise se prpare avant la crise : laconfiance, la qualit dcoute, la ractivit ne se dcrtent pas dans la panique, latransparence et la connaissance du contexte humain et technique ne se fabriquentpas du jour au lendemain, surtout dans le contexte dune catastrophe ou dun conflit.Aujourdhui, le sentiment durgence est latent. Le feu couve, et les flammes ne sevoient pas trop. Le rchauffement climatique progresse inexorablement, avec sesmenaces, et laccs aux ressources que la plante nous procure deviendra de plus enplus source de conflit, si le dsquilibre davec les besoin sexacerbe.Pour viter cette perspective, nous sommes condamns au consensus. Et ce nest pasla pire des condamnations, cest mme plutt enthousiasmant que de partir lerencontre des autres, de tenter avec eux laventure dun monde nouveau, dimaginerune autre vie. Ce ne sera pas facile, cest un effort considrable qui est demand nenous faisons pas dillusions.Le dveloppement durable nest pas une chose facile, sinon, a se saurait. Ledveloppement durable demande des efforts, pas des efforts linaires, qui nefonctionnent pas dans un univers systmique, o toute pression sur un pointengendre des dformations des autres points du systme, mais des efforts collectifs,lintelligence plusieurs, faire mieux plutt que plus. La dmarche HQE1, illustrecette exigence. Elle demande sans doute plus de travail, mais surtout une autremanire de travailler, ensemble, commencer par une coute attentive et curieuse dece que disent les futurs utilisateurs ou leurs frres. La dmultiplication des effetspositifs du travail, de son efficacit, est le rsultat rechercher. Il ne sopre pas entravaillant plus, mais mieux, ce qui implique parfois plus, mais pas toujours quand onfait le bilan, et que lon compte tous les gchis vits, les dsordres, les dpassementsde consommations sans fin auxquelles les utilisateurs sont condamns.Pour que le dveloppement soit durable, il faut que tout le monde joue le jeu, pourcela que tout le monde y gagne, chacun sa manire, et que tout le monde accepte lepartage des bnfices attendus de leffort collectif. Cest a le consensus dur, fond surla confiance et le respect de lautre, sur linscription dans un processus de travail encommun, et non sur des rapports de domination ou dautorit formelle.

    1 HQE : haute qualit environnementale

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    Recette n 71

    Poser des compteurs

    Un geste important, car il faut bien mesurer les consommations. La plante commenos porte-monnaie en ont besoin. Si on veut parvenir matriser nos consommationssans se serrer la ceinture, il va falloir comprendre prcisment en quoi ellesconsistent, et comment elles se constituent. Il y a beaucoup dconomies faire, quine cotent rien si ce nest un peu dattention, ou un petit matriel de rgulation, ouencore une organisation adapte. Des conomies moindre cot en termes de modede vie, de plaisir. Cela conduit souvent compter les dpenses poste par poste, pourles analyser et en dduire les amliorations apporter, les gisements dconomiesfaciles exploiter. Il faudra ensuite aller plus loin, chercher dautres conomies, maisce sera toujours plus facile une fois les premiers rsultats engrangs. Dans unemaison, dans une ville, on va placer des compteurs partout o il y a des units bienidentifiables, tel appareil ou tel quipement par exemple, de manire suivre lesconsommations et vrifier quelles sont bien utiles. Cest en examinant les compteursdeau au milieu de la nuit, un moment o il ny a pas de consommation, saufexception, que lon repre sil y a ou non des fuites, que lon va ensuite cerner plusprcisment pour les trouver et les rparer.Le comptage permet aussi de responsabiliser les consommateurs, mme si desprocdures de compensation et de solidarit peuvent lui tre associes. Pouratteindre lobjectif facteur 4, c'est--dire diviser par quatre les missions de gaz effet de serre dici 2050, il faut bien compter, et compter finement pour intervenir lo ce sera le plus efficace.On admet volontiers quil y ait un compteur pour lessence ou llectricit, ou encorepour leau. Il est fortement envisag den avoir aussi pour les dchets. Au lieu depayer forfaitairement en fonction de critres gnraux, comme la valeur locative, onpayera au poids, chaque poubelle tant identifie et pese au moment de la collecte.Dautres pays que la France le font dj sous des formes diverses, comme les sacsdune contenance limite, obligatoires pour prsenter ses dchets, et pour lesquels onacquitte dune taxe en les achetant.Sortir du forfait, pour que chacun se rende compte de sa contribution lempreintecologique2 ou la pression quil fait subir la plante, et puisse participer larparation dans un esprit pollueur payeur, qui pourrait alors tre nomm usager desressources payeur, est lvidence un progrs, mais les effets pervers guettent,auxquels il faut faire attention. Il y a les tricheurs, qui jettent leurs dchets dans lapoubelle du voisin, il y a ceux qui bourrent les sacs jusqu les faire craquer, sansparler des surendetts quil ny a pas de raison de rendre irresponsables, mais qui nepeuvent pas assumer cette charge supplmentaire. Autant de prcautions prendre,mais lexprience montre quil ny a pas dobstacle majeur sur cette voie,incontournable, vers le dveloppement durable.Le problme est sans doute plus compliqu l o il ny a pas de compteur. Il y a uncompteur la pompe o vous prenez votre essence, mais il ny en a pas sur votre potdchappement. Il y a un compteur sur votre arrive deau, chez vous, mais il ny en apas sur les tuyaux dvacuation des eaux uses. Sil y a une cotisation payer pour la

