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62 | FORBES AFRIQUE NOVEMBRE 2015 S elon une étude du cabinet McKinsey, les quatre premiers types de sites visités par les mobinautes africains sont les réseaux sociaux, les services de messagerie instantanée (comme l’Américain WhatsApp ou l’Africain Ginger), les boîtes e-mails et les services de musique ou de vidéo. Viennent ensuite les sites d’information, les moteurs de recherche, l’industrie du jeu et les blogs. Notons enfin la banque par Internet, l’e-commerce et la réservation de voyage en ligne. Par ailleurs, un nombre croissant de mobinautes se rendent sur des applications de petites annonces comme CoinAfrique, une app Android de petites annonces destinée aux pays francophones tels que le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d’ivoire ,le Gabon, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Tchad. Cette app panafricaine, 100 % mobile et 100 % géo-localisée, propose aux individus de se localiser afin de trouver le vendeur ou l’acheteur le plus près de chez eux. CoinAfrique est une sorte de Leboncoin local, intégrant en plus une cellule de marchandage dans l’appli et offrant la possibilité de discuter en privé. Les mobinautes africains sont généralement urbains, jeunes, éduqués et font partie de la classe moyenne aisée. Ils sont prêts à allouer une part significative de leur budget pour accéder à Internet sur leur mobile. Les forfaits Internet mobile illimités sont très peu nombreux et le coût de connexion demeure relativement élevé. En fonction des opérateurs, les forfaits sont à la journée ou à la data. Plusieurs fois dans la journée, les Africains se connectent ponctuellement à Internet 2G/3G/4G depuis leur mobile pour effectuer une action spécifique. Selon Jimmy Kumako, cofondateur de DevEngineLabs et co-fondateur de CoinAfrique, «à Dakar, le coût d’un ticket de bus en centre-ville s’élève à 150 FCFA et celui d’un repas à 1000 FCFA. L’opérateur télécom Tigo facture 200 FCFA (soit 0,30 €) pour une consommation de 50 Mo durant une journée donnée. Ainsi, en payant l’équivalent Les applications mobiles : la révolution en marche Avec 500 millions de connexions 3G, l’Afrique subsaharienne deviendra la deuxième région du monde en 2020 derrière l’Asie-Pacifique. Le taux de pénétration Internet mobile devrait s’élever à 55 % au même moment contre 23 % aujourd’hui. Décryptage d’une opportunité historique pour les acteurs du marché des applications mobiles. PAR DIANE LAWSON FORBES AFRIQUE TÉLÉPHONIE ENQUÊTE 2013 2012 2011 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 6% 9% 13% 17% 23% 29% 35% 42% 49% 55% Part des connexions via un smartphone (en pourcentage) En dix ans, le nombre des connections a été multiplié par plus de neuf.

201511 DL pour Forbes Afrique les apps mobiles une révolution en marche

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62 | FORBES AFRIQUE NOVEMBRE 2015

Selon une étude du cabinet McKinsey, les quatre premiers types de sites visités par les mobinautes africains sont les réseaux sociaux, les services de

messagerie instantanée (comme l’Américain WhatsApp ou l’Africain Ginger), les boîtes e-mails et les services de musique ou de vidéo. Viennent ensuite les sites d’information, les moteurs de recherche, l’industrie du jeu et les blogs. Notons enfin la banque par Internet, l’e-commerce et la réservation de voyage en ligne.

Par ailleurs, un nombre croissant de mobinautes se rendent sur des applications de petites annonces comme CoinAfrique, une app Android de petites annonces destinée aux pays francophones tels que le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d’ivoire ,le Gabon, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Tchad. Cette app panafricaine, 100 % mobile et 100 % géo-localisée, propose aux individus de se localiser afin de trouver le vendeur ou l’acheteur le plus près de chez eux. CoinAfrique est une sorte de Leboncoin local, intégrant en plus une cellule de marchandage dans l’appli et offrant la possibilité de discuter en privé.

