59
2006-03-14 Séance introductive à l'étude de l'OI L'OI n'est pas une discipline autonome. C'est une matière qui se situe au coeur de la discipline générale des RI. Initialement l'OI faisait l'objet d'une approche institutionnelle (juridique) et historique. Par la suite, elle va être annexée par la Science Politique. Depuis cette annexion elle a subi tous les avatars de la Science Politique et de la théorie des RI. Ca a commencé dans les années 30 avec les visions de l'idéalisme et le réalisme. L'idéalisme s'est développé en réaction aux horreurs de WWI, censée être la dernière des guerres, et dans le sillage de la création de la SDN. Les idéalistes croyaient dans la possibilité d'un ordre international pacifique, stable et prévisible, assuré et garanti par une organisation universelle. Le credo idéaliste reposait sur 3 éléments essentiels: 1. La diplomatie ouverte (Wilson: "open covenants should be arrived at"). La diplomatie fermée doit être abandonnée au profit de la diplomatie ouverte: traités secrets, etc. Selon Wilson les peuples du monde ne se battraient pas s'ils connaissaient les causes réelles de ce pourquoi ils se battent. 2. Primauté internationale. Le DI doit remplacer la force, devenir la règle du jeu. Analogie avec le droit interne, le Rule of Law. 3. La sécurité collective. Le credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des RI mais aussi de la nature humaine. Toute vision, doctrine, idéologie politique présuppose une certaine conception de la nature humaine. Le réalisme repose sur 3 convictions majeures: 1. L'Etat est l'acteur fondamental des RI. Tous les autres acteurs sont marginaux et même négligeables. 2. Les RI sont fondamentalement conflictuelles, parce que la 1

2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

2006-03-14

Séance introductive à l'étude de l'OI

L'OI n'est pas une discipline autonome. C'est une matière qui se situe au coeur de la discipline générale des RI. Initialement l'OI faisait l'objet d'une approche institutionnelle (juridique) et historique. Par la suite, elle va être annexée par la Science Politique. Depuis cette annexion elle a subi tous les avatars de la Science Politique et de la théorie des RI.

Ca a commencé dans les années 30 avec les visions de l'idéalisme et le réalisme.

L'idéalisme s'est développé en réaction aux horreurs de WWI, censée être la dernière des guerres, et dans le sillage de la création de la SDN. Les idéalistes croyaient dans la possibilité d'un ordre international pacifique, stable et prévisible, assuré et garanti par une organisation universelle. Le credo idéaliste reposait sur 3 éléments essentiels:

1. La diplomatie ouverte (Wilson: "open covenants should be arrived at"). La diplomatie fermée doit être abandonnée au profit de la diplomatie ouverte: traités secrets, etc. Selon Wilson les peuples du monde ne se battraient pas s'ils connaissaient les causes réelles de ce pourquoi ils se battent.

2. Primauté internationale. Le DI doit remplacer la force, devenir la règle du jeu. Analogie avec le droit interne, le Rule of Law.

3. La sécurité collective.

Le credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste.

A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des RI mais aussi de la nature humaine. Toute vision, doctrine, idéologie politique présuppose une certaine conception de la nature humaine. Le réalisme repose sur 3 convictions majeures:

1. L'Etat est l'acteur fondamental des RI. Tous les autres acteurs sont marginaux et même négligeables.

2. Les RI sont fondamentalement conflictuelles, parce que la compétition est l'essence même des RI. Ce qu'on peut appeler le système international n'est qu'une arène où les Etats luttent sans cesse pour assurer leur survie et établir leur domination les uns sur les autres. Les Etats ne cherchent qu'à marquer des points les uns par rapport aux autres. Raisons de la compétition: 1. Les Etats sont des entités souveraines qui disposent chacune de dangereuses capacités militaires. Ils sont potentiellement capables de se détruire mutuellement, parce que c'est la puissance (et non pas le droit) qui est un facteur structurant des RI. 2. Pas d'autorité suprême ni d'arbitre au niveau international, ce qui fait que les Etats ne peuvent que se craindre mutuellement.

3. La poursuite de l'intérêt national est l'objectif fondamental des Etats. Même quand ils coopèrent ils le font avec des arrières pensées. Au fond, toute coopération se déroule dans un contexte conflictuel.

1

Page 2: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Pour résumer, il y a un binôme conflit/coopération, duquel les réalistes ne veulent retenir que l'élément conflit et les idéalistes l'élément coopération.

Tous les autres courants postérieurs ont reproduit ce débat fondamental sur des étiquettes diverses: néo-réalisme, néo-idéalisme, fonctionnalisme, transnationalisme, etc.

A partir des 1970 et 80 l'analyse sera soumise a des problématiques beaucoup plus sophistiquées qui se révéleront cependant creuses. Concept de régime et de global governance.

Concept de régime: Lancé par la revue américaine International Organisation, créée en 1947, mais à partir des 80s changera radicalement de cap en lançant ce concept. Il traduit le rejet de la dimension institutionnelle des OI, au profit d'interrogations sur les raisons de la coopération internationale, ses modalités, ses effets. Les OIs en tant qu'institutions perdront tout intérêt. Les régimes seront utilisés pour définir un ensemble de principes, de normes et de pratiques caractéristiques de tout phénomène de coopération internationale. Tout et n'importe quoi pourra être considéré comme un régime, et son analyse se confondra avec celle des OIs, qui seront diluées dans ce concept, disparaissant comme objet d'étude. Au lieu d'étudier des OIs concrètes on étudie des régimes abstraits.

Définition de Krasner: Un régime c'est un ensemble de principes, normes et procédures de prises de décisions, autour desquelles les attentes des acteurs convergent dans un domaine ou dans un secteur de coopération donné.

(Biblio: La meilleure introduction aux OI est celle de Smouts)

Global Governance. Concept développé à travers une nouvelle revue fondée en 1945 (Global Governance). Initialement on parlait de 'gouvernabilité', concept forgé dans le cadre de la problématique du développement, vers la fin des années 80. Par la suite, avec la fin de la guerre froide le concept de gouvernance s'y est substitué. C'est l'adaptation de la gestion publique aux nouveaux défis du développement a l'ère de la globalisation. Ce concept a été conçu pour expliquer tous les mécanismes et processus de coopération visant a assurer la gestion d'un système international mondialisé. Il va de pair avec le concept de mondialisation.

Il emploie des méthodologies sophistiquées liées à la mathématique, entre autres, qui n'ont pas abouti a une théorie générale ni a un chemin explicatif convaincant. L'impasse conceptuelle demeure aujourd'hui : pas de paradigme explicatif unique ou généralement accepté. La prétention de trouver des régularités et dégager des lois pour prévoir la conduite des Etats a fait long feu.

Il y a deux façons de procéder a l'analyse des OI :1. Les considérer comme un objet d'étude concret.2. Les considérer comme un objet d'étude abstrait, analyser la forme idéale, abstraite qui se cache derrière l'objet. -> c'est l'approche par les faits vs. celui par les idées abstraites.

2

Page 3: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

L'analyse de l’OI ne peut être qu’interdisciplinaire, entre ScPo, DI et RI.

L'OI est le produit d'une lente maturation historique. Elle n'a commencé à se développer que lorsque 2 conditions se sont trouvées simultanément:

1. L'existence d'Etats souverains. L'OI va refléter ce qu'on appelle l'ère westphalienne.2. La prise de conscience par les Etats souverains de leurs problèmes communs, et des solutions communes nécessaires.

Ces conditions se trouveront simultanément a partir du 19ème, en 1815 avec le Congrès de Vienne, qui a ouvert l'ère de la diplomatie multilatérale (jusqu'a alors essentiellement bilatérale). Apparition des 1premières OI: La Commission Fluviale, Unions Internationales.

Aujourd'hui les OI sont si nombreuses et disparates qu'il est difficile d'établir une typologie. Distinction fondamentale: OI intergouvernementales et non gouvernementales. Il y en a aussi des mixtes, p.e. l'OIT, qui a des représentants des employeurs et travailleurs a coté des représentants gouvernementaux.

Distinction en fonction de la composition géopolitique: universelles (ONU), régionales, transrégionales (dont les membres appartiennent a plusieurs régions).

Autre typologie: org. sectorielles (OIT, UNESCO, etc.) et non spécialisées comme l'ONU.

Org. de coopération (visent le rapprochement des politiques) et d'intégration (vont beaucoup plus loin, soumettant les politiques aux mêmes règles).

Aucun domaine n'a échappé aux OI.

Il n'existe pas de définition généralement reconnue du concept des OI. Beaucoup des concepts clés en RI n'ont pas de définition généralement acceptée: nation, terrorisme, etc.

Pour définir l'OI on peut partir du concept général d'organisation. Il se définit comme visant un ensemble d'acteurs en interaction et ces acteurs interagissent au sein d'un cadre institutionnel structuré, en vue de réaliser des objectifs d'intérêt commun.

L'OI c'est d'abord une association d'Etats membres souverains, elle est volontaire et possède des structures institutionnelles permanentes et a pour mandat de réaliser des objectifs d'intérêt commun.

A quoi servent les OI? 2 points de vue opposés:

1. Elles ne sont que des instruments de politique étrangère, subsidiaires (dans un système international sans autorité suprême ni arbitre elles ne peuvent que refléter les rapports de force) <-- point de vue réaliste. Les OI ne peuvent se manifester comme des acteurs autonomes, ne sont que des instruments diplomatiques d'appoint. Leur impacte est insignifiant, elles sont des acteurs

3

Page 4: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

marginaux (lire article de Mearsheimer), des instruments de politique étrangère pour les grands pays (en tant qu'outil, une arme ou moyen de réaliser des objectifs de politique étrangère, p.e. les USA lors de la 1ère guerre du Golfe ont utilise l'ONU, ainsi que dans la guerre de Corée), et pour les petits pays (en tant que bouclier, un moyen de préserver et protéger leurs intérêts nationaux - c'est pour ça qu'ils tiennent au DI et à ce que les OI soient fortes).

2. Les OIs sont des instruments de coopération multilatérale, et en tant que tels elles sont des acteurs à part entière du système international, et leur poids n'est pas insignifiant. Leur rôle est multiple, de forum de discussion (parliamentary diplomacy), de laboratoire normatif (les OI élaborent des conventions internationales et produisent des normes, contrôlant leur mise en oeuvre), de prestataires de services opérationnels en matière économique, sociale, humanitaire. Aussi un rôle symbolique de légitimation collective: condamner ou promouvoir certains comportements ou situations. P.e. l'apartheid a été délégitimé alors que la décolonisation a été légitimée.

La réalité est à mi-chemin: les OIs sont à la fois des instruments de politique étrangère et des instruments de coopération. Leur impact est très variable selon les organisations, les thèmes, les périodes, car tout dépend de la volonté des pays membres. Par delà les débats théoriques les OI reflètent un effort de rationalisation des RI tendant a établir un certain nombre de règles du jeu compatibles avec la souveraineté nationale. Au fond les OI visent a protéger la souveraineté nationale. Elles ont une double finalité, résumée par les verbes minimiser et maximiser. Il s'agit de pacifier les RI, gérer les rapports de force entre les acteurs étatiques, et pour ce faire elle a commencé avec le concept de sécurité collective (qui s'est révélé un idéal inatteignable) et la minimisation des relations conflictuelles, les réduire au minimum. D'autre part, il faut maximiser l’interaction en favorisant la coopération dans des domaines divers.

L'OI peut se définir comme une entreprise multilatérale et institutionnalisée de régulation des rapports simultanés de conflit et de coopération qu'entretiennent en permanence les acteurs territoriaux du système international. L'objectif est l'établissement d'un ordre international pacifique et stable.

La Sécurité Collective (SC).

La notion de sécurité a un contenu variable et relatif. Ses fondements sont toujours subjectifs. Etre en sécurité c'est être à l'abri des dangers, mais ceux-ci peuvent être imaginaires ou réels. Pour les Etats la sécurité n'est pas seulement la paix, p.e. Cuba, Israël. Spinoza disait que l'objectif fondamental de tout être est celui de prolonger son existence aussi longtemps que possible. Il en est de même pour les Etats. "The security of a given state is the sum total of its vital national interests". Mais qu'est-ce qu’un intérêt vital? c'est un intérêt sur lequel repose l'existence et l'identité même de l'Etat, dont la défense est indispensable pour qu'un Etat persévère dans son être.

La sécurité collective peut être définie comme la garantie de chacun des Etats du système international par un régime politico-juridique collectif. La théorie de la sécurité collective a été conçue comme un substitut aux moyens par lesquels les Etats assuraient traditionnellement leur sécurité: la voie unilatérale. Un Etat peut assurer sa sécurité de façon unilatérale sur la base d'une triple faculté:

4

Page 5: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

1. La faculté souveraine de recourir a la guerre d'une manière illimitée, à des fins préventives ou non préventives. Richelieu: "la guerre est le dernier argument des rois". Conséquence: des guerres incessantes entre Etats.

2. Faculté souveraine de s'armer sans limites. Conséquence : course aux armements.

3. Faculté de conclure des alliances protectrices, soit bilatérales, soit multilatérales. La sécurité par les alliances, qui découle de l'équilibre des forces (BoP -> attention à la traduction en français!). Conséquence: climat de tension permanente qui finit par déboucher sur la guerre.

La sécurité collective proposera 3 antidotes:

1. L'interdiction du recours a la force (NRF) dans les RI. Il ne suffit pas de l'interdire, elle est complétée par le règlement pacifique des différends (NRF-RPD). L'essence de la SC est la renonciation a la guerre de conquête, l'interdiction de toute modification du statu quo international par le recours a la force.

2. Le désarmement, par voie de négociation bilatérale ou multilatérale. Terme générique qui peut couvrir la limitation des armements futurs à fabriquer ou acquérir, la réduction des armements existants, ou la destruction d'armements existants. (Disarmement n'est pas égal à Arms Control = maîtrise des armements; concept forgé dans le cadre de la course aux armements nucléaires entre USA et URSS visant à poser des limites et réglementer la course aux armements américano-soviétique).

3. La conclusion d'une alliance entre tous les pays du système international, globale, universelle, pour constituer une coalition qui appliquerait automatiquement des sanctions économiques et si nécessaire, militaires, contre tout Etat qui agresserait un autre Etat, en violant l'interdiction du recours a la force. La SC offre un équivalent à un pacte général de non agression, et un pacte d'assistance mutuelle (menace de sanctions).

Il convient de clarifier deux questions :

A. Est-ce que la SC représente une version améliorée du système du BoP? y a-t-il des points de comparaison? Observations pour la réponse: 1. Dans la SC il y a la notion d'alliance aussi, mais l'alliance que propose la SC est permanente (grande différence), et n'est dirigée contre aucun Etat particulier. Elle est conclue au nom de l'intérêt général, alors qu'un système de BoP ne peut être qu'instable et précaire. 2. La SC implique que le fardeau de la sécurité soit assurée par les membres d'une coalition, comme dans un régime de BoP, mais l'objectif de la SC est une sécurité universelle.

B. Le Concert Européen peut-il être considéré comme une expérience de SC avant la lettre? C'était un système de consultation multilatéral entre les grandes puissances de l'époque. Ce n'était pas une OI, pas de structure permanente, pas de siège, pas de périodicité. Chaque fois qu'il y avait une crise, les grandes puissances décidaient si elles se réunissaient ou pas. Réponse: non, car le Concert Européen n'était pas universel mais restreint, un club hégémonique. Sa

5

Page 6: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

véritable finalité était d'éviter la guerre entre grandes puissances. La logique du Concert Européen est celle du BoP et non pas celle de la SC.

Comment la théorie de la SC s'est-elle développée? Concept très ancien, de nombreuses propositions depuis le 14ème siècle. Projets de paix perpétuelle proposés par des hommes d'Etat, des philosophes (Kant, Bentham, Comte de Saint-Simon), des utopistes, visant tous à éliminer la guerre entre pays européens, et parfois entre tous les pays du monde. Le contenu de ces projets reste moderne: on trouve l'idée du désarmement, du règlement pacifique des différends, du non recours a la force, des sanctions internationales et même parfois le droit des peuples a disposer d'eux mêmes. Tous ces projets sont restés à l'état de la spéculation jusqu'a la création de la SDN. Elle établira le 1er régime de SC de l'histoire des RI.

La théorie de la SC repose sur 2 éléments fondamentaux:

1. L'indivisibilité de la paix, idée formulée avec une grande clarté dans l'Art. 11 du pacte de la SDN: "Toute guerre ou menace de guerre, qu'elle affecte directement ou non l'un des membres de la SDN, intéresse la SDN toute entière". Ca signifie qu'aucun conflit interétatique armé ne peut être considéré comme local. Tout conflit intéresse le monde entier, toute agression concerne tous les Etats du monde. Pourquoi? parce que si on laisse une agression impunie on crée un précédant et on encourage d'autres agresseurs. Deux corollaires: 1. Il n'y a pas de conflits purement locaux, les enjeux sont toujours universels. 2. aucune politique de neutralité n'est acceptable, parce que si un Etat reste neutre en face d'une agression il la légitime en quelque sorte.

