Les milices chiites

Résumé Principales milices chiites en Irak. Relations avec les autorités nationales et étrangères : gouvernement central irakien, autorités kurdes irakiennes, Iran, États-Unis. Exactions et violations des droits de l’homme attribuées aux milices chiites : dans les localités sunnites reprises à l’État islamique, à Bagdad et dans d’autres régions sous l’autorité du gouvernement central; recrutement d’enfants-soldats.

Abstract Main Shiite militias in Iraq. Relations with national and foreign authorities: the Iraqi central government, Iraqi Kurdish authorities, Iran, the USA. Abuses and violations of human rights ascribed to Shiite militias: in Sunni areas reconquered from the Islamic state, in Baghdad and other government-controlled regions; recruitment of child soldiers.

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IRAK

15 avril 2016

Fiche thématique

Irak – Les milices chiites

Sommaire

1. Les milices chiites jusqu’en 2014 ................................................................... 3

2. Les « Unités de mobilisation populaire » (« Hachd al-Chaabi ») depuis 2014 ........................................................................................................................... 4

3. Principales milices .......................................................................................... 5

3.1. Asaïb Ahl al-Haq (AAH, « Ligue des vertueux ») ............................................... 5

3.2. Organisation Badr (Brigades Badr) ................................................................. 6

3.3. Kataeb Hezbollah (« Phalanges du Hezbollah ») ............................................... 7

3.4. Armée du Mahdi et Saraya al-Salam (« Compagnies de la paix ») ...................... 7

3.7. Autres milices chiites .................................................................................... 8

3.7.1. Harakat Hezbollah al-Nujaba .................................................................... 8

3.7.2. Kata’ib al-Imam Ali ................................................................................. 8

3.7.3. Brigade Abu Fadhl Al-Abbas ..................................................................... 9

3.7.4. Saraya Tali'a Al Khurasani ....................................................................... 9

3.7.5. Brigades Ashura ..................................................................................... 9

4. Relations avec les autorités nationales et étrangères ..................................... 9

4.1. Gouvernement central irakien ........................................................................ 9

4.2. Autorités kurdes irakiennes ..........................................................................10

4.3. Relations avec l’Iran ....................................................................................11

4.4. Relations avec les Etats-Unis ........................................................................11

5. Exactions et violations des droits de l’homme attribuées aux milices chiites 12

5.1. Exactions dans les localités sunnites reprises à l’Etat islamique .........................12

5.2. Exactions à Bagdad et dans d’autres régions sous l’autorité du gouvernement central..............................................................................................................12

5.3. Recrutement d’enfants-soldats ......................................................................13

Bibliographie .................................................................................................... 14

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Irak – Les milices chiites

1. Les milices chiites jusqu’en 2014

L’Irak, pays très majoritairement musulman (97% de la population), compte 60 à 65 % de musulmans chiites et 32 à 37% de musulmans sunnites1. Avec les villes saintes de Karbala, Najaf et Samarra, ce pays est un centre spirituel de l’islam chiite ; la plus grande partie de la population, principalement dans le sud, s’est convertie au chiisme pendant la période ottomane. Les chiites ont longtemps fait figure de communauté défavorisée et écartée du pouvoir. Sous la dictature de Saddam Hussein et du parti Baas (1969-2003), le conflit opposant l’Irak à l’Iran chiite, de 1980 à 1988, entraîne une polarisation de la société irakienne et des persécutions contre l’opposition chiite irakienne perçue comme pro-iranienne ; un mouvement armé chiite irakien en exil, la Brigade Badr, se constitue aux côtés de l’armée iranienne (voir 3.2). En 1991, la défaite irakienne lors de la guerre du Golfe, face à une coalition menée par les Etats-Unis, entraîne un soulèvement violemment réprimé des populations chiites du Sud2.

En avril 2003, le régime de Saddam Hussein est renversé par une nouvelle coalition internationale conduite par les Etats-Unis. Des mouvements politiques chiites s’appuyant sur des milices armées se constituent dans le Sud et dans l’agglomération de Bagdad, le groupe le plus important étant l’Armée du Mahdi (voir 3.4.). Jusqu’en 2008, ces groupes se battent à la fois contre les insurgés sunnites, contre les occupants américains et britanniques et parfois contre les nouvelles autorités irakiennes, des affrontements ponctuels opposant aussi les milices entre elles, notamment les deux plus importantes, l’Armée du Mahdi et la Brigade Badr. En 2008-2009, ces milices acceptent leur désarmement en échange de leur intégration dans le jeu politique3.

Après le retrait américain en 2011, les milices chiites, Asaïb Ahl al-Haq, Brigades Badr et groupes issus de l’Armée du Mahdi (voir 3. pour l’historique des différentes milices) conservent une activité réduite, infiltrant les forces de sécurité et les administrations locales dans les provinces du Sud, pratiquant la violence et l’intimidation de manière sporadique contre leurs rivaux politiques4. La prépondérance des partis chiites (et, dans le nord du pays, des partis kurdes) dans le gouvernement et l’administration provoque le mécontentement des Arabes sunnites qui s’estiment discriminés. A partir du début de 2014, un soulèvement des sunnites se répand dans l’ouest du pays. Le 10 juin 2014, une coalition dominée par l’Etat islamique en Irak et au Levant (Etat islamique, EI, Daesh), mouvement djihadiste sunnite violemment hostile aux chiites, s’empare de Mossoul, la deuxième ville du pays, et menace de marcher sur Bagdad ; l’armée régulière irakienne, désorganisée, ne semble pas en mesure de s’y opposer5.

