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COMPTE-RENDU DE CONGRÈS 13 e congrès de l’International Confederation for Plastic and Aesthetic Surgery. IPRAS, Sydney 10–15 août 2003 « Le congrès de l’IPRAS est l’olympiade de la chirurgie plastique » Wayne Morrison et Jim Taylor Tandis que la France suffoquait sous une vague de chaleur exceptionnelle, Sydney frissonnait sous l’effet du vent hivernal directement venu de la banquise antarctique après un trajet de 3000 km sans obstacles. La ville concentre les clichés que l’on peut se faire d’une ville australe, dynamique, chaleureuse et sans complexe. Le fameux opéra qui a presque déjà un demi-siècle n’était que la pré- misse géniale d’une inventivité débridée ; les archi- tectes férus de design s’en donnent à cœur joie et le centre de congrès de la ville amarré tel un navire au quai de Darling Harbour ferait presque figure de réalisation austère auprès des délires de verres et d’acier qui l’entourent. Côté implants mammaires, B. Adams confirme la relation très forte entre infection et coque et pro- pose l’irrigation de la poche pendant cinq minutes par le mélange bacitracine (50 000 U), gentamycine (80 mg), céfazoline (1 mg) par 0,5 l ; la bacitracine pouvant être remplacée par de la Bétadine ® avec la même efficacité mais il semble que cette dernière soit toujours l’objet d’un ostracisme certain outre- Atlantique, sans justification d’ailleurs (cf.). A. Deva a étudié de près la phase « sessile » de l’infection, celle qui crée un biofilm de glycoprotéi- nes adhérent à l’implant et entraîne inflammation chronique et fibrose, même si la culture est néga- tive ; il s’agit le plus souvent d’un staphylocoque epidermidis. B. Young retrouve des implants intacts avec un recul postopératoire allant jusqu’à 20 ans (sérum) ou 30 ans (silicone) ; des microphotogra- phies confirment le caractère très abrasif des plis. Mme J. Yin Lin (Taiwan) annonce plus de 1000 aug- mentations mammaires par an, jusqu’à dix par jour, avec un temps opératoire moyen de 25 minu- tes ; une bonne nouvelle pour les fabricants, une moins bonne pour les patientes au vu des résultats ; il est vrai qu’à Taiwan le silicone n’a toujours pas cours... R. Graff réduit les aréoles larges par un round-block périmamelonnaire et ascensionne les aréoles un peu basses par une simple excision en croissant sus-aréolaire. H. Becker s’est fait évidem- ment le chantre de l’implant ajustable qui permet de faire du sur mesure grâce à la valve extériorisée une dizaine de jours, insistant sur l’intérêt du sys- tème dans les seins tubéreux ou asymétriques. En- fin, K. Pshenisnov a rapporté une série de catastro- phes après « augmentation mammaire » par injection de larges volumes de gel de polyacrylami- des dont quatre se sont terminés par une mastec- tomie sous-cutanée... La session de chirurgie esthétique non invasive a donné l’occasion à O. Errol de montrer qu’il utilisait des sutures en cadre au nylon 4/0 aussi bien pour relever les sourcils que la lèvre ; D. Fernandes se sert d’un petit rouleau hérissé d’aiguilles de 1,5 à 2 mm pour pratiquer sur tout le visage (et même la peau sus-ombilicale relâchée) de multiples micro- punctures après préparation cutanée de trois se- maines à la vitamine A acide, induisant ainsi une forte réaction à l’origine d’une hyperpoduction de collagène. Panfilov se contente d’une suspension sous-cutanée de la commissure au sillon alogénien, mais met en garde contre les hypercorrections. Le panel consacré au lifting dans son ensemble n’offrira rien de nouveau. W. Little estime qu’il faut libérer (par voie gingivale) tout le maxillaire supérieur (y compris le cavum) pour rajeunir la lèvre. I. Pitanguy a abandonné pratiquement toutes les plastymaplasties pour de simples plicatures. Dans le vieillissement du cou, après que A. Fogli ait clairement identifié deux vecteurs de plicature séparés par l’os hyoïde, W. Little expose sa lamel- lar cervicoplasty : abord sous-mental, résection extensive de la graisse sus- et sous-platysmale (sauf au rebord mandibulaire), myotomie complète du peaucier, résection éventuelle de la glande sous- maxillaire (20 %). T. Martin fit une communication brillante notamment sur les liftings isolés du cou au moyen d’un simple abord toujours à 1 cm en arrière du sillon sous-mentonnier de façon à toujours libé- rer le « retaining ligament » mandibulaire, autori- sant seulement un bon redrapage de la région ; un « pinch test » en contraction du peaucier lui permet de savoir s’il lui faut réséquer le triangle graisseux rétroplastymal (qui échappe alors aux doigts lors de la contraction ) ; si les bandes plastysmales sont très étendues, la myotomie sera complète, mais toujours sous le cartilage cricoïde (moins de saigne- Annales de chirurgie plastique esthétique 49 (2004) 74–76 www.elsevier.com/locate/annpla