2. La solidarité internationale, qui se trouve dans l'Art. 16 du pacte de la SDN: "Si un Etat membre commet une agression, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la SDN et ces membres doivent se prêter mutuelle assistance".

D'un point de vue pratique, la SC exige 2 conditions fondamentales:

1. Une participation universelle. Un système de SC est par définition universel ou il n'existe pas, car il serait une alliance, et on reviendrait a la logique de la BoP. P.e. l'OTAN possède un régime de défense collective (à ne pas confondre avec sécurité collective). Différence: dans un régime de SC, l'ennemi n'est jamais connu a l'avance, il est par définition intérieur au système. Mais dans un régime de défense collective l'ennemi est connu a l'avance, et il est toujours extérieur a l'alliance.

2. Un système international multipolaire dans lequel existeraient quelques grandes puissances de force plus ou moins comparable. La SC ne peut pas fonctionner dans un monde bipolaire, ou la paix n'est plus indivisible. Les acteurs dans chaque camp sont sous la protection d'un pays leader. Un vrai régime de SC est théoriquement censé jouer même si une grande puissance commet un acte d'agression. S'il y a un pays agresseur, il ne faut pas qu'il soit plus fort que les forces de la coalition. Aucun Etat du monde ne devrait être assez fort pour intimider le reste du monde et agir impunément.

La SC est une théorie idéaliste. Approche hyper-rationnel des RI. Elle pense que les Etats sont disposés à renoncer a l'unilatéralisme dans l'intérêt général. Elle croit aussi que si on abaisse le niveau des armements dont disposent les Etats,

6

Page 7: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

on supprime une des causes de la guerre. La SC croit que les conflits entre Etats sont comme les conflits entre individus, et on peut les raisonner. Enfin, quant aux sanctions, il y a l'idée que si un Etat va être soumis a une sanction, la crainte de cette sanction sera telle qu'il sera dissuadé de commettre la violation.

Pourquoi la SC est un idéal irrationnel et irréalisable?

1. La SC part de la conviction que les Etats sont capables d'altruisme, de faire prévaloir l'intérêt général du monde et donc de renoncer à leurs intérêts nationaux. La paix indivisible obligerait tous les Etats du monde a intervenir, même si on n'a aucune affinité avec l'Etat agresseur ou si au contraire, on l'a comme partenaire. Les Etats peuvent-ils se comporter de manière altruiste?

2. La SC prétend assurer la sécurité de tous les Etats du monde sur une base volontaire. Elle prétend obtenir les bénéfices d'un gouvernement mondial sans gouvernement mondial.

3. La SC a été conçue comme une réponse au problème d'agression entre Etats. Or depuis la guerre froide la sécurité est surtout menacée par la déliquescence des Etats, des Etats qui s'effondrent.

Conclusion: Faut-il considérer que la SC est un idéal purement utopique? Il peut devenir réalité mais dans certains cas de figure très rares, quand l'intérêt des grandes puissances coïncide avec l'intérêt de toute la communauté internationale. P.e. La première guerre du Golfe. La SC est donc un idéal inatteignable, mais aujourd'hui elle se fait de façon atténuée dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Autre concept: la sécurité humaine.

2006-03-21

Expérience de la SdN en matière de SC (et son échec)

2 remarques introductives:

1. La SdN a été créée sous la pression des opinions publiques des pays belligérants et des pays neutres. La SdN a été créée sous la pression d'ONGs pacifistes révoltées par les horreurs de WWI. Pendant toute la guerre, ces ONGs ont appelé les gouvernements à créer une organisation de SC. Elles ont élaboré des projets d'organisation de SC. Les gouvernements n'en voulaient pas car ils étaient beaucoup trop audacieux, mais devant la pression ils se sont décidés à créer leurs propres projets.

2. La SdN n'a pu être créée que grâce à l'insistance du Président Wilson, qui a mis tout son poids, son prestige au service de l'idée d'une SdN et l'a imposée aux pays européens qui n'en voulaient pas, car elle poserait des contraintes à leur liberté d'action. Livre illustrant la personnalité de Wilson par Freud.

Analyse critique du dispositif du Pacte de la SdN.

7

Page 8: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Contenu du Pacte. Ce n'était pas un traité à part entière, mais un texte qui faisait partie du traité de Versailles (1919) et d'autres traités de paix de 1919 et 1920. Si on le compare à la Charte des Nations Unies il était court: 26 articles longs <-- optique plus légaliste, contre 108 articles courts de la Charte des Nations Unies <-- optique plus souple, plus politique. Presque la moitié des articles concernent la SC. L'expression SC ne figure pas dans le texte du Pacte. Elle fait son apparition tardivement, dans un mémorandum soumis par la FR à la conférence de GE sur le désarmement. Son contenu est comparable à un édifice qui repose sur 3 grands piliers. Il y aurait un 4ème qui serait le désarmement, mais on le laissera de coté ici.

1er pilier: L'art. 10 et 19. Art. 10: engagement de non agression qui garantit aux pays membres leur intégrité territoriale et leur indépendance politique. Garantir l'intégrité territoriale est une garantie contre l'annexion partielle ou totale. L'indépendance politique vise l'occupation. L'art. 10 imposait aux pays membres un devoir d'abstention et d'action. D'abstention: il interdit l'annexion et l'occupation. D'action: obligation de rétablir le statu quo s'il est violé. En somme, il vise l'interdiction de toute modification du statu quo par la violence.Art. 19: il tempère l'art. 10. Il dit que l'Assemblée de la SdN peut examiner de temps à autre les traités devenus inapplicables et les situations qui pourraient mettre en péril la paix du monde.

2ème pilier: Mécanisme de RPD, Art. 12 et 15. Le mécanisme concerne "tout différend susceptible d'entraîner une rupture". Pour décoder ce langage, il s'agit de tout conflit susceptible de dégénérer en conflit armé --> diplomatie préventive, concept détrôné depuis quelque temps par celui d'action préventive. Il s'agit de soumettre des conflits à un règlement pacifique avant qu'il y ait recours à la force. Ce mécanisme opère une distinction entre conflit juridique et conflit politique. Distinction aujourd'hui obsolète. Raison de cette distinction: le pacte disait que les conflits juridiques seraient soumis à l'arbitrage ou à une juridiction permanente, alors que les conflits politiques seraient soumis aux organes politiques de la SdN. S'agissant des conflits politiques, le pacte SdN attribuait une fonction de médiation et de conciliation au Conseil de la SdN (pas de Sécurité), et également à l'Assemblée (pas le cas aujourd'hui). Donc les 2 organes étaient à égalité pour la gestion des conflits.

3ème pilier: Répression collective de l'agression. Art. 16, prévoyant des sanctions économiques et militaires. Sanctions économiques: censées être à la fois automatiques et obligatoires. Sanctions militaires: facultatives. En plus, il y avait aussi une sorte de sanction morale: l'exclusion d'un Etat s'il était coupable de la violation d'une des obligations du pacte, qu'il soit un petit ou un grand Etat --> pas de droit de veto à la SdN. Un seul Etat a été exclu: l'URSS en 1929. Le veto s'explique par l'exclusion de l'URSS de la SdN, donc il a été crée lors de la création de l'ONU comme garantie.

Graves faiblesses, lacunes, failles. (3)

1. Le Pacte n'instituait pas une procédure de RPD obligatoire. Ce qui était obligatoire c'était la procédure, et non pas l'initiative.

2. Le Pacte n'interdisait pas totalement le recours à la guerre, alors que la Charte des Nations Unies le fait aujourd'hui. Donc la guerre était permise dans certains cas: guerres licites et illicites. Cas de figure où la guerre était interdite: avant la

8

Page 9: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

tentative de RPD; pendant le déroulement de la procédure de RPD, qui ne devait pas excéder 6 mois; guerre interdite 3 mois après la solution imposée par le Conseil ou l'Assemblée de la SdN. Explication de ce paradoxe: les rédacteurs du Pacte faisaient la distinction entre un conflit international et un conflit entre individus. Lors du recours à la force il faut gagner du temps pour calmer les esprits, donc 9 mois de réflexion permettraient d'éviter une guerre. Cas où la guerre est permise: la solution proposée par le Conseil a été adoptée par la majorité et non pas par unanimité. Critique: la SdN n'avait pas de troupes à sa disposition. C'était une gendarmerie sans gendarmes, pas de possibilité d'appliquer ses sanctions.

3. Dès le départ (1920) les Etats se sont divisés sur la nécessité de combler les brèches du pacte. Deux tendances: Française: La FR voulait le renforcement du Pacte pour se protéger contre ses ennemis, le rendre plus contraignant. Britannique: La GB disait que le Pacte allait trop loin, il fallait garder le statu quo ou même l'affaiblir. Raison: la GB devrait porter le fardeau en cas d'application de la SC, car c'était la plus grande puissance. Cette dernière tendance l'emportera.

Comment? Exemples:

Art. 15, concernant la RPD, a été invoqué pour des conflits qui avaient déjà dégénéré en conflits armés, alors qu'il était censé être préventif. Il a été dévié de sa fonction, dénaturé car appliqué a posteriori alors qu'il était censé être appliqué a priori.

Art. 10, équivalent d'un pacte de non agression. Les pays ont dit qu'il était une obligation morale et non pas juridique. Donc pas vraiment d'obligation d'intervenir lors d'un conflit.

Art. 16 sur les sanctions, vidé de sa substance dès 1921. L'Assemblée de la SdN, sous la pression britannique, a adopté des recommandations qui ont spécifié que les sanctions militaires ne seraient plus automatiques. Ces recommandations ont dit aussi que les sanctions militaires étaient à exclure.

(Voir tableau des conflits) La SdN gérera 11 conflits, sur la base des art. 10, 11, 12 ou 15, et exceptionnellement les art. 16 et 17. En réalité il y a eu plus de 30 conflits à l'époque. Pourquoi on ne considère que 11?

Remarques: le Conseil a réglé certains conflits sur la base de traités de paix et non pas du Pacte, p.e. le partage du territoire de la Haute Silésie entre PL et DE. Il a également réglé certains litiges sur la base du système de protection des minorités nationales, p.e. minorités albanaises en GR dans les années 20, et les minorités hongroises en RO. Enfin, le Conseil a réglé certains conflits à la requête d'un organe particulier: la Conférence des Ambassadeurs. C'était un organisme créé par le Conseil Suprême des Puissances Alliées (victorieuses), il était restreint aux grandes puissances, et sa compétence était de régler toutes les questions en suspens concernant l'exécution des traités de paix, sauf si elle demandait au Conseil de le faire.

Conflit le plus important: le conflit de Corfou (IT-GR) de 1923, car pour la 1ère fois depuis la fin de la guerre une grande puissance commettait une violation vis à vis d'un petit pays.

9

Page 10: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Les années 30 ont été appelés les années de déclin. 2 conflits majeurs: conflit sino-japonais, que certains identifient à l'origine de la WWII, et le conflit italo-éthiopien.

Ces 11 conflits ont été variables du point de vue de la durée et l'intensité. Certains très brefs car leurs causes étaient fortuites et pas profondes. Cas contraire: conflit sino-japonais, conflit de Chaco, guerre civile espagnole (il n'existe pas de guerre civile pure, le contexte international a toujours une influence, en l'occurrence c'étaient DE et IT).

6 conflits européens. 2 conflits en Amérique Latine, que la SdN a essayé de gérer alors que l'art. 21 du pacte légalisait la doctrine Monroe. Elle a échoué à Chaco (US contre l'intervention de la SdN) mais a réussi à Leticia (US pour l'intervention de la SdN).

Distinction - conflits entre acteurs symétriques / asymétriques:

Symétriques: 2 cas de figure: conflits entre grandes puissances ou entre petites puissances, mais elles peuvent être aidés par d'autres pays. En l'espèce, pas vraiment de conflits entre grandes puissances pendant cette période. Quant aux conflits entre petites puissances, la SdN les a gérés en général de façon impartiale, sauf le conflit de Vilna (1920-23). Territoire revendiqué par la Lituanie et la PL. En 1920 la PL s'en emparera par la force. Coup de force effectué par un général polonais, soit disant par un acte personnel. La SdN renverra les parties dos à dos, les mettra sur le même plan, ce qui fait que le Conseil va laisser la Conférence des Ambassadeurs intervenir pour régler le problème. Différence entre SdN et la Conférence: l'une se veut universelle, l'autre est restreint, fonctionnant sur la base de la diplomatie secrète. Or, et 1923 la Conférence des Ambassadeurs attribuera Vilna à la PL, et le Conseil de la SdN acceptera le fait accompli. Pourquoi cette partialité? 2 raisons historiques: 1. La PL à ce moment était en guerre contre l'URSS. Clemenceau disait qu'il fallait mettre un cordon sanitaire autour de l'URSS, donc on ne pouvait pas condamner un pays qui luttait contre elle. 2. La PL bénéficiait du soutien de la FR alors que la GB soutenait la Lituanie. Le Conseil s'est finalement aligné sur la position française.

Conflits asymétriques, plus graves étant donné leur nature, et où le rôle de la SdN est donc décisif. Remarques:

1. Ils ont été provoqués par l'agression des grandes puissances contre des petites puissances. P.e. l'IT contre la GR (conflit de Corfou), et dans l'affaire éthiopienne. On peut identifier une 3ème agression contre l'Albanie. La plus importante fut celle d'Ethiopie. Elle notifiera son retrait de la SdN en 1937 mais elle est effectivement sortie en 1939.Autre agresseur: le JP, qui s'est emparé de la Mandchourie en 1931 en toute impunité. Il a commencé une longue guerre de conquête contre la CN à partir de 1937. Il notifiera son retrait en 1933, effectif en 1935.3eme agresseur: l'URSS qui envahit la FI en 1939.4eme agresseur: la DE, affaire de Tchécoslovaquie, de PL, etc.

Comment la SdN gère ces conflits? c'est en général la plus grande puissance qui emporte la partie.

10

Page 11: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Affaire de Corfou (1923). La conférence des ambassadeurs était chargée de démarquer les frontières de l'Etat albanais. Elle avait envoyé sur place une commission à cette fin, présidé par un général italien, qui sera assassiné sur territoire grecque. L'IT enverra un ultimatum immédiatement à la GR avec des exigences extrêmes: demande d'excuses humiliantes, une indemnité immédiate de 50 millions de lires, et surtout une enquête qui aboutisse dans les 5 jours à l'exécution des coupables. Au fond, juste une excuse. L'IT bombardera et occupera le détroit de Corfou, selon elle à titre de gage. L'IT avait le soutien de la FR, qui occupait aussi un territoire allemand à titre de gage. La SdN abandonnera la GR et laissera la gestion du conflit à la Conférence des Ambassadeurs, où l'IT est en position de force. L'enquête de la Conférence conclut que le gouvernement grecque n'a pas de responsabilité dans l'assassinat du général italien, mais l'IT demandera à ce que ce rapport reste secret, et exigera l'indemnisation que la GR sera obligée de payer.

Conflit sino-japonais. Le JP, qui avait des problèmes démographiques, lorgnait vers la CN, un pays sans gouvernement central fort. Il convoite la Mandchourie et provoquera un incident sur la voie des chemins de fer au sud de la Mandchourie sous la surveillance des troupes japonaises. Le JP accusera la CN d'avoir provoqué l'incident et envahira la Mandchourie. Agression flagrante. Le Conseil de la SdN acceptera au départ tous les arguments japonais: la CN est un pays anarchique, xénophobe, donc il est normal qu'il défende ses intérêts par la force. On établit une commission d'enquête (commission Little), qui proposera une solution en 1923. On y voit qu'elle a été sensible aux arguments japonais: elle propose l'autonomie de la Mandchourie, la reconnaissance des droits et intérêts du JP en Mandchourie, et le rapprochement économique entre CN et JP par voie de traité (c'est-à-dire mettre la CN sous protectorat japonais). La SdN adoptera cette solution avec certaines réserves, qui provoqueront le retrait du JP. Pour se racheter, la SdN offrira à la CN une assistance technique sans précédents.

