4
JE NE PRENDS PAS CE RISQUE JE ME TESTE ET JE M’INFORME www.fedecardio.com 400 MORTS/JOUR L es maladies cardiovas- culaires tuent une fem- me sur trois. Soit sept fois plus que le cancer du sein. Mais, alors que le cancer effraie, les maladies cardiovasculaires sont largement sous-estimées par les femmes elles-mêmes et même par les médecins. L’effet cardioprotecteur des œstrogènes observé jusqu’à la ménopause ne doit pas dissimu- ler l’augmentation ultérieure du risque. D’autant que les compor- tements féminins ont évolué. Il suffit d’évoquer la proportion croissante de fumeuses pour réali- ser que ce qui apparaissait aupara- vant comme l’apanage des hom- mes concerne de plus en plus la population féminine. Dans les années 1960, le taux de fumeurs était de 45 % chez les hommes et de 10 % chez les femmes. L’écart s’est largement comblé puisqu’à présent 33 % des hommes et 26 % des femmes fument. Résultat : le pourcentage de femmes de moins de 50 ans hospi- talisées pour un accident cardia- que a été multiplié par trois entre 1995 et 2010, selon les étu- des du professeur Nicolas Dan- chin pour la Société française de cardiologie. Les médecins, eux aussi, sous- estiment l’impact des maladies cardiovasculaires sur la mortalité féminine. Dans un sondage réali- sé en septembre par l’IFOP pour la Fédération française de cardiolo- gie, 54 % des médecins généralis- tes interrogés citaient les mala- dies cardiovasculaires comme la principale cause de mortalité, mais 35 % pensaient que le cancer du sein arrivait en tête. Le monde médical pratique – ne serait-ce qu’inconsciem- ment – une discrimination selon le sexe : toutes les ressources de la médecine offertes aux hommes ne sont pas proposées aux fem- mes. Ainsi, si 43 % des accidents cardiaques sont fatals pour les hommes, la proportion s’élève à 55 % pour les femmes. Prise de conscience Néanmoins, une prise de conscience s’opère. Les sociétés savantes de cardiologie réagis- sent. Lors du récent congrès euro- péen de cardiologie, qui s’est tenu en août à Paris, l’accent a été mis sur la nécessité de tirer la sonnet- te d’alarme devant les risques que les maladies cardiovasculaires font courir aux femmes. La Fondation Recherche car- diovasculaire et l’Institut de Fran- ce viennent de lancer un appel aux dons pour financer un pro- gramme de recherche sur « Le cœur des femmes ». Premier de ce type, il vise à allier recherche clini- que et recherche fondamentale, et dépistera des femmes à haut risque cardiovasculaire. Un groupe de 500 patientes de plus de 50 ans n’ayant aucun symptôme de maladie cardiovas- culaire, mais présentant au moins un facteur de risque (hypertension artérielle, hyper- cholestérolémie, tabagisme, dia- bète…), va être constitué. Il sera régulièrement suivi et aura un dosage de biomarqueurs. « La constitution d’une sérothè- que permettant une étude géno- mique et protéomique » est pré- vue. Ce travail devrait aboutir, selon ses concepteurs, à « la pre- mière banque de données clini- ques et biologiques permettant une évaluation du risque car- diovasculaire féminin ». Après cela, comment négliger le cœur des femmes ? p Paul Benkimoun Cardiologie Infarctus: les femmes aussi L’impact des maladies cardiovasculaires sur la mortalité féminine est largement sous-estimé, alors qu’elles tuent davantage que le cancer du sein ILLUSTRATIONS : JULIEN GRATALOUP Cahier du « Monde » N˚ 20773 daté Vendredi 4 novembre 2011 - Ne peut être vendu séparément

Cardiologie · 2014. 12. 29. · cardiologie,ilporteunregardsans concessionsurlesforcesetlesfai-blesses d’une recherche victime, selonlui,d’unmanquedemoyens, mais pas de chercheurs

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Cardiologie · 2014. 12. 29. · cardiologie,ilporteunregardsans concessionsurlesforcesetlesfai-blesses d’une recherche victime, selonlui,d’unmanquedemoyens, mais pas de chercheurs

JE NE PRENDS PAS CE RISQUEJE ME TESTE ET JE M’INFORMEwww.fedecardio.com

400MORTS/JOUR

Les maladies cardiovas-culaires tuent une fem-me sur trois. Soit septfois plus que le cancerdu sein. Mais, alors quele cancer effraie, les

maladies cardiovasculaires sontlargement sous-estimées par lesfemmes elles-mêmes et mêmepar les médecins.

L’effet cardioprotecteur desœstrogènes observé jusqu’à laménopause ne doit pas dissimu-ler l’augmentation ultérieure durisque. D’autant que les compor-tements féminins ont évolué. Ilsuffit d’évoquer la proportion

croissante de fumeuses pour réali-ser que ce qui apparaissait aupara-vant comme l’apanage des hom-mes concerne de plus en plus lapopulation féminine. Dans lesannées 1960, le taux de fumeursétait de 45 % chez les hommes etde 10 % chez les femmes. L’écarts’est largement comblé puisqu’àprésent 33 % des hommes et 26 %des femmes fument.

Résultat : le pourcentage defemmes de moins de 50 ans hospi-talisées pour un accident cardia-que a été multiplié par troisentre 1995 et 2010, selon les étu-des du professeur Nicolas Dan-

chin pour la Société française decardiologie.

