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Regards croisés sur l’évaluation de la rénovation urbaine Le Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (CES de l’ANRU) fête ses dix années d’existence. Dix années mar- quées par la production de nombreuses études et de rapports d’évaluation analysant la mise en œuvre et les effets des projets de rénovation urbaine. S’attachant depuis sa création à produire une analyse critique mais tou- jours constructive du programme national de rénovation urbaine, le CES de l’ANRU a souhaité porter un regard distancié sur sa propre action et, plus largement, sur l’évaluation de la politique de la ville, avant la fusion annoncée des dispositifs d’observation et d’évaluation dans le cadre du Commissariat général à l’égalité des territoires. Avec la collaboration de plusieurs experts et acteurs de la rénovation urbaine, et sous la direction de Barbara Allen et Fabrice Peigney, cet ouvrage constitue un témoignage sur le rôle difficile d’évaluateur des politiques publiques dans un pays souvent rétif à cet exercice critique, et invite à approfondir le travail engagé, notamment dans la perspective du nouveau programme national de renouvellement urbain. Fidèle à sa conception d’une évaluation au service de l’action, le CES plaide pour une évaluation certes solide méthodologiquement mais qui doit se préoccuper avant tout d’apporter une aide à l’action aux acteurs locaux et nationaux de la politique de la ville. Diffusion Direction de l’information légale et administrative La documentation Française Tél. : 01 40 15 70 10 www.ladocumentationfrancaise.fr ISBN : 978-2-11-009788-0 DF : 5HC37830 Imprimé en France Prix : 14 € dF Regards croisés sur l’évaluation de la rénovation urbaine Illustration © Andy Baker / Ikon Images / Corbis Regards croisés sur l’évaluation de la rénovation urbaine ÉTUDE DU COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE SUIVI DE L'ANRU La documentation Française 9:HSMBLA=U^\]]U:

1.1. Regards croisés_Quels enseignements peut-on tirer des travaux du CES de l'ANRU_C. Noyé

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Relatório da ANRU (França)

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  • Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    Le Comit dvaluation et de suivi de lAgence nationale pour la rnovation urbaine (CES de lANRU) fte ses dix annes dexistence. Dix annes mar-ques par la production de nombreuses tudes et de rapports dvaluation analysant la mise en uvre et les effets des projets de rnovation urbaine.

    Sattachant depuis sa cration produire une analyse critique mais tou-jours constructive du programme national de rnovation urbaine, le CES de lANRU a souhait porter un regard distanci sur sa propre action et, plus largement, sur lvaluation de la politique de la ville, avant la fusion annonce des dispositifs dobservation et dvaluation dans le cadre du Commissariat gnral lgalit des territoires.

    Avec la collaboration de plusieurs experts et acteurs de la rnovation urbaine, et sous la direction de Barbara Allen et Fabrice Peigney, cet ouvrage constitue un tmoignage sur le rle difficile dvaluateur des politiques publiques dans un pays souvent rtif cet exercice critique, et invite approfondir le travail engag, notamment dans la perspective du nouveau programme national de renouvellement urbain.

    Fidle sa conception dune valuation au service de laction, le CES plaide pour une valuation certes solide mthodologiquement mais qui doit se proccuper avant tout dapporter une aide laction aux acteurs locaux et nationaux de la politique de la ville.

    DiffusionDirection de linformation lgale et administrative

    La documentation FranaiseTl. : 01 40 15 70 10

    www.ladocumentationfrancaise.fr

    ISBN : 978-2-11-009788-0DF : 5HC37830

    Imprim en FrancePrix : 14 dF

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    Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    TUDE DU COMIT DVALUATION ET DE SUIVI DE L'ANRU

    Ladocumentation

    Franaise

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  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 77

    Quels enseignements majeurs peut-on tirer des travaux du CES de lANRU?Christophe Noy

    Depuis 2011, le comit dvaluation et de suivi (CES) de lANRU a command et pilot plus dune douzaine dtudes thmatiques auxquelles sajoutent quelques monographies 75. Elles couvrent lensemble de ce que lANRU a pos comme ses fondamentaux, soit les champs dintervention que toute convention et tout projet doivent aborder et traiter.

    Afin de dbattre sur le sens et la porte de cette valuation, il est ncessaire de remettre en perspective cette dmarche dans son contexte. Le projet de loi insti-tuant le programme national de rnovation urbaine (PNRU) date de 2003, ainsi que la mise en place de lANRU. Le CES est quant lui cr lanne suivante. Sa mise en place rapide tmoigne sans doute dune certaine vigilance de la part des pouvoirs publics face un programme qui, sil nest pas vraiment indit quant ses objectifs, affiche une programmation nationale trs ambitieuse en matire de dmolition-reconstruction et plus largement dinterventions urbaines et des moyens dune ampleur indite.

    Le CES de lANRU est charg la fois du suivi et de lvaluation du PNRU. Dix ans aprs sa mise en place, que peut-on dire de la production valuative du comit? Quels enseignements peut-on tirer des nombreuses tudes menes sur la mise en uvre et les premiers effets de la rnovation urbaine? Cet article propose une analyse des axes et mthodes valuatifs choisis par le CES ainsi quune synthse des principaux enseignements transversaux des travaux du comit, qui dessinent des pistes pour lavenir.