Conflit italo-éthiopien. L'IT fasciste agira de façon similaire au JP. L'IT convoitait l'Ethiopie car elle était frustrée sur le plan colonial: c'était l'un des rares pays sans colonies considérables en Afrique. Arrivée tardive dans le partage de l'Afrique. Elle avait déjà essayé de conquérir l'Afrique en 1896 mais ses troupes avaient été battues par les troupes éthiopiennes. Donc, désir de vengeance, de sauver l'honneur. L'IT essayera au départ d'établir son influence uniquement de façon politique et économique. Mais avec l'arrivée de Hitler elle comprend que la FR et la GB ont besoin d'elle pour maintenir l'équilibre. Elle choisira à ce moment là de conquérir l'Ethiopie par la force. Elle fabriquera aussi un incident, et accusera l'Ethiopie de l'avoir provoqué, et bombardera plusieurs cités éthiopiennes. L'opinion publique prendra parti pour l'Ethiopie. L'IT a commencé à justifier ses desseins en affirmant qu'il est normal d'utiliser la force contre l'Ethiopie car ce n'est pas un pays civilisé. Il n'y a qu'une façon de régler les problèmes avec ce pays et c'est par la force. Proposition par la SdN d'un protectorat IT-FR-GB sur l'Ethiopie <-- fait grave. Mais l'IT ne veut pas un protectorat, elle veut toute l'Ethiopie, donc refuse et utilise plus résolument la force. L'opinion publique internationale est indignée, et il y a une telle pression sur FR et GB qu'elles décident d'appliquer des sanctions contre l'IT. Malheureusement, c'était un double langage: dans les coulisses, FR et GB négociaient avec l'IT, et on appliqua des sanctions purement économiques et non pas militaires. Ces sanctions ont été un échec total car les sanctions économiques n'incluaient pas le pétrole et ses dérivés. La SdN a estimé que ce n'était pas nécessaire car l'IT pourrait s'approvisionner en pétrole auprès d'un

11

Page 12: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

pays non membre (les US). Donc l'absence des US a porté un coup fatal à la SdN. L'IT sortira vainqueur car elle annexera l'Ethiopie.

Donc, les conflits asymétriques ont été un désastre pour la SdN.

Juridiquement, la SdN ne sera dissoute qu'en 1946, donc après la création de l'ONU. "La SdN n'est plus (en 1946) qu'un cadavre maquillé".

Enjeux des conflits: Essentiellement territoriaux. Pas de conflits ethniques, car ils ont été examinés par le Conseil dans le cadre du système de protection des minorités.

P.e. Conflit des Iles d'Aland. Petit archipel de la Baltique, constitué d'îles largement inhabitées. La FI et la SE révindiquaient ce territoire. Finalement le Conseil attribuera l'archipel à la FI sous la condition de démilitarisation et d'un système de protection des minorités suédophones, qui fonctionne toujours. C'était un règlement exemplaire.

Conflit de Mossoul. Territoire vilayet de l'ex-empire ottoman. Le traité de paix de Lausanne de 1923 prévoyait que la frontière entre la Turquie et l'Irak serait réglé par la SdN. Or la GB avait le contrôle de l'Irak, et à Mossoul il y avait du pétrole. Donc Mossoul a été revendiqué par la GB au nom de l'Irak. La Turquie n'était pas membre de la SdN. Or, jamais le pétrole n'a été mentionné au Conseil. A travers l'Anglo-iranian Oil Company les britanniques contrôlaient les ressources en pétrole de l'Irak. Enjeux énormes, Mossoul permettrait à la GB de contrôler la région. Règlement: on a attribué Mossoul à GB. On a pas tenu compte des veux de la population kurde, qui était pourtant majoritaire.

Conflit du Chaco. Immense plaine que l'on supposait pétrolifère. Guerre acharnée entre la Bolivie et le Paraguay. C'est le Paraguay qui a gagné et a attribué le droit d'exploitation à une compagnie pétrolière américaine, qui a été à l'origine du conflit.

Conflit de Leticia. Territoire appartenant au Pérou, cédé à la Colombie en 1922. La Colombie a voulu mettre en valeur le territoire en faisant un port fluvial sur l'amazone. Les péruviens ont soudainement repris intérêt par ce territoire. Intérêts particuliers soutenus par le gouvernement. La SdN a organisé elle-même l'administration du territoire --> fait inédit.

Conclusions.

C'est le Conseil qui en règle générale a géré les conflits. L'Assemblée Générale a quand même intervenu dans la Mandchourie, Chaco, conflit IT-Ethiopie et conflit RU-FI. Pourquoi? Assemblée plus favorable à la cause des petits Etats.

La SdN a toujours manifesté une réticence à se placer dans la logique de la répression. P.e. IT, PL, JP pas condamnés, etc. Les rares fois où la SdN a eu recours à la coercition ont été un échec: Embargo sur les armes dans le conflit du Chaco, exclusion de l'URSS, sanctions économiques contre l'IT. La SdN a privilégié l'action conciliatrice et médiatrice. Pratiques comparables à celles qu'utilise aujourd'hui l'ONU. P.e. Administration de Leticia, vérification du retrait des troupes.

12

Page 13: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Aujourd'hui la SdN reste associée à un échec, à une faillite de la paix. Or, Churchill a dit: "La faillite de la paix ne doit pas être attribuée à la Société des Nations mais aux nations de la société". Ce constat va pousser les fondateurs de l'ONU à rédiger la Charte, inspirée de l'idée qu'il faut que les grandes puissances jouent leur rôle au sein de la société internationale.

2006-03-28

L'ONU et le blocage de la SC pendant la guerre froide.

Processus d'élaboration de la Charte des Nations Unies.

Contrairement au Pacte SdN, la Charte des Nations Unies n'a pas été élaborée d'un seul coup, mais dans un processus qui durera plusieurs années jusqu'à la fin de WWII. Deux phases dans ce processus: (voir dessins)

1. Phase des déclarations de principe (de 1941 à 1943). Elle inclut 3 grandes déclarations:

a. Charte de l'Atlantique (Roosevelt, Churchill, le 14 août). Déclaration bilatérale de solidarité anglo-américaine. Les deux grandes démocraties qui restaient dans le monde (l'Europe était occupée). Les US étaient encore neutres dans la guerre, ne pouvaient pas s'engager énormément dans cette déclaration (donc pas comparable aux 14 points de Wilson). But: déclarer qu'il y a encore des démocraties qui veulent créer un ordre international démocratique.

b. Déclaration des Nations Unies en guerre contre l'Axe. Première fois où l'expression 'Nations Unies' est utilisée. Coalition alliée. 1er janvier 1942. Formulée à l'initiative des US, maintenant belligérants. Deux éléments: 1. elle proclame l'adhésion aux principes de la Charte de l'Atlantique (multilatéralisation des principes jusqu'à alors bilatéraux). 2. Engagement de ne pas déposer les armes avant la défaite totale de la DE nazi. D'abord 26 signataires, par la suite une vingtaine de plus.

c. Déclaration quadripartite de Moscou. (La FR est exclue du processus jusqu'en 1945. Occupée, et les US n'ont pas confiance en De Gaulle). On reconnaît la nécessité de créer une nouvelle organisation de SC "en temps voulu", pas ouverte à tous les pays mais uniquement aux pays épris de paix (peace loving countries). Pourquoi "en temps voulu"? parce qu'en 1943 la guerre ne tournait pas encore en faveur des alliés. Pourquoi une "nouvelle" organisation de SC? parce que la SdN existait encore. Donc le non dit est important, on ne dit pas qu'il faut revitaliser la SdN, c'est un peu le faire part du décès de la SdN.

2. Phase des travaux préparatoires, élaboration proprement dite de la Charte.

a. Propositons de Dumbarton Oaks (près de Washington). On négocie un projet de Charte, qui n'est pas entièrement complet: lacunes, on n'a pas encore réglé tous les problèmes, p.e. la question du veto, du siège permanent de la FR. Ce sont donc les grandes puissances qui négocient le contenu de la Charte.

13

Page 14: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

b. Conférence de Yalta. Conférence consacrée au sort de la DE vaincue, mais en marge on a réglé toutes les lacunes des propositions de Dumbarton Oaks, ce qui a permis d'avoir un texte de Charte complet.

c. Conférence de San Francisco (du 24 avril au 26 juin). Remarques: 1. Elle était ouverte aux signataires de la déclaration de 1942 (donc aux pays belligérants... les pays latino-américains ont dû déclarer la guerre à DE juste pour participer). 2. Les petites puissances ont soumis de très nombreux amendements, ce qui permet de dire que la Charte a été adoptée par un processus plus démocratique que le pacte de la SdN. Les petites puissances réussiront à élargir un peu les compétences de l'AG, mais la Charte est quand même restée tributaire de la vision des grandes puissances. 3. La FR est devenu membre permanent du CdS. A la base le français n'était même pas censé être une langue officielle. Le texte a été adopté et la Charte est entrée en vigueur le 24 octobre 1945.

Qu'est-ce que la Charte offrait comme dispositifs de SC? Chapitres 6, 7 et 8, ainsi que l'art. 2.4.

Ce dernier article est la disposition la plus importante de la Charte. Il concerne l'interdiction totale du recours à la force dans les RI. Cet article va tellement loin qu'il interdit aussi la menace de l'emploi de la force: on est aux antipodes de la SdN, plus de distinction entre guerres licites et illicites. "Dans les RI" signifie que ça ne concerne que les conflits entre Etats (et pas les guerres civiles). Trois exceptions à cette disposition:

1. La légitime défense. Art. 51. Quatre remarques: Elle est considérée par la Charte comme un droit naturel. Elle est un droit individuel (de chaque Etat) est aussi collectif (un groupe

d'Etats, p.e. l'OTAN). Elle est une option de durée limitée, elle n'est valable que jusqu'à ce que

le CdS puisse intervenir. La légitime défense est donc une sorte de filet de sécurité.

La légitime défense ne peut être invoquée qu'en cas d'agression armée, donc on ne peut pas l'invoquer à titre préventif.

2. L'action collective contre un pays agresseur. Le préambule de la Charte affirme: "il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun". (art. 42 concernant le CdS).

3. Recours à la force contre une catégorie de pays nommée les Etats ennemis: tout Etat qui au cours de la WWII a été l'ennemi de l'un des signataires de la Charte des Nations Unies. Pays de l'Axe: DE, JP, IT, plus leurs satellites de l'époque: HG, FI... Contradictoire aujourd'hui: on ne peut pas être membre et ennemi de l'ONU en même temps. Or, cette disposition n'a pas été éliminée.

Trois grands piliers de la Charte, à importance inégale: Chapitres 6, 7 et 8.

Chapitre 6. Quatre remarques:1. L'obligation pour les Etats de résoudre leurs différends de préférence par voie bilatérale. (Art. 33.1) Le CdS ne doit intervenir que pour les cas majeurs, il ne faut pas l'encombrer.

14

Page 15: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

2. En cas d'échec, le différend peut être soumis au CdS par l'une ou l'autre des parties (Art. 37.1)

3. Le CdS peut intervenir à tout stade d'un différend comme il l'entend, s'il le juge nécessaire, et il peut faire deux choses: recommander des méthodes (36.1) ou aller plus loin et proposer des solutions de règlement (37.2).

4. Les résolutions adoptées par le CdS au titre du Chapitre 6 ne sont pas obligatoires. On est en deçà du pacte SdN. Mais ce n'est pas pour autant une régression.

Chapitre 7. Pilier fondamental. Action en cas de menace ou de rupture de la paix. Coercition pour l'imposition de la paix. Les pouvoirs sont attribués au CdS, de décider de sanctions obligatoires et automatiques. Art. 41: actions non militaires, c'est à dire économiques, diplomatiques. Art. 42: sanctions militaires, pouvant être appliquées avant les non militaires si nécessaires - le CdS a carte blanche, et peut utiliser des forces navales, aériennes ou terrestres. Art. 43 (n'a jamais été mis en pratique): engage tous les membres de l'ONU à fournir des forces armées au CdS, sur la base d'un traité (chaque Etat était censé conclure un traité avec le CdS). Art. 47: Comité d'état majeur pour assister le CdS dans les questions militaires.

Deux autres sanctions, plutôt d'ordre moral: suspension de la qualité de membre (art. 5) ou l'exclusion (art. 6).

Chapitre 8: Accords régionaux - organismes de sécurité régionale.

1. La Charte reconnaît que les organismes de sécurité régionale peuvent être utiles à l'ONU à une condition: ils doivent être compatibles avec les buts des ONU. Ca veut dire que l'ONU les considère comme des auxiliaires et pas des concurrents.

2. Le chapitre 8 donne aux organismes de sécurité régionale carte blanche dans le domaine du RPD. Il préfère que les conflits soient d'abord réglés au niveau régional.

3. Le CdS peut utiliser les organismes régionaux pour l'application de sanctions. Auxiliarité. Mais l'organisation de sécurité régionale n'a pas le droit d'appliquer des sanctions sans l'autorisation du CdS.

Rôle de l'AG et du CdS. Il y a une division de tâches claire (contrairement à la SdN). L'AG est un organe de discussion, alors que le CdS est un organe d'action.

Compétences de l'AG.1. Compétence illimitée dans les domaines qui ne relèvent pas de la sécurité internationale (art. 10).

2. Dans le domaine de la sécurité internationale, elle a des pouvoirs doublement limités: elle peut discuter de questions qui concernent le maintien de la paix, mais si le CdS est saisi d'un conflit donné, elle n'a pas le droit d'en discuter

15

Page 16: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

(12.1). Seconde limitation: dans tous les cas de figure, elle n'a pas le droit d'adopter une recommandation qui implique une action. L'action relève du CdS.

Compétences du CdS. Responsabilité principale (donc pas exclusive).1. C'est le CdS qui a le pouvoir de constater une agression.

2. Il a le pouvoir de décider l'application de sanctions militaires ou non militaires (41, 42).

3. Art. 24.1: chèque en blanc pour le CdS. En agissant, le CdS agit au nom de tous les membres de l'ONU.

4. Les décisions du CdS sont obligatoires (art. 25).

5. Le CdS est un organe qui, contrairement au conseil de la SdN, siège en permanence (alors que celui de la SdN se réunissait 4 fois par an). Il peut être invoqué à n'importe quel moment.

6. Les pouvoirs du CdS sont en fait détenus par les 5 membres permanents, à travers le droit de veto. Le mot veto n'existe pas dans la charte, mais on le déduit. Les membres du conseil de la SdN n'avaient pas le droit de veto. Il peut paralyser l'ONU à 3 niveaux différents: dans la procédure d'admission, dans la gestion des conflits et dans la procédure de révision de la Charte. Stanley Hoffmann: "Quand on analyse la Charte des Nations Unies et on considère le veto, on peut dire qu'elle est une succession de chambres verrouillées dont on aurait jeté la clé par la fenêtre."

7. Il n'existe pas d'organes qui peuvent contrôler la légalité des actes pris par le CdS.

Les différences entre le dispositif de l'ONU et de la SdN.

1. La Charte attribue un rôle important à la coercition et un rôle plus marginal à la conciliation, contrairement au pacte SdN. Cela découle du contraste entre le Chapitre 7 (plus important) et le 6.

2. L'ONU a reçu un mandat de sécurité globale, contrairement à la SdN. Elle inclut le développement socio-économique et les Droits de l'Homme.

3. L'ONU n'a été d'aucune manière associée à l'élaboration et a l'exécution des traités de paix.

4. La Charte attribue au SG un rôle réel d'initiative diplomatique (art. 99). "Tous les SG de l'ONU ont été des généraux plus que de simples secrétaires".

Philosophie de la Charte, postulats implicites (3):

1. La SC doit incomber à un directoire de grandes puissances: les 5 membres permanents du CdS. La charte n'institue donc pas un dispositif pur de SC (un pour tous, tous pour un), mais un dispositif par les grandes puissances. Le président Roosevelt avait dit que la paix internationale ne peut être gérée que par de grands gendarmes. Vision hégémonique des RI, qui traduit un certain

16

Page 17: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

retour à l'esprit du Concert Européen. La Charte attribue aux grandes puissances la responsabilité et le fardeau de la SC, avec en contrepartie le droit de veto. Si le CdS a reçu des pouvoirs beaucoup plus considérables que la SdN c'est parce qu'ils reviennent aux grandes puissances.

2. L'efficacité du directoire dépend d'un consensus continu entre ses membres. Il faut une harmonie entre les grandes puissances. Explication de cette vision angélique: les 5 grandes puissances étaient les vainqueurs de WWII, elles étaient censés être les bons. Compte tenu de ce postulat, le CdS était condamné à être tout-puissant (en cas de consensus) ou impuissant (en cas de discorde). On inventera après un juste milieu: les opérations de maintien de la paix.

3. (Le plus important et surprenant, car pas écrit dans la Charte): les membres du directoire sont supposés avoir un comportement constamment irréprochable. Prémisse que les 5 membres permanents ne pouvaient pas commettre d'agressions. La charte ignore donc le cas de figure d'une agression commise par un membre permanent (or, il y a plusieurs exemples d'agressions commises par chacun d'entre eux). Conclusion: la charte permet à chaque membre permanent de commettre un acte d'agression sans être condamné. Le chapitre 7 n'est donc pas applicable aux 5 membres permanents, il ne joue que contre les petites et moyennes puissances. Cela va contre le principe d'égalité souveraine de la charte.

Le dispositif du système SC était conçu pour un système international avec 3 caractéristiques:

1. Il ne serait affecté que par des guerres de type classique (Charte adoptée quelques semaines avant Hiroshima et Nagasaki).

2. Les empires coloniaux continueraient à exister et même à prospérer. Lors de l'élaboration de la charte la question coloniale a opposé deux points de vue: les US (anti-coloniaux) et la GB (pour la colonisation). Compromis dans les chapitres 11 et 12: 11- Déclaration relative aux territoires non autonomes (euphémisme). Art. 73.b: les puissances coloniales ont l'obligation d'aider ces territoires à développer leurs capacités de s'administrer eux-mêmes. Mais il s'en déduit que l'indépendance est exclue. C'est donc une légitimation de la colonisation. Le chapitre 12 est plus en faveur de la position des US: régimes de tutelle, appliqué à un nombre limité de territoires, autrefois sous mandat de la SdN ou détachés de (?). L'objectif de ce régime de tutelle est d'offrir deux options: le self-government ou l'indépendance. La Charte a été donc conçue pour un système où les empires coloniaux étaient censés pouvoir continuer.

