113373125 Fiche 4 Le Pouvoir Reglementaire 2012 2013

  • Upload
    zvibzjv

  • View
    18

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

113373125 Fiche 4 Le Pouvoir Reglementaire 2012 2013

Citation preview

  • Fiche 4 : Le pouvoir rglementaire

    Lorganisation administrative de lEtat

    Il sagit dtudier ici ladministration directement soumise lautorit du gouvernement, en vertu de larticle 20 de la Constitution.

    Traditionnellement, on distingue ladministration centrale, comptente pour tout le territoire et les services extrieurs (dconcentrs) qui ont une comptence territorialement limite.

    Remarquons la cration de plus en plus importante, depuis le dbut des annes 1970,

    dautorits spcifiques, les autorits administratives indpendantes, dont la nature est ambivalente puisquelles sont la fois parties intgrante de ladministration centrale, mais quelles disposent dune importante autonomie par rapport au gouvernement.

    Section 1 Ladministration centrale

    Il convient de se rfrer aux articles 13, 20, et 21 de la Constitution pour dterminer les

    comptences des diffrentes autorits administratives de lExcutif. Aprs avoir tudi les attributions respectives des deux ttes de lExcutif que sont le Prsident et le Premier ministre, nous envisagerons le rle des ministres.

    1 Les attributions respectives du chef de lEtat et du gouvernement.

    A/ Les attributions du Prsident de la Rpublique

    Le Prsident dispose dun pouvoir rglementaire et dun pouvoir de nomination. Ses attributions sont considrablement tendues lorsque est mis en uvre larticle 16 de la Constitution.

    Pouvoir rglementaire : il signe les ordonnances et les dcrets dlibrs en CM (art 13 de la Constitution).

    Les interprtations de larticle 13 par le Conseil dEtat sont globalement favorables la comptence du Prsident.

    En effet, dans larrt Meyet du 10 dcembre 1992, il considre quun dcret dlibr en Conseil des ministres, alors mme que cette dlibration ntait pas obligatoire, doit tre sign par le chef de lEtat. En 1994, il pose le principe selon lequel un tel dcret ne peut tre modifi que par un dcret de mme nature (CE, 23 mars 1994, Comit dentreprise de la Rgion Renault). Cela tend de faon contestable la comptence du Prsident de la

    Rpublique sous la Cinquime.

    Cependant, un dcret dlibr en Conseil des ministres alors que cela ntait pas obligatoire, peut prvoir sa modification ultrieure par un simple dcret du Premier ministre (CE, 9 sept

    1996, Collas).

  • Analyse des documents : Documents 8 et 9

    En matire de pouvoir rglementaire, larticle 13 alina 1er de la Constitution prcise que le Prsident de la Rpublique signe les dcrets dlibrs en conseil des ministres (contresigns

    par le Premier ministre et, le cas chant, par les ministres responsables), alors quen vertu de larticle 21 alina 1er de ce texte le chef du Gouvernement exerce ce pouvoir rglementaire sous rserve de larticle 13 (avec des dcrets non dlibrs en conseil des ministres et contresigns, le cas chant, par les ministres chargs de leur excution en vertu de larticle 22 du mme texte). Le pouvoir rglementaire de droit commun appartient en consquence au

    Premier ministre, le chef de lEtat ne recevant en la matire quun pouvoir rglementaire dexception. La pratique lysenne a nanmoins conduit les diffrents Prsidents de la Rpublique, dune part sarroger le droit de signer des dcrets non dlibrs en conseil des ministres (dcrets prsidentiels simples selon la doctrine Tricot du nom du Secrtaire gnral de lElyse sous le gnral de Gaulle), dautre part attirer en conseil des ministres des dcrets alors mme quils navaient pas y passer. Ces comportements juridiquement contestables (les dcrets prsidentiels taient entachs dillgalit en raison de lincomptence du signataire dans le premier cas, en raison dun vice de procdure dans le second cas) ont t valids par le Conseil dEtat. Concernant les premiers, des arrts Sicard (Ass.) et Syndicat national des lves-conseillers et conseillers au travail et la lgislation sociale du 27 avril 1962 (mais

    aussi CE 23 juin 1965, Syndicat des conseillers aux affaires administratives et Sieur

    Brossard) ont affirm que sil est constant que le dcret attaqu na pas t dlibr en conseil des ministres, la circonstance quil ait t nanmoins sign par le chef de lEtat nest pas de nature lentacher dillgalit, ds lors que le Premier ministre, investi du pouvoir rglementaire par larticle 21 de la Constitution, y a lui-mme appos sa signature.

    Concernant linverse la seconde varit de dviation, la pratique comme la jurisprudence ont longtemps t hsitantes. Les contreseings exigs pour un dcret dlibr en conseil des

    ministres taient dans un premier temps ceux de larticle 19 de la Constitution alors mme quaucun texte nimposait que le dcret ait t ainsi attrait dans la comptence prsidentielle (CE Ass. 24 novembre 1978, Syndicat national du personnel de lnergie atomique et autres, et CE Sect. 12 juin 1981, Grimbichler et autres).

    Tempraments en raison de la situation de cohabitation :

    Puis ont t exigs les contreseings de larticle 21 de la Constitution parce que rien nimposait le passage en conseil des ministres (CE 16 octobre 1987, Syndicat autonome des enseignants

    de mdecine). La signature du Prsident est en effet juge superftatoire et nentache ce faisant pas le dcret litigieux dincomptence puisque le dcret du Prsident est requalifi en dcret du Premier ministre.

    Le Conseil dEtat a dfinitivement arrt sa jurisprudence le 10 septembre 1992 par un arrt dAssemble Meyet et Galland dans lequel il offre une dfinition formelle du dcret en conseil des ministres, dfinition tautologique (un dcret en conseil des ministres est un

    dcret qui est pass en conseil des ministres) pour dterminer la procdure suivre. Il

    nest dsormais plus ncessaire de sinterroger sur le point de savoir si le dcret devait ou non passer en conseil des ministres mais simplement sur le fait de savoir sil est ou non pass en conseil des ministres. Si le dcret est pass en conseil des ministres alors

  • mme que ce passage ntait pas prvu, il est lgal et pourra ultrieurement tre modifi ou abrog que par un autre dcret en conseil des ministres (CE 23 mars 1994, Comit

    dentreprise de la Rgie nationale des usines Renault et autres, et CE 27 avril 1994, Allamigeon et Pageaux), sauf si ce dcret prvoit lui-mme que certaines de ses

    dispositions pourront tre modifies par dcret simple (CE 9 septembre 1996, Ministre

    de la dfense c/ M.Collas et autres).

    La consquence est importante. En effet, cela signifie quen raison de la pratique le prsident

    est matre de la dtermination de sa comptence. Il peut en effet, attraire un rglement

    loccasion dun passage inutile en CM tout en rservant la possibilit de maintenir ou de

    dlguer la comptence pour sa modification postrieure.

    CE, Labonne, 1919

    Le requrant sest vu retirer son certificat lautorisant circuler en automobile. Il conteste la lgalit du Dcret de 1899 qui a institu 1) le rgime dautorisation 2) la possibilit dun retrait.

    Le CE ici, estime que mme en labsence de disposition lgislative, la scurit au niveau nationale relve des pouvoirs propres du Chef de lEtat au titre de son pouvoir de police quils tient de la constitution, comptence qui peut tre complte si ncessaire au niveau local.

    Il est confr ensuite au chef du gouvernement cest dire le Prsident du conseil sous la Quatrime Rpublique (CE, Restaurant Nicolas, 13 mai 1960) puis le Premier ministre sous la

    Cinquime (CE, Association cultuelle des isralites de France, 2 mai 1973).

    Le Conseil Constitutionnel a consacr ce pouvoir dans la dcision loi relative la chasse de

    2000 en se fondant sur les pouvoirs propres du PM ce qui lui permet davoir une comptence gnrale et non dpendante de larticulation des articles 34 et 37 de la Constitution. Au-del de la simple personne du Premier ministre, cest en ralit tout le Gouvernement qui dispose dsormais dun pouvoir rglementaire de police selon dune part, larrt de Section du Conseil dEtat du 22 dcembre 1978, Union des chambres syndicales daffichage (En donnant comptence au lgislateur pour fixer les rgles concernant les garanties

    fondamentales accordes aux citoyens pour lexercice des liberts publiques, larticle 34 de la Constitution na pas retir au Gouvernement les pouvoirs de police gnrale quil exerait antrieurement) et dautre part, larrt de ce mme juge du 4 juin 1975 Bouvet de la Maisonneuve (Il appartient au Gouvernement de prendre, en vertu des articles 21 et 37 de la

    Constitution, les mesures de police applicables lensemble du territoire).

    B/ Les attributions du Premier ministre

    Il dispose dattributions administratives trs tendues. En effet, en vertu de larticle 21 de la Constitution, il dirige laction du gouvernement.

    Il dtient donc, sous rserve de ce qui prcde, le pouvoir rglementaire :

  • Il sagit aussi bien du pouvoir rglementaire dexcution des lois que du pouvoir rglementaire autonome. Les dcrets non dlibrs en CM nont pas tre signs par le Prsident. Cependant, si ce dernier signe un tel dcret, cela na pas pour effet de le rendre illgal, ds lors que le Premier ministre la sign (CE, Sieur Sicard, 27 avril 1962).

    Il contresigne tous les actes du Prsident de la Rpublique autres que ceux dont la liste figure

    larticle 19 (ce qui inclut les actes dlibrs en Conseil des ministres).

    Larticle 22 de la Constitution impose le contreseing des dcrets du Premier ministre par les ministres chargs de leur excution. Remarquons quici le contreseing ne correspond pas un transfert de responsabilit politique, mais permet simplement une certaine coordination entre

    les membres du gouvernement.

    Linterprtation de la notion de ministre charg de lexcution a t prcise par le Conseil dEtat dans larrt Sicard prcit : il sagit des ministres qui ont comptence pour signer ou contresigner les mesures rglementaires ou individuelles que comportent

    ncessairement lexcution du dcret .

    Le non-respect de larticle 22 entrane lannulation de lacte (arrt Sicard prcit).

    La comptence du premier ministre ne se limite pas la seule excution des lois. Il est

    galement reconnu comme comptent pour dicter sur lensemble du territoire national les mesures de polices ncessaires la sauvegarde de lordre public ; Ainsi en est-il de la rglementation relative au port du casque et de la ceinture de scurit

    (Document 2 : CE, 4 juin 1975, Bouvet de la Maisonneuve).

