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Le patient comme passager aérien Daniel Franzen a , Olivier Seiler b a Medizinische Klinik, Spital Zollikerberg, b Garde Aérienne Suisse de Sauvetage, Zurich-Aéroport CURRICULUM Forum Med Suisse 2008;8(38):698–704 698 Introduction «Et quand vous aurez savouré le vol, vous mar- cherez toujours les yeux tournés vers le ciel, car là vous aurez été, et là vous désirerez ardemment retourner.» Léonard de Vinci Les vols et le voyage sont aujourd’hui fascinants sans n’être plus un luxe. Ils jouissent d’une po- pularité grandissante et attirent aussi des passa- gers, respectivement des patients, qui sont tou- jours plus âgés et plus malades. La prise en charge médicale d’un patient ne se résume donc plus au diagnostic et au traitement de sa patho- logie de base. Elle comprend aussi le conseil préa- lable en médecine aéronautique et en médecine de voyage adapté en fonction de la destination. Le médecin peut être confronté à la question de savoir s’il est judicieux de laisser un patient voya- ger en avion et dans quelles conditions le voyage peut se faire, voire lui déconseiller formellement ce déplacement. Les exigences requises pour qu’un vol en avion se déroule sans incidents dépendent des conditions d’environnement habi- tuelles auxquelles les passagers sont soumis du- rant un vol (taux d’humidité, température, bruit, rayonnement, décalage horaire, stress, etc.); mais elles découlent également des lois physiques des gaz. Principes physiques: les lois des gaz et leur signification en médecine Le vol se déroule en général à une altitude de croi- sière de 40 000 pieds (10 000 m). A cette altitude, avec une pression atmosphérique de 140 mm Hg et une pression partielle d’O2 (pO2) de 30 mm Hg, règnent des conditions qui, sans moyens tech- niques, seraient hostiles à la vie. Pour cette raison, la pression dans la cabine est maintenue à envi- ron 560 mm Hg, ce qui correspond à une altitude de 8000 pieds (2400 m). Pour des raisons d’or- dre technique et écologique, le maintien d’une pression correspondante à celle du niveau de la mer (760 mm Hg) n’est pas acceptable. Selon la loi de Dalton, la pression totale d’un mé- lange gazeux est égale à la somme des pressions Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 695 ou sur internet sous www.smf-cme.ch. Quintessence Durant un voyage en avion, le passager est soumis aux conditions d’envi- ronnement habituelles du vol (bruit, température, décalage horaire). Il subit également les contraintes imposées par les lois physiques des gaz. Selon l’anam- nèse ou les comorbidités du patient, ces conditions peuvent parfois entraîner des conséquences significatives pour sa santé. Selon la loi de Dalton, la diminution de la pression ambiante dans la cabine de l’avion correspond à une diminution proportionnelle de la pression partielle d’oxygène, ce qui entraîne une baisse de la saturation artérielle en oxygène, même chez les personnes en bonne santé. Selon la loi de Boyle-Mariotte, une augmentation de volume d’un gaz inter- vient lorsque la pression dans la cabine diminue. Lorsqu’une cavité du corps ren- ferme du gaz, ce phénomène peut causer un barotraumatisme. La loi d’Henry précise que la quantité de gaz dissoute dans un liquide diminue proportionnellement à la diminution de la pression extérieure exercée par ce gaz sur le liquide. Cette relation explique l’apparition de bulles d’azote parfois obser- vables dans les maladies de décompression. En règle générale, un patient ne devrait prendre l’avion que s’il est capable de marcher 50 mètres ou de gravir un étage sans présenter de symptômes. Les compagnies d’aviation n’ont pas l’obligation juridique de transporter inconditionnellement tout passager «malade». Il est vivement recommandé de prévenir à temps le service médical de la com- pagnie d’aviation en cas de risques suspectés à l’anamnèse ou lorsqu’un patient est porteur d’affections médicales à risque. Summary The patient as airline passenger In addition to the established outside influences (noise, temperature, time shift etc.), airline passengers are chiefly affected by physical gas laws which may – depending on pre-existing diseases – result in sometimes severe health threats. According to Dalton’s law, oxygen partial pressure changes in proportion to diminished cabin pressure, resulting in reduced oxygen saturation even in healthy passengers. According to Boyle’s law, a gas volume expands with decreasing cabin pressure. In gases trapped in body cavities this may result in barotraumas. According to Henry’s law there is a proportionally smaller amount of solute in decreasing air pressure, resulting in bubble formation as in decompression sickness. As a practical guideline to assess air travel capability, a patient should be able to walk 50 meters or climb one flight of stairs without symptoms.