    1 Publie le 27 novembre 2007

    2 Surface ncessaire pour produire les ressources que nous consommons, et digrer les rejets quidcoulent de ce mtabolisme. Voir la chronique n30 de Coup de shampooing sur le dveloppementdurable aux ditions IbisPress (www.ibispress.com)

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    pollution de votre voiture ou les eaux que vous rejetez, cest en mesurant laconsommation quelle vous est affecte. Si vous rglez avec soin votre moteur pourpolluer au minimum, ou si vous faites attention ne pas vacuer dans les gouts deproduits toxiques ou difficiles liminer, vous nen serez pas rcompens, et vous neserez pas non plus pnalis si vous faites nimporte quoi. Payer pour les rejetsuniquement en fonction de votre consommation est injuste pour ceux qui polluentpeu, ceux qui font attention, et deviennent par symtrie des aubaines pour lesinsouciants ou les tricheurs. Et pourtant, en matire de ressources, de cadre de vie, desant, les rejets (les missions de gaz effet de serre, la pollution des nappesphratiques, etc.) sont aussi importants que la fourniture. Nous vivons dans dessystmes naturels qui fonctionnent souvent en boucles, les rejets devenant desmatires premires, lissue dun parcours parfois long, parfois court selon les cas.Les efforts pour rduire limpact des rejets devraient donc tre valoriss, ce qui nestgure possible sans suivre de prs les rejets de toutes natures. La manire dont undchet est renvoy dans le milieu est galement trs importante, et sans comptage, onpeut craindre le pire : les carts de prix, entre un dchet toxique traitconvenablement ou vacu en douce l o on ne regarde pas, entranent destentations fortes.Les rejets des uns pouvant devenir les matires premires des autres, un march sestprogressivement cr pour certains dentre eux. Ce sont des bourses des dchets, quioffrent parfois un dbouch intressant. En poussant cette logique, on a imagin desparcs co industriels, o sont regroupes des entreprises qui se nourrissent ainsi lesunes les autres. Bonne ide, qui fonctionne mais cre des liens de dpendance entreles entreprise dun mme site, la dconfiture ventuelle de lune delle risquant defragiliser les autres.Dune manire plus gnrale, les rejets ntant pas tous des matires premires enpuissance, et notamment le gaz carbonique, il va bien falloir faire entrer les rejetsdans une conomie consciente, avec ses acteurs et ses rgles du jeu. Rejeter dans lanature, cest accaparer une capacit de rgnration ou de stockage, prleve sur unpotentiel limit, celui de la plante. Payer pour ce service nest pas scandaleux, et ilvaut mieux le faire sur des bases objectives et transparentes que de manire trsgrossire, forfaitaire, et occulte. Que les produits de consommation fassent lobjetdun march, rgul quand cest ncessaire, est une chose couramment admise. Ellepermet doprer des ajustements entre loffre et la demande, de mieux apprcier lavaleur que la socit accorde telle ou telle consommation. Il va falloir shabituer ceque les rejets fassent eux aussi lobjet dun march, galement rgul, avec vidementdes compteurs. Ainsi valoriss, les rejets feront lobjet de toutes les attentions de lapart de ceux qui les produisent. Cest un nouveau pan de lconomie qui se cre ainsisous nos yeux, avec en vedette le gaz carbonique.Il y a donc ce qui se compte depuis toujours, la ressource, ce qui se comptera de plusen plus, les rejets, mais noublions pas ce qui ne se compte pas du tout. La qualitfonctionnelle, lesthtique, lagrment dun lieu, le paysage, sont autant de qualitsqui ne se peuvent faire lobjet dun comptage. Il faut bien, pourtant, les intgrer dansles critres de choix, les bilans politiques au sens large. Le comptage clairelvaluation, mais ne saurait constituer lui seul une valuation.

