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20050105 Mlle Deprez Et m Baillard Fiche Darret.1256153378

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Faits

Procédure

contrôle de conventionnalité (effet direct)

contrôle de constitutionnalité

Le 30 mai 2003, Mlle Deprez forma un recours pour excès de pouvoir à l'encontre des articles 1, 2, 3, 5 et 7 de

ce décret . M. Baillard fit de même le 2 juin 2003, quoique son recours ne visât que l'article 3 du décret n° 2003-

293.

La légalité d'un acte administratif unilatéral peut être contestée en soulevant l'un des moyens de légalité

reconnus par la juridiction administrative. Or, parmi ceux-ci, l'erreur de droit semble le plus sérieux dans le cas du

décret n° 2003-293. Plus précisément, on peut envisager que ce décret ait méconnu, directement ou indirecte-

ment, non seulement des normes de valeur constitutionnelle (a), mais également des normes internationales (b).

N.B. : Si M. Baillard n'est pas forclos, c'est parce que les délais de recours contentieux sont des délais francs (CE, 29 mai 1987,

Cne de Goult ). Ainsi, par application de l'article R. 421-1 du CJA ("Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être

saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la

publication de la décision attaquée..."), un recours pouvait être déposé devant la juridiction administrative à l'encontre du

décret n° 2003-293 sans être nécessairement déclaré irrecevable jusqu'au 2 avril 2003 (minuit).

Problème juridique

Le 31 mars 2003, le premier ministre signa un décret en Conseil d'Etat relatif à la sécurité routière et modifiant

le code de procédure pénale et le code de la route (décret n° 2003-293). Ce décret fut publié au Journal officiel de

la République française le 1er avril 2003.

CE, 5 janvier 2005, Mlle Deprez et M. Baillard

"Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort :1° Des recours dirigés contre les ordonnances du Président de la République et les décrets ; (…)"

N.B. : Le Conseil d'Etat est saisi directement conformément à ce que prévoit l'article R. 311-1 du code de justice administrative

:

(a) Le fait que ce soient les autorités détentrices du pouvoir réglementaire qui fixent la liste des infractions des

quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire

peut sembler méconnaître plusieurs normes de valeur constitutionnelle. La norme ayant prévu cette compétence

serait donc elle-même contraire à la Constitution. Or, il s'agit d'une norme de valeur législative (cf. l'article 529 du

code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de l'article 9 de la loi du 23 juin 1999) et plus précisément

encore d'une norme de valeur législative entrée en vigueur après les normes constitutionnelles concernées.

Reste à savoir si la juridiction administrative va accepter de contrôler la conformité d'une norme législative à

une norme constitutionnelle, ce qui semble en réalité très peu vraisembable si l'on considère l'obstination avec

laquelle elle s'est toujours refusée à opérer un tel contrôle.

Dans une telle hypothèse, le contrôle de la conformité des normes contenues dans l'acte administratif aux

normes constitutionnelles devrait s'effectuer en trois temps : on contrôlerait d'abord la conformité de la norme

réglementaire à la norme législative, puis la constitutionnalité de la norme législative, avant d'inférer

l'inconstitutionnalité de la norme réglementaire (si cette dernière est conforme à la norme législative ; c'est le

mécanisme de l'exception d'illégalité) ou de vérifier directement la constitutionnalité de celle-ci (si elle n'est pas

conforme à la norme législative).

Ainsi, après avoir vérifié que l'instrument juridique international pertinent a bien été régulièrement signé,

ratifié (ou approuvé) et publié, le juge vérifiera que la norme qu'il porte est appliquée par la ou les autres parties

et enfin qu'elle est d' "effet direct". Or, cette dernière vérification (qui porte sur l' "opposabilité" de la norme

concernée) posait problème en l'espèce, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne créant bien

des droits et des obligations dans le chef d'individus, mais pas nécessairement de manière complète,

inconditionnelle et suffisamment précise (ainsi que l'exige la jurisprudence du Conseil d'Etat). Par ailleurs, on

pouvait se demander si la publication de la proclamation interinstitutionnelle contenant la Charte au JOCE série C

suffisait à rendre ce texte "opposable aux particuliers" au sens de l'article 3 du décret n° 53-192 du 14 mars 1953.

N.B. : Cette dernière précision permet d'écarter la possibilité d'une "abrogation implicite".