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avion ambulance

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  • Le patient comme passager arienDaniel Franzena, Olivier Seilerba Medizinische Klinik, Spital Zollikerberg, b Garde Arienne Suisse de Sauvetage, Zurich-Aroport

    CURR I CULUM Forum Med Suisse 2008;8(38):698704 698

    Introduction

    Et quand vous aurez savour le vol, vous mar-cherez toujours les yeux tourns vers le ciel, carl vous aurez t, et l vous dsirerez ardemmentretourner.

    Lonard de Vinci

    Les vols et le voyage sont aujourdhui fascinantssans ntre plus un luxe. Ils jouissent dune po-pularit grandissante et attirent aussi des passa-gers, respectivement des patients, qui sont tou-jours plus gs et plus malades. La prise encharge mdicale dun patient ne se rsume doncplus au diagnostic et au traitement de sa patho-logie de base. Elle comprend aussi le conseil pra-lable en mdecine aronautique et en mdecinede voyage adapt en fonction de la destination.Le mdecin peut tre confront la question desavoir sil est judicieux de laisser un patient voya-ger en avion et dans quelles conditions le voyagepeut se faire, voire lui dconseiller formellementce dplacement. Les exigences requises pourquun vol en avion se droule sans incidents dpendent des conditions denvironnement habi-tuelles auxquelles les passagers sont soumis du-rant un vol (taux dhumidit, temprature, bruit,rayonnement, dcalage horaire, stress, etc.); maiselles dcoulent galement des lois physiques desgaz.

    Principes physiques: les lois des gaz et leur signification en mdecine

    Le vol se droule en gnral une altitude de croi-sire de 40000 pieds (10000 m). A cette altitude,avec une pression atmosphrique de 140 mm Hget une pression partielle dO2 (pO2) de 30 mm Hg,rgnent des conditions qui, sans moyens tech-niques, seraient hostiles la vie. Pour cette raison,la pression dans la cabine est maintenue envi-ron 560 mm Hg, ce qui correspond une altitudede 8000 pieds (2400 m). Pour des raisons dor-dre technique et cologique, le maintien dunepression correspondante celle du niveau de lamer (760 mm Hg) nest pas acceptable.Selon la loi de Dalton, la pression totale dun m-lange gazeux est gale la somme des pressions

    Vous trouverez les questions choix multiple concernant cet article la page 695 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.

    Quintessence

    Durant un voyage en avion, le passager est soumis aux conditions denvi-ronnement habituelles du vol (bruit, temprature, dcalage horaire). Il subit galement les contraintes imposes par les lois physiques des gaz. Selon lanam-nse ou les comorbidits du patient, ces conditions peuvent parfois entraner desconsquences significatives pour sa sant.

    Selon la loi de Dalton, la diminution de la pression ambiante dans la cabinede lavion correspond une diminution proportionnelle de la pression partielledoxygne, ce qui entrane une baisse de la saturation artrielle en oxygne,mme chez les personnes en bonne sant.

    Selon la loi de Boyle-Mariotte, une augmentation de volume dun gaz inter-vient lorsque la pression dans la cabine diminue. Lorsquune cavit du corps ren-ferme du gaz, ce phnomne peut causer un barotraumatisme.

    La loi dHenry prcise que la quantit de gaz dissoute dans un liquide diminueproportionnellement la diminution de la pression extrieure exerce par ce gazsur le liquide. Cette relation explique lapparition de bulles dazote parfois obser-vables dans les maladies de dcompression.

    En rgle gnrale, un patient ne devrait prendre lavion que sil est capablede marcher 50 mtres ou de gravir un tage sans prsenter de symptmes.

    Les compagnies daviation nont pas lobligation juridique de transporter inconditionnellement tout passager malade.

    Il est vivement recommand de prvenir temps le service mdical de la com-pagnie daviation en cas de risques suspects lanamnse ou lorsquun patientest porteur daffections mdicales risque.

    SummaryThe patient as airline passenger In addition to the established outside influences (noise, temperature, timeshift etc.), airline passengers are chiefly affected by physical gas laws whichmay depending on pre-existing diseases result in sometimes severe healththreats.