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    Recette n81

    Tout en amont

    Lenvironnement cote cher. Voil une ide trop rpandue. Les progrs trop lents duconcept de cot global sont galement l pour nous rappeler que le cot rel, celui quiintgre toutes les dpenses occasionnes pour faire face un besoin donn, pourrendre un service bien dfini, est bien diffrent de celui que lon accepte de payer audbut de lopration. Cest que le niveau des dpenses venir se dtermine au toutdbut dun projet, et que 2 ou 3 % des dpenses effectives vont dterminer lessentieldes dpenses sur quinze dans et mme plus. Tout se passe en amont, la gense desprojets, dans lanalyse mme des besoins qui le motivent, du contexte o il est dcid,des politiques menes par ses promoteurs.Les nombreux programmes dcids au Grenelle de lEnvironnement inquitent nosfinanciers. Combien de milliards deuros va-t-il falloir pour faire tous les travaux,TGV, tramway, rnovation des btiments, lutte contre les points noirs du bruit, etc.La question est classique, pour qui ne regarde que la dpense, et non les effets de ladpense, son utilit. Retournons la question : combien cote lenvironnement quandon ne sen occupe pas ? Il y a quelques annes, des tudes sur le cot social du bruit,incluant notamment la dprciation des biens, les retards scolaires dus la mauvaiseacoustique des coles, et le prix de la gne, donnait un chiffre quivalent celuiestim pour les accidents de la route. Infiniment plus que les budgets consacrs lutter contre cette nuisance. Combien coterait le non traitement des dchets et deseaux uses, en termes de risques sanitaires, de dgradation des milieux de vie, depertes concomitantes de frquentation touristique, etc. Le maire dune grande villetouristique, qui fut aussi ministre de lenvironnement, disait que son secteursauvegard lui rapportait plus que sa zone industrielle. Lenvironnement est unevaleur, et la laisser filer cote trs cher.Dans lindustrie, a fait longtemps que lon a compris que la lutte pourlenvironnement est bien plus facile, conomique et efficace loccasion dunemodernisation des process. Plutt que de traiter une pollution, vitons de la crer.Tout en amont. a cote moins cher, car on fait des conomies des ingrdientsperdus dans les rejets, et en premier lieu lnergie. Lenvironnement a dailleurssouvent t une des causes de cette modernisation. Les normes acceptablesdmissions de polluants devenant de plus en plus svres, les industriels ont prfrtransformer leurs modes de production plutt que de se contenter de mettre un filtresupplmentaire au bout de leurs chemines, ou une unit supplmentaire detraitement de leurs eaux charges de mtaux lourds et autres ingrdientsindsirables. On peut bien sr aller beaucoup plus loin sur cette voie, et desexpriences de parcs industriels montrent que lon peut optimiser non pas un processdans une entreprise mais des combinaisons des process de plusieurs entreprises,pour une plus grande efficacit densemble. Le cot des matires premires, etnotamment de lnergie, sont galement lorigine de beaucoup dinnovations. Lamatrise des rejets et les conomies de matires premires ont contribu lamodernisation de lindustrie au moins autant que le marketing et la conqute denouveaux marchs.Pour ce que lon appelle les services publics urbains, tout est plus compliqu. Letraitement des rejets, dchets et eaux uses, ne peut pas se faire en remontant sur leprocessus de production. Il faut adopter une autre logique, celle des modes deconsommation. On entre alors dans la vie des gens, et dans la logique de leurs

