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Plan du cours :
Table des matières
Introduction 3
1. Rappels sur les groupes 4
1.1. Dé�nitions, premières propriétés 4
1.2. Propriété universelle 6
2. Anneaux 7
2.1. Dé�nitions, premières propriétés 7
2.2. Morphismes entre anneaux 9
2.3. Anneaux de polynômes, séries formelles 10
3. Idéaux d'un anneau 15
3.1. Dé�nitions, premières propriétés 15
3.2. Opérations sur les idéaux 16
3.3. Idéaux et morphismes d'anneaux 19
4. Anneaux quotient 21
4.1. Dé�nitions, premières propriétés 21
4.2. Propriété universelle 22
4.3. Les idéaux d'un anneau quotient 23
4.4. Le théorème chinois sous sa forme générale 24
5. Idéaux premiers, maximaux 26
5.1. Dé�nitions, premières propriétés 26
5.2. Existence d'un idéal maximal 28
6. Localisation 31
6.1. Dé�nitions, premières propriétés 31
6.2. Idéaux d'un anneau localisé 37
7. Anneaux principaux 39
7.1. Dé�nitions, premières propriétés 39
7.2. Divisibilité et idéaux 41
7.3. Éléments irréductibles ; éléments premiers 42
8. Anneaux factoriels 44
8.1. Dé�nitions, premières propriétés 441
2
8.2. pgcd, ppcm 45
8.3. Les anneaux principaux sont factoriels 46
8.4. Le théorème de Gauÿ 48
8.5. Critères d'irréductibilité 52
9. Résultant, Théorème de Bézout 56
9.1. Le résultant 56
9.2. Le théorème de Bézout 61
10. Polynômes symétriques 66
10.1. Dé�nitions, premières propriétés 66
10.2. Théorème fondamental sur les polynômes symétriques 67
10.3. Applications 69
11. Compléments sur les groupes 71
11.1. Rappels sur les sous-groupes 71
11.2. Actions de groupe 73
11.3. Calculer dans le groupe symétrique 75
11.4. Groupes simples 78
11.5. Groupes résolubles 81
12. Théorèmes de Sylow 83
12.1. p-groupes 83
12.2. Sous-groupes de Sylow 85
12.3. Applications 87
13. Produit semi-direct 90
13.1. Produits de sous-groupes 90
3
Introduction
La notion centrale du cours est celle d'anneau commutatif (uni-
taire) qui formalise le calcul habituel sur les entiers. Elle nous per-
mettra de revoir et préciser les structures vues précédemment en li-
cence, même si nous demandons quasiment pas de pré-requis : toutes
les dé�nitions importantes seront rappelés.
Le cours contient quelque exercices dans le texte principal. Ce
sont des exercices, en général directs, dans le but d'illustrer tel ou
tel dé�nition ou énoncé. Les exercices du cours proprement dit sont
séparés, avec indications et solutions.
Dé�nitions, énoncés et leurs démonstrations doivent être compris.
Les exercices sont très important pour ce cours qui peut paraître abs-
trait sinon : ils permettront de bien comprendre les notions abordés
et doivent être assimilés.
4
1. Rappels sur les groupes
1.1. Dé�nitions, premières propriétés
Définition 1.1.1. � Un groupe est un ensemble G muni d'une
loi de composition interne (x, y) 7→ x · y telle que :
� il existe un élément e ∈ G tel que pour tout x ∈ G on ait
e · x = x · e = g (existence d'un élément neutre) ;
� pour tout x ∈ G il existe y ∈ G tel que l'on ait x · y = y · x = e
(existence d'un inverse) ;
� pour tous x, y, z ∈ G, on a x · (y · z) = (x · y) · z (associativité)
On dit qu'un groupe G est commutatif, ou encore abélien, si sa loi
est commutatif, c'est-à-dire si pour tous x, y ∈ G, x · y = y · x.
La loi interne · a de multiples notations : en général, on écrira
simplement xy (multiplicativement) ou x+ y (additivement).
L'usage veut que si la loi interne est noté multiplicativement, on
note l'inverse par x−1 et l'élément neutre par 1. Si G est abélien, on
note la loi interne souvent additivement, l'inverse par −x et l'élément
neutre par 0.
La notion de groupe a été dégagé par Évariste Galois vers 1830
dans son étude des équations polynomiales et l'impossibilité de ré-
soudre celles-ci en degré supérieur ou égale à 5. Le premier groupe
ainsi étudié est le groupe symétriqueSn, c'est-à-dire les permutations
de l'ensemble {1, 2, . . . , n} avec pour loi interne la composition.
D'autres exemples sont le groupe Z des entiers relatifs (pour l'ad-
dition), l'ensemble des rationnels Q non nuls (pour la multiplication)
ou encore l'ensemble des matrices n × n inversibles (pour la multi-
plication des matrices).
Une fois dé�nie la notion de groupe, on d'intéresse à des applica-
tions entre ceux-ci qui respectent la loi interne :
Définition 1.1.2. � Si G et H sont deux groupes, un homo-
morphisme de groupes f : G → H est une application f telle que
f(xx′) = f(x)f(x′) pour tous x, x′ ∈ G.
5
Si f : G→ H est un homomorphisme, on véri�e que f(eG) = eH et
f(x−1) = f(x)−1 dansH pour tout x ∈ G. Parfois on dira simplement
morphisme au lieu de homomorphisme. On dit qu'un morphisme de
groupes f : G→ H est un isomorphisme s'il existe un morphisme de
groupes g : H → G tel que f ◦ g = IdH et g ◦ f = IdG. Le morphisme
g est alors appelé morphisme réciproque de f . On note f : G∼−→ H
pour signi�er que le morphisme f est un isomorphisme.
Proposition 1.1.3. � Un homomorphisme de groupes est un
isomorphisme si et seulement si il est bijectif.
Démonstration. Si f : G→ H est un isomorphisme, son morphisme
réciproque est en particulier une bijection réciproque, donc f est
bien bijectif. Réciproquement, si f est bijectif, notons g : H → G
sa bijection réciproque. Il faut montrer que g est un morphisme de
groupes. Soient x, y ∈ H. On a
f(g(xy)) = xy = f(g(x))f(g(y)) = f(g(x)g(y)).
Comme f est bijectif, on a donc g(xy) = g(x)g(y). �
Définition 1.1.4. � Un sous-ensemble F d'un groupe G en est
un sous-groupe si :
� on a e ∈ F ;
� si x, y ∈ F , alors xy ∈ F ;
� si x ∈ F , alors x−1 ∈ F .
Autrement dit un sous-groupe de G est un sous-ensemble de G que
la loi de G munit d'une structure de groupe. Tout groupe a toujours
deux sous-groupes naturels : le groupe lui-même et le sous-ensemble
réduit à l'élément neutre.
On observe que l'image ou l'image réciproque d'un sous-groupe
par un morphisme de groupes f : G→ H est encore un sous-groupe
(exercice : le véri�er). En particulier, l'image réciproque de l'élément
neutre est un sous-groupe de G, appelé le noyau de f et noté Ker f .
6
On pourra véri�er qu'un morphisme de groupes est injectif, si et
seulement si Ker f = {e}.
1.2. Propriété universelle
Soient f : G → H un morphisme de groupes et p : G → Q
un morphisme de groupes surjectif. On cherche un morphisme de
groupes f : Q→ H tel que l'on ait : f = f ◦ p ou, comme on dit, tel
que le diagramme suivant soit commutatif.
G
p
��
f// H
Qf
??��
��
Proposition 1.2.1. � Avec les notations qui précèdent :
a) Un morphisme de factorisation f existe si et seulement si Ker(f)
contient Ker(p).
b) Quand f existe, il est unique. Il est surjectif si, et seulement si,
f est surjectif, et il est injectif si, et seulement si, Ker(f) = Ker(p).
Démonstration. a) Il est clair que si f existe, alors Ker(p) est inclus
dans Ker(f ◦ p) = Ker(f). Réciproquement, supposons que Ker(p)
est inclus dans Ker(f). Pour tout x dans Q, choisissons g dans G
tel que p(g) = x. Posons f(x) = f(g). Cette dé�nition ne dépend
pas du choix de g dans p−1(x), car deux éléments de même image ne
di�èrent que par un élément du noyau : si p(g′) = x, alors p(gg′−1) =
p(g)p(g′)−1 = xx−1 = 1, d'où gg′−1 ∈ Ker(p). Comme Ker(p) ⊂Ker(f), f(g′) = f(g). Une fois que f est bien dé�nie, il est facile de
véri�er qu'elle respecte les produits : si p(g) = x et p(g′) = x′, alors
p(gg′) = xx′ et donc f(xx′) = f(gg′) = f(g)f(g′) = f(x)f(x′).
b) L'unicité résulte de la surjectivité de p. Il en résulte aussi que f
et f ont même image. En�n, on observe que Ker(f) = p(Ker(f)), de
sorte que f est injectif si et seulement si Ker(f) = Ker(p).
�
7
2. Anneaux
2.1. Dé�nitions, premières propriétés
Définition 2.1.1. � On appelle anneau un groupe abélien A,
noté additivement, muni d'une opération de multiplication (a, b) 7→ab véri�ant les propriétés suivantes :
� il existe un élément 1 ∈ A tel que pour tout a ∈ A, 1a = a
(élément neutre pour la multiplication) ;
� pour tous a, b, c ∈ A, on a a(bc) = (ab)c (associativité) ;
� pour tous a, b, c ∈ A, on a a(b+ c) = ab+ ac (distributivité)
� pour tous a, b ∈ A, on a ab = ba (commutativité) ;
Les anneaux ainsi dé�nis sont commutatifs et unitaires. Il existe
de notions plus générales d'anneaux, notamment des anneaux non
commutatifs où l'on relâche l'hypothèse sur la commutativité (mais
où l'on doit du coup imposer que 1 est aussi neutre à droite et la
distributivité à droite : (a+b)c = ac+bc). Ces anneaux interviennent
notamment quand on considère l'ensemble des matrice n × n avec
l'addition et la multiplication des matrices. Pour ce cours cependant,
nos anneaux seront toujours supposés commutatifs, sauf mention du
contraire.
Les axiomes ci-dessus nous permettent de calculer comme on a
l'habitude pour les entiers relatifs, qui sont notre premier example
d'anneau.
Si a ∈ A et si n est un entier positif ou nul, on dé�nit an par
récurrence an, en posant a0 = 1 et an = a(an−1).
Exercice 2.1.2. � Comme exercice pour s'habituer aux axiomes,
on pourra démontrer que
a) pour a ∈ A, on a 0a = 0 ou autrement dit 0 est absorbant pour
la multiplication ;
b) si e ∈ A est tel que ea = a pour tout a ∈ A, alors e = 1 ou
autrement dit l'élément neutre pour la la multiplication est unique ;
c) pour tout a ∈ A, on a (-1)a = -a ;
8
d) pour tout a ∈ A et pour tous entiers m,n ≥ 0, on a am+n =
aman ;
e) pour tout a, b ∈ A et tout entier n ≥ 0 on a (formule du binôme)
(a+ b)n =n∑k=0
(n
k
)akbn−k.
Si jamais 1 = 0 dans un anneau A, alors A est nécessairement
réduit à {0}. On dit alors que A est l'anneau nul.
Définition 2.1.3. � Un élément a ∈ A est dit inversible ou une
unité s'il existe b ∈ A tel que ab = 1. Cet élément est unique et
appelé l'inverse de a. Il est généralement noté a−1.
Proposition 2.1.4. � L'ensemble des éléments inversible d'un
anneau, noté A×, est un groupe pour la multiplication.
Démonstration. Observons d'abord que la multiplication dé�nit une
loi interne : Si a, b ∈ A× alors (ab)(a−1b−1) = (aa−1)(bb−1). Ainsi ab
est aussi inversible (est d'inverse a−1b−1). Maintenant il est clair que
1 est l'élément neutre pour cette loi et pour a ∈ A× l'élément a−1
est son inverse. �
Définition 2.1.5. � Soit A un anneau et soit a un élément de
A. On dit que a est un diviseur de zéro s'il existe un élément b ∈ A,b 6= 0, tel que ab = 0. Un anneau non nul A est appelé intègre s'il
n'a pas de diviseur de zéro autre que l'élément 0.
Définition 2.1.6. � On dira que l'anneau non nul A est un corps
si tout élément non nul de A est inversible.
Par dé�nition, l'anneau nul n'est donc ni intègre ni un corps.
Exemple 2.1.7. � L'anneau Z est intègre ; ses inversibles sont
exactement {±1}. Dans Q tout élément non nul est inversible : c'est
donc un corps.
9
2.2. Morphismes entre anneaux
Comme dans le cas des groupes, une fois que nous avons dé�ni
nos objets, les anneaux, nous dé�nissions les homomorphismes entre
objets :
Définition 2.2.1. � Soient A et B deux anneaux. Un homomor-
phisme d'anneaux f : A→ B est un morphisme de groupes abéliens
qui respecte la multiplication et envoi 1 sur 1.
Autrement dit, un homomorphisme d'anneaux est une application
telle que
� on a f(0) = 0 et f(1) = 1 ;
� pour tous a, b ∈ A, f(a+ b) = f(a) + f(b) et f(ab) = f(a)f(b).
Comme dans le cas des groupes, on dira simplement morphisme
entre anneaux au lieu de homomorphisme. La composition de deux
morphismes d'anneaux est encore un morphisme. Un morphisme d'un
anneau dans lui-même est appelé un endomorphisme.
On dira qu'un morphisme d'anneaux f : A → B est un isomor-
phisme, s'il existe un morphisme d'anneaux g : B → A tel que
f ◦ g = IdH et g ◦ f = IdG. Comme dans le cas des groupes, le
lecteur véri�era l'énoncé suivant :
Proposition 2.2.2. � Un morphisme d'anneaux f : A→ B est
un isomorphisme si et seulement si il est bijectif.
Soit f : A → B est un morphisme d'anneaux. Si a ∈ A est un
élément inversible dans A alors f(a) est encore inversible dans B,
d'inverse f(a−1). En e�et, f(a)f(a−1) = f(aa−1) = f(1) = 1. Ainsi
le morphisme d'anneaux f induit un morphisme de groupes noté
f× : A× → B×.
Définition 2.2.3. � Soit A un anneau. On dira qu'une partie
B ⊂ A est un sous-anneau si B contient les éléments 0 et 1 et si B
est stable par addition, multiplication et stable par opposé.
10
Si f : A → B est un morphisme d'anneaux, l'image f(A) est un
sous-anneau de B. L'image réciproque d'un sous-anneau C de B est
un sous-anneau de A.
Exercice 2.2.4. � (Anneau produit)
a) Soient A et B deux anneaux. On munit l'ensemble A×B d'une
addition et d'une multiplication composante par composante, c'est-
à-dire par : (a, b)+(a′, b′) := (a+a′, b+b′) et (a, b)(a′, b′) := (aa′, bb′).
i) Montrer que cela dé�nit une structure d'anneaux sur A×B.ii) Sous quelles conditions est-ce que A×B est intègre ?
iii) Montrer que les éléments e = (1, 0) et f = (0, 1) sont des
idempotents, c'est-à-dire satisfont à e2 = e et f 2 = f .
b) Soit maintenant A un anneau et e un idempotent.
i) Montrer que 1− e est encore idempotent.
ii) Montrer que eA = {ea ; a ∈ A} est un sous-anneau de A.
iii) Montrer que A ' eA× (1− e)A.
2.3. Anneaux de polynômes, séries formelles
Soit A un anneau. L'anneau des polynômes A[X] est dé�ni de
la façon suivante. Un monôme est une expression de la forme aXn
où a ∈ A et n et un entier. Un polynôme est une somme �ne de
monômes. Puis, l'addition et la multiplication s'e�ectuent �comme
on a l'habitude�.
Autrement dit, on considère l'ensemble A(N) des familles presque
nulles, c'est-à-dire les suites dont tous les termes, sauf un nombre
�ni, sont nuls, d'éléments de A indexés par l'ensemble N, puis si
P = (an)n∈N est un élément de A(N), on le note
P =:∑n∈N
anXn.
L'addition de P et Q est donnée par
(∑n∈N
anXn) + (
∑n∈N
bnXn) =
∑n∈N
(an + bn)Xn;
11
et la multiplication PQ par
(∑n∈N
anXn)(∑n∈N
bnXn) =
∑n∈N
(∑i+j=n
aibj)Xn
où l'expression∑
i+j=n aibj est, cette fois, une somme e�ectuée dans
l'anneau A.
On observe que ces formules ont bien un sens, c'est-à-dire que
toutes les sommes sont �nies. L'élément 0 est la famille identique-
ment nul et 1 la famille donnée par 10 = 1 et 1n = 0 si n 6= 0 ou, avec
nos notations, par X0. On obtient ainsi une structure d'anneau, l'an-
neau des polynômes A[X]. L'anneau A s'identi�e au sous-anneau des
polynômes constants de A[X] par le morphisme injectif a 7→ aX0.
Si l'on regarde la construction précédente, on observe qu'on peut
aussi bien la faire pour l'ensemble AN des familles d'éléments de
A indexés par l'ensemble N. On notera toujours un élément P =
(an)n∈N ∈ AN par P =:∑
n∈N anXn. La somme ne sera plus �nie,
mais l'addition et la multiplication ont un sens (c'est même plus
facile puisque il ne faut plus véri�er que la sommes obtenues sont
�nis). On appellera P une série formelle et l'anneau ainsi obtenu
l'anneau des séries formelles. On le notera A[[X]].
Par construction l'anneau des polynômes A[X] est un sous-anneau
de l'anneau des séries formelles A[[X]]. L'impression de similarité
dans la construction ne doit cependant pas cacher le fait que ces
anneaux ont des propriétés très di�érentes, comme on le verra plus
tard. Pour l'instant, on pourra déterminer ses inversibles :
Exercice 2.3.1. � Soit A un anneau. Déterminer (A[X])×. Quid
de (A[[X]])× ?
L'anneau des polynômes jouit de la propriété universelle suivante :
Proposition 2.3.2. � Soit f : A→ B un morphisme d'anneaux
et soit b un élément de B. Il existe un unique morphisme d'anneaux
12
g : A[X]→ B rendant commutatif le diagramme
A� _
i��
f// B
A[X]
g
==zz
zz
et tel que g(X) = b.
Démonstration. S'il existe un tel morphisme, il est nécessairement
donné par la formule
g(∑n
anXn) =
∑n
f(an)bn
ce qui montre l'unicité. On dé�nit donc l'application g par cette for-
mule, puis on véri�e soigneusement qu'elle respecte la multiplication
etc. �
Exemple 2.3.3. � Soit A un anneau, et a dans A. Le morphisme
d'évaluationeva : A[X]→ A
P 7→ P (a) ,
est le seul morphisme d'anneaux qui vaut l'identité sur A et qui
envoie X sur a.
Sur l'anneau A[X] on dispose d'une fonction degré : un polynôme
non nul P ∈ A[X] peut s'écrire∑d
n=0 anXn avec ad 6= 0 pour un
unique entier d ≥ 0. On dé�nit le degré de P et note degP par ce
nombre d. L'élément ad est appelé le coe�cient dominant de P .
Par convention, deg 0 := −∞. Si P et Q sont deux polynômes de
A[X], on a
deg(P +Q) ≤ max(degP, degQ) et deg(PQ) ≤ degP + degQ.
Avec nos conventions et celles, habituelles, que max(−∞, x) = −∞et −∞+x = −∞ pour tout x ∈ N∪{−∞}, ces inégalités sont vraiesmême si P , Q, P +Q ou PQ est nul.
13
Proposition 2.3.4. � Si A est intègre, A[X] est encore intègre.
La propriété d'être intègre d'un anneau se transfert donc à l'anneau
de polynômes à coe�cients dans cet anneau. On verra d'autres tels
propriétés de transfert plus tard dans le cours.
Démonstration. Il s'agit de montrer que si P et Q sont des polynômes
non nuls, alors PQ est encore non nul. On peut écrire
P =
degP∑n=0
anXn et Q =
degQ∑n=0
bnXn
avec adegP 6= 0 et adegQ 6= 0. Le terme de degré degP +degQ a pour
coe�cient adegPadegQ. Comme A est intègre, ce coe�cient est non
nul. Ainsi PQ est non nul. �
En particulier, on voit dans l'argument ci-dessus que pour les an-
neaux intègres, deg(PQ) = degP + degQ.
On a la division euclidienne, analogue à celle, connue, des entiers
relatifs, aussi dans les anneaux de polynômes
Théorème 2.3.5. � Soit A un anneau et P et Q deux polynômes
de A[X]. On suppose que Q est non nul de coe�cient dominant
inversible. Alors il existe un unique couple (R, S) de polynômes dans
A[X] tel que
� P = RQ+ S ;
� degS < degQ.
Attention à l'hypothèse sur Q : l'hypothèse d'inversibilité du co-
e�cient dominant est essentielle.
Démonstration. Montrons d'abord l'unicité. Supposons que l'on ait
P = RQ+ S = R′Q+ S ′. Alors Q(R−R′) = S ′ − S est de degré au
plus max(degS ′, degS) < degQ. Supposons R 6= R′. Soient u et a
les coe�cients dominants de Q et R−R′. Comme u est inversible et
a 6= 0, on a ua 6= 0. Ainsi Q(R−R′) est de degré degQ+deg(R−R′)
14
est donc en particulier ≥ degQ. Contradiction. Ainsi R = R′, puis
S = P −RQ = R−R′Q = S ′.
