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'" Ci '" ex: w 2: I MATHÉMATIQUE . . . LOUIS CÔTÉ DIANE BIRON Chargé de cours Université de Sherbrooke [email protected] Professeure Université de Sherbrooke diane.biron@usherbrooke.ca LE SYMBOLE« =»: COMMENT EN FAVORISER UNE COMPRÉHENSION RICHE? (2 e PARTI El) D ans un article précédent (Biron et Côté, 2012), nous avons traité de l' évo- lution du symbolisme mathématique qui a mené au symbole «= ». Rappelons que ce dernier est fréquemment requis pour écrire en langage mathématique et que pas moins de quatre sens sont asso- ciés à son utilisation : la désignation, la procédure, l'équivalence et l'obtention d'un résultat. Le sens d'équivalence est le plus fondamental et doit être res- pecté, et ce, peu importe le contexte. Dans ce nouvel article, nous abordons quelques résultats de recherche de pra- tiques probantes pour l'enseignement- apprentissage du symbole « = », tout en proposant des pistes d'intervention qui semblent favoriser une construction riche et opérationnelle des différents sens dont ce symbole est porteur. Des études révélatrices, des difficultés persistantes Au cours des 30 dernières années, plu- sieurs chercheurs se sont intéressés à l'in- terprétation du symbole « = » faite par les élèves du primaire, du secondaire et du collégial (Kieran, I98I; Baroody et Gins- burg, I983; Saenz-Ludlow et Walgamuth, I998; Carpenter, Franke et Levi, 2003; McNeil, 2006 ; Powell et Fuchs, 2010). Ces recherches soulignent notamment deux grands types de conception du sym- bole qui se développent chez les élèves : une conception opérationnelle et une conception relationnelle. Il semble que la conception opérationnelle du symbole soit la plus répandue auprès des élèves et cette situation n'est pas sans consé- quence pour la suite des apprentissages, comme nous le verrons dans ce qui suit. La conception opérationnelle repose sur le fait de percevoir le symbole « = » comme étant associé à la résolution d' une opération: trouve le total, indique la réponse, écris le résultat, etc. Cette conception opérationnelle renvoie à ce que nous avons désigné dans l'article précédent par l'expression anglophone do something signal ou obtention d' un résultat. La conception relationnelle, quant à elle, est plutôt associée au prin- cipe d' équivalence. Le symbole sert alors à mettr e en relation différentes expressions mathématiques, comme dans l'égalité 5 + 2 = 3 + 4 ou encore dans l'équation 3x + 8 = 5x - 2. Kieran (I98I) émet l'hypothèse que la forte prédominance du sens « résul- tat » (conception opérationnelle) en fin de parcours du secondaire pourrait expliquer les difficultés des élèves lors du traitement d'équations algébriques qui exige plutôt d'avoir développé une conception relationnelle du symbole « = ». Baroody et Ginsburg (I983) iden- tifient deux causes possibles pour expli- quer que les élèves perçoivent le symbole comme un do something s ignal. Première- ment, ils soupçonnent un effet de l'ensei- gnement qui surviendrait dès le début du primaire, particulièrement lors de l'apprentissage des tables d'additions et de soustractions (1 + 1 = _; 1 + 2 =_; 1 + 3 = _; etc.). I:insistance sur cet apprentissage renforcerait l'idée que le symbole « = » est le signal pour don- ner une réponse. Deuxièmement, ils ont observé que les plus jeunes élèves semblent avoir une propension naturelle à utiliser le symbole de cette manière. Toutefois, cela serait à nuancer car leurs travaux ont montré que la mise en contact avec des contextes plus variés permettrait aux jeunes élèves de s'approprier très tôt le sens d'équivalence. Ces deux causes pourraient, selon eux, être contrées par un e nseignement adéquat. Plusieurs chercheurs ont tenté de développer des approches d'enseignement en s'appuyant sur ces études. Examinons ce qui semble porter fruit.

(2 PARTI El) - sympa-tic.qc.casympa-tic.qc.ca/.../74/2015/06/Vivre-le-primaire-261-Symbole-.pdf · conception relationnelle du symbole « = ». ... Qu'il s'agisse de penser à l'arithmétique,

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'" Ci '" ex: w 2: I

MATHÉMATIQUE

. / ~~ . . ~ ,

LOUIS CÔTÉ

DIANE BIRON

Chargé de cours Université de Sherbrooke louis [email protected] Professeure Université de Sherbrooke [email protected]

LE SYMBOLE« =»: COMMENT EN FAVORISER UNE COMPRÉHENSION RICHE? (2e PARTI El)

D ans un article précédent (Biron et Côté, 2012), nous avons traité de l'évo­lution du symbolisme mathématique qui a mené au symbole « = » . Rappelons que ce dernier est fréquemment requis pour écrire en langage mathématique et que pas moins de quatre sens sont asso­ciés à son utilisation : la désignation, la procédure, l'équivalence et l'obtention d'un résultat. Le sens d'équivalence est le plus fondamental et doit être res­pecté, et ce, peu importe le contexte. Dans ce nouvel article, nous abordons quelques résultats de recherche de pra­tiques probantes pour l'enseignement­apprentissage du symbole « = », tout en proposant des pistes d'intervention qui semblent favoriser une construction riche et opérationnelle des différents sens dont ce symbole est porteur.