Les médecins, eux aussi, sous-estiment l’impact des maladiescardiovasculaires sur la mortalitéféminine. Dans un sondage réali-sé en septembre par l’IFOP pour laFédération française de cardiolo-gie, 54 % des médecins généralis-tes interrogés citaient les mala-dies cardiovasculaires comme laprincipale cause de mortalité,mais 35 % pensaient que le cancerdu sein arrivait en tête.

Le monde médical pratique– ne serait-ce qu’inconsciem-ment – une discrimination selon

le sexe : toutes les ressources de lamédecine offertes aux hommesne sont pas proposées aux fem-mes. Ainsi, si 43 % des accidentscardiaques sont fatals pour leshommes, la proportion s’élève à55 % pour les femmes.

Prise de conscienceNéanmoins, une prise de

conscience s’opère. Les sociétéssavantes de cardiologie réagis-sent. Lors du récent congrès euro-péen de cardiologie, qui s’est tenuen août à Paris, l’accent a été missur la nécessité de tirer la sonnet-te d’alarme devant les risques que

les maladies cardiovasculairesfont courir aux femmes.

La Fondation Recherche car-diovasculaire et l’Institut de Fran-ce viennent de lancer un appelaux dons pour financer un pro-gramme de recherche sur « Lecœur des femmes ». Premier de cetype, il vise à allier recherche clini-que et recherche fondamentale,et dépistera des femmes à hautrisque cardiovasculaire.

Un groupe de 500 patientes deplus de 50 ans n’ayant aucunsymptôme de maladie cardiovas-culaire, mais présentant aumoins un facteur de risque

(hypertension artérielle, hyper-cholestérolémie, tabagisme, dia-bète…), va être constitué. Il serarégulièrement suivi et aura undosage de biomarqueurs.

« La constitution d’une sérothè-que permettant une étude géno-mique et protéomique » est pré-vue. Ce travail devrait aboutir,selon ses concepteurs, à « la pre-mière banque de données clini-ques et biologiques permettantune évaluation du risque car-diovasculaire féminin ». Aprèscela, comment négliger le cœurdes femmes ? p

Paul Benkimoun

Cardiologie

Infarctus:lesfemmesaussiL’impact desmaladies cardiovasculaires surla mortalité féminineestlargementsous-estimé, alors qu’ellestuent davantageque le cancer dusein

ILLUSTRATIONS : JULIEN GRATALOUP

Cahier du « Monde » N˚ 20773 daté Vendredi 4 novembre 2011 - Ne peut être vendu séparément

Page 2: Cardiologie · 2014. 12. 29. · cardiologie,ilporteunregardsans concessionsurlesforcesetlesfai-blesses d’une recherche victime, selonlui,d’unmanquedemoyens, mais pas de chercheurs

principaux facteursde risque des maladiescardiovasculairesDiabète, cholestérol, hypertension, tabagisme,alcool, sédentarité, obésité, antécédents familiaux,âge.La probabilité d’avoir un accident cardiovasculaire oucardiaque augmente nettement après 50 ans chezl’homme et après 60 ans chez la femme.

400morts par jour en FranceC’est le nombre de décès quotidien liés aux maladies cardiovasculaires,soit 147 000 par an.

30%des décès dans le mondeLes maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mor-talité dans le monde en 2008, selon l’Organisation mondiale de la santé(OMS). Le nombre de décès imputables aux maladies cardio-vasculai-res, était de 17,3 millions en 2008 et pourrait s’élever à 23,6 millions en2030.

9De plus en plus d’hypertendusparticipent activement aucontrôle de leur maladie enmesurant eux-mêmes leur ten-sion artérielle à domicile. EnFrance, où l’hypertension arté-rielle (HTA) concerne environ11millions d’individus; 36% deshypertendus traités et 12% dessujets non traités possèdent untensiomètre, selon une enquêtemenée en 2010. Recommandée

officiellement par les médecins,l’automesure permet de dépis-ter les fausses HTA (effet blouseblanche ou hypertension deconsultation), et à l’inverse l’H-TA masquée: tension normaleau cabinet médical, élevée enautomesure. Cette stratégie per-met aussi d’améliorer l’obser-vance thérapeutique, respectdes prescriptions au long cours.Voir Automesure.com

SOURCE:SFC,FFC

Femmes et cœur

PROPORTION DE FEMMES DE MOINS DE 50 ANSHOSPITALISÉES POUR RAISONS CARDIAQUES

LE CANCERTUE

PROPORTION DE DÉCÈS DUS À DES PATHOLOGIESCARDIOVASCULAIRES (accidents vasculairescérébraux, infarctus...)

LES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES TUENT

1995 2005 2010

Les maladiescardio-

vasculaires :

première causede décès chez

les femmes de plusde 60 ans

femmesur

10 % des causesde décès chezles femmesâgées de25 à 40 ans

3,7 %

31,7 %chez

les femmes

26,4 %chez

les hommes

11,2 %

1 25 femmesur1 3

11,6 %

Maladies cardiovasculaireset cancer,uneseule et même préventionAgir contre le tabagisme, l’alcoolisme, la malbouffe et la sédentarité permet de lutter contre les deux risques

Chezles cardiaques, l’activitéphysique doitêtre assortie d’un suivi médical

Cardiologie

100000infarctus du myocardepar an en France. Cette maladie est liée à l’obturation brutale d’une desartères coronaires qui irriguent le cœur.

150000accidents vasculaires cérébrauxIls constituent la première cause de handicap en France (hémiplégies,difficultés de langage…).

66000décès dus au tabacLe tabagisme est un facteur de risque majeur pour les maladies cardio-vasculaires.