Pour l'existence on raisonne par récurrence sur le degré de P . Si
degP < degQ il su�t de prendre R = 0 et S = P . Sinon, soit a le
coe�cient dominant de P et u celui de Q. Alors le polynôme P ′ =
P − au−1XdegP−degQQ est de degré au plus degP , avec coe�cient
en degré degP égal à a − au−1u = 0. Ainsi, degP ′ < degP . Par
récurrence, il existe alors R′, S ′ ∈ A[X], tels que P ′ = R′Q + S ′ et
degS ′ < degQ. Il suit que
P = P ′ + au−1XdegP−degQQ = (R′ + au−1XdegP−degQ)Q+ S ′
et qu'il su�t donc de poser R = R′+au−1XdegP−degQ et S = S ′. �
Pour �nir cette section notons qu'on peut considérer des anneaux
de polynômes à plusieurs variables. On note A[X, Y ] l'anneau des
polynômes à coe�cients dans A[X] ou autrement dit A[X, Y ] =
(A[X])[Y ]. Commencer d'abord avec X ou avec Y ne change rien : il
existe un unique endomorphisme d'anneaux de A[X, Y ] qui conserve
les polynômes constants et échange les variables X et Y . C'est un
isomorphisme involutif.
15
3. Idéaux d'un anneau
3.1. Dé�nitions, premières propriétés
Nous allons étudier dans ce paragraphe la question du passage
d'un anneau au quotient. Pour les groupes, cette question mène à
la notion de sous-groupe distingué : si H est un sous-groupe d'un
groupe G, le passage au quotient G → G/H est un morphisme de
groupes si, et seulement si, le sous-groupe H est distingué. Pour les
anneaux, la question amène la notion d'idéal.
Définition 3.1.1. � Soit A un anneau. Un sous-groupe additif
I de A est un idéal si pour tout a dans A et tout x dans I, ax ∈ I.
Pour montrer qu'une partie I ⊂ A est un idéal il su�t donc de
véri�er que
� 0 ∈ I ;� si x, y ∈ I alors x+ y ∈ I ;� si a ∈ A et x ∈ I alors ax ∈ I.
Exemple 3.1.2. � Si A est un anneau et x ∈ A, l'ensemble (x) =
{ax ; a ∈ A} est un idéal de A. Un tel idéal est dit principal.
Exemple 3.1.3. � Tout anneau a deux idéaux naturels : l'idéal nul
(0) et l'anneau lui même. Si l'anneau est un corps K alors ce sont ses
seuls idéaux. En e�et, soit I est un idéal non nul de K. Il a donc un
élément non nul x ∈ I, nécessairement inversible puisque K est un
corps. Soit a ∈ K quelconque. Par dé�nition d'un idéal (ax−1)x ∈ I.On a donc a ∈ I et par conséquent I = K. Réciproquement, soit
x ∈ K non nul et considérons l'idéal (x) de K. Comme x est non
nul, l'idéal (x) est non nul aussi. Par conséquent, il est égal à K et
en particulier contient l'élément 1. Il existe donc un élément a ∈ Ktel que ax = 1. Par conséquent x est inversible. Ainsi, tout élément
non nul de K est inversible. C'est donc un corps.
Exemple 3.1.4. � Si I est un idéal de Z, il existe un unique entier
n ≥ 0 tel que I = (n). En e�et, si I = (0) alors n = 0 convient. Si
16
I 6= (0), considérons le plus petit n de I ∩N∗. Par dé�nition (n) ⊂ I.
Réciproquement, soit x ∈ I. La division euclidienne de x par n s'écrit
x = qn + r avec 0 ≤ r ≤ n − 1 et q ∈ Z. Comme x ∈ I et comme
qn ∈ I, l'élément r = x− qn ∈ I. Comme r < n, on doit avoir r = 0
par le choix de n. Ainsi x = qn et on a donc bien I ⊂ (n), d'où
I = (n).
3.2. Opérations sur les idéaux
On peut e�ectuer plusieurs opérations sur les idéaux comme par
exemple prendre leur intersection, somme ou produit.
3.2.1 (Intersection d'idéaux). � Si I et J sont deux idéaux de A,
l'intersection I ∩ J est encore un idéal de A. Plus généralement,
l'intersection d'une famille non vide d'idéaux est encore un idéal.
Démonstration. Considérons une famille (It)t d'idéaux de A et po-
sons I =⋂t It. On sait que c'est un sous-groupe de A. Soit a ∈ A et
x ∈ I. Pour tout t, x ∈ It et comme It est un idéal, ax ∈ It. Ainsiax ∈ I. �
Étant donné un sous-ensemble E de A, on pose
〈E〉 =⋂
E⊂I⊂A
I
où I parcourt l'ensemble des idéaux de A contenant E. Cet ensemble
est non-vide puisque A est un idéal de A. D'après ce que nous venons
de voir, 〈E〉 est un idéal. C'est est le plus petit idéal contentant E
et on dit que c'est l'idéal engendré par la partie E.
Proposition 3.2.2. � Soit E une partie de A. Alors l'idéal 〈E〉est l'ensemble des combinaisons linéaires presque nulle
∑e∈E aee.
Démonstration. Notons par SE l'ensemble des combinaisons linéaires
presque nulle∑
e∈E aee. Comme∑aee est un élément de tout idéal
qui contient E, c'est un élément de 〈E〉. Ainsi SE ⊂ 〈E〉. Réciproque-ment, montrons que SE est un idéal de A. Il contient 0 =
∑e∈E 0e.
17
Si∑aee et
∑bee sont des éléments de SE, la combinaison linéaire∑
(ae + be)e ∈ SE. En�n, on note que si a ∈ A et si x =∑aee, alors
ax = a(∑aee) =
∑(aae)e ∈ SE. Par conséquent, SE est un idéal est
ainsi 〈E〉 ⊂ SE. �
Exemple 3.2.3. � Si A est un anneau et x ∈ A, alors (x) = 〈{x}〉.Plus généralement, on note (x1, . . . xn) = 〈{x1, . . . , xn}〉. D'après ceque nous venons de voir,
(x1, . . . xn) = {a1x1 + · · ·+ anxn ; a1, . . . , an ∈ A}.
3.2.4. � (Somme d'idéaux) Si I et J sont deux idéaux d'un anneau
A, l'ensemble des sommes x + y avec x ∈ I et y ∈ J est un idéal
de A que l'on note I + J . On véri�e (exercice) que c'est aussi l'idéal
engendré par la réunion I ∪ J . Plus généralement, pour une famille
(It)t d'idéaux de A, l'ensemble des sommes presque nulles∑
t at où
pour tout t, at ∈ It est un idéal de A, noté∑
t It. C'est aussi l'idéal
engendré par la partie ∪tIt.
3.2.5. � (Produits d'idéaux) Si I et J sont deux idéaux d'un an-
neau A, l'ensemble des produis xy avec x ∈ I et y ∈ J n'est pas
forcément un idéal de A. Par dé�nition l'idéal IJ est l'idéal engen-
dré par ces produits. C'est donc l'ensemble des combinaisons linéaire
�nies∑xtyt avec xt ∈ I et yt ∈ J .
Proposition 3.2.6. � Soit A un anneau. Soient I et J deux
idéaux de A. Alors IJ ⊂ I ∩ J . De plus, si I + J = A, alors on a
égalité IJ = I ∩ J .
Dans le cas où I + J = A, les idéaux I et J sont dits étrangers
ou comaximaux. Dans la littérature, on dit parfois premiers entre
eux, en s'inspirant du cas de l'anneau des entiers relatifs pour lequel
I = (a) et J = (b) sont étrangers si et seulement si les éléments a et b
sont premiers entre eux. Nous préférons cependant de dire étrangers
puisque dans certains anneaux, comme par exemple les anneaux de
polynômes à plusieurs variables, dire premiers entre eux peut prêter
18
à confusion : dans Q[X, Y ], on a (X) + (Y ) 6= Q[X, Y ], alors que X
est Y n'ont pas de diviseur en commun autre que les inversibles. On
y reviendra en détail plus tard dans le cours quand on étudiera les
notions de pgcd dans les anneaux factoriels.
Démonstration. Montrons la première assertion. Si x ∈ I et y ∈ J , leproduit xy appartient à la fois à I et à J . Par conséquent, xy ∈ I∩J .Ainsi l'idéal IJ , qui est engendré par ces produits, est contenu dans
I ∩ J .Pour la seconde assertion, on observe que si I + J = A, alors il
existe x et y tels que x+ y = 1. Soit z ∈ I ∩ J et écrivons
z = z1 = z(x+ y) = zx+ zy
Comme z ∈ I et x ∈ I, zx ∈ IJ . De même, zy ∈ IJ . Par conséquent,zx+ zy ∈ IJ et donc z ∈ IJ , d'où I ∩ J ⊂ IJ . �
Exercice 3.2.7. � Donner un exemple où l'inclusion de IJ dans
I ∩ J est stricte.
3.2.8. � (Nilradical) Soit I un idéal d'un anneau A. On dé�nit le
radical de I comme suit
√I = {a ∈ A ; il existe n ≥ 1, an ∈ I}
C'est un idéal de A qui contient I. On dé�nit le nilradical d'un
anneau A comme le radical de l'idéal nul. Par dé�nition, il est formé
des éléments a ∈ A tels qu'il existe un entier n ≥ 1 avec an = 0. De
tels éléments sont appelés nilpotent.
Exercice 3.2.9. � Soit A un anneau et x ∈ A un élément nilpotent.
Si n ≥ 0 est tel que xn+1 = 0 calculer
(1 + x)(1− x+ x2 − · · ·+ (−1)nxn).
En déduire que 1 + x est inversible dans A.
19
3.3. Idéaux et morphismes d'anneaux
Soit f : A→ B un morphisme d'anneaux. On appelle noyau de f
et l'on note Ker f l'ensemble des a ∈ A tels que f(a) = 0.
Proposition 3.3.1. � Soit f : A→ B un morphisme d'anneaux.
Alors ker f est un idéal.
Démonstration. Un morphisme d'anneaux est en particulier un mor-
phisme de groupes abéliens. On sait donc que Ker f est un sous-
groupe additif de A. De plus, si x ∈ Ker f et si a ∈ A, alors on a
f(ax) = f(a)f(x) = f(a)0 = 0. Ainsi ax ∈ Ker f et Ker f est donc
bien un idéal. �
3.3.2 (Image réciproque d'un idéal). � Soient f : A → B un mor-
phisme d'idéaux et J ⊂ B un idéal de B. Alors l'image réciproque
I = f−1(J) = {a ∈ A ; f(a) ∈ J}
est encore un idéal de A. On sait déjà, f étant un morphisme de
groupe abéliens, que l'image réciproque I est un sous-groupe de A.
De plus, si a ∈ A et x ∈ I, alors f(ax) = f(a)f(x) ∈ J , puisque f(x)
l'est et J est un idéal. Ainsi, ax ∈ f−1(J) et I est donc bien un idéal.
On retrouve bien entendu la proposition précédente pour J = (0).
3.3.3 (Image d'un idéal). � Par contre, l'image d'un idéal par un
morphisme d'anneaux f : A→ B n'est pas forcément un idéal dans
B. Par exemple, pour le morphisme d'anneaux f : Z→ Q dé�ni par
l'injection, les images de (n) ⊂ Z ne sont un idéal uniquement quand
n = 0. En e�et, Q est un corps et a donc exactement deux idéaux :
l'idéal nul et Q lui même.
On retiendra donc que les idéaux se comportent bien sous prise
d'image réciproque mais pas sous prise d'image.
L'image d'un idéal est cependant un idéal dans l'image f(A). En
e�et, soient I ⊂ A un idéal et J = f(I). On sait déjà, f étant en
particulier un morphisme de groupes abéliens, que J est un sous-
groupe additif de f(A). Soit z ∈ f(A) et x ∈ J . On choisit c ∈ A tel
20
que f(c) = z et a ∈ A tel que f(a) = x. Alors zx = f(c)f(a) = f(ca)
et comme I est un idéal, ca ∈ I, d'où zx ∈ J . L'image J = f(I) est
donc bien un idéal de l'anneau f(A).
Question : à quel moment est-ce que l'on a utilisé que J est vu
dans l'anneau image f(A) et non dans B plus généralement ?
21
4. Anneaux quotient
4.1. Dé�nitions, premières propriétés
Soit A un anneau et I un sous-groupe additif de A. Comme (A,+)
est abélien, le quotient A/I est un groupe abélien. Le morphisme de
groupes π : A → A/I, qu'on appellera souvent la surjection cano-
nique, a I pour noyau.
Supposons A/I muni d'une structure d'anneau de manière à ce
que π soit un morphisme d'anneaux. Alors le produit dans A/I est
donné par :
(a+ I).(b+ I) = π(a).π(b) = π(ab) = ab+ I,
et le sous-groupe I, en tant que noyau du morphisme d'anneaux π,
est nécessairement un idéal.
On va donc dé�nir une multiplication sur A/I par la formule ci-
dessus et montrer que si réciproquement I est un idéal, elle est bien
dé�nie, c'est-à-dire ne dépend pas des représentants choisis. Elle dé-
�nira donc une structure d'anneaux sur A/I.
Véri�ons que, pour tous a, b de A, la classe du produit ab + I ne
dépend que des classes a+ I et b+ I. Or, si le sous-groupe additif I
est un idéal :
(a+I)(b+I) = {a′b′|a′−a ∈ I, b′−b ∈ I} ⊂ ab+aI+Ib+II ⊂ ab+I.
Ainsi, si a′ + I = a + I et b′ + I = b + I, alors a′b′ ∈ ab + I et
a′b′ + I = ab + I. L'élément 0 de A/I est dé�ni par 0 + I = I
et l'élément 1 par 1 + I. Que A/I est ainsi muni d'une structure
d'anneau découle ensuite directement du fait que A est un anneau.
On a donc montré :
Proposition 4.1.1. � Soit A un anneau et I un sous-groupe
additif de A. Les lois de A munissent le quotient A/I d'une structure
d'anneau si, et seulement si, le sous-groupe I est un idéal de A.
22
Si I ⊂ A est un idéal, A/I est en tant qu'ensemble le quotient de
A par la relation d'équivalence a ∼ b ⇔ a − b ∈ I. Si l'on note une
classe d'équivalence de A/I par [a], la structure d'anneau est donné
par [a]+[b] := [a+b] et [a][b] = [ab]. Cette notation a l'avantage d'être
plus courte que a+ I, mais est moins précise dans le sens qu'elle ne
mentionne pas l'idéal I. Quand il n'y a pas de risque de confusion,
on utilisera souvent la notation [a] pour désigner une classe. Mais le
plus souvent, on voit l'anneau A/I comme un anneau tout court, et
on notera ses éléments donc par x, y, z, . . .
4.2. Propriété universelle
Les anneaux quotients véri�ent également la propriété universelle
des quotients :
Proposition 4.2.1. � Soit A un anneau et I un idéal de A.
Pour tout morphisme d'anneaux f : A → B s'annulant sur l'idéal
I, il existe un unique morphisme d'anneaux f : A/I → B rendant
commutatif le diagramme
A
p
��
f// B
A/If
==||
||
.
Démonstration. D'après la proposition 1.2.1) il existe un unique mor-
phisme de groupes f faisant commuter le diagramme ; il est dé�ni
par :
f([a]) = f(a).
Il est immédiat que f est un morphisme d'anneaux. �
Corollaire 4.2.2. � Tout homomorphisme d'anneaux f : A→B se factorise par un isomorphisme d'anneaux A/Ker f → f(A).
23
4.3. Les idéaux d'un anneau quotient
Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, A/I l'anneau quotient et π :
A→ A/I la surjection canonique.
On s'intéresse aux idéaux de l'anneau A/I. Soit J ⊂ A/I un idéal
de A/I. Comme π est un morphisme d'anneaux, J = π−1(J ) ⊂ A
est un idéal. Cet idéal contient obligatoirement l'idéal I = π−1(0).
Proposition 4.3.1. � Soit A un anneau et I un idéal de A. Alors
la surjection canonique π : A→ A/I induit une bijection
idéaux de A/I → idéaux de A
J 7→ π−1(J)
Autrement dit, pour tout idéal J de A qui contient I, il existe un
unique idéal J de A/I tel que J = π−1(J ). De plus on a J = π(J)
(et donc l'image d'un idéal est un idéal dans ce cas). En raison de la
proposition, les idéaux du quotient sont souvent notés J/I où J est
un idéal de A contenant I.
Démonstration. Construisons la bijection réciproque. Si J ⊂ A est
un idéal on sait déjà, d'après 3.3.3, que π(J) ⊂ A/I est un idéal de
A/I, puisque π est surjectif. Pour montrer la proposition, il su�t
donc de véri�er que
� π(π−1(J )) = J et que
� π−1(π(J)) = J si J contient I.
Pour la première assertion, on observe qu'un élément x de π(π−1(J ))
est de la forme x = π(a) pour a ∈ π−1(J ). Ainsi, x ∈ J . Récipro-quement, si x ∈ J , on choisit a ∈ A tel que x = π(A). Ainsi,
π(a) = x ∈ (J), d'où a ∈ π−1(J ) et x est donc bien dans π(π−1(J )).
Pour la seconde assertion, on observe d'abord que pour tout idéal
J de A on a π−1(π(J)) = I + J . En e�et, si x ∈ I + J , alors
x est de la forme a + b avec a ∈ I et b ∈ J . On voit donc que
π(x) = π(a) + π(b) = π(b) ∈ π(J), d'où π(x) ∈ π(J). Inversement,
si x ∈ π−1(π(J)), alors π(x) = π(a) pour un a dans J . On a alors
24
π(x−a) = 0, autrement dit x−a ∈ I. Ainsi x = (x−a)+a appartient
bien à I + J . En particulier, si J contient I, alors I + J = J ce qui
démontre la seconde assertion. �
Proposition 4.3.2. � Soit A un anneau, I un idéal de A et
J un idéal de A contenant I. Alors la composition des surjections
canoniques A→ A/I → (A/I)/(J/I) a pour noyau J . En particulier,
on a un isomorphisme canonique
A/J ' (A/I)/(J/I).
Démonstration. Si a ∈ J , alors son image sous
A→ A/I → (A/I)/(J/I)
est nul. Si a ∈ A appartient au noyau de ce morphisme, π(a) ∈ J/I.Comme J/I = π(J), on voit que a ∈ π−1(π(J)) = J . Son noyau est
donc bien J . Comme ce morphisme est surjectif, le corollaire 4.2.2
nous donne l'isomorphisme recherché. �
Le quotient d'un anneau quotient est donc encore un quotient du
même anneau.
4.4. Le théorème chinois sous sa forme générale
Théorème 4.4.1. � Soit A un anneau. Soient I et J deux idéaux
étrangers de A. Alors il existe un unique isomorphisme d'anneaux
A/IJ ' A/I × A/J
Démonstration. On considère le morphisme d'anneaux
ϕ : A→ A/I × A/J
qui associe à l'élément a ∈ A, l'élément (πI(a), πJ(a)). Ce morphisme
est surjectif. En e�et, comme I + J = A, il existe des éléments x ∈ Iet y ∈ J tels que x+ y = 1. Dans A/I, on a 1 = πI(y) et dans A/J ,
on a 1 = πJ(x). Par conséquent, on a ϕ(x) = (0, 1) et ϕ(y) = (1, 0)
dans A/I × A/J . Si a, b ∈ A, on en déduit que
ϕ(bx+ ay) = (0, πJ(b)) + (πJ(a), 0) = (πI(a), πJ(b))
25
et ϕ est donc bien surjectif. Son noyau est I ∩ J . À nouveau, comme
I + J = A, on sait d'après la proposition 3.2.6, que I ∩ J = IJ .
Le corollaire 4.2.2 montre alors que l'on a l'isomorphisme recherché,
d'où la proposition. �
26
5. Idéaux premiers, maximaux
5.1. Dé�nitions, premières propriétés
Soit I un idéal de A. On dit que I est un idéal propre de A si
I 6= A.
Définition 5.1.1. � Soit A un anneau et soit I un idéal de A.
On dit que I est un idéal premier si
� l'idéal I est propre ;
� si a, b ∈ A sont tels que ab ∈ I, alors a ∈ I ou b ∈ I.
Cette notion généralise celle de nombre premier. En e�et, si un
produit d'entiers ab est multiple d'un nombre premier p, alors a ou b
est multiple de p. La condition que I est propre, donc que I 6= A, est
analogue à la convention qui dit que 1 n'est pas un nombre premier.
Parfois on utilise la seconde assertion sous sa forme contraposée :
si a et b sont deux éléments de A n'appartenant pas à I, alors leur
produit ab n'appartient pas à I.
Proposition 5.1.2. � Un idéal I d'un anneau A est premier si
et seulement si l'anneau quotient A/I est intègre.
Démonstration. Dire que A/I est intègre signi�e d'abord que A/I
n'est pas l'anneau nul ou autrement dit que I est propre. Ensuite,
si un produit xy d'éléments de A/I est nul, alors x ou y est nul.
Maintenant on écrit x = [a] et y = [b] pour a, b ∈ A. Comme xy =
[a][b] = [ab], on voit que xy = 0 équivaut à ab ∈ I. �
Exemple 5.1.3. � L'idéal (0) d'un anneau est premier si et seule-
ment si A est intègre.
Exemple 5.1.4. � Dans l'anneau Z, un idéal (n) est premier si, et
seulement si, n est premier.
Exemple 5.1.5. � Si k est un corps, les idéaux (X) et (X, Y ) de
k[X, Y ] sont premiers.
27
Proposition 5.1.6. � Soit f : A→ B un morphisme d'anneaux.
Alors l'image réciproque d'un idéal premier est encore premier.
