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Les solutions socialistes et lefonctionnarisme (4e édition)

par M. Eugène Rostand,...

Rostand, Eugène (1843-1915). Auteur du texte. Les solutionssocialistes et le fonctionnarisme (4e édition) par M. EugèneRostand,.... 1896-1906.

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"nilTÊ DE" DÉFENSE ET DE PROGRES SOCIAL

Patrie, Devoir, Liberté.

SÉANCE

DU%XDR,'DI 20 JIARS *8M

\ ) .v^'7 'LES

SOLUTIONS SOCIALISTES

ET LE FONCTIONNARISME

PAU

M. EUGÈNE ROSTAND

DE L'INSTITUT

EXTRAIT DE LA REFORME SOCIALE

4° ÉDITION

AU SIÈGE DU COMITÉ

54, RUE DE SEINE, 54,

PARISN° 15

LA RÉFORME SOCIALE

REVUE BI-MENSUEIJ.E

Fondée par P. LE PLAY, en 188.1.

Avoc la collaboration do MM. Paul ALI.ARD, .1. ANOOT i>rcsROTOUKS, P. Aunu'uTiN, Alboi't' HAMEAU, Paul RAUOAS,II. BEAUNI",, BÉRENOKR, A. BÉCllAUX, 0. Bl.ONKEl., V, Boaisic,A. BOYENVALVictor BUANTS, J. CA/.AJEUX, K. OHEYSSON, A. DESCILLEULS, A. DELAIIIE, Ch. DEJACE, Paul DESJAUDINS, ErnostDuuois, E. DUTHOIT, Fr. ESOAUD, ETCIIEVERRY, 0. FAONIEZ,FOUUNIEU DE FLAIX, FUNCK-BRENTANO, Albort GIOOT, ErnostGLASSON, Louis GUIHERT,' GRUNER, Urbuin GUÉRIN, HUHEUT-VALLEROUX, J. JMIIAUT DE LA TOUU, Henri JOI.Y, ArmandJUUN, Clémont JUOLAR, Oharlos LAOASSE, Roué LAVOLI.ÉE,Léon LEFÉIJURE, Albort LE PLAY, Anaiolo LEHOY-BEAULIEU,E. LEVASSEÛR,

1Raphael-Goorgos LÉVY, Paul DE LÔYNES,

DE LIIÇAY, DU MAROUSSEM, A. MOIRUAU, Georges PICOT,<). PYFFIÎROEN, A. RAFFALOVICII, J. RAMRAUD, L. RIVIÈRE,Eugèno ROSTAND, Santangelo SPOTO, Roné STOURM, VictorTURQUAN, fllaui'ico VANLAER, WELOHE, etc., oto-

La lie"forme sociale étudio los problèmes économiques et so-ciaux qui tionnont aujourd'hui lo promior rang dans los préoc-cupations de l'opinion publique Elle en domaudo la solution àl'observation des faits et à. la pratiquo dos lois moralos, solon laméthodo de F. Le Play, on dehors do tout esprit do parti et dotouto théorie préconçue* Elle p.r.éconise tout un ensemble do ré-formes dont le cours" dos ovénomonts démontre do plus en plusl'urgonto nécessité, et auxquelles so rallient chaqno jour losesorits los plus éminouts, Grâce à la sympathie grandissante quelui a lémoignéo lo public éclairé, elle a pu, on commençant sutroisième série, prendre dos développements considérables.

La Réforme sociale parait lo i°r ot le 16 do chaquo mois parfascicule in-8° do 80 pages, ot forme par an doux forts volumesde 1)00 à 1,000 pages chacun, complotés par des tables ahaly-rtiques.

Une bibliographie méthodique analyse, au point de vue so-cial, tous los recuoils périodiques importants do la Franco ot del'étranger ainsi que les publications nouvelles. Par cetto inno-vation, la Réforme sociale ostdovonuolo guide lo plus utile pourceux quo leur profession ou leurs éiudos obligont à être rapide-ment ot sûrement renseignés sur le mouvement social contem-porain.

Comlitloiis d'abonnement. — France,' un an SO fr. : sixmois, 11 fr. — Union pustalo : un an, î25 tr. ; six mois, 14 fr.— En dehors do l'Union postale, port en plus.

Les membres dos Unions do la Paix sociale reçoivent la Ré-forme sociale on retour do leur cotisation annuelle de 1K fr.

Bureauxl^ftite fle Seine, 54,

SÉANCE DU VENDREDI 20 MARS 1806

AL^ètfTIÔl^/^M. A. LEROY-BEAÙLIEU

i ::l;

\) 1

t 'ff.< j PRÉSIDENT

M. LE PRÉSIDENT. — Messieurs, cette réunion serala derniôro cet hiver. Nous espérons, comme l'an der-nier, vous convoquer encore une ou deux fois lors de laréunion du Congrès d'économie sociale, vers le moisde mai. D'ici là nous comptons consacrer nos efforts àla province, où nous sommes appelés de divers côtés,je pourrais presque dire de tous les côtés. (Oh ! oh I)

Vous avez pu voir, Messieurs, que, dans ces confé-rences, nous avons cherché à nouer des liens de mu-tuelle coopération entre Paris et les départements.

Ily a quinze jours, Messieurs, vous applaudissiez iciun orateurvenu de l'Ouest; aujourd'hui vous allez en-tendre un conférencier qui vient du Midi. (Bruit. —Un assistant : On aura du mal à l'entendre /) Si nousallons aux départements, les départements, eux aussi,viennent à nous. (Applaudissements.)

Messieurs, je n'ai pas besoin de vous présenterM. Eugène Rostand. Ceux qui nous font l'honneur desuivre ces réunions se rappellent encore sa belle confé-rence de l'an dernier sur le progrès social par l'initia-tive privée. Aucun homme peut-être, en France, n'étaitplus digne de traiter un pareil sujet. Je puis dire quetoute la vie de M. Eugène Rostand a été consacrée àcette grande cause : le progrès social par l'initiative

-, 4 —privée. (Applaudissements, — Cris : Vive la sociale ! —Vive la Commune! — Vive le progrès !)

Il n'a pas seulement parlé, Messieurs, il a agi, il aproche d'exemple ; il a eu tout ensemble la foi et lesoeuvres. Je n'ai qu'un regret, quant à moi : c'est quenous n'ayons pas, on France, un plus grand nombred'hommes qui ressemblent à M. Rostand. Notre oeuvrede progrès social en serait singulièrement plus aisée.(Applaudissements,)

C'est, Messieurs,sur la demande d'un grand nombred'entre vous que nous avons encore fait appel à la cou-rageuse et alerte parole de M. Rostand. (Applaudisse-ments, — Bruit.) Il est venu (veuillez écouter un instant,Messieurs; cela vaut la peine d'être entendu de vous),M. Rostand est' venu tout exprès, ce soir, malgré devives préoccupations de famille. (A2)plaudissements.) 11

n'a pas voulu manquer au rendez-vous que nous vousavions donné en son nom, et il a la tristesse d'avoirlaissé à. 300 lieues de Paris un des sions qui se trouveencemomentgravementmalade.Aprèscela,Messieurs,je ne crois pas avoir besoin de réclamer de vous le si-lence pour un père inquiet. (Applaudissements, — Bruit.

— Sifflets. Unassistant : C'est scandaleux!)La parole est à M. Rostand.

CONFÉRENCE DE M. EUGÈNE ROSTAND

LES SOLUTIONS SOCIALISTES

ET LE FONCTIONNARISME

M. Eue ROSTAND. (Applaudissements. — Sifflet.) —Messieurs, que ceux d'entre vous qui ont bien voulusaluer mon nom par un témoignage de sympathiedontje suis touché reçoivent mes remerciements ; auxautres, je no demande que de la courtoisie, leur pro-mettant la mienne. (Applaudissements.)

Le mal du fonctionnarisme

« La France meurt du fonctionnarisme. » (Bruit.) —Ne chutez pas, ce n'est pas moi qui parle : c'est un dé-putéaocialiste de la Seine (Rires.)

<— « Depuis un quartde siècle, le nombre des fonctionnaires a augmentédans des proportions inquiétantes : il y a actuellementen France plus de 527.000 fonctionnaires. C'est un fléauqui grandira sans cesse, si l'on n'y remédie rapidementet avec énergie (1). »

C'est M. Michelin qui parle ainsi en tête d'une propo-sition de loi qu'il vient de soumettre au Parlement. EtM. Jaurès va plus loin : d'après lui, le nombre des

(1) Exposé des motifs de la proposition de loi de.M. Michelin.

.— 6 —fonctionnaires de l'État, du département, de la com-mune, dépasse 700.000 (1).

Serait-il éliminé, réduit ou aggravé par lessolutions socialistes?

Les solutions socialistes, si elles étaient réalisables(etje supposerai,cesoir,qu'elleslesont),élimineraient-elles, diminueraient-elles, ou aggraveraient-elles cefléau ? Telle est la question que j'ai songé à examineravec vous.

Comment ai-je été amené à y réfléchir, à me laposer? Uniquement par la lecture des livres et desdiscours socialistes.

Un aveu de M. Jaurès.

J'ai été surtout frappé de ce cri jeté par le plus auto-risé des protagonistes du socialisme, M. Jaurès, aucours des pages où il essaie de nous expliquer ce queserait l'organisation du monde socialisé :

« Nous ne voudrions pas enfermer les hommes dans« des compartiments étroits numérotés par la force« publique... (Un assistant joue de la flûte.) Nous ne« sommes pas séduits par un idéal de réglementation« tracassière... Si, dans l'ordre social rêvé par nous,« nous ne rencontrionspas d'embléela liberté, la Vraie,« la pleine, la vivante liberté ; si nous ne pouvions« marcher, chanter, et délirer même sous les cieux... »(Ohloh!)

Ne vous récriez donc pas, c'est M. Jaurès qui parle.«... respirer les larges souffles... » (Bruit. Chant,de la Carmagnole. Pas de curés ! Pas de calotins ! —Vive la calotte! — Conspuez Jaurès, conspuez Jaurès,conspuez !)

(1) J. Jaurès, Revue socialiste, avril 1895, p. 405.

M. ROSTAND.—Messieurs,je domaude aux uns de nepas méconnaître,aux autres de no pas conspuer M. Jau-rès, mais de me laisser le citer. Je reprends sa phrase :

« Si nous ne pouvions marcher, chanter et délirer« môme sous les cioux, respirer les larges souilles... et« cueillir les fleurs du hasard, nous reculerions vers« la société actuelle, malgré sos désordres, ses iniqui-« tés et ses oppressions ; car, si, en elle, la liberté« n'est qu'un mensonge, c'est un mensonge que les« hommes conviennent encore d'appeler une vérité, et« qui parfois caresse le coeur (1) I »

Laissant dans cette exclamation ce qui est image ousonorité vague (Un assistant : Le geste est beau!), il estimpossible de n'être pas 'saisi par cet aveu : si lesocialisme ne devait pas être (et je cite encore) « une« grande organisation libre du monde, i'affranchisse-« ment de tous les individus dans la joie d'une huma-« nité unie (je me sers encore d'une formule de M. Jau-« rôs), » s'il conduisait à ce que M. Jaurès appelle « un« fonctionnarisme étouffant) (2), » ah 1 certes, il le con-fesse, il le proclame, il faudrait préférer mille foisencore l'organisation sociale actuelle, quelles quesoient ses imperfections.

Je vous demande, Messieurs, do me permettre de re-chercher avec vous ce qu'il en est, et de le faire, j'espèreainsi ô tre agréableàceux quim'interrompentsi bruyam-ment, j'allais dire si brutalement (Oh! oh!), de le faireen dehors de toute rhétorique de combat, en absoluesincérité, avec calme, par des précisions de faits etd'idées, en n'interrogeant jamais que des témoignagesirrécusablesen l'espèce,ceuxdes socialistes. {Vifs appl.)

De cette méthode, dont l'excessive loyauté touchera,je l'espère, mes interrupteurs (Oh! oh !), je donne toutde suite un exemple en empruntant docilement aux

(1) J. Jaurès, Organisation socialiste, chap'. i'. Revue socialiste,avril 1895, p. 408.

, 7(2) J. Jaurès, ibid.

_ 8 ~doctours du socialisme leur distinction fondamentaleentre les deux sortes de solutions qu'ils proposont : lessolutions relatives et transitoires, les solutions intégraleset définitives.