    According to Daltons law, oxygen partial pressure changes in proportion todiminished cabin pressure, resulting in reduced oxygen saturation even inhealthy passengers.

    According to Boyles law, a gas volume expands with decreasing cabin pressure.In gases trapped in body cavities this may result in barotraumas.

    According to Henrys law there is a proportionally smaller amount of solutein decreasing air pressure, resulting in bubble formation as in decompressionsickness.

    As a practical guideline to assess air travel capability, a patient should beable to walk 50 meters or climb one flight of stairs without symptoms.

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    le corps humain de nouveaux espaces fermscontenant du gaz, dont le volume tend aug-menter violemment lorsque la pression dans lacabine diminue. Cette augmentation peut atteindre30% lorsque lavion atteint son altitude de croi-sire. Les contre-indications strictes pour unvoyage en avion sont: un pneumothorax nondrain, locclusion intestinale, un traumatismecraniocrbral, et des rsidus de gaz dans lab-domen immdiatement aprs une laparoscopie.Le vol est galement dconseiller absolumentlors dune sinusite aigu ou dune otite moyenne,car la tumfaction inflammatoire de la trompedEustache et des orifices des sinus paranasauxempche la compensation de la pression, ce quipeut occasionner des barotraumatismes, voiremme une perforation du tympan. De mme, lesinflammations dentaires ou les granulomes api-caux dentaires peuvent entraner des douleursdentaires ou maxillaires aigus, ou mme provo-quer lclatement dune dent. La loi dHenry spcifie que la quantit de gaz dis-soute dans un liquide et la pression partielle quece gaz exerce sur la surface extrieure du liquidediminuent de manire proportionnelle. Ainsilorsque la pression extrieure baisse, la quantitde gaz en solution doit diminuer, et ce gaz se li-bre sous forme de bulles. Dans le corps humain,limportance mdicale de cette loi concerne avanttout la mdecine de plonge: suite une dcom-pression trop rapide, des bulles dazote se for-ment dans les tissus et peuvent causer une mala-die de dcompression associe des symptmesde paresthsie (fourmillements: poux du plon-geur) et des troubles neurologiques. Du pointde vue de la mdecine aronautique, il faut men-tionner ici lindication dun intervalle suffisant,de 24 heures au moins, entre la dernire plongeet le voyage en avion. Une chute soudaine de lapression ambiante dans la cabine de lavion (ra-pid decompression) peut aussi occasionner unemaladie de dcompression, mais ce phnomnereste heureusement extrmement rare.

    Le patient en bonne sant veut prendre lavion

    Notions de baseLa plupart des passagers ont une sant physiquesuffisante et ne doivent pas se proccuper dunexamen ou dun conseil mdical avant de prendrelavion. Somme toute, les problmes et les ques-tions ne se posent que lorsquun passager poten-tiel est atteint dune ou de plusieurs pathologiesde base et quil est stabilis par un traitementadquat. En principe, les conditions de vol asso-cies tout voyage en avion (voir les lois des gaz)peuvent dtriorer un tat ou exacerber un mal,alors quauparavant la situation tait reste sta-ble dans la vie quotidienne. Il vaut donc la peinede considrer la maladie de base du patient la

