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8/4/2019 2007 Cadre légale pour distributeurs- Postulat Leuba
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"Le Conseil d’Etat s’engage à suivre de près l’application à long terme des actions et projets signalés
dans sa réponse aux questions posées dans cette interpellation".
Je vous demande d’accepter cette détermination.
La détermination Mireille Aubert est acceptée avec 2 avis contraires et de nombreuses
abstentions.
Motion Philippe Leuba et consorts demandant l'adoption d'un cadre légal interdisant ou tout au
moins régissant la pose et le recours aux distributeurs de seringues destinées aux toxicomanes
Décision du Grand Conseil après rapport de commission
(Motion transformée en postulat)
M. Félix Glutz : — La discussion et la description de la distribution publique et contre paiement
d’emballages contenant du matériel d’injection a permis à votre commission de débattre de la
responsabilité de la décision et l’autorité sous laquelle elle a été prise, de la nature du produit et desconditions sanitaires et commerciales de la démarche, et enfin de l’autorité de contrôle et de
surveillance de ce commerce. Rappelons qu’il s’agit en l’occurrence de deux automates distributeurs
de seringues situés à la rue de l’Université et sur la place Bel-Air à Lausanne.
Pour M. le chef du département, ni le Conseil d’Etat, ni le DSAS, ni le Service de la santé publique
n’ont décidé, autorisé ou interdit ce type de vente par automate. L’initiative en revient aux autorités
lausannoises.
Quelle que soit la légitimité de la démarche, il apparaît étrange que dans les procédures, le contrôle
sanitaire et la surveillance commerciale, le canton n’applique pas les règles de droit concernant toute
distribution de n’importe quel produit par automate. La nécessité impérieuse, voire l’urgence d’une
intervention cantonale paraissent aller de soi, si l’on se rappelle que sont vendus au prix de 3 francs,
sur l’espace public et en plein air, des emballages perméables à l’air et à l’eau dans des distributeurs à
cigarettes modifiés, sans marque ni adresse, accessibles à tous. Comme si un espace de non-droit avait
été institué pour diffuser un produit permettant à chacun, même à un enfant, de s’injecter une substance
X dans les veines. La comparaison faite avec les automates distributeurs de seringues dans d’autres
cantons ne justifie pas cette pratique.
Rappelons qu’à l’intérieur d’un emballage, au départ vide de toute inscription, il n’y a pas de mode
d’emploi en français, les conseils et mentions d’éventuelles complications ne sont pas conformes et
même plutôt fantaisistes ! Le nom du fabricant est absent, aucun prix n’est identifié, il n’y a aucune
impression des chiffres identifiant un tel produit selon la loi. Pas de cellophane protecteur. Al’intérieur, une paire de seringues et des aiguilles, de l’ascorbine (vitamine C) en poudre, deux
ampoules de NaCI stérile, un set de désinfection et un préservatif. Le risque existe que la poudre de
vitamine C soit injectée avec la cocaïne non stérile que le toxicomane apporte avec lui, qu’il va mêler à
l’eau stérile fournie par le vendeur dans la cuiller sortie de sa poche. Tout se passe comme si le malade
qui va utiliser ces produits n’était pas susceptible de la même protection que les autres citoyens.
En matière de responsabilité, de par la loi et les institutions qui en assument l’application, le DSAS, au
nom du Conseil d’Etat, est bel et bien responsable de la manière dont de tels produits sont mis à
disposition des toxicomanes. Le fond du problème, soit l’aide à la survie des toxicomanes par la
distribution d’un matériel stérile, n’est pas remis en cause par les motionnaires. Mais les êtres humains
se servant de ces automates ne sont pas traités conformément aux lois, règles et usages exigés par des professionnels.
Le motionnaire a refusé de transformer sa motion en postulat et a été suivi en cela par la majorité des
commissaires. L’interdiction pure et simple de cette distribution a également paru excessive aux
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commissaires. Par contre, la majorité d’entre eux estime indispensable de fixer un cadre légal à cette
pratique, avec toutes les cautèles que cela implique.
C’est donc par 6 voix contre 5 que la commission vous recommande de prendre en considération cette
motion et de la renvoyer au Conseil d’Etat pour étude et rapport.
La discussion est ouverte.
Mme Sandrine Bavaud : — Je tiens d’abord à remercier Anne Weill-Lévy pour son rapport de
minorité. Par ailleurs et en préambule, j’aimerais souligner le fait qu’il est mentionné sur ce matériel
que la consommation de drogues nuit à la santé, qu’elle est passible de sanctions pénales et qu’en cas
de surdose, il convient d’appeler le 144.
Pour votre minorité, rendre accessibles des distributeurs de seringues ne signifie pas banaliser la
consommation de drogues et encore moins vouloir inciter à la consommation de stupéfiants. Mettre à
disposition du matériel stérile au moyen de distributeurs revient, par contre, à apporter une réponse à
une partie des toxicomanes.
Il est nécessaire de rappeler ici que la politique de l’Office fédéral de la santé publique en matière de
toxicomanie repose sur quatre piliers : la prévention, la thérapie, la réduction des risques et larépression. La toxicomanie est donc bien réglée par des professionnels.
La motion Leuba nous invite à porter notre attention sur la réduction des risques. Les distributeurs de
seringues stériles participent effectivement à réduire les risques, étant donné que le matériel usagé
favorise la transmission de virus comme l’hépatite ou le sida. Il ne s’agit donc pas ici d’une simple
question lausannoise mais, à nouveau, d’un programme relevant de l’Office fédéral de la santé
publique.
L’expansion de ces virus dépasse largement la population toxicomane, les toxicomanes ne vivant pas
dans une bulle fermée et pouvant avoir des relations avec des personnes qui ne consomment pas de
drogue. Comme a pu le relever l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive, le Canton deVaud, comme d’autres lieux, connaît une augmentation significative des cas de contamination par le
virus de l’hépatite.
Ces distributeurs constituent une mesure complémentaire à d’autres structures pour deux raisons
principales. Premièrement, les centres de distribution de seringues stériles ne sont pas
ouverts 24 heures sur 24. Deuxièmement, des toxicomanes refusent le contact avec l’autre et préfèrent
de ce fait recourir à du matériel usagé. Je pense que le point principal est véritablement de prendre
conscience qu’il y a des toxicomanes qui refusent le contact avec d’autres personnes et qui refusent de
se rendre dans des pharmacies pour prendre du matériel stérile.
Des études ont permis de conclure que la pose de distributeurs réduit effectivement la propagation
d’infections virales. Voilà pourquoi neuf cantons alémaniques ont déjà installé de tels appareils. Pour plus de sources, je vous renvoie au rapport de minorité de notre ancienne députée Anne Weill-Lévy.