1 United States Library of Congress, Country Profile: Iraq, August 2006, 08/2006. Ministère des Affaires étrangères et du développement international, Dossier pays – Irak, mis à jour le 24/06/2015. Central Intelligence Agency (CIA, Etats-Unis), The World Factbook – Iraq, mis à jour le 20/01/2016. 2 United States Library of Congress, Country Profile: Iraq, August 2006, 08/2006. LUIZARD Pierre-Jean, La communauté chiite, première victime de l’implosion de la société irakienne, Hérodote, 2007. EMMERY Pierre, Le conflit sunnite-chiite au Moyen-Orient, une rivalité millénaire ? Première partie, Les Clés du Moyen-Orient, 12/02/2016. Id., Le conflit sunnite-chiite au Moyen-Orient, une rivalité millénaire ? Deuxième partie, Les Clés du Moyen-Orient, 15/02/2016. WING Joel, “When The U.S. Helped Start A Rebellion In Iraq That It Didn’t Want”, Musings on Iraq, 21/03/2016. 3 International Crisis Group (ICG), Iraq's Muqtada Al-Sadr: Spoiler or Stabiliser? 11/07/2006. United States Library of Congress, Country Profile: Iraq, August 2006, 08/2006. LUIZARD Pierre-Jean, La communauté chiite, première victime de l’implosion de la société irakienne, Hérodote, 2007. International Crisis Group (ICG), Shiite Politics in Iraq: The Role of the Supreme Council, 15/11/2007. RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. 4 IRIN, Pourquoi l’Irak est-il toujours aussi dangereux ? 06/08/2012. WYER Sam, The Resurgence of Asa'ib Ahl al-Haq, Institute for the Study of War (ISW), 01/12/2012. 5 DENIS Corentin, Les sunnites d’Irak, au cœur des crises depuis 2003 : l’analyse par les cartes, Les Clés du Moyen-Orient, 29/12/2014. BENRAAD Myriam, Irak, La revanche de l'histoire - De l'occupation étrangère à l'Etat islamique, Vendémiaire, 01/02/2015, 285 p. Congressional Research Service (Etats-Unis), Iraq : Politics and Governance, 16/09/2015, 42 p.

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2. Les « Unités de mobilisation populaire » (« Hachd al-Chaabi ») depuis 2014

Le 13 juin 2014, le grand ayatollah Ali al-Sistani, chef du clergé chiite (« marjayya ») à Najaf et personnalité la plus respectée au sein de la communauté chiite, lance une fatwa (prescription religieuse) appelant à combattre l’Etat islamique. 100 000 à 120 000 volontaires rejoignent les milices chiites préexistantes ou formées pour la circonstance6. Leur effectif dépasse alors largement celui de l’armée régulière, estimé à 48 000 hommes7. Le Premier ministre Haïder al-Abadi leur confère un statut officiel (voir 4.1.) à travers un Comité de mobilisation populaire (ou « Direction de la mobilisation populaire », « hay’at al-hashd al-shaabi » ou « Hachd al-Chaabi » en arabe). Le secrétaire général des Unités de mobilisation populaire (UMP, « Popular Mobilization Units », PMU, en anglais) est Jamal Jaafar Mohammad (alias Jamal al-Ibrahimi, plus connu sous le pseudonyme d’Abu Mahdi al-Mohandis/al-Muhandis), un ancien chef des Brigades Badr (voir 4.2.)8, par ailleurs poursuivi pour d’anciennes activités terroristes par la justice koweïtienne et américaine9.

Selon des sources locales consultées par la fondation Carnegie, les Unités de mobilisation populaire bénéficient d’un soutien populaire massif dans la communauté chiite. Dans les provinces du Sud, les hommes de 18 à 30 ans se seraient inscrits en masse sur les listes d’enrôlement. Il n’y a pas de conscription, mais le volontariat passe par des circuits variés : partis politiques et groupes armés chiites qui préexistaient à la crise de 2014, campagnes de recrutement conduites par des fondations religieuses chiites, des prédicateurs ou des dirigeants officiels. La propagande utilise différents supports, affiches, vidéos, chants, faisant largement appel à la thématique religieuse chiite10. L’enrôlement dans les Unités de mobilisation populaire est plus attractif que dans l’armée régulière du fait de la meilleure solde et du prestige supérieur des milices11.

Le gouvernement encourage les volontaires à s’engager dans les structures officielles dépendant du Comité de mobilisation populaire plutôt que dans les groupes indépendants12. Le recrutement des Unités de mobilisation populaire est beaucoup plus facile que celui de l’armée régulière : cette dernière, qui avait prévu d’enrôler 23 000 hommes dans la première moitié de 2015, n’a pu en trouver que 9 00013. L’approvisionnement des milices en armes et en matériel serait aussi beaucoup plus

6 Congressional Research Service (Etats-Unis), Iraq : Politics and Governance, 16/09/2015. SALLON Hélène, « En Irak, les milices chiites, fer de lance du gouvernement », Le Monde, 03/03/2015. MANSOUR Renad, From Militia to State Force: the Transformation of al-Hashd al-Shaabi, Carnegie Endowment For International Peace, 16/11/2015. 7 Radio Free Europe/Radio Liberty, “As IS Encroaches On Ramadi Center, Iraq Set To Deploy Shi'ite Militia To Anbar”, 30/04/2015. 8 Global Security, Hashd al-Shaabi / Hashd Shaabi / Popular Mobilisation Units / People’s Mobilization Forces, mis à jour le 03/01/2016. 9 New Arab, “Fugitive from international justice now militia leader in Iraq”, 04/01/2015. 10 MANSOUR Renad, The Popularity of the Hashd in Iraq, Carnegie Endowment For International Peace, 01/02/2016. Voir quelques exemples d’imagerie des milices dans MANTOUX Stéphane, « Un groupe plus que ‘spécial’ ? Asaib Ahl al-Haq en Irak et en Syrie », Historicoblog, 23/09/2014. Id., « Saraya al Khorasani : les brigades du Khorassan en Irak », Historicoblog, 07/02/2015. Id., « Mourir pour Assad 1/Harakat Hezbollah al-Nujaba », Historicoblog, 08/01/2016. Id., « Mourir pour Assad 2/L'organisation Badr en Syrie », 10/02/2016. 11 MANSOUR Renad, Your Country Needs You: Iraq’s Faltering Military Recruitment Campaign, Carnegie Endowment for International Peace, 22/07/2015. 12 MANSOUR Renad, The Popularity of the Hashd in Iraq, Carnegie Endowment For International Peace, 01/02/2016. 13 MANSOUR Renad, The Popularity of the Hashd in Iraq, Carnegie Endowment For International Peace, 01/02/2016.