Démonstration. Soit Q ⊂ A un idéal premier et P = f−1(Q). Obser-
vons d'abord que P est propre. En e�et, f(1A) = 1B 6∈ Q, puisquesinon, Q ne serait pas propre. Ainsi 1 6∈ P et P n'est pas propre.
Soient a, b ∈ A avec ab ∈ P . Ainsi f(ab) = f(a)f(b) ∈ Q. Comme
Q est premier, f(a) ou f(b) appartient à Q, ce qui signi�e a ∈ P ou
b ∈ P . �
En utilisant la proposition 5.1.2 on peut raisonner mieux ainsi :
l'idéal P n'est autre que le noyau de A→ B → B/Q. Par la propriété
universelle des quotients, on obtient une injection A/P ↪→ B/Q.
L'anneau A/P est donc isomorphe à un sous-anneau deB/Q. Comme
B/Q est intègre, et tout sous-anneau d'un anneau intègre est encore
intègre, l'anneau A/P est intègre et par conséquent P premier.
Définition 5.1.7. � Soit A un anneau. Un idéal I est dit maxi-
mal s'il est propre et si les seuls idéaux de A contenant I sont I et
A.
Un idéal maximal est donc un élément maximal de l'ensemble des
idéaux propres de A pour la relation d'ordre donné par l'inclusion.
Proposition 5.1.8. � Un idéal I d'un anneau A est maximal si
et seulement si l'anneau A/I est un corps.
Démonstration. Remarquons d'abord que dire que A/I est nul équi-
vaut à dire que I n'est pas propre : si I est maximal, A/I n'est pas
nul ; si A/I est un corps, il est en particulier non nul puisque l'an-
neau nul n'est pas un corps. Ensuite, d'après l'exemple 3.1.3, A/I
est un corps si et seulement s'il a deux idéaux, 0 et A/I. Par image
réciproque, d'après la proposition 4.3.1, cela signi�e que I et A sont
les deux seuls idéaux de A contenant I. �
Exemple 5.1.9. � L'idéal (0) d'un anneau est maximal si et seule-
ment si A est un corps.
28
Exemple 5.1.10. � Un idéal maximal est premier. En e�et, si I est
maximal, A/I est un corps et donc en particulier intègre. Cependant
la réciproque n'est pas vraie en général. Dans l'anneau Z, l'idéal (0)
est premier puisque Z est intègre mais non maximal puisque Z n'est
pas un corps.
Exemple 5.1.11. � Soit f : A → B un morphisme d'anneaux.
On a vu que l'image réciproque d'un idéal premier de B sous f est
encore premier. Un énoncé analogue pour les idéaux maximaux n'est
pas vrai en général. Par exemple, si l'on prend pour f le morphisme
d'anneaux injectif f : Z→ Q, alors l'image réciproque de l'idéal (0)
n'est pas maximal.
Exemple 5.1.12. � Soit k un corps. Dans l'anneau des polynômes
à deux variables k[X, Y ] l'idéal (X, Y ) est maximal puisque le quo-
tient k[X, Y ]/(X, Y ) est isomorphe à k. En e�et, observons d'abord
que (X, Y ) est un idéal propre. Sinon, il existerait alors A et B dans
k[X, Y ] tels que 1 = A(X, Y )X+B(X, Y )Y . Or, le terme constant du
membre de droite est nul, tandis que celui du membre de gauche est
égal à 1. Contradiction. Ensuite, on considère le morphisme d'évalua-
tion k[X, Y ]→ k qui associe au polynôme P (X, Y ) sa valeur P (0, 0)
en (0, 0). C'est évidemment un morphisme surjectif. Soit P dans le
noyau. Alors P n'a pas de terme constant. C'est donc un élément de
(X, Y ) d'après la proposition 3.2.2. Ainsi le quotient k[X, Y ]/(X, Y )
s'identi�e bien à k et (X, Y ) est maximal.
L'idéal (X) n'est pas maximal puisque l'inclusion (X) ⊂ (X, Y )
est stricte. C'est cependant un idéal premier : k[X, Y ]/(X) ' k[Y ]
est intègre. Pour voir le dernier isomorphisme on raisonne comme
ci-dessus en considérant cette fois-ci l'application P 7→ P (0, Y ).
5.2. Existence d'un idéal maximal
Est-ce qu'un anneau admet-t-il toujours un idéal maximal ? Est-ce
que tout idéal propre est contenu dans un idéal maximal ? Pour ré-
pondre en général à ces questions, il faut s'autoriser à utiliser l'axiome
29
du choix ou, sous sa forme équivalente, le lemme de Zorn. Rappe-
lons qu'un ensemble ordonné est totalement ordonné si tous les élé-
ments de cet ensemble sont comparables. Le lemme de Zorn a�rme
alors que si E est un ensemble ordonné non vide satisfaisant à la
propriété : toute partie totalement ordonnée non vide a une borne
supérieure dans E, alors E a un élément maximal.
Théorème 5.2.1. � Tout anneau non nul possède au moins un
idéal maximal
Démonstration. On va appliquer le lemme de Zorn à l'ensemble E
des idéaux propres de A ordonné par l'inclusion. Cet ensemble n'est
pas vide puisqu'il contient l'idéal nul. Montrons que toute famille (It)
totalement ordonnée d'idéaux propres a une borne supérieure dans
E, à savoir l'idéal I = ∪tIt. Il s'agit de véri�er d'une part que I est
bien un idéal et d'autre part que I est propre.
En général, la réunion d'une famille d'idéaux n'est pas un idéal.
Ici, dans le cas de la réunion d'une famille totalement ordonné, c'est
cependant le cas. Il est clair que 0 ∈ I. Si x, y ∈ I, il existe s et
t tels que x ∈ Is et y ∈ It. On a It ⊂ Is ou Is ⊂ It puisque la
famille est totalement ordonné. Sans restriction, on peut supposer
que Is ⊂ It. Alors x + y ∈ It et donc x + y ∈ I. Si a ∈ A et x ∈ I,on sait qu'il existe t tel que x ∈ It. Comme It est un idéal ax ∈ It etpar conséquent ax ∈ I. Pour montrer la seconde assertion supposons
le contraire, c'est-à-dire que I = A. Dans ce cas, 1 ∈ I. Il existe
donc t tel que 1 ∈ It. Mais alors It = A et It ne serait pas propre.
Contradiction. �
Corollaire 5.2.2. � Dans un anneau non nul, tout idéal propre
est contenu dans un idéal maximal.
Proposition 5.2.3. � Soit A un anneau. Un élément de A est
inversible si et seulement si il n'appartient à aucun idéal maximal.
Démonstration. Si a est inversible, l'idéal (a) contient 1 et est donc
égal à A. Ainsi, le seul idéal contenant a est égal à A et a ne peut
30
appartenir à aucun idéal maximal. Réciproquement, si a n'est pas
inversible, (a) 6= A. D'après le corollaire précédent, il existe un idéal
maximal de A contenant (a) et donc en particulier a. �
On termine la section en précisant la relation entre idéaux d'un
anneau et dans un quotient, donné dans la proposition 4.3.1.
Proposition 5.2.4. � Soit A un anneau, I un idéal de A et
π : A → A/I la surjection canonique. La bijection donnée par π−1
entre idéaux de A/I et idéaux de A contenant I induit des bijections
entre
� idéaux premiers de A/I et idéaux premiers de A contenant I ;
� idéaux maximaux de A/I et idéaux maximaux de A contenant
I.
Démonstration. Soit J un idéal de A contenant I. Il s'agit de montrer
que J est premier (resp. maximal) si et seulement J/I ⊂ A/I l'est.
Or, sait déjà que A/J est isomorphe à (A/I)/(J/I) d'après la pro-
position 4.3.2. En utilisant les critères sur l'anneaux quotient pour
qu'un idéal soit premier ou maximal (propositions 5.1.2 et 5.1.8), on
voit que J/I est premier (resp. maximal) dans A/I si et seulement
si J est premier (resp. maximal) dans A. �
31
6. Localisation
6.1. Dé�nitions, premières propriétés
Dans cette section nous allons généraliser le passage de l'anneau
des entiers Z au corps des rationnels Q aux anneaux quelconques.
On procédera en imitant le calcul de fractions que l'on apprend au
collège.
Définition 6.1.1. � Soit A un anneau. Une partie S de A est
dite multiplicative si elle véri�e les propriétés
� 1 ∈ S ;
� si s, s′ ∈ S alors ss′ ∈ S.
Autrement dit, une partie S de A est multiplicative si tout produit
�ni d'éléments de S appartient à S.
Exemple 6.1.2. � On véri�e sans peine que les parties suivantes
sont multiplicatives dans leurs anneaux respectivement.
a) S = {1} ;b) S = Z \ {0} dans Z ;
c) S = k[X] \ {0} dans k[X] pour un corps k ;
d) S = A \ {0} dans un anneau intègre A ;
e) S = A \ P dans un anneau A si P ⊂ A est un idéal premier ;
f) S = {1, 10, 100, . . .}, l'ensemble des puissances de 10 dans Z ;
g) S = {an ; n ∈ N} = {1, a, a2, a3, . . .} pour a ∈ A.h) Soit f : A → B un morphisme d'anneau. Si S est une partie
multiplicative de A, alors f(S) est encore une partie multiplicative
de B. Inversement, si T est une partie multiplicative de B, alors
f−1(T ) est encore une partie multiplicative de A.
i) Si I est un idéal de A, alors l'ensemble S = 1 + I des éléments
de la forme 1 + x avec x ∈ I est une partie multiplicative. En e�et,
c'est l'image réciproque de la partie multiplicative {1} de A/I sous
la surjection canonique π : A→ A/I.
32
Notre but sera de construire, pour un anneau A et une partie
multiplicative S de A, un anneau S−1A, aussi petit que possible,
et un morphisme d'anneaux i : A → S−1A tel que i(S) est formé
d'éléments inversibles dans S−1A.
On souhaite par exemple retrouver pour A = Z et S = Z \ {0}le corps des rationnels Q et pour A = Z et S = {1, 10, 100, . . .},l'ensemble des nombre décimaux, c'est-à-dire l'ensemble des nombres
rationnels qui peuvent s'écrire de la forme a/10n avec a ∈ Z et n ∈ N.
6.1.3. � Soit A un anneau et S une partie multiplicative de A. On
dé�nit sur l'ensemble A× S la relation d'équivalence ∼ comme suit
(a, s) ∼ (b, t) :⇔ un u ∈ S tel que r(at− bs) = 0
C'est bien une relation d'équivalence. En e�et,
a) on a (a, s) ∼ (a, s) puisque 1 ∈ S et 1(as−as) = 0 (ré�exivité) ;
b) si (a, s) ∼ (b, t), il existe r ∈ S tel que r(at − bs) = 0 et donc
r(bs− at) = 0 d'où (b, t) ∼ (a, s) (symétrie) ;
c) si (a, s) ∼ (b, t) et si (b, t) ∼ (c, u), on choisit v, w ∈ S tels que
v(at− bs) = 0 et w(bu− ct) = 0. Il suit, comme
t(au− cs) = u(at− bs) + s(bu− ct),
que vwt(au − cs) = 0 et puisque r = vwt ∈ S, on a (a, s) ∼ (c, u)
(transitivité).
On désigne par S−1A l'ensemble des classes d'équivalence. La classe
de (a, s) est notée a/s. On note i : A→ S−1A l'application qui asso-
cie à a ∈ A la classe a/1 dans S−1A. On va maintenant munir S−1A
d'une structure d'anneau de manière à ce que i est un morphisme
d'anneaux. On va imiter la dé�nition habituelle pour la somme et le
produit de fractions. Par dé�nition, l'élément 0 ∈ S−1A est la classe
0/1, l'élément 1 ∈ S−1A est la classe 1/1. Ensuite, on pose
(a/s) + (b/t) := (at+ bs)/st, (a/s)(b/t) := (ab/st).
33
Il s'agit maintenant de véri�er d'abord que la dé�nition a un sens,
c'est-à-dire ne dépend pas du choix des représentants, puis que l'on a
ainsi bien dé�ni une structure d'anneau sur S−1A. Ces véri�cations
sont un peu longues mais sans surprise, familières pour les entiers,
et seront laissés au lecteur. Montrons, pour terminer la construction,
que l'application i : A → S−1A est bien un morphisme d'anneaux
avec ces dé�nitions. On a bien i(0) = 0/1 = 0 et i(1) = 1/1 = 1 et
pour tous a, b ∈ A, on a
i(a+ b) = (a+ b)/1 = a/1 + b/1 = i(a) + i(b)
pour la somme et
i(ab) = (ab)/1 = (a/1)(b/1) = i(a)i(b)
pour le produit. Si s ∈ S, alors i(s) = s/1 et i(s)1/s = s/s = 1.
Ainsi, i(s) est inversible dans S−1A pour tout s ∈ S. Souvent, on
appellera le morphisme i : A→ S−1A morphisme canonique.
6.1.4. � Dans la construction ci-dessus, la relation d'équivalence
peut paraître surprenante puisque elle semble moins forte que la règle
habituelle at = bs. Dans le cas où A est intègre et 0 6∈ S, c'est
bien sûr équivalent. En général cependant, la règle at = bs ne nous
donne pas une relation d'équivalence, ce qui explique pourquoi nous
sommes obligé de procéder comme ci-dessus. Le calcul de fractions
dans un anneau non intègre, et donc l'utilisation d'un élément r ∈ Stel que r(at−bs) = 0 dans la relation d'équivalence, demande un peu
d'attention en général. Le plus simple dans un premier temps sera de
toujours écrire la relation explicitement dans ce cas pour ne pas se
laisser induire en erreur par ses habitudes du calcul de fraction. Bien
entendu, dès que A est intègre, on calculera comme on a l'habitude.
Exemple 6.1.5. � Voilà quelques exemples d'anneaux S−1A.
a) Soit A un anneau et S = {1}. Alors S−1A = A.
b) Soit A = Z est S = Z \ {0}. Alors S−1A = Q.
34
c) Soit A un anneau intègre et S = A \ {0}. Alors S−1A est un
corps. En e�et, soit a/s ∈ S−1A. Si cet élément est nul, il existe
par dé�nition b ∈ A \ {0}, tel que ab = 0. Comme A est intègre,
a = 0. En particulier 1/1 6= 0 et l'anneau S−1A est non nul. Si a/s
est non nul, on a a 6= 0 et s/a est donc un élément de S−1A. Comme
on a (a/s)(s/a) = 1, il suit que (a/s) est inversible. L'anneau S−1A
est donc bien un corps. Ce corps est appelé corps de fractions de
l'anneau A et noté K(A). Dans le cas particulier où A = k[X] pour
un corps k, le corps S−1k[X] est noté k(X) et est appelé le corps des
fractions rationnelles à coe�cients dans k.
d) Soit A un anneau et S = {1, a, a2, a3, . . .} pour un élément a ∈A. L'anneau S−1A sera noté Aa et appelé le localisé de A par rapport
à a. Dans le cas où A = Z et f = 10, l'anneau Z10 est l'anneau des
nombres décimaux.
e) Soit A un anneau et P un idéal premier. L'anneau S−1A pour
S = A \ P sera noté AP et appelé le localisé de A en P .
L'anneau S−1A est en général appelé le localisé de l'anneau A par
rapport à la partie multiplicative S. Cette appellation provient de la
géométrie algébrique.
Attention aux notations : Soit p ∈ Z un nombre premier et (p) ⊂ Zl'idéal premier associé. Il faut bien distinguer entre les localisations
des deux derniers exemples :
Zp = {as∈ Q ; le seul facteur premier de s est p} et
Z(p) = {as∈ Q ; aucun facteur premier de s est p}
En particulier, on a Zp ∩ Z(p) = Z dans Q. Ces notations ne sont
pas facilitées par le fait que dans la littérature on trouve parfois Zpcomme notation pour le quotient Z/(p) ou pour l'anneau des entiers
p-adiques.
6.1.6. � Soit A un anneau et S une partie multiplicative. Est-ce
qu'il peut arriver que S−1A est l'anneau nul ? D'après la dé�nition la
35
fraction a/s est nulle dans S−1A si et seulement si il existe r ∈ S tel
que r(a1− s0) = ra = 0. Dire que S−1A est nul signi�e que 1/1 = 0,
c'est-à-dire qu'il existe r ∈ S tel que r1 = r = 0, ou autrement dit
que 0 ∈ S. On voit donc que l'anneau S−1A est nul si et seulement
si 0 ∈ S. Cela nous explique l'interdiction de diviser par zéro dans le
calcul des fractions du collège. Sinon, toute fraction serait égale à 0.
6.1.7. � Soit A un anneau et S une partie multiplicative. Sous
quelle condition est-ce que le morphisme canonique i : A → S−1A
est injectif ? Supposons que a ∈ Ker(i). Alors a/1 = 0/1 dans S−1A
ou autrement dit il existe r ∈ S tel que ra = 0. On voit donc que i
est injectif si et seulement si aucun élément de S n'est un diviseur de
zéro de A. En particulier, si A est intègre, le morphisme canonique
est toujours injectif.
Au début de la section, on avait dit qu'on cherchait un anneau
�aussi petit que possible�. Cela se traduit par la propriété universelle
suivante.
Proposition 6.1.8. � Soit A un anneau, S une partie multipli-
cative de A et i : A → S−1A le morphisme canonique. Alors, pour
tout morphisme d'anneau f : A → B tel que f(S) ⊂ B×, il existe
un unique morphisme d'anneaux g : S−1A→ B rendant commutatif
le diagramme
A
i��
f// B
S−1A
g
<<yy
yy
y
Démonstration. Si l'application g existe, on doit avoir
g(a/s)f(s) = g(a/s)g(s/1) = g(a/1) = f(a)
et par la suite, puisque f(s) est inversible, que
g(a/s) = f(a)f(s)−1.
36
La relation ci-dessus nous dira que g est unique, dès que g existe. Pour
l'existence, on dé�nira g par cette formule, puis on montre d'abord
que g est bien dé�ni, c'est-à-dire ne dépend pas des représentants
d'une classe, puis que g dé�nit bien un morphisme d'anneaux. Ces
véri�cations sont immédiates et laissés au lecteur. �
L'anneau Aa obtenu par localisation d'un élément a de A est en
fait un anneau quotient :
Proposition 6.1.9. � Soient A un anneau et a un élément de
A. Soit S = {1, a, a2, . . .} la partie multiplicative des puissances de
a. Le morphisme canonique
f : A[X]→ S−1A, P 7→ P (1/a)
est surjectif avec pour noyau l'idéal (1 − aX). En particulier, on a
un isomorphisme
f : A[X]/(1− aX) ' S−1A
Démonstration. Un élément de S−1A s'écrit sous la forme b/an pour
un certain b ∈ A et n ∈ N. Il est image du monôme bXn de A[X]
et f est donc bien surjectif. On a f(1 − aX) = 1 − a/a = 0 donc le
noyau de f contient bien l'idéal (1 − aX). Pour montrer que noyau
est précisément (1− aX), on va montrer que le morphisme f est un
isomorphisme, en construisant son inverse. Considérons le morphisme
A→ A[X]/(1− aX), b 7→ [b]
ou autrement dit le morphisme qui associe à l'élément b ∈ A la classe
du polynôme constant b dans le quotient A[X]/(1 − aX). Dans ce
quotient [aX] = 1 et [a] est donc inversible d'inverse [X]. Ainsi,
par la propriété universelle du localisé (proposition 6.1.8) il existe
un unique morphisme g : S−1A → A[X]/(1 − aX) tel que l'on ait
g(b) = g(b/1) = [b]. Par construction, g(b/an) = [bXn]. Montrons que
g est bien l'inverse de f . Si P ∈ A[X], on a par dé�nition g(f(P )) =
37
g(P (1/a). Si l'on écrit P =∑bnX
n, on voit que
g(P (1/a)) = g(∑
bn/an) =
∑g(bn/a
n) =∑
[bnXn] = [P ],
d'où g ◦ f = Id. Si on applique d'abord g et ensuite f on trouve
f(g(b/an)) = f [bXn] = f(bXn) = b/an.
Ainsi on a f ◦ g = Id et f est donc bien un isomorphisme. �
6.2. Idéaux d'un anneau localisé
Le localisé d'un anneau conserve bien des aspects de l'anneau d'ori-
gine et peut en être vu comme une simpli�cation. C'est en particulier
le cas en ce qui concerne les idéaux. Soit A un anneau et S ⊂ A une
partie multiplicative.
Si I est un idéal de A, l'ensemble S−1I formé des fractions x/s
dont le numérateur x est dans I est un idéal de l'anneau S−1A. C'est
un idéal propre si et seulement si I ne rencontre pas S. Inversement,
si J est un idéal de l'anneau S−1A, son image réciproque i−1(J) dans
A est un idéal de A.
Proposition 6.2.1. � Soit A un anneau et soit S ⊂ A une partie
multiplicative de A.
a) Pour tout idéal J dans S−1A, on a S−1(i−1J) = J ;
b) pour tout idéal I dans A, on a : (S−1I) ∩ A ⊃ I ;
c) si J est un idéal premier de S−1A, l'idéal I = i−1(J) est l'unique
idéal premier de A disjoint de S tel que S−1I = J .
Démonstration. La démonstration est laissé en exercice. �
Proposition 6.2.2. � Soit A un anneau et soit S ⊂ A une partie
multiplicative de A. Alors l'application J 7→ i−1J induit une bijection
entre les idéaux premiers de S−1A est les idéaux premiers de A ne
rencontrant pas S.
Corollaire 6.2.3. � Soit A un anneau et soit S ⊂ A une partie
multiplicative de A. Alors si S ne contient pas l'élément 0, il existe
un idéal premier disjoint de S.
