7
communiqué de presse Studiolo revue d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis 2013 10

2013 10 Studiolo - villamedici.it · perspective fondatrice de la revue. ... ainsi l’écho de cette singulière alchimie propre à la Villa Médicis, où création contemporaine

  • Upload
    vudat

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

communiqué de presse

Studiolo

revue d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis

2013 10

Studiolo 10 – 2013

dossier L’Annonciation. Hommage à Daniel Arasse

Studiolo 10 – 2013 rend hommage à Daniel Arasse, à un double titre : il consacre son dossier àune problématique qui lui était chère, l’Annonciation, et publie à cette occasion la communicationinédite qu’il prononça en 1986 à Florence, lors du colloque «L’Annunciazione in Toscana nelRinascimento» organisé à l’Institut français de Florence en collaboration avec The HarvardUniversity Center for Italian Renaissance Studies de la Villa I Tatti.

Espace ouvert aux recherches les plus actuelles qui occupent l’histoire de l’art, Studioloprivilégie les travaux consacrés aux échanges, aux transferts, aux jeux d’influences qui se sontproduits dans le domaine des arts entre l’Italie et les autres nations, la France en premier lieu, de la Renaissance à nos jours. La publication de textes en quatre langues (français, italien,anglais et allemand) et le choix des auteurs, venus de tous les horizons – chercheurs,universitaires, professeurs des écoles d’art, conservateurs, critiques d’art, commissairesindépendants – reflètent une forte volonté de croiser les approches et les méthodes.

Chaque livraison, annuelle, comporte un dossier, des varia, une rubrique débats et desinformations. Le dossier thématique renouvelle chaque année les problématiques chères à larédaction. La section varia permet de publier des recherches de tous types en rapport avec laperspective fondatrice de la revue. Les débats proposent des chroniques sur l’actualité de larecherche en histoire de l’art – expositions, colloques, séminaires, bases de données, ouvrages,articles. Dans sa rubrique informations, Studiolo fait un état des lieux de la recherche franco-italienne en histoire de l’art et plus particulièrement de celle conduite à l’Académie de France.Les chantiers de restauration menés à la Villa Médicis y sont régulièrement présentés et analysésdans le cadre de cas d’études proposant, en corollaire, une réflexion autour des méthodologiesde gestion du patrimoine et de muséographie.

Ce volume inaugure une nouvelle rubrique, champ libre, qui donne la parole et ouvre ses pages, pour la première fois dans Studiolo, aux pensionnaires artistes de l’Académie deFrance à Rome – Villa Médicis. Dans chaque numéro, ils seront invités à proposer leur propreinterprétation du dossier thématique. Cette année, sept d’entre eux, pensionnaires plasticiens,cinéastes, écrivain ou designer, ont choisi de publier des travaux en cours ou des œuvresinédites ou non sur le thème de l’Annonciation et en hommage à Daniel Arasse. Studiolo se faitainsi l’écho de cette singulière alchimie propre à la Villa Médicis, où création contemporaine ethistoire de l’art se nourrissent l’une l’autre.

directeur de la publication : Éric de Chasseyrédacteur en chef : Annick Lemoinesecrétariat de rédaction : Marie Caillatconception graphique: Francesco Armitti

achevé d’imprimer : novembre 2013ISBN: 978-2-7572-0479-5328 pages / 195 illustrations29 euros

diffusion:Somogy éditions d’artwww.somogy.net

distribution en Italie :Libreria già Nardecchiavia P. Revoltella, 105/107 – 00152 [email protected] ;

en vente sur place :Académie de France à Rome – Villa Médicisviale Trinità dei Monti, 1 – 00187 Romeinformations : www.villamedici.it

Éric de Chassey, Irene BaldrigaÉditorial. L’enseignement de l’histoire de l’art en France et en Italie

dossier L’Annonciation. Hommage à Daniel Arasse

Georges Didi-HubermanIntroduction. L’Annonce faite à l’histoire

«L’Annunciazione in Toscana nel Rinascimento»,colloque organisé par la Villa I Tatti (The HarvardUniversity Center for Italian Renaissance Studies)et l’Institut français, Florence, 29-31 octobre 1986