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efficace que celui des forces régulières, ce qui s’expliquerait par l’absence de corruption au sein des milices et par l’aide importante de l’Iran (voir 4.3)14.

Les grandes opérations militaires peuvent engager les forces de plusieurs milices, généralement associées à des unités de l’armée régulière. C’est le cas lors de la reprise de Tikrit en mars 201515. En octobre 2015, la bataille de Baiji rassemble des unités d’Asaïb Ahl al-Haq, Kataeb Hezbollah et de l’organisation Badr, plus quelques milices secondaires16. Les milices sont principalement stationnées dans les zones d’affrontements reprises à l’Etat islamique depuis 2014, dans les provinces de Diyala, Salah ad-Din et Al-Anbar17.

En janvier 2015, une source de presse estime l’effectif total des Unités de mobilisation populaire à 70 000 hommes partagés en 42 milices18, une autre les chiffrant entre 60 000 et 90 000 hommes19. Au début de 2016, l’analyste américain Kenneth Katzman les évalue entre 110 000 et 120 000 hommes20. En février 2016, un autre analyste, Michael Knights, estime que leur effectif est descendu à 80 000 hommes, 30 000 environ ayant été rayés des listes en mars 201521. 20 000 environ appartiendraient à l’Organisation Badr, 20 000 à la structure sous le commandement personnel d’Abu Mahdi al-Muhandis, et 40 000 étant sous les ordres directs du Premier ministre Haïder al-Abadi et du ministre de la Défense Khalid al-Obeid22. Leur effectif devrait remonter à 120 000 en 201623.

3. Principales milices

3.1. Asaïb Ahl al-Haq (AAH, « Ligue des vertueux »)

Asaïb Ahl al-Haq (AAH, « Ligue des vertueux », « League of the Righteous » en anglais) est une des milices issues de la mouvance de Moqtada al-Sadr (voir 3.4.). Mise en sommeil en 2008 à la suite des accords conclus entre le mouvement sadriste et le gouvernement de Nour al-Maliki, elle se reconstitue à partir de 2011 comme groupe de soutien à la politique du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki (au pouvoir de 2006 à 2014) et joue un rôle actif dans la répression de l’opposition sunnite24.

AAH est commandée depuis l’origine par Qais Khazali (Qais al Khazali)25. Celui-ci et d’autres chefs d’AAH, qui avaient été capturés par les forces de la coalition, sont libérés en 2009-2010 en échange de la libération d’un otage britannique et d’une réconciliation

14 RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. 15 IRIS, Conflits en Irak/Syrie : où en est-on des forces en présence ? Le point de vue de Karim Pakzad, 10/03/2015. 16 ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Army, Shiite militias report success in Baiji, The Long War Journal, 19/10/2015. 17 Voir carte : Institute for the Study of War, Iraq Control of Terrain Map: November 25, 2015, 25/11/2015. 18 New Arab, “Fugitive from international justice now militia leader in Iraq”, 04/01/2015. 19 SALLON Hélène, « En Irak, les milices chiites, fer de lance du gouvernement », Le Monde, 03/03/2015. 20 Congressional Research Service, Iraq: Politics and Governance, 09/03/2016, p. 17. 21 KNIGHTS Michael, “Iraq's popular demobilization”, Al Jazeera, 26/02/2016. 22 Ibid. 23 Ibid. 24 WYER Sam, The Resurgence of Asa'ib Ahl al-Haq, Institute for the Study of War (ISW), 01/12/2012. 25 WYER Sam, The Resurgence of Asa'ib Ahl al-Haq, Institute for the Study of War (ISW), 01/12/2012. MANTOUX Stéphane, « Un groupe plus que ‘spécial’ ? Asaib Ahl al-Haq en Irak et en Syrie », Historicoblog, 23/09/2014. RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Army, Shiite militias report success in Baiji, The Long War Journal, 19/10/2015.

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avec le gouvernement irakien26. Les autres chefs d’AAH sont, en 2012, Sayyid Mohammed al-Tabatabai, Kazim al-Abadi, Laith al-Khazali, Adnan Faisal al-Dulaimi, Muayad al-Khazraji, Ali Abu Saif al-Mohammedawi, Ahmed Mohsen al-Fareiji, Ammar al-Delphi et Salem al-Maliki27.

Considérée comme proche de l’Iran et particulièrement du Guide suprême Ali Khamenei, cette milice joue un rôle important lors de la reprise de Tikrit sur l’EI en mars 201528. Elle participe aussi aux combats de Baiji (province de Salah ad-Din) en octobre 201529.

3.2. Organisation Badr (Brigades Badr)

L’Organisation Badr (Badr Organization, Badr Corps en anglais, Faylaq Badr, Faylaq Al-Badr en arabe) ou Brigades Badr (Kataeb Al-Badr) porte le nom d’une bataille livrée en 624 par les premiers musulmans, commandés par Mahomet, contre les tribus de La Mecque attachées à leur ancienne religion30. Elle a été formée en Iran pendant la guerre Iran-Irak avec le soutien des Gardiens de la révolution iraniens (« pasdaran »), à partir de prisonniers et déserteurs chiites de l’armée irakienne, pour combattre le régime de Saddam Hussein. A l’origine, elle était considérée comme la branche armée du Conseil suprême islamique en Irak (CSII), un des principaux partis de l’opposition chiite. En 1991, la Brigade Badr tente de rentrer en Irak et participe à l’insurrection manquée contre le régime baasiste, mais se retire peu après31. En février 2003, elle revient en Irak et profite du renversement du régime de Saddam Hussein pour revendiquer un rôle politique dans le nouvel Irak. A partir de 2005, l’Organisation Badr se rallie aux nouvelles institutions irakiennes, dominées par les chiites, et participe à la lutte contre les groupes insurgés sunnites dans les régions de Tall Afar, Mossoul et Bagdad ; par ailleurs, des affrontements l’opposent à l’Armée du Mahdi, mouvement armé chiite rival, dans la région de Bassora32.