    75. Une prsentation dtaille des tudes du CES se trouve en annexe du prsent ouvrage.

  • 78 Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    Retour sur les tudes du CES de lANRU

    Comme le rappelle larticle de Barbara Allen, lhistoire du CES de lANRU peut se scinder en deux priodes. La premire priode (2004-2009) correspond une approche plus interpellativede lvaluation, pendant laquelle le CES parti-cipe ct de lANRU au travail de construction du PNRU, en proposant des amendements au fonctionnement de lagence et larticulation avec les autres politiques publiques. La deuxime priode souvre en 2009, lorsque le comit engage un programme annuel dtudes, tudes qui peuvent alors sappuyer sur des ralisations tangibles dans plusieurs quartiers.

    Une valuation dans le temps de lactionLes premires tudes du CES sont menes dans un temps trs court par rapport la mise en uvre du PNRU. En effet, si la loi et la mise en place de lANRU datent de 2003, les conventions ont t signes sur plusieurs annes avec une contrainte forte sur le droulement des oprations, car le programme est annonc comme devant se raliser en cinq ans. Les premires datent de 2004, et ont suivi cinq annes dintense activit de lANRU avec la signature de cinquante soixante nouvelles conventions par an jusquen 2009. Au moment du lancement des premires tudes du CES, plus de trois quarts des conventions ont t signes mais elles ont pour la plupart moins de deux ans.

    Les conventions de rnovation urbaine peuvent tre distingues en deux princi-paux groupes : les premires conventions signes ont t gnralement portes par des col-

    lectivits qui taient dj engages dans une procdure de la politique de la ville de type grand projet de ville (GPV) ou opration de renouvellement urbain (ORU) et disposaient de ce fait dun projet et dun programme din-tervention ; la cration de lANRU na pas t sans effets, car le changement de calibrage des moyens a notamment amen les collectivits revoir les pro-jets en y intgrant gnralement une proportion plus importante de dmoli-tions, sous limpulsion du comit dengagement, instance de validation des projets ; dans ces quartiers, certaines oprations avaient dj t lances, cer-taines ont t raccroches aux conventions ANRU ;

    la seconde gnration de conventions a concern des quartiers qui, pour la plupart dentre eux, ne disposaient pas de projet et pour lesquels la signa-ture de la convention a ncessit pralablement llaboration dun projet et du programme correspondant sa mise en uvre ; le dispositif de lANRU, avec la signature dune convention comprenant non seulement les principes dintervention mais aussi le tableau financier des oprations programmes, obligeait dfinir prcisment le projet.

    Dans la plupart des cas, la convention signe a t suivie dun temps de calage des projets sur la base dtudes complmentaires menes aprs la signature des conventions et de nombreux amendements ont t apports et formaliss dans les avenants aux conventions initiales. Il y a donc eu, sur la plupart des sites,

  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 79

    un dcalage entre signature de la convention et mise en uvre oprationnelle du programme. Ce dcalage a t fortement accentu par le phasage des opra-tions. En effet, les dmolitions constituaient le pralable ncessaire la mise en uvre du reste du projet urbain. Or, sauf dans le cas des rares oprations programmes avant le PNRU et pour lesquelles les relogements taient dj engags, deux trois annes ont t ncessaires avant que dautres aspects du projet se dveloppent. Les dlais de ralisation du relogement ont t un facteur de ralentissement sans doute prvisible de mise en uvre des programmes : mise en place dun suivi personnalis sur la plupart des sites, dfaut dune offre de logements mobilisables (faute de reconstitution disponible ou de mobilisa-tion dun parc construit dans le cadre du droit commun), baisse de la mobilit

    Ainsi, lorsque le CES lance son premier programme dtudes en 2009, les projets sont engags mais pas achevs. Cette situation conduit le CES orienter les tudes vers des sites suffisamment avancs pour que le projet soit stabilis et sur lesquels les premires oprations taient acheves. Il en rsulte une forte surreprsentation des GPV-ORU dans les premires tudes ; sur les dix sites des tudes menes en 2009, seulement deux ne sont pas dans ce cas. Ds lorigine, le CES a en effet privilgi des sites sur lesquels on pouvait envisager une analyse des ralisations. Mais jusquen 2011, les tudes se sont surtout appuyes sur les documents contractuels (convention, programme), sur lactualisation du projet auprs des acteurs locaux et sur des ralisations le plus souvent inacheves ; une analyse reposant surtout donc sur les intentions. partir de 2011, les tudes ont pu sappuyer sur des projets gnralement stabiliss, des premires ralisations, mais jamais sur un projet achev.

    Le CES a donc produit une valuation in itinere, dans le temps de laction, de la mise en uvre du PNRU et de ses premiers effets. Cela entrane une srie de remarques.

    La premire semble une vidence : on ne peut statuer dfinitivement sur les effets du PNRU, dans un sens ou dans lautre, sur la base des tudes ralises. En effet, la plupart des effets ou non-effets de la rnovation urbaine sont encore en gestation sur les sites tudis. Des processus de transformation se sont mis en place, mais il reste difficile den dduire les volutions qui en rsulteront sur le fonctionnement des quartiers et plus encore en regard dobjectifs gn-raux tels que la mixit sociale ou la banalisation des quartiers pour lesquels il faudra attendre avant den mesurer la ralisation.