    C/ Le rle des ministres

    Ils dirigent leurs dpartements ministriels respectifs et disposent, ce titre, du pouvoir

    hirarchique.

    Le Premier ministre leur dlgue souvent un pouvoir de nomination (lorsquil nest pas directement attribu par la loi). En outre, ils affectent les personnels et exercent un pouvoir

    disciplinaire.

    Ils donnent des instructions (circulaires ou notes de service), ou bien des directives dont le

    rgime est un peu hybride.

    Ils ne disposent pas, en principe, du pouvoir rglementaire. En ralit il existe ce principe

    deux exceptions :

    - La premire, assez ancienne, a t nonce par larrt Jamart du Conseil dEtat du 7 fvrier 1936. Dans cet arrt le Conseil dEtat rappelle que les ministres ne tiennent daucune disposition lgislative un pouvoir rglementaire, nanmoins il appartient en tant que chef de service (et non en tant que membre du gouvernement) dadopter les mesures ncessaires au bon fonctionnement de ladministration place sous leur autorit ds lors que lintrt du service lexige. Ce pouvoir rglementaire dexception est nanmoins encadr au seul service plac sous lautorit hirarchique du ministre comme en tmoigne la jurisprudence ALIS du 3 mars 2004. En effet,

    linstruction du ministre de la Dfense en ce quelle rend obligatoire certaines

  • vaccinations participe selon le Conseil dEtat lexercice de la fonction militaire, il en conclut que le ministre na pas excd sa comptence sur ce point.

    - En revanche, il est incomptent pour procder une telle obligation au sein des tablissements de prvention ou de soins qui relve de la seule comptence du ministre

    de la sant et du travail. Sur ce dernier point le Conseil dEtat rappelle que les ministres nont en principe pas de pouvoir rglementaire mais uniquement un pouvoir dinstruction gnrale sur les services dont ils ont la charge.

    - Un pouvoir rglementaire peut leur tre expressment confi par la loi (ex : en matire de rglementation des prix pour le Ministre de lconomie). Tel tait le cas dans laffaire ALIS de 2004 en ce qui concerne les vaccinations obligatoires pour les personnes exposes des risques de contaminations dans des tablissements de soins

    en vertu de larticle L 3111-4 du code de la sant publique, mais au seul bnfice du ministre de la sant et du travail.

    Section 2 Les autorits administratives indpendantes

    - Des garanties dindpendance des membres qui bnficient dune inamovibilit de fait ou de droit et, en principe, dun mandat non renouvelable.

    - Le cumul dun pouvoir rglementaire et dun pouvoir de sanction

    - La plupart du temps, elles nont pas la personnalit morale

    La question de la constitutionnalit de la cration de telles autorits a t pose pour deux

    raisons. Dabord, sagissant du pouvoir qui leur est, la plupart du temps reconnu, dinfliger des sanctions administratives alors quelles ne sont pas formellement des juridictions ; ensuite sagissant du pouvoir rglementaire qui leur est confr.

    Sagissant de lexercice de leur pouvoir de sanction

    Dans la dcision sur la loi relative au CSA du 17 janvier 1989, le Conseil Constitutionnel a

    considr que cette facult ntait pas contraire la Constitution, ds lors que les sanctions adoptes ne sont pas privatives de libert, et que les principes de la matire rpressive sont

    respects au fond soit :

    - Labsence de caractre automatique de la sanction. - La proportionnalit de la sanction au regard de la gravit des faits reprochs. - Le respect des droits de la dfense (PFRLR)

    En outre, la sanction doit tre susceptible dun recours de pleine juridiction. Ce recours sera en principe exerc devant le Conseil dEtat, qui veillera au respect des principes qui prcdent. Notons que le lgislateur peut prvoir la comptence du juge judiciaire pour

    exercer ce contrle (Conseil Constitutionnel, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence).

  • De surcrot, la Cour de cassation, puis le Conseil dEtat, ont considr que les autorits administratives prsentent, lorsquelles infligent des sanctions, le caractre de juridictions au sens de larticle 61 de la Convention europenne des droits de lhomme. Il en rsulte leur soumission aux exigences de cet article.

    Sagissant de leur pouvoir rglementaire

    La difficult tient aux termes de lart 21 de la Constitution : le PM exerce, sous rserve de lart 13 le pouvoir rglementaire. Ce pouvoir peut-il tre dlgu ? Le Conseil Constitutionnel rpond par laffirmative, ds lors que cette dlgation :

    - Est prvue par la loi, - Sexerce dans un domaine dtermin - Se borne permettre lautorit en question de mettre en uvre la loi.

    II/ Lobligation dexercer le pouvoir rglementaire

    1) la facult de rglementer

    a) Deux cas doivent tre souligns, lorsque le pouvoir rglementaire est autonome il exprime

    une volont et une opportunit politique, il ne saurait ds lors y avoir dobligation. Seule les exigences parallle relevant de la transposition des directives semblent consacres une

    obligation :

    Par ailleurs la loi ne faisant plus cran entre le directive et lacte administratif le Conseil d'Etat juge quune disposition lgislative ne peut justifier le refus dadopter les mesures rglementaires rpondant aux objectifs de la directive si elle est incompatible avec les

    objectifs dune directives (CE, Association ornithologique et mammologique de Sane-et-Loire, 1999).

    Lautre volet concerne la libert de choix quant la rglementation des services dconcentrs, ainsi en est il de lexercice du pouvoir rglementaire limit des chefs de services (CE, 7 fvrier 1936, Jamart). Il sagit en ralit dune illustration de la comptence lie.

    b) En revanche, sagissant de lexercice de la rglementation de police les choses semblent moins figes. Lautorit administrative a le devoir de prendre les mesures ncessaires la protection de lordre public, mais aussi dassurer leur application effective. Toutefois, le refus dagir nest illgal que dans le cas dun pril grave (CE, Sieur Doublet, 23 octobre 1959). De mme, l'administration a l'obligation de s'assurer de l'application d'une rglementation

    prtablie que ce soit pour une rglementation qui mane de l'autorit de police charge de

    son excution (CE, sect., 14 dcembre 1962, Doublet) ou mme d'une autre (CE, sect., 14

    dcembre 1962, Doublet).

    Le juge administratif exigeait cependant une faute lourde pour engager la responsabilit de

    lautorit de police en cas de carence (CE, Sieur Doublet, 14 dcembre 1962). On notera que les prfets exercent ce pouvoir au nom de lEtat (art L2215-1 CGCT) ds lors que le trouble lordre public excde le territoire dune commune (circulation des nationales hors agglomration). Ils doivent se substituer au maire demeur passif aprs une mise en demeure

    (art L2215-1 CGCT). La jurisprudence semble assouplir la condition trs restrictive de la

  • jurisprudence Doublet, ainsi larrt du 8 juillet 1992, Ville de Chevreuve voque une gravit telle que lautorit ne pouvait sabstenir sans mconnatre son obligation .

    En matire dexcution des lois lobligation dexercer na pas une porte absolue, en effet le juge administratif a dgag une telle obligation mais uniquement en cas de dpassement dun dlai raisonnable dans la ncessaire excution des lois. Ainsi, larrt association France nature environnement prvoit une telle obligation sauf ce que lexercice du pouvoir rglementaire ne contrevienne un engagement internationale (ici invocabilit prventive de lobjectif dune directive). La dtermination du dlai raisonnable est variable il dpendra de la difficult et des

    circonstances. La jurisprudence semble nanmoins fixer un dlai de 4 mois. Le juge peut alors

    en raison de ses pouvoirs issus de la loi de 195 prononcer une injonction de rglementer.

    Les hypothses nonces montrent une certaine variabilit de lobligation, ici il serait faux de parler dune simple facult en revanche lobligation est ncessairement encadre.

    2) Lexercice du pouvoir de modifier la rglementation est diffrent, il repose sur le principe de mutabilit des actes administratifs qui laisse un large choix ladministration. Ainsi, la jurisprudence Vannier du 2 janvier 1961, nonce la possibilit dabroger un acte avant son terme, voire mme avant son entre en vigueur. Cette facult rsulte du principe selon lequel

    nul na de droit acquis la rglementation mme si le juge amnage ce principe en raison des risques datteinte aux droits acquis des administrs en cas de retrait des rglements.

    Par consquent, lexercice du pouvoir rglementaire driv ne repose que sur lexigence dadaptation de la rglementation tel est particulirement le cas lorsque est en cause la lgalit dun acte. Comme on a pu le voir le retrait dun tel acte est exceptionnel, en revanche la jurisprudence est trs exigeante en matire dabrogation. De plus, selon un principe gnral du droit dgag en 1989, lautorit comptente saisie dune demande tendant labrogation dun rglement illgal, est tenu dy dfrer (CE Ass. 3 fvrier 1989, Compagnie Alitalia), peu importe que le rglement ait t illgal ds son origine, ou quil le soit devenu par la suite en raison dun changement dans des circonstances de fait ou de droit. Cette jurisprudence ne sapplique quaux rglements illgaux, ce qui explique que la jurisprudence Despujol (CE Sect. 10 janvier 1930) ait t transpose aux actes non

    rglementaires illgaux non crateurs de droits comme nous lavons constat. Surtout la possibilit de prononcer une injonction sur demande du requrant permet de concrtiser une

    telle obligation lorsque lannulation concerne le refus dabroger (CE, GISTI, 7 fvrier 2003). Il existe nanmoins un cas particulier lorsqu en ralit le pouvoir rglementaire driv sassimile au pouvoir rglementaire initial, ainsi le Conseil d'Etat a-t-il consacr une obligation dans un dlai raisonnable de modifier les dispositions rglementaires inadaptes

    un changement de rglementation sans pour autant consacr ici une obligation dabrogation. Ici lexercice sera conditionn par le mme dlai raisonnable dexcution de la loi (CE Ass, 28 juin 2002, Villemain).

    3) Une obligation renforce en matire de pouvoir rglementaire driv.

    Une premire spcificit ici, la jurisprudence Alitalia ne prvoit que lobligation dabroger le juge refusant de fixer le contenu de la rglementation adopter. Si bien que les requrants qui

    obtiennent labrogation ne sont pas toujours satisfaits, bien souvent en effet le but est dlargir le domaine du rglement et non de le faire disparatre. Ici la contestation du refus dexercer est moins intressante sur le plan contentieux que la demande dabrogation dun rglement illgal. En effet, dans ce second cas les dbats rvlent le contenu adopter (au moins en

    partie) ce qui rduit le cas chant la marge dapprciation du pouvoir rglementaire.