    partielles des gaz qui le composent. Les pressionspartielles des gaz qui composent lair de la cabineet la pression ambiante dans la cabine diminuentdonc de faon proportionnelle; une pression de560 mm Hg dans la cabine correspond alors unepO2 de 120 mm Hg (au lieu de 160 mm Hg lal-titude du niveau de mer). La consquence phy-siologique est lhypoxmie hypoxique qui se me-sure, laltitude de croisire, par une baisse de 3 10% de la saturation artrielle en oxygne(SaO2), et qui sobserve aussi chez le passager enbonne sant: ce dernier tolre en gnral assezbien cet cart qui nest pas ressenti par le sujet[1, 2]. En prsence de pathologies sensibles lhypoxie, la diminution de la pO2 peut provoquerune situation critique bord, amenant parfois lepilote faire appel lassistance dun mdecin[2]. Pour plus de dtails concernant les cons-quences physiopathologiques de lhypoxmie,nous renvoyons le lecteur aux ouvrages de rf-rence en la matire. Lhypoxmie entrane essen -tiellement la vasoconstriction crbrale par hy-po capnie due une tachypne, lhypertensionartrielle pulmonaire, et la consommation accruedoxygne par le myocarde en raison de laug-mentation compensatoire du dbit cardiaque. En consquence, toutes les perturbations de lab-sorption et du transport dO2, ainsi que les pi-lepsies [3], sont considrer comme des patho-logies risque pour les voyages en avion.Lintervention mdicale, si elle est ncessaire, serduit souvent lapport supplmentaire doxy-gne. Celui-ci nest toutefois pas forcment dis-ponible bord dun avion de ligne et il doit trecommand davance auprs de la compagniedaviation en cas de prdisposition aux atteintesen question. Dans certains cas de complicationhypoxiques, lindication mdicale peut exiger unatterrissage durgence, dont les cots sont lourds porter pour la compagnie. Cette ventualit sou-ligne limportance dun conseil de qualit en m-decine de voyage et en mdecine aronautiqueavant de prendre lavion.La loi de Boyle-Mariotte prdit qu tempratureconstante, le volume occup par une quantitdonne dun gaz parfait varie en raison inversede la pression quil subit (p V = constante). Si lapression (extrieure) exerce sur une quantit d-termine de gaz diminue, son volume augmente,et vice versa. Les effets de cette loi concernent icien premier lieu les gaz contenus dans un espaceferm. Chez ltre humain, de tels espaces se si-tuent principalement dans le sinus paranasal etdans loreille moyenne. Certaines conditions pa-thologiques ou traumatiques peuvent crer dans

    Commercial airlines are not legally required to transport every sick pas-senger.

    Early contact with the airline medical desk is strongly recommended for passengers with severe previous illness or in doubtful cases.

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    Diagnostics frquents et problmes

    Diabte sucrSi la glycmie est bien rgle, les recommandationsde lIATA nindiquent aucune restriction de lapti-tude au voyage en avion. Il faut toutefois tenircompte du dcalage horaire pour les injections dinsuline lors des vols de longue dure. Les diab-tiques devraient tre avertis demporter avec euxle double de la rserve normale dinsuline dans leurbagage main et dattendre que le repas se trouve devant eux pour appliquer linjection prprandialedinsuline rapide: le repas annonc peut tre dif-fr en raison de turbulences. Il faut mesurer le tauxde glycmie toutes les deux heures. Au moins 24 heures avant le dcollage, il est possible de com-mander un menu pour dia btiques la compagniedaviation. De plus, un diabtique en voyage devraitporter sur lui, entre autres, une quantit suffisantedaiguilles dinjection et une attestation de diab-tique en plusieurs langues. Ces patients doivent imprativement renoncer toute consommationdalcool en raison du risque dhypoglycmie.

    Maladies cardiovasculaires (selon [5])Les affections cardiovasculaires causent enmoyenne 10 20% des interventions mdicalesdurgence effectues durant les voyages en avion.Le risque dun infarctus aigu du myocarde etdarythmies mettant la vie en danger ny est toute-fois que lgrement plus lev. Il faut toutefoisconsidrer que les patients sont inaptes au voldans les situations suivantes: angine de poitrineinstable ( partir de CCS III), trouble grave durythme ventriculaire ( partir de Lown IIIb), in-farctus du myocarde survenu trs rcemment, et,par analogie, artriopathie oblitrante priph-rique ( partir du stade de Fontaine III). Aprs uninfarctus du myocarde, selon sa gravit, il faudraitrespecter une priode de stabilit de six douzesemaines avant denvisager un voyage en avion.Ces indications temporelles varient cependantentre une et douze semaines selon les recom-mandations issues de publications. Un dlai dat-tente de deux semaines au moins parat raison-nable car cest durant la premire semaine aprsune angioplastie avec pose de stent que le risquedune thrombose de stent est le plus lev; celasajoute quune pO2 diminue active la coagula-tion. Lexamen de routine de lischmie cardiaque(ECG deffort ou chocardiographie deffort) avantde partir en avion nest pas ncessaire [5]. Il est possible deffectuer un voyage en avion encas dinsuffisance cardiaque NYHA de stade I II. Pour les patients symptomatiques leffortlger (NYHA III), le vol ne doit tre envisag quelorsque la compagnie arienne a assur la pr-sence doxygne supplmentaire, et ceci peut sefaire en prenant contact avec le service mdicalde la compagnie daviation. Le stade NYHA IV estune contre-indication gnrale pour le voyage enavion sans accompagnement mdical.