    Deuximement, les enqutes se situent entre suivi et valuation. Cest dailleurs le positionnement que suggre le nom mme du CES, comit dvaluation et de suivi. Les tudes ont accompagn les rajustements dans un systme qui relve sans doute dun processus dlaboration conjointe. Les travaux, notamment dans un premier temps, se sont aliments de la pratique des acteurs locaux. Les raisons des rajustements oprs dans les projets initiaux et les rorien-tations programmatiques qui en ont rsult ont t analyses et synthtises. Ces synthses ont par retour sans doute contribu diffuser auprs dun cercle plus large dacteurs locaux des sries de questionnements, dajustements et de

  • 80 Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    rorientations, notamment sur la base des rapports annuels du CES, qui partir de 2009 ont largement capitalis les tudes ralises 76.

    Troisimement, il reste construire une dernire tape de lvaluation, celle sap-puyant sur la mesure des effets constats sur des sites ayant achev lensemble de leur projet. Aprs lanalyse des intentions initiales et de leurs ajustements, des premiers effets constats et des processus qui se mettent en place, il est en effet ncessaire daborder la question des effets cumuls ou croiss. Les approches thmatiques ont permis didentifier les processus de changements engags ou non les effets conformes ou non aux objectifs, ce qui constitue un socle sur lequel peut sappuyer la construction dun cadre analytique et valuatif. Cest dailleurs ce que lon peut dj constater dans le cadre des valuations locales encore rares menes par les collectivits, qui, pour la plupart, sappuient sur les tudes du CES de lANRU pour construire leur cadre dvaluation.

    Une valuation des catgories daction de la politique publique

    La douzaine denqutes menes par le CES de lANRU a couvert des champs varis qui recouvrent principalement les deux objectifs centraux du PNRU : la mixit sociale et la banalisation. Sur ces deux objectifs, des thmatiques voisinent ou en correspondance ont t dveloppes. Sur la mixit sociale, ont t successivement traits les effets de la diversification de lhabitat, les effets combins des relogements et des oprations de dmolition/reconstruction du parc locatif social, lattractivit foncire et enfin la question du peuplement du parc social. Concernant la banalisation urbaine, ont t tudies la qualit urbaine, la qualit architecturale et constructive, la mixit fonctionnelle et la banalisation urbaine.

    Paralllement ces tudes thmatiques, plusieurs autres travaux plus trans-versaux ont port sur la mise en uvre des projets (gouvernance du PNRU, articulation entre volets social et urbain, Grand Paris et rnovation urbaine). Enfin, le CES a ralis une enqute auprs dun panel reprsentatif de plus de sept cents personnes habitant huit quartiers dans lesquels les PRU taient avancs. Tant dans sa mthode que dans son objet, ce travail ne se situe pas au mme niveau que les autres : il sagit ici de recueillir lavis des habitants sur la mise en uvre de la rnovation urbaine et ses effets. Les rsultats de ces enqutes sont difficiles interprter de manire dfinitive, car les effets sont diffrencis 77, mais elle souligne quand mme une satisfaction majoritaire, parfois mitige mais en tous cas trs loigne dun suppos rejet massif de cette politique juge parfois stigmatisante.

    76. CES de lANRU, La rnovation urbaine lpreuve des faits, Rapport, Paris, La Documentaire franaise, 2010 ; CES de lANRU, Les quartiers en mouvement. Pour un acte II de la rnovation urbaine, Rapport, Paris, La Documentation franaise, 2011 ; CES de lANRU, Changeons de regard sur les quartiers. Vers de nouvelles exigences pour la rnovation urbaine, Rapport, Paris, La Documentation franaise, 2013.77. Allen B., Postface, in Mon quartier a chang ! Ce que disent les habitants de la rnovation urbaine, CES de lANRU, Paris, La Documentation franaise, 2014.

  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 81

    Mise en relation des tudes du CES de lANRU et des critres dapprciation des projets de rnovation urbaine dicts par lANRU :

    Critres dapprciation des projets dicts dans le rglement gnral de

    lANRU au titre des objectifs gnraux du programme

    tudes du CES de lANRU

    1.Enrayer la concentration gographique et favoriser lintgration des populations rencontrant des difficults sociales.

    Dynamiques sociales des quartiers en rnovation urbaine (2011). La rnovation urbaine pour qui? Contribution lanalyse des mobilits rsidentielles (2012). Politiques de peuplement et logement social. Premiers effets de la rnovation urbaine (2012).

    2.Mettre fin lenclavement physique ainsi qu la dgradation ou dqualification urbaine de ces quartiers et les intgrer au reste de la ville.

    La mobilit et la qualit urbaine des PRU (2009). Qualit architecturale et constructive des ralisations des projets de rnovation urbaine (2012). Des quartiers comme les autres? La banalisation urbaine des grands ensembles en question (2013).

    3.Favoriser la diversit des statuts doccupation et de gestion des logements.

    Diversification de lhabitat et rnovation urbaine (2009). La rnovation urbaine pour qui? Contribution lanalyse des mobilits rsidentielles (2012).

