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Assemblée nationale XIII e législature Session ordinaire de 2011-2012 Compte rendu intégral Troisième séance du mardi 15 novembre 2011 PLF 2012 Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour présenter l’amendement n° 622. Mme Christiane Taubira . Cet amendement a pour but de créer un cadre juridique pour une redevance régionale sur les activités pétrolières. Depuis 2001, des permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures ont été attribués, notamment à un consortium multinational, pour forer dans les eaux de la zone économique exclusive de la Guyane. Le code minier prévoit le paiement, par les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, d’une redevance progressive mais précise qu’elle ne s’applique pas aux gisements en mer. Or, depuis l’abandon des forages au large de l’Aquitaine, seules désormais les zones côtières des outre-mers recèlent des potentialités en matière d’hydrocarbures. J’ai bien conscience de me livrer ici à un exercice quasi- sacerdotal… M. Charles de Courson . Et la laïcité ? (Sourires.) Mme Christiane Taubira . …car cela fait bien une dizaine de fois que je présente cet amendement. M. Gilles Carrez , rapporteur général. Je le confirme ! Mme Christiane Taubira . J’ai eu recours à toutes sortes de véhicules législatifs : la loi de modernisation de l’économie, la loi TEPA, les lois de finances, les collectifs budgétaires, la loi d’orientation pour l’outre-mer, le budget de l’outre-mer, la loi

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Assemblée nationale

XIIIe législatureSession ordinaire de 2011-2012

Compte renduintégral

Troisième séance du mardi 15 novembre 2011

PLF 2012

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour présenter l’amendement n° 622.

Mme   Christiane Taubira . Cet amendement a pour but de créer un cadre juridique pour une redevance régionale sur les activités pétrolières.

Depuis 2001, des permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures ont été attribués, notamment à un consortium multinational, pour forer dans les eaux de la zone économique exclusive de la Guyane.

Le code minier prévoit le paiement, par les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, d’une redevance progressive mais précise qu’elle ne s’applique pas aux gisements en mer. Or, depuis l’abandon des forages au large de l’Aquitaine, seules désormais les zones côtières des outre-mers recèlent des potentialités en matière d’hydrocarbures.

J’ai bien conscience de me livrer ici à un exercice quasi-sacerdotal…

M.   Charles de Courson . Et la laïcité ? (Sourires.)

Mme   Christiane Taubira . …car cela fait bien une dizaine de fois que je présente cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le confirme !

Mme   Christiane Taubira . J’ai eu recours à toutes sortes de véhicules législatifs : la loi de modernisation de l’économie, la loi TEPA, les lois de finances, les collectifs budgétaires, la loi d’orientation pour l’outre-mer, le budget de l’outre-mer, la loi sur les hydrocarbures non conventionnels. À chaque fois, on m’a opposé une fin de non-recevoir.

Or les forages ont été plutôt concluants : un permis d’exploitation sera très vraisemblablement accordé prochainement.

Jusqu’à présent, on tirait surtout argument de la poursuite de la phase d’exploration ; désormais, on m’oppose que le code minier est en cours de révision. Je vous demande donc, madame la ministre, où en est ce processus. Peut-on continuer à différer la création d’un cadre juridique – il ne s’agit, à ce stade, ni de créer la taxe, ni d’en arrêter l’assiette ni d’en fixer le taux ?

J’aimerais savoir quel accueil le Gouvernement réserve à cet amendement. Nous allons bientôt arriver au stade où les industriels eux-mêmes vont réclamer l’instauration d’une redevance : visant une production de 100 000 barils par jour, ils reconnaissent la nécessité d’apporter leur contribution aux ressources propres des communes ou de la région. Cette semaine encore, le PDG de Shell, compagnie bénéficiaire de ces permis, a annoncé deux nouvelles campagnes sismiques et un ou deux nouveaux forages. Le consortium avance mais, manifestement la loi piétine encore dans la création du cadre juridique nécessaire pour établir cette redevance.

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Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Je confirme les propos de Mme Taubira : cela fait plusieurs années qu’elle défend cet amendement. Jusqu’à présent, on lui avait opposé l’argument de l’exploration ; aujourd’hui, il est temps de mettre en place ce cadre juridique. Cela dit, je suis incapable de porter un jugement sur le contenu de l’amendement lui-même.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si vous avez encore la patience d’attendre, madame Taubira, je vous proposerai de revenir vers vous dans le cadre du collectif pour éviter le risque de retenir un régime qui ne soit pas adapté. Je prendrai attache avec le ministère de l’intérieur afin qu’il adopte une position plus ouverte. La prospection a beaucoup évolué en Guyane : il faut trancher maintenant !

J’aimerais toutefois que nous ayons un temps de concertation et de consultation avec les élus en vue de la rédaction d’un nouvel amendement. Je vous demande donc, madame, de bien vouloir retirer le vôtre aujourd’hui.

Mme la présidente. Vous avez la parole, madame Taubira.

Mme   Christiane Taubira . Madame la ministre, même si vous n’êtes pas en cause personnellement je vous rappelle que gouverner c’est prévoir.

Durant une dizaine d’années, il m’a été constamment opposé que, la phase d’exploration étant en cours, il n’était pas nécessaire de créer un cadre juridique qui ne trouverait pas à s’appliquer si l’on ne découvrait pas de pétrole – j’aurais préféré qu’il en fût ainsi mais on en a bien découvert... Aujourd’hui, je n’entends plus cet argument et je vous en sais gré.

Monsieur le rapporteur général, cet amendement a été examiné par la commission des finances. J’aurais préféré vous entendre davantage appuyer ma démarche que d’être confrontée au silence de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mon appui est réel et il est proportionnel à votre ténacité !

Mme   Christiane Taubira . Merci, monsieur le rapporteur général, pour cet encouragement que je prendrai à la lettre !

Je me demande simplement pourquoi seul le ministre de l’intérieur interviendrait et pas le ministre de l’industrie.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous avez raison, les deux seront consultés !

Mme   Christiane Taubira . Ce n’est pas pour le plaisir de chicaner, madame la ministre.

Il faut savoir aussi que, parmi les arguments qui m’ont été opposés, il m’a été indiqué qu’il s’agissait des eaux internationales.

M.   Yves Censi . C’est la zone économique exclusive !

Mme   Christiane Taubira . Lors de l’examen de la proposition de loi de M. Chanteguet sur les hydrocarbures non conventionnels, j’ai eu l’occasion de souligner que les fonds sous-marins relevaient de l’autorité de l’État même si la circulation en surface relève de la législation internationale.

Pour finir, je rappellerai qu’un cadre fiscal a été créé en 1999 pour Saint-Pierre-et-Miquelon : il ne sert pas parce qu’il n’y a pas encore de pétrole. En Guyane, il y a du pétrole mais pas encore de cadre juridique. Il serait temps d’agir.

Cela dit, au bénéfice des engagements de Mme la ministre, je retire l’amendement.

(L’amendement n° 622 est retiré.)