  • Le Conseil d'Etat renforce l'obligation pour le gouvernement d'appliquer les lois

    Arrt rendu par Conseil d'Etat, 29 juin 2011, Cryo-Save

    Sommaire : Avec sa jurisprudence Dame Veuve Renard (CE 27 nov. 1964), le Conseil d'Etat avait affirm

    que le pouvoir rglementaire devait rendre applicable une loi dans un dlai raisonnable.

    Poursuivant son raisonnement, le Conseil d'Etat a estim que le dcret d'application qui

    renvoie un arrt impose au pouvoir rglementaire d'intervenir l encore dans un dlai

    raisonnable.

    Dans cet arrt du 29 juin 2011, la haute assemble affirme que l'exercice du pouvoir

    rglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un

    dlai raisonnable les mesures qu'implique ncessairement l'application de la loi, hors le cas o

    le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle ; que lorsqu'un dcret

    pris pour l'application d'une loi renvoie lui-mme un arrt la dtermination de certaines

    mesures ncessaires cette application, cet arrt doit galement intervenir dans un dlai

    raisonnable .

    a) Deux cas doivent tre souligns, lorsque le pouvoir rglementaire est autonome il exprime

    une volont et une opportunit politique, il ne saurait ds lors y avoir dobligation. Seule les exigences parallle relevant de la transposition des directives semblent consacres une

    obligation :

    Par ailleurs la loi ne faisant plus cran entre le directive et lacte administratif le Conseil d'Etat juge quune disposition lgislative ne peut justifier le refus dadopter les mesures rglementaires rpondant aux objectifs de la directive si elle est incompatible avec les

    objectifs dune directives (CE, Association ornithologique et mammologique de Sane-et-Loire, 1999).

    En l'espce, toutefois, le juge a estim que le dcret qui renvoyait un arrt tait

    suffisamment prcis pour s'appliquer mme en l'absence d'arrt.

  • Section 1 La sparation des domaines de la loi et du rglement.

    Les domaines de la loi et du rglement sont spars par les articles 34 et 37 de la Constitution,

    qui prvoit certains mcanismes de protection de cette sparation.

    1 les domaines respectifs

    La loi se dfinit organiquement comme tant lacte juridique vot par le Parlement. Expression de la volont gnrale, elle a longtemps t considre comme la norme suprme

    de lEtat de droit.

    La loi apparat cependant dsormais comme une norme en dclin. Cela tient la conjonction

    de trois facteurs :

    - la concurrence dautres normes comme la Constitution ou les traits - linflation lgislative qui va de pair avec une qualit moindre des textes de loi - le fait que son domaine est dsormais born par larticle 34 de la Constitution.

    Ce dernier distingue les matires pour lesquelles le lgislateur fixe les rgles et celles o il

    dtermine les principes fondamentaux.

    Larticle 37 quant lui se borne affirmer que tout ce qui nest pas du domaine de la loi relve du rglement.

    Si la distinction opre par les articles 34/37 a pu tre considre comme une rvolution

    juridique, il faut en relativiser la porte.

    En effet, la liste dresse par larticle 34 est trs tendue et couvre les domaines les plus importants :

    - pour les droits des citoyens (droits civils, liberts publiques, nationalit) ainsi quinstitutionnels - sur le plan institutionnel (cration des catgories dtablissements publics, ou de collectivits territoriales)

    - les lois de finances et de financement de la scurit sociale.

    Ensuite, le Conseil Constitutionnel a une interprtation extensive de la comptence du

    lgislateur qui peut trouver son fondement dans dautres articles de la Constitution (art 66 ou 72 par exemple).

    Enfin, le Conseil Constitutionnel considre que limmixtion du lgislateur dans le domaine de larticle 37 nest pas un motif dinconstitutionnalit ds lors que le gouvernement na pas mis en uvre les mcanismes de protection de sa comptence au cours de la procdure lgislative (Conseil Constitutionnel, 30 juillet 1982, Blocage des prix).

    2 Les mcanismes de protection des domaines respectifs de la loi et du rglement

    Au cours de la procdure lgislative, le gouvernement peut opposer lexception dirrecevabilit une proposition de loi ou damendement ne relevant pas du domaine de

  • la loi. En cas de dsaccord avec le Prsident de lAssemble, le Conseil Constitutionnel est saisi de la question.

    Sagissant des lois adoptes : larticle 37 alina 2 prvoit deux procdures de dclassement :

    - aprs avis du Conseil dEtat pour les lois antrieures la Constitution. - aprs que le Conseil Constitutionnel a constat le caractre rglementaire des

    dispositions en cause pour les lois postrieures. Il arrive en outre au Conseil

    Constitutionnel de constater le caractre rglementaire dune disposition lgislative lorsquil en contrle la constitutionnalit ce qui constitue une sorte de dclassement prventif (CC, 2005, Loi dorientation et de programme pour lavenir de lcole)

    Remarquons enfin que limmixtion du pouvoir rglementaire dans le domaine de la loi sera quant elle sanctionne par le juge administratif pour incomptence.

    Document 5

    LE DCLASSEMENT PRVENTIF PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    On a pu croire que, pour encore simplifier les choses, le Conseil constitutionnel s'autorisait

    procder un tri des dispositions qui, dans une loi, ont un caractre rglementaire et, sans les

    dclarer contraires la Constitution, prcise cette nature, autorisant par l mme le

    Gouvernement les modifier par voie rglementaire sans avoir recours, au pralable, la

    procdure de l' article 37, alina 2, de la Constitution (Cons. const. 21 avr. 2005:

    no 2005-512 DC 23), rapprochant ainsi l'intervention du lgislateur dans le domaine

    rglementaire de celle du lgislateur organique dans le domaine lgislatif ordinaire

    Il semble en fait qu'il n'en soit rien. Invit procder de la sorte lors d'une saisine

    parlementaire, il a rappel que la Constitution n'a pas pour autant entendu frapper

    d'inconstitutionnalit une disposition de nature rglementaire contenue dans une loi et que par

    suite, les requrants ne sauraient se prvaloir de ce que le lgislateur est intervenu dans le

    domaine rglementaire pour soutenir que la disposition critique serait contraire la

    Constitution ou pour demander que soit dclar son caractre rglementaire (Cons. const. 15

    mars 2012: no 2012-649 DC 10). La solution de 2005 doit donc tre considre comme un

    cas d'espce.

    Ce changement d'optique trouve certainement son fondement dans l'apparition de la question

    prioritaire de constitutionnalit. En effet, selon les commentaires autoriss, S'il faisait le

    choix de se prononcer sur la nature rglementaire d'une disposition qui lui est dfre dans le

    cadre de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s'exposerait la possibilit

    d'tre saisi de la disposition dclare comme ayant le caractre rglementaire mais non encore

    modifie par dcret l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalit. Ce risque

    semble pourtant particulirement tnu ds lors que le Conseil constitutionnel peut, dans le

    cadre de l'article 61-1 de la Constitution, soulever d'office la question de sa vritable nature

    juridique et conclure que, s'agissant d'une disposition de nature rglementaire, il n'y a pas lieu

    d'en connatre (Cons. const. 22 juill. 2011, Claude C.: no 2011-152 QPC).

  • Le domaine du pouvoir rglementaire, le champ du pouvoir rglementaire

    CE, M et Mme Hofmann, 21 dcembre 2001

    Un dcret fixant les modalits de la rpresentation par ministre davocat est attaqu.

    Deux griefs lui sont adresss :

    1) le decret serait entach dincomptence en ce quil excderait ce qui relve du pouvoir rglementaire

    2) Le dcret serait contraire au droit au recours au sens de la constitution et de la CESDH

    1) les modalits de rprsentation relve de lexercice du pouvoir rglementaire

    2) la rponse du juge se fait en plusieurs temps : tout dabord la comptence rglementaire pour dfinir les condition de mise en uvre du recours effectif devant la juridiction administrative ne mconnat pas cette exigence.

    Par ailleurs, lobligation de recourir au ministre davocat nest pas contraire ce principe ds lors que lobjectif poursuivi est une bonne administration de la justice, et dautre part que cette obligation est compense par une aide juridictionnelle

    Par ailleurs la situation que lEtat est dispens dune telle obligation nest pas en raison de la situation objectivement diffrente contraire au principe dgalit.

    Les exigences de la bonne administration de la justice administrative n'affectent pas

    seulement l'office du juge administratif. Elles peuvent aussi peser sur les requrants, usagers

    de la justice administrative, qu'il convient de responsabiliser . Un arrt du Conseil d'Etat,

    rendu le 21 dcembre 2001 et faisant expressment rfrence aux contraintes de la bonne

    administration de la justice , en tmoigne. Aprs avoir rappel que le Premier ministre a

    comptence pour dcider s'il y a lieu de rendre obligatoire le ministre d'un avocat dans les

    instances portes devant les juridictions administratives ou, le cas chant, de les en

    dispenser en certaines matires ou selon la nature du recours introduit , les juges du Palais-

    Royal soulignent que les dispositions contestes, sous rserve des exceptions qu'elles

    prvoient rendent obligatoires le ministre d'avocat, ont pour objet tant d'assurer aux

    justiciables la qualit de leur dfense que de concourir une bonne administration de la

    justice(20) en imposant le recours des mandataires professionnels offrant des garanties de

    comptence (CE, 21 dc. 2001, M. et MmeHofmann, prc note 5). Un arrt d'Assemble

    antrieur du Conseil d'Etat avait dj invoqu expressment les exigences d'une bonne

    administration de la justice pour justifier l'amende civile susceptible d'tre prononce

    l'encontre d'un justiciable pour recours abusif (CE, Ass., 5 juill. 1985, Confdration

    gnrale du travail et autres, req. n 21893, Lebon p. 217).

    Au titre des mesures d'accompagnement, il faut remarquer que si l'appel a t supprim pour

    certaines catgories de litiges d'importance limite, il a aussi t rendu plus coteux pour les

  • litiges o il subsiste, puisque dsormais les recours pour excs de pouvoir ne sont plus

    dispenss du ministre d'un avocat devant les cours administratives d'appel (art. 10 du dcret

    du 24 juin 2003 qui laisse nanmoins la dispense subsister pour les recours des

    fonctionnaires et agents publics). Le ministre obligatoire d'un avocat est une mesure qui

    peut dissuader certains justiciables de former appel et qui, une fois encore, est de nature

    porter atteinte au principe d'galit devant la justice, l'occasion de la restriction du double

    degr de juridiction, mme si le Conseil d'Etat ne le pense pas (CE 21 dcembre 2001,

    Hofmann, Lebon p. 652et CE 17 dcembre 2003, M., prc.).