Voyons, en. parcourant les unes et les autres, com-ment elles se comportent par rapport au sujet qui nousoccupe. Il ne s'agitnullementpour cette fois de los sou-mettreà)ineanalysecritique quelconque;nouslespren-dronstellesquelles,sanslesdiscuter,nous bornantàvé-rifier si elles annihileraient, ou réduiraient, ou accroî-traient le rôle de cet élément, le fonctionnarisme.

Qu'en est-il dans les solutions socialistesrelatives et transitoires ?

Qu'en est-il d'abord, au moins pour les points oùrroussommesdocumentés,danslessolutionsprovisoiresproposées pour permettre d'attendre la société future?

Le besoin primordial le plus étendu de la vie géné-rale est Valimentation. Nous avons, ici, pour notre sujet,un spécimen typique dans',1e projet présenté et sou-tenu à la Chambre par MM. Jaurès et Guesde il y adeux ans. ( Vive Jaurès /) J'en prends la formule môme,lue et disculée le 17 février 1894 :

« L'État a seul le droit d'importer les blés. Il les re->

« vendra à un prix fixé tous les ans par une loi ; il ven-« dra les farines à un prix calculé sur le prix fixé pour« le blé et déterminé législativement (1). »

Je ne recherche pas si c'est là une conception justeou fausse, en accord ou en contradiction avec le bonsens et la nature des choses, je note simplement qu'àl'infinie activité spontanée du libre commerce indivi-duel, importateur, acheteur, vendeur, fournisseur decrédit, le système substitue : 1° un corps de fonction-

(1) Journal officiel du 18 février 1894, Chambre des députés»,séance du 17 février.

naireschargés de soprocurer,chaque année,lesdonnéestechniquesdos prixpourles proposer auParlomontquiles fixera, fonction d'autant plus complexe quo les prixdevront être calculés demaniôro à assurer par contre-coup uno rémunération exacte de leurs produits auxouvriers agricoles français, le tout sans mettre ''Étatenperte ; 2° un corps de fonctionnaires chargés d'alleracheter sur los marchés de l'extôriour, soit à prix dé-battu,soitparvoied'adjudication(quepréfère lo projet),partant avec toutes les formalités de l'adjudication, lesblés ot farines ; 3° un corps de fonctionnaires chargésd'emmagasiner et de gardor les blés, soit dans des en-trepôts, soit dans des magasins distribués sur toute lasurface du territoire, pour être à la portée de tous lesbesoins — j'emploie toujours les termes mêmes deM. Jaurès, qui firent jaillir d'un banc de la Chambrecette interruption : « Il y aura une jolie collection desouris-fonctionnaires pour manger tout co blé-là »(Rires. Applaudissements. — Sifflet) ; 4° un corps de fonc-tionnaires chargés de revendre à la meunerie, et, pourla réexportation des farinés travaillées, de rembourserla différence entre le prix auquel l'État aura vendu leblé et le cours du mémo blé à la même date sur le mar-ché extérieur.

Toujours dans ce domaine de l'alimentation, nousavons eu plus récemment le projet du pain gratuit(Ak!ah !), soumis en ce moment à la Chambre par des dépu-tés socialistes, et exposé naguère à Marseille et ailleursen^des conférences que soutiennentles municipalitésetles journaux socialistes.Il s'agit (1) d'autoriser les admi-nistrations municipales à organiser la gratuité du painen service public. On laisse les boulangers faire ce ser-vice ; un compte est ouvert à chacun d'eux par la muni-cipalité; ils livreront aux consommateurs, suivantbor-dereaux qu'ils devront produire, avec les factures

(1) Voir le texte de la proposition de loi de M. Clovis Hugues.

— 10 —d'achat des farines, à des inspecteurs municipaux quiauront toutdroit de visite. Les inspecteursauront àvô-riflerles quantitésconsomméesparchacun,surun regis-tre du boulanger, et sur un livret do famillo où le bou-langor appose sa griffe avec la date de chaque livraison.D'une part, tous les boulangers deviennent de ce cheffournisseurs municipaux payés sur le budget ; d'autrepart, un nombre suffisant d'inspecteurs est chargé desurveillerce service, qui porterasurune consommationde 95 millions d'hectolitres de froment.

Une autre nécessité fondamentalede l'existence estVhabitation... (Air de flûte.)

Mais, Messieurs, cette musique obstructionnistequevous me destinez, ce sont des exposéssocialistesqu'elleempêche d'entendre : ne fût-ce que dans l'intérêt dela propagande, vous devriez les laisser se produire 1

(Applaudissements et rires.)Pour l'habitation en attendant le régime socialisé où

la rente n'aura plus de raison d'être, la commune sesubstituera aux propriétaires, et donnera le logementau prix coûtant, qui, dans un délai donné, se réduit àzéro.

Telle est la combinaison exposée dans la Revue socia-liste. La commune construira des immeubles modèlesdans des conditions telles... (Autreair de flageolet.-—'Assez ! assez !)... que pendant une première périodede vingt-cinq ans, le total des loyers perçus permet derembourser l'empruntde construction, ainsi qu'un in-térêt aux locataires gratifiés de bons, et qui n'aurontpayé que deux tiers du loyer normal. (Chant de la Car-,magnoleavec accompagnement deflûte. —Esprit-Saint, des-cendez en nous !) Pendant une seconde période de vingtans, le total des loyers perçus permet d'amortir unenouvelle dette égale aux 6/100s de la dette primitive,ainsi que l'intérêt de leurs bons aux locataires quin'auront payé que la moitié du loyer normal ; pendantune troisième période de quinze ans, le total des loyers

_ 11 —permet d'amortir une dotto égale aux 2/1008 do la detteprimitive, le loyer n'étant plus que le tiers du loyernormal ; après ces soixanto ans, la dette étant éteinte,le loyer no représente plus que los frais d'ontretion, otlo logement est gratuit.

Le système n'est pas spécial aux habitations ou-vrières. « Que l'immeuble soit cher ou bon marché,« dit la Revue socialiste, divisé en logemonts grands et« petits, habité par' des riches ou des pauvres, le« résultat est identique; la construction ne coûtera<:

rien à la commune... Le logement devient un service« public comme la police ou l'éclairage des rues. »

Ce service comporte un corps d'architectes muni-cipaux sans nombre, de gérants, de concierges, sanscompter le personnel financier nécessaire pour com-biner, exécuter et suivre le vaste mécanisme d'obli-gations amortissables, de bons délivrés aux loca-taires, etc. (1). (Bruits et chants.)

Vinstruction doit être intégrale pour tous (2). Il estdifficile de chiffrer dans quelle proportion doit dèslors s'accroître le personnel enseignant. (Chants avecaccompagnement de flûte. — Un assistant : Il g a là ungardien de la paix, faites-le donc agir!)

M. LIS PRÉSIDENT. — Je ne veux pas faire intervenirles sergents de ville. (A l'orateur .•) Veuillez pour con-tinuer attendre le silence.

M. ROSTAND. — Trois grands ordres d'exploitationdoivent être repris do suite à l'industrie libre, et na-tionalisés, c'est-à-dire livrés à la gestion de l'État

: lesmines et houillères, la Banque de France, les cheminsdefer, en attendant les autres moyens de transport.

(i) Le logement gratuit, par M. Charnay. Revue socialistefévrier 1893.

(2) Une proposition do loi tendant à instituer l'instruction inté-grale par voie de concours dans la proportion « do crédits ouvertsau budget, » a été déposée par M. Michelin, le 9 mars 1896(Journal officiel, 24 mars 1896), en attendant la « gratuité absoluepour tous ».

— 12 —Ici, je n'ai besoin d'aucune oxplication : toutes les con-cessions minièros devenant das exploitations d'État, laBanque de Franco devenant banque d'État, tout lo ré-seau dos voies forréos des grandes compagnies deve-nant des administrations d'État, c'est un véritablepouple d'ouvriors, d'employés do tout rang, do direc-teurs, d'administratours, qui se transforme en unearmée do fonctionnaires publics.

Lo rôle de l'État industriel doit être, d'autre part,développé d'ores et déjà par l'organisation d'une sériedo monopoles, et, avant tout, du monopole de l'alcool,rectification et vente. Je ne prendrai pas sur moid'évaluerdans quelles proportionsce monopole entraî-nera la constitution d'un personnel scientifique, indus-triel, commercialet financier. (Applaudissements.Bruit.)

Dans la sphère du crédit, la nationalisation de laBanque de France no peut être considérée que commeune amorce. C'est le crédit tout entier qui doit êtreorganisé do manière à devenir, selon le mot de BenoîtMalon, le « crédit social » universalisé et gratuit.

Précisons un peu.Le crédit agricole, d'après le projet Paul, Lafargue,

sera demandé « aux consommateurs des villes, reprô-« sentes par les conseils municipaux, qui achèloront<c aux cultivateurs les produits de premièrenécessité et« les céderont aux détaillantsau prix de revientmajorè<(-

de 5 % ; achats et ventes serontopérés par des caisses« municipales d'approvisionnement, créées par Voie

e d'emprunts ou par des ressources communales ; ces«caisses feront des avances aux cultivateurs à 4 %,-

« dans la proportion de moitié de la valeur approxima-« tive des récoltes ou bestiaux. » Autant de caisses mu-nicipalesd'approvisionnement,autantdepépinièresdefonctionnairesmunicipaux, à qui il appartiendra d'es-timer récoltes et bestiaux pouren faire l'objetde prêts,d'acheter aux cultivateurs les produits, et de les re-vendre.

— 13 —Le crédit populaire, d'après lé projot prôsontô par

M. Delahayo au Conseil supérieur du Travail...UN ASSISTANT. —

A bas Julos Simon !

M. ROSTAND.— ...soradistribuôpar une banque d'Étatqui s'alimentera au moyen d'émissions d'obligations,commanditerapar un crédit collectif les ouvriers asso-ciés en groupes de 100 à 1,200 personnes, et consentirades prêts à long terme aux coopératives de production,en quantitésuffisantepour procurerun outillageà l'uni-versalitédes travailleurs. Comme, selon les évaluationsdu projet, il s'agit de procurer à six millions de travail-leurs un outillage estimé en moyenne à 12,000 fr., etque l'opération roulera donc sur 72 milliards (Rires),c'est un monde de fonctionnaires qui apparaît néces-saire pour mettre en mouvement et manier les millerouagos de la banque d'État. (Bruit. Sifflet. Chants.)

Il n'y a cependant, Messieurs, pas un mot, jusqu'àprésent, dans ce que j'ai dit, qui ait pu exciter votrecolère. (Un assistant : Ils sontfous\) Je me demande ceque vous sifflez, ce que vous tentez de couvrir de voschants, puisque je me borne à exposer dos proposi-tions socialistes. Vous demandez à l'Esprit-Saint dedescendre, c'est l'esprit sans épithète... qu'il fautprier de descendre en vous. (Applaudissements.)

La municipalisation successive, qui consiste... (Bruitet chants. Flûte.)

Ce musicien a vraiment une bonne pensée : s'il vou-lait bien nous jouer un air, je pourrais me reposer unquart d'heure. (Rires et applaudissements. Le flageolet-socialiste exécute la Marche lorraine.)

M. ROSTAND. — Vous êtes satisfaits?PLUSIEURS VOIX. — Oui l

M. ROSTAND. — Moi aussi 1 (Rires.)

... La municipalisation successive, qui consiste àtransformer les industries utiles à la majorité des habi-tants d'une ville en services municipaux au moyen dubudget communal, est la doctrine même du socialisme

; — '1^'— •'• •

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.

gradué,prêchéeparéxemple.etappliquée enAngleterrepar la Fabian Society, dont un des leaders, M. SidneyWebb, a tracé le programme récemment dans la RevuedeParis(l). Le système avait été exposé chez nous parM. Malon. 11 embrasse la vente de l'eau, les tramways,les omnibus, les petites voitures, les ports, les docks,les grands magasins, lesbainsetlavoirs, l'éclairage parle gaz ou l'électricité, les services d'approvisionne-ments, les chantiers d'employés. (Bruit persistant.) LeCongrès ouvrier de Lyon en 1891 indiqua les servicesmédicaux et pharmaceutiques, les maternités, lesasiles de vieillards et d'invalides du travail, les bu-reaux de consultations gratuites. Le point sur lequelon est d'accord, c'est que ce socialisme communaltransforme forcément des milliersde citoyens en fonc-tionnaires municipaux. (Applaudissements.)