38
Démonstration. Comme S ne contient pas 0, l'anneau S−1A est non
nul. Il contient donc un idéal maximal M , d'après le théorème 5.2.1.
Soit P = i−1M . Alors P est premier d'après la proposition 5.1.6,
disjoint de S. �
Si A est intègre, le morphisme canonique i : A→ S−1A est injectif.
En identi�ant A avec son image dans S−1A, l'idéal i−1J de A n'est
autre que J ∩ A où l'intersection est prise dans S−1A. Dans ce cas,
la bijection ci-dessus est donnée par J 7→ J ∩ A.
6.2.4. � Soit A un anneau et P ⊂ A un idéal premier de A. D'après
ce que nous avons vu, les idéaux premiers de l'anneau A/P sont les
idéaux premiers de A contenant P ; les idéaux premiers de l'anneau
AP sont les idéaux premiers contenu dans P . Selon les questions, si
l'on est intéressé par les idéaux contenant P , il sera naturel de passer
au quotient A/P ; si l'on s'intéresse aux idéaux premiers contenus
dans P , on passera au localisé AP .
Exemple 6.2.5. � Soit P un idéal premier de A. Le localisé APn'a qu'un seul idéal maximal, le localisé S−1P ⊂ S−1A de l'idéal P .
39
7. Anneaux principaux
7.1. Dé�nitions, premières propriétés
Définition 7.1.1. � On dit qu'un anneau est principal s'il est
intègre et si tous ses idéaux sont principaux.
Exemple 7.1.2. � L'anneau des entiers Z est principal comme le
montre l'exemple 3.1.4.
Quand on regarde l'argument utilisé dans l'exemple 3.1.4 on ob-
serve que nous avons essentiellement utilisé la division euclidienne
dans Z. Ceci nous amène à la dé�nition suivante :
Définition 7.1.3. � Un anneau euclidien est un anneau intègre
muni d'une fonction dite degré δ : A \ {0} → N telle que pour tous
a et b dans A, avec b 6= 0, il existe q, r ∈ A tels que
� a = bq + r ;
� r = 0 ou δ(r) < δ(b).
L'élément r est souvent appelé le reste de la division de a par b. Il
faut cependant ne pas oublier que la paire (q, r) n'est pas dé�nie de
manière unique par les éléments a, b en général. Ce n'est déjà même
pas le cas pour A = Z muni de δ(a) = |a|.
Exemple 7.1.4. � a) L'anneau Z muni de la fonction δ(a) = |a|est un anneau euclidien.
b) Si k est un corps, l'anneau A = k[X] muni de la fonction δ(P ) :=
deg(P ) est un anneau euclidien. En e�et, si Q ∈ k[X] est non nul,
le coe�cient dominant de Q est automatiquement inversible, étant
donné que k est un corps. On pourra alors utiliser le théorème 2.3.5
pour conclure.
Proposition 7.1.5. � Un anneau euclidien est principal.
Démonstration. On va reprendre l'argument de l'exemple 3.1.4. Soit
I un idéal de A dont on veut montrer qu'il est principal. Comme
l'idéal nul est principal, on peut supposer que I 6= 0. Soit alors a ∈ I
40
un élément non nul tel que δ(a) soit minimal. Bien entendu, (a) ⊂ I
et il s'agit de montrer que I = (a). Soit x un élément quelconque de
I et choisissons q et r tels que x = aq+ r. Si r 6= 0, on a δ(r) < δ(a),
ce qui est absurde puisque r = x − aq appartient à I. Donc r = 0
et x = aq ∈ (a). Par suite, I = (a) et tout idéal de A est principal.
Comme A est intègre, A est principal. �
Exemple 7.1.6. � Soit k un corps. L'anneau k[X] est euclidien
donc principal d'après la proposition précédente. Cependant, ceci ne
reste pas vrai pour des anneaux de polynômes à plusieurs variables.
Déjà, l'anneau k[X, Y ] n'est plus principal. Pour le voir, on va mon-
trer que l'idéal (X, Y ) n'est pas principal. On va raisonner par l'ab-
surde. Supposons donc qu'il existe P ∈ k[X, Y ] tel que (X, Y ) = (P ).
Il existe alors Q et R dans k[X, Y ] tels que X = QP et Y = RP .
Si l'on écrit P = a0(X) + a1(X)Y + . . . comme un polynôme en
Y à coe�cients dans k[X], la relation X = QP nous dit alors que
degY P + degYQ = 0, donc P ne fait pas intervenir Y . Par le même
argument, la relation Y = PR nous dit que P ne fait pas inter-
venir X. Le polynôme P est donc constant et non nul. Il suit que
(P ) = (1), ce qui est impossible puisque (X, Y ) est un idéal propre
d'après l'exemple 5.1.12 .
Exemple 7.1.7. � Soit Z[i] l'ensemble des nombres complexes de
la forme a + ib avec a, b ∈ Z. C'est un sous-anneau du corps C. Ene�et, il est stable par addition, soustraction et multiplication puisque
(a+ ib)(c+ id) = (ac− bd)+ i(ad+ bc). C'est donc l'anneau engendré
par Z et i =√−1 dans C. On l'appelle l'anneau des entiers de Gauÿ.
On va montrer que Z[i] est euclidien et donc en particulier principal.
Pour cela on dé�nit δ(a + ib) = |a + ib|2 = a2 + b2. Reste à véri�er
que δ véri�e les condition d'un anneau euclidien. Soient x, y deux
éléments de Z[i] avec y 6= 0. Soit z = x/y dans C. Ce nombre est
de la forme z = z′ + iz′′. Observons qu'il existe a, b ∈ Z tels que
|z′−a| ≤ 1/2 et |z′′− b| ≤ 1/2. Soit q = a+ ib et r = x− yq. Ce sontdes éléments de Z[i]. Remarquons aussi que |z−q|2 ≤ 1/4+1/4 = 1/2
41
par construction de q. Alors on a
|r|2 = |x− yq|2 = |y|2|(x/y)− q|2 ≤ |y|2/2 < |y|2.
Par suite, δ(r) < δ(y).
7.2. Divisibilité et idéaux
Clari�ons la relation entre divisibilité et inclusion des idéaux. Dans
un anneau intègre A, on dira que a divise b et on note a|b s'il existec ∈ A tel que b = ca ou autrement dit si b ∈ (a) ou encore si (b) ⊂(a). L'application de l'ensemble A vers l'ensemble de ses idéaux, qui
associe à un élément l'idéal principal qu'il engendre transforme donc
divisibilité en inclusion. Quand est-ce que deux éléments engendrent
le même idéal principal ?
Proposition 7.2.1. � Deux éléments x et y d'un anneau intègre
A engendrent le même idéal principal si et seulement s'il existe un
élément inversible u telle que : y = ux. Quand c'est le cas, on dit que
x et y sont associés
Démonstration. Par dé�nition x|y et y|x ⇔ (x) = (y). Si y = ax et
x = by, alors xy = abxy et donc (1 − ab)xy = 0. Comme l'anneau
est intègre on doit avoir ab = 1, si bien que a et b sont inversibles.
La réciproque est claire. �
Dans un anneau principal A, si a et b sont des éléments de A, l'idéal
(a, b) est de la forme (c). Alors c divise a et b et c'est le plus grand
des diviseurs au sens de l'inclusion des idéaux. D'après la proposition
précédente, l'élément c est bien dé�ni à un inversible près. On pourra
donc dé�nir le pgcd de a et b par un générateur de (a, b), sachant
qu'il est bien dé�ni à inversible près. Cette notion fait en fait sens
dans des anneaux plus généraux, les anneaux factoriels, que l'on va
étudier au chapitre suivant.
42
7.3. Éléments irréductibles ; éléments premiers
Définition 7.3.1. � Soit A un anneau intègre. Un élément a de
A est dit irréductible si
� a n'est pas inversible ;
� si b, c ∈ A sont tels que a = bc, alors b ou c est inversible.
Autrement dit, un élément non nul a dans A est irréductible s'il
n'est pas une unité, et s'il n'a que des factorisations a = bc banales,
avec b ou c une unité. On observe que 0 = 0 ·0 n'est pas irréductible.
Définition 7.3.2. � Un élément d'un anneau intègre est premier
si l'idéal qu'il engendre est premier.
En d'autres termes, un élément est premier si, quand il divise un
produit, il divise l'un des facteurs.
Proposition 7.3.3. � Tout élément premier d'un anneau intègre
est irréductible.
Démonstration. Montrons la contraposée. Soit a un élément réduc-
tible, et a = bc une factorisation non banale : ni b, ni c ne sont
associés à a, si bien que a divise bc, mais ne divise ni b, ni c. Ceci
montre que a n'est pas premier. �
Exemple 7.3.4. � Il faut faire très attention cependant au fait que
la réciproque n'est pas vraie en général. Considérons le sous-anneau
de C engendré par Z et i√
5 ou autrement dit l'anneau Z[i√
5] des
nombres qui peuvent s'écrire a + ib√
5 pour des entiers relatifs a
et b. Notez qu'une telle écriture est unique et qu'en particulier les
multiples de 2 sont les nombres de la forme a + ib√
5 avec a et b
pairs. L'élément (1 + i√
5)(1 − i√
5) = 6 est divisible par 2, mais
aucun des facteurs n'est divisible par 2. L'idéal (2) n'est donc pas
premier, ou autrement dit l'élément 2 n'est pas premier dans cet
anneau. L'élément 2 est cependant irréductible dans cet anneau. En
e�et, supposons 2 = xy. Les éléments x et y s'écrivent x = a+ ib√
5
et y = c + id√
5. On prenant le carré du module de ces nombres
43
complexes, on voit que 4 = (a2 + 5b2)(c2 + 5d2). Ceci force b = d = 0
d'où 2 = ac. Mais alors a = ±1 ou c = ±1 et 2 = xy est donc banale.
Proposition 7.3.5. � Dans un anneau intègre, chaque assertion
ci-dessous entraîne la suivante :
a) l'idéal engendré par a est maximal ;
b) l'élément a est premier ;
c) l'élément a est irréductible.
Si l'anneau est principal, ces trois propriétés sont équivalentes.
Démonstration. Il su�t de montrer que la troisième propriété im-
plique la première dans un anneau principal. Soit donc a irréductible
et considérons l'idéal (a) ⊂ A. Si (a) n'est pas maximal, il existe un
idéal maximal M tel que (a) ⊂M soit strictement contenu dans M .
Comme A est principal il existe m ∈ A tel que (m) = M . Mais alors
a = mn pour un n ∈ A. L'élément m n'est pas inversible, sinon M
ne serait pas propre. L'élément n n'est pas inversible non plus, sinon
on aurait (a) = (m). On a donc trouvé une factorisation non banale
de a, contraire à l'hypothèse que a est irréductible. �
En particulier, dans un anneau principal un élément irréductible
est premier. Cet énoncé est parfois appelé lemme de Gauÿ.
On retrouve aussi pour les anneaux principaux le résultat bien
connu pour les entiers qu'un entier relatif est irréductible si et seule-
ment s'il est un nombre premier (ou l'opposé d'un nombre premier).
44
8. Anneaux factoriels
8.1. Dé�nitions, premières propriétés
Définition 8.1.1. � On dit qu'un anneau A est factoriel si
tout élément non nul de A peut s'écrire, de manière essentiellement
unique, comme produit d'éléments irréductibles de A.
Dans la dé�nition ci-dessus, on demande donc l'existence d'une
décomposition en éléments irréductibles et son unicité dans un sens
que l'on va préciser dans un instant. L'existence signi�e que si a est
un élément non nul de A, il existe n ≥ 0, des éléments irréductibles
p1, . . . , pn de A et un élément inversible u ∈ A tels que a = up1 . . . pn.
On permet expressément n = 0 dans la décomposition ci-dessus :
dans ce cas a = u est inversible. L'unicité est à l'ordre et à des
éléments inversibles près : si a = up1 . . . pn = u′p′1 . . . p′m, on demande
que l'on a m = n et qu'il existe une permutation σ ∈ Σn et des
éléments inversibles ui, pour i = 1, . . . , n, tels que p′σ(i) = uipi.
L'anneau Z est un anneau factoriel : tout entier se décompose en
facteurs premiers et cette décomposition est essentiellement unique.
Il est souvent utile de normaliser la décomposition en facteurs
irréductibles. Pour cela, on choisit une famille (pi)i∈I d'éléments ir-
réductibles de A telle que :
� tout élément irréductible de A est associé à l'un des pi ;
� si i 6= j, pi et pj ne sont pas associés.
Ce choix étant e�ectué, tout élément non nul de A s'écrit, cette fois-ci
de manière unique, sous la forme
a = u∏i∈I
prii
où u est un élément inversible de A et où les ri sont des entiers
positifs ou nuls, avec seul un nombre �ni d'entre eux étant non nuls.
Un élément a = u∏prii divise donc un élément b = v
∏psii si et
seulement si pour tout i on a ri ≤ si. En e�et, si c ∈ A est tel que
45
b = ac, on écrit c = w∏ptii puis on observe que l'on a
b = v∏i∈I
psii = uw∏i∈I
pri+tii
d'où, par unicité, que si = ri+ti pour tout i. Inversement, on il su�t
de prendre c = uv∏
i psi−rii .
Lemme 8.1.2. � Dans un anneau factoriel, tout élément irréduc-
tible est premier.
Démonstration. On va montrer que si a est irréductible et si a|bc alorsa|b ou a|c. Pour simpli�er on va supposer avoir normalisé la décom-
position en facteurs irréductibles dans A. Comme a est irréductible,
on a a = upj pour un j ∈ I. Soient b = v∏psii et c = w
∏ptii les
décompositions en facteurs irréductibles de b et c. Comme a divise
bc, on sait que sj+tj ≥ 1. Mais alors sj ≥ 1 ou tj ≥ 1. En particulier,
a divise b ou c. �
La propriété ci-dessus dans un anneau factoriel que si un élément
irréductible p divise ab alors p divise a ou b est appelé propriété de
Gauÿ.
8.2. pgcd, ppcm
Soit A un anneau factoriel. Si a et b sont deux éléments (non nuls)
de A, on peut dé�nir leur ppcm et leur pgcd comme suit. Pour sim-
pli�er, on va supposer avoir normalisé la décomposition en facteurs
irréductibles. Soient a = u∏prii et b = v
∏psii les décompositions en
facteurs irréductibles de a et b. On pose
pgcd(a, b) =∏i∈I
pmin(ri,si)i et ppcm(a, b) =
∏i∈I
pmax(ri,si)i
Tout élément non nul de A qui divise a et b divise leur pgcd ; tout
élément de A multiple de a et de b est multiple de leur ppcm.
Définition 8.2.1. � Deux éléments a et b sont dits premiers
entre eux si leur pgcd est égal à 1.
46
Proposition 8.2.2. � Soit A un anneau factoriel et soient a et
b deux éléments non nuls de A. L'idéal engendré par pgcd(a, b) est
le plus petit idéal principal contenant l'idéal (a, b). L'idéal engendré
par ppcm(a, b) est le plus grand idéal principal contenu dans l'idéal
(a)∩ (b). En particulier, si A est un anneau principal, deux éléments
a et b sont premiers entre eux si et seulement si les idéaux (a) et (b)
sont comaximaux.
Démonstration. Soient a = u∏prii et b = v
∏psii les décompositions
en facteurs irréductibles de a et b. Un idéal principal (x) contient
l'idéal (a, b) si et seulement si a et b sont multiples de x. Si x =
w∏ptii est la décomposition en facteurs irréductibles de x, cela veut
dire que pour tout i, on a ti ≤ ri et ti ≤ si et donc ti ≤ min(ri, si) ce
qui signi�e que x divise le pgcd de a et b. Pour l'énoncé sur le ppcm,
on observe qu'un idéal principal (x) est contenu dans (a) ∩ (b) si et
seulement si x est multiple de a et de b. Cela signi�e que pour tout
i, que ti ≥ ri et ti ≥ si, soit encore que ti ≥ max(ri, si), soit encore
que x est multiple du ppcm de a et b. �
Remarque 8.2.3. � Si l'on ne normalise pas la décomposition en
facteurs irréductibles, le ppcm et le pgcd de deux éléments sera bien
dé�ni à multiplication par un élément inversible près, ou autrement
dit un élément du monoïde quotient (pour la multiplication) A/A×.
8.3. Les anneaux principaux sont factoriels
Dans ce paragraphe nous démontrerons le théorème suivant :
Théorème 8.3.1. � Un anneau principal est factoriel.
En particulier, on retrouve que Z est factoriel. De même, l'anneau
k[X] des polynômes à coe�cients dans un corps k est factoriel.
On procédera en deux étapes. D'abord on montrera qu'il existe une
décomposition en éléments irréductibles puis on montrera qu'elle est
essentiellement unique.
47
Lemme 8.3.2. � Soit A un anneau principal et a ∈ A. Alors
il existe n ≥ 0, des éléments irréductibles p1, . . . , pn de A et un
inversible u de A tels que a = up1 . . . pn.
Démonstration. Supposons par l'absurde qu'il existe un élément a
non nul de A dont qui n'est pas produit d'éléments irréductibles.
Soit a1 = a. L'élément a n'est pas inversible (sinon a = u avec u
inversible serait une décomposition), ni irréductible (sinon a = p avec
p irréductible serait une décomposition). Soit a = bc une factorisation
non banale. Comme a n'est pas produit d'éléments irréductibles, b
ou c n'est pas produit d'éléments irréductibles. Soit a2 cet élément.
Ni b, ni c ne sont inversibles, l'idéal (a2) contient donc strictement
l'idéal (a1). On construit ainsi, par récurrence, une suite a1, a2, . . .
d'éléments de A tels que la suite d'idéaux
(a1) ⊂ (a2) ⊂ . . .
soit strictement croissante. Soit I la réunion de ces idéaux. Comme
la suite est croissante, c'est un idéal de A. Comme A est principal, il
existe x ∈ I tel que I = (x). Comme I est la réunion des (an), il existe
un entier n tel que x ∈ (an), d'où (x) ⊂ (an). Comme an ∈ I = (x),
on a aussi (an) ⊂ (x), d'où (an) = (x). Mais (an) est strictement
inclus dans (an+1) et (an+1) ⊂ (x). Contradiction. Tout élément non
nul d'un anneau principal admet donc une décomposition en éléments
irréductibles. �
Lemme 8.3.3. � Dans un anneau principal, toute décomposition
en facteurs irréductibles d'un élément est essentiellement unique.
Démonstration. On procède par récurrence sur le nombre minimal
de facteurs irréductibles intervenant dans une décomposition d'un
élément a ∈ A. Si a est inversible, c'est-dire qu'il n'y pas de facteur
irréductible, soit a = u′p′1 . . . p′m une autre décomposition. Si m 6= 0,
les pi sont inversibles, ce qui est absurde. Donnons nous maintenant
deux décompositions a = up1 . . . pn = u′p′1 . . . p′m de a et n mini-
mal. Un élément irréductible étant premier dans un anneau principal
48
d'après le lemme de Gauÿ (proposition 7.3.5), l'élément irréductible
pn divise obligatoirement l'un des p′1, . . . , p′m. Supposer que cela soit
pm, quitte à renuméroter. Il existe ainsi un ∈ A tel que pn = unp′m.
Comme pn est irréductible, un est inversible. On peut donc simpli�er
pour obtenir la relation suivante
up1 . . . pn−1 = u′unp′1 . . . p
′m−1
D'après l'hypothèse de récurrence, on am−1 = n−1, d'oùm = n. De
plus, il existe une permutation σ ∈ Σn−1 et des éléments inversibles
ui, pour i = 1, . . . , n− 1 tels que p′σ(i) = uipi. La décomposition d'un
élément en facteurs irréductibles est donc essentiellement unique. �
Si l'on regarde la démonstration, on voit qu'un anneau A est en
fait factoriel si et seulement si il véri�e les deux propriétés suivantes :
� toute suite d'idéaux principaux dans A est stationnaire ;
� tout élément irréductible de A est premier (propriété de Gauÿ).
La première propriété assure l'existence et la seconde l'unicité de
la décomposition.
8.4. Le théorème de Gauÿ
Dans ce paragraphe nous démontrerons le théorème suivant :
Théorème 8.4.1 (Gauÿ). � Soit A un anneau factoriel. Alors
l'anneau A[X] est factoriel.
Corollaire 8.4.2. � Si A est un anneau factoriel, A[X1, . . . , Xn]
est un anneau factoriel. En particulier, si k est un corps, l'anneau
k[X1, . . . , Xn] est factoriel.
Démonstration. Cela se voit par récurrence sur n en utilisant l'iso-
morphisme A[X1, . . . , Xn] ' (A[X1, . . . , Xn−1])[Xn]. �
Dans tout le paragraphe A sera un anneau factoriel. Avant de
démontrer le théorème on va commencer avec quelques préparations.
Tout d'abord, on rappelle que les éléments inversibles de A[X] sont
exactement les polynômes constants égaux à un élément inversible de
49
A. En e�et, comme A est intègre, nous avons degPQ = degP+degQ
pour deux polynômes P,Q ∈ A[X]. Si PQ = 1, on doit donc avoir
degP = degQ = 0. Les polynômes P et Q sont donc constants ou
autrement dit des éléments de A, inverses l'un de l'autre, c'est-à-dire
inversibles.
Définition 8.4.3. � Soit A un anneau factoriel et soit P ∈ A[X].
On dé�nit le contenu et on note ct(P ) le pgcd des coe�cients de P .
On dira que P est primitif si ct(P ) = 1.