Les mobinautes africains sont généralement urbains, jeunes, éduqués et font partie de la classe moyenne aisée. Ils sont prêts à allouer une part significative de leur budget pour accéder à Internet sur

leur mobile. Les forfaits Internet mobile illimités sont très peu nombreux et le coût de connexion demeure relativement élevé. En fonction des opérateurs, les forfaits sont à la journée ou à la data. Plusieurs fois dans la journée, les Africains se connectent ponctuellement à Internet 2G/3G/4G depuis leur mobile pour effectuer une action spécifique. Selon Jimmy Kumako, cofondateur de DevEngineLabs et co-fondateur de CoinAfrique, «�à Dakar, le coût d’un ticket de bus en centre-ville s’élève à 150 FCFA et celui d’un repas à 1�000 FCFA. L’opérateur télécom Tigo facture 200 FCFA (soit 0,30 €) pour une consommation de 50 Mo durant une journée donnée. Ainsi, en payant l’équivalent

Les applications mobiles : la révolution en marcheAvec 500 millions de connexions 3G, l’Afrique subsaharienne deviendra la deuxième région du monde en 2020 derrière l’Asie-Pacifique. Le taux de pénétration Internet mobile devrait s’élever à 55 % au même moment contre 23 % aujourd’hui. Décryptage d’une opportunité historique pour les acteurs du marché des applications mobiles.PAR DIANE LAWSON

FORBES AFRIQUE

TÉLÉPHONIEENQUÊTE

Smartphone connections as percentage of total connections

201320122011 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

6% 9%13%

17%23%

29%35%

42%49%

55%

Part des connexions via un smartphone (en pourcentage)En dix ans, le nombre des connections a été multiplié par plus de neuf.

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SMA

de 1,3 ticket de bus, un individu peut discuter sur WhatsApp toute la journée, à condition de ne pas télécharger, envoyer et visionner des photos ou des vidéos lourdes en data.�»

QUEL EST L’USAGE INTERNET MOBILE EN AFRIQUE�?

Yann Le Beux de l’incubateur CTIC Dakar rajoute que «�les internautes privilégient le WiFi pour surfer sur le Web depuis leur mobile et se connectent souvent au travail ou chez eux. Les mobinautes africains téléchargent leurs apps majoritairement sur les stores d’Android (~80 % des apps téléchargées sur les stores), de Windows

(~10 %), et d’Apple (~5 %), ce dernier concernant particulièrement la classe sociale la plus élevée, et de nouveaux stores émergent comme Firefox OS�».

QUELLES SONT LES TENDANCES DES APPLIS MOBILES B2C�?

Selon Elias Schulze, un serial entrepreneur digital expert de l’Afrique : «�Le comportement des mobinautes africains se rapproche de plus en plus des mobinautes du reste du monde : ils utiliseront davantage les apps de messagerie, les réseaux sociaux, les sites d’information, les sites d’e-commerce ou encore de musique. Par ailleurs, on constate

« Les internautes privilégient le WiFi pour surfer sur le Web depuis leur mobile. »

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ENQUÊTETÉLÉPHONIE

un nombre croissant d’apps au contenu local et spécifique à un pays. Ainsi les apps locales des médias et du divertissement, de réservation de voyage ou de restaurant devraient connaître un boom. Une autre tendance notable sera le codéveloppement d’apps en marque blanche, en partenariat exclusif avec les opérateurs télécoms. Ces entreprises de télécommunication développent ainsi leur propre store où les utilisateurs peuvent directement télécharger des apps. L’idée étant que les apps contribuent à accroître l’attachement des utilisateurs à l’opérateur réduisant ainsi le taux de désabonnement. Par ailleurs, les apps incitent les utilisateurs à consommer davantage de données… et donc à dépenser plus chez leur opérateur.�»

Jimmy Kumako constate également que : «�De plus en plus de vidéos sont consommées, notamment via le replay et la vidéo à la demande (VOD), qui est à la mode un peu partout en Afrique. Par exemple, iROKOtv, un Netflix à l’africaine, apporte les films de Nollywood sur le Web et jouit de plus de 10 millions d’abonnés africains ou de la diaspora africaine.�» Cette plateforme de streaming est devenue le premier distributeur de films de Nollywood avec plus de 5�000 licences de films dans son catalogue. Ainsi, depuis janvier 2015, Tigo bénéficie d’un partenariat exclusif avec iROKOtv au Rwanda pour proposer du contenu vidéo gratuit aux abonnés 4G/LTE de l’opérateur.

Autre tendance notable observée par Jimmy Kumako : «�L’intégration de solutions de monétisation au sein des apps. En Afrique de l’Est, JamboPay, un portail de paiement en ligne sécurisé, est une sorte de PayPal pour mobile agrégeant différentes solutions de paiement mobile (cartes de crédit Visa, M-Pesa, Orange Money, Airtel money,

YuCash, etc.). Il propose une API que les développeurs peuvent intégrer à leur app. Ainsi un utilisateur peut payer un produit ou service dans une app via JamboPay.�»

QUELS SONT LES LEVIERS D’ACQUISITION DES UTILISATEURS POUR LES APPLIS B2C*�?