Comme déjà évoqué par notre collègue Glutz, certains et certaines rétorqueront malgré tout que ces
distributeurs incitent à la consommation de stupéfiants, en particulier les enfants et les adolescents.
Sachez qu’à ce niveau aussi, il a été démontré que les enfants ne dépensent pas 3 francs pour du
matériel sans attraits à leurs yeux. Quant aux adolescents, il est malencontreusement évident que
l’incitation à la consommation de drogues provient des fournisseurs de stupéfiants. De là à comparer
ces distributeurs à des automates, je vous laisse le soin de juger vous-mêmes s’il y a vraiment un
parallèle à établir.
Il existe donc des réflexions, des mesures édictées par l’Office fédéral de la santé publique et laminorité ne voit pas pourquoi il faudrait un cadre légal pour finalement interdire ces distributeurs de
seringues.
En conclusion, les distributeurs de seringues stériles dont il est question ici ne doivent pas être
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considérés comme "la" réponse mais comme l’une des réponses au phénomène de la toxicomanie. Pour
des questions de santé publique, et afin de tenir compte de l’ensemble des quatre piliers définis par
l’Office fédéral de la santé publique, votre minorité vous invite à refuser le renvoi de cette motion au
Conseil d’Etat.
M. Olivier Gfeller : — Le groupe socialiste, à l’unanimité, vous demande de refuser la motion de
M. Leuba. La distribution de seringues est une question de santé publique. Il s’agit d’éviter tout
moralisme facile et étroit. La distribution de seringues est efficace pour lutter contre la transmission de
maladies mortelles, c’est une mesure qui contribue par conséquent à protéger l’ensemble de la
population, je crois qu’il est important d’insister sur ce point.
Le groupe socialiste aurait pu accepter la première partie du postulat qui demande un cadre légal.
Parmi les cantons qui ont déjà des distributeurs de seringues depuis de nombreuses années, certains ont
légiféré et c’est sans doute une bonne chose. Une loi permet de fixer des limites dans un domaine très
délicat.
Par contre, la seconde partie du titre de la motion est inacceptable. M. Leuba demande qu’on interdise
purement et simplement l’utilisation des distributeurs. Sur le simple plan formel, cela pose déjà un
problème : on ne sait pas ce qu’on accepte : la première partie du postulat ou la seconde ?L’insouciance qui sous-tend la formulation de cette motion est fâcheuse, on aurait pu attendre un peu
plus de rigueur. Le domaine est trop complexe, trop douloureux humainement pour souffrir la moindre
ambiguïté quant au message que nous voulons faire passer. Il est exclu pour nous d’envisager
l’interdiction car c’est jouer avec la santé et la vie de l’ensemble de la population. Les arguments
prétendument moraux de ceux qui veulent s’opposer à ces distributeurs sont les mêmes qui étaient
évoqués il y a quelques années lorsqu’on parlait de simple distribution de seringues. Or on sait, depuis
lors, que cette mesure a permis de sauver un nombre incommensurable de vies. On sait aussi que de
nombreux toxicomanes qui se débattent dans la phase aiguë de leur maladie veulent éviter tout contact
humain. Là aussi, j’insiste et je reprends l’idée de la rapportrice de minorité : au moment de se
procurer une seringue, ils veulent éviter tout contact humain et pour le moment, si on n’a pas de
distributeurs, on passe à côté de ce problème.
Il va de soi que dans l’idéal, nous souhaiterions que tout le monde s’en sorte par le sevrage. Mais il
s’agit de ne pas tomber dans les mesures simplistes ou les " y a qu’à" démagogiques. Nous disons non
à la drogue, mais la cruelle réalité nous invite à ne pas courir le risque de nous priver d’un moyen de
lutter contre les effets néfastes de la consommation de produits toxiques.
Nous vous invitons donc à refuser cette motion peu claire dans son titre et potentiellement néfaste dans
ses conséquences.
M. Dominique Kohli : — Au nom du groupe libéral, permettez-moi de vous communiquer quelquesconsidérations sur cette motion Leuba.
Tout d’abord, je précise que je fais partie du comité du Relais, une des institutions qui oeuvrent
aujourd’hui dans le domaine des polytoxicomanies. A ce titre, comme en écho avec les débats que
nous avons eus au sein de notre groupe, j’aimerais dire trois choses.
Premièrement, cette motion nous semble répondre à un vrai problème et à une sensibilité réelle de
notre population, comme on l’a vu il y a quelques semaines avec les résultats de la votation
lausannoise sur un local d’injection.
Deuxième élément que je souhaite préciser avec beaucoup de netteté : il semble au groupe libéral qu’il
y a nécessité de légiférer. Et pour pouvoir légiférer, il faut bien sûr clarifier l’ensemble du domaine et
sécuriser — les éléments mis en évidence par le rapporteur de la commission et par notre ancien
collègue Francis Thévoz sont hallucinants, véritablement très préoccupants en termes de santé
publique, en termes de police du commerce, tout simplement. Il est aussi nécessaire d'organiser.
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Il ne s’agit pas du tout d’insouciance, monsieur Gfeller. Il ne s’agit pas du tout d’un quelconque
manque de rigueur. Il s’agit d’une responsabilité du législatif de ce canton de veiller à organiser de
manière claire et définitive la distribution possible d’une certaine quantité de matériel.
Dernier point : il est vrai que je rejoins parfaitement — et avec moi plusieurs membres du groupe
libéral — les préoccupations du motionnaire. Nous avons les plus grandes réserves face à la négation
que vient de faire la Ville de Lausanne d’une des caractéristiques majeures de l’approche de notre
pays, qui consiste à apporter un accompagnement, un appui, un soutien professionnels auxtoxicomanes. Cette vision humaniste est heurtée par l’installation de distributeurs mécaniques,
anonymes et par essence a-professionnels.
Je vous invite donc à soutenir la majorité de la commission et à transmettre cette motion au Conseil
d’Etat.
M. Michel Cornut : — On l’a dit déjà, nous avons chez les personnes toxicomanes une prévalence
rapportée à l’hépatite B de 35%, à l’hépatite C de 60%, au VIH de 14%, du fait de l’utilisation de
seringues usagées infectées. Dans le cadre d’un programme de réduction des risques liés à la
toxicomanie et dans un strict souci de santé publique, l’Etat et la Ville de Lausanne diffusent des
seringues stériles. Cette diffusion intervient au moyen de trois canaux principaux : la vente en pharmacie, l’échange de seringues propres contre des seringues usagées par des intervenants sociaux
dans le cadre du Distribus et du Passage, et deux distributeurs automatiques.