Jusqu’en 2004, les maladiescardiovasculaires représen-taient la première cause demortalité en France. Maisdepuis, grâce aux progrèsréalisés dans le domaine thé-

rapeutique de la cardiologie,elles ont reculé à la deuxième pla-ce, selon les dernières donnéesde la très sérieuse revue épidé-miologique de l’Institut de veillesanitaire.

C’est désormais le cancer quioccupe la première marche de cepodium macabre et cela, bienqu’on enregistre une décroissan-ce globale du taux de mortalitéimputable à cette pathologie.Chez les femmes en revanche, lesmaladies du cœur et des vais-seaux restent la première causede décès et la mortalité par canceraugmente par rapport à celle deshommes. Avec notamment, pour

le cancer du poumon – tradition-nellement masculin – une aug-mentation de 42 % entre 2000 et2008, en lien avec celle de laconsommation tabagique obser-vée depuis plus de quarante anschez les femmes. En adoptant aufil des ans des comportements àrisque masculins, les femmes cal-queraient-elles leur profil de mor-talité sur celui des hommes ?

Pour le tabac, le fait sembleacquis. Selon la Fédération françai-se de cardiologie, parmi les cinqmillions de décès attribuables à lacigarette chaque année dans lemonde, on compte deux fois plusde décès par accident cardiovascu-laire que par cancer du poumondont le tabac est pourtant le princi-pal facteur de risque. Et chez lesfemmes en particulier, l’influen-ce du tabac sur le risque d’infarc-tus du myocarde est encore plusélevée, selon une étude parue cet-te année dans la revue The Lancet.

De manière plus générale, qu’ils’agisse des maladies cardiovascu-laires ou du cancer, on constate,au fur et à mesure de la publica-tion des études, que ce qui pré-vient ou favorise l’un a le mêmeeffet sur l’autre. « L’approche deprévention est désormais commu-ne : tous les résultats scientifiquesvont dans le même sens. Les fac-teurs ou comportements qui pré-servent des atteintes du cœur etdes vaisseaux protègent aussi ducancer, et inversement », expliquele professeur Joël Ménard, ancien

directeur général de la santé etprofesseur émérite de santé publi-que à l’université Paris Descartes-Paris-V. Et, ajoute-t-il, « ce corpusde connaissances est partagé partous les chercheurs de tous lesdomaines ».

De fait, considéré comme ladeuxième cause de mortalité évi-table de notre pays, l’alcoolconsommé immodérémentinduit des lésions cardiaques,appelées cardiomyopathies, etprovoque une hypertension arté-rielle. Son risque vis-à-vis du can-cer est directement « dose dépen-

dant », puisque selon les donnéesde l’Institut national du cancer,chaque verre d’alcool consommépar jour augmente de 168 % le ris-que de cancers de la bouche, dupharynx et du larynx et de 28 %celui de l’œsophage !

Quant à la nutrition, le Fondsmondial de recherche contre lecancer a produit en 2007 un rap-port exceptionnel, réunissant lesconclusions d’environ 7 000 étu-des. Ce travail a conclu que 28 % à35 % des cancers seraient directe-ment imputables à l’alimenta-tion, le manque d’activité physi-

que et l’obésité. « Nous n’avonspas d’étude équivalente vis-à-visdu risque cardiovasculaire, maisce chiffre serait probablementéquivalent, voire supérieur », esti-me Serge Hercberg, professeur denutrition à la faculté de médecine-Paris-XIII, et directeur de d’unitéde recherche Inserm en nutri-tion. « Réduire ne serait-ce que de10 % ou 20 % le risque de cancer oude maladie cardiovasculaire uni-quement par la nutrition seraitdéjà extraordinaire. Rappelonsqu’aucun médicament ne le per-met à ce jour », souligne-t-il.

A elle seule, l’activité physiqueagit favorablement sur les diffé-rents facteurs de risque cardiovas-culaire : réduction de la pressionartérielle et amélioration du tauxde lipides dans le sang ; elle per-mettrait de réduire de plus de moi-tié le risque d’installation d’un dia-bète chez des sujets prédisposés.Notion moins familière, le sportréduit le risque de cancer. Chez lessujets les plus actifs physique-ment, la probabilité d’avoir uncancer du côlon serait quasimentdivisée par deux. Et vis-à-vis ducancer du sein, cette baisse pour-rait atteindre 40 %.

Plus récemment, c’est la ques-tion de l’impact sanitaire des par-ticules fines présentes dans l’at-mosphère qui s’est posée avecacuité. Pour l’essentiel, elles sontissues des moteurs diesel trèsreprésentés en France (jusqu’à87 % des émissions particulairesliées au trafic). En 2004, un grou-pe d’experts de l’Agence françaisede sécurité sanitaire de l’environ-nement et du travail (Afsset) a esti-mé entre 6 % et 11 % le pourcenta-ge de décès par cancer du poumonattribuable à l’exposition aux par-ticules fines dans 76 villes françai-ses. En 2007, c’est une étude del’Institut de veille sanitaire surhuit agglomérations françaisesqui a mis en évidence des augmen-tations du risque cardiovasculai-res dans les deux jours qui sui-vent une hausse des niveaux depollution atmosphérique particu-laire.

Pour le professeur Ménard, despolitiques sanitaires plus volonta-ristes pourraient être très renta-bles : « En agissant sur quelquesfacteurs de risque, ce serait quel-ques dizaines de maladies que l’onpréviendrait. » p

Régine Artois

DE NOMBREUSES ÉTUDES l’ontdémontré, la pratique régulièred’un sport, ou plus généralementd’une activité physique, est aussiefficace qu’un médicament pourdiminuer la tension artérielle ouprotéger le cœur d’un infarctus.Les effets directs et indirects del’exercice sont nombreux : outrela baisse de la pression artériellechez les hypertendus, il contri-bue à fluidifier le sang, à augmen-ter le taux de « bon » cholestérol,et améliore l’équilibre glycémi-que chez les diabétiques.