    1 Publie le 22 janvier 2008

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    fournisseurs. Les mtiers de lenvironnement ont bien volu en quelques dizainesdannes. Avant, la question des dchets ntait quune affaire de transports. Il fallaitramasser les ordures et les apporter dans une dcharge, un trou que lon recouvraitde terre. Aujourdhui, cest le volume des dchets produits qui fait souci : comment lerduire, ou au moins le cantonner dans des limites acceptables. Il faut aussi prvoirdautres dbouchs pour ces rsidus, une seconde (ou nime) vie pour des matires recycler, composter, valoriser de plusieurs manires diffrentes selon leur natureet leur mode de collecte. Un mtier o se mlent de la psychologie, de la sociologie, delconomie, de la technique bien au-del de la seule science des transports et de lagestion des files dattente.Pour leau, la question est diffrente, car le service public consiste aussi chercher laressource, la traiter et la distribuer. Il faut en favoriser un bon usage par lesmnages, avec la rcupration des eaux de pluie et le recyclage des eaux dites grisespour certains usages. Cela permet dconomiser la ressource. Remontons la source.La priode o il suffit de capter des sources, de creuser des puits, et de pomperallgrement dans les nappes ou les rivires est bien rvolue. Il faut aussi traiter ceseaux, souvent charges de polluants dorigine varie. Cest compliqu et a cote cher.Certaines villes ont pu viter cette contrainte et cette charge, en se proccupant delamont. Comment protger les champs qui filtrent les eaux que nous consommons, etcela grande chelle ? Lexemple de Munich montre quil y a gagner sur tous lestableaux, cologique, social et financier. On est bien dans le dveloppement durablebasique. Voil une agglomration qui distribue ces 1,3 millions dhabitants une eaunon traite. Leau vient dune valle situe 40 km de la ville, mais surtout unealtitude qui permet dexploiter la gravit tout au long du parcours. Les terrains ontt achets et boiss par la ville sur 1600 ha, pour raliser un filtre naturel. Restent delarges secteurs agricoles, et la premire alerte sur les taux de nitrate, cest unepolitique sur les pratiques agricoles qui a t conduite, et non la construction dunitde traitement. Lagriculture biologique a t fortement encourage, avec desretombes sur le paysage et la qualit des produits, en plus de lobjectif vis sur lapuret de leau. Une action en amont, sur le process de fabrication de leau paranalogie avec lindustrie. Lusine est dans le cas prsent constitue de champs et deprairies, et cest dans la manire de les mettre en valeur que laction a t mene. Enplus, a ne cote pas cher : un centime deuro pour un m3 deau de qualit eauminrale. Pour se faire une ide du gain, sachez que le cot de la seule dnitrificationest estim en France environ 30 centimes deuros /m3. Pour 110 millions de m3 paran, a compte.Tout en amont, la recette est simple. Remonter la source des problmes.Lenvironnement ne coute pas cher, si on suit cette recette. Elle est bonne pour lespays riches, et encore plus pour les pauvres qui ne peuvent dgager de moyensddis lenvironnement. Et elle fournit une quantit de sous-produits !