Sara LongoL’Annonciation en Toscane, enjeuxméthodologiques et historiographiques.Autour du colloque florentin de 1986Daniel ArasseLa perspective de l’Annonciation

Cyril GerbronLes Annonciations de Fra Angelico, Pollaiuolo,Piero della Francesca et Robert Campin:questions d’ornementalité et de couleur

Sara LongoL’intervalle sacré

Valentina Frascarolo, Emanuele PellegriniL’ombra di Tiziano: l’Annunciazioneche visse più volte

Giovanna Perini FolesaniLe Annunciazioni di Ludovico in prospettiva.Riflessioni in margine al ricercare del Carraccimaggiore

Christine GouziL’Annonciation dans l’espace ecclésial parisien au XVIIIe siècle : liturgie française et modèle italien

Gabrielle de Lassus Saint-GenièsLa «religion de la beauté». Regards surl’Annonciation en Angleterre au siècle de Victoria

Blandine ChavanneRegarder au-delà d’un titre (Alberto Magnelli,Deux femmes debout, 1917)

Erik VerhagenRendre l’inexplicable accessible. Les Annonciations d’après Titiende Gerhard Richter (1973)

dossier / champ libreL’Annonciation vue par les pensionnaires del’Académie de France à RomeEmmanuel Van der Meulen / Manon Recordon /Clément Cogitore / Caroline Duchatelet – YannickHaenel – Neville Rowley / Olivier Vadrot

variaJoana Barreto

Une peinture de Pisanello à Naples? Hypothèse pour la Vierge à l’Enfant avec saint Antoine et saint Georges

Éric PaglianoDessin de liaison – dessin de survivance. Deuxformules de disposition intergénétique graphique

Claudia CaramannaLa precoce diffusione delle opere dei Bassano in Francia

Barbara FurlottiFrom Paolo Giordano II Orsini to Cardinal GiulioMazarino: the Journey from Rome to France of aPainting by Jacopo Bassano

Nicholas Alfrey, Richard Wrigley Guillaume Guillon Lethière’s Homer Singing the Iliad Outside the Gates of Athens (1814): A French Neoclassical History Painting’s Journeyfrom Rome to Nottingham

débatsFrancesca Fiorani

Reflections on Leonardo da Vinci Exhibitions in London and Paris

Liliana BarroeroIl paradigma Pécheux nel Settecento romano

informationsL’histoire de l’art à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, 2012

patrimoineLes chantiers de restauration à la Villa Médicis,2012

Maria Gabriella De Monte, Alessandra Gariazzo

Nuova luce sulla statua colossale della Dea Romaa Villa Medici

Antonella Fenech Kroke, Michel HochmannUn dessin sur panneau de Jacopo Zucchi à la Villa Médicis

pensionnaires historiens de l’art, historiens des arts et restaurateurs / bourses Daniel Arasse et André Chastel / colloques, journées d’étude,séminaires de recherche et dialogues d’artcontemporain / publications

Pour Erwin Panofsky, l’Annonciation peinte parAmbrogio Lorenzetti en 1344 et conservée aujourd’huià la Pinacothèque nationale de Sienne [fig. 1] est « le pre-mier exemple d’un système de coordonnées qui […]rend l’espace systématiquemoderne matériellement visi-ble». Cette affirmation de jeunesse est lourde de consé-quences. Il n’est pas question de les analyser ici1. Ce sontplutôt certaines de ses implications qui vont retenir l’attention.

Pour le dire d’un mot, ce n’est sans doute pas unhasard si c’est avec une Annonciation qu’AmbrogioLorenzetti aurait fait ce «grand pas en avant »2 : le sujetde la peinture – l’Annonciation – et l’instrument du pein-tre – la perspective – entraient en effet singulièrementen résonance. Faite de mesures et de coordonnées, laperspective artificielle traite de circonscriptions, defigures et de lieux3 ; dans son mystère chrétien, l’Annon -ciation est cette rencontre qui prépare le moment où« l’immensité vient dans la mesure […], l’infigurabledans la figure, l’incirconscriptible dans le lieu, l’invisibledans la vision […], la longueur dans la brièveté, la largeurdans l’étroitesse, la hauteur dans la bassesse4». L’opé -ration que décrit ici le prédicateur franciscain « ressem-ble» au travail du peintre, pour lequel la constructionen perspective de l’image doit faire entrer l’objet de lavision, le représenté, dans la mesure, la figure, le lieu etdont l’ouvrage consiste à rendre «bref le long, étroit lelarge, bas le haut».