    lumire des lois des gaz et dvaluer le risquedaggravation des symptmes inhrent unvoyage en avion. La rgle empirique veut que lepatient ne prenne lavion que sil est capable deparcourir 50 mtres pied ou de gravir un tagesans prsenter de symptmes. En plus des loisdes gaz, il faut encore considrer dautres l-ments importants lors de lvaluation de lapti-tude du patient au voyage en avion: la mobilit,lautonomie, la capacit rester assis et la conta-giosit. Par exemple, un patient ne devrait pasvoyager en avion sans accompagnement mdicalsil ne peut pas rester assis en position verticalelors du dcollage ou de latterrissage, comme lesraisons de scurit lexigent, ou sil ne peut passe mettre en scurit sans gner dautres passa-gers lors dune situation de dtresse. Ne sont pasnon plus aptes au voyage en avion les patients quine peuvent salimenter ou se rendre aux toilettesde faon autonome.

    Recommandations de lIATAIl faut tenir compte du fait que les compagniesdaviation ne sont pas tenues juridiquement transporter chaque passager sans restriction enraison du Disability Discrimination Act. En casextrme, laccs dun passager peut lui tre re-fus la porte de lavion par le pilote. LIATA(International Air Transport Association) a doncformul des recommandations permettant dva-luer laptitude au voyage en avion en tenantcompte de lanamnse individuelle et du contextephysiologique du vol dcrit auparavant; la plu-part des compagnies daviation reconnaissentces recommandations ou les appliquent sous uneforme adapte (tab. 1 p). Ces tableaux compor-tent des informations dordre gnral pour faci-liter lvaluation de laptitude au voyage en avionsans accompagnement mdical. Lvaluation parle service mdical de la compagnie daviationpeut conduire une divergence dopinion danscertains cas isols. Dans le doute, il vaut mieuxprendre contact avec ce service mdical; cette re-commandation est galement valable pour assu-rer la prparation des ventuelles mesures desoutien ncessaires que la compagnie daviationmet disposition (O2 supplmentaire, aide pourlembarquement, etc.). Cest le service mdical dela compagnie daviation qui il incombe finale-ment de dcider si un passager atteint dune ma-ladie chronique ou aigu peut prendre lavion. Lemdecin traitant ou le mdecin de famille com-munique les informations mdicales appropriesau moyen du formulaire MEDIF (voir ci-dessous).Finalement, il faut aussi se dire que cest unequestion dhonntet et dautovaluation ralistesi un passager potentiel atteint dune maladie debase prend en considration le conseil mdicalavant son dpart en avion. Ainsi, on part du prin-cipe que 5% des passagers environ prsententdes modifications significatives de leur tat desant durant le vol [4].

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    Tableau 1. Recommandations de lIATA (International Air Transport Association) concernant laptitude au voyage en avion (selon la REGA et [2, 4]).

    Opration resp. pathologie Dlai dattente minimal avant le vol Remarques

    Chirurgie fractures vols 2h: 48h en cas de pltre fendu ou de gouttire pltre

    appendicectomie, op. hernie, clioscopie 10 jours (pas de gaz rsiduel)

    perforation intestinale, ilus PAS DE VOL en principe durant 6 semaines aprs l'opration

    cholcystectomie, gastrectomie, rsection intestinale 6 semaines

    thoracotomie diagnostique 1 semaine

    lobectomie 12 semaines

    pneumonectomie 6 9 mois analyse des gaz du sang artriel recommande avant le vol

    pneumothorax 6 semaines poumon entirement dvelopp l'examen radiologique

    opration dans les vaisseaux priphriques 12 semaines

    PTA (angioplastie transluminale percutane) 3 jours

    toutes les oprations de chirurgie cardiaque 2 3 semaines ventuellement plus tt avec l'accord du chirurgien cardiaque

    pneumoencphale (par ex. fistule de LCR) PAS DE VOL

    ablation d'une tumeur intracrbrale 6 12 mois

    hmatome subdural ou pidural 3 semaines

    RTU (rsection transurtrale) 3 semaines

    ORL opration de l'oreille moyenne 10 jours

    tonsillectomie 2 3 semaines

    otite moyenne aigu, sinusite aigu PAS DE VOL

    Ophtalmologie hmorragie rtinienne 1 3 mois examen par un spcialiste

    opration de la cataracte 4 semaines

    dcollement de la rtine, cas aigu PAS DE VOL examen par un spcialiste

    dcollement de la rtine, status aprs traitement 7 10 joursau laser, opration intra-oculaire