Des études révélatrices, des difficultés persistantes Au cours des 30 dernières années, plu­sieurs chercheurs se sont intéressés à l'in­terprétation du symbole « = » faite par les élèves du primaire, du secondaire et du collégial (Kieran, I98I; Baroody et Gins­burg, I983; Saenz-Ludlow et Walgamuth, I998; Carpenter, Franke et Levi, 2003; McNeil, 2006; Powell et Fuchs, 2010). Ces recherches soulignent notamment deux grands types de conception du sym­bole qui se développent chez les élèves : une conception opérationnelle et une conception relationnelle. Il semble que la conception opérationnelle du symbole soit la plus répandue auprès des élèves et cette situation n'est pas sans consé-

quence pour la suite des apprentissages, comme nous le verrons dans ce qui suit.

La conception opérationnelle repose sur le fait de percevoir le symbole « = »

comme étant associé à la résolution d'une opération: trouve le total, indique la réponse, écris le résultat, etc. Cette conception opérationnelle renvoie à ce que nous avons désigné dans l'article précédent par l'expression anglophone do something signal ou obtention d'un résultat. La conception relationnelle, quant à elle, est plutôt associée au prin­cipe d' équivalence. Le symbole sert alors à mettre en relation différentes expressions mathématiques, comme dans l'égalité 5 + 2 = 3 + 4 ou encore dans l'équation 3x + 8 = 5x - 2.

Kieran (I98I) émet l'hypothèse que la forte prédominance du sens « résul­tat » (conception opérationnelle) en fin de parcours du secondaire pourrait expliquer les difficultés des élèves lors du traitement d'équations algébriques qui exige plutôt d'avoir développé une conception relationnelle du symbole

« = ». Baroody et Ginsburg (I983) iden­tifient deux causes possibles pour expli­quer que les élèves perçoivent le symbole comme un do something signal. Première­ment, ils soupçonnent un effet de l'ensei­

gnement qui surviendrait dès le début du primaire, particulièrement lors de l'apprentissage des tables d'additions et

de soustractions (1 + 1 = _; 1 + 2 =_;

1 + 3 = _; etc.). I:insistance sur cet apprentissage renforcerait l'idée que le symbole « = » est le signal pour don­

ner une réponse. Deuxièmement, ils ont observé que les plus jeunes élèves semblent avoir une propension naturelle

à utiliser le symbole de cette manière. Toutefois, cela serait à nuancer car leurs travaux ont montré que la mise en contact avec des contextes plus variés permettrait

aux jeunes élèves de s'approprier très tôt le sens d'équivalence. Ces deux causes pourraient, selon eux, être contrées par

un enseignement adéquat. Plusieurs chercheurs ont tenté de développer des approches d'enseignement en s'appuyant sur ces études. Examinons ce qui semble

porter fruit.

Des pistes d'intervention prometteuses

Saenz-Ludlow et Walgamuth (I998) ont exploré une intervention de type socioconstructiviste auprès d'élèves de 3e année du primaire. Cette intervention s'articulait autour de deux axes princi­paux. Tout d'abord, elle s'appuyait sur la nécessité d'offrir un rôle actif à l'élève. L'ensemble des activités comprenait des discussions et des confrontations qui amenaient les élèves à interpréter, à

symboliser et à démontrer leur compré­hension des situations proposées entre eux et avec leur enseignante. Les activi­tés proposées consistaient aussi en des échanges autour de phrases mathéma­tiques variées telles que :

• vraies ou fausses (par exemple, 2 + 4 = 7);

• avec ou sans données manquantes (par exemple, 3 + 0 = 5);

• avec ou sans l'opérateur (par exemple, 6 0 1 = 6).

Carpenter, Franke et Levi (2003) ont, pour leur part, entrepris de développer le raisonnement mathématique de l'élève dès le début de la scolarité des enfants en instaurant les principes de la commu­nauté d'apprentissage en classe. Les buts principaux de cette approche étaient: • de rendre explicites les généralisa­

tions des élèves; • d'inviter ceux-ci à justifier les énon­

cés mathématiques et les procé­dures qu'ils avaient utilisées;

• de favoriser l'exploration du langage mathématique en contexte signifiant;

• de renforcer une pratique « mathé­maticienne » visant à créer, raison­ner, démontrer et prouver.