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COMPTE-RENDU DE CONGRÈS

13e congrès de l’International Confederationfor Plastic and Aesthetic Surgery. IPRAS, Sydney10–15 août 2003

« Le congrès de l’IPRAS est l’olympiade de lachirurgie plastique » Wayne Morrison et Jim Taylor

Tandis que la France suffoquait sous une vague dechaleur exceptionnelle, Sydney frissonnait sousl’effet du vent hivernal directement venu de labanquise antarctique après un trajet de 3000 kmsans obstacles. La ville concentre les clichés quel’on peut se faire d’une ville australe, dynamique,chaleureuse et sans complexe. Le fameux opéra quia presque déjà un demi-siècle n’était que la pré-misse géniale d’une inventivité débridée ; les archi-tectes férus de design s’en donnent à cœur joie etle centre de congrès de la ville amarré tel un navireau quai de Darling Harbour ferait presque figure deréalisation austère auprès des délires de verres etd’acier qui l’entourent.Côté implants mammaires, B. Adams confirme la

relation très forte entre infection et coque et pro-pose l’irrigation de la poche pendant cinq minutespar le mélange bacitracine (50 000 U), gentamycine(80 mg), céfazoline (1 mg) par 0,5 l ; la bacitracinepouvant être remplacée par de la Bétadine® avec lamême efficacité mais il semble que cette dernièresoit toujours l’objet d’un ostracisme certain outre-Atlantique, sans justification d’ailleurs (cf.).A. Deva a étudié de près la phase « sessile » del’infection, celle qui crée un biofilm de glycoprotéi-nes adhérent à l’implant et entraîne inflammationchronique et fibrose, même si la culture est néga-tive ; il s’agit le plus souvent d’un staphylocoqueepidermidis. B. Young retrouve des implants intactsavec un recul postopératoire allant jusqu’à 20 ans(sérum) ou 30 ans (silicone) ; des microphotogra-phies confirment le caractère très abrasif des plis.Mme J. Yin Lin (Taiwan) annonce plus de 1000 aug-mentations mammaires par an, jusqu’à dix parjour, avec un temps opératoire moyen de 25 minu-tes ; une bonne nouvelle pour les fabricants, unemoins bonne pour les patientes au vu des résultats ;il est vrai qu’à Taiwan le silicone n’a toujours pascours... R. Graff réduit les aréoles larges par unround-block périmamelonnaire et ascensionne les

aréoles un peu basses par une simple excision encroissant sus-aréolaire. H. Becker s’est fait évidem-ment le chantre de l’implant ajustable qui permetde faire du sur mesure grâce à la valve extérioriséeune dizaine de jours, insistant sur l’intérêt du sys-tème dans les seins tubéreux ou asymétriques. En-fin, K. Pshenisnov a rapporté une série de catastro-phes après « augmentation mammaire » parinjection de larges volumes de gel de polyacrylami-des dont quatre se sont terminés par une mastec-tomie sous-cutanée...La session de chirurgie esthétique non invasive a

