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Nyssens Guillaume H&E.c 1°ciné B7 I 2 2 4 4 / / 0 0 9 9 / / 0 0 3 3 Histoire et esthétique du cinéma. Introduction au cours L'examen de juin est à l'oral mais il y aura une épreuve écrite en janvier. Si nous avons une moyenne de 12 points au cours, nous sommes dispensées d'étudier la matière vue au premier semestre. Les questions porteront sur la matière vue au cours, ainsi cela nous permettra d'avoir une base commune à tous. Pour ceux qui auraient désiré d'avoir un syllabus, il n'en existe pas un officiel mais pour ceux qui veulent vraiment en avoir un, il en existe un officieux qui malheureusement contient beaucoup de fautes. Pourquoi le professeur ne désire-t-il pas utiliser un syllabus ? Parce que ce qui est intéressant, ce n'est pas d'avoir cours mais le rapport que nous pourrions avoir avec le cinéma pour essayer de nous ouvrir les yeux, pour découvrir par nous même quitte à se planter car il est inutile de connaître les réponses à l'avance. L'attitude que le professeur ne sera pas la même en classe qu'à l'examen. Nous verrons ± 15 films au cours du cours. Pour notre culture cinématographique, le professeur nous conseille d'aller au cinéma, mais que voir ? Où aller pour ne pas voir un cinéma commercial ? Dans une cinémathèque : - la plus grande se trouve à Paris. [C'est Henri Langlois, grand cinéphile, qui a commencé à constituer cette fameuse collection fin des années 50' avec "Fardeaux". Avant la sauvegarde de ce patrimoine, les personnes ont commencé à jeter les films muets dès que les films parlant sont arrivés dans les salles de projection. H.L. trouva ces films muets dans les marchés aux puces et les projetait dans son salon. La pellicule des films invendus était refondue et servait par exemple de cirage. Cette conservation a joué un grand rôle lors de la nouvelle vague. En effet, Godard, dans "A bout de souffle", se base sur le passé pour tenter de le dépasser.] Plus près de chez nous, nous pouvons trouver : - la cinémathèque du Palais des Beaux-Arts, rue Baron Horta, au Musée du Cinéma. Chaque soir, ils projettent 3 parlants et 2 muets de 18h jusqu'à 22h. Ils possèdent une collection de ± 40 000 films en noir et blanc. Il y a aussi une salle de lecture où nous pouvons trouver toutes les coupures de presse concernant tous les films qu'ils possèdent. A l'entrée se trouvent toutes les différentes caméras, de leur début à nos jours. Le prix est de 2 euros pour une séance réservée. Ils essayent de projeter par thème. dans une salle de cinéma : - Flagey au studio 5. Ce mois-ci, il y a L'ange de l'épaule droite (Tadjikistan), La pomme (Iran), Rosy (Belgique). - "L'Arenberg", cette salle se trouve dans la galerie royale St Hubert. C'est un mélange entre l'art et l'essai. Durant l'été, des séances en plein air sont organisées dans des lieux insolites en rapport avec la projection. - "Le Vendôme" se situe près de la Porte de Namur et de la Chaussée de Wavre. Il y a un risque de fermeture. - Le Nova (.com) se situe dans le même endroit que la salle L'Arenberg mais plus du coté de la cathédrale. On peut voir des films vus nuls part ailleurs. Du 15août au 15 septembre, ils organisent aussi des "open airs" à la télévision, il y a 2 chaînes 1/2 intéressantes : - ARTE. C'est une chaîne qui fait réfléchir…On allume et on devient plus intelligent. L'image est réellement devenue le point d'impact le plus puissant dans notre société. Les médias s'en servent pour choquer les gens… "… pleurer ses propres peines pour les évacuer, ne pas pleurer les peines des autres pour oublier ses propres peines." M. Wauters. - MCM. Pourquoi ? Cela a un grand avantage, c'est que les clips vidéo nous montre une image plus actuelle, en effet il faut 3 à 4 mois pour réaliser un clip, que celle des films, où il faut 3 à 4 ans. - MTv, à petites doses… - La deux, à petites doses aussi. Ce que nous proposent les chaînes belges est de mauvaise qualité mais parfois ils repassent des vielles émissions, ce qui est parfois très didactique.

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Nyssens Guillaume H&E.c1°ciné B7

I

222444///000999///000333 Histoire et esthétique du cinéma.