Mieux : perspective et Annonciation entrent enrésonance car, pour l’une comme pour l’autre, une partde la représentation échappe au représentable ; de mêmeque Dieu, cet infigurable venu dans l’humaine figure,demeure transcendant à cette dernière, irréductible àune quelconque exhaustivité de sa représentation, demême la perspective fonde sa souveraineté sur la non-visibilité d’une part du représenté, celle qui, n’étant pasvisible, rend la visibilité possible, ne serait-ce que ce

revers que la perspective, fenêtre ouverte et miroir dumonde, cache pour en représenter l’objet.

Ainsi, en son cœur théologico-pictural5, l’Annon -ciation exige du peintre maître en perspective une pein-ture susceptible de faire percevoir, dans la représenta-tion, la présence d’un irreprésentable, d’un irréductibleà la règle (perspective) de sa représentation.

On ne doit pas s’en étonner : l’Annonciation inau-gurale d’Ambrogio Lorenzetti formule cette exigencedès l’origine, en jouant des possibilités qu’offre la surfacepeinte pour nier l’effet de profondeur que suscite la pers-pective, ainsi que les conséquences qu’elle implique. Etil n’est pas surprenant de voir cette «présence de l’in-figurable» s’articuler autour du geste de l’ange et de sondiscours lisible.

Gravé en lettres d’or sur le fond d’or, le texte dela salutation angélique n’est pas des plus courants ; degauche à droite, la formule fait lire : «NON EST IMPOS-SIBLE APUD DEUM OMNE VERBUM». C’est la troisièmesalutation de Gabriel, celle à laquelle répondra finale-ment l’acceptation de Marie, « ECCE ANCILLA DOMINI»,comme il se lit de son côté, de gauche à droite et enoblique, posant le chemin par lequel peut descendrel’Esprit-Saint. À la différence de tant d’autres Annon -ciations6, Ambrogio a choisi un moment précis du dia-logue et sa version du sujet le situe dans un développe-ment temporel, proprement narratif, de l’événement.De manière aussi précise qu’allusive, il annonce le rap-port qui ne cessera de se définir entre perspective arti-ficielle et conception historique de la storiapeinte7. Maiscette conjonction est doublement nuancée, corrigée : parle geste de Gabriel et par l’insertion du pavement dansl’ensemble de la surface et de son « fond d’or».

À première vue, le pouce pointé de Gabriel estsurprenant. Ambrogio ne l’a pourtant pas inventé ; sonfrère Pietro l’utilise à plusieurs reprises et il l’attribueen particulier à saint Jean Baptiste8. L’association de ce

1 Ambrogio Lorenzetti, Annonciation, 1344,Sienne, Pinacoteca Nazionale. Daniel Arasse

La perspective de l’Annonciation

16

13 Sandro Botticelli, Annonciation, v. 1490,New York, The Hyde Collection ArtMuseum.

14 Sandro Botticelli, Annonciation, 1481,Florence, Galleria degli Uffizi.

15 Sandro Botticelli, Annonciation, v. 1490, New York, The Metropolitan Museum ofArt, Robert Lehman Collection.

16 Sandro Botticelli, Annonciation, v. 1500,Glasgow, Kelvingrove Art Gallery and Museum.

17 Cosimo Rosselli, Annonciation, (?), Gazzada, Villa Cagnola.

18 Filippo Lippi, Annonciation, v. 1435-1440,Washington, National Gallery of Art.

19a-b Filippino Lippi, Annonciation, 1483-1484,San Gimignano, Museo Comunale.