,

Dans la partie de la vie industrielle que le socialismeconsent à laisserpour à présentautonome,sesrôformescomprennent le salaire minimum, la journée maximale,la restriction de la concurrence étrangère, la réglementationdu travail...

UN ASSISTANT. — C'est la révolution qu'il faut!M. ROSTAND. — ... les difèrends, la suppression du

chômage.\ Les cahiers des charges de l'État, des départements,

des communes seront refondus en ce sens, pour quo,leurs clauses s'imposent de proche en proche aux in-dustries privées. Élat, départements, communes au-ront des services assez compétents en toute matièreindustrielle pour dresser ces chartes-modèles du tra-vail et pour en suivre l'exécution. (Applaudissements.)

Pour la durée et la rétribution du travail, une pro-position de loi déposée par les députés socialistes fixe,en ce qui concerne les exploitations de l'État, la duréeà 8 heurespar jour et 48 heures par semaine, le salaire

(1) Revue de Paris, 1er mni.8 1800.

ï ,• :' — 15 —minimum à 5 fr. par jour et 35 fr. par semaine, saufaugmentationsuivant les besoins locaux de l'existenceaprès accord avec les syndicats ouvriers (1).

Quant aux industries privées, la loi d'offre et de de-mande étant répudiée; des lois devront établir : pourles salaires, un minimum susceptible do majorationsuivantles besoins locaux de l'existence ; pourladurée,des maxima de journée et de semaine; pour la restric-tion delà concurrence étrangère, des taxes sur les ou-vriers non indigènes et une limitation de leur nombre ;

pour les réglementations du travail, des'réglementa-tions d'ordre, d'hygiène, etc., dans les usines et ate-liers; pour les différends, l'arbitrage obligatoire avecexpropriation des industriels qui ne se présenteraientpas devant un conseil d'arbitrage ou refuseraientd'exécuter ses décisions (2); pour l'abolition du chô-mage, la réduction de la surproduction par une en-tente internationale limitant la consommation (3)...

UN ASSISTANT. — Vive l'Internationale 1

M. ROSTAND. —...parl'expropriation des industrielsqui refuseraientdu travail auxouvriersen grève (4) ; pardes services municipaux do placement gratuit ; par deschantiers ou ateliers nationaux, départementaux oucommunaux pour les sans-travail. Il s'ensuit la néces-sité d'administrations techniques et de corps d'inspec-teurs pour vérifier si les taux de salaires satisfont auxbesoins locaux de l'existence, et si le minimum est res-pecté ; pour surveiller l'obéissance à la durée du tra-vail; pour contrôler le nombre des ouvriers étrangersemployés dans chaque atelier; pour s'assurer de laconstante observation des règlementsintérieurs,letout

(1) Journal officiel, documents parlementaires, proposition doloi do MM. Vaillant, Jaurès, etc., déposée le 27 octobre 1894.

(2) Proposition do loi do MM. Dejoanto ot Faberot, 7 novembre1808.

(3) Proposition Lamondin au Congrès international des mi-neurs, mai 1898.

(4) Proposition do loi Coûtant.

" . -_16 ^;avec pouvoir d'entrer dans les locaux de travail et dedresserdes procès-verbaux ; pour tenir lamaïnàla limi-tationde la productionsous les ordres d'un comité inter-national de la production; pour diriger les bureaux deplacementmunicipaux,leschàntiersetlesateliers mu-nicipaux.

.

Lesimpôts sont transférés des choses sur les person-nes, et soumis au principe delà progressivité avec dé-charges pour le plus grand nombre. De là, un accrois-sement considérable de travail fiscal, puisque l'impôtne frappera plus des réalités tangibles, comportera desdéclarations délicatesà contrôler, exigera des dégrève-ments et des surcharges compliquées,ce qui entraîneune multiplicité de contrôleurs,de vérificateurs,de re-viseurs.

L'assurance contre les accidents, le chômage et ledécès doit être rendue universelle, obligatoire, et cen-tralisée par des caisses d'État. De vastes états-majorsdeviennent nécessaires dans les organes centraux, etdes milliers d'agents dans d'innombrables organeslocaux. (Applaudissements.)

On peut s'en faire une pâle idée par les assurancesouvrières organisées en Allemagne sous l'action d'unetendance au socialisme d'État. Les assurances-acci-

' dents y occupent 1.095 membres de directions supé-rieures, 5.253 membres des directions de section^23.459 hommes de confiance, 209 agents de contrôlé,1.002 tribunaux arbitraux,sans compter385 adminis-trationsd'État, deprovinces ou de communes. Les assu-rances-vieillesse et infirmités emploient05.770 agentsde confiance, 11.000jugesarbitraux, 9.282buralistes detimbres. (Applaudissements.

—>Air deflûte.)

M.LK PRÉSIDENT. — Messieurs, j'invite l'artiste à vourloir bien monter à la tribune, et, suivant l'usage desAnciens, des Grecs, il se mettra à côté de l'orateur etlui donnera le Ion. (Rires. — N'ira pas! N'ira pas ! —Le joueur de flûte monte sur l'estrade etjoue la Carmagnole',

.",';'. ' ; — 17 — •

une vingtaine de ses camarades l'accompagnent de leurchant,et tentent d'envahir la tribune. Ils sont repousses par lesmembres du bureau. — Tumulte.)

M. ROSTAND. — Quand est survenu cet incident musi-cal, je vous indiquais quelle masse de fonctionnairesexige le mécanisme des assurances ouvrières alleman-des. Mais, si considérable que soit ce personnel, il estbien éloigné et ne donne aucune notion exacte de celuique comporte l'assurance socialiste, d'abord parce queles Allemands ontbasé leur système surlagratuitéd'unemultitude de fonctions, puis parce qu'ils en tempèrentou encorrigentla tendance étatistepardesgroupementslocaux, deux conditions irréalisables sans le concoursd'autorités sociales et sans l'union des classes, qu'ex-clut à la fois le socialisme. En outre, le socialisme nelimite pas l'assurance.à ces objets. Il propose de faire'passer à l'État lo monopole de toutes les assurances, in-cendie, vie, etc. (1). Si l'on songe... (Bruitpersistant.)

Quel intérêt cela a-t-il, ce vacarme que vous faites ?

Quel but? Vous n'espérez plus nous intimider; alorsquoi?... (Applaudissements.)

Si l'on songe, disais-je, que les seules compagniesfrançaises d'assurance-incendieà primes fixes ont à en-caisser 120 millions par an, vous imaginez quel affluxénorme s'ajouterait par ce chemin au personnel desassurances ouvrières dans le fonctionnarisme d'État.

Quant à \R maladiej

le socialisme réclame le traitementgratuit par l'État. C'est l'objet d'un projet en forme deM. Greulich, le chef du Secrétariat ouvrier en Suisse. Il

propose (et vous trouverez ce texte dans la Revue socia-liste) (2) « do faire des'médecins des fonctionnaires

(1) Depuis' la proposition do M, Louis Blanc (Moniteur dul 01' mai 1848) et lo projet do M. Garnior-Pagès, lo 8 mai 1848. LaChambro actuelle ost déjà saisio d'un projet conférant a l'Étatlo monopolo dos assurances-incendie (Rapport à' Y Officiel du21 mars 1890). ,-^\\.'.V''' ; /

(2) Le Traitement orakiit des malades par l'État. Revuesocialiste, juin 1894, p*008-081,

,-' ; \

— 18 —.

«d'État, convenablement rétribués à raison de leurs

« études longues et coûteuses. On créerait des circon-« scriptions sanitaires. Le médecin, fonctionnaire à«traitement fixe, aurait tout intérêt à prévenir les« maladies. » Combien faudrait-il de médecins d'État ?Pour 3 millions d'habitants, en les classant par troiscatégories de districts d'après la densité de la popu-lation, le projet se limite à 1,225 médecins. Pour nos38 millionsd'habitants, cela représente plus de 15,000médecins d'État. Le projet propose, comme corollaireforcé, de faire passer les pharmaciens au service del'État, ou de créer des laboratoires fédéraux ; nousn'avons pas à nous récrier, c'est l'idée des socialistesde Roubaix ; les médicaments seraient ainsi, parait-il,'meilleurs et moins chers : autant de laboratoires, au-tant d'offices à fonctionnaires. (Bruit continu. )

M. LE PRÉSIDENT. — Je demande à l'orateur de mepermettre une communication. Le rôle du présidentest ingrat. Je n'ai pas ici de moyen de coercition; jen'en ai qu'un, je vais vous dire lequel : je crois quevous serez d'accord pour le regretter. Beaucoup depersonnes m'ontdéjà demandé pourquoi je supportaisqu'une infime minorité opprimât ici la majorité.

UN ASSISTANT, -T-Oui, infime. (Triple salve d'applau-

dissements. Bruit. Sifflet.)' M. LE PRÉSIDENT. — Messieurs, je ne veux pas de la

police... je n'entendais m'adresser qu'à votre intelli->

gence. (Applaudissements.—•

Un assistant : Ils n'en ontpas!— Un autre : Ce sont des imUciles!) Mais je m'aper-çois que j'ai trop compté sur votre raison et sur votresavoir-vivre. (Applaudissements. Sifflet.)

Il y a une chose à laquelle je me suis refusé jusqu'àprésent ; mais il faudra m'y résigner, si vous conti-nuez ; ce sera d'exiger des lettres d'invitation pourl'entrée à ces conférences. (Longue salve d'applaudisse"ments, Vacarme.)

Je vous préviens, vous les tapageurs... (Un assistant:

— 19 —A. l'école, les gosses, ! — Un autre t A la porte, tes gosses !)

Messieurs, vous êtes avertis. Nous avons montrébeaucoup de tolérance. (Un assistant : Beaucoup tropI*— Un.autre ! A bas la police t),,. une tolérance que jecrois pouvoir qualifier d'excessive.

UN ASSISTANT. — Laissez-nous nous expliquer, il n'yaura plus de bruit. (A la porte!)

M. LE PRÉSIDENT. — Si vous voulez en abuser, cesera pour la dernière fois.

UN ASSISTANT. — 11 faut bien manifester par des cris^puisqu'on ne peut pas manifester autrement* (A taporte! — Un assistant: Chapeau bas, niu/te!)

M. ROSTAND. —- Messieurs^ l'assistance doit être four*tlie tout entière par l'État et ptir la commune, depuisles crèches enfantines jusqu'aux asiles de vieillesse;tout y prend la forme officielle ; tout y sera géré etdistribué par des fonctionnaires.

Enfin, nous voici au terme de l'existence humaine.L'inhumation, actuellement confiée aux églises, devientun service communal, avec tous les agents qu'il com-porte,

Messieurs.,,t

(Chant du coq, Vacarmeprolongé.)... Maisenfin, si le socialisme est un parti, vous comprenezbion'qu'en montrant cette peur, vous lui porlezle couplo plus funeste qu'on puisse porter à un parti I (Vifsapplaudissements. Sifflet. — Vive Rostand!)

Un humoriste politique que la nouvelle générationn'a pas lu, Edouard Laboulaye,a donné dansun de sesouvrages ce spécimen d'organisation d'un contrôleadministratif:

« Article l01'. — Il est créé un inspecteur et une ins-pectrice pour chacun des cantons de l'État, soit06,000inspecteurs et inspectrices du secohd degré pour les33,333 contons.

« Article 2. — Il est créé 3,000 inspecteurs et ins-pectrices du premier degré pour inspecter les 06,606inspecteurs et inspectrices du second degré.

— 20 —

« Article 3. — Il est créé 300 inspecteurs générauxpour inspecter les 3,000 inspecteurs du premier de-gré. » (Rires.)

C'est là, Messieurs, une végétation fonctionnaristebien pauvre, bien chétive, comparée à celle dont j'ai àpeine, d'un trait réservé, indiqué les cadres. S'il étaitpossible de chiffrer combien chacune des solutions so-cialistes transitoires que nous venons de parcourir aenfanté de fonctionnaires nouveaux, si nous faisionsensuite, une récapitulation et un total, je n'ose vousdemander dans quelles myriades, dans quelle pullu-lation seraient noyés les 700,000 fonctionnaires quieffrayent M. Michelin et M. Jaurès lui-même : je n'osemême y penser... Comme dans la légende, ils sonttrop 1 (Rires. Applaudissements. Bruit continu et violent,

— Fermez vos gueules, tas de déplumés!... — Tas d'épi-ciers, marchands de mélasse t)

_

Dans les solutions socialistes intégraleset définitives?