donné l’occasion à O. Errol de montrer qu’il utilisaitdes sutures en cadre au nylon 4/0 aussi bien pourrelever les sourcils que la lèvre ; D. Fernandes sesert d’un petit rouleau hérissé d’aiguilles de 1,5 à2 mm pour pratiquer sur tout le visage (et même lapeau sus-ombilicale relâchée) de multiples micro-punctures après préparation cutanée de trois se-maines à la vitamine A acide, induisant ainsi uneforte réaction à l’origine d’une hyperpoduction decollagène. Panfilov se contente d’une suspensionsous-cutanée de la commissure au sillon alogénien,mais met en garde contre les hypercorrections.Le panel consacré au lifting dans son ensemble

n’offrira rien de nouveau. W. Little estime qu’ilfaut libérer (par voie gingivale) tout le maxillairesupérieur (y compris le cavum) pour rajeunir lalèvre. I. Pitanguy a abandonné pratiquement toutesles plastymaplasties pour de simples plicatures.Dans le vieillissement du cou, après que A. Fogli

ait clairement identifié deux vecteurs de plicatureséparés par l’os hyoïde, W. Little expose sa lamel-lar cervicoplasty : abord sous-mental, résectionextensive de la graisse sus- et sous-platysmale (saufau rebord mandibulaire), myotomie complète dupeaucier, résection éventuelle de la glande sous-maxillaire (20 %). T. Martin fit une communicationbrillante notamment sur les liftings isolés du cou aumoyen d’un simple abord toujours à 1 cm en arrièredu sillon sous-mentonnier de façon à toujours libé-rer le « retaining ligament » mandibulaire, autori-sant seulement un bon redrapage de la région ; un« pinch test » en contraction du peaucier lui permetde savoir s’il lui faut réséquer le triangle graisseuxrétroplastymal (qui échappe alors aux doigts lors dela contraction ) ; si les bandes plastysmales sonttrès étendues, la myotomie sera complète, maistoujours sous le cartilage cricoïde (moins de saigne-

Annales de chirurgie plastique esthétique 49 (2004) 74–76

www.elsevier.com/locate/annpla

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ment et d’irrégularités) ; il rappelle que la glandesous-maxillaire n’est par « ptosée », mais simple-ment hypertrophiée, et qu’une résection minimedu pôle antérieur (20 %) suffit à régler le problème ;s’il prévoit de réséquer plus de 2 cm de peau enarrière de l’oreille, sa cicatrice sera précapillairetrès étendue.Pour le rajeunissement du frontal, N. Isse prati-

que des incisions de myotomie verticales médianesde l’orbiculaire et du frontal en regard des rides dulion. T. Martin fait bien la différence entre relève-ment sourciller (avec interposition de la graisserétroseptale dans la tranchée de résection de l’or-biculaire) et l’abaissement de la ligne cheveluefrontale dans les fronts hauts pour ramener lessourcils à l’union des tiers supérieurs : voie coro-nale avec décollement postérieur jusqu’à l’occiputcombiné aux gestes habituels sur la zone frontale.Quant à B. Guyuron, des tests à la toxine botuliquesur les quatre trigger zones de la migraine trigémi-née (glabelle, tempe, septum et occiput) l’autori-sent en cas de succès à proposer des interventionsplutôt délabrantes par rapport à la simple poursuitedes injections... Bien déblayé par la revue anato-mique de B. Mendelson (2 couches de graisse encroissant horizontal, le soof et la graisse prépé-riostée), le rajeunissement du 1/3 moyen fut confiéà un panel international où, le RARE de T. Besins(ex. USSAF devenu Reversal And RepositionningEffect) et ses secteurs verticaux affrontèrent di-gnement le lifting prépériosté de N. Nisse et lesous-périosté d’O. Ramirez qui insista sur le faitque les suspensions (boule de Bichat, soof et modio-lus) se croisent en regard du « zygo maxillairepoint » correspondant au sommet de l’éminencemalaire.Les sessions hypertrophie mammaire, plastie ab-

dominale ou liposuccion relevaient davantage demises au point que d’apports véritablement nou-veaux, mais nous n’avons pu les couvrir toutes.Ce trop bref aperçu picoré parmi les quelques