    4.Diversifier les fonctions urbaines travers un rquilibrage des fonctions commerciales, conomiques, sociales et culturelles par rapport lhabitat.

    Mixit fonctionnelle dans les quartiers en rnovation urbaine (2009). Des quartiers comme les autres? La banalisation urbaine des grands ensembles en question (2013).

    5.Redonner une attractivit aux quartiers concerns.

    La mobilit et la qualit urbaine (2009). La place de lcole dans le cadre des projets de rnovation urbaine (2009). volution de lattractivit foncire et du march immobilier dans les quartiers de la rnovation urbaine (2012).

    Si les champs couverts par les travaux du CES sont pour lessentiel au cur mme des objectifs du PNRU, il faut souligner que, mise part lenqute sur le ressenti des habitants, ces tudes sont restes thmatiques. Il ny a donc pas eu dapproche globale des effets conjugus des diffrentes interventions menes dans les quartiers (lvaluation transversale mene en 2009 sur dix mmes sites est de ce point de vue lexception, malgr labsence de relles analyses croises). Cela aurait pu tre atteint indirectement en maintenant un panel similaire de sites pour toutes les tudes menes mais, dans un premier temps de lvaluation, il est sans doute apparu plus judicieux de commencer par mesurer la diversit des rinterprtations locales des objectifs nationaux, de la diversit des contextes et des projets mis en uvre, ce qui se prtait mal une approche plus globale. Cette dmarche sinscrivait aussi dans un besoin de lgitimation de linstitution qui passait par la ncessit de couvrir le plus grand nombre de sites possible. Ainsi, au total, les tudes menes ont concern plus dune soixantaine de sites, une vingtaine en le-de-France, une quarantaine dans dautres rgions.

    Il faut toutefois noter que le travail de mise en cohrence des rsultats et darti-culation des diffrentes tudes a t ralis dans les rapports annuels du CES, notamment depuis 2009.

  • 82 Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    Les territoires de lvaluationLes enqutes ont donc couvert un nombre de sites important, plus de 60 sur un total de 397 conventions signes. Il nest pas question ici de mettre en cause la reprsentativit de ces sites mais de les replacer au regard de la diversit de lensemble des conventions signes.

    Les sites concerns par les tudes du CES sont pour plus de la moiti dentre eux situs dans une agglomration de plus de 500 000 habitants, ce qui est une proportion quivalente celle constate pour lensemble des conventions signes. Le poids de lle-de-France est quant lui reprsent juste proportion dans les tudes du CES. La proportion de sites localiss dans une agglomra-tion plus modeste est similaire celui de lensemble des conventions (un peu moins de la moiti). Toutefois, au sein de cette catgorie, les sites localiss dans une agglomration en dcroissance dmographique ou en faible croissance sont sous-reprsents. Enfin, aucun site des dpartements doutre-mer na t intgr dans les tudes menes par le CES.

    Mme si la surreprsentation des anciens sites GPV/ORU dans la premire srie dtudes a ensuite t rquilibre, six sites sur dix tudis par le CES sont des territoires ayant connu une longue histoire de la politique de la ville contre 40 % pour lensemble des conventions.

    Les quartiers analyss dans le cadre des tudes du CES de lANRU sont plutt des quartiers jeunes forte proportion de grandes familles. Il en rsulte un poids plus important dans les tudes du CES des quartiers dans lesquels les ressources des mnages sont les plus faibles.

    Les conventions de rnovation urbaine se partagent entre deux groupes ingaux : 30 % des conventions prvoient un faible taux de dmolition (ou de reconstitu-tion hors site) et sont donc surtout orientes vers la rhabilitation du parc social et son renouvellement ; 70 % des conventions sont plus marques par la logique de diversification (dconcentration du parc social et diversification de lhabitat). Cette dernire catgorie pse plus encore au sein du panel de sites tudis par le CES de lANRU avec huit sites sur dix ; cest notamment un effet li aux tudes portant sur la diversification qui ont volontairement cibl des sites dans lesquels cette modalit daction tait dveloppe.

    La logique mme du travail valuatif men par le CES de lANRU ne visait pas une reprsentativit des sites au regard de lensemble des conventions signes. En revanche, il sagissait de couvrir une diversit de situations, de profils sociaux des quartiers et de programmes mis en uvre. La lecture transversale des tudes permet donc daborder la diversit des objectifs de la rnovation urbaine et des contextes dans lesquels elle sest dveloppe et permet de souligner certaines constantes, tant dans la mise en uvre des oprations que dans leurs premiers effets.

  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 83

    Enseignements et pistes pour la poursuite de lvaluation

    On ne reviendra pas sur les conclusions de chacune des tudes du CES. Elles ont t dj synthtises dans les rapports annuels du comit, discutes avec des acteurs locaux loccasion des nombreuses rencontres organises cet effet et largement diffuses auprs du rseau dacteurs de la rnovation urbaine. Il sagit plutt de souligner les constantes qui mergent au fil de ces tudes et qui peuvent constituer une premire srie de constats et de questionnements concernant les phases suivantes dvaluation locales ou nationales ; en somme, un cadre valuatif.