    Compatibilit avec la Constitution et la Conv. EDH de l'obligation de constituer avocat devant

    les juridictions administrative

    s

    a) Les dispositions de la procdure suivre devant les juridictions administratives relvent de

    la comptence rglementaire ds lors qu'elles ne mettent en cause aucune des matires

    rserves au lgislateur par l'article 34 ou d'autres dispositions constitutionnelles. Le Premier

    ministre a donc comptence pour dcider s'il y a lieu de rendre obligatoire le ministre d'un

    avocat dans les instances portes devant les juridictions administratives ou, le cas chant, de

    les en dispenser en certaines matires ou selon la nature du recours introduit.

    b) Aux termes de l'article 16 de la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen laquelle

    renvoie le Prambule de la Constitution de 1958 : Toute socit dans laquelle la garantie des

    droits n'est pas assure ni la sparation des pouvoirs dtermine n'a point de Constitution .

    La garantie ainsi proclame implique le droit pour les personnes intresses d'exercer un

    recours effectif devant une juridiction. La dfinition par le pouvoir rglementaire des

    modalits de mise en oeuvre de ce droit devant la juridiction administrative ne saurait

    conduire porter atteinte sa substance mme. Les dispositions du code de justice

    administrative qui, sous rserve des exceptions qu'elles prvoient, rendent obligatoires le

    ministre d'avocat, ont pour objet tant d'assurer aux justiciables la qualit de leur dfense que

    de concourir une bonne administration de la justice en imposant le recours des mandataires

    professionnels offrant des garanties de comptence. Eu gard l'institution par le lgislateur

    d'un dispositif d'aide juridictionnelle, l'obligation du ministre d'avocat ne saurait tre

    regarde comme portant atteinte au droit constitutionnel des justiciables d'exercer un recours

    effectif devant une juridiction.

    c) 1) La circonstance que l'Etat est dispens devant les juridictions administratives du

    ministre d'avocat n'est contraire ni au principe d'galit devant la loi, ni au principe d'galit

    devant la justice, ds lors qu'en raison tant de sa position de dfendeur dans les instances o il

    est mis en cause que du fait qu'il dispose de services juridiques spcialiss, l'Etat se trouve

    dans une situation diffrente de celle des autres justiciables.

    2) Pour ces mmes motifs, est inoprant le moyen tir d'une mconnaissance des stipulations

    de l'article 14 de la convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des

    liberts fondamentales qui prohibent les discriminations dans la mise en oeuvre des droits

    garantis par cette convention, au nombre desquels figure le droit un procs quitable rappel

    par son article 6 1 ainsi que le droit d'accs au juge mentionn par son article 13.

    d) Si le paragraphe 3 de l'article 6 de la convention prcite nonce que tout accus a droit

  • notamment :.... c) se dfendre lui-mme... , ces stipulations ne visent que la matire pnale.

    En admettant mme qu'elles s'appliquent l'amende encourue en cas d'atteinte l'intgrit du

    domaine public, elles ne sont pas mconnues par le dcret du 4 mai 2000 relatif la partie

    rglementaire du code de justice administrative pour le double motif que l'article R. 431-3 du

    code de justice administrative, qui lui est annex, apporte devant le tribunal administratif une

    exception la reprsentation par un avocat en matire de contravention de grande voirie et

    qu'il n'est en rien drog aux dispositions de l'article L. 774-8 du code selon lesquelles les

    recours contre les jugements des tribunaux administratifs rendus dans cette mme matire

    peut avoir lieu sans l'intervention d'un avocat

    CE, 29 avril 2002, Ullmann

    Un requrant attaque le refus du ministre dexecer sa comptence au titre de larticle 37 alina 2 afin de procder au dclassement de certaines disposition de la loi 2000 mdifaint ltendue de laccs au document administratif ?

    Il y a ici deux questions :

    1) le refus est il suceptible de recours ?

    2) les dispositions en cause en ce quelles portent sur de garanties relatives aux liberts fondamentales sont elles du domaine de la loi ?

    Le Consel ici fait apllication de sa jurisprudence rcente (CE, Association ornithologique et

    mammologique de Sane etLoire, 1999) en estimant que le recours larticle 37 alina 2 est acte susceptible de recours, et par ailleurs refuse dannuler le refus du ministre en ce quil a bon droit considrer que les dispositions litigeuses ressortaient du domaine de la loi.

    CE, 17 mai 2002, Hoffer

    Le legislateur avait ici autoris le gouvernement lgifrer par ordonnance.

    Deux problme se posent ici

    1) quel est le rgime juridique dune ordonnance non ratifie ?

    2) Quelles formes eput revtir la ratification ?

    1) en labsence de ratification lordonnace demeure un acte rglementaire dlibr en conseil des ministres (comptence du prsident), elle est donc suscetible de REP. On notera que

    lhabilitation est informelle puisque un gouvernement de composition diffrente celle qui existait au moment de lhabilitation demeure comptent (CE Sect. 5 mai 2006, M.Schmitt).

    2) le CE souligne ici que contrairement ce que soutient le ministre de lconomie les deux lois de 2001 nont pas entendu ratifier les ordonnances, donc le ratification nest pas explicite. Tioutefois, relve le juge les dispositions lgislatives en cause reprennent en substance les

    dispositions des ordonnances litigieuses ce qui consiste donc en une ratification implicite.

  • Dsormais, ce mecanisme nest plus possible en raison de la rvision du 23 juillet 2008 qui prvot que les ordonnances ne peuvent ratifies que de manire explicite.

  • Section 2 : Les rgimes drogatoires

    Des drogations au principe de sparation sont prvues par la Constitution aux articles 16 et

    38.

    1/ Les ordonnances de larticle 38

    Il sagit dactes adopts par le conseil des ministres aprs avis du CE, signs par le Prsident de la Rpublique et contresigns par le Premier ministre et qui interviennent dans le domaine

    de larticle 34 suite au vote dune loi dhabilitation par le Parlement.

    La valeur des ordonnances est prcise par larticle 38 (voir schma ci-dessous). Notons que la loi dhabilitation doit tre suffisamment prcise quant son champ et devra tre interprte et appliqu conformment la Constitution (Conseil Constitutionnel 95-370 DC du 30

    dcembre 1995).

    Le gouvernement peut opposer lexception dirrecevabilit une proposition de loi ou un amendement qui empiterait sur le domaine de lhabilitation mais ce nest pas un motif dinconstitutionnalit (Conseil Constitutionnel, 86-224 DONC du 23 janvier 1987).

    Schma Rcapitulatif

    Loi dhabilitation

    Elaboration en CM (avis du CE)

    Entre en vigueur compt de la signature par le Prsident (valeur rglementaire)

    Contrle possible par le CE

    Hypo 1 Absence de dpt Hypo 2 Dpt du projet de loi de ratification (contrle possible

    par le CC)

    Hypo 2a) ratification Hypo 2 b) absence de ratification

    Caducit Valeur lgislative Valeur rglementaire

  • RFDA 2004 p. 1069

    Rflexions sur les fonctions juridiques de l'interprtation administrative

    Pascal Combeau, Professeur la Facult de droit de Metz, Institut de recherches en droit

    public de Bordeaux - Centre d'tudes et de recherches sur le droit des obligations des

    personnes publiques (IRDPB-CERDOPP)

    L'essentiel

    L'interprtation administrative dont l'importance n'est plus dmontrer est

    traditionnellement tudie travers le prisme contentieux de la circulaire. Cette

    dformation inductive entrane une mconnaissance de ce phnomne en le rduisant

    un simple problme de contrle juridictionnel et en l'enfermant dans une zone de non-

    droit. L'analyse partir de la thorie gnrale de l'interprtation juridique permet au

    contraire de l'apprhender dans sa dimension rgulatrice et normative. Elle permet alors

    une nouvelle lecture de la notion jurisprudentielle de circulaire imprative, ainsi qu'une

    prise en compte de la place occupe par l'interprte administratif dans l'espace juridique.

    L'interprtation juridique, c'est--dire le processus ou le rsultat de la dtermination

    du sens des rgles juridiques ou de leurs lments (1) est un phnomne aujourd'hui

    bien connu des thoriciens du droit et du langage. Perue comme une opration suspecte

    dans la mesure o elle branle la toute-puissance de la vertu du texte frapp

    d'incertitude, elle se prsente aussi comme une opration d'autorit en ce qu'elle tente

    de dissiper l'obscurit que les textes reclent, en tranchant entre les diffrentes

    lectures possibles, en fixant le sens du texte, en arrtant la drive des significations

    (2). Les thories volontaristes de l'interprtation ont largement contribu la diffusion

    du phnomne interprtatif en lui donnant une assise normative. Pour Kelsen, en effet,

    l'interprtation est la fois acte de connaissance et acte de volont dans la mesure o

    elle indique et dtermine le sens et la signification d'une chose (3). Les thories

    ralistes iront plus loin encore : l'interprtation doit tre analyse uniquement comme un

    acte de volont de l'interprte qui n'est plus simplement l'claireur du droit mais son

    vritable crateur (4).

    Si l'interprtation juridique apparat bien balise dans sa fonction rgulatrice - acte de

    clarification du droit - aussi bien que normative - acte de volont -, telle n'est pas la

    situation de l'interprtation administrative qui reste une activit mconnue, sous-value

    et pour tout dire nglige par les analyses doctrinales actuelles si l'on excepte les crits

    de Genevive Koubi sur ce sujet (5). Cette carence est d'ailleurs un paradoxe :

    l'importance de l'interprtation administrative est largement souligne par les auteurs

    qui insistent sur sa ncessit pratique dans le fonctionnement interne de l'administration

    (6). Elle est nanmoins une ralit qui s'explique essentiellement par une double

    dformation des analyses traditionnelles : une dformation inductive d'abord, une

    dformation contentieuse ensuite.