Introduction au coursL'examen de juin est à l'oral mais il y aura une épreuve écrite en janvier. Si nous avons une moyenne de 12

points au cours, nous sommes dispensées d'étudier la matière vue au premier semestre. Les questions porterontsur la matière vue au cours, ainsi cela nous permettra d'avoir une base commune à tous.

Pour ceux qui auraient désiré d'avoir un syllabus, il n'en existe pas un officiel mais pour ceux qui veulentvraiment en avoir un, il en existe un officieux qui malheureusement contient beaucoup de fautes. Pourquoi leprofesseur ne désire-t-il pas utiliser un syllabus ? Parce que ce qui est intéressant, ce n'est pas d'avoir cours maisle rapport que nous pourrions avoir avec le cinéma pour essayer de nous ouvrir les yeux, pour découvrir par nousmême quitte à se planter car il est inutile de connaître les réponses à l'avance.

L'attitude que le professeur ne sera pas la même en classe qu'à l'examen.Nous verrons ± 15 films au cours du cours.

Pour notre culture cinématographique, le professeur nous conseille d'aller au cinéma, mais que voir ? Où allerpour ne pas voir un cinéma commercial ? Dans une cinémathèque :

- la plus grande se trouve à Paris.[C'est Henri Langlois, grand cinéphile, qui a commencé à constituer cette fameusecollection fin des années 50' avec "Fardeaux". Avant la sauvegarde de ce patrimoine, lespersonnes ont commencé à jeter les films muets dès que les films parlant sont arrivés dansles salles de projection. H.L. trouva ces films muets dans les marchés aux puces et lesprojetait dans son salon. La pellicule des films invendus était refondue et servait parexemple de cirage. Cette conservation a joué un grand rôle lors de la nouvelle vague. Eneffet, Godard, dans "A bout de souffle", se base sur le passé pour tenter de le dépasser.]

Plus près de chez nous, nous pouvons trouver :- la cinémathèque du Palais des Beaux-Arts, rue Baron Horta, au Musée du Cinéma. Chaque soir,

ils projettent 3 parlants et 2 muets de 18h jusqu'à 22h. Ils possèdent une collection de ± 40000 films en noir et blanc. Il y a aussi une salle de lecture où nous pouvons trouver toutesles coupures de presse concernant tous les films qu'ils possèdent. A l'entrée se trouventtoutes les différentes caméras, de leur début à nos jours. Le prix est de 2 euros pour uneséance réservée. Ils essayent de projeter par thème.

dans une salle de cinéma :- Flagey au studio 5. Ce mois-ci, il y a L'ange de l'épaule droite (Tadjikistan), La pomme (Iran),

Rosy (Belgique).- "L'Arenberg", cette salle se trouve dans la galerie royale St Hubert. C'est un mélange entre l'art et

l'essai. Durant l'été, des séances en plein air sont organisées dans des lieux insolites enrapport avec la projection.

- "Le Vendôme" se situe près de la Porte de Namur et de la Chaussée de Wavre. Il y a un risque defermeture.

- Le Nova (.com) se situe dans le même endroit que la salle L'Arenberg mais plus du coté de lacathédrale. On peut voir des films vus nuls part ailleurs. Du 15août au 15 septembre, ilsorganisent aussi des "open airs"

à la télévision, il y a 2 chaînes 1/2 intéressantes :- ARTE. C'est une chaîne qui fait réfléchir…On allume et on devient plus intelligent.

L'image est réellement devenue le point d'impact le plus puissant dans notre société.Les médias s'en servent pour choquer les gens…

"… pleurer ses propres peines pour les évacuer,ne pas pleurer les peines des autres pour oublier ses propres peines."

M. Wauters. - MCM. Pourquoi ? Cela a un grand avantage, c'est que les clips vidéo nous montre une image

plus actuelle, en effet il faut 3 à 4 mois pour réaliser un clip, que celle des films, où il faut 3à 4 ans.

- MTv, à petites doses…- La deux, à petites doses aussi. Ce que nous proposent les chaînes belges est de mauvaise qualité

mais parfois ils repassent des vielles émissions, ce qui est parfois très didactique.

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II

Buts et objectifs du cours :1° Culture cinématographique de base2° Ouvrir les yeux, regarder, décortiquer les images.