Montons maintenant, des solutions relatives et tran-sitoires aux solutions 'intégrales et définitives. Pénétronsdans le monde réorganisé. Tâchons de nous en formerune idée, non point d'après los économistes libérauxqui sont suspects, ni d'après los sociologues de l'évo-lution et du progrès, mais d'après ceux qui revendi-quent qualité exclusive pour comprendre ce monderebâti et en tracer un plan, les socialistes eux-mêmes.Je no vous citerai rien, par exemple, des Tableaux, desZuhwftsbilder d'Eugène Richlér (1); je ne consulteraique Marx, Sclnofïle, ou plutôt encore M. Jaurès, puis-

(1) Quoiqu'ils soient d'une vérité tantôt comique, tantôt terrible,0'. pour tous les pays (voir entre autres los épisodes relatifs auxdépôts dos caisses d'épargne, au choix des professions, à la nou-velle vio domestique, etc.), dans la traduction française OU mènele oeialisme (Paris, Lo Soudier, éditeur), avec une forto ot bellepréface de M. P. Loroy-Beaulieu.

.

' '— 21 —que M. Jaurès a récemment entrepris de nous offrirune Esquisse de l'organisationfuture, (Bruit.— Un assis-tant : Capitaliste ! — Un autre : Sucrier I)

Messieurs, j'essaie de m'élever avec vous dans leMonde Futur. Si l'agrément de ce mondé doit ressem-bler au raccourci que vous nous en donnez ce soir, iln'y a pas d'intérêt trop pressant à y pénétrer 1 (Rires.)

Imaginons donc que soit par suppression de l'héré-dité,soit par expropriation avec ou sans indemnité...(Un assistant : ... sans indemnité.')... soit par miracle, larévolution sociale est accomplie ; qu'elle a soustrait laterre, les capitaux, les instruments de production, àtoute appropriation individuelle; qu'elle les a remis àla collectivité.., (Bruit continu. — Vu assistant :,Faitesla conférencepour Je sténographe, nous la lirons au moins.— Bruit. Sifflet. — A bas les bourgeois !) La propriétécollective a remplacé la propriété personnelle. Lanation est devenue propriétaire du sol, du capital in-dustriel, usines et machines, du capital de roulementindispensable à l'achat des matières premières ; elleest, suivant la formule de M. Jaurès, un immense ca-pitaliste qui s'est substitué à tous les particuliers et àtoutes les associations. Supposons que rien de tousces capitaux ne s'est évanoui en route.

Comment jouera l'organisation nouvelle? La pro-duction étant désormais réglée par les besoins de laconsommation, des statistiques détormineront tousces besoins. (Bruit.) C'est l'exposé de votre doctrine,Messieurs... (Un assistant : Jamais de fa vie!)... un ex-posé littéral (1).

Chacun reçoit pour son travail des bons avec les-quels il s'approvisionnera do tout dans des magasinsnationaux. L'argent n'existant plus pour servir demosure au travail offectué, on estimera le travail autemps normal qu'il comporte.

(I) Cf. J. Jaurès, Organisation socialiste, îiolanmient chap. iv.Revue socialiste, août 1898, p. 130 ot suiv.

— .22 — .-

UN ASSISTANT. — Nblfs répudions tout celaiM. ROSTAND. —... et, grâce à la réduction de la pro-

duction, le travail quotidien sera abaissé, disons àquatre heures; tout homme devant, d'ailleurs, êtrelibéré après un certain nombre d'années, comme onl'est aujourd'hui du service militaire.

fte discutons rien de tout cela; tenons-nous-en à laquestion qui nous occupe, celle du fonctionnarisme.

Sur ceci, tout le monde est d'accord : pour que l'Étatexploite directement le sol de tout le territoire national ;

— pour qu'il achète les matières premièresde toute laproduction ; — pour qu'il établisse le bilan périodiquedes besoins de consommation du pays ehtier, et qu'ilrègle là-dessus la production;—pour qu'il ordonne etqu'il exécute toutes les mesures qui en sont la consé-quence ; — pour qu'il assure l'entretien, le renouvelle-ment et le perfectionnementde l'outillage universel so-cialisé; — pour qu'il répartisse lés produits de tous àtous, « en raison de la valeur d'usage social du travailde chacun », ce qui est la formule de Selueffio, — desagents innombrables sont nécessaires. (Applaudiss.)

Comment se recruteront et fonctionneront cesagents ? Je le demande à M. Jaurès encore. (JJruit. —A bas hs anarchistes l)

« On peut se représenter, dit M. Jaurès (l) (Vive

« Jaurès!), la production dans la société collectiviste

« sous deux modes différents... » (Bruit.)M, LE PRÉSIDENT. —

Écoutez M. JaurèsI Laissez-loparler, si vous l'acclamez !

M. ROSTAND. — « Ou bien la nation fera de chaque« branche d'industrie une administration, etluprodue-« tiôn sera administrative. Ou bien elle déléguera la«

propriété effective (?) et l'usage de l'outillage indus-« triolàdesgroupomentsprofessionnolssousdescondi-« tions déterminées, et laproductionsera corporative»

(1) J. Jaurès, Organisation socialiste, Revue socialiste, août1898, p. 129-130.

- 23 —Dans lapremière hypothèse, le fonctionnarismeuni-

versel est une évidence indiscutable, M, Jaurès l'avoueen ces termes : « Dans le premier cas, tous lesproduc-« tours seront des fonctionnaires, ouvriers, surveillants,« chefs de travaux, ingénieurs, directeurs. Le charbon« sera extrait, les vêtements seront tissés, les métaux« seront fondus et travaillés dans des mines d'État ou« des usines d'État. C'est ['État qui nommera à toutes

« les fonctions du travail (1), » [Bruit. — Applaudiss.)De même pour l'exploitation du sol. Nos millions de

petits propriétaires ruraux, comme nos travailleurs ru-raux qui louent leur travail, seront enrégimentés dansles diyisipnsdsrarméeindustrielle qui représenteront,laproductionagricole, efcappelé.sà cultiverainsi laterrepour compte de la nation sous la direction du gouver-nement central.

Cette première hypothèse est la plus simple, n'est-cepas? Au point de vue que nous examinons, je n'ai pasbesoin de m'y attarder : son uniformité s'expliqued'elle-même, M, Jaurès ne la considère pas comme lapréférable, ou, du moins, s'il y croit, c'est seulementen tant que première étape d'organisation, premièreréalisation du monde régénéré, et destinée à s'assou-plir peu à peu, coinme il le dit, dans la seconde (2).

La seconde, c'est la production représentative, etvoici comment il la décrit. Le corps des producteursd'une branche de production, en d'autres termes legroupement des syndicats similaires fédérés, nommeses directeurs industriels, son conseil spécial et ses.délégués à un conseil national du travail. Ce corps peutd'ailleurs se décomposer en autant de groupes qu'il yaura de régions dans une industriedonnée. Le conseilnational règle tout le mouvement de la production,c'est-à-dire détermine la quantité moyenne de travail

(1) J Jaurès, Organisation socialiste. Revue socialiste,août 1898, p. 130.

(2) J, Jaurès, ibid., p. 130, 138.

.. — -24'—

nécessaire à la production de chaque objet, les condi-tions des échanges, la base des prix, afin d'éviter la

reprise du capital national par l'avidité corporative.Chacun des"groupes industrielsaura son conseil spé-

cial, élu au suffrage universel des membres du groupe."Dans ce groupe même, chaque agglomération distincte"nommera ses chefs immédiats, contremaîtres (s'il enest encore besoin),directeurs, ingénieurs ; ceux-ci se-ront préposés au fonctionnement techniqueet à la dis-cipline du travail. Le conseilspécial de chaque organisa-tion servira d'intermédiaire entre les sections locales etle conseil national; il veillera aux intérêtsgénéraux del'organisation qu'il représente; il décideraparexemples'il y a lieu de supprimer tel centre de production, oudedéveloppertelautre,oude renouveler l'outillage,etc.

Le conseil national comprendra, avecles délégués detous les groupes industriels,commerciauxet agricoles,des représentants directs de la nation, en dehors detoute classification du travail. Sa tâche sera très com-plexe. Il empêchera les organisations corporatives detourner au monopole. Il prendra des mesures pour as-surer sans interruption du travail à tous les citoyens,en incorporant tout sans-travail dans l'armée indus-trielle, soit que la somme de travaillait grandi, soitqu'à certains moments on abaisse la durée du travail.Il déterminera dans chaque industrie la part du pro-duit qui devra être retenue pour l'amortissement, lerenouvellement, le perfectionnementdes installationset des outillages. Il fixera ce que vaut dans chaque in-dustrie, on journées do travail effectif, une journée de.travail apparent, réglant la rémunération d'après letravail latent, l'intensité do l'effort, la dépense desforces, l'usure do la vigueur physique..(Bruit,)

Toute cette exposition, je l'emprunte, mot à mot, àM. Jaurès (1). Si je ne descends pas dans plus de dô-

(1) J. Jaurès, Organisation sooiatiste. Revue socialiste,août 1898, p. 138, 130, 137, 133, 142, 143.

''— 25 •—

tails, c'est que les détails lui semblent « d'une attris-tante puérilité (1) ».

Mais je crois bien, à voir les efforts qu'il lait pour dé-fendre ses deux hypothèses de conduire à un colossalfonctionnarisme, qu'il a sur ce point des craintes mor-telles. Il y revient, il y insiste sous toutes les formes. Jevoudrais dégager ses arguments essentiels du flot dedigressionsdans lesquelles il est extrêmement difficilede les suivre et de los saisir. (Vifs applaudissements,)

La première hypothèse ne lui permet même pas dechercheràatténuer l'idée d u fonctionnarisme,puisqu'ila avoué que «

l'État y nommera à toutes les fonctions« du travail... » (Un assistant : H n'y aura plus'd'Mat!).

Je ne parle pas anarchisme : quand on fera uneconférence sur fanarchisme, vous pourrez, vous quim'interrompez, vous y mêler avec fruit. (Rires.)

L'État donc nommera à toutes les fonctions, etM. Jaurès ajoute : « Tous Us producteurs seront des fonc-tionnaires. »

UN ASSISTANT. — Vous êtes payé pour mentir. (Oh!oh! Bruit,)

M. ROSTAND..—

C'est textuel (2). Vous ignorez vosmaîtres' (App'l.) : ,jo vous renvoio à la Revue socialiste.

Aussi ajoule-t-il : « Ce n'est point là précisémentnotre idéal. »

UN ASSISTANT. .—Il n'en a pas !

M. ROSTAND. — Ahl c'est possible ! (Rires et applau-dissements.) C'est possible, mais ce n'est pas moi quile.dis. (Rires et applaudissements.)

Cependant il s'empresso si fort de plaider pour cettepremière hypothèse, qu'il doit la considérer commeinfiniment probable. Je vous soumets la substance desa plaidoirie, vous en laissant juges :

a) L'tëtat socialiste n'aura pas le caractère do lacon*

(1) J. Jaurès, ibid,, p. 142.(2) J. Jaurès, ibid,, p. 130.

— 26 »,trainle. Par exemple, il dira : « J'ai assez de boulan-gers, je ne peux vous employer dans la fonction de laboulangerie ; mais j'ai "besoin de menuisiers; l'engor-gement sera prévenu, et les contrats seront rétablis. »Et il n'aura môme pas à le dire, cela ressortira desfaits (1).

b) La condition des fonctionnaires sera transformée.Les vices du fonctionnarisme(c'est M. Jaurès quiparle),arrogance, servilité, incapacité, stérilité, routine, tien-nent au régime social présent(2). (Bruit.)Les fonction-naires socialistes pourront les avoir tant qu'ils serontdans là période do combat (3) — otilnenoUsditpass'ils'agit d'une période devant durer autant que les jour-nées de la Genèse. (Rires.)