3. Système international multipolaire, dominé par un petit nombre de grandes puissances, mais pas n'importe lesquelles: elles seraient à la fois bienveillantes vis à vis du reste du monde, et en constante harmonie (penser au contexte après WWII).

Or le système international après 1945 aurait les caractéristiques opposées:

1. L'arme nucléaire prendrait une place croissante, et constituerait une menace sans précédents dans l'histoire. La charte a considéré un monde pré nucléaire, donc elle était vieille dès sa naissance.

17

Page 18: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

2. La colonisation allait faire l'objet de condamnations croissantes. Disparition progressive des empires coloniaux, et pour cela l'AG jouera un rôle de premier plan.

3. Système bipolaire et non pas multipolaire. La guerre froide va s'étendre sur l'Europe et le monde à partir de 1947. C'est donc un monde ou la charte ne peut pas fonctionner par définition. Tout au long de la guerre froide la sécurité internationale ne reposerait pas sur le chapitre 7 mais sur la dissuasion nucléaire et sur des organisations régionales de sécurité collective (OTAN, Pacte de Varsovie). A partir de 1947 l'ONU s'est trouvé face à un dilemme crucial: ou s'adapter à un système bipolaire ou disparaître.

La SdN devant une situation défavorable similaire a disparu, or l'ONU a pu s'adapter. Cette adaptation s'est effectuée par 3 voies:

a. La délégitimation de la philosophie pro coloniale de la Charte. Résolution 1514 de l'AG du 14 décembre 1960, intitulée Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux. Délégitimation du colonialisme sous toutes ses formes. Il est considéré comme un déni des droits de l'homme, contraire à la charte, et compromettant la cause de la paix. L'année suivante sera créé le Comité de Décolonisation, qui mettra en oeuvre la déclaration. Il établira aussi la liste des territoires à décoloniser (intéressant de la comparer avec la liste d'aujourd'hui - 16 territoires non autonomes: Malouines, Gibraltar, Sahara occidental, ...). La décolonisation reste aujourd'hui l'un des meilleurs titres de gloire de l'ONU.

b. Extension des pouvoirs de l'AG en matière de sécurité internationale. Résolution 377, du 3 novembre 1950: Union pour le maintien de la paix, adoptée en pleine guerre de Corée, avec 5 abstentions (pays de l'Est). Cette résolution a été adoptée en 1950 parce qu'il existait 2 Corées: la Corée du Sud, créée et soutenue par les US, et la Corée du Nord, créée et soutenue par l'URSS. Or, en juin 1950 le nord envahira le sud, avec quelques 70'000 soldats (action préméditée). L'URSS boycottait le CdS depuis janvier 1950 par son abstention, pour protester contre la non représentation de la CN de Pékin (celle qui était représentée était la CN de Taiwan, pro-occidentale). Profitant de l'absence de l'URSS, les occidentaux vont instrumentaliser l'ONU: le CdS adoptera 3 résolutions (donc hors Chapitre 7): 82, 83 et 84, qui recommandent aux pays membres de fournir des forces militaires pour établir un commandement dirigé par les US, avec le droit d'utiliser le drapeau de l'ONU, même si au fond c'était une opération occidentale. L'URSS retournera au CdS en août 1950, et à partir de là il sera de nouveau paralysé par le veto. C'est là qu'il demandera à l'AG d'adopter la résolution 377, pour contourner le veto soviétique. Cette résolution contenait l'idée que si le CdS est paralysé par le veto, l'ONU n'est pas pour autant relevée de sa responsabilité de maintenir la paix internationale: c'est l'AG qui prend le relais et elle peut faire des recommandations, y compris sur l'emploi de la force armée, si nécessaire. Il y a deux cas de figure: 1. si l'AG est déjà en session, elle examine immédiatement la question. 2. si l'AG ne siège pas au moment du problème, on la convoque en session extraordinaire d'urgence dans les 24h. C'est le CdS qui peut la convoquer sans droit de veto, ou la majorité simple de l'AG. La résolution a créé deux organes qui n'ont pas survécu: une commission d'observation pour la paix, avec le mandat d'observer la situation dans toute région avec des tensions internationales graves, et une commission chargée de mesures collectives, chargée d'étudier les moyens de renforcer le dispositif de

18

Page 19: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

SC. Les 5 voix qui ont été contre cette résolution l'ont considérée illégale, mais avec le temps tout le monde l'a accepté, et on peut considérer qu'elle fait partie du droit coutumier de l'ONU. Avec le temps les grandes puissances ont trouvé qu'elle était une mauvaise idée car elle leur enlève du pouvoir, donc elles ont toujours essayé de négocier entre elles plutôt que faire appel à cette résolution. P.e. 1989 l'OTAN décide de frapper la YG, mais au CdS il y a le veto de l'URSS. Ils n'ont pas cherché à avoir de la légitimité à travers la résolution, malgré un éventuel accord des pays de l'AG, mais elle a agi en dehors des règles de l'ONU.

c. Invention d'une technique spéciale de gestion de conflits (1946): les opérations de maintien de la paix, qui n'étaient pas prévues par la Charte.

2006-04-04

L'ONU et l'évolution de la SC pendant la guerre froide.

Opérations de maintien de la paix (OMP) de première génération.

Adaptation de l'ONU: champion de la décolonisation, ce qui lui a donné une raison d'être non prévue par la Charte. Aussi, elle a assumé un certain rôle dans la gestion des conflits, grâce à la résolution 377 et surtout à la technique des OMP. Elle se taillera un rôle ad hoc, moins ambitieux que celui prévu par la Charte, mais qui sera joué dans un système bipolaire qui n'était pas prévu non plus. Donc même si le rôle est moins important, il n'est pas négligeable.

Les OMP. Elles représentent une technique sui generis de gestion des conflits. Pourquoi sui generis? parce qu'elles n'étaient pas prévues par la Charte, c'est donc une création originale de l'ONU. Cette technique ne se rattache ni au RPD (Chapitre 6) ni à l'imposition coercitive de la paix (Chapitre 7). Donc l'ONU va inventer une technique de gestion de conflits nouvelle. C'est pourquoi certains auteurs ont estimé que ces techniques ouvraient la voie à un chapitre 6bis ou 6 1/2 (qui n'existe pas, c'est une vue de l'esprit).

Question préliminaire, qui concerne la date de naissance des OMPs. Il est généralement admis que la technique des OMP a été inventée à chaud, improvisée, à un moment historique précis: la crise de Suez en 1956. Or, l'ONU a reçu le pris Nobel de la paix en 1988, pour 40 ans d'opérations de maintien de la paix (donc elles auraient débuté en 1948). Y a-t-il erreur? Réponse: les deux dates sont correctes. Comment? parce que le concept de OMP englobe deux types d'opérations, qui ont débuté à une date différente:

1. Les missions d'observation militaire. La première a été établie en 1948.2. Les forces militaires et civiles. OMP proprement dites. Créées en 1956.

Toute mission qui comporte un élément militaire, établie dans le cadre des fonctions de l'ONU en matière de sécurité internationale a été qualifiée comme OMP.

Cette distinction s'est estompée aujourd'hui. On ne parle que d'OMP. Mais il faut connaître les différences entre les deux catégories initiales:

19

Page 20: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Missions d'observation militaire: 3 caractéristiques essentielles

1. Elles comportent des effectifs réduits, missions de petites dimensions. Ca ne dépasse pas la centaine.2. Les observateurs militaires sont non armés.3. Fonctions: d'observation, consistant à faire rapport au CdS sur le respect d'un cesser le feu, par exemple. --> Fonction d'observation passive. Mais si le cessez-le-feu est violé, leur tâche consiste à procéder à des enquêtes pour savoir qui est responsable (établir les faits) et vérifier les plaintes. --> Observation active. En cas d'incident, les observateurs peuvent avoir une fonction de médiation, exercer leurs bons offices, afin qu'un incident isolé ne dégénère ou détériore la situation.

Pendant les 40 ans de la guerre froide l'ONU a établi 8 missions de ce type (voir tableau), dont 4 au proche Orient:

ONUST: faite pour surveiller le respect des armistices de 1949 entre Israël et ses 4 voisins arabes.

GONUL: vérifier qu'il n'y ait pas d'infiltration de troupes au Liban, en conflit avec l'EG.

UNYOM: surveiller mise en oeuvre d'un accord de désengagement entre l'Arabie Saoudite et l'EG au Yémen.

GOMNUII: vérifier le cesser le feu entre Iran et Irak, vérifier le retrait des troupes des frontières.

3 missions en Asie:

UNMOGIP: question du Cachemire, conflit entre IN et PK. Vérifier le cesser le feu dans la frontière.

UNIPOM: même chose, mais ailleurs qu'au Cachemire.

UNGOMAP: Afghanistan/Pakistan, surveiller l'application de l'accord de 88 concernant le retrait des troupes soviétiques, la non ingérence du PK, etc.

1 en Amérique Latine:

DOMREP: surveiller un accord de cesser le feu entre 2 gouvernements concurrents en République Dominicaine.

Il y a eu en tout 8 missions et uniquement 2 de ses missions continuent à exister: l'ONUST et l'UNMOGIP.

Qu'est-ce qu'il y a eu lors de la crise de Suez pour donner naissance aux OMPs?

Crise de Suez: Origine - la nationalisation du Canal de Suez par l'EG. Canal qui relie la Méditerranée à la Mer Rouge. Il avait un statut juridique international

20

Page 21: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

(Convention de Constantinople de 1888), administré par une compagnie internationale qui le gérait en versant une rente annuelle à l'EG. L'EG avait un régime nationaliste (Nasser) qui décidera de nationaliser la compagnie. Cet acte unilatéral créera une énorme crise internationale, à 3 dimensions:

1. Dimension nord-sud: La nationalisation du canal lésait les intérêts de FR et GB. FR était l'actionnaire majoritaire de la compagnie. Le canal était aussi un lien stratégique pour ce qui restait encore de l'Empire britannique. Ceci ne justifiait pas le recours à la force contre l'EG, mais il y avait d'autres raisons (2): a. l'EG sabotait systématiquement la politique britannique au Proche Orient. La puissance occidentale qui régnait au proche Orient c'était la GB à l'époque. b. L'EG aidait la révolution algérienne. Les enjeux politiques, économiques et stratégiques étaient donc élevés, et il y avait une seule solution: utiliser la force pour reprendre le contrôle du canal et surtout renverser le régime de Nasser. L'EG était en plus à la tête du mouvement des non-alignés.

2. Dimension israélo-arabe. Dans la région il n'y avait que des armistices. Depuis la guerre de 48-49 il y avait des tensions considérables malgré les armistices. Quatre remarques:- Les groupes palestiniens lançaient des raids militaires contre IL avec la complicité de l'EG. Harcèlement depuis la bande de Gaza, administrée par l'EG depuis l'armistice de 49.- L'EG interdisait aux navires d'IL de transiter par le Canal de Suez, qui était pourtant une voie d'eau internationale.- L'EG de Nasser tenait un discours très enflammé qui appelait au monde arabe à la destruction totale d'IL.- L'EG de Nasser se procurait des armes auprès du bloc soviétique.Donc, dans l'optique d'IL, l'EG représentait une menace qu'il fallait stopper avant qu'il ne soit trop tard. La FR et GB lui proposeront de se joindre à elles pour attaquer conjointement l'EG, par un accord secret.

3. Dimension est-ouest. L'URSS va soutenir l'EG de manière inconditionnelle. Elle n'avait aucune influence dans la région à l'époque, donc c'était une occasion pour l'avoir. Au même moment, elle noyait la révolte du peuple hongrois, donc c'était aussi une occasion pour faire oublier ces massacres en montrant du doigt les occidentaux et leurs agissements en EG.

L'URSS va aller jusqu'à menacer GB et FR avec des missiles internationaux (ce qui était hors de ses capacités).

Facteur insolite de la crise: les US désapprouvaient l'intervention des 3 pays. Président Eisenhower. Au CdS il y avait une situation inhabituelle: les US et l'URSS étaient d'accord pour arrêter la guerre. Différence: l'URSS veut condamner les 3 pays et les US ne veulent pas. En même temps, on a un veto FR-GB. La YG va faire appel à la résolution 377 et on convoquera l'AG face à la paralysie du CdS. Dilemme: si on applique le chapitre 7, il faut condamner FR, GB et IL, mais on ne peut pas condamner ses propres alliés, d'autant plus que l'URSS massacre le peuple hongrois. La diplomatie occidentale recherchait une formule magique: arrêter la guerre sans faire condamner les 3 pays. Le CA trouvera une solution. Premier Ministre Pearson, qui demande d'oublier la Charte. Si on l'appliquait, il faudrait envoyer une brigade de policiers. Or, Pearson propose d'envoyer une brigade de pompiers, qui serait par définition neutre et impartiale, qui ne distingue pas entre victimes et agresseurs, pour s'interposer entre les belligérants et les empêcher de combattre. Mais comment

21

Page 22: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

mettre ça en oeuvre? Là intervient le SecGen de l'ONU, 'Monsieur H', un suédois qui a tout de suite compris le potentiel de l'idée lancée par le CA. Elle ne serait pas seulement bonne pour la crise de Suez mais aussi pour d'autres. Il proposera à l'AG 3 principes directeurs qui restent valables aujourd'hui:

1. Règle du consentement des parties (au mandat de l'opération, à la composition des troupes et à l'emplacement de la force). Une OMP ne peut être déployée qu'à la suite de l'accord de toutes les parties au conflit. Cesser le feu préalable. Les parties vont renoncer à l'option militaire. Les OMPs sont donc essentiellement consensuelles et coopératives.

2. Règle de l'impartialité. L'OMP n'est pas destinée à prendre position en faveur de l'une ou l'autre des parties. Elle n'est pas intéressée par la distinction entre victimes et agresseurs (après la guerre froide les choses vont évoluer, situation de conflit intra-étatique). Le SecGen a proposé qu'aucun contingent ne devrait être fourni par l'un des membres permanents au CdS. Autre élément: l'équilibre géographique, représenté dans chaque opération.

3. Règle de la non-coercition. Les forces de l'ONU (casques bleus) ne sont pas des forces de combat mais d'interposition. Ils sont dotés d'un armement léger et il leur est interdit de faire usage de la force, sauf dans le cas de légitime défense. Doctrine du Secrétariat en matière de légitime défense, élaborée dans un document interne, confidentiel, dont on connaît que les lignes générales. Le caractère symbolique des casques bleus est une garantie d'impartialité, et aussi un facteur de vulnérabilité vis à vis des belligérants. Facteur conceptualité sous la dénomination de "hostage effect" dans un article de Michael Weasley, revue International Peace Keeping, 1995.

Application pratique de ces 3 règles pendant la guerre froide: la règle la plus importante pendant cette période c'est le consentement des parties. En 1967 l'EG réclame le départ de l'opération de l'OMP, la FUNU, qui depuis 1956 servait de tampon entre l'EG et l'IL. Enorme erreur, l'EG réclame leur retrait immédiat et menace l'ONU de tirer sur les casques bleus en cas contraire. On a retiré les casques bleus immédiatement, ce qui a été une autre erreur, car pour l'IL cela signifiait le retour à la guerre, ce qui a été le cas. Pourquoi l'EG a commis cette erreur? Il a pris une décision émotionnelle et non pas réfléchie. Nasser se considérait comme le champion du panarabisme, or ce rôle de leader du monde arabe était contesté par la Syrie, qui lui a dit publiquement que s'il pouvait se permettre d'arborer cette position c'était parce qu'il avait la protection de l'ONU. Donc cela les a amenés à prendre cette décision précipitée (car l'EG n'était pas prêt pour résister à une guerre contre l'IL) pour sauver la face. On a retiré les casques bleus en respect du principe du consentement, car si on les avait maintenus il n'y aurait plus eu de fondement juridique.

Quant à l'impartialité (pas de troupes des membres permanents du CdS), elle a été respecté sauf dans deux cas:1. A Chypre en 1964. Des troupes britanniques ont été fournies, parce que l'ONU avait des problèmes de financement, les pays ne voulaient pas financer ces forces, et il y avait des troupes britanniques déjà installées sur place. Donc des raisons économiques.

2. Au Liban en 1978. Des troupes françaises, mais là elles ont été réclamées par le pays hôte.

22

Page 23: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

En général, les troupes ont été composées surtout par des troupes des pays non alignés et des petits pays occidentaux (pays scandinaves, Canada).

Enfin, quant à la coercition, une seule fois les casques bleus ont été autorisés à utiliser la force: au Congo en 63-64. Cas exceptionnel. Le Congo faisait face à une sécession territoriale, et le gouvernement central réclame à l'ONU d'y mettre fin. Les sécessionnistes utilisaient des mercenaires étrangers, la seule façon de les stopper c'était en utilisant la force. Article de David Gibbs (voir biblio).