Son chef est Hadi al-Amiri, ministre des Transports en 2010, élu député en avril 2014, et qui devient, en juin 2014, une figure de premier plan des Unités de mobilisation populaire33.

Parmi les autres dirigeants de l’Organisation Badr se trouve Mohammed al-Ghabban, ministre de l’Intérieur d’octobre 2014 jusqu’en mars 201634.

L’Organisation Badr joue un rôle de premier plan dans les batailles de 2014 et 2015 et dans la protection des pèlerins chiites, fréquemment ciblés par les attentats. Son effectif est estimé à 20 000 hommes. Elle est particulièrement implantée dans la province de Diyala où son chef, Hadi al-Amiri, reçoit à l’automne 2014 le commandement de toutes les forces de l’armée et de la police dans la région ; elle opère également dans la

26 WYER Sam, The Resurgence of Asa'ib Ahl al-Haq, Institute for the Study of War (ISW), 01/12/2012. ROGGIO Bill, US airstrikes in Amerli supported deadly Shia terror group, The Long War Journal, 02/09/2014. 27 WYER Sam, The Resurgence of Asa'ib Ahl al-Haq, Institute for the Study of War (ISW), 01/12/2012,. 28 RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. 29 ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Army, Shiite militias report success in Baiji, The Long War Journal, 19/10/2015. 30 Encyclopédie Larousse, Badr (Bataille de). 31 International Crisis Group (ICG), The Next Iraqi War? Sectarianism and civil conflict, 27/02/2006. Id., Shiite politics in Iraq: The role of the Supreme Council, 15/11/2007. WING Joel, “When The U.S. Helped Start A Rebellion In Iraq That It Didn’t Want”, Musings on Iraq, 21/03/2016. 32 International Crisis Group (ICG), The Next Iraqi War? Sectarianism and civil conflict, 27/02/2006. Id., Shiite politics in Iraq: The role of the Supreme Council, 15/11/2007. BAUD Jacques, Faylaq Al-Badr, Global Terror Watch, 08/12/2013. 33 Washington Post, “Appointment of Iraq’s new interior minister opens door to militia and Iranian influence”, 18/10/2014. 34 Washington Post, “Appointment of Iraq’s new interior minister opens door to militia and Iranian influence”, 18/10/2014. SALLON Hélène, « L’État islamique multiplie les attaques en Irak », Le Monde, 09/03/2016

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province de Babil, au sud de Bagdad, et dans la banlieue de la capitale35. La province de Diyala est toujours présentée, en février 2016, comme un « fief » de l’Organisation Badr36. C’est également une de celles où ont été enregistrées le plus d’exactions du fait des milices chiites (voir 4.)37.

3.3. Kataeb Hezbollah (« Phalanges du Hezbollah »)

Les Kataeb Hezbollah (« phalanges du Hezbollah » ou « phalanges du parti de Dieu38 »), créées en octobre 2003, ont participé activement à la lutte contre les forces américaines jusqu’en 2008, faisant usage de moyens techniques importants et notamment de missiles39. Elles ont la particularité d’être aujourd’hui une milice alliée des Etats-Unis tout en figurant sur la liste des organisations terroristes du Département d’Etat américain40. Elles seraient dirigées par Jamal al-Ibrahimi (alias Abu Mahdi al-Mohandis), par ailleurs vice-président des Unités de mobilisation populaire41. Cette organisation est particulièrement mal connue et les estimations de son effectif vont de 40042 à 30 000 hommes43, ce dernier chiffre pouvant correspondre à la coalition de milices dirigée par Abu Mahdi al-Mohandis (voir 2.)44. Son chef opérationnel serait Jasim al-Saidi45.

3.4. Armée du Mahdi et Saraya al-Salam (« Compagnies de la paix »)

L’Armée du Mahdi (« Jaïch al-Mahdi ») doit son nom à l’imam Muhammad al-Mahdi, figure légendaire de la tradition chiite qui réapparaîtra à la fin des temps46. Elle se crée en 2003 dans le sud du pays et dans les quartiers chiites de Bagdad pour s’opposer aux autorités provisoires irakiennes mises en place par la coalition occidentale47. Son chef historique est le prédicateur populaire Moqtada al-Sadr (Moqtada Sadr, Muqtada Al Sadr), neveu et fils de deux personnalités religieuses chiites tuées par le régime de Saddam Hussein en 1981 et 1999. Entre 2004 et 2008, des affrontements opposent à plusieurs reprises, les miliciens sadristes aux forces américaines et à celles du gouvernement irakien pro-américain ainsi qu’aux milices chiites rivales comme l’Organisation Badr. En 2008, Moqtada al-Sadr accepte de désarmer ses partisans en échange d’une intégration dans la politique légale48. Le mouvement sadriste se