-r-Mais une fois qu'auront

été données aux hommes toutes leurs forces, l'instruc-tion intégrale et la propriété collective, les hiérarchieset les dépendances d'inlôrôts n'existant plus, servilitéarrogance, tyrannie et routine disparaîtront ; de mêmeque le jour où lo filatcur remplira une action d'Etatcomme le percepteur, il n'y aura plus de routine.

c) Les fonctionnaires se confondant avec tous, il n'yaura plus de motif pourqu'ils aient des torts spéciaux.« Quand tout le monde sera fonctionnaire, déclare tex-tuellement M. Jaurès, il n'y aura plus de fonction-naires » (4)

:formulo qui m'a surpris (Un assistant :

Moi aussi!) ; car, si l'on prétondait, par exemple, nousprouver que nous tomberons tous au rang des singes,et qu'on en tirAt cette conclusion!quand tous los hom-mes seront des singes.il n'y aura plus do singes, vousseriez plutôt tentés do conclure, j'en suis sûr : si tous leshommes deviennent des singes, il n'y aura plus que dessinges I (Longue hilarité et applaudissements, — Bruit)

(1) J. Jaurès, Organisation socialiste. Revue socialiste,août 1898, p. 131.

(2) J. Jaurès, ibid. Revue socialiste, avril 1898, p. 392 et suiv.(3) J. Jaurès, ibid., p. 403.(4) J. Jaurès, ibid,, p. 400.

— 27 —Quantàladeuxlèrnehypothèse, celle delà production

'par une hiérarchie représentative, que M. Jaurès pré-fère et entrevoit au moins conime un aboutissement,il la soutient en disant que le système électif existedéjà dans les syndicats ouvriers, dans les sociétésano-nymes, dans la gestion des budgets publics ; que danslomonde socialisé, il fonctionnera avec une régularitésupérieure; et que si on trouve le système tl'QP rigide,trop automatique, on pourra l'assouplir par la « con-cordante volonté des hommes » (1).

J'aurais voulu, surtoutpour la partie féminine do cetauditoire, essayer d'animer toute cette théorie, delàrendre un peu plus intelligible, en faisant passer sousvos yeux quelques parties plus vivantes d une fictionartistiquequej'ai le droit de citer,puisque l'organeof-ficiel du socialisme français la sanctionne en la repro-duisaul, Loohing bacïcivard,çe romanoh Edward Bellamy,le socialiste américain, suppose qu'unjeunehabitant deBoston s'est endormi onl887,adormicenttreizeansets'est réveillé en l'an 2000, dans la société refondue. Jevous assure qu41 y a dans ce livre des récils, des des-criptions,desdissertationsaussidémonstrativos en leurgenre que les tableaux de Richter, Ainsi, sur le rôle desfemmes dans l'armée industrielle, sur la hiérarchie deYarmÙG(Ah!ah!), jepourrais vous lire des pages qui aumoins vousamuseraient,quivous feraientpasser sur lescôtés un peu ingrats et assourdissants de cette soirée.Mais je no puis guère, n'est-ce pas, Monsieur lo Prési-dent? Je suis contraint d'allorvite, d'alu'é*ger,de renon-eor aux détails si curieux de M, Bollamy. (Non, non!)

' M. LE PM'ÎSIDUNT. — Lisoz-nous Bellamy.M. ROSTAND. — Est-ce que vousdésiroz vraiment que

je recoure à M. Bellamy i> (Oui.) — (L'orateur chercheparmi ses documents, — Trouvera pas! trouvera pas! —Vous lisez!)

(1) J. Jaurès, Revue socialiste, août 1898, p. 186.

- 28 —Mais, Messieurs, je lis des textes; à la tribune du

Parlement, il en ost qui lisent dos discours. (Rires.)Je répète que le roman do M. Bellamy a plus d'auto-

rité qu'uno pure fantaisie, puisque l'organe du socia-lisme français, la Petite République, le publie on feuille-ton. C'est, par conséquent, que nous ne sommes pasdans le domaine du simple rêve, et qu'il y a là unefantaisie que l'on considère comme une prophétieexacte, instructive.

Voyons d'abord un résumé de la vie dans lerégime nouveau :

« Il comporte 24 années d'activité; cela commence aumoment où l'éducation est achevée, à21 ans, et se ter-mine à 45. A partir de la 45° année, le citoyen est libérédu travail; il restotoutefoisen disponibilité pour le casoù les circonstances,- élevant la demande de travail,obligeraient de recourir à lui, et cela jusqu'à l'âge de55 ans; en fait, cette éventualité ne se présente pourainsi dire jamais. Le 15octobre de chaque année est cequ'on appelle le Jour de la grande revue; tous les jeu-nes gens parvenus à leur 21° année sont enrôlés dansl'industrie, et ceux qui, après 24 ans de service, ontatteint 45 ans, licenciés. C'est lo grand jour, la base ducalendrier, notre olympiade, sauf qu'elle est an-nuelle (1). »

Un coup d'oeil d'ensemble sur l'organisation :

« Tout le champ de la production est divisé en dixgrands départements : chacun représentant un grouped'industries connexes, chaque industrie particulièrereprésentée par un bureau où sont concentrés tous lesrenseignements sur la matière et la force qu'il dirige;les produits actuels, les moyens de les augmenter.Les prévisions du département de la distribution,après l'approbation de l'administration, sont envoyéescomme des mandats aux dix départements, qui les

(1) fin l'an 2000 (trad. do La "Icing backward). Guillaumin, édit.,p. 15. •

— 29 —répartissent aux bureaux, et coux-ci mettent leshommes à l'ouvrage. Chaque bureau est rosponsable

.do la lâcho qui lui incombe*; cette responsabilité estrenforcée par lo contrôlo du départomont de l'admi-nistrai ion. Le département do la distribution n'accepteles marchandises qu'après vérification. Et même si unarliclemal fabriqué arrive jusqu'au consommateur, lesystômo rend possible de rochercher à qui en revientla faute jusqu'à l'ouvrier... La production des chosesnécessaires aux besoins publics n'emploie pasà beau-coup près toute la force nationale dos travailleurs.Après que les diverses industries ont reçu les contin-gents qui leur sont nécessaires, la somme de travailrestante est employée à créer un capital fixe, bâtisse,machines, travaux d'ingénieurs et ainsi de suite (1). »

L'Endormi-rôveillé fait quelques objections:

« Quelle autorité suprême détermine ce qui doit êtrefait dans chaquebranche, afin que toutechose soitpro-duite en quantité suffisanteetcependant qu'aucun tra-vail no soit perdu? Il me semble que ce doit être unefonction prodigieusement complexe, exigeant des fa-cultés rares chez celui qui en est chargé?

« — Je vous assure qu'il n'y arien d'aussi simple, defondé sur des principes si nécessaires et si aisémentappliqués. Losfonctionnairesàqui cette fonction est dé-volue n'ont besoin que d'une capacité moyenne pours'enacquitterà la satisfaction de tous. Lamachine qu'ilsdirigentest grande, c'est vrai, mais silogiquementcom-binée, si directe, si simple dans son travail, que toutmarche de soi-même (2). »

Tout, absolument tout,— écoutez ceci, Mesdames,

— s'effectue par ces services publics :

« Notre blanchissage s'effectueau lavoir public à trèsbasprix. (Ah! Ah!) Nos repas sontpréparésauxçuisi-sinesnationales. (Rires.)L& façonet laréparationde toutce que nous portons a lieu dans les ateliers nationaux...

(i) En l'an 2000, p. 219-220.(2) Ibid., p. 218.

— 30 —Noua choisissons dos maisons qui ne soient pas tropgrandes,et,nous Jos meublons à notre gpût.defaçonàce3ue nous puissions les tenir en ordre en nouspassant do

omestiques. En cas d'éventualités imprévues^ commeun nettoyage général, une nouvelle installation, unomaladie, nous pouvons avoir l'aide de la force indus-trielle (\),

»

Mais l'ex-dormeur demande :

« Comment payoz-vpus ceo aides sans argent ? —Cen'est pas nous qui les payons, c'estlanation. Leurs ser-vices sont obtenus en «'adressant au bureau spécial, ptle prix est déduit do la Parte de crédit de celui qui losdemande (2). »

UN ASSISTANT, — Les gig'Qls sont pqwr rien !

M. ROSTAND. —L'armée industrielleetsa hiérarchie :

« Quoique l'organisation des différentes industriesmécaniqviesetagrîpqlesdiffère suivant leurs conditionsspéciales, elles ont en commun la condition do leijrs tra-

' vaillcursen troisgradessuivantlàcapacité.P'ordinaire,ces trois grades se subdivisent ep lvu, 2° et 3° classes.D'aprèscp qu'il a fait comme apprenti, un jeune hommereçoit un poste de lp, do 2° ou de 3° classe,Ce ne sontque les jeunes gens d'une capacité rare qui débutentdans la lro classe,Laplupart commencent par les gradesinférieurs ; ils avancent par promotions périodiques,qui ont. lieu., dans chaque industrie, à des intervallescorrespondant à ia duyé§ de l'apprentissage, de façon,que le mérite n'attende jamais son éiéyatipn> et quenul ne puisse se reposer sur ses travaux passés S'ilne veut rétrograderjusqu'au dernier rang.

«... Il nous fautpour chefs ou capitaines des hommesd'une oapaciléreconnue,queleurproprecarrière obligeà conduire leurs troupesau plus haut point possible, etqui ne tolèrent point de stagnation.C'estdans cette dou-blevisée que l'armée industrielle est organisée.D'abordnous avons le grade primitifdes travailleurscommuns,ouvriers de toi;s métiers, auquel[appartiennenttou-

(1) En J'an 2000, p. 141-142.(2) Ibid., p. 141-142.

— 31 —jours les recrues pendant les trois promiôres années.Ge grade est une sorto de noviciat, très dur, où lesjeunes gens prennent dos habitudes d'obéissanco.Quoique la nature complexe du travail accompli parcette troupe ompêcho la distinction des travailleurspargrados, qui dovient possible plus, lard, des notes indi-viduelles sont données, et le mérite reçoit des récom-pensespareillos auxpoinosqu'encourt la négligence(i).

« Le grade inférieur de nos ottlciors industriels,celuide sous-lieutenant, est distribué à des hommes ayantpassé deux ans au moins dans la ll0classedu l 01' grade.Si cette rôgledonnait un trop grand nombred'éligibles,on restreindrait le choix au premier groupe de cotteclasse. Ainsi nul n'est investi du droit de commander àd'autres hommes s'il n'a trente ans. Une fois qu'il estmaître du grade d'officier, l'avancementd'unhomme nodépend plusdeson travail, mais de celui de seshommes.

« Les lieutenants sont choisis parmi les sous-lieute-nants, toujours par le choix limité à une classe res-treinte d'éligibles (2).

« De là à la lieutenance, puis au rang de capitaine,enfin à la surintendanceavec celuide colonel. Au-dessusavec un grade intermédiaire dans quelques-unes desplusgrandes industries, vientle général, qui adanssoncontrôle immédiat toutes les opérations de la guilde.Il est à la tète, du bureau de sa corporation, et a toutela responsabilité du travail vis-à-vis de l'administra-tion. Le général d'une guilde a une situation splondideot qui satisfait pleinement l'ambition de beaucoup.Au-dessus, après un grade intermédiaire qui peut êtrecomparé à celui de général de division, vient celui deschefs des dix grands départements. Les chefs de cesdix grandes divisions de l'armée industrielle peuventêtre assimilés aux commandants de corps d'armée,chacun ayant de douze à vingt généraux sous sesordres. Au-dessus de ces dix grands officiers qui for-ment son conseil est le généralissime président de larépublique (3). »

(1) En l'an 2000, p. 148-149.(2) Ibid., p. 183.(3) Ibid., p. 228.

— 32 —Messieurs, vous avez ainsi un aperçu do l'organisa-

tion dont la souplesse, la plasticité, la liberté, capti-vont l'imagination do M. Jaurès. (Rires. — Bruit.)

«Etlesfemmes,dit l'Endormi centonairOjlesfemmest1

—Les fommos, —écoutez tout à fait,Mesdames.— aussibien que les hommes sont membres de l'armée indus-trielle, ot no la quittent quo lorsque leurs dovoirs ma-ternels les réclament. Le résultat est que la plupart desfemmes, à un moment ou l'autre de leur existence,servent cinq, dix, quinze ans, tandis que celles quin'ont.pas d'onfants servent pendant touto la période.

« — Est-ce qu'une femme no quitte pas toujours loservico industriellorsqu'elle se marie?—Pasplusqu'unhommo. Pourquoien serait-ilainsi?Los femmes mariéesn'ont plus la responsabilité du ménage,et un mari n'estpas un bébé qu'il faille surveiller (1),.. Elles formentune force qui l'ait partie intégrante de l'armée dos hom-mes. Elles ont une femme pour générale en cheï(Rires).et sont soumises à desrôglements spéciaux. Le généraiet les hauts officiers sont nommés par les femmes quiont accompli leur périodedeservice,absolumentcommeles chefs de l'armée masculineet le président.Lagéné-rale de l'armée des femmes siège dans le cabinet duprésident de la République (2). » (Oh[! oh! — Rires.)