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    Recette n 91

    Faire le plein sans modration

    9 milliards dtres humains loger, nourrir, quiper durablement : telle est lquationquil nous faut rsoudre dici 2050, autant dire demain. Lagriculture, la mer, lesforts vont, comme jadis, devoir nous procurer de la nourriture, de lnergie, desmatires premires que lexploitation minire des ressources fossiles ne pourra plusnous fournir. Lespace devient alors une denre rare, chaque centimtre carr denotre plante devra tre utile. La productivit naturelle des cosystmes reprendra ledessus sur la frnsie dartificialisation et de production force, qui ne fait quesubstituer aux forces de la nature celles bien plus faibles des tres humains.Intensifier la production de la plante ne signifie pas la mettre en coupe rgle, maisau contraire laisser pleinement sexprimer les potentialits des milieux.Pour y parvenir, il faut changer de regard sur le progrs. Celui-ci, depuis des sicles,sest fait en colonisant de nouveaux espaces, en mobilisant de nouvelles ressources.Mon puits est pollu ? Je creuse plus profond pour pomper de leau pure dans unenappe encore vierge. Mes mines sappauvrissent ? Je prends le contrle dautresmines plus productives, ou de ressources quivalentes. Les problmes se sont rsolusen allant plus loin chercher les solutions. Normal, puisque le monde est infini,pensait-on alors.Aujourdhui, nous savons que le monde est fini. Il faut trouver des solutions chez soi,avec ses ressources propres. Pour cela, profitons de la formidable avance desconnaissances que la rvolution industrielle a permise. lre de la colonisation et delexploitation minire des ressources de la plante, succde celle de lintelligence et dela valorisation maximale des ressources. Le dveloppement durable se construit surun principe dintensification, qui doit se substituer au principe dexpansion qui rgitencore trop souvent nos mentalits et nos modles conomiques.Lintensit, voil le mot cl, et il convient de bien linterprter. La biologie comme lasociologie nous apprennent quelle est synonyme de diversit. Une seule fonction,une seule catgorie dhabitants, une seule espce : quelle que soit la forme de laspcialisation, de la monoculture, elle est appauvrissante. La production dun champde bl en Beauce est facile valoriser, mais elle natteint pas, et de loin, celle dunmarais ou dun bois. Slectionner une varit au lieu de laisser toute la diversitspanouir est commode mais faussement intensif. Un vrai bilan doit tre fait avec lesentrants au dbit, et au crdit lensemble des richesses produites sur un terrain,directement exploitables ou contribution une richesse diffuse, comme la qualit despaysages, de leau, la capacit stocker du carbone, accueillir une faune et une floreprolifique, etc. Comment faire vritablement le plein sur un territoire ? Tout dabord,en arrtant de mesurer lintensit avec un seul critre, que ce soit des quintaux de blproduits ou le nombre de personnes loges lhectare, ou encore la richessebiologique. Cest la somme de toutes les utilits qui compte. Bien sr, elles neprennent pas toutes la mme importance dans le temps et lespace, il faut savoir leschoisir et les combiner habilement. La prsence humaine est ingalement rpartie surle territoire, avec des zones trs peu denses, et dautres trs denses, chacunes avecleurs utilits valoriser. Les fortes concentrations humaines sont ncessaires pourassurer certaines fonctions sociales et conomiques, mais elles ne doivent pas pourautant ngliger dautres missions, mme si elles ne sont que secondaires.

    1 Publie le 14 mai 2008

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    Lexemple de la maison nergie positive est plein denseignements cet gard. Onne lui demande pas de fournir sa propre nergie. Elle peut aussi tre autonome, maiscest un autre concept, en complment. Ce quon demande de particulier unemaison nergie positive est dtre, en plus dune maison, une centrale de productiondnergie. Deux missions pour un seul ouvrage. On est bien sur la voie de lintensit.Premire mission, accueillir convenablement des tres humains, en leur offrant uncadre de vie agrable au moindre cot environnemental, ce qui signifie en privilgiantle ct passif, conome. Deuxime mission, produire de lnergie. Celle-ci nest pasconsomme sur place, lexception de leau chaude le cas chant, mais envoye surdes rseaux, pour la collectivit. Comme les ordres de grandeur de ce que lon peutproduire et de ce que lon consomme sont proches, il est tentant de se fixer lechalenge de produire chaque anne plus dnergie que ce que lon consomme. Mais nenous trompons pas, la production dnergie est bien une seconde mission, affecteaux nombreuses surfaces extrieures offertes par un btiment. Pourquoi ne pas lesutiliser, et rendre ainsi plus intense lusage de la parcelle qui accueille laconstruction ? Il faut pour cela concevoir cette dernire de manire optimiser lesdeux fonctions, maison et centrale nergtique, et a ne simprovise pas. Il faudrait yajouter dautres fonctions, pour augmenter encore lintensit du projet : contribution un paysage, la richesse biologique, lconomie locale, une bonne gestion deseaux de pluies, etc.Le dbat sur ltalement urbain et la densit, la maison individuelle et la ville, prendalors une autre tournure. On obtient de lintensit la campagne comme en ville,mais pas avec les mmes paramtres. Une maison individuelle, passive, eau chaudesolaire et qui renvoie sur le rseau lectrique plus de kWh quelle nen consomme, aumilieu dun jardin haute richesse biologique, qui fournit une bonne part de lanourriture et des loisirs de ses occupants, peut tre trs intense ; une cit trsartificialise, qui ne produit rien dautre que de lennui, dont les occupants necherchent qu svader, peut savrer trs pauvre. La densit nest pas lintensit. Ilest possible de les conjuguer, mais attention ne pas les confondre.Lhabitat urbain nest pas sollicit pour sa richesse agricole et biologique, et cest biendommage. Linsuffisance en nombre des jardins familiaux ne permet pas doffrir unerponse pertinente une demande dauto production vertueuse tant au plan socialque pour la matrise de lempreinte cologique ; le monde sauvage, vgtal ou animal,abrit par la ville est souvent ignor, et remplac par un autre, beaucoup plusartificiel et couteux alimenter. Le rendement de centrales solaires sur les immeublesde six tages ou plus sera sans doute infrieur, rapport au mtre carr de plancher, celui obtenu sur une maison individuelle. Mais la ville a dautres fonctions assurer,de production, dchanges, de services. Lintensit se mesure alors en cumulanttoutes des utilits, qui ne sont pas les mmes que celles de la campagne. Unecomparaison directe est donc sans intrt et peut mme conduire des contresens.Ce sont des bilans, intgrant des services rendus et des consommations, quipermettent dvaluer lintensit atteinte dans lusage dun terrain. Ces bilans nepeuvent tre arithmtiques, compte tenu de la diversit des dimensions prendre encompte, mais ils refltent la qualit densemble dun projet, qualit toujours auxmultiples facettes combiner intelligemment. Une tour, un lotissement, une maisonisole ne svaluent pas en densit, en paysage, en efficacit nergtique, enbiodiversit, mais doivent ltre en fonction de lintensit globale quils offrent danslusage dun terrain. Lessentiel est de faire le plein des utilits de toutes natures, sansmodration.