Encore faut-il, comme pour untraitement médicamenteux,opter pour un sport ayant un rap-port bénéfices-risques favorable,et le pratiquer à la dose ad hoc. En

prévention primaire, c’est-à-direpour un individu qui n’a pas eud’accident cardiaque, une activitéd’au moins trente minutes, cinqjours sur sept est officiellementconseillée, « en favorisant lessports d’endurance, comme lamarche, le footing, la natation, leski de fond, le cyclisme… », énumè-re le professeur Hervé Douard,cardiologue du sport (CHU de Bor-deaux). En l’absence de contexteparticulier, aucune activité n’esta priori contre-indiquée. « Unhypertendu bien équilibré peuttout faire », insiste le profes-seur François Carré, cardiologuedu sport (CHU de Rennes), en pré-cisant que l’exercice physiqueest, avec les règles diététiques, le

premier traitement de l’hyperten-sion artérielle.

En pratique, plusieurs séanceshebdomadaires d’intensitémodérée sont préférables à uneseule intensive. En dehors d’unepratique sportive en compéti-tion, une consultation médicalepréalable est d’autant moinsnécessaire que l’individu estjeune et en bonne santé. Quel-ques précautions s’imposentcependant pour ne pas prendrede risques inutiles. Le Club descardiologues du sport a ainsiédicté une série de dix règlesd’or, sur le thème « cœur et activi-té sportive ».

Les cardiologues mettent parti-culièrement en garde les quadra-

génaires ayant des facteurs de ris-ques qui recommencent à « bou-ger » après une longue périodede sédentarité. « Dans ce cas, unbilan est utile pour évaluer lescapacités et donner des conseilsadaptés », recommande le profes-seur Douard. En tout état de cau-se, la remise en condition physi-que doit être progressive, sur sixà huit semaines.

«Au cas par cas»Un avis médical spécialisé s’im-

pose toujours en revanche pourencadrer l’activité physique enprévention secondaire, après uninfarctus ou une attaque cérébra-le. « Les activités d’endurancesont aussi recommandées ; et les

sports de balle, avec décompte depoints ou chronomètre sontdéconseillés, poursuit le profes-seur Carré. Mais il n’y a pas derègle absolue, la discussion se faitau cas par cas avec le patient, enfonction de son niveau antérieuret des conditions de pratique. »

Les médecins tiennent aussicompte du risque de syncope(qui interdit notamment lessports nautiques et aériens) etdes traitements en cours. Ainsi,la prise d’anticoagulants est peucompatible avec les sports à ris-que traumatique, comme lecyclisme, les arts martiaux, lessports mécaniques, ou encore l’es-calade. Dans l’idéal, la reprised’activité devrait commencer pré-

cocement après un infarctus, encentre de réadaptation, mais seu-lement un patient sur quatre yséjourne, déplore le professeurDouard. L’important est en toutcas de trouver une activité physi-que qui plaît et de s’y tenir. C’estsouvent là que le bât blesse :moins d’un an après la réadapta-tion, un individu sur deux a aban-donné l’exercice physique. Pour-tant, après un infarctus, cette pra-tique réduit le risque de récidiveet de mortalité de 25 %. De quoi semotiver.p

Sandrine Cabut

n Sur le WebClub des cardiologues du sport :Clubcardiosport.com

L’alcoolconsomméimmodérément

induit deslésionscardiaques

etune hypertensionartérielleEnadoptant

descomportementsàrisquemasculins,

lesfemmescalqueraient-ellesleurprofilde mortalité sur

celuideshommes?

Hypertension: les atouts de l’automesure tensionnelle

II 0123Vendredi 4 novembre 2011

Page 3: Cardiologie · 2014. 12. 29. · cardiologie,ilporteunregardsans concessionsurlesforcesetlesfai-blesses d’une recherche victime, selonlui,d’unmanquedemoyens, mais pas de chercheurs

Cardiologie

Traitement dechoc contre les troublesdu rythmecardiaqueLa fibrillation auriculaire peut être traitée par thermoablation. Une technique invasive réservée à une catégorie particulière de patients

Philippe-Gabriel Stegest professeur de car-diologie depuis 1994 àl’université Paris Dide-rot-Paris-VII, directeurde l’équipe «recherche

clinique en athérothrombose » del’Inserm(unité698). Ildirige l’unitédesoinscoronariensdansleservicede cardiologie de l’hôpital Bichat, àParis.Président ducomité scientifi-que des Journées européennes decardiologie, il porte un regard sansconcession sur les forces et les fai-blesses d’une recherche victime,selon lui, d’un manque de moyens,mais pas de chercheurs d’exc-ellence.Quelle appréciation globale por-tez-vous sur la recherche car-diovasculaire française?

Mon regard concerne avanttout les recherches clinique ettranslationnelle, cette dernièrecatégorieétanttournéeversl’appli-cation pratique des données de larecherchefondamentale.Larecher-che cardiovasculaire française esttrop fragmentée en petites unitéset laboratoires, avec des moyensencore limités, si l’on compareavec les grandes institutions misesen place dans des pays compara-bles au nôtre. En France, la recher-che vient d’un monde très fonc-tionnarisé et cadré par l’aménage-ment du territoire. Sa mutationn’est pas encore achevée.