35 GEORGE Susan, Breaking Badr, Foreign Policy, 06/11/2014. 36 KNIGHTS Michael, “Iraq's popular demobilization”, Al Jazeera, 26/02/2016. 37 Washington Post, “Appointment of Iraq’s new interior minister opens door to militia and Iranian influence”, 18/10/2014. Human Rights Watch (HRW), After liberation came destruction – Iraqi Militias and the Aftermath of Amerli, 01/03/2015, 46 p. Amnesty International, Les populations sunnites sous la menace des milices chiites, 09/02/2016. 38 Connues sous différentes graphies : Kata’ib Hizballah (KH), Hizballah Brigades, Hizballah Brigades in Iraq, Hizballah Brigades-Iraq, Hizballah Brigades-Iraq of the Islamic Resistance in Iraq, Islamic Resistance in Iraq, Kata’ib Hezbollah, Kata’ib Hizballah Fi al-Iraq, Katibat Abu Fathel al-A’abas, Katibat Zayd Ebin Ali, Katibut Karbalah, Khata’ib Hezbollah, Khata’ib Hizballah, Khattab Hezballa. Voir Département d’Etat des Etats-Unis, Country Reports on Terrorism 2014 - Foreign Terrorist Organizations, 19/05/2015. 39 BAUD Jacques, Phalanges du Hezbollah, Global Terror Watch, 07/03/2014. 40 BAUD Jacques, Phalanges du Hezbollah, Global Terror Watch, 07/03/2014. Département d’Etat des Etats-Unis, Country Reports on Terrorism 2014 - Foreign Terrorist Organizations, 19/05/2015. 41 RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. 42 Département d’Etat des Etats-Unis, Country Reports on Terrorism 2014 - Foreign Terrorist Organizations, 19/05/2015. 43 Washington Post, “The U.S. and Iran are aligned in Iraq against the Islamic State — for now”, 27/12/2014. 44 KNIGHTS Michael, “Iraq's popular demobilization”, Al Jazeera, 26/02/2016. 45 Washington Post, “The U.S. and Iran are aligned in Iraq against the Islamic State — for now”, 27/12/2014. 46 Encyclopédie Larousse, Muhammad al-Mahdi. 47 HARLING Peter et NASSER Hamid Yasin, « La mouvance sadriste : lutte des classes, millénarisme et fitna », in MERVIN Sabrina (dir.), Les Mondes chiites et l'Iran, Karthala, 2007, p. 273 à 278. 48 International Crisis Group (ICG), Iraq's Muqtada Al-Sadr: Spoiler or Stabiliser? 11/07/2006. Radio Free Europe/Radio Liberty, “Iraqi Shi'ite leader orders no attacks on U.S. troops ahead of pullout”, 11/09/2011. BAUD Jacques, Jaïsh al-Mahdi, Global Terror Watch, 28/01/2014.

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transforme en un réseau civil d’aide sociale et professionnelle sous le nom de « Mumahidoon » (« Ceux qui pavent le chemin »)49.

En juin 2014, le mouvement sadriste recrée une milice armée intégrée aux Unités de mobilisation populaire sous le nom de « Compagnies de la paix » (« Saraya al-Salam » ou « Sarāyā al-Salām » en arabe, encore appelées « Brigades de la paix », « Salaam Brigade », etc.) ; au début de 2016, l’effectif de cette force est estimé à 15 000 hommes50.

3.7. Autres milices chiites

3.7.1. Harakat Hezbollah al-Nujaba

Harakat Hezbollah al-Nujaba (HHN, « Mouvement des nobles de Dieu »), souvent appelé « Harakat al-Nujaba », est une milice créé en 2013 comme une « émanation » d’Asaïb Ahl al-Haq ; elle est destinée, avec d’autres groupes chiites irakiens, à combattre pour la défense des lieux saints chiites en Syrie ; elle se compose de trois brigades, « Liwa Ammar ibn Yasser », « Liwa Imam al-Hassan al-Mujata » et « Liwa Hamd »51. De recrutement surtout irakien, cette milice comprend aussi des volontaires venus de Bahreïn et du Koweït52. Elle revient en Irak en 2014 pour combattre l’Etat islamique et participe, avec d’autres milices, aux combats de Baiji en octobre 201553. En janvier 2016, elle retourne en Syrie pour combattre, aux côtés des forces du régime syrien, les groupes djihadistes sunnites Etat islamique et Front al-Nosra54. Elle est dirigée par Akram al Kaabi55. Celui-ci, en novembre 2015, déclare publiquement son allégeance au Guide suprême iranien Ali Khamenei et se dit prêt à renverser le gouvernement irakien si une « autorité religieuse » le lui ordonnait56.

3.7.2. Kata’ib al-Imam Ali

La milice Kata’ib al-Imam Ali (Phalanges ou Brigades de l’Imam Ali) est formée en juin 2014 comme la branche armée du parti chiite « Harakat al-Iraq al-Islamiyah » (Mouvement pour un Irak islamique). Son secrétaire général, Shebl al-Zaidi, est un ancien cadre de l’Armée du Mahdi (voir 3.4.) et semble en relations étroites avec Abu Mahdi al-Muhandis, chef des Unités de mobilisation populaire ; Kata’ib al-Imam Ali aurait contribué à la formation d’autres milices chiites comme la Brigade Abu Fadl al-Abbas (« Liwa Abu Fadl al-Abbas ») en Syrie et les Kataeb Hezbollah en Irak57. Elle est parfois présentée comme une branche d’Asaïb Ahl al-Haq58.

49 Congressional Research Service, Iraq: Politics and Governance, 09/03/2016, “Sadrist militias”, p. 17-18. 50 Le Monde, « A Bagdad, démonstration de force des chiites », 21/06/2014. Congressional Research Service, Iraq: Politics and Governance, 09/03/2016, “Sadrist militias”, p. 17-18. 51 ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Army, Shiite militias report success in Baiji, The Long War Journal, 19/10/2015. 52 RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. 53 ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Army, Shiite militias report success in Baiji, The Long War Journal, 19/10/2015. 54 Al-Monitor, “Who is sending Iraqi fighters to Syria?” 04/01/2016. MANTOUX Stéphane, « Mourir pour Assad 1/Harakat Hezbollah al-Nujaba », Historicoblog, 08/01/2016. 55 ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Army, Shiite militias report success in Baiji, The Long War Journal, 19/10/2015. Al-Monitor, “Who is sending Iraqi fighters to Syria?” 04/01/2016. 56 ROGGIO Bill et WEISS Caleb, Iraqi Shiite militia leader says he would overthrow government if ordered by Iran’s supreme leader, The Long War Journal, 12/11/2015. 57 LEVITT Matthew Levitt et SMYTH Phillip, Kataib al-Imam Ali: Portrait of an Iraqi Shiite Militant Group Fighting ISIS, The Washington Institute, 05/01/2015. France 24, « Les miliciens chiites de l’imam Ali, combattants cruels et habiles communicants », 05/06/2015. 58 MANTOUX Stéphane, « Un groupe plus que ‘spécial’ ? Asaib Ahl al-Haq en Irak et en Syrie », Historicoblog, 23/09/2014.