Agissements sur le terrain de la première OMP (la FUNU, aussi appelée FUNU1). Elle a rempli 2 fonctions majeures, qui montrent l'utilité de l'ONU même pendant la guerre froide:

1. Surveillance du retrait des troupes étrangères du territoire égyptien (françaises, britanniques et israéliennes). Celui des troupes françaises et britanniques a été fait très vite (pression américaine). C'est là que les US et l'URSS vont les remplacer quant à la présence au proche Orient. IL était disposé à évacuer le Sinaï, mais pas la Bande de Gaza ni la ville de Sharm El Sheikh. Gaza était logique car c'était une base d'opérations. Solution: Gaza deviendrait le quartier général des troupes de l'ONU. Quant à Sharm El Sheikh, c'était une position stratégique sur le Golfe d'Akaba, donc contrôle de la liberté de navigation à travers le détroit des tyrans. Réponse du SecGen: l'ONU y installera un poste permanent d'observation, ce qui était une garantie pour IL, qui s'est retiré.

2. Surveillance de la frontière entre EG et IL, le long de la ligne d'armistice de 1929 et sur le Sinaï. L'EG a été le pays hôte des forces de la FUNU. Son rôle a été d'éviter toute infiltration par les frontières grâce à des patrouilles, et ça a permis à la région d'être tranquille pendant 10 ans.

Remarques:Tableau: 4 opérations au Moyen Orient: FUNU1, FUNU2, FNUOD, FINUL. La FNUOD a été établie en 1974 pour maintenir la paix entre IL et SY sur les hauteurs du plateau du Golan.

L'Europe a été pour l'ONU pendant la guerre froide un continent tabou, elle n'est pas intervenue, sauf dans le cas de Chypre, qui est un cas périphérique ne relevant pas du conflit est-ouest.

L'opération la plus importante qui a été menée est l'ONUC, au Congo. Plus importante du point de vue de la taille (plus de 20 000 membres d'effectifs militaires et civils). Importante aussi parce qu'elle a été autorisée à faire usage de la force. Elle a fait une autre chose d'inédit: du peace building, de la consolidation de la paix: elle a aidé le Congo à consolider ses structures internes. Colonie paternaliste, au moment de l'indépendance il n'y avait que 6 diplômés universitaires - slogan de l'administration belge: pas d'élite, pas de conflits. En 1960 il sera décolonisé de la façon la plus hâtive possible, sans préparation. Quelques semaines après, une mutinerie s'est déclenchée dans l'armée congolaise, et un certain nombre de belges ont été massacrés. Par la suite la BE a retiré tout son personnel administratif, donc toute la structure s'est effondrée, et c'est là que l'ONU va intervenir pour la reconstruire. C'est un succès qui a été cher payé, car le rôle diplomatique du SecGen a été porté à son apogée. Avec

23

Page 24: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

ceci, les pays ont estimé que le SecGen avait trop de pouvoir, et l'URSS va lui ôter sa confiance et proposer que dorénavant il n'y en ait pas un mais trois SecGen à l'ONU: un pour représenter les intérêts du monde socialiste pacifique, un pour les intérêts des pays en développement et un autre pour les pays capitalistes. Ceci n'a pas été accepté. Kennedy a dit que même dans une troïka il y a toujours trois chevaux mais un seul conducteur. Ceci a généré une crise constitutionnelle, la fonction même du SecGen a été mise en cause. Monsieur H est finalement mort dans un accident d'avion, qu'on suspecte aujourd'hui d'avoir été victime d'un sabotage.

C'est essentiellement le CdS qui est intervenu dans toutes les opérations, sauf pour la FUNU1, parce que l'AG siégeait (+ une autre exception).

Impact des OMPs sous l'angle des régimes.

Fonction fondamentale: fonction d'interposition, éviter la guerre entre des belligérants qui viennent de conclure un cesser le feu. Aussi fonction humanitaire (p.e. contribuer à l'échange de prisonniers, fournir des prestations aux populations civiles), limiter les dégâts.

Deux autres fonctions exceptionnelles: usage de la force, administration du territoire. Quant à cette dernière, cas de la Nouvelle Guinée Occidentale. En 1949 l'Indonésie devient indépendante de la NE. Mais les hollandais tiennent à conserver la Nouvelle Guinée Occidentale, dont les habitants ne sont pas indonésiens mais papous. Tensions entre les deux pays en 1950. L'AG examine le problème mais ne parvient à aucune solution concrète. En 1962 parvient au pouvoir un régime agressif en Indonésie, qui se propose de prendre la Nouvelle Guinée par la force. Le SecGen interviendra pour proposer un compromis qui sera accepté: l'ONU gérera le territoire provisoirement, jusqu'en 1963, date où il sera transmis à l'Indonésie, sous réserve qu'en 1969 elle organiserait un plébiscite pour demander à la population si elle veut y rester ou devenir indépendante. L'ONU mettra en pied pour la première fois une force de police pour y maintenir l'ordre. Or, en 1969 l'Indonésie dira qu'un plébiscite ne sera pas nécessaire, car les chefs locaux sont d'accord pour rester sous leur gouvernement. Autres cas d'administration: à Timor et au Kosovo.

Bilan des OMP.

Actif: les OMPs ont permis à l'ONU de jouer un rôle lors des conflits de cette époque.Passif: les OMPs ne visaient pas à résoudre le fond d'un conflit mais à le geler provisoirement. Donc l'OMP est un quick fix, il s'agit de calmer le conflit immédiat et gagner du temps pour trouver une solution à long terme. Les OMPs ont aussi provoqué une grave crise financière. Deux pays ont refusé de payer: l'URSS et la FR. Elles ont mis l'ONU au bord de la banqueroute, non pas parce que les OMP étaient chères mais à cause du grand déficit.Les OMPs n'avaient aucun objectif préventif, curatif et coercitif. Leur objectif était de stabiliser un conflit. Alternative non coercitive à la SC, palliatif au blocage de la SC dans le cadre de l'ONU.

2006-04-11

24

Page 25: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Nouveaux paramètres de la conflictualité internationale. Dans quelle mesure la fin de la guerre froide a modifié les paramètres de la SC?

Fin de guerre froide: événement fondateur du 21e siècle. Lien direct entre communisme et guerre froide. La fin de la guerre froide est la conséquence directe de l'effondrement du communisme. Cet effondrement a commencé avec la chute symbolique du mur de Berlin en novembre 1989. Elle a été vite suivie par le rejet du communisme dans le bloc soviétique, c'est à dire les pays 'satellites'. La guerre froide a pris formellement fin au sommet de Paris en novembre 1990. Sommet tenu par les 34 pays de la CSCE (aujourd'hui l'OSCE), où on a adopté la Charte de Paris pour une Nouvelle Europe. Dans ce texte les 34 pays vont formellement reconnaître que la guerre froide était formellement finie (paradoxe: elle n'a jamais été formellement déclarée). Il y a également eu un autre texte adopté: Déclaration des pays de l'OTAN (22) et du Pacte de Varsovie (6) reconnaissant explicitement qu'ils ne sont plus des ennemis. Importance cruciale donc de l'année 1990. L'année 1991 sera celle de la dissolution de l'Empire soviétique. Il y aura d'une part la dissolution du Pacte de Varsovie et du bloc militaire soviétique, et d'autre part la dissolution de l'URSS elle-même en décembre.

Avec la fin de la guerre froide il y a eu un passage de la bipolarité à la multipolarité, sans aucune violence majeure. Pour la 1ère fois de l'histoire des RI il y a eu un changement systémique, sismique, produit de manière pacifique, ce qui est sans précédent, et contraste avec toutes les précédentes ruptures dans les RI. Le lien étroit entre changement international et violence ne s'est pas manifesté. Cela dit, ce bouleversement sismique n'a été prévu par aucun politologue ni aucun spécialiste des RI. Cet échec incite à la modestie intellectuelle. Il existe sur le thème de la faillite de la prévision de cette fin un article de J. Gaddis: "International relations theory and the end of the Cold War". Il analyse la faillite de l'approche de 3 écoles: behaviourists, structuralistes et évolutionnistes. Autre article de Charles Kingly (?): "How did the Cold War die? principles and autopsy".

Pour l'ONU la fin de la guerre froide est un événement considérable car il représente la fin de la bipolarité, même si elle était souple et permettait des mouvements comme celui des non-alignés. Avènement de la multipolarité. Disparition d'un type de système international qui n'était pas fait pour l'ONU, qui s'y était adapté non sans quelques difficultés. Fin des contraintes systémiques qui bloquaient le système de SC. Il y avait 2 traits fondamentaux qui caractérisaient la conflictualité internationale pendant la bipolarité:

1. La menace d'une apocalypse nucléaire a constamment plané sur le monde en général et sur l'Europe en particulier. La sécurité du monde n'a pas reposé sur les mécanismes de la Charte des Nations Unies mais sur les capacités militaires de 2 alliances antagonistes: l'OTAN et le Pacte de Varsovie, qui ont préservé la paix. Doctrine du MAD: Mutual Assured Destruction. Culture de dissuasion. Elle a fonctionné, mais au prix d'une épée de Damoclès sur le monde et d'une gigantesque course aux armements.

2. La confrontation est-ouest a attiré sur son champ magnétique tout conflit périphérique. Les deux blocs ne pouvaient pas s'affronter directement, alors ils l'ont fait par procuration, à travers les conflits dits 'régionaux', dans le tiers monde, des conflits est-ouest joués par acteurs interposés.

25

Page 26: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Certains éléments positifs dans la guerre froide (2):

1. Stabilité structurelle: certains auteurs disent même qu'il y a eu plutôt une longue paix (Gaddis) pendant 4 décennies. En tout cas, stabilité générale, qui équivaut à de la prévisibilité. Donc il y avait un ordre international stable, quoique injuste. Pour qui? d'abord pour les pays du bloc soviétique: leurs peuples ne pouvaient pas choisir leur système de gouvernement, pas de droit à l'autodétermination interne (choix du système de gouvernement): Hongrie en 1956, Tchécoslovaquie (printemps de Prague). Injuste aussi pour les pays du tiers monde, qui n'étaient que des pions sur l'échiquier est-ouest.

2. Le mutisme du nationalisme. Il était muselé, en tout cas en Europe, parce que dans le bloc soviétique il était muselé par la terreur, on empêchait toute expression nationaliste. Le communisme prétendait avoir supprimé le nationalisme en introduisant la fraternité entre les peuples dans une société sans classes. A l'ouest il était muselé par la crainte du communisme. L'UE est née pour empêcher une nouvelle guerre en Europe (entre FR et DE). Son plus grand titre de gloire est d'avoir rendu la guerre improbable, sinon impossible, en Europe.

Donc, à la fin de la guerre froide il y a un retour des questions nationales partout dans le monde.

Un ancien directeur de la CIA, James Woolsey, en 1990 a décrit l'après guerre froide avec une métaphore: "Nous avons abattu un énorme dragon. But we live now in a jungle filled with a bewildering variety of poisonous snakes. And in many ways, the dragon was easier to keep tracked off". Il y avait une menace unique, mais gigantesque. La guerre froide vivait sous une méga-menace. Il y a désormais des menaces de moindre envergure, mais d'une extraordinaire multiplicité, variété. La métaphore reconnaît que la menace unique était plus facilement identifiable, prévisible.

On a qualifié abusivement de menaces nouvelles les menaces de l'après guerre froide. Elles ont 3 caractéristiques majeures:

1. Menaces à prédominance non-militaire. Le facteur militaire n'est plus aussi angoissant que pendant la guerre froide, il n'y a plus l'épée de Damoclès. Registre non militaire: flux migratoires incontrôlés, effets pervers de la transition économique, le crime organisé et de multiples formes d'intolérance et de discrimination. Ca veut dire que le concept de sécurité s'est élargi au delà du militaire et du politique. On parle maintenant de sécurité globale et plus récemment de sécurité humaine, qui donne une attention particulière à la sécurité des personnes par rapport aux Etats. Cela dit, si les menaces de l'après guerre froide sont non militaires, les menaces militaires n'ont pas disparu pour autant, même si elles sont limitées et liées à la prolifération des armes de destruction massive (ADM): biologiques, nucléaires, chimiques. Danger de la prolifération à deux niveaux:

- Niveau des Etats qui développent ces armes, en nombre croissant.- Groupes terroristes disposés à acquérir des ADMs.

Il y a aussi un problème moins important mais aussi sérieux: les armes légères et de petit calibre (ALPC). Selon l'ONU il y a 500 mio qui circulent actuellement

26

Page 27: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

dans le monde. Elles sont produits à un rythme industriel dans plus de 70 pays, et sont employées dans des conflits de base intensité faisant des milliers de victimes.

2. Menaces à prédominance intra-étatique: à notre époque les risques de guerre ne sont pas seulement liés à la puissance des Etats mais paradoxalement à leur faiblesse. La sécurité internationale peut être menacé par la puissance et aussi par la faiblesse des Etats. Concept des Etats implosés (collapsed states). L'UE a utilisé l'expression d'Etats déliquescents. La fin de la guerre froide a révélé que certains Etats du tiers monde étaient artificiels, tirant leur légitimité non pas de l'appui de la population mais de l'appui de l'un des deux blocs. Avec la fin de la guerre froide, ces Etats n'ont plus de soutien extérieur, donc ils n'ont plus la capacité de remplir les fonctions élémentaires d'un Etat. Il est alors perçu comme illégitime par la population. Livre de William Zartman: Collapsed States. Exemples surtout en Afrique: cas de la Somalie. Aussi l'Albanie en Europe, qui a été finalement sauvée.

Cependant, les conflits entre Etats continuent, même si les conflits intra-étatiques sont majoritaires. Conflit entre Arménie et Azerbaïdjan, entre l'Inde et le Pakistan.

3. Les menaces sont à prédominance transnationale. Terrorisme et criminalité organisée. Ces menaces ne sont pas entièrement nouvelles, mais elles ont quelque chose de spécifique: il y a des activités menées par des acteurs non-étatiques menaçant la sécurité des Etats.

Terrorisme: Le 'nouveau' terrorisme associe politique, religion et parfois criminalité (comme l'ETA ou le mouvement corse). Il est dangereux parce qu'il s'attaque aux valeurs d'un certain modèle de société tout en cherchant à causer le plus grand nombre de victimes possibles (et en ceci il est différent du terrorisme lui précédant).

Criminalité organisée: Elle concerne le trafique de la drogue, des armements, des êtres humains. Ce trafique génère des profits énormes qui font l'objet de blanchiments de gigantesques mouvements financiers qui financent la corruption dans les Etats et ses fonctionnaires, et dans la classe politique qui se criminalise dans certains pays.

Ces deux facteurs sont d'autant plus dangereux qu'ils peuvent faire cause commune: collusion entre terrorisme et criminalité organisée, utilisant des méthodes qui déjouent les dispositifs classiques de sécurité.

Donc finalement pendant la guerre froide les choses étaient relativement simples.

Il faut encore ajouter deux éléments pas directement liés à la fin de la guerre froide:

1. La mondialisation, qui a des effets sur la sécurité. Elle n'a pas de définition généralement acceptée, mais il est clair qu'elle se caractérise par:

- Processus qui génère une interface croissante et sans précédents entre des acteurs étatiques et non étatiques.- Elle traduit l'émergence d'un 'système-monde', l'accroissement exponentiel de

27

Page 28: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

l'interconnexion et de l'interdépendance d'acteurs étatiques et non étatiques au sein d'un 'village global'.- Elle se traduit par une certaine diminution du rôle traditionnel de l'Etat nation. Son rôle est en train d'évoluer, et à cause de la diminution de son rôle certains parlent d'une ère post-westphalienne.

La mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, mais il est demeuré pendant longtemps diffus. Il ne s'est accéléré que grâce à deux facteurs: les nouvelles technologies de la révolution informatique et la multipolarité (impossible dans la bipolarité). La mondialisation est une réalité dans le domaine économique, mais elle ne fait que commencer dans d'autres domaines, et on ne sait pas quel sens elle prendra. Elle pose aussi un véritable problème existentiel à l'ONU, une créature du multilatéralisme, donc elle n'y est pas adaptée.

2. Le déclin du pétrole. Est-ce que l'humanité est à la veille du déclin de l'exploitation pétrolière? Prévisions sur la date de l'exploitation maximale de production, à partir de laquelle commencera un déclin des ressources (pic de Hubbert). Certains prévoient ce pic pour 2007, donc on serait déjà rentrés dans la zone de turbulence. Le pétrole est omniprésent dans les sociétés industriels: p.e. dans l'agriculture et par conséquent dans l'alimentation, dans les objets manufacturés en toute sorte, dans le chauffage et la production de l'électricité, dans les transports de toute sorte. Les quantités de pétrole consommés actuellement sont 2 à 3 fois plus élevées que celles découvertes. Cette déplétion risque de provoquer de grands bouleversements, une décroissance économique. On pourra s'attendre à une relocalisation de l'agriculture, et peut-être à une démondialisation. Or, les télécommunications consomment peu d'énergie. En revanche, les déplacements physiques des individus vont certainement changer: moins rapides, moins fréquents, moins loin, et plus chers. Risques de conflit pour l'accès au pétrole. L'industrialisation de la Chine dépend du pétrole, elle en dépend pour devenir la grande puissance qu'elle est en voie de devenir.