(b) La difficulté n'est pas la même s'agissant des normes internationales que le décret attaqué est susceptible de

méconnaître. En effet, les juridictions ordinaires ont fini par accepter de contrôler tant la conventionnalité des

normes réglementaires que celle des normes législatives (donnant ainsi sa pleine effectivité à l'article 55 de la

Constitution du 4 octobre 1958) et l'on voit mal comment elles pourraient aujourd'hui revenir en arrière. Reste

que ce contrôle de conventionnalité connaît des limites tenant aux caractéristiques de la norme de référence ainsi

qu'à celles de l'instrument juridique qui la porte.

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Solution

Portée

Après s'être demandé si par "débats […] lors de l'élaboration de la Constitution" la juridiction administrative

suprême a entendu désigner seulement les débats ayant précédé l'adoption, le 28 septembre 1958, de la

Constitution de la Ve République ou égalemenet ceux ayant précédé l'adoption des lois constitutionnelles ayant

depuis modifié ce texte, on pourra s'étonner de la conclusion à laquelle les juges du Palais-Royal semblent

aisément parvenir (cf. Paul Cassia, "Le renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité, une "question"

d'actualité", RFDA, 2008, p. 877 et s.). On remarquera ensuite que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n'a pas mis fin, en dehors des droits

et libertés constitutionnels qui peuvent désormais être invoqués par les justiciables devant le juge ordinaire, à la

jurisprudence Arrighi . Certains auteurs s'en plaignent d'ailleurs, qui considèrent que "les questions de procédure

ou de compétence participent de la protection des droits des citoyens" (Bertrand de Lamy, "L'exception

d'inconstitutionnalité : une vieille idée neuve", in Drago (dir.), L'application de la Constitution par les cours

suprêmes , Dalloz, 2007, p. 139).

a) Si le fait que le Conseil d'Etat ait refusé, dans la présente espèce, de contrôler la conformité d'une norme

législative par rapport à une norme constitutionnelle antérieure n'ajoute rien à l'état du droit applicable,

l'explicitation des motifs de ce refus (remontant à l'arrêt Arrighi , rendu le 6 novembre 1936 par le Conseil d'Etat

réuni en Section) a retenu l'attention de la doctrine.

L'analyse exégétique permettrait donc de privilégier une lecture a contrario de ce fameux article 61 de la

Constitution : le contrôle de constitutionnalité des lois est possible avant leur promulgation et se trouve donc

exclu après celle-ci, la compétence pour exercer ce contrôle a été explicitement confiée au Conseil constitutionnel

et donc à aucune autre juridiction.

Après avoir rappelé qu'il était uniquement question ici de l'attitude du Conseil d'Etat lorsqu'il statue au

contentieux (i.e. lorsqu'il n'est pas dans l'exercice de ses attributions administratives [de conseil des autorités

exerçant le pouvoir réglementaire !]), l'arrêt laisse apparaître un considérant liminaire se trouvant à mi-chemin

entre l'effort pédagogique et l'effort de transparence, à l'instar de ceux que commet parfois le Conseil

constitutionnel... On nous assure alors que le contrôle de constitutionnalité de la loi a été confié par l'article 61 de

la Constitution du 4 octobre 1958 au Conseil constitutionnel, que ce contrôle "est susceptible de s'exercer après

le vote de la loi et avant sa promulgation" et surtout "qu'il ressort des débats tant du Comité consultatif

constitutionnel que du Conseil d'Etat lors de l'élaboration de la Constitution que les modalités ainsi adoptées

excluent un contrôle de constitutionnalité de la loi au stade de son application" (sous-entendu, par le Conseil

d'Etat et plus largement par toute juridiction ordinaire).

Quant à la question de savoir si les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

étaient ou non d'effet direct, elle fut résolue par le Conseil d'Etat en deux temps. En effet, pour écarter un tel

effet, la juridiction administrative suprême commence par relever que cette charte "est dépourvue en l'état

actuel du droit, de la force juridique qui s'attache à un traité une fois introduit dans l'ordre juridique interne" ,

avant d'ajouter qu'elle ne "figure [pas plus] au nombre des actes du droit communautaire dérivé susceptibles

d'être invoqués devant les juridictions nationales" . C'est donc le caractère conditionnel des dispositions de la

Charte qui a empêché les juges de leur reconnaître un effet direct. En d'autres termes, il est vraisemblable que

tant que le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 ne sera pas entré en vigueur, la Charte ne relèvera pour

le Conseil d'Etat français que du droit déclaratoire (ce qui limite fortement ses effets juridiques dans l'ordre

juridique interne).

contrôle de constitutionnalité

contrôle de conventionnalité (effet direct)

Le Conseil d'Etat rejeta finalement les requêtes de Mlle Deprez et de M. Baillard.