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3.7.3. Brigade Abu Fadhl Al-Abbas

La Brigade Abu Fadhl Al-Abbas (« Liwa Abu Fadl al-Abbas »)59 aurait été formée en Iran en 2012 en vue de combattre dans la guerre civile syrienne pour la défense du mausolée de Zeynab, lieu saint chiite à Damas ; à partir d’avril 2013, elle participe à des opérations militaires en Syrie. A partir de mars 2014, elle retourne en Irak ; en juin et juillet 2014, elle est engagée contre l’Etat isklamique à Bagdad, Samarra et Jurf al-Sakhr ; elle prend alors le nom d’Abu Fadhl Al-Abbas Tashkil al-Iraq pour marquer son enracinement irakien60. Son activité reste partagée entre l’Irak et la Syrie61.

3.7.4. Saraya Tali'a Al Khurasani

Saraya Tali'a Al Khurasani ou Saraya Tali'a Al Khurasani (« Force obéissant au Seyyid du Khorassan », nom qui désignerait le Guide suprême iranien Ali Khamenei), formée en 2013 en Syrie pour défendre les lieux saints chiites, bénéficie d’un important soutien de l’Iran ; comme la précédente, elle revient en Irak pendant l’été 2014 pour combattre l’Etat islamique. Son chef actuel est Ali al-Yaseri/al-Yasiri62. Son effectif est estimé à 3 000 hommes en 201563.

3.7.5. Brigades Ashura

Les Brigades Ashura (« Saraya Ashura » en arabe), créées en 2014, dépendent du Conseil suprême islamique, un des principaux partis politiques chiites64.

4. Relations avec les autorités nationales et étrangères

4.1. Gouvernement central irakien

Le gouvernement irakien, après avoir encouragé la formation ou le développement des milices pendant l’été 2014, a plusieurs fois fait appel à leur soutien dans toutes les grandes opérations militaires. Selon l’analyste Renad Mansour, les milices sont devenues une partie de l’appareil d’Etat sans renoncer à leur autonomie ni à leurs liens avec l’Iran. Le Premier ministre Haïdar al-Abadi a rendu hommage à plusieurs reprises à l’action des milices et, en septembre 2015, les a présentées comme partie intégrante de l’armée irakienne65. Il s’efforce de placer les milices sous son contrôle personnel, notamment à travers leur budget66. Un des chefs de la Brigade Badr, Mohammed Salem al-Ghabban, est ministre de l’Intérieur depuis octobre 201467.

Le ministre de la Défense Khalid al-Obeidi s’efforce, depuis 2015, de créer une structure de milice associée aux Unités de mobilisation populaire mais recrutées dans la

59 Aussi noté Abu Fadl, Abu Fadel, etc. 60 WING Joel, “Abu Fadhl Al-Abbas Brigade From Fighting In Syria To Iraq”, 24/12/2014. 61 SMYTH Phillip, Iraqi Shiite Foreign Fighters on the Rise Again in Syria, 29/05/2015. 62 Al-Monitor, “Iran's new group in Iraq: Saraya al-Khorasani”, 11/01/2015. MANTOUX Stéphane, « Saraya al Khorasani : les brigades du Khorassan en Irak », Historicoblog, 07/02/2015. 63 RODIER Alain, Irak-Iran, les milices chiites, Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), 01/06/2015. 64 CORDESMAN Anthony H., Iraqi Stability and the “ISIS War”, Center for Strategic and International Studies, 12/08/2015. 65 Ibid. 66 MANSOUR Renad, The Popularity of the Hashd in Iraq, Carnegie Endowment For International Peace, 01/02/2016. 67 Washington Post, “Appointment of Iraq’s new interior minister opens door to militia and Iranian influence”, 18/10/2014.

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communauté sunnite. En février 2016, ce corps en formation était évalué à 17 000 hommes et devait augmenter jusqu’à 50 00068.

La création d’une « Garde nationale » intégrant à la fois les Unités de mobilisation populaire et les milices sunnites pro-gouvernementales est discutée de longue date au sein de la classe politique mais se heurte à une forte opposition des partis chiites et de certains chefs de milice69.

Des incidents sporadiques opposent les milices chiites aux partis pro-gouvernementaux et aux autorités irakiennes. Ainsi, en mai 2015 à Bassora (Sud), les Kataeb Hezbollah attaquent et saccagent les locaux du Conseil suprême islamique, un des principaux partis chiites70. En janvier 2016 dans la même ville, en réaction à une vague d’insécurité due aux gangs et aux querelles entre tribus, la milice Asaïb Ahl al-Haq réclame le droit de rétablir l’ordre71 ; quelques jours après, dans la même province, un accrochage oppose la milice Kata’ib Sayyid al-Shuhada à l’armée irakienne ; les milices chiites locales, regroupées dans un « Conseil de la résistance islamique à Bassora », protestent contre l’intervention de l’armée72. En février 2016, dans le district de Touz Khormatou, les milices enlèvent trois gardes du corps du président de la République Fouad Massoum73.

Depuis le début de 2016, le Premier ministre Haïder al-Abadi s’efforce de former un nouveau gouvernement constitué de technocrates et d’en exclure les représentants des milices74. Il se heurte à une forte résistance aussi bien des partis chiites que des milices, l’issue étant encore incertaine au milieu d’avril 201675. La question du futur statut des milices et de leur rôle politique éventuel reste posée76

4.2. Autorités kurdes irakiennes

Le Gouvernement régional kurde (KRG), tout en étant allié aux milices chiites dans la lutte contre l’Etat islamique, montre une certaine méfiance à leur égard. Les peshmergas (force armée régionale du Kurdistan irakien) coopèrent avec les milices chiites au sud-est du territoire sous contrôle kurde, dans la province de Kirkouk et une partie des provinces de Diyala et Salah ad-Din, ces régions étant sous l’administration d’un des deux grands partis kurdes, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) ; en revanche, les milices chiites sont absentes plus au nord, dans les territoires administrés par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK)77. En février 2015, Massoud Barzani, président de la Région du