Je n’ai pas les chiffres concernant les ventes en pharmacie. En revanche, je peux signaler que sur un
total d’environ 75'000 seringues distribuées en une année à Lausanne par le Distribus, le Passage et les
distributeurs, 13% environ proviennent des distributeurs automatiques. Ces derniers ont été installés
pour couvrir des zones géographiques et des tranches horaires mal couvertes par les autres moyens de
distribution.
Etant, soit dit en passant, le chef du service qui opère cette distribution au travers de mandats donnés à
une Fondation d’intérêt public, je tiens à préciser que c’est évidemment la mort dans l’âme que nous
devons nous résoudre à une telle action de santé publique, sachant qu’elle est malheureusement
indispensable.
Naturellement, lors du dépôt de la motion Leuba sur cet objet, je me suis demandé si le motionnaire
entendait combattre la politique de réduction des risques sociaux et sanitaires liés à la toxicomanie, ou
si seul l’un des éléments de cette politique, soit le recours aux distributeurs automatiques, lui paraissait
problématique.
Le rapport de majorité répond à cette interrogation. Il affirme que les motionnaires n’entendent pas
remettre en cause l’aide à la survie des toxicomanes par la distribution de matériel stérile et je ne
saurais douter de leur bonne foi. J’espère que cela sera confirmé dans la suite du présent débat.
Comme ils le rappellent eux-mêmes aussi, la politique définie dans le cadre de la Confédération reposesur quatre piliers : la prévention, la répression, la thérapie et la réduction des risques qui est définie
comme un ensemble d’actions ayant pour but de permettre aux toxicomanes de traverser la phase de
consommation et de survie avec un minimum d’atteintes sur les plans physique, psychique et social,
afin de préserver et améliorer les chances d’une sortie ultérieure. Telle est la définition de la réduction
des risques, notamment au travers de la diffusion des seringues propres. Je suis naturellement soulagé
d’apprendre que la commission soutient un tel objectif qui s’impose à la conscience.
Seules les modalités de distribution sont donc en cause. M. Kohli l’a confirmé tout à l’heure, le rapport
sous-entend que la distribution de seringues doit être faite par les intervenants qui se tiennent aussi à
disposition des personnes toxicomanes intéressées par exemple par une thérapie. Le rapport de
majorité ne dit rien, cependant, des moyens qu’il faudrait engager pour assurer une disponibilité accrue
de ces intervenants et c’est un point que j’aimerais souligner. Il serait naturellement très intéressant de
savoir si les motionnaires accepteraient un amendement au budget de l’Etat qui tiendrait compte de
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leur initiative et permettrait d’assurer un service 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, par exemple avec le
Distribus. Si oui, je pense que la Ville de Lausanne serait la première intéressée et ne défendrait pas
absolument ces distributeurs automatiques.
Quoi qu’il en soit, il me paraît que c’est dans le cadre de la loi sur la santé publique que cette question
doit être réglée. Cette loi devrait intégrer explicitement – ce qu’elle ne fait pas aujourd’hui – la
réduction des risques liés à la toxicomanie, et fixer le cadre des actions menées à ce titre.
En revanche, l’adoption d’une loi spécifique visant uniquement à interdire les deux distributeurslausannois ne paraît pas judicieuse. Elle serait disproportionnée ; elle sèmerait la confusion sur les
véritables intentions de l’Etat dans ce domaine ; elle n’anticiperait pas les conséquences d’un éventuel
démantèlement des distributeurs et ne l’accompagnerait pas comme il convient.
Je pourrais pour ma part soutenir la motion si elle visait à régler les modalités de distribution des
seringues, après une étude approfondie et dans le cadre d’une planification financière sérieuse. Mais
cette motion envisage aussi l’interdiction pure et simple, encore une fois, sans autre forme de procès,
sans mesures d’accompagnement, sans dire ce que l’on va substituer aux distributeurs et avec quels
moyens.
Dans ces conditions, je ne puis que vous inviter à rejeter cette motion.
M. Jacques-André Haury : — Au fond, le développement que vient de faire M. Cornut n’a qu’un
défaut : sa chute. Tout ce qu’il dit est parfaitement exact et devrait conduire à accepter la motion Leuba
puisqu’il se rallie à l’idée qu’un cadre légal — que ce soit dans la loi sur la santé publique ou ailleurs
— définisse la pose et le recours aux distributeurs de seringues.
De plus et à l’appui de cette motion, j’aimerais contredire ou m’étonner un peu de ce qu’a dit
M. Gfeller tout à l’heure, " les expériences lausannoises peuvent être copiées ou inspirer d’autres
communes" . Je crois justement que le dispositif réglementaire ou surtout légal qui régit un Etat de
droit est là pour tirer peut-être des expériences de ce qui se fait quelque part, mais ensuite fixer des
règles communes et non laisser simplement les communes se copier dans des domaines qui relèvent,on l’a dit, de la sécurité publique et de la santé publique, et qui méritent à mon avis d’être clairement
réglés.
Derrière l’opposition à la motion de M. Leuba, on voit resurgir certains combats qui se sont déroulés,
notamment à Lausanne. Une liberté est laissée au Conseil d’Etat entre l’interdiction et la limitation, il
justifiera s’il choisit d’interdire ce qu’il finira peut-être par faire car il est des évidences qui peuvent
contaminer tous les esprits. L’exigence d’un cadre légal pour les distributeurs de seringues se justifie
tout autant que celle pour les distributeurs de cigarettes.
M. Grégoire Junod : — J’aimerais rebondir sur ce que vient de dire M. Haury. Si, comme cela a été
très justement dit, nous sommes ici d’accord pour légiférer, organiser, réglementer la pose d’automatesà seringues, il y a une nuance de taille dans la motion : elle propose d’interdire ces automates. C’est
évidemment ce point qui fait aujourd’hui problème.
M. Kohli l’a dit, en matière de réduction des risques, il est largement préférable, lorsqu’on remet une
seringue à un toxicomane, d’avoir à côté de cela un encadrement social et médical qui permette sa
prise en charge. C’est ce que nous souhaitons tous et c’est évidemment le système idéal.
Mais il a également été dit dans ce débat, et c’est très important, que les automates à seringues sont là
en tant que moyen subsidiaire lorsque les pharmacies et les structures qui distribuent du matériel stérile
sont fermées. Il est vrai qu’aujourd’hui, à Lausanne notamment, nous n’avons pas de structure
ouverte 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, qui permette de remettre du matériel stérile dans toutes les
situations. Il existe donc un besoin subsidiaire d’avoir des automates à seringues. Ce n’est pas une
position idéologique que de vouloir aujourd’hui ces automates. M. Cornut l’a très justement dit, la
situation serait différente si nous disposions des moyens pour avoir, dans tout le canton ou du moins
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dans les centres urbains, un Distribus ouvert 7 jours sur 7 qui permette la distribution et l’échange de
seringues.