D’après Yann Le Beux, «�les leviers d’acquisition des mobinautes en Afrique sont similaires à ceux utilisés dans le reste du monde – les réseaux sociaux – à commencer par les apps installs de Facebook, la presse et la télé incluant des liens de téléchargement vers les apps, un bon référencement sur Google et la publicité sur AdWords, des partenariats avec les opérateurs télécoms qui prétéléchargent des apps dans les smartphones vendus ou encore l’événementiel et les influenceurs comme des stars de cinéma.�»

Elias Schulze rajoute que : «�Les taux de conversion fonctionnent particulièrement bien chez Facebook lorsqu’on délivre le bon message à la population cible avec le

LE COMPORTEMENT DES MOBINAUTES AFRICAINS SE RAPPROCHE

ON CONSTATE UN NOMBRE CROISSANT D’APPS AU CONTENU LOCAL ET SPÉCIFIQUE À UN PAYS. AINSI LES APPS LOCALES DES MÉDIAS ET DU DIVERTISSEMENT, DE RÉSERVATION DE VOYAGE OU DE RESTAURANT DEVRAIENT CONNAÎTRE UN BOOM.

Total connections by technology generation

2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

2G

3G

4G15%

0%

85%

52%

4%

44%

Répartition des connexions selon la génération de réseau mobile

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• Offrir une app répondant à un besoin récurrent des utilisateurs. Elle doit résoudre une problématique donnée et proposer un produit ou service de qualité et adapté à la cible visée.

• Proposer une expérience utilisateur simple, quasi intuitive et une interface utilisateur avec un bon design. Le design doit être particulièrement irréprochable, d’autant plus que l’app peut éventuellement toucher une population illettrée qui doit rapidement comprendre comment l’utiliser. A cette fin, un tuto vidéo peut s’avérer fort utile

• Trouver un mixte entre une app qui rappelle les standards internationaux et un contenu / expérience locale.

• Faire tester l’app auprès d’une communauté tech, comme un incubateur ou des entrepreneurs du digital, pour recueillir les premiers retours constructifs.

• Lancer rapidement une app avec les fonctionnalités essentielles sans attendre qu’elle soit parfaite. Celle-ci doit toutefois bien fonctionner et, autant que faire se peut, ne pas comporter de bugs�!

• Tracker toutes les données pour voir ce qui marche ou pas et analyser le tunnel d’acquisition en fonction des canaux. Le «�test and learn�» doit être le maître mot�!

• Enrichir progressivement les fonctionnalités de son app en incluant le retour des utilisateurs, en démontrant le plus de réactivité possible.

• Avant d’injecter de l’argent dans l’acquisition, bien réfléchir au mixte adéquat (X % Facebook, Y % PR etc.)

• Ne pas chercher à monétiser trop tôt• Et, bien sûr… bien gérer son équipe, ses finances, sa communication….

Les 10 facteurs clés de succès des apps

bon design. Au-delà du budget alloué à l’acquisition, ce qui compte c’est le mix de l’allocation des dépenses.�»

COMMENT MONÉTISER SON APP�?La monétisation des apps reste un

véritable défi. Jimmy Kumako affirme que : «�La publicité avec les régies classiques comme Google AdMob demeure aujourd’hui quasiment le seul levier utilisé. En effet, en général, seules les apps ciblant également la diaspora africaine, qui est largement bancarisée, peuvent faire payer leurs utilisateurs directement dans l’app. Dans un futur proche, elles pourront monétiser leurs utilisateurs africains grâce aux solutions de paiement mobile tels que M-Pesa.�»

Elias Schulze rajoute qu’«�un partage de revenus avec les opérateurs télécoms qui déduisent directement un montant donné du forfait du mobinaute constitue également un moyen efficace de monétisation. Les SMS surtaxés directement intégrés dans l’app sont aussi une solution pour les applications de divertissement tels que le pari, la loterie et les horoscopes,ou pour accéder à un service premium d’une app B2C donnée. »

On assiste aujourd’hui à la naissance des

Les mobinautes africains sont généralement urbains, jeunes, éduqués et font partie de la classe moyenne aisée.

apps en Afrique. Un véritable boom est à venir notamment tiré par la baisse du coût de connexion Internet, la diminution du prix des smartphones, les investissements des opérateurs télécoms et des Etats pour accroître la capacité du réseau et la baisse des taxes pesant sur les opérateurs. Toutefois, une ombre au tableau persiste : le business model des apps n’est pas encore éprouvé et nombre d’entre elles ne sont pas rentables. * B2C - Business to consumer.

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