    Cardiologie hypertension artrielle > 200/120 mm Hg PAS DE VOL

    cardiopathie, anomalie septale, valvule artificielle en gnral apte au vol

    cardiopathie ischmique

    CCS I (pas de problmes) pas de restrictions

    CCS II (problmes l'effort intense) en gnral apte au vol

    CCS III (problmes l'effort lger) aptitude restreinte O2 supplmentaire

    CCS IV (problmes au repos) inapte au vol sauf en cas exceptionnel (avec un accompagnement mdical) O2 supplmentaire

    angine de poitrine instable PAS DE VOL

    aprs pose d'un stent (lective ou en urgence) 3 resp. 14 jours

    infarctus du myocarde 6 resp. 10 semaines(lger, sans complications ou svre)

    insuffisance cardiaque

    NYHA I (pas de problmes) pas de restrictions

    NYHA II (problmes l'effort intense) en gnral apte au vol

    NYHA III (problmes l'effort lger) aptitude restreinte O2 supplmentaire

    NYHA IV (problmes au repos) inapte au vol sauf en cas exceptionnel O2 supplmentaire(avec un accompagnement mdical)

    decompense PAS DE VOL

    rythmologie

    DCI ou stimulateur cardiaque pas de restrictions contrle du fonctionnement recommand

    bradycardie (avec syncopes), bloc AV III PAS DE VOL

    arythmie supraventriculaire (SVT, WPW) aptitude restreinte mdicaments antiarythmiques porte de main

    extrasystole ventriculaire < Lown IIIb en gnral apte au vol

    extrasystole ventriculaire > Lown IIIb, arythmies malignes PAS DE VOL

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    sont pas atteintes, il est indiqu de commanderau pralable de loxygne supplmentaire utili-ser pendant le vol. Il faut absolument veiller cequaucune bouteille dO2 prive ne soit utilise bord, car elles sont interdites au titre de mar-chandises dangereuses. Seules les bouteilles dO2mises disposition par les compagnies ariennes,spcialement conues pour laviation, sont auto-rises. Elles laissent passer un flux de 4 litres dO2 par minute, rtablissant la concentration du niveau de la mer hauteur de croisire. Mais siun patient ncessite dj plus de 3 litres dO2 parminute au sol par exemple, il faut compter sur lefait quune hypoxmie puisse survenir laltitudede croisire, malgr lemploi de loxygne sup-plmentaire: en effet les 4 litres au maximum dO2par minute que fournissent ces bouteilles ne suf-fisent pas compenser la chute de la pO2 due laltitude. Si lors de ladministration dO2, la pCO2augmente dans le sens dune rtention de CO2 d-passant 5 mm Hg, alors le vol est contre-indiqu.Il faut insister sur le fait que lO2 prsent danschaque avion est rserv des situations dur-gence imprvues pour des raisons de techniquedaviation (chute de pression) et donc nest pasdestin entrer dans le calcul des besoins en O2dun patient.En raison de la loi de Boyle-Mariotte, un pneu-mothorax non drain signifie une interdiction absolue de vol. Aprs un drainage de pneumo-

    Les stimulateurs cardiaques et les dfibrillateurscardiaques implantables (DCI) ne reprsententpas une contre-indication pour le vol, ni ne consti-tuent un risque de dysfonction plus lev. Les patients devraient toutefois prendre garde depasser rapidement les dtecteurs dobjets mtal-liques du contrle de scurit, et porter sur euxun certificat adquat. Si un contrle avec un d-tecteur main savre ncessaire, il est conseillde demander une fouille manuelle (tactile) oudaviser le contrleur de passer au-dessus du DCIen moins de deux secondes, et si possible seule-ment une fois. Si le bon fonctionnement du sti-mulateur cardiaque est rgulirement contrl, ilnest pas ncessaire de procder lexamen deroutine avant le voyage en avion. Les cardiopathies avec shunt, avec ou sans syn-drome dEisenmenger, ne sont pas une contre- indication pour le voyage en avion [6].