Le dispositif de SC de la Charte a été bâti sur le concept d'agression interétatique. Or, depuis la fin de la guerre froide les conflits intra étatiques sont devenus la règle. Ils occupent une place nouvelle sur la scène internationale pour deux raisons:

1. Ces conflits sont en bien plus grand nombre que les conflits interétatiques. Cette raréfaction de conflits interétatiques n'a pas commencé avec la fin de la guerre froide mais déjà aux années 80. 2. Ces conflits n'ont épargné aucune région du monde.

Il faut distinguer entre guerre civile et guerre interne. Une guerre civile (Henderson & Singer) implique la participation de forces gouvernementales légitimes. Si de telles forces n'existent pas on parle de guerres internes. En tout cas, depuis la fin de la guerre froide les guerres civiles se sont développées considérablement. Est-ce qu'il y a une différence qualitative entre conflits intra et interétatiques? 2 différences importantes:

1. Au niveau des acteurs protagonistes: une guerre civile oppose des concitoyens, alors qu'un conflit interétatique oppose des citoyens de pays différents.

2. Au niveau des conséquences, du potentiel destructeur: dans le pire des cas,

28

Page 29: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

une guerre civile peut aboutir à une amputation territoriale, une sécession, p.e. le Bangladesh et le Pakistan. Mais une guerre entre Etats peut provoquer la disparition juridique d'un Etat ou même l'extermination de son peuple.

Les différences en même temps ne sont pas si marquées, parce que:

1. Les guerres civiles sont rarement exclusivement internes, il y a toujours une certaine intervention externe, une dimension internationale.

2. Les guerres civiles peuvent déboucher sur un génocide (Cambodge, Rwanda), surtout après la guerre froide.

Les conflits interétatiques ont suscité de nombreux travaux conceptuels. En revanche, les conflits intra étatiques n'ont pas donné lieu à une théorie aussi importante. Pourtant, elle a été traitée pour la première fois par les grecs, qui ont distingué la guerre extérieure et la discorde au sein de la cité (stasis: veut dire à la fois agitation et immobilité). Dans l'antiquité la guerre civile a été conçue en 3 points:

1. Phénomène hors nature, aberrant, parce qu'elle détruit les raisons qui incitent les hommes à vivre en société. Les guerres civiles bafouent les sentiments des citoyens à l'égard de leurs patries et leurs concitoyens. C'est une rupture du contrat social.

2. Causes de la guerre civile imputées non pas à un disfonctionnement des institutions politiques mais à une aberration des passions humaines, à la perversité de certains hommes.

3. Elles étaient des luttes pour le contrôle du pouvoir, où la sécession territoriale ne constituait pas un enjeu.

Avec les temps modernes, la problématique des guerres civiles a beaucoup évolué. Deux types de guerres civiles:

1. Révolutionnaires: concept de révolution commence avec la Révolution Française, ne visant pas à changer le titulaire du pouvoir mais les principes de l'ordre établi.

2. D'émancipation nationale: qui ont pour objectif la sécession d'une partie du territoire, relèvent surtout de la problématique de la décolonisation et du principe d'autodétermination des peuples.

Depuis la fin de la guerre froide, la problématique des guerres civiles a encore évolué, les mutations concernant surtout les acteurs et les objectifs.

Les acteurs: une guerre civile classique est une sorte de duel entre un gouvernement et un groupe d'insurgés. Depuis la fin de la guerre froide, trois sortes d'acteurs nouveaux:

1. Les factions, qui ont à leur tête des seigneurs de la guerre (voir article dans la bibliographie), concept pas récent mais qui a pris une tournure nouvelle. Il y a une prolifération de factions qui se battent, c'est une lutte de tous contre tous. P.e. au Libéria, guerre civile commençant en 89 se transformera en un conflit entre une dizaine de factions instables, pouvant se diviser ou recomposer en

29

Page 30: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

fonction des circonstances. Sierra Léone, à partir de 91 a vu toute une série de bandes armées. Cas paradigmatique: Somalie, où il y avait une douzaine de clans qui se battaient.

2. Les enfants soldats. Dans un certain nombre de guerres civiles, on a assisté à la participation de soldats de moins de 15 ans et parfois même de 8 ans. Raisons: extrême facilité de manipuler des jeunes esprits, avantage d'utiliser des soldats très mobiles et peu visibles en milieu urbain, disponibilité d'armes légères et de petit calibre facilement utilisées par des enfants. Lien avec fin de la guerre froide: les factions ne reçoivent plus de fonds de l'est ou de l'ouest, donc elles capturent des enfants ou les achètent pour les utiliser.

3. Les compagnies militaires privées, une nouvelle génération de mercenaires. Aujourd'hui des compagnies privées vendent leurs services sous forme de capacitation, de conseils et même d'intervention au combat. Certains Etats n'ont plus la capacité d'exercer le monopole légitime de la violence et donc font appel à ces sociétés. (on traitera ce sujet plus tard)

Cruauté particulière des guerres civiles de l'après guerre froide. Normalement les violences pouvaient être interprétées comme l'usage de moyens excessifs pour parvenir à des buts précis. Or, dans certaines guerres civiles on assiste à des actes d'extrême cruauté totalement gratuits, sans justification politique déclarée, plausible ou explicable contre des populations civiles. C'est la violence par la violence: la cruauté expressionnelle (?), une forme de violence qui trouve sa fin en elle-même, une manifestation de pure affirmation du sujet. (Lire "Le nouveau paradigme de la violence", dans la revue Cultures et conflits).

Objectifs de la guerre civile de l'après guerre froide. Depuis la chute du mur, 20-25 nouvelles guerres civiles. Catégories:

1. Conflits motivés par la mise en place d'une nouvelle société: avènement d'un régime islamique en Afghanistan, guerre civile en Algérie.

2. Certaines guerres civiles parmi les plus déconcertantes ont été motivées par la recherche du profit économique personnel des seigneurs de la guerre, dépourvues de tout projet politique. Les parties belligérantes ne cherchent qu'à mettre la main sur les ressources naturelles du pays, dans le cadre d'Etats implosés. La guerre civile est devenue une mode autonome d'obtention de richesses. Dans ces cas, aucune partie a intérêt à ce que la guerre s'arrête, car elle est source de richesses.

3. Guerres civiles d'émancipation nationale, dans lesquelles une des parties se réclame du principe de l'autodétermination des peuples, hors du contexte colonial.

2006-04-25

... Analyse des paramètres de la conflictualité internationale.

Objectifs des guerres civiles de l'après guerre froide. Après la chute du mur de

30

Page 31: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Berlin, il y a eu une vingtaine de guerres civiles, qu'on peut classer dans 3 grandes catégories:

1. Guerres civiles motivées par l'établissement d'une société nouvelle.P.e. établissement d'un régime islamique, comme en Algérie et l'Afghanistan. Version moderne des conflits révolutionnaires, il s'agit de bouleverser la société.

2. Guerres civiles motivées par l'enrichissement personnel de certains acteurs non-étatiques (guerres motivées par le 'greed').Problème sérieux. Acteurs non étatiques: seigneurs de la guerre, et aussi d'une manière plus générale de factions qui se battent sur les décombres d'un Etat implosé. Ces guerres civiles sont parmi les plus déconcertantes, pour plusieurs raisons:- Elles sont souvent menées sans projet politique réel ou bien déterminé. P.e. en Somalie, Libéria, Sierra Léone. Les parties belligérantes se battent pour s'emparer des ressources naturelles du pays, pour leur enrichissement personnel et pour financer l'effort de guerre.- Elles se traduisent par la prédation (le pillage) systématique du patrimoine national de l'Etat implosé. Ce pillage n'est pas effectué par des forces étrangères mais par les forces mêmes du pays. Les factions bradent à des prix bas les ressources nationales comme l'or, diamants, bois précieux, caoutchouc, etc. à des multinationales, à des prix inférieurs à ceux du marché.

3. (La plus importante) Guerres civiles de type ethnique.Conflits motivés par la promotion de l'identité collective d'une communauté ethnique. Problème de l'ethnicité. Il faut d'abord clarifier le concept d'ethnie.

Ce concept n'a pas de définition généralement acceptée. Concept 'caméléon', polysémique. En 1921 Max Weber s'est attaqué à ce concept et a écrit qu'il se volatilise dès qu'on cherche à le définir. C'est un terme 'fourre-tout', inutilisable dans une recherche sérieuse.

Problème épistémologique de la définition du concept: le vocable 'ethnie' fait double emploi avec d'autres concepts qui n'ont pas non plus de définition: peuple, nation, race. Dans l'antiquité, les grecs utilisaient 3 termes différents pour désigner le peuple:

1. Demos: le peuple vu sous l'angle politique. C'est le corps politique des citoyens (libres).2. Laos: le bas peuple, les classes inférieures, par opposition à l'aristocratie.3. Ethnos: le peuple sous l'angle humain, anthropologique.

C'est à partir des grecs qu'il y a eu une confusion épistémologique qui va se développer, à partir du mot ethnos. 3 actes, d'inégale longueur:

1. Les romains ne vont pas utiliser le terme ethnos, mais ils vont créer des termes propres:- Populus: uniquement réservé au peuple romain.- Gens: utilisé pour désigner les peuples non romains, étrangers. Idée d'une supériorité qualitative.- Natio: vient du mot natu, qui signifie naissance. Ce terme désigne les peuples étrangers établis par traité dans l'empire romain.

La distinction n'a jamais été rigide, à la longue les 3 termes sont devenus

31

Page 32: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

interchangeables, mais l'un deux a devancé les autres: le mot nation. Populus servira à qualifier le bas peuple comme Laos.

Natio au départ servait à désigner des groupes de personnes qui vivaient à l'étranger et non pas chez elles. P.e. les universités au Moyen-Âge avaient des nations, car ils divisaient leurs étudiants étrangers en groupes linguistiques.

Donc ce premier acte se termine par la prédominance du mot 'nation'.

2. Révolution Française. La pensée révolutionnaire française apportera 4 contributions:- Elle va sacraliser le peuple, qui devient l'élément où on placera la source de toute légitimité politique. Il n'y a plus de bas peuple, c'est l'élément le plus important de la nation.- Elle associe les concepts de peuple, nation et Etat dans une étroite relation d'interdépendance. L'âme du peuple c'est la nation, et sa chair c'est l'Etat. Article de Walker Connor "A nation is a nation, is a State, is an ethnic group, is a..."- Elle établit un lien direct entre Etats, nation et démocratie. La nation avec la Révolution Française cesse d'être le reflet d'une classe, elle devient le bien commun d'un peuple, formé d'individus égaux en droit.- Elle définit le lien national comme un lien fondé sur un contrat social, et non pas un lien fondé sur l'origine commune du peuple. C'est la conception de la nation contractuelle. La Révolution Française ne s'adressait pas seulement aux citoyens français, mais à l'Homme. Le paradigme de la nation contractuelle sera conceptué en 1782, dans un texte d'Ernest Renan: "Qu'est-ce qu'une nation?". La nation contractuelle c'est la nation ouverte, parce qu'une nation est fondée sur un contrat libre entre des individus qui veulent vivre ensemble (ce n'est pas l'origine commune, ni la langue, etc.). Mais Renan avait inventé ce paradigme parce qu'à l'époque il y avait un débat avec les allemands à propos de l'Alsace et la Lorraine, les allemands disant qu'ils avaient du sang allemand.

A cette conception s'est opposée celle de la nation biologique. Elle est souvent considérée (à tort) comme la conception allemande. Or, il n'y a pas eu que des auteurs allemands qui l'ont soutenue. P.e. en FR, penseurs comme Le Maistre, Barrès, Maurras. La nation serait un fait biologique, un être collectif supérieur aux volontés individuelles, un groupe fermé.- Fait biologique: on accède à une nationalité par le hasard de la naissance, la nation a son fondement dans l'hérédité. Le lien national est constitué par le sang et les gènes. Conception déterministe, fataliste, parce que l'individu n'a aucune volonté là dedans.- Être collectif: l'individu en lui-même n'est rien, il n'est que le prolongement de ses ancêtres, auxquels il reste lié toute sa vie et même après sa mort.- Groupe fermé: puisqu'on ne peut accéder à une nation que par la naissance, et on ne peut pas en sortir.

Cette conception de la nation, biologisante, va favoriser un amalgame entre la notion de peuple, de nation et de race. Le mot race est dérivé du latin "ratio". Initialement il avait un sens purement classificatoire. Il signifie sorte, espèce, catégorie. Mais il avait d'un point de vue particulier une connotation génétique, il signifiait aussi famille, descendance, lignage, génération. Dès le 16ème le mot race servira à différencier les classes sociales. On parlera d'une race noble et d'une race pas noble. En classant, on aboutit à une notion de hiérarchie, à un concept d'inégalité, et c'est ce qui s'est passé avec le mot race. Il va acquérir

32

Page 33: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

une connotation hiérarchique: les classes sociales sont inégales, il y a une race supérieure et une race inférieure. Ce mot servait à justifier la situation privilégiée des races supérieures. Jusqu'à la Révolution Française beaucoup d'auteurs vont soutenir que l'inégalité des ordres sociaux en FR est la conséquence de la victoire de la race supérieure des francs sur la race inférieure des gallo-romains. Cette thèse légitimait l'inégalité sociale et les prétentions de la noblesse face à l'absolutisme royal.

Le siècle des lumières était celui des droits de l'homme européen, blanc. On utilisera le concept de race pour traduire la diversité humaine: couleur de la peau, taille de la tête, etc. Donc il aura un sens anthropologique. Le premier à diviser les êtres humains en races c'était un biologiste suédois, Linné. Il divisait le monde en races, pourvues d'aptitudes inégales. Livre de Todorov "Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine". Léon Poliakov: "Le mythe aryen. Essai sur les sources du racisme et des nationalismes". Ce concept s'étendra à la politique, aux RI.

Au 19ème la linguistique introduira les germes du racisme en Europe, en expliquant qu'il y a plusieurs familles linguistiques, et les deux principales sont les indo-européennes et les sémitiques. On dira que les indo-européennes sont supérieures. Pour l'intelligentsia du 19ème la langue d'une nation détermine sa race.

Donc, ce deuxième acte se finit par l'introduction du mot 'race'.

3. Apparition d'un néologisme, un mot nouveau: ethnie. Il portera à confusion car il est formé à partir du grec ethnos, mais par l'un des doctrinaires du racisme français: Georges Vacher de Labouge. Ce néologisme n'avait rien de révolutionnaire, car la langue française avait déjà les mots ethnologie et ethnographie depuis le 18ème. Elle utilisait également le mot ethnique à la fois comme un substantif et comme adjectif. Comme substantif c'est la désignation qui caractérise un peuple. Le néologisme ethnie va être forgé parce que Vacher sera considérablement étonné par le fait qu'il y ait au sein d'un même pays des peuples racialement différents et solidaires. Il a inventé ce concept pour viser le croisement de races plus un sentiment de solidarité. Ce concept n'apportait pas grande chose, mais malheureusement il a fait fortune à cause de son ambiguïté. On l'utilise aujourd'hui dans deux sens: - Au sens étroit, l'ethnie désigne un groupe d'individus de même langue maternelle. Définition réductrice.- Au sens large, ce mot se réfère à une communauté de population qui a le même passé historique, qui parle la même langue et partage la même culture. En fait c'est la définition de la nation. Anthony Smith a écrit "The ethnic origins of nations", où il définit l'ethnie et la nation. Il définie l'ethnie par une communauté humaine qui possède un ethnonyme, c'est à dire un nom par lequel elle s'auto-désigne. Elle a un territoire historique, elle vit sur le mythe d'un ancêtre commun, elle a un passé historique commun, partage des éléments de culture commune et a un sentiment de solidarité entre ses membres. Il dit que la différence avec la nation c'est que l'ethnie vit sur le mythe d'un ancêtre commun alors que la nation, plus moderne, est fondée sur un lien de citoyenneté. L'ethnie serait donc la forme primitive de la nation, la proto-nation.

Définition du prof: l'ethnie est l'unité de base de la diversité culturelle humaine. Elle se caractérise par deux marqueurs (parmi lesquels la race ne se trouve pas - il n'y a qu'une seule race humaine, il y a seulement des différences physiques

33

Page 34: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

qui ne doivent pas être assimilées à des inégalités. Le mot ethnie serait un substitut politiquement correct pour le mot race):

1. Le marqueur de la langue

2. Le marqueur de la religion

La problématique des guerres civiles ethniques.

Conflits qui opposent des ethnies différentes. L'ethnie minoritaire est normalement appelée minorité nationale.