800 papiers acceptés — je laisse à une plume pluscompétente le soin de rapporter les impressionsrelatives à la chirurgie réparatrice — reste à sepréoccuper de l’avenir d’une telle réunion. Plus de3000 participants étaient attendus, moins de lamoitié sont venus... La guerre au Moyen-Orient, lesrisques d’attentat, le SRAS sont des explications unpeu trop commodes... Comment supporter pendantcinq jours d’affilées de voir de magnifiques amphi-théâtres dégarnis aux 4/5... L’IPRAS a-t-elle encoreles moyens de s’offrir une telle danseuse ?... Oui,cette réunion est l’olympiade de la chirurgie plas-tique, mais les jeux olympiques eux-mêmes ont eula sagesse de se scinder en deux... Comment ne pasconstater que les deux populations, certes issues

d’un tronc commun qui reste le garant de la qualitéde leur formation (la chirurgie réparatrice), finis-sent par se côtoyer sans plus se mélanger... Mêmesi l’analyse rendra amer ceux qui continuent àdéfendre, même devant l’évidence l’indispensabi-lité de tels rassemblements, leur caractère dispen-dieux et rigide n’a peut-être pas l’avenir qu’uneunité de façade prétend préserver. Loin de notrepensée l’idée de tourner le dos à cette structura-tion exceptionnelle et incontournable qui concourtà notre formation et que nous contribuons aussi àconforter par l’exigence de l’aspect final (quiaujourd’hui fait partie de l’analyse d’une techni-que réparatrice) : le patient ne veut plus êtreseulement guéri dans sa chair, mais aussi dansl’âme que reflète son apparence... Si chirurgiens,esthéticiens et réparateurs se doivent de resterunis, l’extension exponentielle des techniques etdes créneaux de plus en plus spécialisés occupéspar des compétences de plus en plus focaliséesaboutissent à un éclatement inéducable de la spé-cialité, et ce phénomène n’est pas propre à lachirurgie plastique. Pourquoi dès lors ne pas imagi-ner que l’IPRAS puisse organiser chaque deux an-nées en alternance une réunion à thème esthétiqueet une autre réparatrice ? Ces réunions pourraientêtre avantageusement complétées par des panelsconsacrés à l’autre versant de la spécialité, sortesde super mises au point sur les avancées majeuresengendrées par les quatre années écoulées par lesténors consacrés de chacune des parties. Bien en-tendu, ces panels viendraient clôturer chaque jour-née afin de ne pas entrer en concurrence avec lesautres thèmes, évitant cette permanente frustra-tion qu’est celle de tous les participants à cesgrand-messes, tout en harmonisant la répartitionde sujets : moins de salles en fonction, pas degrands amphis systématiquement attribués à l’es-thétique tandis que la réparatrice se voit confinéedans les salles les moins prestigieuses, programmesplus concentrés et moins coûteux, audience plusforte, sélection des papiers plus sévère et non plusdestinée à ratisser le plus large possible... Commej’aurais aimé revenir de Sydney en sachant plus surla reconstruction mammaire actualisée, le traite-ment des grands brûlés, la distraction, la recons-truction microchirurgicale de la face, les nouveauxlambeaux, la cicatrisation dirigée sous dépressionatmosphérique, les progrès pharmacologiques liés ànotre spécialité, etc., thèmes que ma pratique m’afait côtoyer avec bonheur et dont les circonstanceset les choix m’ont éloigné et m’éloignent toujoursdavantage...Berlin accueillera l’épisode 2007 de l’IPRAS.

Chant du cygne ? Ces quatre années vont très vites’écouler. De grandes décisions pourraient être pri-

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ses d’ici là... mais sans les français puisque l’orga-nigramme de l’IPRAS (qui, depuis la présidencejusqu’aux comités les moins influents, comporteenviron 53 membres) ne comporte aucun représen-tant français... Après L’ISAPS (cf.), le tarissementde notre audience officielle continue et nous sentirtous concernés car c’est la génération suivante quien pâtira...

B. Môle15, avenue de Tourville, 75007 Paris, France

Adresse e-mail : [email protected](B. Môle).

doi: 10.1016/S0294-1260(03)00160-2

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