    Objectifs nationaux, rinterprtations et rajustements locaux

    On a pu considrer le PNRU comme une politique trs normative et insuffi-samment diffrencie en fonction des contextes locaux. Le rglement gnral de lANRU et la liste des critres dapprciation des projets par le comit denga-gement ont sans doute fortement contribu forger cette ide. De mme, on ne peut pas ignorer que les niveaux de financements ont ncessairement influenc la dfinition des projets locaux ; cest le cas par exemple de la dmolition, outil prexistant mais dont les conditions de financement ont t sensiblement amliores, cette amlioration constituant un puissant facteur de gnralisation de cette pratique. Enfin, on le sait, le comit dengagement a souvent dfendu, au moins dans les premires annes, une doctrine assez formelle et respec-tueuse des objectifs inscrits au rglement gnral de lANRU.

    Mais que constate-t-on partir des tudes menes par le CES de lANRU? Pralablement, il faut souligner que le changement de sites lors de chaque nouvelle enqute a oblig les quipes charges des tudes faire un compte rendu sur les projets, leurs actualisations et leurs rajustements. Une confronta-tion systmatique a donc t ralise entre les projets initiaux, les conventions, les programmes daction, leur ractualisation et les inflchissements envisags au moment de la ralisation de ltude.

    Deux constats simposent. Dune part, il y a une trs grande diversit de projets mis en uvre, car linterprtation locale des catgories gnriques de laction publique (mixit sociale, diversification, banalisation) est multiple et parfois contradictoire. De ce point de vue, les conventions apparaissent insuffisantes pour apprcier le projet men. En effet, il sagit dabord de documents contrac-tuels dans lesquels les collectivits sattachent satisfaire aux critres de la politique nationale et manipulent donc les mmes catgories daction sans pour autant toujours les incarner dans le programme daction.

    Ce processus de rajustement peut sexercer plusieurs niveaux : par une rinterprtation radicale de lobjectif national, par sa redfinition ou par son inscription dans la convention, mais sans aucune traduction en termes opra-tionnels. Ces rajustements semblent par ailleurs diffrencier assez nettement les actions relevant des objectifs finalit sociale (mixit) de ceux finalit urbaine (banalisation).

  • 84 Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    Pour la premire catgorie, celle de la mixit, tout lventail est reprsent. Certains projets nont pas dobjectif de mixit sociale, quels que soient les objectifs inscrits la convention. Cela peut se traduire par un projet nettement orient vers lamlioration des conditions dhabitat, par exemple sans dmoli-tion ni diversification, et qui na pas comme finalit de modifier le profil social du quartier, mais de contribuer par sa requalification sa meilleure intgration dans lespace urbain. On peut aussi constater une rinterprtation de lobjectif, ou son rajustement dans le temps du projet. Cette volution a t trs frquente avec un objectif initial ax sur laccueil dans le quartier de nouvelles popula-tions, classes moyennes venues dailleurs , qui volue progressivement, soit sous limpulsion des oprateurs privs (promoteurs), soit directement de linitia-tive de la collectivit, vers une promotion rsidentielle interne des populations prsentes dans le quartier, ou issues de quartiers similaires. La posture la plus courante est sans doute de considrer que la mixit nest pas un objectif en soi, mais plutt une volution qui sera constate au terme dun processus qui est juste dclench et ne peut pas se dcrter .

    Concernant la mixit fonctionnelle, objectif moins discut et en tout cas moins polmique, les volutions sont un peu diffrentes. Elles relvent pour la plupart dun ajustement de lobjectif au contexte local du quartier et du march. Dans certains cas, lobjectif a t resserr sur le seul axe damlioration et de requa-lification des quipements locaux pour soutenir la fonction rsidentielle par une offre dquipements de proximit. Cest principalement la taille modeste du quartier, sa liaison au centre-ville ou dautres polarits urbaines, ou le niveau et la qualit des transports en commun qui entranent ce choix. ce titre, on peut signaler que les tudes du CES mettent en avant des conventions qui prennent pour rfrence le modle du quartier rsidentiel . Dans dautres cas, le faible dynamisme du tissu conomique local est un facteur limitant pour un dveloppement conomique ; dans un contexte de faible croissance conomique, afortiori de rtractation de lemploi, lobjectif de diversification fonctionnelle nest pas ralisable.

    Pour la seconde catgorie, celle de la banalisation urbaine, les processus semblent majoritairement diffrents. Ce qui prdomine semble plutt tre une homognisation des modes dintervention et des solutions mises en uvre. Cest particulirement le cas de la rsidentialisation, qui se traduit surtout par la reproduction assez indiffrencie dun mme mode de traitement. De mme, la production architecturale, tant sociale que prive, a pour objectif assez partag de rompre avec lurbanisme de barres et de tours ; elle produit donc majoritai-rement des formes en ruptures (petits immeubles collectifs, maisons individuelles ou formes alternatives intermdiaires). Il en rsulte que lobjectif de banali-sation est, dans une majorit de sites, port par des ralisations assez uniformes et homognes. ce titre, il est dusage de considrer que les rhabilitations PALULOS des annes 1980-1990 ont particip des processus de stigmatisation par leur homognit en type de traitement et couleurs de faade ; il nest pas certain quil en aille diffremment avec la production des PRU. Concernant la requalification, l encore les modalits de mise en uvre sont assez homognes et peu diffrencies : maillage, reconstitution dlots, nouveaux alignements Cest le souhait de rompre avec un certain urbanisme qui prdomine, parfois au dtriment de qualits initiales mal reconnues : ampleur des espaces publics, flui-dit des circulations pitonnes Les rajustements se transforment en limites

  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 85

    lorsquils sont dicts par des caractristiques du site quil est difficile de dpas-ser : coupures du quartier du reste de la ville par de grandes infrastructures ou emprises foncires, limites naturelles telles que les fleuves ou la topographie.