    La dformation inductive consiste selon le schma traditionnel positiviste apprhender

  • un phnomne normatif, une ralit juridique partir de l'acte cens traduire ce

    phnomne. C'est ainsi que l'ordre administratif intrieur a toujours t apprhend

    partir de la seule mesure d'ordre intrieur (7). C'est ainsi galement que l'interprtation

    administrative est traditionnellement analyse partir de la thorie de la circulaire

    administrative : on voque alors la fonction interprtative de la circulaire (8).

    L'avantage de cette mthode inductive est de donner un contenu matriel aux circulaires

    qui, au-del de leur rgime juridique, traduisent une fonction spcifique et relle ; c'tait

    d'ailleurs exactement la dmarche de Jean Rivero propos des mesures d'ordre intrieur

    qui s'analysent comme les manifestations juridiques d'une vie intrieure des

    organismes de droit public (9). L'inconvnient de cette mthode est de lier l'activit

    administrative d'interprtation l'volution du rgime juridique de la circulaire. Or

    l'interprtation existe en dehors des circulaires, elle peut tre vhicule par d'autres

    actes, des arrts ministriels ou des directives administratives. Par ailleurs, la circulaire

    traduit bien plus que la fonction interprtative de l'administration : elle peut rvler aussi

    une fonction d'orientation, une fonction hirarchique, une fonction politique ou une

    fonction sociale (10).

    Cette dformation inductive se double traditionnellement d'une dformation

    contentieuse. Eu gard l'importance du recours pour excs de pouvoir dans la

    dfinition de l'acte administratif en droit franais, ce dernier n'est souvent analys que

    par ses effets sur l'ordonnancement juridique ou son grief l'gard des droits subjectifs,

    seuls susceptibles d'ouvrir la recevabilit du recours pour excs de pouvoir. On

    comprend ds lors la place primordiale de l'acte dcisoire ou de l'acte faisant grief : ils

    ne sont que les traductions contentieuses de l'acte administratif unilatral. C'est ainsi

    que le prisme contentieux de la mesure d'ordre intrieur a rduit trs sensiblement

    l'analyse de l'ordre intrieur lui-mme. L'ordre intrieur n'est plus analys que comme

    un ensemble de justifications expliquant l'immunit juridictionnelle de ces actes alors

    qu'il correspond une fonction administrative bien plus vaste ; l'adage de minimis non

    curat praetor a envahi les analyses, rduisant l'extrme la vie juridique intrieure de

    l'administration (11).

    L'analyse de l'interprtation administrative n'a pas chapp cette dformation

    contentieuse. Elle est passe au second plan. Rduite, phagocyte par la thorie de la

    circulaire interprtative dont les contours ont t dgags par le juge administratif puis

    par la doctrine, elle a suivi et subi l'volution du rgime juridique de ces actes. La notion

    de circulaire interprtative est en effet apparue progressivement. Elle a t dgage par

    opposition la circulaire rglementaire partir de l'arrt Notre-Dame du Kreisker de

    l'Assemble du Conseil d'Etat en 1954 (12). En fixant le seuil de la recevabilit du

    recours l'gard des seules circulaires dites rglementaires, cet arrt fut l'origine de

    multiples confusions (13) et signe le point de dpart de la dfiguration contentieuse de

    l'analyse de la fonction d'interprtation. Cette dernire est confondue dans les analyses

    juridiques avec la circulaire interprtative, qualifie parfois de vraie circulaire (14),

    c'est--dire avec un acte non dcisoire insusceptible de recours devant le juge de l'excs

    de pouvoir. Or cette assimilation est dformante pour plusieurs raisons. D'abord parce

    que le pavillon des circulaires interprtatives regroupe bien plus que les circulaires

    qui donnent une interprtation du droit, ces circulaires recoupent toutes sortes de

    circulaires non dcisoires qui ont un rapport lointain avec l'interprtation (15). Ensuite

    et surtout parce qu'elle recale l'interprtation administrative dans une zone de non-droit

    (au sens o l'entend le doyen Carbonnier), de ngativit, d'absence de droit (16) :

    l'interprtation, parce qu'elle ne modifie pas l'ordonnancement juridique, se prsente

    comme l'antithse du contrle juridictionnel et donc du droit.

    De ce point de vue, l'analyse contentieuse, en liant normativit et contrle par le juge,

    restreint trs fortement les critres de l'acte juridique. Dans le cas des circulaires,

    l'identification normative passe par le caractre rglementaire, ce qui correspond la

    place traditionnelle du pouvoir rglementaire dans l'action administrative ; logiquement,

    la circulaire interprtative ne peut tre un acte normatif comme le soulignait dj Duguit

  • (17).

    Cette vision contentieuse de l'interprtation est contestable. De manire gnrale, on

    peut discuter du rle du contrle juridictionnel d'un acte comme facteur de normativit.

    Comme le souligne Denys de Bchillon, une norme indiscutable peut parfaitement

    n'tre l'objet d'aucun contrle juridictionnel ; cela fut assez longtemps le cas des lois ; il

    n'est pas besoin d'y insister (18). De manire plus particulire, dnier

    l'interprtation administrative tout caractre normatif va l'encontre du sens

    volontariste de l'interprtation et mconnat son importance dans les rapports entre

    l'administration et les agents ou les usagers.

    Les volutions rcentes du contrle juridictionnel des circulaires consacres par l'arrt

    Mme

    Duvignres de 2002 (19) ne change pas grand-chose l'analyse contentieuse de

    l'interprtation administrative. Certes, en substituant la thorie rglementaire la

    nouvelle thorie de la circulaire imprative, le juge a dplac le curseur de la recevabilit

    sans faire disparatre la notion de circulaire rglementaire qui est dsormais un lment

    d'apprciation de la lgalit de la circulaire et non plus un facteur de dtermination de la

    recevabilit du recours (20). Le recours pourra tre recevable l'gard non seulement

    des circulaires qui crent des droits ou des obligations, mais aussi l'gard de celles

    qui tendent imposer une interprtation du droit applicable en vue de l'diction de

    dcisions (21). La catgorie des circulaires interprtatives a clat puisque certaines

    peuvent tre impratives.

    Une partie de l'interprtation est donc susceptible d'annulation en particulier si elle

    mconnat le sens et la porte des textes qu'elle interprte ou si elle ritre une rgle

    juridique contraire une norme suprieure.

    Mais cette remise en ordre ne fait que confirmer l'analyse contentieuse de l'interprtation

    : si cette dernire peut tre imprative, donc normative au sens contentieux, elle peut

    demeurer a-normative si elle est n'est pas imprative ; elle relve alors d'une catgorie

    contentieuse naissante, les circulaires indicatives, nouvelle version plus rduite des

    circulaires interprtatives. Par ailleurs, le juge ajoute ses catgories contentieuses

    traditionnelles - acte faisant grief, dcision, acte rglementaire - une nouvelle notion, la

    circulaire caractre impratif, qui ne peut s'entendre que dans un sens procdural.

    Le prisme de la thorie contentieuse de la circulaire s'est donc toujours avr trs

    restrictif pour analyser l'interprtation administrative. Il mconnat la spcificit d'un

    phnomne essentiel dans l'activit administrative en le rduisant un problme de

    contrle juridictionnel et en mconnaissant sa fonction propre. Mme s'il est toujours

    possible de dpasser la conception contentieuse de la circulaire administrative au profit

    d'une analyse matrielle intgrant l'tude fonctionnelle de ces actes (22), il semble

    prfrable d'adopter une logique plus dductive qui permette de saisir et d'apprhender

    ce phnomne interprtatif en lui-mme. Si cette mthode replace la logique

    contentieuse en aval et non comme un pralable, elle permet aussi certainement de

    rsoudre certains problmes poss au juge. En effet, si l'analyse inductive a invers le

    champ conceptuel de l'interprtation - le point de dpart est contentieux -, elle n'a pas

    rsolu paradoxalement toutes les questions contentieuses poses propos des

    circulaires. Ce paradoxe rsulte certainement d'une mconnaissance de la fonction

    d'interprtation par l'administration.

    L'interprtation administrative doit tre analyse partir de la thorie gnrale de

    l'interprtation juridique (23). De ce point de vue, il apparat que, comme toute

    interprtation, sa fonction juridique, c'est--dire sa contribution au systme juridique,

    est double. Elle assure d'abord une fonction rgulatrice entre diffrents acteurs :

    interface entre l'autorit administrative et les agents ou les usagers, intermdiaire

    ncessaire entre le texte et ses destinataires, elle apparat comme un rouage

    incontournable en assurant la diffusion et donc la continuit de l'action administrative.

  • Plus encore, elle assure une fonction proprement normative : l'interprte administratif ne

    se contente pas d'indiquer le sens d'un texte, il en dtermine la signification et la porte

    : c'est donc bien un acte de volont.

    La fonction rgulatrice

    Grard Timsit faisait de l' Institution Notre-Dame-du-Kreisker, la mre de la rgulation

    (24). Certes, l'auteur tablissait cette filiation pour montrer que le clbre arrt tait

    l'origine de la conscration d'un pouvoir de rgulation administrative qui prenait place

    ct de la rglementation et de l'interprtation. Mais si l'on veut bien dfinir la

    rgulation au sens premier de fait consistant maintenir en quilibre, () assurer le

    fonctionnement correct d'un systme complexe (25), il apparat bien que

    l'interprtation administrative elle-mme joue ce rle en s'interposant entre le texte et

    son application, entre le droit et les faits ; elle assure alors un rle essentiel de diffusion

    de la rgle en l'adaptant l'examen particulier d'une situation. C'est en somme une

    nouvelle figure, l'interprte administratif, qui assure cet quilibre. La place de cet acteur

    aujourd'hui incontournable doit tre revalorise car si l'administration apparat bien

    comme un interprte authentique au sens kelsenien du terme, reste savoir si elle est

    un interprte lgitime.

    L'administration, un interprte authentique

    1. Si l'on considre, l'instar de Kelsen, que l'interprtation est un processus

    intellectuel qui accompagne ncessairement le processus d'application du droit dans sa

    progression d'un degr suprieur un degr infrieur (26), l'administration prend

    place incontestablement ct des innombrables interprtes du droit (27).

    L'importance de ce pouvoir place cependant l'administration dans une situation

    particulire faisant d'elle un interprte hors catgorie. Plusieurs raisons expliquent cette

    particularit.