Un polynôme est donc primitif si ses coe�cients sont premiers
entre eux. Comme déjà expliqué dans la section 8.2, on supposera
implicitement avoir normalisé la décomposition en facteurs irréduc-
tibles. Sans cette hypothèse, le contenu serait bien dé�nie à multi-
plication par un inversible près.
La propriété fondamentale du contenu est qu'il est multiplicatif :
Proposition 8.4.4. � Soit A un anneau factoriel et soient P,Q ∈A[X]. Alors, ct(PQ) = ct(P ) ct(Q).
Démonstration. Il su�t de montrer que si P et Q sont primitifs, alors
leur produit PQ est encore primitif. En e�et, si on écrit P = ct(P )P ′
et Q = ct(Q)Q′ avec P ′ et Q′ primitifs, on a PQ = ct(P ) ct(Q)P ′Q′,
d'où ct(PQ) = ct(P ) ct(Q) ct(P ′Q′).
Supposons donc P et Q primitifs. Soit p un élément irréductible
de A et montrer que p ne divise pas tous les coe�cients de PQ.
Pour cela, on considère des réductions modulo p de P et Q, c'est-
à-dire les classes de [P ] et [Q] dans l'anneau A/(p)[X]. Comme P
et Q sont primitifs ces classes sons non nuls (sinon p diviserait les
coe�cients). Mais p est premier puisque A est factoriel d'après 8.1.2.
L'anneau A/(p) est donc intègre et donc A/(p)[X] aussi. Par consé-
quent [PQ] = [P ][Q] est non nul dans A/(p)[X] ce qui signi�e que p
ne divise pas tous les coe�cients de PQ. Comme p était quelconque,
on voit que PQ est primitif. �
50
Nous avons pris l'habitude de voir un élément a de A comme un
élément de A[X] en le voyant comme le polynôme constant a.
Soit A un anneau intègre et soit P = a0 + a1X + · · · + anXn
un polynôme dans A[X]. Si K est le corps de fractions de A, on
peut voir P comme un polynôme de K[X], simplement en voyant
les coe�cients dans K (via l'injection canonique A → K; a 7→ a/1).
Nous avons l'habitude de faire cela pour les polynômes à coe�cients
dans Z, en les voyant comme des polynômes à coe�cients dans Q.Nous avons déjà déterminé les éléments inversibles de l'anneau
A[X]. Déterminons maintenant les éléments irréductibles de A[X]
pour un anneau factoriel A.
Proposition 8.4.5. � Soit A un anneau factoriel et K son corps
de fractions. Alors les éléments irréductibles de A[X] sont exactement
� les éléments irréductibles de A ;
� les polynômes primitifs de A[X], irréductibles en tant que poly-
nômes de K[X].
Démonstration. Montrons d'abord que les éléments en question sont
bien irréductibles. Soit donc a ∈ A irréductible et supposons que
P,Q ∈ A[X] sont tels que a = PQ. Comme A est intègre, on a
deg(P ) + deg(Q) = deg(PQ) = 0, donc P et Q sont nécessairement
de degré 0, ou autrement dit des éléments de A. L'élément a étant
irréductible dans A, la relation est banale dans A et donc aussi dans
A[X]. L'élément a est donc bien irréductible dans l'anneau A[X].
Soit maintenant P ∈ A[X] primitif, irréductible dans K[X] et
supposons P = QR avec Q et R dans A[X]. Vu dans K[X] cette
relation doit être banale ou autrement dit, Q ou R est inversible dans
K[X], c'est-à-dire constant. Supposons que cela soit Q. Nous avons
ct(P ) = ct(Q) ct(R) = Q ct(R), puisque Q est constant. Comme P
est primitif, ct(P ) = 1 et l'élément Q est nécessairement inversible
dans A donc dans A[X]. Ainsi, P est irréductible dans A[X].
Montrons maintenant que les éléments en question sont les seuls
éléments irréductibles. Pour cela, soit P un élément irréductible de
51
A[X] et écrivons P = ct(P )P1 avec P primitif. Cette relation doit
être banale, donc ct(P ) = 1 ou P1 est inversible dans A[X]. On va
montrer que dans le premier cas, P est irréductible dans K[X] et que
dans le second cas ct(P ) est irréductible.
Dans le premier cas, P est primitif. Soit P = QR une factorisation
avec Q,R ∈ K[X]. On peut écrire Q = qQ1 et R = rR1, où q et r
sont dans K et où Q1 et R1 sont deux polynômes primitifs de A[X].
En e�et, on sort d'abord le dénominateur commun des coe�cients,
puis on sort le contenu. On a ainsi P = (qr)Q1R1. La fraction qr
s'écrit a/b où a, b ∈ A. On obtient bP = aQ1R1 dans A[X]. Ces deux
polynômes ont donc le même contenu, a et b respectivement. Par
conséquent, a = b, d'où qr = 1, ce qui donne la relation P = Q1R1
dans A[X]. Comme P est irréductible dans A[X], cette relation doit
être banale dans A[X], la relation P = QR l'est donc aussi dans
K[X].
Dans le second cas, P1 est constant, inversible dans A. On observe
alors qu'une relation non banale ct(P ) = ab dans A nous donnerait
une relation non banale P = a(bP1) dans A[X], ce qui contredit
l'hypothèse que P est irréductible. �
Comme on voit dans la proposition ci-dessus, le corps de fraction
K de l'anneau factoriel A joue un rôle important dans la description
des éléments irréductibles de A[X]. Comme K est un corps, l'anneau
K[X] est principal et donc en particulier factoriel d'après le théorème
8.3.1. On va utiliser cette observation pour démontrer le théorème
de Gauÿ.
Démonstration du théorème de Gauÿ 8.4.1. On va montrer d'abord
l'existence de la décomposition en facteurs irréductibles. Soit K le
corps des fractions de A. Soit P un élément de A[X]. Il admet une
décomposition en facteurs irréductibles dans K[X] d'où
P = c
r∏i=1
Pi
52
où c ∈ K et où les Pi sont des polynômes de A[X] qui sont primitifs
et irréductibles dans K[X]. On écrit maintenant c = a/b avec a et
b premiers entre eux. Alors, bP = a∏r
i=1 Pi. En prenant le contenu
de chaque côté on voit que b ct(P ) = a. Il suit que c = a/b ∈ A.
L'élément c admet donc une décomposition en facteurs irréductibles
c = u∏s
j=1 pj avec u inversible et les pj irréductibles dans A. On
obtient donc l'égalité
P = us∏j=1
pj
r∏i=1
Pi
D'après la proposition 8.4.5, les pj et les Pi sont irréductibles dans
A[X]. Par conséquent l'élément P ∈ A[X] admet une décomposition
en facteurs irréductibles dans A[X].
On montre l'unicité en véri�ant la propriété de Gauÿ. Si p est un
élément irréductible de A qui divise un produit QR de deux poly-
nômes de A[X], il divise aussi ct(QR) = ct(Q) ct(R). Il divise donc
ct(Q) ou ct(R) et par la suite aussi Q ou R. Si P ∈ A[X] est un
polynôme primitif, irréductible dans K[X], qui divise un tel produit
QR, il divise l'un des facteurs dans K[X], disons Q. Nous avons donc
Q = SP avec S ∈ K[X]. Écrivons S = (a/b)S1 avec S1 dans A[X]
primitif et a, b ∈ A premiers entre eux. On a alors bQ = bSP = aS1P .
En prenant le contenu de chaque côté, on voit b ct(Q) = a d'où
a/b = ct(Q) ∈ A. On a donc S ∈ A[X], ce qui montre que P divise
Q dans A[X].
Nous avons donc montré l'existence et l'unicité de la décomposition
en facteurs irréductibles dans l'anneau A[X], d'où le théorème. �
8.5. Critères d'irréductibilité
Dans cette section nous nous intéressons à comment décider si
un polynôme P ∈ A[X] est irréductible. En vu de la proposition
8.4.5, il est déjà important de comprendre cette question quand A
est un corps k. Par dé�nition, dans l'anneau k[X], un polynôme est
53
irréductible s'il est de degré ≥ 1 et s'il ne s'écrit pas comme produit
de deux polynômes de degrés ≥ 1.
Proposition 8.5.1. � Soit k un corps.
a) Un polynôme P ∈ k[X] qui a une racine dans k est irréductible
dans k[X] si et seulement si il est de degré 1.
b) Un polynôme P ∈ k[X] de degré 2 ou 3 est irréductible dans
k[X] si et seulement si il n'a pas de racine dans k.
Démonstration. Montrons la première assertion. Supposons que P
est de degré 1. Si P = QR alors degQ+ degR = 1 et l'un des deux
degrés est donc nul. Autrement dit, Q ou R sont constants non nul,
donc inversibles et la décomposition est nécessairement banale. Si
P = aX + b, l'élément −b/a ∈ k est bien entendu une racine de P .
Inversement, on observe que si x ∈ k est une racine de P , on
peut factoriser P = (X − x)Q + R avec degR < 1. Le polynôme
R est donc constant. Cette constante doit être nul puisque on a
P (x) = R(x) = 0, d'où la factorisation P = (X − x)Q. Comme
degQ = degP − 1, on voit que P n'est pas irréductible dès que
degP ≥ 2.
Montrons la dernière assertion. Soit P un polynôme de degré 2 ou
3. Soit P = QR une décomposition non banale. Par hypothèse, on
a degQ + degR = degP ≤ 3 et aussi deg(Q), deg(R) ≥ 1 puisque
la décomposition n'est pas banale. Cela implique que deg(Q) = 1 ou
deg(R) = 1 et un des deux polynômes a donc a une racine dans k.
Par suite, P a une racine dans k.
�
Le critère suivant est souvent très utile.
Proposition 8.5.2 (critère d'Eisenstein). � Soit A un anneau
factoriel et K son corps des fractions. Soit
P (X) = anXn + an−1X
n−1 + · · ·+ a1X + a0
54
un polynôme de degré n ≥ 1 à coe�cients dans A. Supposons qu'il
existe un élément irréductible p ∈ A tel que
� p ne divise pas an ;
� p divise les ak sauf pour k = n ;
� p2 ne divise pas a0.
Alors P est irréductible dans K[X].
Attention à la portée de l'énoncé : on suppose que les coe�cients
sont dans A mais la conclusion porte sur l'irréductibilité dans K[X].
Exemple 8.5.3. � Soit P (X) = 2X3 + 12X2 + 6 ∈ Z[X]. Seuls
p = 2 ou p = 3 peuvent convenir pour appliquer le critère, puisque
p doit diviser a0. Comme 2 divise a3, uniquement 3 peut convenir et
e�ectivement, 3 ne divise pas a3, divise a2 et a0 mais 9 ne divise pas
a0. Ainsi P est irréductible dans Q[X].
Ici P n'est pas irréductible dans Z[X] puisque P = 2(X3+6X2+3)
est une décomposition non banale dans Z[X].
Exemple 8.5.4. � Quand aucun p ne convient pour appliquer le
critère, il se peut qu'un changement de variables a�ne Y = aX + b
permet quand même de conclure. Par exemple si P (X) = X2+X+2,
on voit de suite que le coe�cient 1 devant X interdit toute utilisation
du critère. Cependant, si l'on fait le changement de variables a�ne
Y = X−3, on a P (Y ) = (Y + 3)2 + (Y + 3) + 2 = Y 2 + 7Y + 14 pour
lequel p = 7 convient. Ainsi P est irréductible (que l'irréductibilité
d'un polynôme est invariant sous changement de variables a�ne sera
démontré en T.D.).
On verra d'autres exemples d'application du critère d'Eisenstein
en T.D. dont celui, célèbre, aux polynômes cyclotomiques pour un
nombre premier p :
Xp − 1
X − 1= Xp−1 +Xp−2 + · · ·+ 1
où l'on montrera, grâce au changement de variables Y = X − 1, que
P (X) est irréductible.
55
Démonstration du critère d'Eisenstein. Supposons que P = QR soit
une décomposition de P dans K[X]. Quitte à sortir le dénominateur
commun, on peut écrire R = (1/a)R′ et Q = (1/b)Q′ avec a, b ∈ Aet aucun facteur irréductible de a ou b ne divise respectivement R′
ou Q′. On a ainsi abP = Q′R′ dans A[X]. Supposons qu'un élément
irréductible t divise ab. Il divise donc Q′R′ et donc, puisque t reste
irréductible dans A[X] d'après la proposition 8.4.5, Q′ ou R′ d'après
la propriété de Gauÿ, valable dans A[X] qui est factoriel d'après
le théorème de Gauÿ 8.4.1. On peut donc diviser la relation par t.
Quitte à continuer ainsi, on peut supposer que ab est inversible puis,
en divisant encore, que a = b = 1. On a ainsi une relation P = QR
avec Q,R ∈ A[X].
Réduisons maintenant cette équation modulo p. Rappelons, avant
de continuer, que A[X]/pA[X] ' (A/pA)[X]. Comme p divise tous
les coe�cients de P hormis an, modulo p, on trouve [an]Xn = [Q][R].
Par unicité de la décomposition dans K(A/p)[X], on voit que l'on a
[Q] = [α]Xk et [R] = [β]Xn−k avec α, β ∈ A. Dans A[X] on a donc
Q = αXk + pQ1 et R = βXn−k + pR1
Cela implique que l'on a
QR = αβXn + p(Q1βXn−k + αXkR1) + p2Q1R1.
L'hypothèse que le terme constant de P n'est pas multiple de p2
nous dit que k = 0 ou k = n. Si k = n, on a Q = αXn + pQ1, avec
degQ1 < n. Ainsi degQ = n d'où degR = 0. De même si k = 0 on
a degQ = 0. La relation de départ est donc banale. Par conséquent
P est bien irréductible dans K[X]. �
56
9. Résultant, Théorème de Bézout
9.1. Le résultant
Soit k un corps. Nous avons vu que k[X] est un anneau factoriel.
On se pose maintenant la question quand deux éléments P,Q ∈ k[X]
sont premiers entre eux, c'est-à-dire quand pgcd(P,Q) = 1. Commen-
çons d'abord avec k = C. D'après le théorème de Gauss-d'Alembert,
tout polynôme de C[X] est produit de polynômes de degré 1. La ques-
tion revient donc à se demander quand deux polynômes P,Q ∈ C[X]
ont une racine en commun.
Supposons d'abord que P et Q sont de degré 1 :
P = a0 + a1X et Q = b0 + b1X
Les polynômes P et Q auront une racine en commun si la racine
−a0/a1 de P et celle −b0/b1 de Q coïncident. Ceci est bien sûr le cas
quand −a0/a1 = −b0/b1 ou autrement dit quand a0b1− b0a1 = 0. On
peut aussi chercher à résoudre le système de deux équations linéaires
en les variables x0 et x1 :(a0 a1
b0 b1
)(x0
x1
)=
(0
0
)
Si z est une racine commune, (1, z) est une solution non triviale du
système. Réciproquement, si (z0, z1) est une solution non triviale,
alors z = z1/z0 est la racine commune. En e�et, une solution non
triviale (z0, z1) a automatiquement z0 6= 0, sinon P et Q ne seraient
pas de degré 1. Alors 1/z0(z0, z1) = (1, z) est encore une solution
puisque l'espace des solutions est, en tant que noyau de l'application
linéaire C2 → C2 dé�nie par la matrice M =( a0 a1b0 b1
), un sous-espace
vectoriel de C2. On voit donc que P et Q ont une racine en commun
si et seulement si cette application linéaire a un noyau non trivial.
Ceci est le cas exactement quand le déterminant de M est trivial ou
autrement dit quand a0b1 − b0a1 = 0.
57
Si P et Q sont de degré 2, on peut bien entendu déterminer les
racines de P et Q puis comparer le résultat pour véri�er si P et
Q ont une racine en commun. Cette méthode demande de résoudre
deux équations de degré deux. C'est faisable, mais calculer toutes
les racines peut sembler beaucoup si c'est juste pour véri�er que P
et Q ont une racine en commun. Par ailleurs, cette méthode ne se
généralisera pas forcément très bien en degré supérieur : on verra
au second semestre qu'il n'existe pas de formule universelle pour
résoudre les équations de degré supérieur ou égal à cinq. On peut
donc se demander s'il n'est pas plus judicieux de résoudre à nouveau
un système linéaire, cette fois ci en les indéterminées x0, x1, x2. Le
problème est que nous avons deux équations à partir de P et Q :
P = a0 + a1X + a2X2 et Q = b0 + b1X + b2X
2
alors que nous avons trois indéterminées. L'idée est alors d'ajouter
des équations, au plus simple. Multiplier P par X ajoutera sans
doute une équation correcte, mais aussi une indéterminée : x3. Si on
multiplie aussi Q par X, on tombe cependant sur les bon nombre
d'équations et indéterminées.a0 a1 a2 0
0 a0 a1 a2
b0 b1 b2 0
0 b0 b1 b2
x0
x1
x2
x3
=
0
0
0
0
Si z est une racine commune à P et Q, le vecteur (1, z, z2, z3) est
une solution non triviale de ce système. Réciproquement, si on a
une solution non trivial du système (z0, z1, z2, z3), on peut toujours
supposer, comme ci-dessus, que z0 = 1. Cependant, a priori, il n'est
pas clair que z2 = z21 . Toujours est-il qu'une condition nécessaire
pour que P et Q aient une racine commune est donc l'annulation du
déterminant de la matrice du système, c'est-à-dire que
(a0b2 − b0a2)2 = (a0b1 − b0a1)(a1b2 − b1a2)
58
En général, soient
P = a0 + a1X + · · ·+ anXn et Q = b0 + b1X + · · ·+ bmX
m
deux polynômes de degré n et m respectivement. On peut suppo-
ser n ≥ m, quitte à échanger les rôles de P et Q. On va chercher
un système analogue à ceux pour n = m = 1 et n = m = 2.
D'abord, si n > m, on va ajouter n−m équations, on multipliant Q
par X,X2, . . . , Xn−m. Cela n'ajoutera pas d'indéterminée. Ensuite, il
faut multiplier avec des puissance de X pour arriver à autant d'équa-
tions que d'indéterminées. Si on multiplie avec k puissances de X on
arrive à 2 + n−m+ 2k équations avec m+ 1 + k indéterminées. Si
on veut égalité, il faut poser k = m − 1, ce qui donne un système à
n+m équations avec n+m indéterminées. Par exemple pour n = 3
et m = 2 on arrive àa0 a1 a2 a3 0
0 a0 a1 a2 a3
b0 b1 b2 0 0
0 b0 b1 b2 0
0 0 b0 b1 b2
x0
x1
x2
x3
x4
=
0
0
0
0
0
Encore, une condition nécessaire pour l'existence d'une racine en
commun, est l'annulation du déterminant de la matrice du système.
Revenons à notre question initiale : quand est-ce que P,Q ∈ k[X]
sont premiers entre eux ? Comme k[X] est principal, cela revient à
dire qu'il existe U, V ∈ k[X] tels que UP + V Q = 1. L'idée est de
traduire en un problème linéaire, en s'inspirant du calcul ci-dessus.
Pour cela, soit k[X]r le k-espace vectoriel des polynômes de degré
≤ r. Il est de dimension r+1 avec une base naturelle {1, X, . . . , Xr}.Considérons application linéaire
ρ : k[X]m−1 × k[X]n−1 → k[X]n+m−1 ; (U, V ) 7→ UP + V Q.
On observe qu'elle est bien dé�nie, c'est-à-dire on a bien, au niveau
des degrés, que deg(UP + V Q) ≤ n+m− 1.
59
Lue dans les bases {1, X, . . . , Xm−1; 1, X, . . . , Xn−1} de l'espace
vectoriel k[X]m−1×k[X]n−1 et de {1, X, . . . , Xn+m−1} de k[X]n+m−1,
la matrice de ρ est la suivante :
R =
a0 0 b0 0
a1 a0 b1 b0
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
am−1 a0 bm−1 b0
.
.
.
.
.
. bm.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. b0
an an−1 an−m+1 bm.
.
.
an.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
0 an 0 bm
où le vecteur colonne (a0, . . . , an) est recopié m fois en décalant vers
le bas, puis le vecteur colonne (b0, . . . , bm) est recopié n fois en dé-
calant vers le bas. On appelle résultant de P et de Q est on note
Resn,m(P,Q) le déterminant de R.
Le fait que le résultant est la transposée et non la matrice des
exemples du début provient du point de vue pris : pour chercher le
pgcd il est plus naturel de considérer l'application (U, V ) 7→ UP +
V Q. Bien entendu, au niveau du déterminant, le résultat est le même.
La proposition suivante répond à la question du début. Sa démons-
tration est simple avec ce que nous savons déjà.
Proposition 9.1.1. � Soit k un corps et P,Q ∈ k[X] deux poly-
nômes de degrés inférieurs ou égaux à n et m respectivement. Alors,
Resn,m(P,Q) est nul si et seulement si
� ou bien P et Q ne sont pas premiers entre eux ;
� ou bien an = bm = 0.
Démonstration. Si P = Q = 0, alors m = n = 0 et par dé�nition
du déterminant on a Resn,m(P,Q) = 0. Supposons qu'ils ne sont
60
pas tous deux nuls. On cherche à traduire que le déterminant est nul
exactement quand le noyau de ρ est non trivial. Soit D = pgcd(P,Q).