Mais du point de vue subsidiaire, il y a aujourd’hui un besoin d’avoir des automates à seringues. Alors
on peut réglementer cette utilisation, il me paraît tout à fait opportun de le faire, mais l’interdire pose,
je crois, un réel problème. Je crois en effet qu’on ne peut pas poser la question de l’utilisation de
l’automate à seringues sans poser plus largement celle des moyens que l’on met en oeuvre pour
distribuer du matériel stérile et mener une politique d’aide à la survie.J’aimerais insister sur un deuxième point qui me paraît important. La motion a été déposée à un
moment où le contexte politique était tout à fait différent. C’était avant la votation lausannoise sur le
local de consommation, dans un climat extrêmement tendu. La question du local de consommation a
aujourd’hui été clairement tranchée par les Lausannois et le contexte politique a changé.
Vous savez peut-être pour l’avoir vu dans la presse qu’à la suite de cette décision populaire, les
socialistes lausannois ont lancé un appel à l’ensemble des opposants au local de consommation, afin
d’organiser des Etats généraux sur la politique de la toxicomanie. La volonté claire de cette démarche
est aujourd’hui d’essayer de modifier le climat qui préside au débat sur la toxicomanie et de privilégier
plutôt des voies consensuelles, en disant, " Finalement, nous sommes dans un débat extrêmement tendu
et bloqué depuis de très nombreuses années ; essayons aujourd’hui d’aborder les choses différemment,
de voir s’il n’y a pas des consensus possibles, que l’on parle de prévention, de structures à bas seuil, de
meilleur lien entre les structures à bas seuil et à haut seuil, ou encore d’intégration professionnelle des
toxicomanes" .
Cet appel a été bien reçu par la droite. Dès le mois d’octobre, nous allons nous rencontrer pour
co-organiser ces Etats généraux et, je l’espère, sortir du débat actuel extrêmement tendu et clivant sur
la politique de la toxicomanie, en tenant évidemment compte de la décision populaire qui a été prise et
qui est très claire, mais en laissant toutes les pistes ouvertes pour trouver, si possible, des voies
consensuelles en la matière.
Je trouve donc un peu dommage qu’on vienne aujourd’hui avec une motion qui ferme un peu le jeu,qui prendrait le risque d’interdire un dispositif qui doit être envisagé plus largement et qui concerne
l’ensemble de l’aide à la survie. Il me semble qu’on pourrait très bien accepter un postulat demandant
de réglementer, voire d’interdire l’utilisation d’automates à seringues, mais il me paraît ici difficile
d’accepter une motion.
Je sais que cette proposition a été débattue en commission et qu’elle n’a pas été soutenue, mais
j’aimerais ici proposer la transformation de cette motion en postulat, ce qui me paraît laisser les portes
ouvertes dans un débat que nous souhaitons tous aujourd’hui voir traiter de manière plus apaisée et
plus consensuelle, si c’est possible.
M. Bernard Borel : — Je ne vais pas refaire ici tout le débat qui a déjà été largement entamé. Je peuxsouscrire à ce qu’a dit notre collègue Sandrine Bavaud ou plus encore aux chiffres donnés par notre
collègue Michel Cornut. Cette question toujours passionnelle autour de la toxicomanie rend une
analyse difficile. J’aimerais juste faire deux remarques.
La première est que, notamment dans le Canton de Vaud, la question de la toxicomanie est devenue un
débat gauche-droite, alors que les sensibilités en Suisse alémanique montrent que des municipalités ou
des gouvernements à prédominance de droite ont néanmoins adopté des attitudes qui étaient
exactement celles que souhaitait la Ville de Lausanne. Voilà qui montre bien qu’au fond, on peut se
poser la question – et il est important de la poser – de savoir pourquoi cela a pris une tournure
gauche-droite ici sur un problème véritablement de santé publique.
Vouloir légiférer et peut-être interdire sur l’un des pans de la prise en charge des toxicomanes, au fond
c’est ne pas laisser au thérapeute que je pourrais être toute latitude pour traiter et prendre en charge une
personne qui en a besoin. C’est un peu comme si tout à coup le législateur m’interdisait de prendre en
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charge une thérapie sur le cancer ou le diabète, me privant ainsi de la possibilité, dans certains cas
extrêmement difficiles, de prendre en charge tel ou tel patient qui en a réellement besoin. Je crois qu’il
est inopportun de légiférer en ce sens. En revanche, je pourrais soutenir la transformation de cette
motion en postulat, en allant dans le sens évoqué par M. Junod tout à l’heure.
M. Dominique Kohli : — Je reviens dans ce débat, tout d’abord pour vous inviter à ne pas accepter la
transformation de cette motion en postulat. Je pense que c’est précisément la responsabilité de notre
Grand Conseil de choisir et le choix qui a été fait par la majorité de la commission est qu’il fallait
légiférer dans ce domaine-là.
Ce n’est pas passionnel, monsieur Borel. Ce n’est pas non plus un nouveau match gauche-droite
comme vous les aimez. Je ne crois pas non plus que cela prive les professionnels d’une thérapie. C’est
justement l’absence de thérapie, cette installation de distributeurs ! Il n’y a plus de contact humain,
plus de lien social avec ces distributeurs et c’est bien cela qui nous perturbe et nous préoccupe.
En écoutant M. Cornut, M. Gfeller et d’autres encore, vous semblez dire qu’il y a une espèce de clause
du besoin. Une clause du besoin qui ferait qu’à côté des différents véhicules de distribution des
seringues énumérés par M. Cornut, il faut ce troisième moyen. Moi je pense que la responsabilité
incombe précisément au gouvernement vaudois et ensuite à notre Grand Conseil d’examiner ce besoin-là. Y a-t-il vraiment besoin, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, de mettre à disposition des
seringues de la manière dont la commune de Lausanne l’a souhaité ? Je pense qu’il est possible d’avoir
des réponses un peu plus nuancées, encore une fois, un peu plus humaines.
Je terminerai en disant à M. Junod que oui, le contexte a changé. Il est vrai qu’à l’époque du dépôt de
cette motion, il y avait tout le débat sur l’ouverture du local d’injection. Mais n’oublions pas le
pourquoi de la motion Leuba : l’installation des distributeurs. Voilà ce qui a incité notre ancien
collègue à vous interpeller et à proposer de légiférer dans ce domaine.
Par conséquent, la responsabilité du Grand Conseil vaudois vis-à-vis de notre capitale vaudoise est de
légiférer. Sur la base de ce travail de législateur, monsieur Cornut, monsieur Junod, monsieur Gfeller,
nous pourrons réexaminer s’il est nécessaire de réajuster les moyens pour lutter contre les
toxicomanies, dont je rappelle qu’ils sont quand même tout à fait significatifs.