    D'abord, l'administration est l'origine d'une vritable doctrine administrative,

    constitue de l'ensemble de tous les supports de l'interprtation administrative

    (circulaires, mais aussi directives, notes et instructions) dont on connat la place dans le

    fonctionnement des services administratifs : l'entre en vigueur des textes, mme ceux

    qui n'appellent pas de mesures d'application, reste sans effet s'ils n'ont pas t explicits

    par une circulaire, s'ils ne sont pas passs au crible de l'interprtation. Cette ralit pose

    d'ailleurs question au regard de la hirarchie des normes qui se trouve parfois renverse,

    comme le montre l'exemple de la doctrine fiscale (28).

    Par ailleurs, l'interprtation administrative joue un rle singulier qui va bien au-del de la

    description ou de l'explication d'un texte juridique. Comme le souligne Genevive Koubi,

    l'interprtation est une diffraction (29), elle amplifie ou dforme le texte pour mieux

    l'adapter et donc l'appliquer. Ce rle d'interface qui caractrise le mieux l'interprtation

    administrative est multiple. L'interprtation est d'abord une interface normative dans la

    mesure o elle correspond cette volont d'adaptation et de flexibilit du droit. Jouant

    un rle indispensable par l'attnuation de l'unilatralit, elle est un intermdiaire

    ncessaire permettant la conciliation de la rgle juridique avec des intrts parfois

    contradictoires. Permettant l'adaptation au cas par cas d'une rglementation au premier

    abord trop rigide, elle facilite une application sereine et donc effective du droit (30). Le

    langage de l'interprte est ici primordial car il opre une explicitation des donnes d'un

    texte la lumire d'autres textes ou de situations concrtes : certains outils linguistiques

    sont donc privilgis dans les circulaires interprtatives (31).

    L'interprtation est galement une interface sociale entre diffrents acteurs. Produit de

    l'administration, elle a une vocation lgitimante et politique qui vise expliquer, voire

    amplifier et anticiper une rforme comme le montrent la circulaire du Premier ministre

    du 26 aot 2003 relative la matrise de l'inflation normative et l'amlioration de la

  • qualit de la rglementation et celle du 30 septembre 2003 relative la qualit de la

    rglementation : ces deux circulaires prises en marge de la loi du 2 juillet 2003 habilitant

    le gouvernement simplifier le droit, en adoptant diffrents mcanismes, montrent que

    l'interprtation peut prcder et donc impulser une rforme non encore effective (32).

    Destine aux agents publics, l'interprtation concerne aussi les administrs puisqu'elle

    traite de situations concrtes auxquelles sont confronts les agents. Elle assure une

    application uniformise de la rgle de droit et, partant, constitue un filtre entre

    l'administration et les citoyens. Les circulaires du ministre de l'Education nationale de

    1989, 1993 et 1994 relatives au respect du principe de lacit dans les tablissements

    scolaires illustrent cette fonction de filtre : en dfinissant un cadre souple au principe

    constitutionnel de la lacit rpublicaine, elles tentent une conciliation entre ce principe et

    le principe de la libert d'expression et de manifestation religieuse (33). La dernire

    circulaire de 2004 prise en application de la loi du 15 mars 2004 relative au principe de

    lacit des les coles et lyces publics ne droge pas cette fonction puisqu'elle organise

    in fine une phase de dialogue (34).

    2 - Au-del de sa particularit, l'interprte administratif apparat bien comme un

    interprte authentique. L'interprtation authentique est, selon Kelsen, l'interprtation

    selon les organes d'application du droit. Elle seule cre du droit, ce qui la distingue de

    l'interprtation du droit donne par des personnes prives, et en particulier par la

    science juridique, par les juristes, qui ne sont pas des organes du droit (35). La

    thorie raliste de l'interprtation va galement dans ce sens : l'interprtation

    authentique est comprise comme seulement celle laquelle l'ordre juridique attache

    des effets, celle qui ne peut tre conteste et qui par consquent, dans le cas de

    l'interprtation d'un texte, s'incorpore ce texte (36). Pour Michel Troper, il y a deux

    temps dans l'analyse : une interprtation n'a de valeur normative que si elle prsente

    un caractre authentique et elle ne prsente un caractre authentique que parce qu'elle

    mane d'un organe habilit produire une telle interprtation (37) ; ce qui ne veut

    pas dire que c'est la qualit de l'organe qui dtermine la qualit de l'interprtation : c'est

    l'ordre juridique, et lui seul, qui lui confre cet effet (38).

    Dans ce sens, l'administration a la qualit d'interprte authentique dans la mesure o

    elle peut tre considre comme un organe d'application du droit, une autorit

    comptente pour donner cette interprtation. Deux arguments peuvent ici tre voqus.

    D'abord, on peut considrer que le systme juridique reconnat et atteste l'existence

    d'une telle interprtation en habilitant l'administration y procder. Cette habilitation qui

    est la base du mcanisme mme de la juridicit (39) se fonde, en droit public, sur la

    thorie des comptences (40). Or le pouvoir d'interprtation ressort d'une comptence

    de l'administration que l'on peut qualifier d'implicite : rsultant du pouvoir d'instruction

    et du pouvoir hirarchique, elle est comme lui inhrente la qualit de suprieur

    hirarchique comme le pouvoir d'organisation est inhrent la qualit de chef de service

    (41). C'est d'ailleurs la solution que consacre l'arrt Quralt de 1950 (42) partir

    duquel la doctrine considre que le pouvoir hirarchique est dtenu de plein droit par

    l'autorit suprieure qui en est investie sans qu'un texte soit ncessaire, ce pouvoir

    tant li sa qualit de suprieur hirarchique (43). En reconnaissant ainsi -

    implicitement - l'administration une comptence hirarchique gnrale, le systme

    juridique l'habilite aussi interprter les normes ; il juridicise, par l, le pouvoir

    d'interprtation administrative, il l'authentifie, pour reprendre le vocabulaire kelsenien.

    Par ailleurs, selon Michel Troper, le signe distinctif de l'interprte authentique est sa

    grande libert par rapport au texte interprt, il n'est pas li par l'nonc lui-mme ou

    il n'est pas tenu d'appliquer certaines mthodes d'interprtation (44). Or cette libert

    est bien le propre de l'interprte administratif : la rcriture du droit opre par

    certaines circulaires interprtatives, notamment en matire pnitentiaire (45) atteste

    suffisamment de cette qualit. En outre, le Conseil d'Etat a affirm dernirement, dans

    un arrt Louis le Guidec de 2003, l'occasion du rejet d'une demande d'annulation du

  • refus d'un ministre de prendre une circulaire, que l'administration n'tait jamais tenue

    de prendre une circulaire pour interprter l'tat du droit existant (46). Cet arrt

    souligne bien la libert de l'interprte et accorde l'administration un pouvoir

    discrtionnaire pour apprcier si une norme a besoin d'tre claircie, ou pour dterminer

    la forme et le contenu de l'interprtation.

    Admettre que l'administration puisse tre un interprte authentique - en tant qu'organe

    d'application du droit - conduit des difficults qui heurtent la comprhension de l'ordre

    juridique comme le relvent certains auteurs pour qui seul le juge a qualit pour

    authentifier une interprtation (47). L'introduction du paramtre de la lgitimit s'avre

    ds lors ncessaire.

    L'administration, un interprte lgitime ?

    1 - Jacques Chevallier a montr que la distinction entre interprtes authentiques et

    interprtes non authentiques se situait avant tout au niveau de la thorie du droit : elle

    vise dterminer le statut de l'interprte ainsi que sa marge de manoeuvre dans

    l'opration d'application du droit (48). Elle demeure toutefois impuissante dvoiler

    les enjeux et clairer les processus inhrents au jeu de l'interprtation (49). Il

    plaide pour un clairage sociologique de l'interprtation qui puisse notamment prendre

    en compte et expliquer les relations et les stratgies entre les diffrents interprtes

    authentiques.

    C'est dans ce contexte qu'apparat la distinction entre interprtes lgitimes et interprtes

    non lgitimes : la distinction kelsenienne de l'interprtation authentique et de

    l'interprtation non authentique ne rend pas compte des mcanismes d'autorisation,

    dont dpend l'accs au statut d'interprte lgitime, et des liens qui unissent les

    interprtes autoriss (50).

    Le juge apparat comme l'interprte par excellence car son pouvoir d'interprtation est

    strictement encadr par les contraintes de l'organisation judiciaire : les ventuelles

    divergences interprtatives sont gommes par l'effet de l'organisation pyramidale de la

    justice au profit d'une interprtation uniforme aux mains de la plus Haute Juridiction. Par

    ailleurs, l'interprtation juridictionnelle a autorit car elle accde au rang de

    jurisprudence qui s'imposera aux diffrents organes d'application du droit.

    Par rapport cet interprte lgitime, l'administration, en tant qu'acteur de

    l'interprtation est forcment subordonne. En effet, c'est bien l'interprte lgitime qui

    dtient en dernire instance la vrit de l'interprtation puisque le juge peut l'imposer en

    la substituant celle de l'administration : il peut l'annuler ou l'orienter avec la force de

    chose juge. Comme le souligne justement M. Chevallier : le pouvoir d'interprtation

    administrative est donc prcaire et subordonn, les interprtations donnes par les

    services et les agents ayant besoin d'tre authentifies par un interprte lgitime du

    droit (51). Consacr, l'interprte administratif ne se substitue pas pour autant au

    juge, interprte officiel du droit.

    2 - Si l'interprte administratif ne peut donc tre qualifi de lgitime au regard du

    monopole du juge fond sur la rgle du dernier mot, une tendance se manifeste

    cependant ces dernires annes d' une volont administrative de rcupration du

    pouvoir de dire le droit (52). Cette tendance s'opre par l'interprtation qui est faite

    par l'administration elle-mme de la jurisprudence (53). Dans certains cas, les

    circulaires interprtatives se bornent faire rfrence cette dernire : elles s'appuient

    sur des dcisions de justice pour expliciter un texte (54). Dans d'autres cas,

    l'interprtation va plus loin puisqu'il s'agit de tirer les consquences d'un arrt en

    interprtant le sens donner de cet arrt qui lui-mme interprte un texte. L'interprte

    se cache alors derrire une interprtation textuelle pour oprer une vritable relecture de

    l'interprtation juridictionnelle de ce texte. Il y a alors un va-et-vient continu entre

  • lecture administrative du texte et lecture administrative de l'interprtation

    juridictionnelle.

    Ce processus de lgitimation de l'interprte administratif, qui s'approprie non seulement

    l'interprtation des textes proprement parler mais aussi l'interprtation faite par les

    tribunaux, pose question. En reprenant en effet la prescription juridique la lumire de

    son interprtation juridictionnelle, il reformule l'interprtation juridictionnelle elle-mme

    et tend donc supplanter le juge dans sa mission (55).