    Maladies pulmonaires et anmie Les troubles respiratoires forment la cause den-viron 10% des urgences dans les avions de ligne.Les conditions ncessaires un vol sans pro-blmes pulmonaires sont: une pO2 artrielle daumoins 70 mm Hg (9,3 kPa), resp. une saturationen O2 dau moins 85% au repos. De plus la capa-cit vitale (CV) doit obligatoirement comporter aumoins 3 litres et la capacit force dune seconde(FEV1) au moins 70%. Au cas o ces limites ne

    Tableau 1. Suite.

    Opration resp. pathologie Dlai dattente minimal avant le vol Remarques

    Angiologie thrombose

    trombose aigu des veines profondes des jambes PAS DE VOL

    thrombose des veines des jambes aprs dbut 2 semainesdu traitement anticoagulant

    AOMI

    stade I (pas de problmes) pas de restrictions

    stade IIa (dplacement sans douleurs >200 m) en gnral apte au vol

    stade IIb (dplacement sans douleurs

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    Avant de dcider si un patient peut voyager sonbord, la compagnie daviation ou lorganisateurdu voyage demanderont en rgle gnrale deremplir le formulaire MEDIF ou INCAD. Une foisrempli, le service mdical de la compagnie davia-tion sen sert pour dcider si celle-ci assume letransport et pour engager les dispositions nces-saires. Ces formulaires sont tlchargeables soushttp://www.swiss.com, la rubrique services/services spciaux/sant/certificats mdicaux.

    Possibilits dassistance offertes par les postes de secours

    Dans les grands aroports essentiellement, ilexiste un service nomm assistance auquel onpeut faire appel lavance. Ce service comprendlaide lors de lenregistrement, le transport enchaise roulante dans lenceinte de laroport,des possibilits dalitement lors descales, etc.Dans tous ces cas, la question se pose si le pa-tient est capable de se dplacer de sa chaise auxtoilettes et comment il peut le faire. Certainescompagnies daviation mettent une chaise rou-lante de bord spciale disposition du passager.Au cas o le patient a besoin doxygne suppl-mentaire, il faut galement le commander lavance (voir plus haut). Si les patients ont besoin dune assistance mdicale durant levoyage, ils peuvent bnficier de laccompagne-ment dune personne soignante ou dun mde-cin, selon la gravit de leur maladie. Il est re-command de faire appel un professionnelayant reu une formation spcialise, et connais- sant les donnes spcifiques aux conditions envol: il emportera les appareils mdicaux appro-pris et saura les utiliser. Si, pour des raisonsmdicales, les patients doivent voyager en posi-tion semi-couche, ils ont la possibilit, lors desvols longue distance, de pouvoir bnficier surordonnance mdicale dune promotion enclasse business ou en premire classe. Ces sigesspciaux et confortables nexistent pas dans lesvols intra-europens. Si lon opte pour cette so-lution, il faut sassurer que le patient puisse treassis en position verticale lors de lenvol et delatterrissage ainsi que lors de turbulences. Si telnest pas le cas, certaines compagnies offrent lapossibilit de fixer une civire stretcher permet-tant un transport entirement couch. Ces pa-tients-l doivent obligatoirement tre accom -pagns par un personnel soignant. Lutilisationdappareils mdicaux pendant le vol, comme parexemple les appareils dinhalation, doit tre dis-cute au pralable avec la compagnie daviation.Les avions ne comportent pas toujours de priselectrique 230 V. La compagnie se rserve ga-lement le droit dinterdire lemploi dappareilspour des raisons de scurit, car on ne peut pasexclure quils ninterfrent avec llectroniquesensible de lavion.

    thorax russi (poumon la paroi thoracique lexamen radiologique), il est recommand derespecter un dlai dattente de six semaines si levol seffectue sans accompagnement mdical.Avec accompagnement mdical, il est possibledassumer un vol aprs deux semaines, aprsavoir effectu lentranement appropri, et ac-compagn de lquipement ncessaire.Dans les cas danmie, le taux dhmoglobine nedevrait pas tre infrieur 85 g/l. En dessous decette valeur, la capacit de transport dO2 est si limite quil faut sattendre une tachydyspneet ventuellement des troubles pectangineux laltitude de croisire. Au cas o le vol ne peut pastre vit, il faut procder pralablement unetransfusion dEC.