68 KNIGHTS Michael, “Iraq's popular demobilization”, Al Jazeera, 26/02/2016. 69 Al Jazeera, “Fighting for Iraq's National Guard”, 02/02/2015. MAMOURI Ali, “How to rein in Iraq's Popular Mobilization Units”, Al-Monitor, 08/09/2015. WING Joel, “Autumn 2015 Iraq Public Opinion Poll: PM Abadi Widely Popular Not So Much Rest Of Government”, Musings on Iraq, 30/12/2015. 70 WING Joel, “Intra-Shiite Rivalries In Iraq As Kataib Hezbollah Raids ISCI Office”, Musing on Iraq, 20/05/2015. 71 Independent, “Iraq: Crime soars in Basra as army leaves to fight Isis”, 10/01/2016. 72 « Council of the Islamic Resistance Factions in Basra »: Institute for the Study of War, Iraq Situation Report: January 12 - 19, 2016, 20/01/2016. 73 Basnews, “Kidnapped Iraqi Presidential Guards Rescued”, 14/02/2016. 74 SALLON Hélène, « L’État islamique multiplie les attaques en Irak », Le Monde, 09/03/2016. 75 MAMOURI Ali, “Will Shiite alliance in Iraq continue to survive?” Al-Monitor, 06/04/2016. Reuters, “Iraqi parliament to vote on PM's new cabinet proposal, some MPs protest”, 14/04/2016. RFI, « L’Irak s’enfonce dans une nouvelle crise politique », 15/04/2016. 76 WING Joel, “What Will Become Of Iraq’s Hashd When The War is Over?” Musings on Iraq, 13/04/2016. 77 Voir les cartes publiées par le think tank Institute for the Study of War, notamment Institute for the Study of War, Iraq Control of Terrain Map: November 25, 2015, 25/11/2015. Al-Monitor, “Peshmerga general: KRG political problems won't affect fight against IS”, 23/11/2015. Institute for the Study of War, Iraq Situation Report: April 5 - 11, 2016, 11/04/2016.

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Kurdistan et chef du PDK, déclare publiquement que les Kurdes n’ont pas besoin des Unités de mobilisation populaire 78.

Entre octobre 2015 et janvier 2016, plusieurs affrontements opposent les peshmergas kurdes aux milices chiites dans le district de peuplement mixte de Touz Khormatou (dans l’est de la province de Salah ad-Din), conduisant les autorités locales à demander le retrait des deux forces ; en mars 2016, une nouvelle épreuve de force oppose peshmergas et milices chiites dans le même district79.

4.3. Relations avec l’Iran

Les sources publiques s’accordent à présenter la République islamique d’Iran comme le principal soutien étranger des milices chiites irakiennes, à la fois au plan idéologique et matériel. Dès la création des Unités de mobilisation populaire, Ghassem Soleimani (Qassem Soleimani, Qasim Soleimany, Kazem Soleimani), général des Gardiens de la révolution iraniens (« pasdaran »), joue un rôle important dans leur organisation. L’Iran fournit des armes, du matériel, des instructeurs et du personnel spécialisé80. Selon le think tank américain Global Security, « bien que (les milices chiites) soient payées par le ministère de l’Intérieur [irakien], elles sont sous une chaîne de commandement iranien81 ». Plusieurs milices, notamment les trois principales, Organisation Badr, Kataeb Hezbollah et Asaïb Ahl al-Haqq, affichent volontiers le portrait du Guide suprême iranien Ali Khamenei sur leurs affiches et leurs sites internet82. Les milices soutenues par l’Iran sont considérées comme mieux équipées et mieux financées que celles qui ne bénéficient pas de cet appui83.

4.4. Relations avec les Etats-Unis

Les Etats-Unis, principal soutien étranger du gouvernement irakien contre l’Etat islamique, ne cachent pourtant pas leur méfiance envers les milices chiites, à la fois à cause de leurs liens étroits avec l’Iran, adversaire régional des Etats-Unis, et du fait des exactions imputées aux milices (voir 4.). A plusieurs reprises, les responsables américains refusent de soutenir des opérations militaires impliquant les milices chiites84.

La méfiance est réciproque : en mars 2015, les milices annoncent leur volonté de se retirer de la bataille de Tikrit si les forces aériennes américaines y sont engagées85. Le 22 septembre 2015, trois des principales milices, Kataeb Hezbollah, Asaïb Ahl al-Haq et Organisation Badr, publient un communiqué commun affirmant qu’elles s’opposent à l’envoi de forces américaines en Irak et que leur envoi constituerait une « nouvelle

78 Global Security, Hashd al-Shaabi / Hashd Shaabi / Popular Mobilisation Units / People’s Mobilization Forces, mis à jour le 01/03/2016. 79 Ekurd Daily, “Kurdish Peshmerga forces clash with Iraqi Shiite popular mobilization units”, 12/11/2015. Basnews, “Peshmerga and Shi’ite Militia to be Removed from Tuz Khurmatu”, 20/01/201. Basnews, “Peshmerga Prevents Shi’ite Militias from Entering Tuz Khurmatu”, 24/03/2016. Ekurd Daily, “Iraqi Kurds clash with Shiite militia in Tuz Khurmatu, Kurdish police secure the city”, 06/03/2016. EkurdDaily, “Kurdish special Peshmerga force deployed to Iraq’s Tuz Khurmatu”, 25/03/2016. 80 Reuters, “Special Report: How Iran's military chiefs operate in Iraq”, 24/02/2015. SALLON Hélène, « En Irak, les milices chiites, fer de lance du gouvernement », Le Monde, 03/03/2015. Global Security, Qods Force/Sepah-e Qods/Qods Corps/Jerusalem Corps, 27/03/2015. Global Security, Hashd al-Shaabi / Hashd Shaabi / Popular Mobilisation Units / People’s Mobilization Forces, mis à jour le 01/03/2016. 81 Global Security, Hashd al-Shaabi / Hashd Shaabi / Popular Mobilisation Units / People’s Mobilization Forces, mis à jour le 01/03/2016. Traductions de l’anglais : DIDR. 82 KNIGHTS Michael, “Iraq's popular demobilization”, Al Jazeera, 26/02/2016. 83 MAMOURI Ali, “How to rein in Iraq's Popular Mobilization Units”, Al-Monitor, 08/09/2015. 84 SALLON Hélène, « En Irak, les milices chiites, fer de lance du gouvernement », Le Monde, 03/03/2015. Al Jazeera, “Shia militias pull back as US joins battle for Tikrit”, 27/03/2015. Middle East Eye, “Shia militia members share base with US troops in Iraq: Pentagon”, 24/06/2015. Sputnik, “US Hindering Iraqi Popular Forces’ Operation to Liberate Ramadi”, 04/12/2015. 85 MAMOURI Ali, “How to rein in Iraq's Popular Mobilization Units”, Al-Monitor, 08/09/2015.