Qu'est-ce qu'une minorité nationale? Concept vague, mais qui devrait comporter au moins 3 éléments essentiels:

1. Elément démographique: une minorité n'existe que par rapport à une majorité de la population. Or, ce n'est pas un critère sûr, il pose deux problèmes:- A partir de quel seuil on peut parler d'une minorité?- Problème des statistiques relatives aux minorités, qui ne sont guère fiables.

2. Elément politique et juridique: une minorité est un groupe de population qui est victime de discriminations. Or, ce n'est pas non plus un critère solide, car il y a des cas où il y a une minorité qui discrimine, p.e. Afrique du Sud et l'apartheid.

3. Elément anthropologique: groupe de population ethniquement différent par rapport à la population majoritaire. La différence peut venir de la langue, de la religion, ou des deux à la fois.

Commentaires:

1. Le concept de minorités nationales ne concerne en principe que les personnes qui possèdent la nationalité du pays dans lequel elles vivent. Or, certains auteurs estiment qu'il faudrait l'élargir pour inclure les immigrés. Mais c'est une autre problématique, car ils relèvent du droit des étrangers. Le concept des minorités reflète la vision d'un monde moderne divisé en Etats multiethniques, les frontières politiques ne coïncident pas toujours avec les frontières ethniques.

2. La problématique des minorités nationales est distincte de celle des peuples autochtones. Une minorité nationale peut être autochtone, mais pas forcément. Autochtones: ceux qui ont été les premiers occupants d'un territoire. Revendications différentes: les autochtones ne veulent pas être considérés comme une minorité, revendications relatives à la terre.

3. La problématique des minorités nationales ne reposent pas sur un droit à la différence, du moins pas seulement. Elle inclut aussi un droit à l'assimilation libre et volontaire. Faire partie ou non d'une minorité nationale relève d'un libre choix individuel.

4. Toute minorité nationale est-elle une minorité ethnique? Confusion dans les livres à ce sujet. La réponse est oui, par définition toute minorité nationale est une minorité ethnique. Or, le seul texte adopté par l'ONU à ce sujet est une déclaration sur "les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques".

34

Page 35: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Distinction du prof.: dans le langage courant on peut utiliser 'minorité nationale' et 'minorité ethnique' de façon interchangeable, mais dans le langage social on ne peut pas. Les minorités qui ont un kin state (Etat parent) sont des minorités nationales. En revanche les minorités ethniques seraient celles sans Etat parent: basques, kurdes, roms.

Deux catégories de conflits ethniques:

1. Conflits ethniques proprement dits, qui opposent des ethnies différentes. Il faut souligner que les différences ethniques ne sont pas automatiquement source de conflits, p.e. la Suisse. Un conflit ethnique peut surgir quand une minorité est systématiquement discriminée, dominée, exploitée. P.e. la Géorgie indépendante (depuis 1991) voudra effacer toutes les traces de la russification. Mais malheureusement la Géorgie comportait des minorités non géorgiennes, et elle adoptera des politiques d'intolérance vis-à-vis de ces minorités. C'est ainsi qu'en 1992 deux régions de la Géorgie vont faire sécession: l'Ossétie et l'Acacie.

2. Conflits ethnicisés. Conflits qui instrumentalisent l'ethnicité, l'utilisent comme un prétexte. P.e. le Rwanda. Les tutsis et hutus ne sont pas deux ethnies différentes: même langue, même religion, même ancêtre mythique. Mais ils ont été convaincus qu'ils sont différents.

Ceci représente un problème pour l'ONU. Raisons:1. On n'a pas de revendications ethniques, on veut seulement retrouver une sorte de 'pureté'2. Les conflits ethniques ne sont pas considérés dans le droit international ou humanitaire.

2006-05-16

Examen: cours et lectures sur les cours qu'on a eu

OMPs de l'ONU et leur évolution dans le temps.

Approche chronologique.

1. Période de la Guerre Froide.Charte de l'ONU (1945) dit dans son préambule que la raison d'être de l'ONU c'est le maintien de la paix et la sécurité internationales. Instrument de régulation d'un système international anarchique. Pour que cette raison d'être devienne réalité, il y a des mécanismes pour donner corps à ce concept: Chapitres 6 (règlement pacifique des différends) et 7 (actions en cas de menace de la paix, rupture de la paix et actes d'agression - Art.43: les Etats membres de l'ONU mettent à sa disposition des forces armées). Très rapidement dès 1946-47, la guerre froide se développant, l'opposition entre les deux blocs apparaissant, les dispositions de la Charte des Nations Unies ne vont pas pouvoir être mises en place et l'ONU va se retrouver paralysée: le CdS ne peut mener à bien son mandat de maintien de la paix et sécurité internationales en ne pouvant pas mettre en oeuvre les dispositions des chapitres 6 et 7. --> menace de veto. L'ONU est donc largement absente de la gestion des conflits de la période de la

35

Page 36: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

guerre froide. Dans cette situation de blocage général, malgré tout l'ONU a eu recours à un mécanisme ad hoc, hors charte, dont la base légale est sujette à débat, celui des OMP. Elles n'existent pas en tant que concept dans la Charte. Mécanisme créé lors de la crise de Suez en 1956. A l'ONU deux hommes vont imaginer ce concept: le SecGen de l'ONU de l'époque (Hammarskjold) et le ministre canadien des affaires étrangères (Pearson). Ce mécanisme consiste à déployer sur le terrain des forces armées (casques bleus) qui relèveraient des ONU en provenance des Etats, qui les déploient sur le terrain pour créer une zone tampon entre deux camps, pour créer un cesser le feu, baisser les tensions. Ceci donne lieu à la première OMP FUNU (?), qui donnera lieu à la définition des grands principes régissant les OMP, dont 3 principaux:

- Principe de neutralité. Pas de parti pris, ni de désignation de l'agresseur ou l'agressé.

- Pas d'action sans le consentement des parties.

- Principe de non coercition, de non recours à la force, à l'exception des cas de légitime défense.

Ces trois principes font que même si ceci n'est pas écrit, les OMP relèvent du chapitre 6 de l'ONU: logique consensuelle non coercitive.

Autres caractéristiques:

- Participation des membres permanents du CdS exclue pour garantir la neutralité.

- Opérations déployées surtout pour gérer des conflits interétatiques.

Au delà de ça, on a pendant la guerre froide des OMP au Congo, Liban, Chypre, entre IL et SY, au Sahara occidental, en Indonésie (13 au total, auxquelles s'ajoutent les missions d'observation de l'ONU qui impliquent le déploiement d'observateurs militaires ou civiles, sans bataillons armés, au PK, IL et Etats arabes). Dans tous les cas, le maintien de la paix pendant la guerre froide est non ambitieux, non coercitif, consensuel, déconnecté du politique, de nature militaire.

Ce maintien de la paix a été possible parce que les deux grandes puissances l'approuvaient. Les US et URSS ont pensé qu'une ONU qui maintenait ces opérations discrètes pouvait jouer un rôle important, même s'il est marginal.

2. Période post guerre froide, revitalisation de l'ONU. Début des 90s.Changements fondamentaux:

Concept du nouvel ordre mondial, défini par Bush père en automne de 1990 dans le contexte de la dislocation soviétique et invasion du Koweït par l'Irak. Il consiste à dire qu'avec la fin de la guerre froide va naître une ère nouvelle dans laquelle va prévaloir le respect du DI, où l'ONU va jouer un rôle fondamental. On pense avec F. Fukuyama que les conflits vont plus ou moins disparaître et que le système libéral démocratique va s'imposer partout, et que si des conflits apparaissent on aura le moyen de les gérer grâce à l'ONU et à la fin de l'opposition est-ouest. En 90-91 ceci est très fort, largement partagé, même si

36

Page 37: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

aujourd'hui cela semble naïf. En pratique on constate qu'à partir 90-91 on a un CdS qui se réunit quasiment tous les jours, qui adopte entre 60 et 70 résolutions par an alors qu'il en a adopté une quinzaine pendant toute la guerre froide, qui est saisi par les Etats membres sur à peu près tous les sujets qui ont un rapport avec le maintien de la paix. Un certain nombre de conflits échappent à se gestion: conflit IL-Palestine, conflits d'ordre interne (Tibet, Birmanie), mais le CdS apparaît comme l'organe politique et juridique de gestion de conflits. Il apparaît aussi de façon incontestable comme le seul organe "autorisé à autoriser" le recours à la force en RI. Rôle normatif fort: le CdS produit des normes, autorise le recours à la force; et un rôle sur le plan opérationnel aussi très fort, qui se traduit dans les OMP. Deux types d'évolution: quantitative (multiplication des OMP) et qualitative (évolution de la nature des opérations).

Evolution quantitative: à la fin des 80s, l'ONU gérait 5 OMP et missions d'observation - Inde et Pakistan, IL et pays limitrophes, Chypre, Libye. En décembre 94 l'ONU conduisait 16 opérations sur tous les continents, pour gérer des conflits inter et intra étatiques. Pour ce qui est des effectifs déployés, en 94 il y avait 74000 personnes déployées dans les 16 opérations contre 9000 en 88 dans les 5 opérations. Sur le plan budgétaire, le budget des OMP est multiplié par 6 entre 91 et 94, de 600 millions de $ à 3.6 milliards.

Evolution qualitative: le maintien de la paix post-guerre froide fait voler en éclats les principes fondamentaux du maintien de la paix de la guerre froide: neutralité, consentement, non recours à la force, non participation des membres permanents du CdS. On va avoir des opérations de moins en moins neutres, de plus en plus intrusives et coercitives, déployant les membres permanents du CdS, pour gérer des conflits intra étatiques. On est dans un maintien de la paix nouveau qui ne répond plus aux critères de la guerre froide. Il se caractérise aussi par le fait d'être multifonctionnel: il va bien au delà de la simple interposition. Il va mettre en place des activités de prévention de conflits, de gestion de conflits en cours, de conflits terminés, des activités dans le domaine humanitaire, activités militaires, civiles, de supervision électorale, de police, et d'autres activités appartenant au champ de la gestion publique.

Nature des facteurs impliqués: pendant la guerre froide c'était l'ONU. Après la guerre froide il y a aussi d'autres étatiques (OTAN, OSCE, Union Africaine, UE) et non étatiques (ONGs dans le domaine humanitaire, de la justice, de la réconciliation, des droits de l'homme). Cela pose la question fondamentale de la coordination de ces acteurs dans un même théâtre.

Le maintien de la paix post guerre froide implique largement des civils dans des tâches essentiellement civiles (supervisions d'élections, champ humanitaire, tâches de police). Dans le même temps, on a des opérations de plus en plus coercitives, faisant appel au militaire, utilisant la force dans d'autres cas que la légitime défense.

Ces OMPs sont déployées pour gérer les "nouveaux conflits" identitaires, intra étatiques, qui posent la question de la capacité de l'ONU à intervenir à l'intérieur de l'Etat, notamment lorsque le consentement de l'Etat en question fait défaut.

L'ONU, très sollicitée, intervient en Croatie, Bosnie, Somalie, Cambodge, Salvador, Mozambique, Angola, Sahara occidental. Deux catégories: celle des conflits où l'ONU se déploie alors qu'ils n'ont pas cessé et alors qu'ils ont cessé.

37

Page 38: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Cette ONU qui est soudainement revitalisée et qui attire tous les espoirs pose une question: dans quelle mesure va-t-elle être apte a relever le défi du maintien de la paix alors que ces nouveaux mandats sont aussi complexes, difficiles, risqués? Réponse: elle n'était pas adaptée, ce qui l'a conduit à un certain nombre d'échecs rendant évidente la nécessité d'une réforme.

3. Crise de l'ONU, milieu des 90s. Marginalisation de l'ONU dans le maintien de la paix. 92-93.Alors que certaines opérations ont un relatif succès, ce qui attire l'attention de l'opinion publique sont les échecs: Somalie, Rwanda, Bosnie. Dans ces 3 opérations l'ONU avait déployé des moyens mal définis qui ont donné lieu à des situations où les casques bleus n'ont pas su gérer les massacres et génocides. C'est l'échec de l'ONU et de la communauté internationale. On a pas su répondre aux espoirs placés sur l'ONU. Raisons:

- Manque d'engagement des Etats vis à vis de l'ONU et des mandats que ces Etats avaient eux mêmes définis au CdS pour ces 3 opérations. Manque de volonté politique à traduire dans les faits les engagements pris sur papier au CdS. Fossé entre des Etats qui disent que l'ONU doit faire beaucoup, qui définissent des mandats d'OMPs mais qui ne sont pas disposés à déployer des hommes et des moyens. P.e. en Bosnie (1993) on a une Force de Protection de l'ONU qui assure l'aide humanitaire. Dans ce cadre le CdS décide d'ajouter à ce mandat celui de la protection des 'zones de sécurité': 6 villes doivent être placées sous la protection des casques bleus. Lorsque le CdS décide de créer ce mandat, le Secrétariat de l'ONU dit qu'il faut déployer à peu près 35000 hommes en plus de ceux qui sont sur place. Or, en une année seuls 5000 hommes ont été déployés. Cette non mise en oeuvre a conduit au massacre de populations bosniaques aux mains des serbes. Donc décalage entre les ambitions affichées au CdS et les faits sur le terrain.

- L'inadaptation de l'ONU aux nouveaux défis, à ce qu'on lui demandait de faire. En 90-91 elle était considéré comme l'instrument idéal à tout faire partout, or elle n'était pas équipée pour des mandats aussi complexes. P.e. opération en Bosnie entre 92 et 95, décalage horaire de 6h avec le siège à NY, pas de structure pour soutenir les forces sur le terrain en dehors des heures ouvrables.

- Sur le plan théorique, doctrinal, l'ONU et ses Etats membres n'ont pas suffisamment bien cerné la complexité de la gestion de crises complexes. On n'a pas perçu les risques du recours croissant au chapitre 7, du rapprochement entre mandats civils et militaires. Pas la même interprétation de ce qui est le maintien de la paix, ce qui fait que les bataillons ont réagi différemment face à des situations similaires.

Ces échecs créent la crise de l'ONU, on parle de la mort de l'ONU à Sarajevo, au Rwanda,... discrédit et marginalisation importants. Alors qu'en 90-91 les Etats misaient tout sur l'ONU, en 93-94 certains Etats comme les US et Etats européens ont commencé à reconsidérer que l'ONU doive être leur instrument de politique de gestion de crises. On remet en cause la pertinence de l'ONU et on considère d'autres outils dans leur politique de gestion de crises: les organisations régionales et les coalitions d'Etats. P.e. pour les organisations régionales, implication dans la mise en oeuvre de l'accord de paix de Dayton, où l'ONU est mise en écart au profit de l'OTAN, l'OSCE, la Commission Européenne, et l'ONU garde un rôle très marginalisé. Même chose dans l'après Milosevic au

38

Page 39: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Kosovo. Pour les coalitions d'Etats, opération menée par la FR au Rwanda, commandée par le CdS mais qui échappe à son contrôle, opération de l'IT et autres Etats en Somalie, opérations en Afghanistan. On a un rôle onusien qui reste important au niveau juridique, mais la mise en oeuvre est assurée par la coalition: phénomène de la sous-traitance. Ce modèle prévaut de 93 à 99.

Marginalisation importante de l'ONU: en 98 on retombe à 10'000 hommes déployés.

4. Retour de l'ONU dans le domaine du maintien de la paix, dès fin 90s.Ce retour commence en 99, point de rupture important: année au cours de laquelle le CdS a été mis à l'écart quand l'OTAN a conduit ses opérations au Kosovo. Mise à l'écart aussi sur le plan juridique, pour légaliser le recours à la force. Cette année marque le retour de l'ONU dans le champ des OMP et la fin de sa marginalisation. Retour en Europe à travers une OMP au Kosovo de nature civile, composée principalement de forces de police. On a là un mandat ambitieux de nature civile. 4000-5000 hommes. Autre opération au Timor Occidental, aussi ambitieuse, relevant du chapitre 7, multifonctionnelle. Aussi en Sierra Léone, opération qui connaîtra des difficultés mais qui aura un relatif succès. Elle replace aussi l'ONU dans le champs du maintien de la paix. Parallèlement à ce retour, le secrétariat de l'ONU, sous l'impulsion de Kofi Annan nouvellement arrivé, reprend un travail d'autocritique, et donne des rapports sur la responsabilité de l'ONU au Rwanda et en Bosnie. On crée un panel d'experts qui fait le rapport Bailly qui contribue à placer l'ONU devant ses responsabilités. Dès 99, retour de l'ONU en particulier dans des endroits en Afrique qui requièrent des mandats complexes et coercitifs. Aujourd'hui l'ONU compte 18 opérations déployant 88'000 hommes, avec 110 pays impliqués, et un budget de 5 milliards de $. Grand déploiement de ressources, forte implication de l'ONU.

3 défis:

- L'ONU essaye aujourd'hui de conduire un maintien de la paix robuste, ambitieux, complexe, avec des moyens relativement modestes. Sa capacité à conduire ce maintien de la paix est continuellement remise en cause. On place à nouveau beaucoup d'espoirs dans l'ONU, et à nouveau on est pas sûrs qu'elle compte avec les moyens nécessaires.