    Le patient malade veut voyager par avion

    Dans certains cas, notamment chez les patientsgravement malades ou accidents, il faut gale-ment se poser la question de laptitude auvoyage en avion. Les raisons de voyager enavion sont alors diverses mais, dans la plupartdes cas, il sagit dune maladie aigu contractependant un sjour ltranger, de laggravationsvre dune maladie dj prsente auparavantou dun accident dont la gravit dpasse la ba-gatelle.

    Clarifications et partenaires de discussion Il est vivement conseiller, dans ces cas, deconvenir au pralable des possibilits et des li-mites existantes avec la compagnie daviation.Toutes les grandes compagnies daviation dispo-sent dun service mdical appropri (tab. 2 p).Les entreprises de sauvetage arien, comme laGarde arienne suisse de sauvetage REGA, sontconfrontes quotidiennement avec les questionsdaptitude au vol. Cette activit de consultation tlphonique avant et pendant le sjour ltran-ger a pris une grande ampleur ces dernires annes: en 2006, 969 transports mdicaux et1704 consultations dordre mdical ont t oc-troys.

    Tableau 2. Partenaires pour la discussion pralable un vol mdicalis.

    Organisation Horaires douverture Numros de tlphone

    Swiss International Airways Aux heures douverture +41 43 812 68 33service mdical des bureaux

    Lufthansa 24 h/24 +49 561 99 33 70 20medical desk

    British Airways 24 h/24 +44 20 8738 5444PMCU

    Air France 0819 h +31 1 43 17 22 2Service mdical

    Garde arienne suisse de sauvetage 24 h/24 +41 333 333 333REGA

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    transporter simultanment et en toute qualitprofessionnelle jusqu quatre patients alits oudeux patients en soins intensifs. En gnral, il offregalement des places pour un nombre limit deproches des patients. La grande porte de cet ap-pareil, dune longueur de 6500 km, permet deplanifier un vol du Japon la Suisse avec uneseule escale. La possibilit deffectuer des trans-ports multiples ou combins a rencontr ces der-nires annes un bon succs, la fois oprationnelet conomique.Lors des transports en station intensive volantede patients malades, il sagit toujours de res-pecter les 5 P de la mdecine intensive et de lamdecine des urgences: proper preparation pre-vents poor performance. Il faut encore une foisattirer lattention sur la qualit de la prparationet de la prise en charge par le mdecin gnra-liste avant le voyage en avion, ainsi que sur laprise de contact si ncessaire avec les postes din-formation (tab. 2).

    RemerciementsNous remercions cordialement le Prof. Ludwig T.Heuss pour ses remarques constructives ainsique pour ses corrections.

    Ultima ratio: lavion ambulance station volante de soins intensifs

    Si ltat du patient est si grave quil ne supportepas le transport en avion de ligne ou en chartermalgr toutes les dispositions numres plushaut, il subsiste la possibilit davoir recours lavion ambulance. Ce dernier prsente de mul-tiples avantages. Le vol est indpendant des plansde vol et des voies ariennes des compagniesdaviation. Il possde de plus un quipement m-dical complet; il peut en toute scurit mener bon port des patients de soins intensifs. Il estquip dappareils respiratoires, de dispositifs desurveillance invasifs et non invasifs, dun dfi-brillateur, de stimulateurs cardiaques externes,de pompes dinjection, doxygne en grandesquantits que lon peut dispenser dans des fluxallant jusqu 10 litres/minute, ainsi que de per-sonnel spcialement form. Il permet, en cas dindication spciale, deffectuer des vols sousconditions normales de pression de gaz au sol(sea level flight), en dfi aux lois des gaz vo-ques plus haut. En Suisse, ce service est offertentre autres par la REGA. La REGA exploite unavion Business de type Challenger CL604 entire- ment transform cet effet. Il est capable de

    Rfrences1 Muhm JM, Rock PB, McMullin DL, et al. Effect of aircraft-ca-

    bin altitude on passenger discomfort. N Engl J Med. 2007;357:1827.

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    7 Seccombe LM, Peteres MJ. Oxygen supplementation forchronic obstructive pulmonary disease patients during airtravel. Curr Opin Pulm Med. 2006;12:1404.

    Correspondance:Dr Daniel FranzenMedizinische Intensivstation D-Hr, Universittsspital ZrichCH-8091 [email protected]

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