M. Olivier Gfeller : — Je crois qu’il y a un petit problème d’écoute dans ce débat. En effet, du côté de
ceux qui veulent accepter la motion, tout le monde parle comme si elle ne proposait pas l’interdiction
et ne parlait que de légiférer. Je l’ai déjà dit, s’il s’agissait uniquement de légiférer, on pourrait
l’accepter. Mais il y a cette deuxième partie du titre de la motion qui ne passe pas. Se priver de ce
moyen peut être extrêmement dangereux pour de nombreuses personnes de ce canton.
En parlant d’écoute, le problème était sérieux dans l’intervention de M. Haury qui a prétendu que je
disais qu’il fallait étendre cette expérience à toutes les communes. Je n’ai jamais dit cela et je m’inscrisen faux. Je pense que c’est une mesure à laquelle on se résigne face à une situation grave, face au
constat qu’une partie de la population toxicomane échappe aux mesures traditionnelles proposées.
M. Kohli parle de clause du besoin. Monsieur Kohli, je ne sais pas si vous avez déjà pris cela en
compte, mais un toxicomane en état de manque n’attend pas. C’est une urgence absolue. Et s’il n’y a
rien d’ouvert, s’il n’y a pas de possibilité de se procurer une seringue, eh bien il prend la première
possibilité qui passe. Et à ce moment-là, il court un risque très grand de prendre une seringue déjà
utilisée et ainsi, en plus de s’injecter un produit qui peut lui être fatal, de s’exposer au risque d’attraper
une de ces grandes pandémies qui sévissent actuellement et qui nous émeuvent à la lecture des
journaux. Or là, tout à coup, on semble dire qu’il n’est pas absolument nécessaire que ces personnes
puissent en tout temps avoir du matériel qui les sauve et qui sauve peut-être les personnes en contactavec elles.
Lorsque vous parlez de la clause du besoin, je vous invite à penser à cette situation d’un toxicomane en
état de manque. Si vous avez cela devant les yeux, je ne pense pas que vous puissiez envisager
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l’interdiction de ces distributeurs de seringues ou d’un autre moyen permettant, en permanence, de
s’en procurer. Si l’on arrive à créer des permanences, alors pourquoi pas ?
Mme Ada Marra : — Je dois dire que M. Kohli n’est pas transparent et que ses propos manquent de
clarté. Vous ne cessez de dire que vous voulez légiférer. Pour moi, légiférer ne signifie pas interdire,
donc je vous pose la question clairement : voulez-vous interdire les distributeurs ou non ? Voulez-vous
légiférer, c’est-à-dire laisser la porte ouverte à la possibilité de l’existence de ces distributeurs ?
J’aimerais que vous soyez clair sur ce point.
Vous avez utilisé plusieurs fois le mot " humain" . Il me semble qu’en matière de toxicomanie ou de
santé publique, il ne s’agit pas d’humain ou non, il s’agit de santé. Le fait d’avoir des seringues propres
à disposition diminue clairement le risque de maladies comme l’hépatite ou le sida. Ce n’est pas une
question d’humanité mais de santé.
J’aimerais dire à ceux qui s’intéressent vraiment à ce problème que je ne crois pas que nous puissions
tous nous ériger en spécialistes en la matière. La proposition de M. Junod tombe à point car elle
permettrait d’avoir sur cette question un rapport complet préparé par des spécialistes et des
professionnels, et non fruit de nos propres expériences ou de nos idéologies. Je crains en effet,
monsieur Kohli, que vous n’en fassiez un peu trop. Je vous pose donc à nouveau la question à laquelle j’aimerais que vous répondiez : voulez-vous légiférer pour interdire ou bien voulez-vous légiférer en
laissant ouverte la possibilité des distributeurs ?
M. Dominique Kohli : — Votre dialectique est redoutable, mais je vous invite tout simplement à lire
le titre de la motion Philippe Leuba et consorts qui demande "l’adoption d’un cadre légal interdisant ou
tout au moins régissant la pose et le recours aux distributeurs de seringues destinées aux toxicomanes"
.
Personnellement, je suis en faveur d’une interdiction parce qu’il me semble que les autres moyens mis
à disposition pour fournir des seringues aux toxicomanes existent et ont fait leurs preuves. Mais
M. Leuba est plus prudent que moi puisqu’il dit "ou tout au moins régissant" . Je crois avoir été
suffisamment clair précédemment mais je n’ai pas été compris. Le rapport de la majorité de la
commission vous propose de transmettre ce texte au Conseil d’Etat. Je vous invite à faire de même.
Mme Michèle Gay Vallotton : — Je me place ici d’un point de vue purement formel. Je lis
l’article 120 de la loi sur le Grand Conseil qui définit la motion : "La motion est motivée et expose le
sens de la législation souhaitée" . Je passe sur la motivation, mais je regarde "expose le sens de la
législation souhaitée" .
M. Haury nous disait tout à l’heure qu’il y a un pouvoir que le Parlement exerce — il le disait avec un
petit sourire, mais il est vrai qu’il existe — et qui consiste à limiter le Conseil d’Etat. Nous sommes ici
dans le cadre d’un autre pouvoir que le Parlement aurait sur le Conseil d’Etat, celui de lui donner le
sens d’une législation. Et là, en dehors de tout débat et de toute passion, je n’aimerais pas être membre
du Conseil d’Etat parce que quand je vois la formulation "adopter un cadre légal interdisant ou tout au
moins régissant" , il s’agit pour moi de deux messages contradictoires.
Mes chers collègues, nous sommes tout simplement à un moment où le Grand Conseil hésiterait à
donner le sens de la législation souhaitée. Ce n’est pas une motion. C’est le Conseil d’Etat qui devrait
choisir quel élément de la contradiction il pense pouvoir développer.
Du fait que les deux termes sont contradictoires, je suis désolée, mais nous ne sommes pas ici en
présence d’une motion.
Par conséquent, je crois que si nous voulons construire, M. Junod proposait justement d’aller dans ce
sens et d’accepter le postulat parce que nous serions alors dans une sphère plus libre où plusieurs
éléments de détermination pourraient être étudiés, approfondis, évalués et soumis à notre réflexion.
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Sur la base de ces éléments strictement formels, je crois qu’il nous est absolument nécessaire de
transformer cet objet en postulat.
M. Jacques-André Haury : — J’ai bien écouté le développement de madame Gay Vallotton. Je ne
suis pas sûr qu’elle-même croie à sa démonstration juridique : entre une liberté laissée aux communes
ou une restriction totale ou partielle, on voit bien que la direction est clairement donnée par la motion
et je crois qu’elle est tout à fait recevable sur cet aspect formel.