M. LE PIUÎSIDENT. — Vive la générale des femmes l

-M. ROSTAND. — Mais quittons M.Bellamy,avec regret,

je vous assure, car il abonde en détails suggestifs, etrésumons ce que nous avons appris, puisqu'il faut sehâter, l'heure avance.

Ainsi, dans les solutions socialistes transitoires,fonctionnarisme accru sans cesse, sans limite — etlesconcessionsfaites à cette pénétrationgraduelle sont pré*cisôment,remarquez-le,la cause principale do la multi-plication de fonctionnaires dont on seplainten ce mo-ment ; — dans les solutions socialistes définitives, fonc-tionnarisme universalisé, soit sous la forme d'État, soit

(1) En l'an 2000. p. 301.(2) Ibid., p. 309.

— 33 —

sous la formo hiérarchisée ; —-voilà los faits auxquelsnous amène un oxposé dont j'ai demandé toutes lesdonnées aux socialistes autorisés... (Un assistant : Vivela sociale!) ot do quelque manière, d'ailleurs, quo cha-cun do nous les envisage. (Un assistant: Vive lasociale !)

Interrogations qui se posent pour les deuxsortes de solutions.

Je me borne à confronter ces deuxsortes de solutions,non pasà des réfutations doctrinales, maisàdesimplesinterrogations de faits, laissant chacun de vous y ré-pondre en sa conscienco au sortir de cette salle.

Les solutions transitoires d'abord soulèvent celles-ci :

sans demander sisesservicos naturellement collectifs,finances, guerre, marine, sont des modèles d'ordre etd'économie, l'État s'acquitte-t-il des industries qu'il ajusqu'ici reprisesà l'activité individuelle, avec une su-périorité qui encourage à le charger de nouvelles?Los caisses d'assurances qu'il gère sont-elles gérées endes conditions techniques et financières qui auraientconduit des compagnies privées à la prospéritéou à lafaillite? (Rires et applaudissements). Livre-l-il des tabacsirréprochables, Messieurs les étudiants, et à bas prix?Exploite-t-il les téléphones à aussi bon marché qu'end'autres pays l'industrie privée? Les allumettes qu'il

•vous vend s'allument-elles plus vite ? (Un assistant :Tiens, v'ià Louise Michel ! — Un autre: C'est LouiseBerthier ! .— Un autre : C'est Séverine! — Un autre :

— Vous êtes inconvenants. Respect au sexe ! — Un assis-tant : Continuez,fumiste!)

Je vousdemandais si vous étiez ravis des allumettesque vous vend l'État ? Constructeur do navires, l'Étatconstruit-il économiquement, et seulement se rend-ilcompte de son prix de revient? Fait-il même bien del'assistance, à en juger par ce qu'on entend dire, no-

— 34 —tammont à Paris, do l'AssIstanco publique ? (Btuitcontinu. — Chant.)

Que si vous jugiez l'État... (Parlera pas! Parlerapas !)'

M. us PntisiniWT. — Décidément, Messieurs, vousn'ontroroz pas la prochaine fois ! (Applaudissementsredoublés.— Chant : Ne parle pas, Rose, je t'en sup-plie.)

• •.

M. ROSTAND. —Eh bien, on sera à l'aise dans lomonde régénéré, on sera vraiment à l'aise ! (Rires etapplaudissements. — Parlera! Parlerapas /)

Que si vous jugiez l'État un exploitant médiocre,gaspilleur, sans habileté commerciale, sans initiative(Bruit), routinier, paperassier, lent, ahuri, débordépar ce dont il a déjà charge,.. (Clamems et redoublementde tapage.)

•Mais ce que je dis vous gêne donc bien, Messieurs?

(Rires et applaudissements. — Un assistant : C'estdes réunions contradictoires qu'il nous faut !)

Si vousjugiez ainsi l'État, concevriez-vouscomme ra-tionnel qu'on ôtendità l'infini sa fonction industrielle?S'il se trouvait, en fait, qu'il se montrât peu apte etmaladroit môme dans des services qu'à la rigueur ilpeut rattacher à son rôle et à ses compétences, en ih-dUiriez-vous qu'il se montrera habile et sur on enva-

>

hissant les industries multiples et disparates do l'ac-tion privée? Serait-il par exemple certain qu'il trou-verait, pour les mondpoles de l'alimentation revendi-qués par M. Jaurès, des fonctionnaires qui se procu-reraient sur les marchés étrangers dix millions dequintaux de blé avec une diligence commerciale con-sommée et une vertu inaccessible aux tentations, ouqui posséderaient le secret d'acheter le blé très cheraux cultivateurs français pour arriver à vendre auxconsommateurs le pain gratis ? (Rires). Pour le per-sonnel de sa banque, de ses mines, de ses chemins defer, la Capacité sera-t-elle le seul titre à entrer dahs

— 35 —

ses cadres I Dans les caisses communales de M. La-forgue, les fonctionnaires municipaux évalueront-ilsavec une égale justice les récoltes des amis du maireet les bestiaux de ses ennemis?

Et, si un députédu Pas-de-Calaisvient de déposer à laChambre (1) une proposition de loi portant que « le« nombre dos fonctionnaires ne pourra plus être aug-« mente, » pendant qu'un député, de la Seine s'écriedans une autre que « la France meurt du fonctionna-risme, » qu'est-ce qui sera en accord avec l'esprit denotre génération : restituer le plus d'action possible aujeu souple,simplifié,précisdesorganesmus par l'offortindividuel responsable, ou transformer la France,parles solutions socialistes successives, en ce qu'on aappelé une gigantesque champignonnière de budgé-tivores et de parasites? (Rires et applaudissements. Chantdelà Carmagnole.)

Quant aux solutions intégrales et définitives, je croisque nous avons tous vuclairement les deuxhypothèsesd'organisation, dans le plan de M. Jaurès, se résoudreen deux réseaux de fonctionnarisme. La qualité de cefonctionnarisme, il la discute, il n'en discute pasl'existence. Quant à la différence entre les deux hypo-thèses, elle est toute dans le recrutement : fonctionna^risme d'État au premier cas, fonctionnarisme électifhiérarchisé au second.

Mais qu'importe ce point, si les objections qui sedressent devant la raison sont communes aux deuxhypothèses? Elles ne sont pas du tout, ces objections,celles que M. Jaurèss'oppose à lui-même, nous l'avonsvu, pour se flatter de les détruire.

Nommés par l'Etat ou élus, quelles tâches le socia-lisme définitif imposera-t-il à son peuple de fonction-naires?

Premier ordre de tâches : déterminer les besoins de

(1) M. Boudenoot, le 11 février 1896.

— 36 -la consommation universelle en vue de la productionuniverselle à organiser ; établir, chaque année, parexemple, lo bilan des besoins de toute espèce de38 millions do personnes on France ; prescrire, onconséquence, telle ou telle culture de x millions d'hec-tares, l'élevage do x millions de têtes de bétail,l'extrac-tion de x millions de tonnes de houille, la fabricationde x millions d'objets de vêtement, ou plutôt de toutesles sortes d'objets nécessaires à toutes les sortes deconsommations.

Je laisse ici poser les interrogations par des nota-tions intimes où se les posa à lui-même, en relisantles théoriciens socialistes vers la fin de sa vie, unhomme de grand talent mort jeune, qui, fils d'ouvrier,s'était élevé au rang le plus haut, ot, après de rudesefforts,auraitpu être porté vers des utopies de commo-dités malsaines (1) :

« Comme dans un corps vivant, dans le corps socialtout ou presque tout se fait par une action spontanéedes éléments, la circulation est assurée sans que lecerveau s'en mêle, et l'Etat n'apas à s'occuper d'appro-visionner de vivres Londres ou Paris. On veutsupprimer l'initiative privée et la remplacer par desfonctionnaires. L'Etat a déjà de la peine à assurerl'alimentation d'une armée, et il se chargerait de cellede 38 millions d'hommesI....

« Aujourd'hui le mécanisme du prix, par sesindica-,,tions aussitôt répandues partout, provoque l'apport '

ou le retrait de la marchandise, attire ou repousse letravail en chaque genre de production. On veut rem-placercela par des statistiques,descomptabilités,etc...

« Et si un directeur se trompait avec ses statistiquesqui seront, comme toutes les statistiques, entachéesd'erreurs, et en tout cas tardives? Et s'il s'embrouillaitdans cette comptabilité colossale et surhumaine?Schasffïe lui-même a des doutes à ce sujet ; et c'est à desmoyens douteux mis en oeuvre par des êtres faillibles

(1) Auguste Burdeau.

— 37 —qu'on va confier l'existence do toute la nation? Qu'onse rappelle les angoisses de quelquospersonnosrensei-gnées à la fin du'siègo de Paris, quand il s'agissait desavoir si les vivres restants donneraient le temps'deravitailler. Ce serait la mémo angoisse tous les jours,mais vingt fois plus grando (1). »

Seconde tâche: estimer la valeur du travail, otclasseren conséquence tous les hommes, femmes comprises,vous l'avez vu, dans l'armée industrielle du travail.

« Si l'estimation de la valeur du travail n'a lieu qued'après la quantité (Guesdo a l'air d'y adhérer),alors ontombe dansl'égalité do la durée des tâches; on ne tientcomptenideladifficulté,de la dureté du travail, ni del'aptitude ou dol'intelligonce nécessaire ; comment atti-rer aux travaux très pénibles, ou très délicats, ou trèssupérieurs, les hommes désignés par le,urs aptitudes?Si on introduitceséléments, alors il y aura une classifi-cation des métiers, et en face une classification deshommes à faire faire par dos fonctionnaires?On devien-dra terrassier, vidangeur, après examen, comme ondevient aujourd'hui officier ou ingénieur de l'Etat.Effroyablepouvoirdes dispensateursdeplaces,quifixe -ront aussi les émoluments attachés à chaque genre detravail.

ce Ce travail de classification et de paiement, il se faitaujourd'hui par l'intervention de tous; celui qui veutfixer un prix artificiel se ruine; la machine fonctionne,non sans erreurs, mais limitées. Et vous allez la rem-placer par le discernement de quelques fonctionnairesdespotes (2) ?

«... Le choixdu travail sera libre. Mais si un nombretrop grand d'individus se jetaient sur un travail facile,fructueux, ou tentant? si des métiers nécessaires setrouvaient abandonnés?

•—Alors les directeurs (élus

comment?), après avoir pourvu quelque temps en em-magasinant les produitsen abondance,auraientàpour-

(1) Revue politique et parlementaire, 1894, p. 18 et 19.(2) Ibid., p. 6

— 38 —voir à uno répartition meilleure de la production. Ilsaugmenteraientla valeur du métierabandonné,pour yattirerdes ouvriers. Cettecitadelledes salaires,elloauradû être établie dès le début, sans quoi tous se jette-raient dansdes travaux faciles,nul no voudrai t los fonc-tions malaiséesotinférieuros. Aujourd'hui elle s'établitpar le jeu de l'offre et de la demande, parla variationdes prix et des salaires, par l'impossibilité où sont lesincapablesde se main tenirdans un métiernon conformea leurs aptitudes. Il faudra ici que ce soient des fonc-tionnairesquifixent les salaires etles fassentvarier ar-

,

bi trairement,quiôvaluent le travailde l'écrivainau dou-ble etdu décuple de celui du cordonnier, celui de VictorHugo à un multiple de celui d'un rédacteur de journalde province, etc. Qui comprendra,qui essaiera dejusti-fier ces rapports ? Et puis,l'outillage fondé par lasociétôétant donné à tel moment, exigora, pour sa mise en jeu,un chiffre déterminéde travailleursde chaquespécialité.Commontautoriserun ou plusieurs travailleursà qui ttertel emploi pour se jeter sur tel autre s'il n'y a pas deplace? Qn ne l'autorisera donc pas. Mais alors chacunsera serf de son métier ; nul ne pourra changer ni resterque par la volonté des directeurs. Y eut-iljamais tyran-nie plus absolue (1)? » (Applaudissements.)