CE, 5 janvier 2005, Mlle Deprez et M. Baillard

b) Le fait que le Conseil d'Etat ait accepté d'opérer un contrôle de conventionnalité de normes de valeur

législative et de normes de valeur réglementaire est également très banal. Mais là encore, les motifs méritent

l'attention : non seulement le Conseil d'Etat confirme que le contrôle de conventionnalité des normes juridiques

internes infraconstitutionnelles porte sur un conflit de normes juridiques (et donc pas sur une simple question de

succession de normes dans le temps), mais par l'emploi du terme "cependant" , le Conseil d'Etat reconnaît que ce

contrôle participe en réalité du contrôle de constitutionnalité (l'idée, c'est qu'une norme interne

infraconstitutionnelle qui serait incompatible avec une norme internationale serait du même coup contraire à

l'article 55 de la Constitution).

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Textes appliqués :

Situation dans la jurisprudence :

contrôle de constitutionnalité

contrôle de conventionnalité (effet direct)

Articles 55 et 61 de la Constitution

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

CE, 25 avr. 2003, S.N.P.H.A.R. : "Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui détermine les modalités

du repos de sécurité prévu par l'article 30, du décret du 24 février 1984, ainsi que les obligations des praticiens

hospitaliers s'agissant des gardes, n'a pas pour objet de définir l'ensemble des obligations de service qui leur

incombent à titre individuel ; que, dès lors, sont inopérants les moyens tirés par les syndicats requérants, d'une

part, de ce que le décret du 24 février 1984, sur lequel il se fonde, méconnaîtrait les objectifs de la directive

93/104/CEE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

notamment sa durée maximale, d'autre part, de ce que cet arrêté aurait dû définir la durée du temps de travail

des praticiens hospitaliers ; que doivent être en tout état de cause écartés, pour le même motif, les moyens tirés

de la méconnaissance de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la loi du 13 juin 1998,

relative à l'aménagement du temps de travail ;"CJCE, 5 février 1963, Van Gend et Loos ; CJCE, 5 avril 1979, Ratti et CJCE, 19 janvier 1982, Ursula Becker : sur

l'effet direct des dispositions juridiques d'origine communautaire… du point de vue des juridictions

communautaires !

CE, 5 janvier 2005, Mlle Deprez et M. Baillard

concl. R. Abraham sur CE Sect., 23 avril 1997, GISTI ; CE Ass., 8 mars 1985, Garcia-Henriquez et CE, 20 avril

1984, Ministre du Budget c/ Valton : sur l'appréciation par les juridictions administratives de l'effet direct des

normes internationales (au sens large).

CE Sect., 6 novembre 1936, Arrighi : sur le contrôle de la constitutionnalité des lois par les juridictions

administratives ( → théorie de la loi-écran).

CE Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood : sur le contrôle de la conventionnalité des normes réglementaires.

CE, 20 octobre 1989, Nicolo : sur le contrôle de la conventionnalité des normes législatives "postérieures".

CE, 20 décembre 2000, Géniteau : "eu égard aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes telles qu'elles

découlent des dispositions de l'article 55 de la de la Constitution qui posent le principe de la supériorité des traités

sur la loi, le texte législatif invoqué par le requérant doit être écarté dans la mesure où il serait incompatible avec

un traité introduit dans l'ordre juridique interne ; que dans le cas du traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la

CEE et des traités ultérieurs [...], une telle incompatibilité peut se déduire non seulement du texte même des

traités introduits dans l'ordre interne, mais également d'actes de droit dérivé pris sur leur fondement et publiés

conformément au décret n° 53-192 du 14 mars 1953" .CE, 7 juillet 2000, Fédération nationale des industries tutélaires : "l'entrée en vigueur d'un traité dans l'ordre

interne est subordonnée, conformément à l'article 55 de la Constitution, à sa publication" .