    Les enseignements tirs du travail valuatif du CES sont donc doubles, et confirment certaines analyses. Le premier enseignement est que, depuis la dcen-tralisation et le dveloppement des diffrentes formes de contractualisation tat-collectivit, le document conventionnel constitue une forme de compromis entre les objectifs nationaux et ceux de la collectivit, et la mise en uvre se rajuste en fonction du contexte local et des volutions de la conjoncture. On le constate dans la rnovation urbaine, comme on peut le faire pour les contrats de ville, les programmes locaux de lhabitat, les schmas de cohrence territoriale Le second enseignement est li au premier. Entre la dfinition dune politique nationale dont on peut regretter le caractre trop normatif ou, quon peut, au contraire, dfendre par souci de cohrence, puisquelle dfinit des objectifs communs et sa mise en uvre, lajustement est non seulement obligatoire mais surtout ncessaire. Il permet dadapter les objectifs nationaux des contextes territoriaux qui sont de plus en plus diffrencis et de travailler avec des formes distinctes de gouvernance et de maturit des politiques locales.

    Les facteurs de diffrenciation des projets et de leurs effets

    Concernant le PNRU, lvaluation produite par le CES permet didentifier au moins deux facteurs majeurs de diffrenciation des sites. Ces carts de situations nont pas toujours incit les acteurs locaux rajuster les objectifs nationaux et ont pu conduire la mise en uvre de projets ayant trop peu tenu compte du contexte local. Il y a l dvidence un effet normatif de la politique publique qui savre finalement contre-productive.

    Contextes locaux

    Le PNRU a sans doute renforc la diffrenciation des effets en fonction des contextes, du fait dobjectifs qui en ralit dpassent largement le cadre des quartiers, notamment en ce qui concerne les diversifications sociales et urbaines. En effet, en affirmant la diversification de lhabitat et celle des fonctions comme des outils essentiels de la rnovation urbaine, le PNRU a introduit une compo-sante march qui sest impose dans tous les sites. Quil sagisse de diversifier lhabitat en tous les cas dans la dfinition de lANRU, cest--dire par intro-duction de parc priv ou les fonctions lorsquil sagit de dvelopper lactivit conomique au-del de larmature dquipements de proximit latteinte de lobjectif repose en grande partie sur la capacit du projet et de ses acteurs attirer des oprateurs privs. Les limitations sont donc logiquement lies aux conditions locales. On ne peut envisager de diversifier loffre dhabitat lorsquil ny a pas dactivit du march immobilier. De mme, on ne peut dvelopper lemploi sans risquer de provoquer des effets de transferts, ce qui a t souvent le cas des ZFU, si le contexte conomique local nest pas favorable. On constate donc, et de manire trs marque, une nette diffrence entre projets mis en uvre et effets constats en fonction du plus ou moins grand dynamisme du territoire.

  • 86 Regards croiss sur lvaluation de la rnovation urbaine

    De ce point de vue, il est dsormais assez gnralement admis que le PNRU a propos des modalits dintervention mal adaptes aux contextes peu tendus, en dcroissance dmographique et de faible dveloppement conomique. La seule adaptation prvue a t, sur un nombre trs restreint de sites, le non-respect de la rgle du un pour un (un logement reconstruit pour un logement dmoli).

    Linfluence du contexte local a t constate deux niveaux. Territorial dabord, car il est vident que les marges de manuvre se sont avres trs rduites sur de nombreux sites ; trois conventions sur dix concernent des secteurs de faible dveloppement dmographique et conomique. Les conditions dune diversifi-cation de lhabitat ou fonctionnelle dans ces contextes ne sont gnralement pas runies. Mais, leffet contexte a aussi jou dans le temps des projets car ils se sont drouls au cours dune priode pendant laquelle est survenu un brutal inverse-ment de tendance conomique, avec, ds 2008, une brutale crise financire qui a rapidement eu des rpercussions sur limmobilier (ralentissement de la produc-tion, effondrement des ventes, rtractation des prix sur certains secteurs) puis, partir de 2010, une dgradation conomique plus gnrale avec ralentissement de lactivit conomique et forte augmentation du chmage. Pour beaucoup de sites, ce changement de contexte a eu une incidence et a ncessit au minimum un rajustement dans le temps des programmes. Cette inversion conjoncturelle a dailleurs amplifi les diffrenciations territoriales initiales car elle a t plus brutale et ses effets plus importants (baisse des prix de limmobilier et hausse du chmage) dans les secteurs dj moins dynamiques.

    chelles des quartiers et environnement

    Le quartier lui-mme constitue un important facteur de diffrenciation des oprations et projets mis en uvre. Ce constat est dautant plus vrai que les tudes du CES ont port surtout sur des quartiers importants ; alors que les conventions signes par lANRU concernent pour plus du quart des quartiers de moins de 2 000 logements, cette catgorie ne reprsente quun site sur dix tudis dans le cadre des tudes du CES ; les carts sont donc en ralit proba-blement plus marqus.