Alors on peut écrire P = DP ′ et Q = DQ′ où P ′ et Q′ sont premiers
entre eux. Si U et V sont tels que UP + V Q = 0, nous avons aussi
UP ′ + V Q′ = 0. Par suite, Q′ divise U et P ′ divise V . On a donc
U = Q′S et V = P ′T . Par construction, on doit avoir T = −S,d'où U = Q′S et V = −P ′S. Ainsi U ∈ k[X]m−1 si et seulement si
degS ≤ m − 1 − degQ′, tandis que V ∈ k[X]n−1 si et seulement si
degS ≤ n− 1− degP ′. Maintenant on a
m− 1− degQ′ = (m− degQ) + degD − 1
et donc aussi n − 1 − degP ′ = (n − degP ) + degD − 1. Posons
s = max(n − degP,m− degQ). L'application S 7→ (Q′S,−P ′T ) où
S véri�e degS ≤ s + degD − 1 est un isomorphisme de k-espaces
vectoriels de k[X]s+deg(D)−1 sur le noyau de ρ. Ce noyau est donc
de dimension s + degD. Il en résulte que Resn,m(P,Q) est nul si et
seulement si s+ degD > 0, donc si an = bm = 0 ou si D est de degré
non nul. �
Corollaire 9.1.2. � Soient P,Q ∈ C[X, Y ]. Soit A = C[Y ].
Dans A[X] = C[X, Y ] on écrit
P = Pn(Y )Xn + · · ·+ P0(Y ) et Q = Qm(Y )Xm + · · ·+Q0(Y ),
où les Pi et les Qj sont des éléments de C[Y ]. Soit R = Resm,n(P,Q).
Alors R ∈ C[Y ]. Un élément y ∈ C est racine de R si et seulement si
� ou bien P (X, y) et Q(X, y) ont une racine commune dans C ;
� ou bien Pn(y) = Qm(y) = 0.
Démonstration. D'après la formule qui dé�nit le résultant on a
R(y) = Resm,n(P,Q)(y) = Resm,n(P (X, y), Q(X, y))
Il su�t d'appliquer le théorème précédent aux polynômes P (X, y) et
Q(X, y) de C[X]. �
61
9.2. Le théorème de Bézout
Théorème 9.2.1. � Soit P et Q deux polynômes premiers entre
eux de C[X, Y ] de degré p et q respectivement. Alors, on a
#{(x, y) ∈ C2 ; P (x, y) = Q(x, y) = 0} ≤ pq
En particulier, cet ensemble est �ni.
Par degré d'un polynôme à deux variable on entend le degré maxi-
mal des monômes qui le composent : si P =∑ar,sX
rY s, alors
degP = maxar,s 6=0{r+s}. L'inégalité peut être stricte : si P = X+ 1
etQ = X+2 alors l'ensemble des (x, y) tels que P (x, y) = Q(x, y) = 0
est vide alors que pq = 1.
Avant de démontrer ce théorème, nous allons le placer dans son
contexte naturel, qui est celui des sous-ensembles algébriques d'un
espace a�ne. Soit k un corps et considérons l'espace a�ne de dimen-
sion n sur k.
Ank := {(x1, . . . , xn) |xi ∈ k ∀i = 1, . . . , n},
Soient P1, . . . , P` ∈ k[X1, . . . , Xn] des polynômes en n indéterminées.
On note :
V (P1, . . . , P`) = {(x1, . . . , xn) ∈ Ank ;Pi(x1, . . . , xn) = 0, i = 1, . . . , `}.
La notation V est un anglicisme (V pour vanishing). Commençons
avec un exemple. Sur A2R on a, si P = X2 + Y 2 − 1,
V (P ) = {(x, y) ∈ A2R |x2 + y2 = 1}
qui n'est autre que le cercle. Si on ajoute Q = X, alors on a un
ensemble à deux éléments
V (P,Q) = {(x, y) ∈ A2R |x2 + y2 = 1, x = 0} = {(0, 1), (0,−1)}.
Si cependant on ajoutait Q = X + 1 on trouverait un singleton
V (P,Q) = {(x, y) ∈ A2R |x2 + y2 = 1, x = 1} = {(−1, 0)}.
62
Finalement, si on ajoutait Q = X + 2, on trouverait l'ensemble vide.
V (P,Q) = {(x, y) ∈ A2R |x2 + y2 = 1, x = 2} = ∅.
Si on c'était placé sur les complexes, on aurait trouvé toutes les
racines : Sur A2C on a, si P = X2 + Y 2 − 1 et Q = X + 2, alors :
V (P,Q) = {(x, y) ∈ A2C |x2 + y2 = 1 et x = −2}
={(−2, i
√3)}∪{(−2,−i
√3)}
.
Soit J = 〈P1, . . . , P`〉 l'idéal de k[X1, . . . , Xn] engendré par les
polynômes P1, . . . , P`. Alors pour tout P ∈ J on a :
P (x1, . . . , xn) = 0 pour (x1, . . . , xn) ∈ V (P1, . . . , P`).
En e�et, on peut écrire P =∑i=1
QiPi pour certainsQi ∈ k[X1, . . . , Xn]
d'où :
P (x1, . . . , xn) =∑i=1
Qi(x1, . . . , xn)Pi(x1, . . . , xn) = 0.
Généralement, nous dé�nissons pour un idéal J ⊂ k[X1, . . . , Xn]
le sous-ensemble algébrique déterminé par l'idéal J par :
V (J) := {(x1, . . . , xn) ∈ Ank |P (x1, . . . , xn) = 0 ∀P ∈ J}.
Lemme 9.2.2. � Si J = 〈P1, . . . , P`〉, alors V (J) = V (P1, . . . , P`).
Démonstration. Nous venons de voir que V (P1, . . . , P`) ⊂ V (J). L'in-
clusion inverse est claire car Pi ∈ J pour tout i ∈ {1, . . . , `}. �
Proposition 9.2.3. � On a les propriétés suivantes :
a) V (〈0〉) = Ank et V (k[X1, . . . , Xn]) = ∅ ;
b)⋃j=1
V (Ij) = V (⋂j=1
Ij) ;
c)⋂λ∈Λ
V (Iλ) = V
(∑λ∈Λ
Iλ
).
63
On en déduit que l'ensemble :
τ(Ank) := {V (J)c | J idéal de k[X1, . . . , Xn]}
forme une topologie sur Ank ou autrement dit : les sous-ensembles
algébriques de Ank forment les fermés d'une topologie sur An
k qu'on
appelle la topologie de Zariski de Ank . On dira donc parfois fermé de
Zariski au lieu de sous-ensemble algébrique.
Démonstration.
a) Clair.
b) On observe que si J1 ⊂ J2 alors V (J1) ⊃ V (J2) : l'opération V (·)renverse les inclusions. Ainsi V (I) ⊂ V (I ∩ J) et V (J) ⊂ V (I ∩ J),
donc V (I) ∪ V (J) ⊂ V (I ∩ J). Réciproquement, soit (x1, . . . , xn) ∈V (I ∩ J). Si (x1, . . . , xn) 6∈ V (I), il existe un polynôme P ∈ I tel
que P (x1, . . . , xn) 6= 0. Pour tout Q ∈ J on a P · Q ∈ I ∩ J donc
Q(x1, . . . , xn)P (x1, . . . , xn) = 0, ce qui donne Q(x1, . . . , xn) = 0 pour
tout Q ∈ J , donc (x1, . . . , xn) ∈ V (J). Ainsi, on a obtenu V (I ∩J) ⊂ V (I)∪V (J), d'où �nalement l'égalité. Par récurrence, l'énoncé
analogue pour un nombre �ni d'idéaux est encore valable.
c) Pour µ ∈ Λ on a Iµ ⊂∑λ∈Λ
Iλ donc V (Iµ) ⊃ V
(∑λ∈Λ
Iλ
), d'où :⋂
µ∈Λ
V (Iµ) ⊃ V
(∑λ∈Λ
Iλ
). Inversement si (x1, . . . , xn) ∈
⋂µ∈Λ
V (Iµ)
∀λ ∈ Λ, ∀Pλ ∈ Iλ, Pλ(x1, . . . , xn) = 0.
Puisque l'idéal∑λ∈Λ
Iλ est engendré par les polynômes Pλ ∈ Iλ pour
tout λ, il en résulte que (x1, . . . , xn) ∈ V(∑λ∈Λ
Iλ
).
�
Exemple 9.2.4. � Soit k un corps in�ni. Alors Z ⊂ A1k est un
fermé de Zariski si et seulement si Z = ∅, ou Z = A1k, ou Z est un
sous-ensemble �ni de A1k. En e�et, si Z est un fermé distinct de ∅
et de A1k, alors Z = V (I) avec I 6= 0 et I 6= k[X]. Puisque k[X]
64
est un anneau principal, on a I = 〈P 〉 donc V (I) = V (P ) et P n'a
qu'un nombre �ni de zéros. Inversement, si Z = {a1, . . . , an} est unsous-ensemble �ni de A1
k on voit que Z est de la forme Z = V (I)
avec I = 〈P 〉 et P (X) =n∏i=1
(X − ai).
Remarque 9.2.5. � Par récurrence on a vu que :
n⋃j=1
V (Ij) = V
(n⋂j=1
Ij
).
Cependant ceci n'est valable que pour des réunions �nies. En ef-
fet, supposons k in�ni et a1, a2, . . . ∈ k distincts tels que Z =
{a1, a2, . . .} 6= A1k. Alors Z =
⋃n∈N
V (〈X − an〉) mais ne peut pas
être de la forme V (J) car les seuls fermés de Zariski de A1k distincts
de A1k et non vides sont les ensembles �nis.
Démonstration. Démontrons maintenant le théorème de Bézout. Il
s'agit de montrer que si P,Q ∈ C[X, Y ] sont premiers entre eux, alors
l'ensemble V (P,Q) ⊂ A2C est �ni de cardinal au plus pq. Comme P
et Q sont premiers entre eux dans C[X, Y ], ils le sont aussi dans
C(Y )[X] et leur résultant R par rapport à X est un polynôme non
nul RY de C[Y ]. Ainsi, les racines communes à P et Q n'ont qu'un
nombre �ni d'ordonnées y possibles. De même il n'y qu'un nombre
�ni d'abscisses possibles. Ainsi V (P,Q) est �ni.
Montrons que #V (P,Q) ≤ pq. Quitte à faire un changement
de variables linéaire on peut supposer qu'une droite horizontale ne
contienne au plus qu'un point de V (P,Q) (Il n'y a qu'un nombre
�ni de directions est à éviter, donc c'est possible.) Cela change les
polynômes P et Q mais non leurs degrés. Il su�t donc de montrer
que l'ensemble des ordonnées des points de V (P,Q) est de cardinal
au plus pq. Pour cela on écrit
P = Pn(Y )Xn + · · ·+ P0(Y ) et Q = Qm(Y )Xm + · · ·+Q0(Y ),
65
où Pn et Qm sont non nuls. Soit R = Resn,m(P,Q) le résultant par
rapport à X. Si y ∈ C est l'ordonnée d'un point de V (P,Q), les
polynômes P (X; y) et Q(X; y) ont une racine commune et par suite,
R(y) = 0. Il su�t donc de montrer degR ≤ pq. Observons que les
Pi sont de degrés ≤ p − i et que les Qj sont de degrés ≤ q − j. Lecoe�cient de la matrice qui dé�nit le résultant Rij à la ligne i et à
la colonne j satisfait à
� pour 1 ≤ j ≤ m, on a Rij = Pi−j si 0 ≤ i − j ≤ n et Rij = 0
sinon
� pour m+1 ≤ j ≤ m+n, on a Rij = Qi−j+m si 0 ≤ i−j+m ≤ m
et Rij = 0 sinon
Le degré de Rij est donc majoré par p − i + j si 1 ≤ j ≤ m et par
q −m− i + j si m + 1 ≤ j ≤ m + n. Maintenant le déterminant de
R est une somme de produits de la forme
m+n∏j=1
Rσ(j)j
où σ est une permutation de l'ensemble {1, . . . , n}. Au niveau des
degrés, on voit alors que nous avons
m+n∑j=1
degRσ(j)j ≤m∑j=1
(p− σ(j) + j) +m+n∑j=m+1
(q −m− σ(j) + j)
≤ pm+ (q −m)n−n+m∑j=1
σ(j) +n+m∑j=1
j
≤ pq − (p− n)(q −m)
≤ pq
�
66
10. Polynômes symétriques
10.1. Dé�nitions, premières propriétés
Soit A un anneau et Sn le groupe symétrique, c'est-à-dire le groupe
des bijections de l'ensemble {1, . . . , n}. On dira qu'un polynôme P ∈A[X1, . . . , Xn] est symétrique si pour toute permutation π ∈ Sn on a
P (X1, . . . , Xn) = P (Xπ(1), . . . , Xπ(n))
Un polynôme constant est symétrique ; si P et Q sont symétriques,
alors P + Q et PQ sont encore symétriques. L'ensemble des poly-
nômes symétriques est donc un sous-anneau, noté A[X1, . . . , Xn]Sn ,
dans l'anneau des polynômes. Les polynômes symétriques élémen-
taires sk :=∑
i1<...<ikXi1 · · ·Xik sont symétriques pour 0 < k ≤ n.
Explicitement, pour n = 4 on a
s1 = X1 +X2 +X3 +X4
s2 = X1X2 +X1X3 +X1X4 +X2X3 +X2X4 +X3X4
s3 = X1X2X3 +X1X2X4 +X1X3X4 +X2X3X4
s4 = X1X2X3X4
La notation sk pour les polynômes symétriques élémentaires n'est
pas tout à fait satisfaisant, puisque le nombre de variables en jeux
dépend du contexte et non des notations. Mais ajouter des indices
supplémentaires aurait alourdi les notations.
Un autre exemple de polynômes symétriques sont les sommes de
puissances tk := Xk1 + . . .+Xk
n pour k > 0.
Remarque 10.1.1. � (formules de Girard) Nous avons la relation
suivante dans A[X1, . . . , Xn, t]
(10.1) (t−X1) · . . . · (t−Xn) = tn− s1tn−1 + s2t
n−2 + . . .+ (−1)nsn.
C'est la formule de Girard et Viète sur la relation entre coe�cients et
zéros d'un polynôme : si λ1, . . . , λn ∈ A sont les zéros du polynômes
67
P = Xn + a1Xn−1 + a2X
n−2 + . . .+ an−1X + an, alors on a
ak = (−1)ksk(λ1, . . . , λn).
10.2. Théorème fondamental sur les polynômes symétriques
Théorème 10.2.1. � Soit A un anneau. Alors le morphisme
f : A[Y1, . . . , Yn]→ A[X1, . . . , Xn]Sn , Yi 7→ si,
est un isomorphisme d'anneaux.
Autrement dit, tout polynôme symétrique est un polynômes en les
polynômes symétriques sk, k = 1, . . . , n et ceci de manière unique.
Démonstration. Remarquons d'abord que Yi 7→ si dé�nit, grâce à
la propriété universelle des anneaux des polynômes, un morphisme
d'anneaux A[Y1, . . . , Yn] → A[X1, . . . , An]. Et puisque l'évaluation
d'un polynôme quelconque en des polynômes symétriques est encore
symétrique, on sait que l'image est dans le sous-anneau des poly-
nômes symétriques.
Nous allons donner deux algorithmes indépendants qui pour tout
polynôme symétrique fournissent une représentation de ce polynôme
en un polynômes en les polynômes symétriques élémentaires.
Algorithme 1 : Soit q : A[X1, . . . , Xn] → A[X1, . . . , Xn−1] le mor-
phisme d'anneaux dé�ni par q(Xn) = 0 et q(Xi) = Xi pour i < n.
On remarque que q envoie un polynôme symétrique sur un polynôme
symétrique et que l'on a q(sn) = 0 et q(si) = s′i, le ième polynôme
symétrique élémentaire en les variables X1, . . . , Xn−1, pour i < n.
Soit f ′ : A[Y1, . . . , Yn−1] → A[X1, . . . , Xn−1] le morphisme d'an-
neau dé�ni par Yi 7→ s′i. Par récurrence, on peut supposer que f ′
est un isomorphisme sur le sous-anneau des polynômes symétriques.
Nous avons un diagramme commutatif de suites exactes (cela signi�e
68
ici que q est surjectif et de noyau (Yn) et (Xn) respectivement)
0 → (Yn) → A[Y1, . . . , Yn]q−→ A[Y1, . . . , Yn−1] → 0y yf yf ′
0 → (Xn) → A[X1, . . . , Xn]q−→ A[X1, . . . , Xn−1] → 0
Soit P ∈ A[X1, . . . , Xn] symétrique et P ′ = q(P ). Alors P ′ est encore
symétrique (en les variables X1, . . . , Xn−1). Par récurrence il existe
un polynôme Q′ ∈ A[Y1, . . . , Yn−1] tel que f ′(Q′) = P ′. Soit Q tel que
q(Q) = Q′. La di�érence R := P − f(Q) est alors un polynôme avec
q(R) = 0, d'où Xn|R. Grâce à la symétrie de R, on a également Xi|Rpour i = 1, . . . , n− 1 et par la suite sn|R. On pose P := R/sn. Alors
le degré de P est strictement plus petit que celui de P . On peut donc
supposer, par récurrence sur le degré, que P est dans l'image de f .
Il existe donc un polynôme Q ∈ A[Y1, . . . , Yn] avec f(Q) = P . On a
alors P = snf(Q) + f(Q).
L'injectivité se montre de manière analogue : Supposons Q ∈Ker(f). Alors q(Q) est dans le noyau de f ′. Par récurrence, q(Q)
est trivial. Par conséquent on a Q = YnQ avec Q un polynôme de
degré strictement plus petit. Puisque 0 = f(Q) = Xn · f(Q) on a
Q ∈ Ker(f). Par récurrence sur le degré de Q on voit que Q = 0 et
donc que Q = YnQ = 0.
Algorithme 2 : Cet algorithme remonte à Waring, l'unicité a été
formulée et démontrée par Gauÿ.
L'idée est de mettre un ordre lexicographique sur les monômes
Xd = Xd11 · · ·Xdn
n : on pose Xd > Xd′ s'il existe i avec la propriété
dj = d′j pour tout j < i et di > d′i. Soit maintenant P =∑PtX
t un
polynôme symétrique. Pour le monôme principal Xd de P , c'est-à-
dire le monôme le plus grand de P pour l'ordre ci-dessus, on a par
symétrie de P que d1 ≥ d2 ≥ . . . ≥ dn. Si l'on considère le polynôme
Q := Pdsd1−d21 sd2−d32 · · · sdn−1−dn
n−1 sdnn
69
on observe que Q a le même monôme principal que P . La di�érence
P −Q a donc un monôme principal strictement plus petit que celui
de P . Le théorème suit par récurrence.
De même, on démontre l'injectivité : le polynôme sν11 · · · sνnn a
comme monôme principal xν1+...+νn1 xν2+...+νn
2 · · ·xνnn . Maintenant, les
images de monômes di�érents Y ν11 · · ·Y νn
n sous f ont des monômes
principaux di�érents. Ainsi, dans f(∑
ν aνYν) on ne peut pas avoir
l'annulation complète de tous les monômes en les variables Xi. �
Le deuxième algorithme est facile à mettre en ÷uvre. On cherche
d'abord le monôme principal de P . Ensuite on considère le polynôme
Q comme dans la démonstration ci-dessus, puis on continue avec le
polynôme P −Q.
10.3. Applications
Une conséquence importante du théorème est le principe suivant
Corollaire 10.3.1. � Soient A,B deux anneaux tels que A ⊂ B
et P = Xn+a1Xn−1+. . .+an ∈ A[X] un polynôme qui se décompose
sur B en facteurs linéaires :
f(X) = (X − λ1) · . . . · (X − λn).
Alors tout élément b ∈ B, qui s'exprime de manière symétrique et
polynômiale en les zéros λ1, . . . , λn, est déjà dans A.
Démonstration. Soit f : A[X1, . . . , Xn]→ B le morphisme d'anneau
tel que f : Xi 7→ λi. L'hypothèse sur b dit qu'il existe un polynôme
symétrique P avec f(P ) = b. D'après les formules de Girard und
Viète, on a f(si) = (−1)iai ∈ A. D'après le théorème ci-dessus, il
existe donc un polynôme Q ∈ A[Y1, . . . , Yn] avec P = Q(s1, . . . , sn).
Mais alors, b = f(P ) = Q(f(s1), . . . , f(sn)) ∈ A. �
Que se passe-t-il pour les sommes des puissance tk := xk1 +. . .+xkn ?
D'après le théorème, ils doivent s'exprimer en fonction des si. On voit
70
facilement
t1 = s1
t2 = s21 − 2s2
t3 = s31 − 3s1s2 + 3s3
Ici, et dans la suite, on pose sk = 0, si k est strictement plus grand
que le nombre de variables en jeu. Pour les tk avec k ≥ 4, l'écriture
des tk en tant que polynômes en les sk est moins évident :
Lemme 10.3.2. � (Newton) Nous avons
(10.2) s0tn − s1tn−1 + s2tn−2 − . . .+ (−1)nt0sn = 0.
Démonstration. On remarque que par dé�nition s0 = 1 et que t0 = n.
Si l'on évalue l'équation (10.1) en les Xi on obtient
0 = Xni − s1X
n−1i + . . .+ (−1)nsn.
Le lemme s'en suit en sommant sur i = 1, . . . , n. �
Ainsi, on peut exprimer les tn de manière récursive en les sk, k ≤ n,
sans que l'on soit obligé de faire appel aux algorithmes du théorème
10.2.1 Remarquons que le facteur devant sn est égal à n = t0 dans
l'identité (10.2). Ainsi, si l'on résout dans le sens inverse, on doit
prendre des dénominateurs : les formules
s1 = t1
s2 =1
2(t21 − t2)
s3 =1
6t31 −
1
2t1t2 +
1
3t3
ne sont valables uniquement dans les Q-algèbres.