J’aimerais maintenant reprendre au bond ce qu’a dit M. Grégoire Junod qui aimerait qu’on apaise ces
débats sur la drogue. Je pense qu’il a raison. Mais la drogue ne commence pas au distributeur de
seringues, elle commence presque toujours par le "joint" de cannabis. Et nous avons cette fameuse
initiative visant à dépénaliser le cannabis qui empoisonne le débat. Quand la gauche, parti socialiste et
Verts en particulier, aura clairement dit qu’il n’est plus question de caresser ce genre de projet et
qu’elle optera pour une attitude rigoureuse en commençant par le cannabis, alors moi je serai encore
prêt à admettre qu’à l’autre bout de la chaîne on ait une certaine ouverture — tolérance, compassion,
que sais-je ? — pour les gens qui s’injectent de l’héroïne. Mais nous sommes dans un débat pollué
parce qu’il y a toujours d’un côté des gens qui, en quelque sorte, paraissent — "paraissent",
monsieur Junod, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas ! — pactiser avec la drogue.Je vous invite à accepter cette motion. Elle, au moins, est claire, quoi qu’en dise madame Gay
Vallotton.
M. Michel Cornut : — Je commencerai par un mot de réponse à M. Jacques-André Haury.
Monsieur Haury, on ne peut pas prétendre souhaiter le dialogue et commencer par poser une condition.
Pour l’instant et avec les propos que vous avez tenus, notamment à l’égard de madame Michèle Gay
Vallotton, vous êtes encore dans une position relativement arrogante et je crois que les conditions du
dialogue, en tout cas avec vous, personnellement, ne sont pas tout à fait réunies et je le regrette.
J’en reviens maintenant à l’objet de notre débat. J’aimerais annoncer tout d’abord à M. Kohli et au
Grand Conseil en général que si cette motion devrait être acceptée, je déposerais, dans le cadre du
débat sur le budget, un amendement tendant à permettre au Distribus de fonctionner 7 jours sur 7 au
lieu de 6 jours sur 7 parce que je crois que c’est là le véritable enjeu de ce débat : voulons-nous nous
donner les moyens de cette présence humaine dont M. Kohli parle à plusieurs reprises, présence
pratiquement permanente, ou pas ? Si nous n’en avons pas les moyens, alors nous sommes bien obligés
de recourir à des moyens plus légers, mais dont je peux comprendre qu’ils soient peut-être plus
contestables.
M. Kohli dit qu’il n’est peut-être pas nécessaire d’assurer une présence 7 jours sur 7. Bien sûr ! Il n’est
même pas nécessaire de l’assurer 6 jours ou 5 jours. On peut même ne faire aucune réduction des
risques et ne pas distribuer de seringues. Un jour sur sept, c’est un septième de risques en plus et jecrois qu’il faut simplement le savoir et l’assumer.
Personnellement, je ne pourrais pas assumer le fait qu’on n’ait plus de possibilité d’accès aux
seringues 1 jour sur 7 en raison du démantèlement de ces distributeurs automatiques. Il y aurait des
conséquences. Il y aurait des conséquences avec le recours, ce jour-là en tout cas, à un peu plus de
seringues infectées, il y aurait des risques accrus pour la population toxicomane et, au-delà, pour la
population en général. C’est un risque que je ne souhaiterais pas courir, donc si cette motion est
acceptée, je demanderai qu’on améliore les moyens mis à disposition pour le Distribus.
Pardonnez-moi, j’ai encore une dernière chose à ajouter. Le titre de la motion est ambigu, on ne peut le
contester. Je crois que nous sommes tous francophones, nous sommes alphabétisés et quand on lit ce
titre, il est parfaitement clair qu’il y a une ambiguïté : "interdire ou réglementer" . M. Kohli déclarequ’il souhaiterait personnellement interdire, d’autres diront qu’ils souhaiteraient plutôt réglementer. Ce
sont tout de même des choses différentes et il est difficile de renvoyer une motion contraignante
demandant au Conseil d’Etat de faire l’une ou l’autre de ces deux choses sans lui indiquer quelle est la
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volonté du Grand Conseil.
Si maintenant M. Kohli nous promet aujourd’hui que, dans l’hypothèse où un projet de loi est déposé
qui ne prévoit pas d’interdiction — pour des raisons clairement exposées dans un exposé des motifs
bien fait, qui montre qu’on a besoin de ces distributeurs automatiques sous certaines conditions —, il
pourrait se rallier à un tel projet de loi, je pourrais encore éventuellement le suivre.
M. Serge Melly : — J’aimerais simplement appuyer les déclarations de madame Gay Vallotton et deM. Cornut. C’est le mot "ou" qui montre bien qu’il y a un choix et que nous sommes ici en présence
d’un postulat et non d’une motion, le postulat étant la seule forme que je pourrais soutenir, mais pas
une motion contenant le mot "ou" .
Mme Christa Calpini : — Dieu sait si je suis en faveur de l’accès des toxicomanes à des seringues
stériles, mais le système des automates ne me satisfait pas. Cela signifie que des enfants
de 10 ou 12 ans pourraient y avoir accès, s’amuser avec des seringues et c’est une responsabilité que je
ne peux pas prendre. Oui au Distribus, mais non aux automates !
M. Roger Saugy : — Je reviens sur les déclarations de notre ancien collègue Leuba. Comme lui, je pense que la solution des distributeurs est un pis-aller, mais tant que nous n’aurons pas trouvé d’autre
solution, je ne vois pas ce que nous pouvons faire.
Je relis ce qu’il a déclaré très rapidement : "C’est le sens de la motion que j’ai déposée. En effet, je ne
conçois pas qu’on puisse mettre à disposition des toxicomanes des seringues en dehors d’un cadre
humain, avec l’intervention de spécialistes pouvant, le cas échéant, les aider."
Je comprends très bien cette déclaration et si les représentants du Conseil d’Etat nous disent qu’ils sont
prêts à soutenir la génération d’opérations comme le Distribus lausannois, on n’aura plus — ou moins
— besoin de distributeurs automatiques de seringues.
M. Dominique Kohli : — Très brièvement, j’aimerais dire à M. Cornut que ce qui me manque à cestade, c’est une analyse approfondie, par notre gouvernement et les différents services concernés, de la
politique actuelle qui repose, vous l’avez dit, sur la distribution en pharmacie, celle à travers les
différents services concernés par la toxicomanie, par le Distribus et maintenant par les distributeurs
automatiques. C’est cette analyse approfondie qui permettra ensuite au gouvernement de proposer une
législation qui répondra au "ou" du texte de M. Leuba.
Personnellement, au stade actuel, il me semble que l’interdiction se justifie : toutefois, sur la base
d’une argumentation objective, documentée et fondée, j’accepterais une législation qui permette de
calibrer, de baliser et d’organiser la pose de distributeurs. C’est cela qui nous manque. Le coup de
force de la municipalité lausannoise nous impose de le faire. C’est notre responsabilité en tant que
Parlement cantonal.