    La premire diffrence entre les quartiers tient au rapport entre quartier (au sens de la ZUS) et secteur oprationnel (au sens de lANRU). Logiquement, dans les plus petits quartiers, lopration ANRU a un effet qui se dveloppe sur la presque totalit du territoire de la ZUS, avec une relative correspondance entre ZUS et secteur oprationnel. Dans les plus grands quartiers, deux modles se distinguent : les interventions de trs grandes envergures et dont le primtre recouvre nanmoins lessentiel de la gographie prioritaire, et ceux o la rno-vation urbaine sest concentre sur un secteur donn.

    Dans ce dernier cas, il sagit gnralement du secteur connaissant les plus grandes difficults et dont la requalification tait la plus urgente. Cet cart entre quartier et secteur oprationnel a deux effets assez systmatiques ; dans un premier temps celui du PNRU on constate laccentuation des carts internes la ZUS dans loffre de logements, la qualit des espaces publics, des quipe-ments ; dans un second temps, les habitants ou la collectivit expriment le besoin detraiterles secteurs rests lcart. On mesure dailleurs assez mal leffet de la rnovation urbaine sur des mnages qui, habitant les secteurs non concerns, nont t que spectateurs et qui se trouvent, lissue de lopration, dans un

  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 87

    quartier qui sest disqualifi relativement au secteur rnov. Cette question pose aussi celle du dplacement sur le territoire de certains dysfonctionnements, des rpercussions de la rnovation sur la hirarchie des attractivits propres au quartier, du transfert de la fonction daccueil des plus modestes vers dautres territoires

    La seconde diffrence majeure entre les quartiers concerne la dfinition des programmes mis en uvre. Si les interventions de requalification semblent relativement homognes dans leurs formes concernant les reconstructions et la rsidentialisation, les oprations visant au dsenclavement se posent souvent en des termes trs diffrents. Dans les plus grands quartiers des grandes agglo-mrations, il faut noter la concomitance frquente entre la rnovation urbaine et la desserte nouvelle par une infrastructure lourde de transports en commun, gnralement un tramway. De mme, les objectifs de mixit sociale ou de diversification fonctionnelle nont pas le mme sens selon que lon aborde un quartier de 1 000ou 10 000 habitants, avec ou sans activits sur son territoire ou proximit

    Au-del de la taille des quartiers, un paramtre plus gnral est systmati-quement soulign dans les tudes : les caractristiques des quartiers et de leur positionnement dans leur environnement immdiat et plus gnralement dans leur agglomration. Il semble que les acteurs aient fond la conception des projets sur la vision gnrique des problmes des grands ensembles que partage la majorit des acteurs, et quils aient appliqu les principes fondateurs de la rno-vation urbaine sans toujours sinterroger sur les problmes spcifiques de chaque quartier et sur les potentialits dont il dispose 78. Ce constat dress en conclusion de ltude Des quartiers comme les autres? La banalisation des grands ensembles en question se retrouve dans presque chaque tude du CES, mme sil peut tre exprim de diffrentes faons. Deux dimensions diffrentes sont comprises dans ce constat : celle des potentialits internes, celle de linsertion du quartier dans un environnement plus large.

    Les enqutes soulignent dabord la faiblesse des diagnostics pralables la dfi-nition des projets sur la ralit sociale et urbaine des quartiers. De la prsence de mnages solvables susceptibles daccder la proprit, des apprciations positives des habitants sur tel ou tel aspect urbain du quartier, cest dans le temps des projets que ces constats ont t faits, souvent un peu par hasard ( loccasion de la commercialisation dun programme daccession, dune runion de concertation). Or, toutes les tudes du CES sappliquent dans une premire partie qualifier les quartiers abords et leur environnement ; elles notent la grande diversit de situations, et ce, tant dans leurs composantes internes que dans leur relation au reste de la ville. Dans les entretiens qualitatifs mens par Christine Lelvrier auprs de mnages logs dans des programmes neufs privs, dans le cadre de ltude La rnovation urbaine pour qui? Contribution lana-lyse des mobilits rsidentielles 79, il est intressant de noter combien les points positifs relevs par les habitants sont dcals par rapport l apprciation institutionnelle de ces quartiers : bien quips , proche du centre , pas trop

    78. Allen B., Bonetti M., Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en question, CES de lANRU, Paris, La Documentation franaise, 2013.79. Bourdon D., Fayman S., Lelvrier C., Noy C., La rnovation urbaine pour qui? Contributions lanalyse des mobilits rsidentielles, CES de lANRU, Paris, La Documentation franaise, 2012.

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    denses , avec des espaces verts Ces apprciations sont peut-tre pour partie lies aux amliorations apportes par la rnovation urbaine, mais elles sont aussi dpendantes des options rsidentielles la porte de ces mnages (qui ont le choix, pour devenir propritaire, entre la lointaine priphrie des grandes villes ou les quartiers populaires).