Dans tous les volets de la recher-che cardiovasculaire, nous avonsdes chercheurs de premier plan :l’hypertension artérielle et la phy-siopathologie de l’athéroscléro-seavec Pierre-François Plouin ; lestroubles du rythme avec MichelHaïssaguerreà Bordeauxou l’équi-pe lilloise ; la chirurgie des valvescardiaques avec Alain Cribier ouAlec Vahanian ; l’insuffisance car-diaque avecFaïez Zannad; l’image-rie cardiaque avec GenevièveDesrumeaux ; la maladie corona-rienne avec les équipes parisien-nes de l’hôpital européen Georges-Pompidou et de Bichat, oucelles deNancy et de Lyon.Qu’est-ce qui vous paraît le pluspréoccupant?

L’inquiétude porte sur l’éche-lon des chercheurs des petits CHUet des centres hospitaliers, quiconstituent la pierre angulaire dela recherche clinique. Ce sont euxqui recrutent les patients pour lesessais, analysent leurs caractéristi-ques… Le système rend la vie diffi-cile aux petites équipes. C’est toutle paradoxe : nous avons des lea-ders reconnus internationale-

ment dans tous les secteurs de ladiscipline, mais pâtissons d’unmanque de moyens financiers etde carences organisationnelles.Comment cela se traduit-il sur lascène internationale?

Lorsque l’on classe les pays enfonction du nombre de travauxprésentés sous forme d’abstracts[résumés] dans les congrès, la Fran-ce arrive derrière les Pays-Bas, laSuède, l’Allemagne, l’Italie ou l’Es-pagne, alors que nous avons desleaders de premier plan dans tousles domaines.Le grand emprunt a-t-il apportédes solutions?

Le grand emprunt va dans lebon sens, mais le domainecardiovasculaire nécessite desinvestissements lourds et pas sim-plement des équipes. Dans ce quiest alloué aux laboratoires d’exc-

ellence, il n’y a pas grand-chosepour la cardiologie. En pratique,seules quelques unités et groupesde recherche sont soutenus dansce dispositif, et encore, ce soutienreste modeste par rapport à celuide l’Allemagne, qui accorde desmontantscinqàsix foissupérieursà ses laboratoires d’excellence.

Avec la crise économique, il y apeu de chances de voir des moyensmassifs être débloqués pour larecherche cardio-vasculaire. Nousrisquons de voir s’aiguiser la com-pétition avec d’autres domaines delasanté.Le devoirdes politiquesestde couvrir l’ensemble des aspectsde la santé publique.Ne serait-il pas nécessaire derationaliser la recherche autourdes processus physiopathologi-ques communs aux maladies car-dio-vasculaires et au cancer?

Il faut certainement aller danscette voie, comme les Nationsunies viennent de le faire en don-nant une impulsion à la luttecontre les maladies non transmis-sibles. La lutte contre l’obésité estun bon exemple, parce qu’il s’agitd’un facteur de risque pour lesmaladies cardio-vasculaires etpour le cancer. Les processus com-muns à ces pathologies tels quel’inflammation, la fibrose ou le

remodelage des parois vasculairesillustrent la pertinence des appro-ches transversales.Quels sont les autres points fai-bles de la recherche cardio-vas-culaire française?

Avanttout, les règles dujeudansles CHU. L’instauration de la tarifi-cationàl’activité(T2A),quidétermi-ne le financement des hôpitauxpublics et la convergence tarifaireavec le privé, engendre des effetspervers. Elle entraîne une inflationdes actes, plus rémunérateurs queles activités de recherche, pourtantpartie intégrante des missions duservice public. Dans des CHU, quisont quasiment tous en déficit, lesdirecteurs cherchent avant tout àboucher les trous. Comme il n’y apasde retour sur investissement, letemps consacré à la recherche esttraité comme s’il était délétère parrapport à celui consacré à des actesmédicaux. Et quand les activités derecherche apparaissent commeprofitables pour l’hôpital, il estexceptionnelquelegainrevienneàceux qui les mènent.Ce n’est pas le cas ailleurs?

Aux Etats-Unis, un «temps pro-tégé » a été instauré. Il déterminecontractuellement la proportiondu temps plein d’un médecin dansun hôpital universitaire qui estconsacré à la recherche. En France,les établissements ne sont pas inci-tés à favoriser la recherche d’exc-ellence. Vous pouvez avoir publiéou non dans les plus grands jour-naux scientifiques, c’est pareil. Al’inverse, aux Pays-Bas, pour deve-nir cardiologue, il faut impérative-ment avoir réalisé plusieurs publi-cations scientifiques comme pre-mier auteur. Les difficultés généra-les de la recherche sont très mar-quées en cardiologie, car la recher-checliniquedanscedomainenéces-site de gros effectifs de 5 000 ou10000 patients et implique l’inté-gration des différents métiers de larecherche (biostatisticiens…).La création de grands départe-ments hospitalo-universitaires(DHU), censés dynamiser larecherche et améliorer la qualitédes soins en diffusant plus rapi-dement les innovations, peut-elle y remédier?

Il y a des projets, mais zéromoyen ! En France, on propose unlabel ; aux Etats-Unis, les Institutsnationaux de la santé accordentdes financements de l’ordre de 10à 100 millions de dollars pour detels projets. p

Propos recueillis parPaul Benkimoun

Notrecœur menacé par notre mode devie

L a fibrillation auriculaire est leplus fréquent des troubles durythme cardiaque et la princi-

pale cause d’embolie cérébrale. Elletouche 600 000 personnes enFrance et une personne sur dix,au-delà de 80 ans. Cette arythmieest caractérisée par une activitéanarchique des cellules musculai-re des oreillettes, qui empêche cet-te partie du cœur de se contracterefficacement et favorise la forma-tion de caillots. Des médicamentsantiarythmiques, pris de manièrecontinue et associés à des anticoa-gulants pour prévenir les embo-lies, peuvent restaurer un rythmenormal. Mais la moitié des person-nes ne répond pas à ce traitement.