13 14

15 17

19 a-b

18

Antonella Fenech Kroke, Michel Hochmann

1 a-b

4

patrimoineUn dessin sur panneau de Jacopo Zucchi à la Villa Médicis

1 a-b Jacopo Zucchi, Esquisse d’une figure féminine, panneau (a), détail (b), Académie de France à Rome – Villa Médicis.

2 Vue générale du plafond de la chambre des Muses.

3 Vue générale du plafond de la chambre des Muses sans les toiles.

4 Jacopo Zucchi, Uranie-Sphère étoilée et Calliope-Primum mobile, huile sur toile, Académie de France à Rome – Villa Médicis.

Studiolo 10 / informations / patrimoine / 301

Il y a presque vingt ans, un objet inhabituel et re-marquable est venu enrichir les collections de la VillaMédicis à Rome. Il s’agit d’un panneau en bois carré surlequel ont été ébauchés au fusain les contours d’une fi-gure féminine assise [fig.1 a-b] ; lors de sa première pu-blication en 1995, ce dessin a été attribué à JacopoZucchi1. Exposé depuis quelque temps dans la chambredes Muses au premier étage de la Villa, le panneau a ré-cemment fait l’objet d’un article se proposant d’en faireune «étude morphologique» et «une analyse géné-tique2». Malheureusement, la singularité de cette œuvreet la volonté de s’intéresser exclusivement à ses carac-téristiques matérielles et formelles ont entraîné unesérie de malentendus portant sur sa nature et sa fonc-tion, et un certain nombre d’inexactitudes concernantson attribution et sa datation3.

Il nous paraît aujourd’hui utile de rappeler dansquelles conditions ce dessin a été découvert et d’appor-ter quelques précisions quant à ses caractéristiques età son rôle dans le dispositif de la chambre des Muses ;nous voulons enfin donner les raisons matérielles etstylistiques qui nous conduisent à confirmer son attri-bution à Jacopo Zucchi.

Originaire de Florence, l’artiste est l’un des élèvesles plus prometteurs et les plus proches de GiorgioVasari et, à partir de 1572, il s’installe à Rome au servicede Ferdinand de Médicis. Il peint alors le décor de la pre-mière résidence romaine du jeune cardinal, le PalazzoFirenze. Mais c’est surtout entre 1575 et le début des an-nées 1580 qu’il conçoit puis exécute, toujours pourFerdinand, de nombreux petits tableaux de sujet pro-fane («cabinet paintings»)4 ainsi que la décoration àfresque du Stanzino dell’Aurora et de la Stanza degliUccelli, deux pavillons situés à la limite septentrionaledes jardins de la Villa Médicis que Ferdinand avait ra-chetée au cardinal Ricci da Montepulciano5. Plus tard,vraisemblablement entre 1584 et 1586, Zucchi s’attacheà la décoration de l’étage noble de la Villa, situé au-des-sus de la loggia, et exécute les peintures des plafondsà caissons et les frises à fresques de la chambre desÉléments, de la chambre des Amours et de la chambredes Muses.

Sans vouloir revenir sur le programme iconogra-phique complexe de l’appartement de Ferdinand6, il suf-fit ici de rappeler que Jacopo Zucchi, avec le conseil del’humaniste Pietro Angeli da Barga, conçut un cycle auxinflexions astrologiques et cosmologiques qui, dans lachambre des Muses, se doublait d’une fonction « talis-manique». En effet, dans cette pièce, les muses dessphères planétaires figurées au plafond constituent unesorte de « talisman» politique, dont la fonction propi-tiatoire doit être mise en relation avec l’épineuse ques-tion de la succession au trône du grand-duché deToscane, à laquelle aspirait précisément le jeune cardi-nal Ferdinand aux dépens de son frère7.

La structure et les peintures du plafond à cais-sons de cette salle, qui était la chambre à coucher ducardinal, ont fait l’objet en 1993 d’une importante inter-

vention de restauration visant à la consolidation et aunettoyage des caissons en bois doré et des toiles qui ysont enchâssées, une intervention dont les résultats ontété publiés en 1995, immédiatement après l’achèvementdes travaux8.