Oui, c'est bien ainsi que les choses devrontse passer.On dit que l'équilibre s'établira, qu'il suffira, pour dé-tourner de carrières trop préférées, d'y allonger le tra-vail,ou inversement,Mais,si le résultatn'estpasobtenu? 's'il y a des occupations que tout le monde laissera àd'autres i'Que faire ? Par tirage au sort ou par choix arbi-traire, les fonctionnaires seront bien les juges des. apti-tudes, et imposeront d'office les occupationslaissées ensouffrance. Pas de méprise là-dessus : « Bien loin, écri-« vait hier M. Sidney Webb, de vouloir faire de chaque« homme un producteur indépendant, nous entendons« enrôler tout homme, apte au travail, au service immé-

(1) Revue politique et parlementaire, 1894, p. 5.

— 39 —

<Kdiat do la collectivité, et* lui désigner la tâche que ses

« capacités lui permettent de remplir (1). »Troisième tâche : fixer la rémunération du travail,

non plus par le cours du jour sur le marché du travail,donnée facile à connaître, mais d'après les besoins dutravailleur,le coût de la vie, les ressources de la nation,donnôesvariablesàl'infini,sinon suivant los désirs, aumoins suivant les lieux, les temps, et infiniment diffi-ciles à déterminer :,

« Les directeurs évalueront ce qu'il faut à la nation,en uneannéeparexemple,d'hectolitresdeblô,demètresde drap, évalueront ce qu'il faut d'heures d'un travailsocialemontorganisé, pourcréer tous ces produits. SoitN ce nombre d'heures, la valeurde chaque heure de tra-vail d'un ouvrier sera -i, et on paiera à ce taux l'heurede travail, en bons de travail.

«Mais, pour produire tel objet, il faut plus ou moinsd'heures selon le terrain,l'outillage,l'ouvrier. On pren-dra, dit-on, une moyenne. Elle sera injuste pour tous :il faut moins de travail pour produire l'hectolitre de bléen Flandre que dans la Creuse, pour faire une tonned'acier avec un four Bessemer qu'avec un four ancien.De quel droit le Flamand aura-t-il de meilleures jour-nées, et l'ouvrier au Bessemer aussi?

« Tel travail est plus.difficile qu'un autre : il exigeun apprentissage, une longue éducation. A égalité desalaire, nul n'en voudra plus.

« Quelle commune mesure trouvez-vous au travailduterrassier,, de l'imprimeur, de l'écrivain, de l'artiste,de l'homme de génie? Aujourd'hui on l'évalue en sedisputant jusqu'à ce qu'il atteigne son vrai prix.

« Si l'on établit des catégories et des prix suivant lescatégories de travail, quelesclavage d'être parqué dansun métier par un fonctionnaire, de se voir fixer sonsalaire par lui 1 Où a-t-on vu servitude semblable (2) ? »(Bruit.

—-Applaudissements.)

(1) Revue de Paris, l 01' mars 1896.(2) Revue politique et parlementaire, 1894, p. 7 et 8.

— 40 —Et enfin diriger toute l'armée du travail à tous les

échelons,tout administrer, tout gérer, tout vendre, toutrépartir dans cette production, cette consommation,cette distribution, do la variété et des détails illimitésdesquelles l'esprit est confondu l

J'ai à peine indiqué tout cela, en courant.Un mot résume tout : il ost nécessaire,dans le monde

réorganisé d'après le système collectiviste,que lo fonc-tionnarisme soit omniscient et infaillible, pour que lasociété, ne disons pas se dôvoloppe, se perfectionne,progresse, mais seulement soit viablo, puisse vivre etdurer. Il y faudra des millions de génies et des millionsde sages,puisque tout pivotera sur la compétence,l'ac-tivité ininterrompue, la vigilance sans arrêt, les vertusde toutes sortes des fonctionnaires t (Longs applaudis-sements.) Le postulat fondamental, c'est quo la naturehumaine, en ses défaillances, n'existeraplus, et que lésfonctionnaires directeurs de l'activité universelle se-ront, de par le choix, je ne dirai pas des Anges, pourne pas vous choquer, je dirai des Surhumains I (Vifsapplaudissements.)

Et il en est ainsi; remarquez-le, que le fonctionna-risme du monde socialisé soit constitué par l'Etat oupar l'élection.1 Et même, M. Jaurès a bien tort, redoutant le premiermode, le reconnaissant peu conforme à ses voeux, depréconiser le deuxième (1). Car le deuxième, c'est lepire. Un immense fonctionnarisme électoral, instituépar des foules anonymes et irresponsables, oui, sanscontredit, c'est mille fois le .pire I (Applaudissements.)

Prenons un exemple parmi les solutions d'attente que-nous avons parcourues. Le projet suisse de traitementdes malades par l'Etat, confessant le danger d'un nou-veau développement fonctionnariste, prétend précisé-

(1) J. Jaurès, Organisation socialiste. Revue socialiste, août^l898,p.130, 136 et suiv.

— 41 —menty parer en faisantélire les médecinsofficiels parlepeuple,dans chaque district,poursix ans. Dès lors, auxmêmes vices que dans la nomination par un pouvoircentral,s'enajoutent bien d'autres. Désireux de conten-ter sesôlecteursdu district,lo médecin n'aura garde derépondre à un appel du voisin, ce qui fait disparaîtrele libre choix du médecin ; créature d'électeurs,ilne sedéfendrapointdes exigences excessivespour les visitesou les médicaments : les chances de réélection serontpour qui prescrira à flots bordeaux, malaga, cognac(Rires), et la certitude de défaite pour qui ne les ordon-,nera qu'à bon escient. Comment l'élection n'entraî-nerait-olle pas fatalement une diminutiondo ladignilôou de la valeur scientifique du corps médical, parconséquent de la santé du peuple?

Ce quevous touchez du doigt surcet exemple ne sera-t-il pas bien plus redoutable dans les solutions inté-grales, là où le régime électif s'appliquerait à toutesles fonctions directrices de l'activité humaine? Rece-voir d'un fonctionnaire, appuyé sur une majoritéd'électeurs, son métier, puis une tâche, lui rendre letravail, voir le salaire fixé par lui, tout cela sans pou-voir ni changer de métier, ni même d'atelier, ni fairegrève.... quels moyens n'y a-t-il pas là pour les fonc-tionnaires de réduire ceux qu'ils voudraient persé-cuter au sort le plus misérable? Et ce n'est qu'un as-pect. Toutes les impossibilités qui nous: ont frappésdans les missions du fonctionnarisme socialiste, com-bien plus écrasantes n'apparaissent-elles pas si noussupposons.des fonctionnaires élus?

Et élus par qui? Par le suffrage universel des syndi-cats fédérés, dit M. Jaurès. Ne lui représentez pas quetous les travailleursvoudrontêtre chefs ou surveillants,

.quedeséleclionscontinuestiendront directeurs etingé-nieursdansune insécuritéparalysante,que les travauxcomportant de longuesprévoyances et la suite des des-seins seront irréalisables : il répond que tout le monde^ yr'

— 42 —intéressée bien choisir, choisira bien... (1) ce que l'ex-périence de tous les jours confirme, comme vous savez(Rires). Proudhon du moins chargeait l'Académie dessciences d'établir le maximum des valeurs et de dresserles statistiques destinéesà régler la production : les syn-dicats fédérés suffisent à M. Jaurès.

Peut-êtrepenserez-vousque I es deux espèces de fonc-tionnarisme du monde socialisé sont des pestes, maisque celle dont M. Jaurès se déclare de préférence amou-reux, le fonctionnarisme universel électoral, est debeaucoup la pire. (Vifs applaudissements.)

Contre-démonstration : un recul et un désaveu.Messieurs, ce rêve de livrer toute la conduite de la

production et de la distribution à des pouvoirs publicsqui ne cessent dans un cercle relativement restreint denous déconcerter par leurs inaptitudes, ce rêve estd'une déraison si frappante, qu'un recul bien curieuxvient de se produire dans le socialisme. (Bruit.)

De même qu'il vacille pour ses solutions d'attente (2) ;de même que pour ses solutions intégrales, il renonce àl'espoir prochain de transformation que la société Fa-bienne raille sous le nom de catastrophisme, qiiilvépn-dîol'abolition dusalaire (3), etqu'ilabandonne la socia-lisation de la petite propriété agraire (4) ; — de môme levoici qui commencede fléchir, acculé à l'absurde,sur la

(1) J. Jaurès. Organisation socialiste. Revue socialiste, août1898. p. 144-148,

(2) Voir par oxomplo, dans l'affaire do la Vorrorio ouvrière,los illogismos do la coopération do production adoptée ot du ca-pital donné pour base à l'ontropriso sous ses formes los moinsviriles (don, lolorio) ; pour l'arbitrage obligatoire, les incohé-rences mises on lumièro par los avoux do M. Jaurès dans ladiscussion du 21 uovombro 1898 à la Chambre (Journal officieldu 22 nov,, p. 2438,2440, 2441, etc.).

(3) Sidney Webb, loc. cit.(4) Congrès de Nantes, do Marsoillo, do Francfort, do Breslau,

déclarations de M. Jaurès, passim.

— 43 —socialisation de l'activité économique et la direction decette activité par ses fonctionnaires.

Rien de plus significatif, à ce point de vue, que laproposition de revision du Programmesocialiste présen-tée il y a trois mois au parti en Suisse. Elle déclareque la formule considérée jusqu'ici comme la base dela propagande, socialisation de toute l'activité économique,est « erronée, insoutenable, contraire à la marche du«'développementsocial »'. Je cite :

« On ne voit pas par quelles transformations l'Étatpourrait arriver tout d'un coup à devenir un directeurhabile de l'activité économique. // est beaucoup plusprobable, que nous lui attribuons là une tâche sous lefardeau de laquelle il succomberait.

« On arrive à cette conviction lorsqu'on voit combienpeu l'État se modifie et s'améliore quand des socialistesarriventà faire partie des conseils et des corps adminis-tratifs. Nous nous plaignonsjournellement de l'État, deses autorités, de ses fonctionnaires. C'est contre l'Étatqu'a été inventé ce proverbe populaire qu'il pend lespetits et laisse courir les gros. Et cette institution qui nepeut pas môme aider le peuple à obtenir son droit, nousla lui recommanderions comme le salut ? nous lui mon-trerions dans l'État un tuteur auquel il devrait confiertoute son existence économique ?

« Vraiment, nous demandons du peuple travailleurtrop de foiaveugle en unechose avec laquelle il voudraitavoir affaire le moins possible.Nous demandons parti-culièrement de nos paysans instruits par l'expériencetrop de naïveté,si nousnous imaginonsobtenir leurcon-cours pour la réalisation de nos projets qui tendent àtransformer lo cultivateur, l'artisan, en serviteurs del'État.

»Et encore :

« Les industries exploitées par l'État sont-elles desindustries dans lesquelles personne n'est exploité?Personne ne le prétendra....

,•-—"'44 —

.

«...C'estpratiquementuneimpossibilité, un contre-sens, de demanderà l'État de diriger l'ensemble de l'ac-tivité économique du peuple, et de l'exploiter dans l'in-térêt commun. Quiconque veut ouvrir les yeux sait quepartoutoù l'État se fait producteur, sauf en matière detransports et moyens de communication, sa capacité deproduction reste bien inférieure à celle des particuliers,et il produit d'une manière irrationnelle, contraireaux lois économiques, lourde, bureaucratique. Nousdevons en tirer cette conclusion que YÉtat n'est pas miorganisme apte à l'activité économique (1). »

Que propose-t-on de substituer aux erreurs dont oncommence de reconnaître ainsi l'énormité?On sebor-neraà réclamerpourrÉtatTexploitation des moyensdetransportât l'administrationgénérale de larenledusol(dont on semble laisser i'exploitation aux particuliers).Pour tôutleresledo l'économie nationale, on poursui-vra « lacréation de sociétés coopérativesde production,« de telle sorte que la production soit gérée dans l'inté-« rôt du consommateur d'après le système des sociétés« coopératives de consommation ». Le but théoriquelointain, qu'on réserve pour sauver les apparences etfaire accepter les rétractations, restera « une transfor-« mViliondans lesens de lapropriétô collectivedusol,des« matières premières, des outils, des machines » ; maisle but réel consistera en des coopératives de production'qui travailleront à supprimer l'intermédiaire entre le

vproducteur et le consommateur, et consacreront unepart des bénéfices à acquérir des biens de commu-nauté, une mainmorte collective.