Il y a une quinzaine d’années,l’équipe du professeur MichelHaïssaguerre de l’hôpital du Haut-Lévêque,àPessac(Gironde),adéve-loppé une méthode plus radicale

pour ces patients, qui consiste àcautériser ou exclure par radiofré-quence les foyers de cellules quigénèrent les impulsions électri-ques anormales.

La thermoablation estemployée couramment depuisvingt-cinq ans pour traiter lesarythmies simples, provenantd’un foyer unique d’activité anor-male. Une sonde (ou cathéter) per-mettantd’enregistrerl’activitéélec-trique des cellules et de délivrer uncourant alternatif de haute fré-quence est introduite, sous anes-thésie locale, dans la veine fémora-le, puis montée jusqu’au cœur etmise au contact de la zone à traiter.

En appliquant le courant deradiofréquence, l’opérateurdétruit le tissu, comme le ferait unbistouri électrique. Mais la difficul-téestbeaucoupplusgrandepourlafibrillation auriculaire, car les

foyers sont souvent multiples.« Dans une tachycardie il n’y aqu’un seul musicien. Une fibrilla-tion, c’est un orchestre symphoni-que, résume le professeurHaïssaguerre.Enenregistrantl’acti-vité électriquepour tracer descarto-graphies du cœur, nous avons trou-vé que les foyers anormaux se trou-vent presque toujours dans lesparois des veines pulmonaires, àl’extérieur du cœur. Cela a été unerévolution parce que l’on pensaitque ces sources étaient disséminéesdansl’oreillette, comme unfeu d’ar-tifice, donc inaccessibles.»

RadiofréquenceEn 1998, une première série de

quarante-cinq ablations estpubliée. En 2010, cette technique aété appliquée à 300 000 person-nes dans le monde et le nombre depatients traités augmente de 20%

chaque année. L’ablation peut sefaire par la radiofréquence, ou,plus rarement, par la cryothérapie.Entre des mains très expérimen-tées, le taux de réussite atteint99 % quand la source de la fibrilla-tionestunique, c’est-à-diregénéra-lement lorsque la fibrillation sur-vient de manière sporadique. Ellen’est que de 60 % à 70 % quand lessources sont multiples, responsa-bles d’une fibrillation auriculairepermanente.

La technique étant invasive, elleest réservée aux patients dont lafibrillation est mal tolérée et quirésistent aux traitements médica-menteux. La mortalité liée à ce ges-te est de 1 cas pour 3 000 et les don-nées du registre français indiquentune proportion assez élevée decomplications plus ou moins gra-ves, notamment des accidents vas-culairescérébraux ou ischémiques

transitoires (1,6 %), qui montrentl’importance de réserver ce geste àdes équipes très expérimentées.Cinquante centres ont l’autorisa-tion de réaliser des ablations enFrance. Mais seulement 12 000patients atteints de fibrillationauriculaire sont traités chaqueannée par cette méthode.

Même si l’ablation est souventqualifiée de traitement définitif, lafibrillation récidive dans environ20% des cas, souvent au cours destrois premiers mois, et peut resur-gir après plusieurs années. « C’estl’une des limites actuelles de laradiofréquence, reconnaîtleprofes-seur Haïssaguerre. Lorsque l’on atraité vingt sites différents, il suffitque l’un d’entre eux récupère sur1 mm pour ranimer l’arythmie. »Plusieurs techniques d’imagerielocale,telslesultrasonsdetrèshau-te résolution, sont à l’étude pour

guider l’ablation et s’assurer que ladestruction est complète.

Par la même méthode de carto-graphie, l’équipe du profes-seurHaïssaguerre a réussi à identi-fier les cellules extrêmement exci-tables à l’origine de la fibrillationventriculaire. La plupart des mortssubites sont liées à cette sorted’« épilepsie cardiaque ». L’abla-tion s’adresse dans ce cas aux per-sonnes qui portent un défibrilla-teur implantable et dont les épiso-des de fibrillation sont fréquents.Le grand défi est désormais d’iden-tifier la faille électrique qui exposeàcesaccidentsdramatiques.L’équi-pe du professeur Haïssaguerre adéjà sa petite idée : « Nous pensonsque des explorations très fines ducœur révéleront une dysharmoniedesforcesélectriqueschez lesindivi-dus prédisposés ».p

Chantal Guéniot

«Avecla criseéconomique, lerisqueestdevoir s’aiguiserlacompétition avecd’autresdomaines

dela santé»

L’excellenceentravéedelarechercheEntretien avec le cardiologue Philippe-Gabriel Steg

« PREMIÈRE CAUSE de mortalitédans le monde, les maladies cardio-vasculaires constituent en Francela deuxième cause de décès aprèsle cancer et restent en tête chez lesfemmes et les plus de 65 ans.» Par-tant de ce constat, la Fédérationfrançaise de cardiologie (FFC) et laSociété française de cardiologie(SFC) ont lancé un manifeste enfaveur d’un «Plan cœur »,incluant la participation activedes patients et une campagnepour soutenir financièrement larecherche dans ce domaine.

Pour ces associations, il s’agitde sonner l’alerte. Les grands pro-

grès réalisés depuis vingt-cinq ans, qui ont permis de rédui-re de moitié la mortalité cardio-vasculaire, sont menacés d’uneinversion de tendance. En cause :notre mode de vie marqué par lasédentarité, le tabagisme et unemauvaise alimentation.