71
11. Compléments sur les groupes
Dans les sections qui suivent nous allons étudier davantage la no-
tion de groupe, particulièrement dans le cas où les groupes en ques-
tion ne sont pas supposés abéliens.
11.1. Rappels sur les sous-groupes
Soit G un groupe. Rappelons qu'un ensemble H ⊂ G est un sous-
groupe, si H est non vide, si le produit de deux éléments de H est
encore dans H et si H est lui-même un groupe pour la restriction
du produit dans G. Pour qu'un sous-ensemble non-vide H ⊂ G est
un sous-groupe il su�t que gh−1 ∈ H pour tout g, h ∈ H. On écrit
souvent H < G, pour exprimer que H est un sous-groupe de G.
Un sous-groupe H < G est distingué ou normal si ghg−1 ∈ H
pour tout h ∈ H et g ∈ G. Nous écrivons H CG pour exprimer que
H est distingué dans G. Le centre d'un groupe
Z(G) := {g ∈ G | hg = gh pour tout h ∈ G}.
est distingué.
Pour un sou-groupe H < G et un élément a ∈ G on note aH =
{ah | h ∈ H} la classe à gauche de H engendré par a. De manière
analogue, Ha = {ha | h ∈ H} est la classe à droite de H. L'ensemble
des classes à gauches est noté par G/H ; l'ensemble des classes à
droite est noté par H\G. Les classes à gauche (ou à droite) ont
clairement le même cardinal que H (l'application G → G, g 7→ ax
est une bijection, a étant inversible). De plus deux classes à gauche
(ou à droite) sont ou bien disjoints ou bien égal : ainsiG est la réunion
disjoint des classes à gauche (ou à droite) sous H. Par conséquent,
nous avons le
Théorème 11.1.1. � (Lagrange) Pour tous sous-groupe H < G
|G| = |H| · |G/H| = |H| · |H\G|.
72
Un sous-groupe H est distingué exactement quand aH = Ha pour
tout a ∈ G. Dans ce cas, les classes à gauche sont les classes à droite
et les ensembles G/H et H\G sont les mêmes.
Proposition 11.1.2. � Soit N C G. Il existe exactement une
structure de groupe sur G/N , pour laquelle la projection canonique
π : G→ G/N est un groupe.
On appelle G/N avec cette structure de groupe le groupe quotient
de G par rapport au sous-groupe distingué N .
Démonstration. Si π : G→ G/N est un morphisme de groupes
g1N · g2N = π(g1) · π(g2) = π(g1g2) = g1g2N.
La structure de groupe sur G/N est donc dé�nie de manière unique.
Réciproquement, si l'on pose la multiplication sur G/N de cette
manière, alors il faut d'abord montrer qu'elle est bien dé�nie : si
g1N = g′1N et g2N = g′2N , alors il existe n1, n2 ∈ N avec g′1 = g1n1
et g′2 = g2n2. Il suit
g′1g′2 = g1n1g2n2 = g1g2(g−1
2 n1g2)n2.
Comme N est distingué, on a bien(g−12 n1g2)n2 ∈ N . Maintenant il
est facile de voir que ce produit dé�nit une structure de groupe sur
G/N et que π est un morphisme de groupes. �
Proposition 11.1.3. � Soit ϕ : G → G′ un morphisme de
groupes. Alors ϕ induit un isomorphisme de groupes
G/Ker(ϕ)→ Im(ϕ).
Démonstration. En remplaçant G′ par ϕ(G), on peut supposer que
ϕ est surjectif. Soit N = Ker(ϕ). On a ϕ(g1) = ϕ(g2) si et seulement
si g−11 g2 ∈ N , i.e. g1N = g2N . Ainsi ϕ : G/N → G′, g1N 7→ ϕ(g1),
est bien dé�ni, un morphisme de groupes, et bijectif. �
Théorème 11.1.4. � (Propriété universelle de G/N) Soit G un
groupe, N C G un sous-groupe distingué de G et π : G → G/N
73
la projection canonique. Un morphisme de groupes ϕ : G → G′
se factorise à travers G/N , i.e. il existe un morphisme de groupes
ϕ : G/N → G′ avec ϕ = ϕ ◦ π, si et seulement si N ⊂ Ker(ϕ).
Démonstration. Si ϕ existe, on a ϕ(N) = ϕ(π(N)) = ϕ(e) = e′, i.e.
N ⊂ Ker(ϕ). Réciproquement, supposons N ⊂ Ker(ϕ). Alors on a
pour deux représentants g1, g2 de la même classe, i.e. g1N = g2N ∈G/N , que g−1
1 g2 ∈ N , d'où ϕ(g1)−1ϕ(g2) = e′ ou ϕ(g1) = ϕ(g2).
Ainsi ϕ(g1N) := ϕ(g1) est bien dé�ni. Il véri�e ensuite que ϕ est un
morphisme de groupes, et d'après construction ϕ ◦ π = ϕ. �
11.2. Actions de groupe
Une action à gauche du groupe G sur l'ensemble X est une appli-
cation
ϕ : G×X → X
telle que ϕ(e, x) = x et ϕ(g, ϕ(h, x)) = ϕ(gh, x) pour tout g, h ∈ G,x ∈ X. Souvent on note ϕ par un point, i.e. g.x au lieu de ϕ(g, x),
pour exprimer de manière plus suggestive que G opère sur X. Avec
cette notation, les conditions ci-dessus s'expriment par e.x = x et
g.(h.x) = (gh).x pour tout g, h ∈ G, x ∈ X.
Si X est un ensemble, on note SX l'ensemble des bijections de X.
Si G opère sur X, on peut dé�nir une application
ρ : G→ SX , g 7→ (x 7→ g.x).
On remarque d'abord que cette application est bien dé�nie : en e�et,
x 7→ g.x est bien une bijection de X (de bijection inverse x 7→ g−1.x).
La condition e.x = x pour tout x signi�e que ρ(e) = IdX ; la condition
g.(h.x) = (gh).x pour tout g, h ∈ G, x ∈ X dit ρ(gh) = ρ(g)ρ(h).
Ainsi ρ est un morphisme de groupes. Réciproquement, si l'on se
donne un morphisme de groupes ρ : G → SX , alors g.x := ρ(g)(x)
dé�nit une action de groupes de G sur X.
De manière analogue on dé�nit une action à droite. Un ensemble
X muni d'une action d'un groupe G sera appelé un G− ensemble.
74
Soit X un G-ensemble. L'orbite de x ∈ X est le sous-ensemble
Gx := OrbG(x) := {gx |g ∈ G} de X. Le stabilisateur de x ∈ X est
le sous-groupe Gx := StabG(x) := {g ∈ G | gx = x} de G.L'espace des orbites est l'ensemble des orbites et sera noté pour
une action à gauche par G\X et pour une action à droite par X/G.
La projection canonique π : X → G\X envoie tout élément x sur
son orbite. On dira qu'une action est transitive si tout les éléments
de X sont dans une même orbite. On dira qu'elle elle est libre, si tous
les stabilisateurs sont triviaux. Finalement, x ∈ X est un point �xe
si Gx = {x}, ou autrement dit si Gx = {e}. L'ensemble des tous lespoints �xes est noté XG.
Entre les cardinaux de X et de ses orbites et les ordres de G et des
stabilisateurs, il y a des relations qui sont précisées par l'équation
des orbites.
Proposition 11.2.1. � (Équation des orbites) Soit G un groupe
�ni et X un G-ensemble. Alors
a) |X| =∑
B∈G\X |B| ;b) |G| = |Gx| · |Gx| pour tout x ∈ X.
Démonstration. Tout élément de X est exactement dans une orbite.
L'ensemble X est donc la réunion disjointe de tous les orbites, d'où la
première relation en passant aux cardinaux. Soit maintenant x ∈ Xquelconque et regardons l'application p : G → Gx, g 7→ gx. Par
construction, p est surjective. Soit y ∈ Gx quelconque et g0 ∈ p−1(y).
Alors g ∈ p−1(y) si et seulement si gx = g0x, i.e. (g0)−1gx = x,
d'où (g0)−1g ∈ Gx ou autrement dit g ∈ g0Gx. En particulier, on a
|p−1(y)| = |Gx| pour tout y ∈ Gx. Ainsi
|G| =∑y∈Gx
|p−1(y)| = |Gx| · |Gx|,
d'où la seconde relation. �
75
Exemple 11.2.2. � Le groupe symétrique Sn des bijections de
[n] = {1, . . . , n} opère sur l'ensmeble [n] par (π, k) 7→ π(k). L'opé-
ration est transitive : si x, y ∈ [n] sont distincts, la transposition
τ = (x y) envoie l'élément x sur y. Ainsi tous les éléments sont dans
la même orbite. Le stabilisateur de tout élément x ∈ [n] est isomorphe
au groupe symétrique Sn−1.
Exemple 11.2.3. � Soit H < G un sous-groupe. Alors H opère sur
G à gauche par multiplication à gauche : h.g := hg et à droite par
multiplication à droite : g.h = gh. Les orbites sont exactement les
classes à droite et à gauche respectivement. On remarque l'échange
de gauche et droite : la classe à droite de H par rapport à a est
l'ensemble Ha = {ha | h ∈ H}, donc l'orbite pour l'action à gauche.
L'action est libre et l'équation des orbites n'est autre que le théorème
de Lagrange.
11.3. Calculer dans le groupe symétrique
Le calcul dans le groupe symétrique est supposé connu des années
de licence. Nous rappelons cependant les règles les plus importantes
pour �xer les notations.
Soit n ∈ N. Le groupe symétrique Sn est l'ensemble des bijections
de l'ensemble [n] = {1, . . . , n} avec pour structure de groupe la com-
position des bijections. Ses éléments sont appelés des permutations.
Pour toute suite (n1, . . . , nk) d'éléments deux à deux di�érents de
[n] on note π = (n1 . . . nk) ∈ Sn la permutation dé�nie par
π(i) =
nj+1
n1
i
, si
i = nj, j < k,
i = nk,
sinon
Si k = 1, i.e. pour (1) = (2) = . . . on trouve par convention l'iden-
tité. Les permutations de cette forme s'appellent des k-cycles ; les
2-cycles s'appellent des transpositions. Il est clair par dé�nition que
(n1 . . . nk) = (nk n1 . . . nk−1) (d'où le nom de cycle). Deux cycles
76
(n1 . . . nk) et (m1 . . . m`) sont disjoints, si les ensembles {n1, . . . , nk}et {m1, . . . ,m`} sont disjoints (dans [n]). Dans ce cas, ces deux cycles
commutent : (n1 . . . nk)(m1 . . . m`) = (m1 . . . m`)(n1 . . . nk) puis-
qu'ils opère sur des sous-ensemble di�érents de [n]. Finalement, si
l'inverse du cycle (n1 . . . nk) est donné par le cycle (nk . . . n1).
Soit π ∈ Sn une permutation quelconque. On va montrer comment
on peut écrire π de manière unique (à ordre près) comme produit de
cycles disjoints. Pour cela, on considère le groupe cyclique engendré
par π, i.e. 〈π〉 = {πk; k ∈ Z} ⊂ Sn et son action sur [n]. Sous
cette action [n] se décompose en orbites B1, . . . , Bs que l'on suppose
numérotées de telle manière que |B1| ≥ |B2| ≥ . . . ≥ |Bs|.Soit λi = |Bi| pour i = 1, . . . , s. D'après l'équation des orbites on
a∑λi = n ; par hypothèse λ1 ≥ λ2 ≥ . . . ≥ λs ≥ 1. On appelle
une telle suite de nombre naturels une partition de n et on notera
souvent [λ1, . . . , λs].
Nous associons ainsi une partition λ(π) de n à toute permutation
π ∈ Sn qu'on appellera le type de cycle de π. Toute orbite B de
longueur ` dé�nit dé manière unique un `-cycle ζ comme suit : pour
x ∈ B quelconque on pose ζ = (x π(x) π2(x) . . . π`−1(x)). On observe
qu'une orbite de longueur 1, qui ne comporte donc uniquement un
point �xe sous 〈π〉, dé�nit bien entendu l'identité. Si l'on associe de
cette manière à toute orbite Bi un cycle de longueur λi un λi-cycle
ζi, alors les cycles ζ1, ζ2, . . . , ζs sont deux à deux disjoints et nous
avons π = ζ1ζ2 . . . ζs. Dans cette écriture nous pouvons et allons bien
entendu oublier les cycles de longueur 1. Dans le cas π = Id[n] il n'y
a pas d'orbite de longueur ≥ 2, et π et donc le produit vide. De
cette manière nous pouvons donc écrire toute permutation en tant
que produit de cycles disjoints et ceci de manière unique, à l'ordre
de facteurs près bien entendu.
L'écriture en cycle disjoints est extrêmement e�cace et permet
entre autres de lire le type de cycle directement en regardant les
longueurs de cycles. Par exemple, le type de cycle de (145)(27) ∈ S8
77
est la partition [3, 2, 1, 1, 1]. Réciproquement, on voit bien que toute
partition de n apparaît comme type de cycles d'une permutation.
Le lemme suivant est facile à démontrer par calcul direct pour le
premier énoncé ; le second énoncé suit du premier. Il est laissé en
exercice (ou regardez dans vos cours de licence)
Lemme 11.3.1. � Soit π une permutation et (n1 . . . nk) un k-cycle
de Sn. Alors on a
π · (n1 . . . nk) · π−1 = (π(n1) . . . π(nk)).
Deux permutations π, π′ ∈ Sn sont conjuguées si et seulement si ils
ont le même type de cycle. En particulier, l'application
{classes de conjugaisons de Sn} → {partitions de n}π 7→ λ(π),
est une bijection.
Proposition 11.3.2. � Soit n ≥ 3. Alors le centre de Sn est
trivial.
Démonstration. Rappelons que le centre Z(Sn) est le sous-groupe de
Sn des éléments de Sn qui commutent avec tous les éléments de Sn.
Soit π ∈ Sn non trivial (i.e. di�érent de l'identité). Il existe donc
a ∈ [n] tel que π(a) = b 6= a. Comme n ≥ 3, il existe c ∈ [n] avec
c 6= a et c 6= b. D'après le lemme précédent,
π · (ac)π−1 = (bπ(c))
Cette transposition est di�érente de (ac) puisque b 6= a, b 6= c. Ainsi,
π ne commute pas avec (ac) et ne peut donc pas être dans le centre
de Sn. �
Proposition 11.3.3. � Soit n ≥ 2. Alors Sn est engendré par
les transpositions.
Démonstration. Il su�t de le montrer pour les k-cycles pour lesquels
c'est conséquence de la relation (n1 . . . nk) = (n1n2)(n2 . . . nk). �
78
Soit π une permutation et λ(π) = [λ1, . . . , λs] le type de cycle
de π. On appelle longueur de π l'entier `(π) =∑
(λi − 1). Ainsi la
longueur d'un k-cycle est k − 1. En particulier, la longueur d'une
transposition est 1. On dira qu'une permutation est paire (respecti-
vement impaire) si sa longueur est paire (respectivement impaire).
La proposition suivante est supposé connue de la licence :
Proposition 11.3.4. � L'application Sn → {±1}, π 7→ (−1)`(π)
est un morphisme de groupes.
En particulier, l'ensemble des éléments pairs de Sn est un sous-
groupe distingué de Sn, appelé le groupe alterné et noté An. Par
construction, ce groupe a 12n! éléments. Observons aussi que si π est
le produit de s transpositions, alors π est pair si et seulement si s est
pair.
Proposition 11.3.5. � Soit n ≥ 3. Le groupe alterné An est
engendré par les 3-cycles.
Démonstration. Nous savons déjà que tout élément de An s'écrit
comme produit d'un nombre pair de transpositions. Il su�t donc
de montrer la proposition pour les produits de deux transpositions.
Plusieurs cas se présentent. Le cas (ab)(ab) = 1 est clair puisque 1 =
(123)3. Dans le cas (ab)(bc) avec a 6= c, on observe (ab)(bc) = (abc).
Finalement, il reste le cas (ab)(cd) avec a, b, c, d distincts. Mais alors
on a (ab)(cd) = (ab)(bc)(bc)(cd) = (abc)(bcd). �
11.4. Groupes simples
Définition 11.4.1. � Un groupe G est simple, si G 6= {e} et si{e} sont G les seuls sous-groupes distingués dans G.
Exemple 11.4.2. � Un groupe abélien est simple si et seulement
s'il est cyclique d'ordre premier. En e�et, si G est un groupe simple
abélien et g un élément non trivial de G, alors g engendre un sous-
groupe obligatoirement distingué (G est abélien) de G donc G entier.
Si g est d'ordre in�ni, 〈g2〉 serait un sous-groupe propre distingué non
79
trivial en contradiction avec la simplicité de G. Par conséquent G est
�ni, cyclique : G ' Z/n. Pour tout diviseur propre d|n il existe un
sous-groupeH ⊂ Z/n, et on aH ' Z/d. Puisque G est simple, n doit
donc être un nombre premier. Réciproquement, si p est un nombre
premier, alors tout élément x 6= 0 est inversible dans le corps Z/pZet engendre donc additivement le groupe entier.
Exemple 11.4.3. � Le groupe Sn n'est pas simple pour n ≥ 3 :
le groupe alterné An est un sous-groupe distingué de Sn et nous
avons donc {(1)} C An C Sn. On peut donc se poser la question si
An est simple. Si n = 3, le groupe An a 123! = 3 éléments. Il est donc
isomorphe à Z/3Z et par conséquent simple. Pour n ≥ 4, le groupe
An n'est plus abélien. Par exemple nous avons (124)·(123)·(124)−1 =
(243). Mais A4 admet un sous-groupe distingué propre non trivial :
soit
V4 = {(1), (12)(34), (13)(24), (14)(23)}.
Que V4 est e�ectivement un sous-groupe se voit par calcul direct.
Que V4 est distingué se voit en remarquant que deux permutations
sont conjugués exactement s'ils ont le même type de cycle. Un sous-
groupe de Sn est donc distingué dans Sn si avec une permutation π
il contient aussi toutes les permutations du même type de cycle que
π, ce qui est le cas pour V4. Ainsi V4 est distingué dans S4 et donc
aussi dans A4. Le groupe alterné A4 n'est donc pas simple.
Théorème 11.4.4. � Le groupe An est simple pour n ≥ 5.
Démonstration. Observons d'abord que tous les 3-cycles sont conju-
gués dans An. En e�et, soient ζ1 = (abc) et ζ2 = (def) deux 3-cycles.
Comme ils ont le même type de cycle, ils sont conjugués vus dans Sn,
c'est-à-dire il existe une permutation π ∈ Sn telle que ζ2 = πζ1π−1.
Puisque n ≥ 5, il existe une transposition (xy) qui commute avec
ζ1. Soit µ = π(xy). Alors nous avons aussi ζ2 = πµζ1µ−1π−1. Une
des deux permutations π ou π(xy) est paire. Ainsi ζ1 et ζ2 sont aussi
conjugués dans An.
80
Soit maintenant N ⊂ An un sous-groupe distingué 6= {(1)}. Sup-posons que N contient un 3-cycle. Alors, d'après le remarque pré-
cédente, N doit contenir tous les 3-cycles puisque N est distingué.
Mais nous avons vu dans la proposition 11.3.5 que An est engendré
par les 3-cycles. Ainsi N = An et An est donc bien simple. Pour
démontrer la proposition, il reste donc de montrer que N contient
nécessairement un 3-cycle. Pour cela on choisit parmi tous les élé-
ments de N \ {(1)} une permutation π ayant le plus de points �xes
sur l'ensemble [n] = {1, . . . , n}. Nous allons montrer par une étude
de cas par cas, que π est nécessairement un 3-cycle.
Supposons d'abord que π contient un cycle de longueur m ≥ 4.
On peut supposer que π contient le cycle z = (12 · · ·m). Alors N
contient aussi l'élément (123)π(123)−1π−1 = (124), en contradiction
avec le choix de π (supposé ayant le plus de points �xes).
Supposons maintenant que π contient un 3-cycle ainsi qu'un cycle
disjoint de longueur 2 ou 3, par exemple π = (123)(45 · · · ) · · · .Alors N contient aussi (124)π(421)π−1 = (12534). Si nous avons
π = (123)(456) · · · ou (123)(34)(56) · · · , alors (12534) contredit le
choix de π. Si π = (123)(45), alors (12534) a lui même un nombre
maximal de points �xes. Mais ceci contredit le cas précédent.
Supposons π contient trois transpositions disjoints, par exemple
π = (12)(34)(56) · · · . AlorsN contient nécessairement aussi l'élément
(123)π(321)π−1 = (13)(24), contradiction.
Supposons π contient deux transposition disjoints, par exemple
π = (12)(34). AlorsN contient aussi (125)π(521)π−1 = (152), contra-
diction.
Finalement, π est nécessairement un 3-cycle et nous avons donc
démontré que An est simple. �
Remarque 11.4.5. � Les groupes �nis simples sont complètement
classi�és. Il y a, comme nous avons vu
� les groupes cycliques Z/p, avec p premier ;
� les groupes alternés An, avec n ≥ 5.
81
Il y a de plus 16 séries de groupes dits de type de Lie puis 26 autres
qui n'apparaissent pas dans une série. Ces derniers groupes simples
�nis sont appelés sporadiques pour cette raison. Le plus grand groupe
sporadique s'appelle le monstre. L'existence de ce groupe avait été
conjecturée par Fischer et Griess en 1973 puis construit par Griess
en 1982. Il a
246 · 320 · 59 · 76 · 112 · 133 · 17 · 19 · 23 · 29 · 31 · 41 · 47 · 59 · 71
= 808017424794512875886459904961710757005754368000000000
éléments. Il y a des relations bizarres entre le monstre et certaines
fonctions qui apparaissent dans la théorie des fonctions modulaires.