- Le fossé des implications. Aujourd'hui le maintien de la paix est très largement conduit par les pays en développement et très marginalement par les pays développés en termes de moyens humains, même s'ils assurent une bonne partie du financement. Tension forte entre les principaux contribuants de troupes (Inde, Pakistan, Bangladesh) et les pays qui refusent de contribuer (US, pays européens).

- Gestion des acteurs sur le terrain, coordination. Il faut gérer une complémentarité au niveau juridique (dans quelle mesure les organisations régionales doivent passer par le CdS pour créer leurs propres OMP - pour les opérations non coercitives on a tendance à vouloir se passer du CdS). Au niveau politique, il y a la question du partage des tâches entre le civil et le militaire. Faible coordination entre les différents acteurs. Au niveau opérationnel, sur le terrain, la coordination des acteurs est un point clé, nécessaire au sein des Etats et des institutions. Il faut s'entendre sur un certain nombre de règles, standards, codes de conduite dans le maintien de la paix. Ce n'est pas encore le cas

39

Page 40: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

aujourd'hui, il y a un maintien de la paix des riches et des pauvres.

2006-05-23

Examen: Mardi 13 14h15-16h00 U600

La réforme de l'ONU

Le système de l'ONU: Lorsqu'on parle de l'ONU on se réfère à une organisation complexe avec beaucoup d'organes aux statuts différents. Il faut distinguer 3 niveaux différents qui constituent le système de l'ONU.

1. Organes principaux de l'ONU (6 à l'origine, 5 aujourd'hui): Secrétariat, AG, CdS, ECOSOC et CIJ (seul organe principal de l'ONU qui n'a pas son siège à NY mais à La Haye). Avant il y avait aussi le Conseil de Tutelle. Mélange d'organes politiques et administratifs, avec à la tête le SecGen.

2. Organes subsidiaires, créés par les organes principaux pour les aider à remplir leur rôle tel que défini par la Charte des Nations Unies. P.e. les deux organes principaux qui ont créé le plus d'organes subsidiaires ce sont l'AG (une vingtaine d'organes subsidiaires - Haut Commissariat pour les Réfugiés, Programme de l'ONU pour le développement, pour le sida, l'UNICEF, etc.) et le CdS (toutes les OMPs, les comités de sanction, les deux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-YG et le Rwanda, le comité contre le terrorisme, les organes de supervision de désarmement en Irak, le Conseil des Droits de l'Homme - cas unique d'organe subsidiaire de l'AG et le CdS).

3. Institutions spécialisées de l'ONU, des OIs créées par les Etats, avec leur statut, acte constitutif, budget propres, mais qui ont un lien privilégié avec l'ONU et de ce fait constituent une famille: OIT, OMS, OMM, UNESCO, FMI, BM.

Dès lors que l'on parle de l'ONU il faut donc bien identifier à quel niveau on se situe.

La crise des OMP.Si on a exprimé dans les 90s une nécessité de réforme c'est à la suite de cette crise. 3 niveaux de crise: politique, structurel et opérationnel sur le terrain.

Niveau politique: la crise se manifeste par le repli des Etats, la défiance exprimée par les Etats dans leur ensemble et en particulier les occidentaux à l'égard d'une ONU qui ne répond pas à leurs attentes dans le domaine du maintien de la paix. Cette crise entraîne le retrait des Etats occidentaux des OMP, le commitment gap, qui fait que les OMPs sont de plus en plus conduites par les Etats en développement. Les Etats occidentaux (FR, GB, US en tête) considèrent que cet outil qu'est l'ONU n'est pas approprié pour faire le maintien de la paix.Autre conséquence: le recours croissant aux organisations régionales. Ceci pose un problème pour l'ONU: une forme d'émancipation des organisations régionales, qui font que les règles de maintien de la paix de l'ONU ne sont pas forcément appliquées. L'ONU est dans une situation ambiguë: d'un coté elle favorise

40

Page 41: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

l'accroissement des organisations régionales, et de l'autre elle veut rester une référence, notamment sur le plan légal-juridique. Le débat sur la crise et les réformes de l'ONU anime les décideurs et théoriciens de façon très vive tout au long des 90s.

Niveau structurel: Au niveau du Secrétariat, qui si on prend les OMP de façon large, sans les réduire à leurs aspects militaires, est considéré comme largement inadapté à une gestion du maintien de la paix multiforme et complexe. On n'a pas de stratégie de maintien de la paix qui combinerait l'aspect civil et militaire. Pas de vision stratégique de la part du SecGen (Boutros Ghali puis Kofi Annan). Le département des OMP (DOMP) est considéré comme insuffisamment soutenu, pas structuré pour régler les opérations en cours (exemple du décalage horaire donné avant). 32 officiers géraient le travail de 27'000 personnes, et 9 officiers de police géraient 8'000 officiers. Ce ratio entre soutien au siège et nombre de personnes gérées est largement inférieur au ratio de n'importe quel Etat. Dans le domaine des OMP le soutien au personnel est donc extrêmement faible.De plus, il y a la crise du financement des OMP. D'une part, elles sont confrontées au fait qu'aucun financement est fait tant que cette opération ne soit pas créée en droit par le CdS. Ceci fait que le recrutement et les missions de reconnaissance du terrain devant être faites avant la création de l'OMP ne pouvaient pas être financées. L'une des réformes qui a suivi à la fin des 90s a été de financer les activités qui précèdent la création d'une OMP. D'autre part, mauvaise discipline des Etats membres pour financer les OMP, en s'acquittant de leur quote-part. Le budget des OMP est financé par des contributions obligatoires des Etats membres. Or, beaucoup d'Etats sont systématiquement en retard dans leurs contributions, en particulier les US, ce qui pose des problèmes de trésorerie importants.Autre élément de crise: On a dit que l'ONU doit compter davantage sur les Etats en développement. Malgré tout, le secrétariat des OMP a presque toujours réussi à trouver les ressources en hommes pour conduire les OMPs. Ceci n'est pas vrai pour les postes strictement civils. Dans ce domaine l'ONU a toujours connu des problèmes de recrutement d'experts civils. Ceci fait qu'un certain nombre de postes créés ne sont pas officiellement pourvus.

Niveau opérationnel: Sur le terrain, la crise se manifeste par une extrême difficulté à coordonner les acteurs qui participent aux OMPs. Il faut distinguer la coordination au sein de l'ONU entre les agences presque toujours présentes aux OMPs (UNHCR, UNICEF, BM, etc.) puis la coordination entre les autres OIs et toute la panoplie des ONGs, les acteurs locaux, etc. On a fait beaucoup de progrès depuis mais le thème reste important.Deuxième problème: celui de l'interprétation par les parties en présence des mandats des opérations. Ces mandats sont définis par une série de documents: résolution du CdS, rapports du secrétariat, déterminant ce que le mandat couvre ou ne couvre pas. Partage des tâches, coordonnées par qui. Les Etats participants, les bataillons, les militaires, civils, ONGs, OIs ont souvent une interprétation différente, à cause d'un manque de clarté dans les mandats.Troisième problème, de nature politique. Beaucoup d'OMPs combinent sur le terrain des activités qui en principe ne relèvent pas de la même approche: p.e. combinaison d'activités militaires et humanitaires. Des contingents peuvent avoir simultanément des mandats de protection humanitaire et un mandat de protection d'une certaine zone, à nature plus militaire, comme ce fut le cas en Bosnie. Donc au sein des mêmes opérations pouvaient se combiner des approches consensuelles (Ch.6) et coercitives (Ch.7). Ceci a amené à des situations très compliquées compromettant la réussite des opérations.

41

Page 42: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Les efforts faits par les Etats et l'ONU pour réformer l'ONU dans sa fonction du maintien de la paix.

Lorsqu'on parle de ces réformes, il faut faire référence à un document central, le support de tout le processus: le Rapport du groupe d'étude sur les opérations de paix de l'ONU, plus connu comme rapport Brahimi (?), du nom de la personne qui a dirigé ce groupe d'étude créé en février-mars 2000 et qui a produit ce rapport en août 2000. Lorsque Kofi Annan arrive au Secrétariat il entreprend immédiatement ces réformes (avant il travaillait dans ce domaine au sein de l'ONU). Il demandera à M. Brahimi, ancien ministre des Affaires Etrangères de l'Algérie de créer un groupe de travail, ayant pour mandat d'entreprendre une étude approfondie des activités de l'ONU dans le domaine du maintien de la paix et faire des recommandations pour les améliorer. But de réformer l'ONU dans ce domaine et aussi de recréer la confiance perdue des Etats (surtout occidentaux), les faire revenir vers l'ONU. Ce rapport sort le 20 août, pas de l'ONU mais d'un panel indépendant. L'AG l'accueille favorablement, et l'ONU le fait sien. Il se résume par considérer que l'ONU doit faire moins, mais mieux. Il faut être moins ambitieux, mais plus performant, revenir vers des mandats plus clairement définis, davantage soutenus politiquement, dans des opérations moins ambitieuses mais appuyées sur des critères mieux définis. Il s'agit de rompre avec les hésitations et difficultés du passé. Idée sous-jacente: ambition de redevenir l'acteur central du maintien de la paix, ce qui n'est plus le cas à la fin des 90s. Le rapport Brahimi ne dit rien de nouveau, ces recommandations ont été faites avant, mais il a reçu plus de publicité.

Le rapport Brahimi présente 3 séries de recommandations: s'adressant aux Etats, parlant du mandat, de la structure.

Quant aux Etats, il faut dire que l'ONU est une organisation interétatique, parler de l'ONU c'est parler des Etats. Ce qu'elle fait ou ne fait pas c'est le résultat de politiques décidées par les Etats. Aucune réforme de l'ONU n'est possible si elle n'est pas soutenue par les Etats. Les recommandations du rapport s'adressant aux Etats leur demandent de soutenir davantage les OMPs sur le plan politique, financier, humain. Sans cela toute réforme sera vaine. Il rappelle un chiffre reflétant le manque de participation des Etats occidentaux: 77% des troupes proviennent des pays en développement.

Quant aux mandats, ils doivent être plus clairs, quitte à être plus restrictifs. Avantage de l'ambiguïté d'un mandat: sur le terrain on peut manoeuvrer plus. Il est important de préciser ce que l'opération doit faire et ne pas faire. Le rapport dit qu'il est illusoire de considérer que l'ONU peut avoir un mandat général de protection des populations.

Quant à la structure du secrétariat, on recommande le renforcement en hommes du DOMP à tous les niveaux. En parallèle, on préconise des réformes dans les systèmes de moyens et forces en attente (que les Etats promettent de mettre à disposition), pour faire en sorte qu'il soit plus précis, strict et qu'il engage les Etats davantage. Réformes dans le recrutement, dans la définition de la prévention et la consolidation de la paix, améliorer la capacité de réaction rapide. Recommandations dans le domaine des moyens de communication, du recours aux technologies modernes. Proposition que soit créée une structure qui ferait de l'analyse stratégique sur les situations à risque -> idée rejetée.

42

Page 43: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

Le rapport exclu la possibilité pour l'ONU de faire la guerre. Approche très restrictive de la notion d'imposition de la paix: il exclut implicitement une paix imposée à des parties qui n'en veulent pas. L'idée pour les OMP serait de pouvoir recourir à la force dans des cas très limités: défaire les factions armées qui gênent la mise en oeuvre des accords de paix, mettre en oeuvre la libre circulation des personnes, protéger les populations civiles sous la menace immédiate de violences.

57 recommandations en tout. 6 ans après, l'idée générale c'est que le maintien de la paix connaît une certaine forme de rationalisation suite à ce rapport. Pour ce qui est des mandats, on constate des mandats (avec beaucoup de nuances) plus clairs qu'il y a 10 ans, un secrétariat qui dit au CdS un peu plus que ce qu'il doit savoir, une conceptualisation plus aboutie du maintien de la paix, on exclut l'imposition du maintien de la paix, on a une concentration des efforts sur certains domaines clés identifiés, des idées telles que les missions intégrées, du continuum entre les conflits et le maintien de la paix, la distinction entre travail humanitaire et de sécurité. On progresse malgré les limites et les dérives dans la coordination entre les acteurs. Le secrétariat de l'ONU a plus conscience de ce qu'il peut faire ou ne pas faire, il y a un meilleur dialogue avec le CdS. Au niveau des Etats, il y a un souci de plus grande cohérence dans les politiques, pragmatisme, on est conscient que les mandats doivent être plus restrictifs et réalistes. Il y a un meilleur dialogue entre le CdS et les Etats qui fournissent des troupes, un meilleur partage des tâches entre l'ONU et les autres acteurs.

Au niveau du secrétariat, la plus grande réforme est au niveau du Département des OMP. Le secrétariat est aujourd'hui plus à même de débloquer des fonds, de déployer plus rapidement et efficacement sur le terrain des hommes et du matériel.

Mise en place des recommandations du rapport: restructuration de la base logistique, équipes de déploiement rapide (listes d'experts civils), missions de force intégrées (équipes intégrées qui gèrent en commun les OMPs). Résultat global: les OMPs sont mieux gérées aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

Limites du rapport et de sa mise en oeuvre: - Depuis la sortie du rapport l'ONU a créé beaucoup d'opérations et se retrouve avec 80'000 hommes déployés, alors que lorsque le rapport a été déployé il y en avait 27'000.- Malgré toutes les réformes, on a encore des opérations qui connaissent des difficultés, des dérapages, qui ne sont pas en mesure d'accomplir leur mandat (p.e. au Congo).- Malgré les réformes et la volonté de recréer la confiance, ceci n'a pas été fait: les pays occidentaux n'ont pas modifié leurs politiques, il y a toujours un fossé des engagements, un maintien de la paix à deux vitesses selon les moyens des pays qui interviennent.

Au delà de ces 3 limites, les avancées décrites doivent être nuancées: l'objectif temporel du déploiement des opérations n'a pas été atteint (30 jours pour une opération simple, 90 jours pour une opération complexe).

Le processus de réformes de 2005 ne traite qu'indirectement le maintien de la paix. Adaptation de l'ONU au monde post 9/11, crise en Irak. Débat très général de questionnement de ce que dit la Charte et de ce qu'on peut faire. Le SecGen a créé un nouveau groupe de travail devant analyser la capacité de l'ONU à

43

Page 44: 2006-03-14  · Web viewLe credo idéaliste est rationaliste, légaliste, moraliste et surtout optimiste. A l'opposé vient le réalisme, une théorie pessimiste, non seulement des

répondre aux menaces du 21ème siècle. Il sort le 4 septembre 2004, suivi d'une réponse du GenSec. Recommandations pour réformer l'ONU, débats qui débouchent sur le sommet de septembre 2005 marquant le 60e anniversaire de l'ONU. Propositions:

- Création du Conseil des droits de l'Homme (remplaçant l'ancienne Commission) et la Commission de Consolidation de la Paix. Pour cette dernière, l'idée est que, observant que le 53% des Etats sortant d'un conflit retombent dans le conflit, et qu'après 1-2 ans portant une attention sur les Etats en conflit, elle a tendance à retomber, le mandat serait de proposer des stratégies permanentes dans le domaine de consolidation de la paix. Cet organe a été créé le 20 décembre 2005. Risques à confronter par la Commission de Consolidation: la politisation, la polarisation des débats, conduisant au blocage de la Commission.Quant au Conseil des Droits de l'Homme, il a été créé par l'AG le 15 mars 2006. Organe subsidiaire de l'AG, composé de 47 membres élus à la majorité simple par l'AG. Les sessions sont plus nombreuses (au moins 3 par an au lieu d'une). Les Etats sont tenus d'accepter un plus grand droit de regard du conseil en matière du respect des DDHH.

- La réforme du CdS: sa réforme a avorté. Déjà aux années 60 il avait passé de 11 à 15 membres. Avec la fin de la guerre froide on a un débat autour de la légitimité du CdS, il ne traduit plus la situation en 2006 comme il traduisait la situation en 1945, d'où la volonté de l'élargir avec 9 membres de plus, dont 5 nouveaux membres permanents. Le JP, DE, IN, BR proposent 6 membres permanents de plus (eux plus 2 Etats africains) et 4 membres non permanents. Ils proposent aussi que les nouveaux membres permanents ne disposent pas de droit de veto (comme une concession). Les africains ont refusé que ces nouveaux membres permanents n'aient pas de droit de veto, ce qui crée un blocage. Dans tous les cas, les US n'étaient pas favorables à l'élargissement des membres permanents de plus de 1 ou 2 membres. Ceci fait que l'élargissement du CdS a avorté.

Lien entre la réforme du CdS et le maintien de la paix: 85% des hommes sont déployés en Afrique, donc les Etats africains sont mécontents du fait que tout soit décidé au CdS et qu'ils n'y aient pas de parole.

------------------------------------Deux derniers cours:

Lien entre l'ONU et les OI:Voir notes sur le web de Marion Julia

La consolidation de la paix. Perspective des ONU:Contenu très similaire (et plus clair!) dans l'article de Charles-Phillipe David (polycopié)

44