La perspective d’un « Plancœur» séduit au-delà des cardiolo-gues. Dans un sondage réalisé enseptembre2011 par l’IFOP pour laFFC auprès d’un échantillon repré-sentatif de 401 médecins généra-listes, les praticiens interrogés sedéclarent favorables, à 72 %, à lamise en place d’un tel plan. Le sou-

tien est particulièrement marquéchez les médecins jeunes (81 %d’opinions favorables) et chez lesfemmes (81 %). Pour 80% desgénéralistes, le « Plan cœur »devrait donner la priorité à la pré-vention, qui arrive loin devant laprise en charge en urgence de l’ac-cident vasculaire cérébral (7 %) etle suivi des patients (6 %).

Néanmoins, les associations àl’initiative du « Plan cœur » insis-tent sur la nécessité de couvrirl’ensemble du champ des mala-dies cardiovasculaires qu’il s’agis-se de la prévention, des soins oude la recherche. p P. Be.

III0123Vendredi 4 novembre 2011

Page 4: Cardiologie · 2014. 12. 29. · cardiologie,ilporteunregardsans concessionsurlesforcesetlesfai-blesses d’une recherche victime, selonlui,d’unmanquedemoyens, mais pas de chercheurs

Tabac, hypertension artérielle, cholestérol, diabète…autant de risques pour moiAvec la Fédération Française de Cardiologie, j’aimemon cœur

Déjà 30 000 personnes se sont testées... et vous ?

400MORTS/JOURJENEPRENDSPASCERISQUEJEMETESTEET JEM’INFORME

www.fedecardio.com

PHOT

O:CAR

MEA

RISA

Cardiologie

D e nouveaux médicamentsactifs par voie orale sont entrain de transformer les

modalités des traitements anti-coagulants. Ils semblent plus sûrset beaucoup plus simples d’em-ploi pour les nombreuses person-nes qui ont besoin d’une anticoa-gulation afin d’empêcher la for-mation de caillots dans les veinesou dans le cœur, et les emboliesqui en découlent.

Premiers à être commercialisésen France, le dabigatran (Pradaxa)inhibe directement la thrombine,tandis que le rivaroxaban (Xarel-to) bloque un autre facteur de coa-gulation, le facteur Xa. Leur pres-cription est limitée actuellementà la prévention des accidentsthromboemboliques qui peuventsurvenir après la mise en placed’une prothèse de genou ou dehanche. Ils peuvent se substituerainsi aux injections sous-cuta-néesd’héparine de bas poids molé-culaire (HBPM), avec une efficaci-té équivalente, voire légèrementsupérieure pour le rivaroxaban,sans augmentation du risquehémorragique.

Mais une évolution d’une bienplus grande ampleur se dessineavec l’extension prochaine desindications du dabigatran à la pré-vention des accidents emboliqueschez les patients atteints defibrillation auriculaire, sans mala-

die valvulaire. Actuellement, cespersonnes sont généralement trai-tées par des antivitamines K(AVK), médicaments par voie ora-le, dont l’activité anticoagulante,fluctuante, doit être contrôlée pardes prises de sang fréquentespour adapter les doses.

En effet, les AVK sont soumis àde nombreuses interactions médi-camenteuses et alimentaires, et lafenêtre thérapeutique est étroiteentre les risques de thrombose(sous-dosage) et de saignements(surdosage). Près d’un million depersonnes en France sont traitéespar ces médicaments, qui repré-sentent, de loin, la première causede complications médicamenteu-ses graves.

Au contraire des AVK, le dabiga-tran a des concentrations sangui-nes très stables et des effets quivarient peu d’une personne àl’autre, ce qui lui donne le grandavantage de pouvoir être pris àdosefixe etsans surveillancebiolo-gique, comme n’importe quelmédicament. Une grande étude aété menée auprès de18 000 patients (Re-Ly). Elle indi-que que deux comprimés de150 mg diminuent de 34 % le ris-que d’accident vasculaire cérébralà deux ans par rapport à un AVK,avec un risque global d’hémorra-gies majeures identique, et moinsd’hémorragies cérébrales.

D’autres études ont montré leseffets favorables, dans la mêmeindication, du rivaroxaban et d’unnouvel anti Xa, l’apixaban, avec,dans ce dernier cas, une réductiondelamortalitétotale(étudeAristot-le). Pour Philippe Gabriel Steg, pro-fesseur de cardiologie à l’hôpitalBichat, « c’est un progrès très réel.Ces médicaments dont on pensaitau départ qu’ils seraient simple-ment plus confortables que les AVKserévèlentaussi beaucoup plussûrset probablement plus efficaces ».

Quelques réserves subsistent,qui doivent conduire à une certai-ne prudence. Contrairement auxAVK, cesnouveaux anticoagulantsn’ont pas encore d’antidotes àadministrer en cas d’hémorragiegrave.Par ailleurs, lerecul est enco-re assez limité, pour des traite-ments appelés à être pris à vie, leplus souvent par des personnesâgées. « Les trois grandes études

publiées incluaient 19000 patientsde plus de 75 ans, mais on a peu dedonnées pour les personnes de plusde 80 ans », confirme le professeurOlivier Hanon (hôpital Broca,Paris).

Des alertes lancées au Japon eten Australie, et deux cas de surdo-sage décrits en France, viennentrappeler que, même s’ils sontmieux tolérés, ces médicamentspeuvent provoquer des accidentshémorragiques et imposent unrespect strict des prises et des pré-

cautions d’emploi. Les accidentsobservés concernaient le plus sou-vent des personnes très âgées,souvent de faible poids. Le déclinde la fonction rénale avec l’âgepeut en effet diminuer l’élimina-tion du dabigatran et entraînerun risque de surdosage. « L’intérêtde ces médicaments ne se discutepas, au regard du moindre risqued’accident vasculaire cérébral,mais il est indispensable de sur-veiller la fonction rénale pourréduire éventuellement lesdoses », met en garde le profes-seur Hanon.