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occupation de l’Irak », renouvelant celle de 2003-201186. Ce message est répété plusieurs fois au cours des mois suivants87.

5. Exactions et violations des droits de l’homme attribuées aux milices chiites

5.1. Exactions dans les localités sunnites reprises à l’Etat islamique

Plusieurs rapports d’ONG font état d’exactions commises par les milices chiites, notamment l’Organisation Badr, Asaïb Ahl al-Haq, les Kataeb al-Imam Ali, contre les populations sunnites d’Amerli et de Tikrit lors de la reprise de ces villes : pillage et destruction de maisons, enlèvement de personnes88. Dans le village de Yankaya près de Touz Khormatou, lors de la reprise de la ville en octobre 2014, la plupart des maisons auraient été détruites par les milices chiites et les habitants victimes d’exactions diverses, notamment du fait du groupe Saraya Tala’a al-Khorassani89.

5.2. Exactions à Bagdad et dans d’autres régions sous l’autorité du gouvernement central

A Bagdad, les exactions attribuées aux milices chiites, enlèvements et exécutions extrajudiciaires en particulier, sont signalées de façon occasionnelle depuis février 2013 et plus fréquemment à partir de mai 201490. En juillet 2014, selon la formule d’un journaliste français, « les sunnites ont plus peur des milices chiites que des djihadistes » : les patrouilles de miliciens circulant en voiture banalisée, en tenue civile ou avec des uniformes imitant ceux des forces de sécurité, pratiquent des contrôles routiers, des perquisitions, des enlèvements, au détriment des habitants sunnites soupçonnés de soutenir les djihadistes91. En 2014 et 2015, ces exactions sont principalement attribuées aux Asaib Ahl al-Haqq, bien implantés à Bagdad ; selon l’ONG Human Right Watch, cette milice opère dans des quartiers de peuplement mixte (Sha’ab, Baya’a, Za’franiyya et Ghazaliyya) ou majoritairement sunnite (Ma’alif, Ameriyya, Khadraa, Dora, Saidiyya)92.

En janvier 2016, à Muqdadiya (province de Diyala), à la suite d’un double attentat contre un café fréquenté par une clientèle chiite et revendiqué ultérieurement par l’Etat islamique, des miliciens chiites (des hommes d’Asaib Ahl al-Haq, selon un témoin)

86 Al-Monitor, “Iraq's Popular Mobilization Units warn against 'renewed occupation' by US”, 30/12/2015. 87 Al-Monitor, “Iraq's Popular Mobilization Units warn against 'renewed occupation' by US”, 30/12/2015. L’Orient-Le Jour (Source : Reuters), « Irak : mise en garde d'une milice chiite aux marines américains », 21/03/2016. 88 Amnesty International, Absolute Impunity: Militia Rule in Iraq, 14/10/2014. Human Rights Watch (HRW), After liberation came destruction – Iraqi Militias and the Aftermath of Amerli, 01/03/2015, 46 p. Amnesty International, Banished and Dispossessed: Forced Displacement and Deliberate Destruction in Northern Iraq, 20/01/2016, 46 p. Amnesty International, Les populations sunnites sous la menace des milices chiites, 09/02/2016. 89 Human Rights Watch (HRW), After liberation came destruction – Iraqi Militias and the Aftermath of Amerli, 01/03/2015. 90 Institute for the Study of War, Overt Shi’a MIlitia Mobilization in Mixed Areas, 17/04/2014. 91 BARTHE Benjamin, « A Bagdad, “les sunnites ont plus peur des milices chiites que des djihadistes” », Le Monde, 08/07/2014. 92 Finnish Immigration Service (FIS- Finlande), Security situation in Baghdad - The Shia militias, 29/04/2015, p. 14-15. Sur la topographie de Bagdad et la distribution des quartiers sunnites, chiites et mixtes après les affrrontements intercommunautaires de 2006-2007, voir DENIS Corentin, Les sunnites d’Irak, au cœur des crises depuis 2003 : l’analyse par les cartes, Les Clés du Moyen-Orient, 29/12/2014 ; IZADY Michael, “Baghdad, Iraq, Ethnic composition in 2015”, The gulf/2000 project, 2015.

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procèdent à des représailles brutales contre la population sunnite locale : meurtres, enlèvements, destruction de maisons, de boutiques et de mosquées93.

5.3. Recrutement d’enfants-soldats

Plusieurs sources d’ONG et des médias signalent, à partir de 2014, le recrutement d’adolescents au sein des UMP94. Les porte-paroles des milices démentent de tels recrutements, bien que certaines vidéos diffusées en ligne par les milices montrent des adolescents participant à un entraînement de type militaire95.

93 Amnesty International, Les populations sunnites sous la menace des milices chiites, 09/02/2016. 94 Reuters, “Underage fighters drawn into Iraq sectarian war”, 11/07/2014. Al-Monitor, “Iraq's child soldiers”, 22/08/2015. Human Rights Watch (HRW), No Child's Play: Kids Fighting One Another in Iraq Conflict, 30/10/2015. Amnesty International, Amnesty International Report 2015/16 - Iraq, 24/02/2016. 95 Reuters, “Underage fighters drawn into Iraq sectarian war”, 11/07/2014. Al-Monitor, “Iraq's child soldiers”, 22/08/2015.

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