Qu'il s'agisse de penser à l'arithmétique, à l'algèbre ou aux fonctions, il vient vite à l'esprit que plusieurs règles de fonctionnement s'appuient sur une utilisation rigoureuse du symbole « = ».

Les défis proposés aux élèves étaient semblables à ceux utilisés par Saenz­Ludlow et Walgamuth (I998) . À ceux-ci s'ajoutaient les aspects suivants: • varier la forme usuelle des

phrases mathématiques (par exemple, en mettant le «résultat» à gauche: 8 = 3 + 5);

• varier les opérateurs (par exemple, 11 - 3 = 2 x 4);

• ne pas mettre nécessairement le même nombre de données des deux côtés de l'égalité (par exemple, 9 + 1 + 5 = 4 + Il).

Ces recherches, qui reposaient notam­ment sur celles de Baroody et Ginsburg (I983), ont permis de renforcer l'hypo­thèse selon laquelle les très jeunes élèves sont en mesure de s'approprier le sens d'équivalence du symbole « = »

si des actions judicieuses sont mises en place lors de l'apprentissage. Il convient également de souligner que ces inter­ventions ont eu un apport positif sur le développement du sens du nombre et sur le déploiement de stratégies alterna­tives performantes en calcul mental. Il s'agit certainement d'effets complémen­taires qui incitent fortement à dïversi­fier ses approches d'enseignement pour enrichir le sens du symbole « = ».

En guise de conclusion

Les travaux consultés mettent en évidence qu'une compréhension élargie et souple des différents sens du symbole « = » est possible très tôt dans le parcours scolaire de l'élève et que cela semble particuliè­rement fondamental. Une présentation adéquate du symbole dans des contextes d'utilisation riches et variés favoriserait, en outre, grandement l'apprentissage de plusieurs autres notions mathématiques.

Qu'il s'agisse de penser à l'arithmé­tique, à l'algèbre ou aux fonctions, il vient vite à l'esprit que plusieurs règles de fonctionnement s'appuient sur une utilisation rigoureuse du symbole « = ». Même si certains de ces thèmes mathé­matiques sont davantage exploités au

secondaire, il s'avère important que les élèves du primaire en aient acquis les fondements avant, ce qui facilitera leurs apprentissages ultérieurs.

Bien que cet article se concentre sur le symbole « = », il est tout aussi impor­tant de se questionner sur la manière dont nous intégrons dans notre ensei­gnement l'ensemble du symbolisme mathématique. Comme le rappelle la compétence disciplinaire 3 du domaine des mathématiques, soit celle de com­muniquer à l'aide du langage mathéma­tique, le symbolisme occupe une place importante dans l'apprentissage des mathématiques. Malgré le fait que l'éva­luation de cette compétence ne compte plus officiellement dans le calcul de la note au bulletin, il importe de continuer à se préoccuper de cette dimension de l'enseignement-apprentissage et de por­ter une attention particulière à cet aspect crucial des mathématiques.

Références

• Baroody, A. J. , et Ginsburg, H. P. (1983). The

effect of instruction on children's understanding

of the « equals » sign. The Elementary Sehool

Journal, 84(z), p. 199-zlz.

• Biron, D., et Côté, L. (ZOIZ). Le symbole « ~ » :

son évolution et ses différents sens. Vivre le

primaire, z5(3), p. 30-31.

• Carpenter, T. P., Franke, M. L., et Levi, L. (zo03).

Thinking mathematically. Integrating arithmetie

and algebra in elementaly sehool. Portsmouth,

NH : Heineman.

• Kieran, C. (1981). Concepts associated with the

equality symbol. Edueational Studies in Mathema­

tics, lZ, p. 317-3z6.

• McNeil, N. , dir. (zo06). Middle·school students'

understanding of the equal sign : The books they

read can't help. Cognition and Instruction, z4(3),

P·367-38 5· • Powell, S., et Fuchs, L. (2010). Contribution of

equal-sign instruction beyond word-problem

tutoring for third·grade students with mathema­

tics difficulty. Journal of Educational Psyehology,

102(2), p. 38'-394.

• Saenz-Ludlow, A., et Walgamuth, C. (1998) .

Third graders' interpretations of equality and the

equal symbol. Edueational Studies in Mathematics,

35, p. 153-187.

Note

1. Voir la partie l de cet article dans Vivre le primaire

de l'été 2012, volume 25, numéro 3-

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