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    Recette n101

    Organiser la contagion

    Quand il sagit dune maladie, la contagion est une bien mauvaise chose. Il fautsisoler, organiser des quarantaines, se vacciner, renforcer les dfenses de nos corpspour rsister. La mise en place toute rcente de la certification HQE2 pour leshpitaux nous offre loccasion dvoquer une autre approche de la contagion.Oublions un instant la maladie. La contagion est parfois bonne. Quand il sagit dunrire, ou plutt dun fou rire, a fait du bien ! Il semble quaujourdhui la prise deconscience des enjeux pour la plante soit aussi contagieuse. Il est vrai quil y a desagents, comme Al Gore, qui se sont activs ces derniers mois pour que le virus sepropage travers le monde. Cette contagion se retrouve dans les approchestechniques, et la dmarche HQE, haute qualit environnementale, en est une bonneillustration.Elle a t conue pour les btiments. Il fallait proposer une manire dintgrer lesquestions denvironnement dans la construction, comme a se faisait dans lindustriepar exemple. La formule a plu, elle a t reprise par de nombreux acteurs. Parfois, ellea fait lobjet de polmiques, mais elle a toujours offert le cadre pour cesconfrontations, et a ainsi contribu faire progresser les pratiques, malgr sesinvitables dfauts et faiblesses. La promotion de la HQE sest faite spontanment, ausein des professions concernes. Quelques manifestations, confidentielles au dbut,et limites aux milieux techniques, et une toute petite quipe permanente delassociation qui portait la HQE, mme pas une personne plein temps pendantlongtemps. Des moyens drisoires, si on les compare aux enjeux, prs de moiti de laconsommation dnergie en France, le quart de leffet de serre, la moiti des dchets,etc. Malgr cette faiblesse, les syndicats et organismes professionnels quiconstituaient lassociation ont vu leur bb grandir. Il y a eu bien entendu destricheurs, des matres douvrage qui faisaient croire quils faisaient un effort, alorsquils ne faisaient quun petit geste. Mais force de se rfrer lenvironnement, ou la HQE, on cre une attente, une exigence, laquelle il faut bien rpondre un jour.Les abus ne sont jamais une bonne chose, mais le silence aurait sans doute t pire :une premire contagion sopre par le discours, et force de dire quon fait des effortspour lenvironnement, on finit par tre jug sur ce critre, le virus a trouv une portedentre dans lorganisme.Lintrt port la HQE a dbord son milieu dorigine. Du btiment, la formule a tapplique dautres ouvrages, et on a vu fleurir les ZAC HQE par exemple. Pur abus,encore une fois, car la formule HQE est le fruit dun travail collectif, faisant lobjetdun consensus entre les parties prenantes, et rien de tel navait t fait pour lesamnagements. Mais labus montre un besoin, et la volont de certains acteurs deprogresser. Ces ZAC HQE sinspiraient dailleurs souvent de la dmarche cre pourles btiments, et parfois avec la meilleure volont du monde, mais un territoire nestpas une maison, et la transposition directe na aucun sens. Il fallait reprendre letravail, et adapter la dmarche un autre objet. La contagion observe a renduncessaire ce nouveau chantier, qui a donn des premiers rsultats en 2006 sous laforme dun prototype de dmarche amnagement, qui est aujourdhui en cours detest grce au volontariat et lengagement dune dizaine doprateurs publics etprivs.