Pour permettre aux restaurateurs de procéderaux diverses opérations de nettoyage et aux autres trai-tements de conservation, les toiles des Muses avaientalors été retirées de leurs emplacements originels ausein de la structure en bois dorée du plafond. C’est pré-cisément au cours de cette opération9 que le panneaudessiné a été redécouvert [fig.1 a-b], encastré à l’intérieurd’un caisson, derrière la toile de Melpomène-Soleil etThalie-Lune10 [fig.2]. Les observations effectuées à cetteoccasion ont montré que cette peinture n’avait jamaisété rentoilée et qu’elle était encore fixée à son châssisd’origine. Quatre clous anciens en fer la rivaient au pla-fond. On peut donc imaginer que la toile n’avait jamaisété désolidarisée du panneau en question. Il s’agit del’un des sept panneaux en bois brut – généralement in-visibles en raison de la présence des toiles – composantla structure originale du plafond [fig. 3] et servant detoute évidence de protection aux représentationspeintes des Muses.

La découverte du panneau dessiné avait été unevéritable surprise, car aucun des documents rédigés aucours des deux premières campagnes de restaurationde cette salle – qui ont eu lieu respectivement en 1804et en 194811 – ne fait état de la présence de cette es-quisse. Il est vrai, cependant, que ces documents sontextrêmement succincts.

Attribuée à Jacopo Zucchi dès sa découverte,cette esquisse a été réalisée, selon toute vraisemblance,au cours des années 1584-1586, période pendant la-quelle l’artiste a peint les toiles des Muses et, en parti-culier, celle où est représentée Calliope [fig. 4], que lafigure dessinée du panneau évoque de manière évi-dente. Or cette attribution et cette datation ont été misesen cause, sur la base d’une série d’arguments dont lapertinence est parfois contestable. Le premier a trait auxcaractéristiques physiques du panneau – à la nature desmatériaux employés et à leur mise en œuvre.

Dans les salles de l’appartement du cardinal,Jacopo Zucchi a eu recours à une typologie de plafondà caissons répandu surtout à Venise, mais inhabituel àRome à cette époque – si l’on exclut le décor pour le pla-fond de Diane que le même Zucchi avait réalisé justeaprès 1575 dans l’autre résidence romaine deFerdinand, le Palazzo Firenze du Champ de Mars12. C’esten travaillant au service de Giorgio Vasari aux décora-tions de la salle des Cinq Cents et des appartements13

du Palazzo Vecchio à Florence que Jacopo avait eu l’oc-casion de se mesurer à ce genre de plafond que Vasariavait introduit en Toscane à la suite de son premier sé-jour vénitien de 1541-154214. Si, au Palazzo Vecchio, lespeintures mythologiques, historiques et allégoriquesdécorant les plafonds à caissons sont toujours exécu-tées sur bois, dans les chambres de la Villa Médicis à

2-3

1

2

3

4

3

patrimoineLes chantiers de restauration à la Villa Médicis, 2012

Piazzale

Carrés

viale Trinità dei Monti

1 Restauration des tirages de la Colonne Trajane, Gypsothèque [octobre 2011-mars 2012]

allée des Orangers

Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre sur l’ensemble de ces opérations

Académie de France à Rome – Villa Médicis, propriétaire

Éric de Chassey, maître d’ouvrage directeur de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis

Annick Lemoine,chargée de mission pour l’histoire de l’art

Françoise Laurent, assistante à la maîtrise d’ouvragearchitecte responsable du service des travaux

Ministère de la Culture et la Communication,Direction Générale des Patrimoines

Colette Di Matteo, inspecteur général des Monuments historiques

Didier Repellin, maître d’œuvrearchitecte en chef des Monuments historiques

Philippe Votruba, vérificateur des Monuments historiques

2 Restauration de la Dea Roma [septembre 2011-mai 2012]

4 Restauration des décors peints, chambre de la Genèse[juillet 2012-octobre 2012]

3 Restauration des frises de l’appartement du Cardinal, chambres des Éléments et des Muses [octobre 2010-mars 2012]

Emmanuel Van der Meulenpensionnaire plasticien2012-2013

Manon Recordonpensionnaire plasticienne 2012-2013

Clément Cogitorepensionnaire cinéaste2012-2013

Olivier Vadrotpensionnaire scénographe 2012-2013

dossier / champ libreL’Annonciation vue par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome

Caroline Duchateletpensionnaire plasticienne 2008-2009

Yannick Haenelpensionnaire écrivain2008-2009

Neville Rowleypensionnaire historien de l’art2007-2008

Le jour ditFra Angelico à Florence, au matin de l’AnnonciationTout part d’un postulat : le 25 mars, jour

de l’Annonciation comme de la nouvelle annéedans le calendrier médiéval florentin, il doit sepasser quelque chose devant la fresque del’Annonciation peinte par Fra Angelico en haut de l’escalier qui mène à l’étage du couvent deSan Marco. Ce quelque chose a été saisi, en 2013, par trois anciens pensionnaires de laVilla Médicis – la vidéaste Caroline Duchatelet,l’écrivain Yannick Haenel et l’historien de l’artNeville Rowley. Mais que s’est-il vraiment passé?Était-ce ce rayon de soleil apparaissant soudainement sur l’ange, comme s’il voulait ensouligner le message divin? Ou bien, avant cela, la bouleversante quotidienneté d’une imageémergeant lentement de l’obscurité? Peut-êtretout simplement le fait de se retrouver là, àFlorence, cloîtrés devant une fresque d’autantplus lumineuse qu’elle était privée, pour une fois,d’éclairage artificiel. L’objectif de cette intervention mêlant parole libre et écrite, imagefixe et film, se confond somme toute avec la doctrine de l’ordre dominicain, celui de Fra Angelico : «contemplata aliis tradere», c’est-à-dire «annoncer ce que nous avonscontemplé». [NR]

Ce projet a bénéficié du soutien du Centre national des arts plastiques.

La lumière réelleIl y a quelques années, un après-midi

sombre et pluvieux, tandis que je contemplaisl’Annonciation que Fra Angelico a peinte sur le mur du corridor du couvent San Marco, àFlorence, il y a eu une panne d’électricité : la lumière du couvent s’est éteinte. L’Annonciationm’est apparue sous un jour nouveau : le mur ad’abord plongé dans le gris, puis ses couleurs sesont épanouies doucement, en se repliant surelles-mêmes. Une lumière a monté depuis lefond, révélant peu à peu la matière qui la porte :une lumière naturelle, diffuse, fragile, qui émanaitde la peinture, comme si la fresque l’avaitabsorbée au fil du temps, et qu’elle la libérait.Étrangement, on la voyait mieux. On assistait àune émotion, celle qui appartient à la peintureelle-même. On entendait cette émotion.L’électricité est revenue, la lumière artificielle aeffacé l’éclat de l’Annonciation. Pendantlongtemps, je n’y ai plus pensé.

Et puis un ami historien de l’art, NevilleRowley, rencontré à la Villa Médicis où nousétions pensionnaires en 2008, a publié un livresur Fra Angelico. Il y rappelle que l’événement del’Annonciation a lieu à l’aube, et remarque que,contrairement à d’autres annonciations, celle ducorridor de San Marco ne représente pas le rayondivin qui touche la Vierge. Son hypothèse, c’estque le rayon n’avait pas besoin d’être peint : la disposition de la fresque dans le couvent renden effet possible l’arrivée sur elle de la lumière, le soleil provenant de la gauche par une fenêtrequi existait déjà à l’époque de Fra Angelico.

Depuis, je me suis installé à Florence, et je suis retourné souvent au couvent San Marcorevoir l’Annonciation. À chaque fois, j’étais frappépar ses proportions calmes, ses couleurs deflamme douce, sa courbure de recueillement.Mon corps n’en finissait pas de rencontrer saforme, de lier amitié avec sa lumière ; il m’arrivaitmême d’approcher furtivement sa sérénité. Mais quelque chose manquait — une chose quin’arrivait pas, qui demeurait suspendue, commesi la révélation dont cette fresque est le récit muetse réservait. Je crois que j’attendais de voirl’Annonciation comme elle s’était ouverte cetaprès-midi de pluie — c’est-à-dire sans lumière.