    Un exemple type nous est fourni par la circulaire sur la mendicit de 1995 : exposant le

    cadre lgal de l'action de la police municipale, le ministre rappelle le contrle important

    opr par le juge dans sa jurisprudence, en tire alors toutes les consquences pour

    rappeler les interdictions possibles et pour donner de nouvelles pistes permettant

    d'interdire la mendicit (56).

    Beaucoup de circulaires oprent le mme raisonnement o la rgle est pose et claire

    par son interprtation juridictionnelle (57). Cette technique permet l'interprte

    administratif de diffuser le droit de manire complte dans les services administratifs,

    mais aussi et surtout de rinterprter la rgle juridique la lumire d'une premire

    interprtation donne par le juge afin d'en donner une deuxime version. En dernier lieu,

    c'est bien l'administration qui est matre de l'interprtation qu'il effectue en toute libert

    : ces circulaires interprtatives de la jurisprudence exposent des raisonnements

    particuliers qui usent des arguments juridictionnels soit en intgrant sans dtours la

    dcision de justice dans le discours administratif, soit en commentant la solution

    jurisprudentielle pour lui offrir un sens pragmatique, soit plus laborieusement, selon des

    rdactions plus subtiles, pour en contourner les rpercussions dans l'orientation de

    l'action administrative. La dcision de justice est alors incorpore dans les systmes

    d'action administrative (58).

    Certes, il ne faut pas exagrer la porte de cette substitution car, en dfinitive, le juge

    pourra toujours avoir le dernier mot comme nous le montre d'ailleurs le contentieux

    rcent de l'enseignement bilingue par immersion dans les coles, l'affaire des coles

    Diwan. A la suite de la suspension par le Conseil d'Etat d'un arrt du 31 juillet 2001 et

    d'une circulaire du 5 septembre 2001 relatifs la mise en place de ce type

    d'enseignement (59), le ministre a dict un nouvel arrt le 19 avril 2002 suivi de

    plusieurs circulaires dont celle du 30 avril 2002 qui contournent littralement

    l'ordonnance du juge et confirment la mise en place de ces coles.

    Dans un premier temps, le juge des rfrs a suspendu ces nouveaux textes sur la base

    du mme type de raisonnement qu'en 2001 (60) ; dans un second temps, procdant

    une analyse sur le fond, il annule ces dispositions en les jugeant illgales, se fondant sur

    les rgles relatives l'usage du franais dans les services publics (61).

    On voit par l toute les limites de l'interprtation administrative : mme si elle se

    conjugue une volont de rappropriation d'une interprtation juridictionnelle soit en la

    transformant soit en l'occultant, elle demeure subordonne l'interprtation dfinitive

    donne par le juge. Les stratgies des interprtes authentiques sont cependant ici

    intressantes : elles montrent qu'il y a un jeu, une concurrence entre les interprtes, et

    la volont administrative de substitution est permanente.

    La fonction rgulatrice de l'interprtation administrative apparat dsormais balise :

    interprte authentique, l'administration forge une doctrine qui joue comme un filtre entre

    le texte officiel et ses destinataires ; elle se pose par l en vritable concurrent de

    l'interprte officiel. L'existence et l'importance de cette fonction conduit s'interroger

    maintenant sur la porte normative de l'interprtation administrative.

  • La fonction normative

    L'analyse contentieuse de l'interprtation administrative tend, travers la thorie de la

    circulaire administrative, occulter la ralit normative de l'interprtation. La

    subordination de la normativit la recevabilit du recours pour excs de pouvoir ainsi

    que la place dominante du pouvoir rglementaire dans l'expression normative de

    l'administration expliquent que l'interprtation soit relgue dans une zone de non-droit.

    L'arrt Notre-Dame-du-Kreisker opre d'ailleurs le lien entre recevabilit du recours et

    caractre rglementaire de la circulaire : l'interprtation ne modifiant pas

    l'ordonnancement juridique, elle est ce titre insusceptible de recours, elle est donc a-

    normative.

    Pour autant, la fonction normative de l'interprtation ne peut se rduire l'analyse du

    contrle juridictionnel des circulaires. Les thories volontaristes de l'interprtation

    montrent qu'au-del du positionnement du juge, l'interprtation administrative peut

    toucher l'administr de manire directe en crant son gard une vritable obligation

    juridique laquelle il doit se plier. Plus encore, la spcificit mme de l'interprtation

    administrative montre que sa porte normative peut intervenir ex post en lui imposant

    un changement de doctrine qui s'impose lui : l'interprtation n'est pas seulement

    source d'obligations juridiques, elle peut tre aussi source d'inscurit juridique.

    L'interprtation administrative, source d'obligations juridiques

    1 - Si l'on dfinit la norme comme la signification d'un acte par lequel une conduite est

    ou prescrite ou permise et en particulier habilite (62), il faut reconnatre alors que

    l'obligation juridique ou l'impratif, regroupant au sens large devoir et pouvoir (63), est

    au coeur de cette notion : (...) l'arrire-pense du discours normatif juridique, c'est

    l'obligation, le fait qu'une norme aboutit le plus souvent interdire, rduire le champ

    du possible l'alternative du licite et de l'illicite, du permis et de l'interdit (64). Cette

    dfinition de la norme par rapport la notion d'imprativit transparat galement dans

    les crits de Duguit pour qui la rgle de droit se conoit comme un rglement de

    l'activit individuelle, la dtermination des actes que l'homme est oblig de faire ou de

    ne pas faire (65).

    L'acception du phnomne normatif par rapport l'obligation juridique permet ainsi

    d'affirmer que l'interprtation administrative est normative au moins l'gard des

    agents. Le pouvoir d'interprtation n'est en effet qu'une forme du pouvoir d'instruction

    qui s'impose l'agent travers l'obligation d'obissance hirarchique. Or l'obissance

    hirarchique est bien une obligation juridique mentionne dans les statuts de la fonction

    publique (66) et sanctionne par l'engagement ventuel d'une procdure disciplinaire

    (67). L'obligation d'obissance hirarchique explique que l'interprtation s'impose

    l'agent, elle est bien normative.

    Cette normativit est matriellement interne (68), elle s'applique aux agents mais aussi

    et plus largement ceux qui sont inscrits dans une relation hirarchique avec

    l'administration, comme les usagers qui s'impose, selon les mots de Carr de Malberg

    emprunts du droit allemand, un rapport spcial de subordination (69). La rpression

    disciplinaire de l'usager prouve d'ailleurs que ce dernier est soumis aux mmes types

    d'obligations hirarchiques que les agents (70).

    Cette thorie de la sphre normative interne a t utilise par Hauriou pour voquer le

    rgime juridique des instructions ministrielles qui n'taient l'poque susceptibles de

    recours que de la part des fonctionnaires : elles ne produisent (...) d'effet de droit et

    n'ont valeur de rgle de droit qu' l'intrieur de l'administration, mais l'intrieur de

    l'administration, elles ont cette valeur (71). Elle a t exploite plus largement pour

    caractriser les mesures d'ordre intrieur dans leur ensemble (72), elle reste trs

    utilise dans le contentieux communautaire des actes internes (73) ou dans la thorie

    allemande des circulaires administratives fonde sur la dichotomie entre effet externe et

  • effet interne (74).

    2 - Si l'interprtation peut tre considre comme normative l'gard des personnes

    incluses dans un cercle hirarchique, peut-elle l'tre l'gard des personnes qui ne sont

    pas les destinataires directs de l'interprtation ? C'est l certainement la question la plus

    controverse car la thorie de la sphre normative interne est inapplicable ici, le tiers

    n'tant pas engag dans un rapport spcial de subordination.

    Pour Genevive Koubi, l'interprtation administrative ne peut tre normative dans ce cas

    : (les circulaires interprtatives) ne sont pas en elles-mmes porteuses de normes

    juridiques. Elles imposent certes des conduites plus ou moins prcises de la part des

    agents administratifs, mais elles n'ont d'effet sur les situations juridiques des particuliers

    que par ricochet (75). Cette relation indirecte par ricochet entre le particulier et

    l'interprtation n'est toutefois pas un obstacle la reconnaissance d'un rapport normatif

    si l'on veut bien admettre deux postulats.

    La normativit de l'interprtation administrative peut exister en dehors de la sphre

    administrative interne et concerner des tiers, des administrs non usagers.

    Le recours la thorie volontariste de l'interprtation s'avre ici trs utile dans la mesure

    o le choix d'une interprtation authentique par un organe d'application du droit est

    analys comme un acte de volont, crateur de droit (76).

    C'est le sens galement de la thorie raliste de l'interprtation (77). L'interprtation

    administrative, comme toute interprtation, est cratrice de sens et donc gnratrice de

    normativit : interprter, c'est faire oeuvre de cration juridique (...) (78).

    Elle possde en effet deux faces qui sont autant de ralits normatives (79). Elle vise

    d'abord claircir un texte en explicitant des dispositions souvent obscures, il s'agit ici

    de la dcouverte du sens du texte o, partir du texte, l'interprte rvle le contenu de

    pense port par un nonc juridique. Comme en matire d'interprtation

    juridictionnelle, l'interprte administratif replace l'objet interprt dans son contexte ou

    remonte vers ses sources : il s'agit bien d'un processus de cration normative car, en

    prcisant le sens du texte partir d'une volont suppose de son auteur, l'interprte

    ajoute forcment aux dispositions obscures. La seconde face de l'interprtation concerne

    l'adaptation des textes : l'interprte se dtache un peu plus de l'auteur du texte allant

    jusqu' corriger et complter la rglementation initiale en fonction de l'volution des

    circonstances. Il s'agit ici non plus simplement de la dcouverte du sens mais de la

    construction d'un sens. La circulaire Fillon de 2004 relative la mise en oeuvre du

    principe de lacit illustre cette cration normative car en dfinissant les tenues et signes

    religieux ostensibles, elle ajoute une nouvelle catgorie, les signes ostensibles par

    destination (80).

    Ces deux faces de l'interprtation administrative lui donnent incontestablement la qualit

    normative : la volont de l'interprte s'impose l'administr qui sera confront moins au

    texte lui-mme qu' sa ractualisation ralise par l'administration, c'est en ce sens

    qu'elle peut tre considre comme source d'obligations.

