4

IStockFileistockfile.prsmedia.fr/uploads/20150220160326_48f... · 2015. 2. 20. · de revolver, couteaux, grenade, vitriol ; une fois équipés, ce sont de vrais brigands paraît-il

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Le 23 février 1916,

    Ma bien chère maman,

    Je reçois ta lettre de samedi et suis très heureux de savoir que tu vas de mieux en mieux. Continues à bien te

    soigner.

    Je suis surpris que l’oncle Eugène n’ait pas mon adresse, car je lui ai écrit au nouvel an. Je vais donc lui écrire

    immédiatement ce que je me proposais déjà de faire. Comme tu me le proposes, envoie-moi un mandat de 10

    francs ; les premiers jours de mars, c’est assez tôt. J’ai écrit au directeur pour le remercier de m’avoir pistonné à

    l’autre club ; peut- être me répondra-t-il et me parlera de l’allocation en question. Le pays doit être un peu égayé

    par la troupe. Le drapeau du 75 ème doit être décoré. J’ai écrit hier à Besançon. Le paquet de l’autre club

    contenait : une chemise (bonne) un linge de toilette, une paire de chaussettes (coton), une boîte de conserve, un

    tube de moutarde, un paquet de tabac, des feuilles à cigarettes, un numéro de l’Illustration, un petit recueil de

    chansons du poilus. Comme A. Sotty, je ne peux quitter le cantonnement et c’est même très sévère. Aujourd’hui,

    c’est repos. La journée se passe en travaux de propreté de sortes et ce soir, nous irons en marche de nuit. Il y a de

    la neige et il n’a pas encore fait ni froid depuis que nous sommes ici mais, on n’y fait pas attention. On ne se fait pas

    de bile, je t’écris pendant qu’un camarade joue du violon. Comme tu peux t’en rendre compte toutes les troupes

    qui sont à l’arrière du front ; ne sont pas là pour leur plaisir et la supposition que tout le monde fait, c’est qu’une

    sérieuse offensive sera donnée à l’heure présente. Ici, chaque jour, il passe des convois de camions allant chercher

    des troupes. Dans une seule matinée, il en est passé 500. Malheureusement, ils ne viennent jamais pour nous ;

    chaque fois qui il y en a stationnant la nuit sur la place, on a un éclair d’espoir, mais c’est tout, mais je pense que

    cela viendra tout de même. On a rechangé les spécialités. Je suis porté « observateur de tri »c’est-à-dire chargé de

    regarder l’efficacité du feu et de faire rectifier s’il y a lieu. Mais, ne crains rien, d’ci qu’on soit là-bas, je veux bien

    encore changer de profession dix fois. J’avais demandé à être égorgeur ou nettoyeur de tranchées mais j’ai été

    rayé, il y en avait un de trop. Après réflexion, j’aime autant. C’est un métier qui ne convient pas à tout le monde,

    car ils ne doivent rien laisser de vivant derrière eux, pour cette triste besogne, ils quittent le flingue et sont armés

    de revolver, couteaux, grenade, vitriol ; une fois équipés, ce sont de vrais brigands paraît-il. Enfin, vivement qu’on

    aille voir tout ça par nos yeux. Je pense que tout le monde est en bonne santé. Que fait Louis ? Donne- lui bien le

    bonjour ainsi qu’à toute la famille, à Monsieur et Madame Berthon et Pierrot, à tous les parents et amis. Je

    termine, ma bien chère maman , en t’embrassant bien fort, ainsi que les tantes et Germaine.

    Ton fils qui t’aime.

    Jean