    1 Publie le 14 mai 20082 HQE : Haute qualit environnementale

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    Pendant ce temps l, une autre contagion se prpare. Une premire alerte avait tressentie avec la construction de la route grand gabarit, entre Bordeaux et Toulouse,pour les besoins de lAirbus A 380. On avait alors pour la premire fois utilis levocable de route HQE, au grand dsespoir des puristes de la HQE. L encore, il sgitdun abus manifeste de langage, mais qui tmoigne la fois dune volont de bienfaire, et dun besoin de mthode du type de ce qui a t ralis pour le btiment. Deuxavantages se rfrer la HQE : Le terme HQE est commode reprendre pourdclarer son engagement ; la dmarche elle-mme, le contenu, offre un cadre pour larflexion et llaboration des projets. Cadre reprendre pour un nouveau typedouvrage, mais cadre de travail qui a limmense mrite dexister. Et de labus nait lasagesse : du besoin ainsi manifest sont sorties des initiatives diverses, jusqu larcupration, lheureuse rcupration de ces avances par une institution qui sestdonne les moyens de reprendre le travail la base, dans lesprit et avec les principesde la HQE dorigine contrle. Le conseil gnral du Nord, dtenteur dun importantpatrimoine routier et habitu la HQE pour ses btiments, est devenu le porteurdune nouvelle dimension de la HQE, et, aprs une priode dtudes, a lanc desoprations pour tester une formule HQE routes. La contagion a pris un nouvel essor.Les autres dpartements se montrent intresss, cest presque comme la calomniedans le Barbier de Sville !Le dveloppement durable ne se diffusera vraiment que de lintrieur. Cest unedmarche que chacun doit reprendre et adapter son propre univers, sesresponsabilits, ses pratiques. On a reproch, et juste titre, la HQE de ne pasavoir su contrler ses dveloppements, et les nombreux abus commis en son nom. Onle dit souvent aussi du dveloppement durable, trop souvent invoqu pour trehonnte. Mais ce faisant, les acteurs sapproprient les instruments, fabriquent leurbote outil, et en apprennent le maniement, en dcouvrent lintrt et la richesse. Ilfaut bien sr lutter contre les abus manifestes, les exploitations hontes de valeursignores ou mme bafoues sur le fond. Mais naseptisons pas trop le dveloppementdurable, sinon la contagion en sera freine. Les voies du virus sont parfoissurprenantes.