Ces relations ont semblé tellement bizarres au début qu'elles sont
connues sous le nom demoonshine (clair de lune). Pour avoir expliqué
beaucoup des questions liées au moonshine, Richard Borcherds a reçu
la médaille Fields en 1998.
11.5. Groupes résolubles
Définition 11.5.1. � Soit G un groupe. Une suite (G0, . . . , Gn)
de sous-groupes de G est une suite distinguée si G0 = G, Gn = {e}et si pour tout i = 1, . . . , n le groupe Gi est un sous-groupe distingué
propre de Gi−1. Les groupes Gi−1/Gi, i = 1, . . . , n, s'appellent les
facteurs de la série.
Nous notons une suite distinguée comme suit
{e} = Gn CGn−1 C . . .CG0 = G.
Exemple 11.5.2. � Nous avons déjà vu que {(1)} C An C Sn est
une suite distinguée pour n ≥ 3. Pour n = 4, nous savons aussi que
A4 admet le sous-groupe distingué V4. Par la suite, on obtient dans
ce cas la suite distinguée
{(1)}C V4 C A4 C S4.
Définition 11.5.3. � Un groupe G est dit résoluble, s'il admet
une suite distingué avec des facteurs abéliens.
82
Soit G un groupe et a, b ∈ G. Le commutateur de a, b ∈ G est
[a, b] = aba−1b−1. D'après la dé�nition, nous avons
[a, b]−1 = [b, a] et c[a, b]c−1 = [cac−1, cbc−1].
Ainsi l'ensemble [G,G] ⊂ G de tous le produits �nis de commutateurs
est un sous-groupe distingué de G. La proposition suivante est laissé
en exercice.
Proposition 11.5.4. � Soit G un groupe. Le quotient Gab =
G/[G,G] est abélien et tout morphisme de groupes f : G → A
dans un groupe abélien A factorise à travers Gab, i.e. il existe un
morphisme fab : Gab → A tel que f = fabπ où π : G → Gab est la
projection canonique.
Dans ce sens, Gab est le plus grand quotient abélien de G.
Définition 11.5.5. � Le quotient Gab s'appelle l'abélianisé de
G. Un groupe G est dit parfait, si Gab = {1} ou autrement dit si
[G,G] = G.
Par exemple, tout groupe simple qui n'est pas abélien est parfait.
Soit G un groupe. Alors nous pouvons dé�nir récursivement les
sous-groupes suivants : K0(G) = G, K1(G) = [G,G] et Kn+1(G) =
[Kn(G), Kn(G)]. D'après la constructionKn+1(G) est un sous-groupe
distingué dans Kn(G), et les facteurs de la suite
G = K0(G)BK1(G)BK2(G)B . . .
sont abéliens.
Proposition 11.5.6. � Un groupe est résoluble si et seulement
si KnG = {e} pour un n ∈ N.
Démonstration. Si Kn(G) = {e} pour un n ∈ N, alors la suite
G = K0(G)B . . .BKn(G) = {e}
est distinguée avec des facteurs abéliens et G est donc résoluble.
83
Réciproquement, supposons que
G = G0 BG1 BG2 B . . .BGm = {e}
soit une suite distinguée avec des facteurs abéliens. Montrons par
récurrence que Kn(G) ⊂ Gn pour tout n = 0, . . . ,m. Pour n = 0, il
n'y a rien à montrer. Supposons que l'on le sache pour n et raisonnons
comme suit : l'image de l'application composée Gn → Gn/Gn+1 est
abélien. Par conséquent nous avons
Kn+1(G) = [Kn(G), Kn(G)] ⊂ [Gn, Gn] ⊂ Gn+1
et donc aussi Km(G) ⊂ Gm = {e}. �
Corollaire 11.5.7. � Le groupe Sn est résoluble si et seulement
si n ≤ 4.
Démonstration. Pour n ≤ 4 nous avons déjà vu des suites distingués
avec facteurs abéliens dans les exemples ci-dessus. Pour n ≥ 5 nous
avons [Sn, Sn] = An, mais An est parfait (puisque simple d'après la
proposition 11.4.4 et non abélien). �
12. Théorèmes de Sylow
Les théorèmes Sylow donnent beaucoup d'informations sur les
sous-groupes d'un groupe �ni.
12.1. p-groupes
Définition 12.1.1. � Soit p un nombre premier. Un groupe �ni
G est un p-groupe, si |G| = pn pour un n ∈ N.
L'observation centrale, qui est le point de départ pour beaucoup
d'informations sur la structure des p-groupes, est le lemme suivant :
Lemme 12.1.2. � Soit G un p-groupe opérant sur un ensemble �ni
X. Alors nous avons |X| ≡ |XG| mod p, où XG désigne l'ensemble
des points �xes de X sous l'action de G.
84
Démonstration. Soient Bi ⊂ X, i = 1, . . . , n, les orbites sous l'action
de G. On choisit pour tout i un élément bi ∈ Bi et on désigne par Gi
le stabilisateur Gbi . D'après l'équation des orbites, nous avons
|X| =∑i
|Bi| et |Bi| = |G|/|Gi|.
Les points �xes sous l'action correspondent aux orbites de longueur
1. Pour tous les autres orbites, |Bi| est un diviseur non trivial de |G|et donc divisible par p aussi, d'où la proposition. �
Proposition 12.1.3. � Soit G un p-groupe. Alors le centre Z(G)
est non trivial. En particulier, il existe un élément central d'ordre p.
Démonstration. On va faire opérer G sur lui même par conjugaison :
h.g := hgh−1, puis on va appliquer le lemme 12.1.2. Un élément g ∈ Gest un point �xe exactement s'il commute avec tous les éléments de
G ou autrement dit s'il est dans le centre. Par conséquent, nous
avons |Z(G)| ≡ |G| ≡ 0 mod p. Puisque le centre contient au moins
l'élément neutre, on doit avoir |Z(G)| ≥ p. Maintenant, si x ∈ Z(G)
est un élément quelconque non trivial alors il est d'ordre pm pour un
m ≥ 1. Ainsi y = xpm−1
est un élément central d'ordre p. �
Corollaire 12.1.4. � Soit G un groupe d'ordre p2 où p est
premier. Alors G est abélien.
Démonstration. D'après le théorème 12.1.3 on sait que |Z(G)| = p
ou p2. Si |Z(G)| = p2, alors G est abélien. Supposons donc que
|Z(G)| = p. Alors Z(G) et G/Z(G) sont tous les deux d'ordre p et
donc cycliques. Soit [a] ∈ G/Z(G) un générateur. Alors tout élément
[g] ∈ G/Z(G) s'écrit de la forme [g] = [a]m. Il suit que g = amx
pour un x ∈ Z(G). De même, pour [h] ∈ G/Z(G), il existe y ∈ Z(G)
tel que h = any pour un entier n. Comme x et y sont centraux, ils
commutent avec tous les éléments de G d'où
gh = amxany = am+nxy = anyamx = hg,
Ainsi, G doit être abélien �
85
Proposition 12.1.5. � Soit G un p-groupe. Alors il existe une
suite de sous-groupes G0 = {e} < G1 < · · · < Gn = G d'ordre
|Gi| = pi avec la propriété que Gi est distingué dans G.
Démonstration. Soit x ∈ Z(G) un élément d'ordre p. Le sous-groupe
cyclique G1 = 〈x〉 engendré par x est central et donc un sous-groupe
distingué dans G. Le groupe quotient G/G1 est aussi un p-groupe.
Par récurrence, il existe donc une suite de sous-groupes distingués
{1} < G2 < . . . < Gn = G/G1 avec |Gk| = pk−1. Soit Gk l'image
réciproque sous Gk sous la projection canonique G→ G/G1. Comme
images réciproques de sous-groupes distingués, les Gk sont encore
distingués et leur ordre est |Gk| = |G1| · |Gk| = pk. �
12.2. Sous-groupes de Sylow
Définition 12.2.1. � SoitG un groupe �ni, p un nombre premier
et m la multiplicité de p dans l'ordre de G. Un p-sous-groupe S ⊂ G
est appelé un p-sous-groupe de Sylow de G si |S| = pm.
Dans la suite, on dira simplement p-Sylow.
Théorème 12.2.2. � (Sylow) Soit G un groupe d'ordre pmu où
p est un nombre premier et où p ne divise pas u. Alors
a) Il existe un p-Sylow de G et si sp est le nombre des p-Sylow,
alors sp| |G| et sp ≡ 1 mod p ;
b) Tout p-sous-groupe de G est contenu dans un p-Sylow ;
c) Tous les p-Sylow de G sont conjugués ;
Démonstration. L'idée est de produire des sous-groupes de G en tant
que stabilisateurs pour des actions deG sur des ensembles appropriés.
Considérons donc l'ensemble X des sous-ensembles de G ayant pm
éléments, i.e.
X = {Y ⊂ G; |Y | = pm}
Le groupe G opère sur X par translation à gauche, c'est-à-dire pour
Y = {y1, . . . , ypm} ∈ X et g ∈ G on a g.Y = {gy1, . . . , gypm}.
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Soit Y ∈ X et soit H = GY le stabilisateur de Y . Cela signi�e que
h.Y = Y pour tout h ∈ H. En particulier, nous avons une opération
de H sur Y : (h, y) 7→ hy. L'action de H sur Y est libre (puisque
h.y = y implique h = e) et Y se décompose en une réunion disjointe
de classes à droites de H. En particulier, l'ordre de H est un diviseur
de |Y | = pm ou autrement dit H est un p-groupe d'ordre pm′avec
m′ ≤ m. De plus, H sera un p-Sylow exactement si Y est formée
d'une seule orbite, c'est-à-dire de la forme Y = Hy.
En revenant à l'action de G sur X, cela signi�e que que la longueur
de l'orbite de Y est |G|/|H| = upm−m′. Ce nombre n'est pas divisible
par p, exactement si Y = Hy pour p-Sylow. Soit X0 ⊂ X l'ensemble
des sous-ensembles de la forme Y = Hy pour un p-Sylow H et y ∈ G.D'après l'équation des orbites, il on a donc |X| ≡ |X0| mod p.
Maintenant nous avons
|X| =(pmu
pm
)≡ u mod p 6≡ 0 mod p.
Ainsi |X0| 6≡ 0 mod p et X0 est donc non-vide, c'est-à-dire il existe
des p-Sylow.
De plus, pour tout p-Sylow H il existe exactement u = |G/H|classes à droite di�érentes Hy dans X0. Par ailleurs, H est bien
dé�nie en tant que stabilisateur de la classe à droite Hy, i.e. un
élément de X0 correspond exactement à un p-Sylow. Ceci montre
que |X0| = usp, d'où u ≡ usp mod p, et donc sp ≡ 1 mod p.
Pour démontrer le second énoncé, soit S < G un p-Sylow et H < G
un p-sous-groupe quelconque. Nous allons appliquer le lemme 12.1.2
directement sur l'action de H sur l'ensemble G/S par multiplication
à gauche. Comme
|G/S| = |G|/|S| = u 6≡ 0 mod p
il existe un point �xe yS ∈ G/S, i.e. une classe à droite yS avec
HyS = yS. Mais ceci signi�e que y−1Hy ⊂ S ou autrement dit
H ⊂ ySy−1. Ainsi H est contenu dans le p-Sylow ySy−1.
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Cet argument donne dans le cas particulier où H est déjà un p-
Sylow une inclusion H ⊂ ySy−1 entre groupes de même cardinal
donc en particulier une égalité. Par conséquent, deux p-Sylow sont
conjugués, d'où le troisième énoncé.
Finalement, il reste la première relation sur sp du premier énoncé
à démontrer. Pour cela on considère l'action de G sur l'ensemble
X1 des p-Sylow par conjugaison : (g, S) 7→ gSg−1. Nous venons de
voir que tous les p-Sylow sont conjugués. Par conséquent il n'existe
qu'une seule orbite. Si K est de le stabilisateur de S ∈ X1, alors :
|G| = |K| · |X1|, d'où sp = |X1| est un diviseur de |G|. �
Dans la démonstration nous avons utilisé que pour tout nombre
premier et tout nombre naturel u premier avec p :(upm
pm
)≡ u mod p
En fait, un résultat plus général est vrai :
Lemme 12.2.3. � Soit p un nombre premier, u ∈ N et 0 ≤ k ≤ m.
Alors (u
k
)≡(upm
kpm
)mod p
Démonstration. Dans l'anneau des polynômes Fp[x, y] nous avons
(x + y)p = xp + yp. Par récurrence, nous avons donc (x + y)pm
=
xpm
+ ypmet �nalement
(x+ y)upm
= (xpm
+ ypm
)u.
En faisant l'expansion à gauche et à droite par la formule du binôme,
le lemme suit en comparant les coe�cients de chaque coté. �
12.3. Applications
Le théorèmes de Sylow permettent de démontrer de nombreux
résultats utiles sur les groupes �nis d'un ordre particulier.
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Exemple 12.3.1. � L'ordre de A5 est égal à 60 = 22 · 3 · 5. D'aprèsles théorèmes de Sylow, A5 admet donc des 2, 3 et 5-Sylow d'ordre
respectivement 4, 3 et 5. Quel est le nombre de 5-Sylow ? Toujours
d'après les théorèmes de Sylow, ce nombre doit diviser 60 et être
congruent à 1 mod 5. Par conséquent, il peut en avoir un ou six.
S'il y en avait qu'un seul, alors ce sous-groupe serait conjugué à lui
même et donc un sous-groupe distingué propre et non trivial de A5.
Comme nous savons déjà que A5 est simple, ce n'est pas possible.
Par conséquent, A5 a exactement six 5-Sylow distincts.
Exemple 12.3.2. � Si p et q sont des nombres premiers distincts
avec p < q, alors tout groupe G d'ordre pq a un sous-groupe distingué
d'ordre q. En particulier, G ne peut pas être simple. En e�et, d'après
les théorèmes de Sylow, G admet un q-SylowH, d'ordre q. Le nombre
de ces q-Sylow divise pq et doit être égal à 1 + kq, pour k = 0, 1, . . ..
Mais déjà 1 + q est trop grand pour pouvoir diviser pq d'où k = 0.
Ainsi, H est conjugué à lui même, et donc un sous-groupe distingué
propre et non trivial de G. Par exemple, un groupe d'ordre 15 = 3 ·5n'est donc jamais simple. On verra plus loin qu'un tel groupe est en
fait toujours cyclique.
Exemple 12.3.3. � Aucun groupe G d'ordre 20 = 22 · 5 ne peut
être simple. En e�et, G contient un 5-Sylow. Comme le nombre des
5-Sylow doit diviser 20 et doit être congruent à 1 mod 5 il doit être
égale à 1. Ainsi G contient un sous-groupe distingué d'ordre 5.
Exemple 12.3.4. � Aucun groupe G d'ordre 56 = 23 · 7 ne peut
être simple. Regardons d'abord les 7-Sylow. Il peut en avoir 1 ou 8.
S'il y en a qu'un alors il est distingué. Supposons donc qu'il y en ait
8. Un tel sous-groupe est d'ordre 7 donc cyclique. Ainsi l'intersection
de deux 7-Sylow distincts est réduit à l'élément neutre. Cela nous
donne 8 · 6 = 48 éléments di�érents d'ordre 7. Comptons maintenant
les 2-Sylow. Il peut en avoir 1 ou 7. Tout élément d'un 2-Sylow doit
être di�érent des 48 éléments d'ordre 7, puisque son ordre est une
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puissance de 2. Comme un 2-Sylow de G est d'ordre 8 cela ne laisse
donc que la place pour un seul 2-Sylow, qui doit donc être distingué.
Pour d'autres groupes il est plus di�cile de montrer queG n'est pas
simple. Par exemple si |G| = 48 le technique de l'exemple précédent
ne fonctionne pas. On peut cependant s'en sortir dans ce cas en
utilisant le lemme suivant.
Lemme 12.3.5. � Soient H et K deux sous-groupes �nis de G.
Alors
|HK| = |H| · |K||H ∩K|
.
Démonstration. Par dé�nition, nous avons
HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K}.
Nous avons certainement |HK| ≤ |H| · |K| puisque tout élément de
HK est produit de deux éléments di�érents de H et K.
Supposons h1k1 = h2k2 pour h1, h2 ∈ H et k1, k2 ∈ K. Soit
a = (h1)−1h2 = k1(k2)−1.
Alors a ∈ H ∩K, puisque (h1)−1h2 est dans H et k2(k1)−1 est dans
K. Ainsi, nous avons h2 = h1a−1 et k2 = ak1.
Réciproquement, soit h = h1b−1 et k = bk1 pour b ∈ H ∩K. Alors
hk = h1k1, avec h ∈ H et k ∈ K. Ainsi, tout élément hk ∈ HK est
de la forme hiki pour hi ∈ H et ki ∈ K, autuant de fois qu'il y a
d'éléments dans H∩K, i.e. |H∩K| fois. Par conséquent, nous avonsbien |HK| = (|H| · |K|)/|H ∩K|. �
Exemple 12.3.6. � Montrons qu'un groupe G d'ordre 48 = 24 · 3n'est pas simple : on va montrer qu'il contient ou bien un sous-groupe
distingué d'ordre 8 ou bien un sous-groupe distingué d'ordre 16.
D'après les théorèmes de Sylow, on sait que G a un ou trois 2-
Sylow. Le premier cas correspond à l'existence d'un sous-groupe dis-
tingué d'ordre 16. Supposons donc que nous sommes dans le deuxième
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cas. SoientH etK deux de ces 2-Sylow. Alors nous avons |H∩K| = 8.
En e�et, si |H ∩K| ≤ 4, on aurait d'après le lemme
|HK| = 16 · 16
4= 64,
ce qui est impossible. Ainsi H ∩K est distingué dans H et dans K
puisqu'il est d'indice 2 (exercice : tout sous-groupe d'indice 2 d'un
groupe est obligatoirement distingué). Le normalisateur N(H∩K) de
H ∩K contient donc H et K. Son cardinal est donc strictement plus
grand que 16. Comme par ailleurs il doit diviser 48, seul |N(H∩K)| =48 est possible. Ainsi H ∩K est distingué dans G.
13. Produit semi-direct
Nous avons vu dans les exemples d'application des théorèmes des
Sylow qu'il est souvent utile d'étudier le sous-ensemble HK ⊂ G
pour H et K deux sous-groupes de G. Nous allons étudier cette
situation en détail maintenant.
13.1. Produits de sous-groupes
Soient G un groupe et H et K deux sous-groupes de G.
Considérons l'ensemble
HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} ⊂ G.
Nous avons bien entendu, que H ⊂ HK et K ⊂ HK. On dira que
K normalise H si pour tout k ∈ K on a kHk−1 ⊂ H.
Lemme 13.1.1. � Soient G un groupe et H,K deux sous-groupes
de G. Si K normalise H alors HK est un sous-groupe de G.
Démonstration. Il est clair que e ∈ HK. Si x = hk ∈ HK et x′ =
h′k′ ∈ HK alors nous avons
xx′ = hkh′k′ = hkh′(k−1k)k′ = h(kh′k−1)kk′ = hh′′kk′
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puisque K normalise H. Ainsi HK est clos par multiplication. Pour
le passage à l'inverse, observons
(hk)−1 = k−1h−1 = k−1h−1(kk−1) = (k−1h−1k)k−1 = h′k−1
Ainsi HK est un sous-groupe de G. �
En particulier, si H est distingué dans G, le produit HK est un
sous-groupe pour tout sous-groupe K puisque dans ce cas là, tout
sous-groupe de G normalise H.
Remarque 13.1.2. � Si K normalise H alors le sous-groupe HK
n'est autre que le sous-groupe engendré par H ∪K. En e�et, comme
H ⊂ HK et K ⊂ HK, on sait que H ∪K ⊂ HK. Comme HK est
un sous-groupe de G, on a donc 〈H∪K〉 ⊂ HK. Réciproquement, un
élément de la forme hk est bien entendu dans 〈H∪K〉 d'où l'inclusiondans l'autre sens et �nalement l'égalité 〈H ∪K〉 = HK
Lemme 13.1.3. � Soient G un groupe et H,K deux sous-groupes
distingués de G. Alors HK est un sous-groupe distingué de G.
Démonstration. Comme H est distingué, on sait déjà que HK est
un sous-groupe de G. Soit g ∈ G et hk ∈ HK. Alors nous avons
ghkg−1 = ghg−1gkg−1 = h′k′ ∈ HK
puisque H et K sont distingués dans G. Ainsi HK est distingué. �
Proposition 13.1.4. � Soient G un groupe et H,K deux sous-
groupes de G. On suppose
� H ∩K = {e} ;� hk = kh pour tout h ∈ H et k ∈ K
Alors l'application ϕ : H × K → HK, (h, k) 7→ hk est un isomor-
phisme de groupes.
Démonstration. On observe d'abord que la deuxième condition im-
plique que ϕ est bien un morphisme de groupes :
ϕ(hh′, kk′) = hh′kk′ = hkh′k = ϕ(h, k)ϕ(h′, k′)
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Ce morphisme est surjectif par dé�nition. Montrons qu'il est injectif :
si hk = e nous avons h = k−1 donc h appartient aussi à K. Mais
alors la première condition dit que h = e d'où la proposition. �
En particulier, si dans le conditions de la proposition, nous avons
en plus que
� HK = G,
alors nous savons que H ×K ' G. Parfois on dit dans ce cas que G
est le produit direct interne des sous-groupesH etK (pour distinguer
du produit direct externe obtenu en prenant deux groupes H et K
quelconques et en formant le groupe G = H ×K).