Ces conceptions on elles-mêmes no sont pas le moinsdu monde du socialisme. La constitution de corpora-tions estun retouràdes formes du passé. La création dosociétéscoopératives,mémo en lesdotantde propriétéscommunes qui serviraient sans doute de capital do ga-

(1) Journal de Genève, janvier 1898.

__ 45 —ranlie ou de roulement aux travailleurs, n'a rien desocialiste. C'est de la coopération de production, peut-être soutenue par la coopération de consommation,c'est-à-dire des applications de la méthode de progrèssuccessif et pratique par la liberté, la prévoyance,l'épargne, la solidarité, tout ce qu'enseigne notre école,tout ce qui est exactement le contraire du socialisme.

A cette copie d'idées qui ne lui appartiennent nulle-ment, le socialisme essaie bien d'ajouter quelquechose,son apport habituel de rêve mal dégagé, d'incohé-rence, d'utopie. Mais à examiner de près ces additions,on y aperçoit seulement qu'il ne se comprend pas lui-môme. Le fond n'est pas moins qu'il revient aux prin-cipes des autres.

Et c'est la frappante preuve, dilemmedont il lui estimpossible de sortir, — ou qu'il avoue l'absurdité dela prétendue doctrine économique qui a été jusqu'à cejour sa raison d'être, — ou qu'il ne se rend pas comptedes éléments mêmes de cette doctrine, et les amal-game, au gré de besoins d'un moment, avec des élé-ments contradictoires. (Applaudissements.— Bruit.)

Quel, recul intéressant! Quelle contre-démonstra-tions saisissante do notre thèse de ce soir!

ConclusionLe socialisme se résout en fonctionnarisme.

C'est maintenant, au termo d'une recherche pa-tiente, que je veux reprendre, élever de nouveaudevant vous, ce poignant doute de M. Jaurès que jecitais en commençant : si lo socialisme no devait pasêtre une grande organisation libre du monde, s'ilconduisait à un « fonctionnarisme étouffant », l'orga-nisation actuelle serait mille fois préférable.

Qu'avons-nous trouvé au bout do toutes les avenueset de toutes los perspectives socialistes?... Ce qu'unpubliciste peu suspect de parti pris contre le socia-

lisme, Laveleye, a défini ainsi : « Tous les hommes« seraient fonctionnaires,et la société entière serait orgâ-« nisée comme l'armée; un despotisme universel, ré-« glant tous les actes de la vie économique, serait lea sort de l'humanité (1). » (Applaudissements.)

Qu'avons-nous constaté ? Un incommensurable dé-veloppement fonctionnariste se rencontrant avec lessolutions socialistes au point maximum de leur épa-nouissement, y étant parallèle et adéquat, le socia-lisme se résolvant pour tout en fonctionnarisme.

Il n'y a pas à contester ; il n'y a pas à atténuer. Hierencore, M. Sidney Webb déclarait formellement :

« Il ne faut pas croire que nous rêvions un retour àl'époque où chaque homme travaillait comme produc-teur indépendant, et jouissait du produit intégral deson travail personnel... Le désir qu'a tout hommede devenir son maître n'est qu'une survivance duvieil homme de l'individualisme L'unique promesse(écoutez ceci, Messieurs), l'unique promesse que nousfassions à l'ouvrier, c'est de faire de lui, en sa qualité decitoyen, un copropriétairedel'industrie nationale, et dele faire participer a l'élection des employés supérieurs quiseraient chatgès de l'administrer (2j. » (Appl, — Bruit.)

Un trente-huit millionième de propriété théorique,et une voix pour élire les fonctionnaires préposés à la 'garde, au travail, au salaire, au repos, aux récréations,à la nourriture, au logement, au sommeil, voilà tout.

Ne vous semble-t-il pas que tout ce que nous venonsde parcourir ensemble, ce soir — et l'art n'y a étépour rien — laisse une impression d'automatisme,d'étau, de carcan? (Applaudissements,)

(1) Eléments dséconomie politique.(2) Sidnoy Wobb, toc. cit.

— 47 —

Fût-elle réalisable,ilfaudraitrepousseraupointde vue éthique une telle hypothèse sociale.

Allonsplus loin. La prétention de substituer à la pré-voyance, à l'effort, à l'action responsable, des méca-nismes dirigés par des fonctionnaires infaillibles, estunemisérable chimère. Mais quand même elle serait,par je ne sais quelle hypothèse de thaumaturgie so-ciale, réalisable ?

« El quand cette machineréussirait?s'écriaitBurdeau.Eh bien, et l'effort volontaire de l'individu ? sa volontéd'arriver à l'indépendance, aune situation proportion-née à ses facultés ? son désir de laisser ses enfants dansune position meilleure que la sienne ? son rêve peut-être de devenir par sa fortune bien employée un pro-moteur d'inventions, d'oeuvres d'éducation, d'art, demorale,un bienfaiteur de l'humanité?Tout ce qui faitladignité do l'humble, tout ce qui rend le père vénérableà ses fils pour les sacrifices qu'il a subis en leur faveur,tout ce qui arme l'ouvrier contre les tentations de dé-pense ctle transformeen un être de raison,de ferme con-duite, d'abnégation, tout cela disparaît. Il reste la bêtehumaine, conduite en troupeauxnourris et tondus avecméthode,assurée d'avoir sa suffisancej usqu a la fin (1). »

C'est cela que nous ne voulons pas être, pas plus lepaysan ou l'ouvrier que l'intoïlectuel. Pour moi, pas-sionnéd'autonomiepersonnelleautantquede solidaritéagissante, — lisant l'autre jour qu'un vigoureuxespritde notre temps se demandait par goût de paradoxe s'iln'y aurait dans la morale du socialisme rien de supé-rieur à celle de ses adversaires, — je sentais au con-traire que dans sa morale, dans le point de vue éthique,est le principal motif de répugner, do résister à unsystème qui ôterait tout prix et tout intérêt à la vie.

(1) Revue politique et parlementaire, 1894, p. 28-20.

— 48 —Étendant un mot de Henri Heine je dirais volontiers :

le sentiment que j'éprouve devant le socialisme,ce n'estpas la peur du riche qui tremble pour un capital ni laterreur secrète du savant ou de l'artiste qui voit la civi-lisation entière menacée, c'est l'aversion irrésistible detout homme conscient de sa liberté morale contrel'hypothèse d'un état social où chacun travaillerait, sereposerait, voyagerait, mangerait, dormirait,aimerait,agirait au commandement 1 (Triple salve .d'applaudiss.)

Et à ceux qui, essayant de nous prendre par les sen-timents altruistes,généreux,de plus en plus développésdans ce temps dont ces sentiments sont l'honneur ouune compensation, nous montrent dans le socialisme leseul moyen de fortifier les faibles, je voudrais crier :

on ne fortifie personne en tuant le ressort de la force 1

(Vifs applaudissements.)Le progrès tel que l'accomplit sous nos yeux l'évo-

lution sociale ne consiste nullement à supprimer lolibre jeu des énergies et des compétitions dans la com-munauté, comme le propose tout socialisme, mais aucontraire à le faciliter, à en égaliser de plus en plus lesconditions. Nous no sommes pas, non, nous no sommespas les partisans d'un individualisme excessif ot systé-matique qui refuserait à l'État tout rôle dans ce mou-vement ; mais je vous dis, avec la science, avec l'obser-vation sociale, que ce rôle même de l'État se produiradans le sens non d'abolir la rivalité de la vie, mais d'yappeler le peuple entier avec des armes de plus en pluségales, le moteur du progrès évolutif restant la libreaction de l'homme. Il faudrait extirper de nos âmes lesinstincts nécessaires qui sont notre personnalité mômeavant de rêver, pour nous y enfermer, un monde oùno pourrait.'plus pousser aucune des fleurs superbes dela dignité et de l'indépendance humaines; — où nousmourrions, s'il était réalisable (et il ne l'est heureuse-ment pas), d'abaissement, d'ennui, de colère, do déses-poir ;— où, de l'aveu des socialistes que j'ai interrogés

— 49 —.

ce soir, l'idéal du bonheur serait, ils le déclarent eux-mêmes, d'élire ses gardes-chiourme et ses geôliers !

'(Salveprolongée d'cippMudMskmem>\(l)

COfflITE DE DÉFENSE ET DE PROGRÈS SOCIAL

PUBLICATIONS

Conférences (broch. In-18 u O IV, OB),

N° 1. Pourquoi nous no sommes pas socialistes, par M. ANA-

TOLE LEROY-BEAULIEU, do l'Institut.N» 2. L'usage de la liberté ot lo devoir social, par M. GEORGES

PICOT, do l'Institut.N° 3. Le progrès social par l'initiativo individuelle, par

M. Euo. ROSTAND, do l'Institut.N° 4. Lo devoir d'aînosse, par- M. PAUL DESJAHDINS. (Epuisé).N° 8. Lo rôlo ot lo dovoir du capital, par M. K. CHEYSSON, de

l'Institut.N° 0. Le devoir social do la jeunesse, par M. CH. WAGNER.N° 7. Notro responsabilité devant le mal social, par M. OLLK-

LAI'RUNE, do l'Institut.N° 8. Los assurances ouvrières ot lo socialisme d'Etat, par

M. ALU. GIGOT.N° 9. L'agrloulturo ot lo sooialismo, par M. D. ZOLLA.N° 10. Lo Comité do défonso et de progrès social, par M. ANA-

TOLE LEROY-BEAULIEU, do l'Institut.(Epuisé).N° 11. La liberté d'association, par M. GABHIËL ALIX.N° 12. La diilusion de la fortuno mobilière par M. R.-G. LÉVY.N° 13. Lo rôlo social do l'écrivain, par M. 11. DOUMIO. (Epuisé),N° 14. La coopération, sos bienfaits ot ses llmitos, par M. MA-

BILLEAU, correspondant de l'Institut.

(1) Stônograpbié par Gustave Duployé, 36, ruo do Rivoli.

Couférenccs (broch. In-18 a O fi-f OB).

N° 16. Les solutions socialistes et le fonctionnarisme, parM. Euo. ROSTAND,, do l'Institut. , ..''''

N° 16. Salariés et capitalistes, par M. DANIEL ZOLLA.N° 17. Voyage social on Allomagno, par M. GEORGES BLONDEL.N° 18. Le rôle social do la colonisation, par M. J. CHAILLEY-BERT.

"N° 19. Le Vooruit do Gand, par M. J. VAN DEN HEUVEL.N° 20. L'es expériencos sociales en Australie, par M. PIERRE

LEROY-BEAULIEU.N° 21. La répression pénale ot los intérêts populairos, par

M. H. JOLY.N° 22. La criso du revenu ot la loi du travail, par M. E.

CHEYSSON, de l'Institut.N° 23. Los (lnancos irançaisos, par M. R. STOURBI, de l'Institut.N° 24. Une allianco contro l'esprit soctaire, par M. CH. WAGNER.N° 25. La criminalité de la jeunesse, par M. HENM JOLY.N° 26. L'assurance au point de vuo social, par M. Ë. CHEYS-

SON, do l'Institut (SOUS presse).N° 27. Les lois de la démocratie, par M. GABRIEL ALIX.N° 28. Les onnomis de notre progrès économique, par

M. GEORGES BLONDEL.N° 29. Lo socialisme électoral, par M. EUGÈNE D'EIOHTHAL.N° 30. La liberté d'enseignement, par M. ANATOLE LEROY-

BEAULIEU, do l'Institut.N° 31. La libortô du travail et l'arbitrage obligatoire, par

M. LE COMTE DE LAS CASES.N° 32. Grèves, arbitrage et syndicats, par M. LE COMTE A. DE

MUN, do l'Académie française.N° 33. Lo Travail do la fommo à Lyon; monographio do syndi-

cats do femmes, par Mlle M. L. ROCHIÏBILLARD.N° 34. La liberté do la charité, par M. HENRY JOLY.N° 35. La femme ot lo djvorco, par M. MOIUZOT-THUIAULT.N° 36. Les revendications dos mineurs, par M. DKLCOUUT-

HAILLOT.

Tracts a « fr. lo cent assortis (N°H 1 à 31).

1. La propriété,2. Histoire d'uno casquette.V; v '3. La nationalisation du sol.4. Lo plus coûtoux dos gouvernements.

, iy8. Mes griefs contre lo socialisme, par M. Eua. D'EIOHTHAL. \6. Lo budget do l'Etat collectiviste, par M. MAURICE ELOOK,!

do l'Institut.7. Socialistes, pourquoi pas? par M. PAJOT. ..>,