    Au-del des caractristiques des quartiers, cest leur positionnement dans lensemble urbain qui doit tre considr : quelle fonction dans les trajectoires rsidentielles? Quelle articulation formelle aux quartiers voisins? Quelle rela-tion aux zones demploi et autres polarits de lagglomration? Ce dfaut pour ainsi dire systmatique des PRU se traduit sans doute un peu maladroitement par laffirmation de la ncessit de renforcer les articulations aux politiques locales projet urbain, politique durbanisme, politique de lhabitat et leurs supports PLU, PLH, SCOT, schmas de dveloppement commercial, de dplacement urbain Le terme d articulation fait rfrence une logique trop formelle, alors que lintgration des quartiers aux logiques dagglomration renvoie davantage lanalyse et la dtermination des fonctions des quartiers, de mme qu leur positionnement sur les diffrents aspects du fonctionnement urbain, ces approches permettant de dterminer sil convient de renforcer ou de linflchir au regard de lvolution de lensemble de lagglomration.

  • Dix ans dvaluation dela rnovation urbaine : quavons-nous appris ? 89

    La ractivation de questions hors du domaine de la rnovation urbaine

    Il ne sagit pas de revenir sur toute lhistoire de la politique de la ville, ni mme sur les principales phases de la rnovation urbaine, mais il est frappant de voir combien la mise en uvre du PNRU a ractiv certaines questions quil avait contredites ou quil se proposait de rendre caduques avec une intervention plus radicale. Cest le cas de la politique de la ville, qui apparaissait comme devant accompagner le processus de transformation urbaine et sociale et devait, terme, sestomper au profit des politiques de droit commun. Cest aussi le cas des politiques de peuplement dans le parc locatif public, tant lobjectif de diver-sification a sembl imposer lide que le rquilibrage social se jouait entre parc priv et parc social, la fonction socialeexclusive de ce dernier tant confirme. Cest enfin le cas des oprations de rhabilitations et de celles amliorant plus directement les conditions de vie des habitants, qui, bien que constituant 15 % des financements nont pas port de discours aussi affirm que la requalifica-tion, la diversification de lhabitat ou la diversification fonctionnelle.

    Ces diffrentes ractivations se sont sans doute amplifies avec le constat que le changement radical attendu ne surviendrait que dans une minorit de sites. En effet, globalement, les tudes du CES montrent que les actions entreprises dans les PRU ont pu gnralement initier en fonction des contraintes inhrentes au contexte voques plus haut un mouvement allant dans le sens de lvolution souhaite : une requalification des quartiers et une meilleure intgration leur

    environnement ; une nette amlioration du niveau des quipements ; une amorce de diversification qui a pu se raliser et attirer une population

    aux ressources plus leves que celle de la moyenne du quartier ; des oprations de relogements qui, bien que contraintes, ont pu permettre

    des amliorations rsidentielles pour une majorit de mnages ; des oprations de dmolitions/reconstructions qui ont jou trs modeste-

    ment et sans doute moins en le-de-France en faveur dune rduction des carts constats dans loccupation du parc social des ZUS et hors ZUS ;

    une transformation qui semble, en tous les cas sur une majorit de sites, avoir satisfait une partie des attentes des habitants.

    Mais dans lensemble, ces constats sont nuancer. Dabord parce quils ne concernent pas tous les quartiers, en raison soit des effets de contexte qui ont de fait rendu impossible la ralisation des intentions initiales, soit du traitement partiel du quartier. Ensuite, parce quils ne dessinent que de lgres inflexions et que le processus nest ni complet, ni abouti. Il devra, pour la trs grande majorit des sites, tre poursuivi (intgr ou pas un dispositif spcial). Enfin, parce que les changements constats sont rversibles et que les processus de dgradation des espaces, de recul de la gestion et de fragilisation sociale peuvent reprendre et effacer des rsultats certes positifs, mais fragiles.

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    Les conditions de la poursuite du processus enclench par le PNRU ressor-tissent une poursuite de lintervention de type rnovation urbaine mais surtout des politiques connexes : la gestion urbaine de proximit sans laquelle aucune des amliorations ne

    sera conforte ; les politiques dattributions, car le PNRU na modifi radicalement ni loffre

    de logements ni la rpartition du parc bas loyers ; les conditions structu-relles des phnomnes de spcialisation sociale sont donc toujours en place, ce qui incite reconsidrer les politiques de lhabitat ;

    enfin, la politique de la ville car la population et ses besoins na pas radi-calement chang et il faut renforcer les amliorations acquises, notamment dans lobjectif doffrir aux mnages solvables une opportunit rsidentielle locale, voire accueillir des mnages extrieurs : il faut donc continuer dagir pour la russite scolaire, laccs lemploi, la sant, la scurit

    Le nouveau contrat de ville constitue le cadre privilgi dmergence dune politique intgre, qui selon les situations pourra poursuivre ou lancer un mouvement favorable une meilleure intgration sociale et urbaine de ces quar-tiers leur environnement et dans lagglomration. Il serait cependant illusoire de croire que le fait davoir runi les deux volets urbain et social au sein dun document unique suffise crer mcaniquement cette intgration ; cest bien aux dcideurs locaux dagir pour harmoniser des objectifs et des actions et les mettre au service de la transformation quils privilgient pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville et leurs habitants.