M. Yves Ferrari : — Je rebondis sur les propos de mon préopinant qui souhaite une analyse
approfondie de la chose. Or une analyse approfondie, c’est justement le sens d’un postulat et cela n’a
rien à voir avec une motion. Je vous invite donc, le cas échéant, à voter la transformation de cette
motion en postulat, pour avoir cette analyse approfondie et savoir dans quel sens aller, ou alors tout
simplement de refuser le renvoi de cette motion au Conseil d’Etat.
M. Christian van Singer : — M. Ferrari m’a volé les mots de la bouche. Il est évident que
M. Kohli parle d'un postulat. Il demande une analyse approfondie, ce n’est rien d’autre que le but d’un
postulat. On peut même ajouter qu’un postulat ferait l’unanimité dans cette salle. Je l’invite donc à
demander la transformation de la motion en postulat.
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M. Olivier Gfeller : — Je voulais dire exactement la même chose que M. Ferrari, je renonce.
M. Félix Glutz : — S’il y avait personnellement un seul argument qui me ferait prendre en
considération cette motion et vous inviter à faire de même, c’est que je trouve extrêmement grave que
pour une minorité de personnes qui doivent satisfaire un manque, on mette potentiellement en danger
toute une population. Quand on connaît l’esprit frondeur des enfants, quand on sait qu’une seringue
peut être une arme, je pense qu’on met potentiellement en danger beaucoup plus de gens qu’on n’en
soigne réellement. Personnellement, je trouve que la motion a ce caractère impératif, ce caractère
d’urgence qui fait qu’on doit légiférer. Je vous rappelle juste que la majorité des commissaires n’était
pas pour l’interdiction mais pour que l’on réglemente cette situation aussi rapidement que possible.
Mme Sandrine Bavaud : — Nous avons longuement évoqué la question du titre. J’aimerais souligner
qu’en commission nous avons demandé au motionnaire de transformer sa motion en postulat, ce qui a
été refusé à partir du moment où il était plus important d’interdire la pose et le recours aux
distributeurs.
A mon avis, il faut être clair et je vous demande de soutenir la proposition de M. Junod de transformer
cette motion en postulat. Cela me paraît d’autant plus important qu’aujourd’hui nous n’avons pas delieux d’accueil ouverts 24 heures sur 24 et que même si nous en avions, cela ne suffirait pas. Je le
rappelle, il y a des personnes qui ne souhaitent pas avoir de contact humain pour obtenir du matériel
stérile. Je crois qu’il ne faut pas simplement imaginer que nous avons des toxicomanes à la place de la
Riponne. Nous avons dans le canton 2500 toxicomanes, dont une partie travaille dans les hautes
sphères et ne souhaite pas que l’on sache qu’elle a besoin de matériel stérile.
M. Pierre-Yves Maillard, conseiller d’Etat : — Nous nous sommes payé encore une bonne tranche
de ces débats-fleuves sur la toxicomanie dont ce canton est manifestement friand.
Jusqu’à présent, dans ce débat, depuis trois ans que je dirige ce département, je me suis tenu à une
certaine position de neutralité, en essayant parfois de proposer des solutions de médiation entre lesdifférents tenants de ce débat, de cette querelle. C’est d’ailleurs dans ce sens-là que le Conseil d’Etat
s’est exprimé sur la question du local d’injections, par exemple, en disant qu’il n’avait pas l’intention
de l’interdire. Il n’en aurait d’ailleurs probablement pas la compétence puisque nous sommes là dans
un domaine où le cadre fédéral donne un certain nombre de fondations légales à des pratiques de
prévention.
Au fond, nous nous sommes payé le luxe d’une votation populaire sur un sujet difficile. C’est la Ville
de Lausanne qui s’y est essayée. Mais que constatons-nous sur le terrain depuis dix ou quinze ans que
cette polémique dure ?
Des gens, trop nombreux, des jeunes, des moins jeunes, continuent de se piquer, continuent de
s’infecter, continuent de mourir. Il y a des gens qui meurent tout près de nous à cause des méfaits de la
toxicomanie. Et puis on recommence ce débat, maintenant ce sont les automates, avec chaque fois la
tentation d’être un plus pondéré, de faire des appels à la raison. Mais au passage, quelques-uns ne
peuvent s’empêcher de laisser échapper quelques formules du genre "pactiser avec la drogue"
comme si dans cet hémicycle certains souhaitaient que les gens se droguent et d’autres non, comme si
c’était là le débat. Après quinze ans de vaine polémique, il me semble que l’on pourrait peut-être en
venir à un peu plus de mesure.
Il y a dans cet hémicycle, comme au sein des autorités cantonales et lausannoises, 100% de
responsables qui souhaitent que les gens ne se droguent pas. Il y a 100% de responsables qui
aimeraient que sur le terrain on fasse reculer la toxicomanie. Et puis on doit constater que la politiquequi consiste à simplement dire : "Ne vous droguez pas, c’est interdit" n’aboutit malheureusement pas à
des résultats très, très probants.
Petit à petit, à force de débats, à force de polémiques, un certain nombre de mesures ont été mises en
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place, qui consistent par exemple à dire, alors même que c’est interdit, "Et bien puisque vous vous
droguez, au moins faites-le avec des seringues propres" . C’est cette étape qu’au moins ce canton a
réussi à franchir puisque jusqu’à présent — je vous rappelle que cela a fait l’objet d’intenses débats —
dans cet hémicycle, personne n’a remis en cause la distribution de seringues. Mais je rappelle qu’il a
fallu des débats homériques pour savoir si distribuer des seringues propres ne revenait pas à
encourager la drogue. Donc pour savoir si ceux qui proposaient la distribution de seringues propres
n’étaient pas au fond des ambassadeurs et des promoteurs de la toxicomanie. On a au moins dépassé ce
stade-là. En quinze ans, on a fait un petit pas qui consistait à admettre que la remise de seringues
propres n’était pas la promotion de la toxicomanie.
On en est maintenant à savoir si la remise de ces seringues propres peut se faire seulement en
pharmacie ou avec un Distribus, ou si on peut aussi s'adjoindre l’outil des automates à seringues. Je
rappelle aussi, à titre d’information, que douze cantons ont répondu à une enquête faite par la
Commission cantonale de lutte contre la toxicomanie ; ils affirment avoir depuis des années déjà des
automates à seringues. Au total, nous avons 66 automates à seringues recensés dans le pays. C’est un
débat que d’autres ont déjà eu bien avant nous. Le canton aujourd’hui n’a pas, parce qu’il y a une base
légale fédérale, à décider s’il faut imposer ou non des automates à seringues ou s’il faut les interdire.