    La normativit de l'interprtation administrative l'gard des tiers peut ne pas tre

    absolue et peut gnrer des obligations minimales. Il faut admettre la thorie des seuils

    de la normativit dveloppe par certains auteurs qui distinguent entre impratif

    catgorique et impratif conditionnel (81). Le premier signe l'existence d'une norme

    traditionnelle en ce qu'il prescrit le but et les moyens, alors que le second rvle en

    quelque sorte la crise du phnomne normatif car il gnre des obligations facultatives

    lies au consentement des destinataires, des normes non prescriptives (82).

    L'analyse de l'activit interne de l'administration rvle l'existence de cet impratif

  • conditionnel, le pouvoir d'orientation administrative travers les directives en est une

    illustration (83). L'interprtation administrative peut galement engendrer ce type

    d'obligations l'gard des particuliers en lui permettant de s'engager dans une

    dmarche de sollicitation de mise en oeuvre d'un texte. La circulaire du 18 mai 2004

    relative au principe de lacit organise ainsi un dialogue entre l'tablissement scolaire et

    les lves dans le souci de convaincre ces derniers de l'importance du respect du

    principe de lacit (84) : en cherchant une adhsion pralable, elle contient une

    proposition impratif conditionnel. Certes, l'interprtation administrative n'est pas,

    comme l'orientation administrative, une recommandation ou une incitation (85), mais

    elle peut dboucher sur le mme type d'obligations.

    3 - Cette ralit normative dpasse la simple circulaire imprative pour reprendre la

    terminologie du juge administratif depuis l'arrt Mme

    Duvignres de 2002. Les circulaires

    impratives regroupent une partie seulement de l'interprtation administrative : celle qui

    modifie l'ordonnancement juridique ou qui impose une interprtation (86).

    En ce sens, le caractre impratif dgag par le juge ne peut pas tre synonyme de

    normatif : l'interprtation, normative par principe, sera en plus imprative si elle

    dtient certains caractres qui permettront au juge de l'excs de pouvoir de la contrler.

    La notion d'imprativit dgage par le juge doit s'entendre de manire contentieuse,

    comme un moyen de recevabilit du recours ; en ce sens, elle se rapproche davantage

    de l'acte dcisoire, condition objective de la recevabilit du recours, que de l'acte

    normatif dont l'existence est dtermine en dehors du contrle juridictionnel (87). C'est

    sous cet angle que l'on peut affirmer qu'il n'y a pas vraiment de rupture entre Notre-

    Dame-du-Kreisker et Mme

    Duvignres (88). Cette dissociation ncessaire entre impratif

    et normatif peut d'ailleurs surprendre le thoricien du droit car au fond de la norme, il y

    a cette ide d'impratif comme le souligne Denys de Bchillon : l'assise du discours

    normatif, c'est l'impratif (89). On peut regretter cet gard l'utilisation par le juge

    d'un concept qui revt d'un point de vue thorique une toute autre signification.

    Poser la fonction normative de l'interprtation administrative permet ainsi de souligner

    en creux les insuffisances du contrle des circulaires. Mme si le juge a

    incontestablement ouvert la recevabilit du recours depuis l'abandon de la thorie de la

    circulaire rglementaire, il laisse de ct toute une partie des circulaires interprtatives

    qui ne sont pas impratives au sens contentieux, alors mmes qu'elles sont normatives

    au sens de la thorie de l'interprtation. Cette insuffisance marque les limites du contrle

    juridictionnel.

    L'interprtation administrative, source d'inscurit juridique

    1 - L'interprtation donne par les circulaires administratives est d'autant plus cratrice

    de droit pour les administrs qu'elle peut tre source d'instabilit juridique pour eux.

    L'administration n'tant pas lie par sa propre interprtation, elle peut donner une

    interprtation diffrente d'un texte qui constituera un vritable changement de doctrine

    pour l'administr. L'effet normatif de l'interprtation est alors invers : aprs l'imposition

    d'une premire doctrine, cratrice de droits et d'obligations, son retrait et l'imposition

    d'une deuxime doctrine, au dtriment de la stabilit des situations juridiques, crent

    une nouvelle ralit normative.

    Ce changement de doctrine heurte le principe de la confiance lgitime qui imprgne

    aujourd'hui l'ordre juridique (90). Issu du droit allemand (91) et du droit

    communautaire (92), il y reoit des applications diverses : il a t invoqu en vue de

    faire protger les droits acquis des particuliers, de limiter les possibilits de retrait des

    dcisions administratives individuelles, pour contraindre l'administration respecter ses

    propres dcisions, promesses ou engagements (93). En droit communautaire par

  • exemple, une application remarquable de ce concept se retrouve dans le principe selon

    lequel l'administration se lie elle-mme par la voie d'une pratique administrative

    constante, pratique qui peut justement rsulter d'un acte interne selon la jurisprudence

    (94). L'ide est d'obliger l'administration respecter sa propre doctrine quelle que soit

    l'origine de cette dernire : l'ensemble de ces textes, mme s'ils ne sont pas susceptibles

    de recours, constituent en quelque sorte une pratique administrative que l'administr

    peut invoquer.

    En droit franais, si le principe de confiance lgitime n'a pas vraiment t consacr

    (95), il est certain qu'il irrigue l'ide d'invocabilit des instructions internes, c'est--dire

    la possibilit pour l'administr de s'en prvaloir devant l'administration. L'article L. 80 A

    du livre des procdures fiscales s'inspire fortement de ce principe en interdisant la

    rtroactivit de la doctrine fiscale quelle que soit son origine (96) ; c'est aussi l'objet de

    l'article 1er du dcret du 28 novembre 1983 qui entendait, en gnralisant l'invocabilit

    des instructions et circulaires, tendre en mme temps le mcanisme de garantie contre

    les changements de doctrine administrative (97). L'chec de cet article 1er montre que

    le Conseil d'Etat n'est pas encore prt une telle gnralisation qui conduirait nuancer,

    dans certains cas l'application du principe de lgalit (98).

    2 - La rflexion sur la porte normative de l'interprtation administrative passe

    aujourd'hui moins par un renforcement du recours pour excs de pouvoir que par les

    moyens trouver pour obliger l'administration respecter sa propre doctrine interne.

    L'ide de gnraliser le mcanisme d'invocabilit de l'interprtation administrative est

    toujours l'ordre du jour mme si la question a t vacue lors de la rforme du 12

    avril 2000 (99). La vague de rforme relative la simplification du droit a dbouch sur

    l'adoption d'une seconde loi d'habilitation le 9 dcembre 2004 (100) semble avoir pris

    la mesure de cette carence mais de manire trs cible : elle contient en effet une

    disposition permettant l'invocabilit des circulaires et de la doctrine administrative dans

    le droit de la scurit sociale sur le modle de l'article L. 80 A du livre des procdures

    fiscales (101).

    La gnralisation de cette technique se heurte toutefois plusieurs problmes. Le

    premier est la crainte d'enfermer l'administration dans un cadre trop troit et de lui ter

    tout libert d'action dans l'usage de son pouvoir d'interprtation. Cette objection a t

    dj souleve pour les directives pour lesquelles on souligne que l'orientation de l'usage

    du pouvoir discrtionnaire par l'administration n'est possible que si elle n'enlve

    l'autorit administrative la possibilit d'y droger (102). Plus fondamentalement,

    l'invocabilit heurte le principe de lgalit et plus prcisment le principe de hirarchie

    normative car elle permettrait de faire prvaloir une interprtation illgale sur la loi, c'est

    d'ailleurs l'objection qui a t faite au mcanisme de l'article L. 80 A du livre des

    procdures fiscales, frapp d'un soupon d'inconstitutionnalit (103). C'est d'ailleurs

    aussi pour cette raison que le dcret de 1983 a subordonn l'invocabilit des circulaires

    leur conformit aux lois et rglements.

    Comment ds lors surmonter ces obstacles incontestables la gnralisation de

    l'invocabilit de l'interprtation administrative, composante pourtant essentielle du

    principe de la confiance lgitime ? Le droit tranger peut constituer un lment de

    rflexion.

    Le droit allemand considre de manire gnrale que les circulaires administratives

    (Verwaltungsvorschriften) sont certes des rgles juridiques mais essentiellement internes

    (Innenrecht) et non externes (Aussenrecht) dans le sens o elles ne crent pas de droits

    et d'obligations pour le particulier (104). Elles peuvent nanmoins avoir des effets

    externes indirects quand elles heurtent deux principes fondamentaux : le principe

    d'galit et surtout le principe de confiance lgitime (105). Dans ce cas, le juge admet

    qu'un contrle incident est possible, c'est--dire que le requrant peut invoquer la

  • circulaire lors des diffrentes actions permises par la loi sur la juridiction administrative

    (VwGO), comme l'action en annulation ou l'action tendant l'obtention d'une prestation

    (106).

    Plus loquent encore, la nouvelle loi nerlandaise sur la procdure administrative,

    codifiant la jurisprudence sur ce point, dispose que les directives et circulaires

    administratives contraires une rgle de droit ne peuvent tre invoques par un

    particulier moins que leur application ne lse aucun droit des tiers : dans ce cas, le

    principe de confiance lgitime oblige l'administration appliquer ces instructions mmes

    si elles sont illgales (107).

    Cet exemple nerlandais pourrait inspirer une rforme lgislative en France. Cette

    dernire pourrait intervenir en deux temps. Il s'agirait d'abord d'obliger l'administration

    se lier la doctrine qu'elle s'est fixe par la voie de l'interprtation ou de l'orientation

    tout en maintenant certaines drogations, elle doit alors justifier de raisons valables pour

    s'en carter (motifs d'intrt gnral, circonstances particulires, illgalit...). Il s'agirait

    ensuite de gnraliser l'invocabilit de l'interprtation administrative vhicule par les

    circulaires et instructions.

    Faut-il maintenir ici la rserve de la non-contrarit aux lois et rglements comme le

    dispose l'article 1er du dcret de 1983 ? Le principe de lgalit commande le maintien de

    cette rserve. Le problme est que le juge administratif l'a interprt trs strictement,

    paralysant ainsi l'effet de l'article 1er : ce dernier est cart quand l'instruction est

    directement contraire l'une de ces normes mais aussi quand elle ajoute simplement

    ces normes (108).

    La reprise telle quelle de cette rserve est donc risque : si le juge administratif

    maintient une interprtation stricte, le mcanisme risque d'tre vid de sa substance. Il

    faut alors trouver une formule qui incite le jug