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    Recette n 111

    Donner des repres

    Le dveloppement durable est la construction collective dun monde nouveau. Ladynamique ancienne manire tait fonde sur lexpansion, sur la colonisation duneterre considre comme infinie. Depuis quelques dizaines dannes, maintenant, ilsemble bien que nous consommions chaque anne plus que ce que la plante peutproduire. Adieu, donc, lexploitation insouciante de rserves infinies, bonjourlingniosit qui permet de tirer le maximum de services de la moindre ressourceofferte par la Terre.Ce changement de principes de dveloppement, certains diront de paradigme, nestpas anodin. Il marque un virage dans lhistoire de lhumanit, avec son ct marchevers linconnu, exploration de futurs possibles. Personne ne peut prtendre dcrirecet avenir, autrement que comme des hypothses, des scnarii, des projections bienutiles pour comprendre o lon va, mais qui ne sont que des reprsentations. Il sagitde lancer un vaste mouvement de transformation de nos socits, en lui donnant desmoteurs, des instruments de pilotage, volant, repres, clignotants, et en aidantchacun dentre nous trouver son rle dans cette transition historique qui sest djengage.Ce mouvement est forcment une remise en cause de nombreuses certitudes, et ausside situations sociales, de rfrences culturelles. Les intrts des uns et des autres sontvidemment au cur des dbats, car chacun mesure la fragilit des hritages, dans untel contexte. Il ny a pas dacquis qui ne puisse tre remis en question. Les principesdu dveloppement durable assurent chacun une place dans le monde de demain,avec la satisfaction de ses besoins, mais il va falloir accepter dabandonner desavantages, certains diront des privilges, ou supposs tels, qui nous diffrencient lesuns des autres et nous permettent daffirmer notre identit. Les cartes vont treredistribues, comme au lendemain de grands cataclysmes, de conflits majeurs, dervolutions. Cette perspective en effraie plus dun, et comme nous ne sommes pas encrise dure, beaucoup esprent sen tirer en faisant le dos rond, en attendant que a sepasse, en changeant le moins possible ses habitudes. Les rsistances au changementsont multiples, et pour certaines parfaitement lgitimes. Comment crer lemouvement dans ces conditions ? Comment viter que ce soit une crise majeure,violente, qui nous oblige oprer chaud, dans les pires conditions, cestransformations que la simple observation de la plante devrait nous convaincre delancer toutes affaires cessantes.Chaque remise en cause davantages apparait comme une rgression. Les sondagesnous le disent : Aprs une longue priode damlioration continue, une majorit denos contemporains craignent que leurs enfants ne vivent plus mal queux. Unretournement de situation qui serait dailleurs effectif si notre modle dedveloppement ne changeait pas. En attendant, chacun dfend son mtier, sesinvestissements, murement tudis sur la base du monde dhier, celui o lnergientait pas chre. Les perspectives davenir, lointaines comme immdiates, semblentbien sombres. Le rsultat est une radicalisation, qui peut rendre violent le plus douxdes hommes. Le terrorisme nest pas loin, et on la mme vu en mode cologique, avecla menace de dverser des produits dangereux dans les rivires. Le dsarroi et ledsespoir conduisent des extrmits quil serait coupable de ne pas envisager, etquil faut tout prix dsamorcer. Cest la condition du mouvement.

    1 Publie le 25 juin 2008

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    Il faut offrir de nouvelles perspectives, proposer quelques repres solides pour baliserun futur trop incertain.Le dbat politique traditionnel peine fournir ces repres, la droite, supposeconservatrice, prnant un mouvement souvent considr comme un retour en arrire,et la gauche, en opposition, apparaissant au contraire conservatrice, arc-boute surdes avantages acquis non dfendables terme.Il est vrai que proposer le retour en arrire comme perspective de mouvement, nestpas trs emballant, et que limmobilisme nous conduirait dans le mur. Cest unchangement de cap quil faut proposer, avec des horizons qui la fois font rver etapparaissent suffisamment ralisables pour que le jeu en valle la chandelle. Unmouvement qui, une fois amorc, se poursuive et samplifie de lui-mme.Ce changement de cap est dautant plus difficile que lessentiel des dirigeants,politiques et professionnels, que les relais dopinion, ont jusqu une date encorercente flatt les comportements quil aurait convenu dabandonner au plus vite, etprivilgi des orientations qui se rvlent des impasses. La question de la pcheapporte une parfaite illustration de cette politique courte vue, poussant desprofessionnels investir dans des matriels lourds et gourmands, pour aller acheverde tarir la source mme de leur revenus, pour tre sr de bien tuer la poule auxufsdor.La prise en charge des populations engages dans des impasses est incontournable,non pour les assister jusqu leur disparition totale, mais pour les accompagner dansle recherche dun autre avenir que celui quils ont toujours eu en tte. La socit napas su anticiper, et le prix payer ne peut qutre support par tous, condition quilcontribue au mouvement, la recherche du monde de demain, et non auprolongement dsespr de celui dhier.Le dossier des retraites illustre galement bien la ncessit du mouvement. On peuttoujours changer quelques paramtres, taux de cotisation, ge lgal, etc. Toutes lesdcisions annonces aujourdhui apparaissent comme des pertes de droits, desrgressions sociales. Ce ne sont que de petites mesures comptables, qui ignorent laralit humaine. Le monde nouveau construire sera un monde la fois hyperproductif, et de vieux. La place du travail ne pourra pas tre la mme que dans lemonde hrit dun pass laborieux, courb sur la terre ou sur ltabli. De mme queles vieux ne pourront demeurer une catgorie part, la fois marginale etterriblement prsente. Le nouvel ordre social est crer, non comme un recul maiscomme une nouvelle chance pour lhumanit.Ce nest quen lanant avec dtermination la recherche de ce nouvel ordre social quelon sortira des marchandages et que des perspectives davenir se dcouvriront.Donner quelques repres simples et faisant consensus, un consensus dur bien sr,voil une bonne recette pour dmarrer.