Nous avons maintenant une motion qui nous demande soit d’interdire, soit de régir la pose.Contrairement à ce que j’ai entendu dans le débat, "régir" n’est pas synonyme de "restreindre" . Régir
signifie fixer des règles. Fixer des règles peut vouloir dire contraindre les communes à poser des
automates à seringues. Nous avons donc une motion qui intime l’ordre au Conseil d’Etat soit
d’interdire, soit de réglementer et — pourquoi pas — d'imposer la distribution des seringues. Admettez
tout de même qu’on a fait mieux comme signal clair au Conseil d’Etat !
Je l’ai dit au motionnaire en commission : je reconnais qu’il serait peut-être temps pour les autorités
cantonales de sortir d’une position de Ponce Pilate et d’affirmer ce qu’il faut faire ou ne pas faire dans
le domaine de la politique de la toxicomanie. J’en profite pour dire au passage que nous regardons la
capitale de notre canton se débattre avec ces problèmes de toxicomanie alors que ce sont les
problèmes du canton. Il faut dire les choses comme elles sont ! Les toxicomanes qui se droguent sur la
place de la Riponne ne sont pas tous nés à Lausanne, loin de là ; bon nombre d’entre eux proviennent
des communes et se concentrent dans ces lieux. C’est peut-être un peu facile de laisser ainsi notre
capitale se débattre seule avec ces problèmes.
Il est donc peut-être temps que notre canton essaie de définir ou de redéfinir sa politique de lutte contre
la toxicomanie, mais cette fois-ci, si possible, sereinement et sur la base d’éléments factuels. Je peux le
dire d’autant plus volontiers et facilement que personnellement, je n’avais pas d’a priori sur ce dossier
et que je ne fais pas partie des partisans de la dépénalisation à tout crin. Je trouve qu’il y a là un certain
nombre de signaux qui peuvent être difficiles à comprendre.
Face à un problème réel qui touche la vie des gens, je crois qu’il est sain de se poser la question : est-ceque le Conseil d’Etat veut fixer des règles et limiter la liberté des communes, dans un sens ou dans
l’autre ? Est-ce qu’il veut promouvoir davantage un certain nombre de types de prise en charge ? Je
crois que le Conseil d’Etat est toujours prêt à faire cet examen, pour autant qu’on lui demande de le
faire.
J’ajoute que ce qui est très difficile dans cette situation, c’est de savoir réellement comment faire
évoluer les mentalités, comment mener une politique raisonnable, alors qu’on peut être très facilement
tenté d’exploiter ce problème pour se payer des succès à courte vue, notamment en votation populaire.
Si, au nom du Conseil d’Etat, je vous propose un projet de loi qui régirait ou interdirait la distribution
des seringues, vous ouvrez la possibilité à un référendum. On pourrait donc avoir un référendum qui
s’opposerait à la loi qui régirait la pose de distributeurs à seringues. Et si le référendum est accepté,
quelle interprétation en tire-t-on ? Qu’il faut supprimer les distributeurs à seringues ? Ils sont justement
possibles parce qu’il y a des bases légales. Voulons-nous nous payer ce genre de débat ou
pouvons-nous, peut-être, prendre un autre chemin qui consisterait à dire, "Améliorons les dispositifs
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existants, essayons de voir si nous pouvons renforcer l’offre de seringues par des dispositifs avec des
personnes afin de limiter la distribution de seringues propres par les automates" ? Voilà un débat que je
suis prêt à vous proposer de mener par le biais d’un rapport.
Cette motion est en réalité un postulat. Je comprends la démarche. Il est vrai que cela fait drôle d’avoir
tout à coup des automates à seringues posés dans la plus grande ville du canton sans que celui-ci ait
pris position formellement. Je suis donc prêt à ce que nous examinions l’opportunité d’une base légale
ou peut-être de directives départementales permettant de fixer un certain nombre de règles dans cedomaine. Mais je crois qu’avant de savoir s’il faut légiférer, cela mérite un tout petit peu de réflexion,
raison pour laquelle il me semble qu’un postulat serait plus logique. Si c’est une motion qui nous est
renvoyée, je l’interpréterai dans le sens de réaffirmer une politique cantonale dans ce domaine et
proposerai au Conseil d’Etat de vous répondre, en essayant de réaffirmer dans le même temps un
certain nombre de principes de politique cantonale .
Je conclurai sur ce point : lorsqu’on a vu toute la polémique se développer dans notre capitale
lausannoise autour de la question de savoir s’il fallait des locaux à disposition pour que ceux qui
s’injectent puissent le faire dans des conditions sanitaires strictes ou s’il fallait, au contraire, prôner
l’abstinence, et qu’on voit après que l’institution qui développe l’abstinence, faute de clients, doit
prendre des mesures de restructuration extrêmement lourdes, je crois que les conditions sont réunies pour qu’on arrive enfin à un débat serein.
J’ai reçu le président des missionnaires de la Fondation du Levant pour lui dire, "Au département, nous
sommes prêts à discuter avec les professionnels du Levant de solutions de remplacement pour les
prestations qui doivent être démantelées pour pouvoir enfin mettre ensemble les différents acteurs
professionnels du domaine de la toxicomanie, à Lausanne comme ailleurs, afin d’avoir une chaîne
complète de prise en charge" . Cette chaîne commencerait par la réduction des risques sanitaires, que
nous devons aux toxicomanes et aux non-toxicomanes parce que les toxicomanes peuvent aussi
infecter des non-toxicomanes, ne l’oublions pas, et irait jusqu’à la promotion de l’abstinence pour
celles et ceux qui sont prêts à la faire et là où nous devons l’encourager.
J’espère que les réalités qui s’imposent maintenant permettront au Conseil d’Etat de vous répondre,
quelle que soit la forme que vous choisirez, et d’arriver enfin à une politique de lutte contre la
toxicomanie qui soit la plus consensuelle possible.
La discussion est close.
La transformation en postulat est acceptée par 77 voix contre 46 et 2 abstentions.
Le Grand Conseil prend en considération le postulat par 107 voix contre 9 et 8 abstentions.
Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’Etat l’autorisation d’aliéner ses
participations financières dans quatre sociétés de chauffage à distance
et
rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l’engagement de l’Etat dans huit sociétés de
chauffage à distance
Premier débat
Mme Eliane Rey, rapportrice : — Tirer un trait sur leur passé, tirer les leçons du passé devrait-on
dire en préambule à l’examen de cet exposé des motifs et projet de décret.
Pour commencer, notre commission a trouvé que cet exposé des motifs et projet de décret avait un
caractère financier, froid et dénué de toute vision politique. A un moment où l’on parle d’énergies
renouvelables et où la loi sur l’énergie a ouvert des voies nouvelles, cela paraît surprenant, maladroit et