Avec la plasticienne Caroline Duchatelet,rencontrée elle aussi à la Villa Médicis, qui filmedes aubes — qui, par son art, a rendu son regardsensible à ces couleurs vides qui surgissent au coeur du silence —, nous avons eu l’idée d’assister tous les trois, un matin, à l’arrivée de la lumière sur la fresque de Fra Angelico, et d’y aller le 25 mars, jour de l’Annonciation.

Neville Rowley a obtenu les autorisationsauprès du musée, et à l’aube du 25 mars 2013,bien avant que n’arrivent les visiteurs, nous noussommes postés, avec des caméras, des appareils-photo, des cahiers, face à l’Annonciation, sur les marches de l’escalier qui mène au corridor. Il faisait noir dans l’escalier, la fresque semblaitlointaine, pâle, voilée.

Tous ceux qui regardent des œuvres d’artsont habitués, qu’ils le sachent ou non, à les voirà travers la lumière artificielle des musées. Cettelumière nous conditionne, elle aveugle lescouleurs et leurs intensités. Or le visible n’est pas nécessairement ce qu’on voit, mais unedimension de ce que la lumière recueille. Cettedimension, il faudrait un œil nu pour la sentir.

L’aube est sans doute le moment où unetelle expérience est possible. Elle fait surgir lalumière dans sa vibration native ; et dans le casde l’Annonciation, réalise in situ ce que la fresquereprésente, c’est-à-dire l’arrivée d’une lumièreque l’ange destine à la Vierge, lumière qui est une parole (celle de Dieu) : lumière qui transporteavec elle l’annonce et qui l’accomplit (celas’appelle l’Incarnation).

Ce matin-là, j’ai transcrit sur un cahier ce que je voyais. Voici quelques extraits de cesnotes ; elles constituent une sorte de protocoleinstantané de l’expérience que nous avons menéeCaroline Duchatelet, Neville Rowley et moi(sachant, bien sûr, qu’il n’existe pas de visioncommune ; et que personne, regardant unefresque, ne voit la même chose).

Il y a l’ombre, elle semble là d’abord, et puis la clarté

sort d’elle. On dirait que l’ombreprotège — abrite — la lumière

(Souvenir d’une phrase deHeidegger : «L’ombre est le témoignage aussi patentqu’impénétrable du radieux en son retrait. »)

D’un coup, ça s’enflamme: l’ange est traversé par un rayon delumière d’une telle intensité jaune vifqu’elle en efface la présence. L’angeest remplacé par le rayon qui frappela Vierge. On voit bien que la fresqueest composée en fonction de cettearrivée de lumière : elle l’attend. Cet éclair qui donne à l’Annonciation sa lumière est ainsi la figurationvivante de la présence divine.

Vers 7h20, l’intensité du rayon baisse, on perçoit denouveau l’ange, la lumière, plus douce,monte vers le visage de la Vierge. Ce sont des « respirations de lumière»,comme dit Caroline.

À 7h35, le rayon a atteint l’extrémité droitede la scène, la lumière a rejoint la Vierge,son visage, ses mains, son auréole, son tabouret. L’espace est maintenantentièrement éclairé. En un sens,l’Annonciation a eu lieu. [YH]

6h30, la partie gauche de la fresque, c’est-à-dire le jardin, sortlentement des ténèbres. La fresque vient ; elle semble se lever doucement depuis la lumière, comme si celle-ciexerçait une poussée dans l’air.

7 heures, la lumière baigne l’ange, elle imprègne ses ailes, puisson corps incliné vers la Vierge. Très vite,

à 7h10, ça monte, ça se diffuse en verticales : la lumière est souple,tendre, blonde, sa douceur s’étale à mesure que le rayongrandit vers la robe de la Vierge. On assiste àl’invention de la fresque— comme si la lumièrela peignait sous nosyeux (comme si lalumière qui l’habitel’auto-découvrait).