Enfin, lors d’un traitement parantivitamine K, la contrainte dela surveillance biologique, trèsinconfortable pour les patients,offre un moyen fiable de s’assu-rer que le traitement est prisconvenablement. « Cet inconvé-nient est aussi un avantage, quin’existe pas actuellement avec les

nouveaux anticoagulants, remar-que le professeur Steg. Il est proba-ble qu’avec la généralisation del’emploi de ces médicaments, destests seront développés qui per-mettront de vérifier de façon ponc-tuelle que le traitement est biensuivi et bien adapté. Tout unensemble de questions demeurentà explorer en termes de surveillan-ce, de respect des prescriptions etd’effets secondaires pouvantémerger quand il n’y aura plus40 000 patients traités, mais400 000 ou 4 millions. »

Le coût de ces médicaments nesera pas le moindre des problè-mes à résoudre. Il explique proba-blement que la décision de rem-boursement du dabigatran dansla fibrillation auriculaire tarde enFrance, alors que la Commissioneuropéenne a accepté cette exten-sion d’indication le 1er août. p

Chantal Guéniot

Bénéfices et inconvénients des nouveauxmédicaments pour prévenir les thrombosesDe récents anticoagulants seraient plus sûrs et mieux tolérés que les traditionnels antivitamines K.Mais des précautions s’imposent

Ledabigatranades concentrations

sanguines très stablesetdeseffets

quivarient peud’unepersonneà l’autre

E n septembre 2010, Alain Cri-bier, professeur de cardiolo-gie à l’hôpital Charles-Nicol-

le de Rouen, recevait le TCT CareerAchievement Award. Ce prix,décerné chaque année aux Etats-Unis à un spécialiste de la cardiolo-gie interventionnelle, récompen-se la ténacité de ce médecin qui adéveloppé, dans un climat de scep-ticisme général, une méthode nonchirurgicale de traitement durétrécissement aortique. A l’aided’une simple sonde (ou cathéter),la valve aortique est remplacéesans ouvrir le thorax. « Personnen’y croyait. J’ai eu quinze annéestrès dures », confie Alain Cribier.Aujourd’hui, près de 500 centresen Europe effectuent des rempla-cements percutanés de la valveaortique, et plus de 50 000 valvesontétéimplantéespar cettetechni-que dans le monde.

Le rétrécissement aortiqueatteint environ 6 % des sujets deplus de 65 ans, et sa fréquence necesse de croître en raison duvieillissement de la population.Avec l’âge, la valve aortiquedevient le siège d’un épaississe-ment fibreux et calcifié, qui faitobstacle à l’expulsion du sang ducœur vers l’aorte. Si le rétrécisse-ment peut rester longtempsasymptomatique, en revanche80 % des patients décèdent dansles deux ans qui suivent l’appari-tion des premiers symptômes.

Auparavant, le seul traitementétait le remplacement chirurgicalde la valve par une prothèse syn-thétique. En France, 15 000 mala-des sont opérés chaque année,mais un tiers des personnesattein-tes ne peuvent bénéficier de cetteinterventiontrèslourde. La techni-que percutanée s’adresse actuelle-ment à ces patients inopérables età ceux ayant un risque élevé decomplications opératoires.

Une valve fabriquée à partir detissu animal est mise en place àl’aide d’un cathéter, tube soupleintroduit par l’artère fémorale

(plus rarement, par la pointe ducœur). « J’ai eu cette idée parcequ’en 1985, j’ai développé la techni-que de dilatation percutanée de lavalve aortique, avec un cathétermuni d’un ballonnet, expliqueM.Cribier. Mais on s’est vite aperçuque le risque de récidive était trèsélevé. Cela m’a poussé à envisagerla mise en place d’une valve avec lamême technique. »

La valve bioartificielle est cou-sue à l’intérieur d’un stent (unpetit grillage métallique circulai-re), puis placée autour du ballon-net. Le ballonnet est gonflé pourdilater la valve calcifiée. Lorsqu’ilest dégonfléet retiré, lavalve artifi-cielle reste en place. Le premierpatient a été traité en 2002 avecsuccès.

Qualité de vie transforméeAujourd’hui, 33 centres en Fran-

ce sont autorisés à pratiquer cetteintervention. Ils seront probable-ment une quarantaine en 2012.Une étude américaine a confirméde manière rigoureuse que le rem-placement valvulaire percutanéaméliore lasurvie despatients ino-pérables et fait aussi bien que lachirurgie pour les patients à hautrisque opératoire. La qualité de vieest souvent transformée.

Deux valves sont actuellementcommercialisées, mais une quin-zaine de compagnies médicalestravaillent au développement denouveaux prototypes. L’élargisse-ment des indications doit, cepen-dant, être très prudent. En effet, legeste endovasculaire peut libérerdesfragmentsdecalcaireou depla-ques d’athérome, entraînant unrisque d’accident vasculaire céré-bral majeur – 3 % des cas dans lesregistres européens –, inaccepta-ble pour les personnes en état desupporter la chirurgie. L’incertitu-de sur la longévité des valves bio-prothétiques fait également de lachirurgie le traitement de référen-ce pour les personnes jeunes. p

Ch. Gu.

Changer unevalvesansopérer? C’estpossibleEnFrance,33centresréalisentcetteintervention

IV 0123Vendredi 4 novembre 2011