On va analyser les films en intégralité mais on n'est pas là pour être formé à devenir des "cinéhistoriens". (Ex: Dans Le Cuirassé Potemkine, on montre souvent une séquence qui essaye de résumer le film mais parfois lesséquences qui précèdent sont souvent aussi intéressantes que les séquences "principales" car elles lesintroduisent.

Pourquoi étudier le cinéma de façon chronologique ? Parce que dans l'histoire du cinéma, ils ont commencépar une technique simple avant de découvrir d'autres techniques et de compliquer la façon de filmer. Il sera plusfacile pour nous de commencer par le début, c.-à-d. par les frères Lumière, Méliès, Griffith (pas en intégralité carc'est trop en début d'année), le cinéma soviétique, le cinéma expressionniste allemand, M le maudit 1931 ; puison passera au parlant avec Citizen Kane, la transition de la nouvelle vague avec Godard A bout de souffle (C'estune révolution dans le cinéma), 1963, le cinéma surréaliste avec Le chien andalou, Cet obscur objet du désir,Manhattan de Woody Allen, Les Idiots, … avec une mise en évidence des différentes caractéristiques du pointde vue du montage, du son, …

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III

Celtes

Grecs

RomainsUn Grec vaincu maisun Romain heureux.

IntroductionQuelle est l'image occidentale en 1895 à Paris ?Quelle est la société du XIX°s, ses caractéristiques, cela a beaucoup influencé la 1° imagesa vision, son image, sa culture… ? cinématographique

D'où vient la culture ? Du passé. De quel passé ? Plus celui de la Grèce que celle de nos ancêtres celtes. C'estune culture définie en Grèce attique, celle du V° siècle. Quelle en est la trace aujourd'hui ? Les maths, laphysique, la philosophie (il n'y a essentiellement que des philosophes grecs, chrétiens, contemporains), ladémocratie, les arts (le théâtre classique, l'architecture, … ), les sports (les J.O.), la musique, les mots,, lesproportions dans la sculpture, les perspectives, la culture du Beau…

Qu'est-ce que le Beau ? Comment expliquer que les proportions entre la tête et le corps des statues grecques(7× la tête dans corps) et Baoulés (3×) ? Parce que selon le changement de cultures, les perceptions visuelleschangent, la symbolique sous-entendue aussi.

Mais pourquoi 7× chez les Grecs ? Parce que cela ressemble plus à l'anatomie du corps humain, à un hommetel qu'on le voit, mais en plus idéalisé.

Qu'est-ce que la perspective ? C'est une déformation de la réalité, c'est le point de vue du spectateur mais c'estaussi une caractéristique de l'image oculaire que nous avons appris pour essayer de respecter la réalité ( parimage rétinienne). Les perspectives changent aussi en fonction de la culture. Prenons un exemple entre les Grecset les Egyptiens.

Grecs

Ici l'image est celle de notre passé culturel où lespectateur est la personne qui voit un paysage deface.

On doit représenter ce qu'on a dans les yeux

Egyptiens

Ici le but est différent. Chez les Egyptiens, oncroit qu'il y a une vie après la mort. Ainsi pour quene le personnage ne s'ennuie pas, on le représenteavec son paysage familier sur un support (dans lestombaux, ce sont généralement les murs quiservent de support.) Ce genre de dessin sertseulement pour le personnage qui l'anime et nonpas pour une tierce personne.

Reprenons en vitesse l'histoire de l'image au fil du temps :

- les Celtes sont des nomades. Si on pouvait leur attribuer une forme, ce serait la courbe carils sont très flexibles. Ils ont une culture de l'image curviligne, des contes et des légendes etn'hésitent pas à innover, inventer. D'ailleurs le mot viking "saga" exprime bien notre origine.

- Comme expliquer ci-dessus, la base de notre culture vient de là.

- Sans les Romains, jamais nous n'aurions pu profiter de larichesse culturelle grecque. Car ils ne cessent envahir desterritoires, de pratiquer l'acculturation tout en prenant lesrichesses des civilisations vaincues, mais en conquérant laGrèce, les Romains ont permis de partager ce trésor avec le reste du monde latin. Ils nous ont,quand même, apporté une structure fort rigide, très carrée.

largeur desépaules =prestance

L'image ment. Sielle ne mentait pas,elle n'existerait pas.

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2

Moyen Age

Renaissance

XVII°, XVII°

1789

XIX°

1826

± 1870

- A la chute de l'Empire romain se pointe le Moyen Age unité de temps pas trèsavec peu d'image en perspective. On retrouve des respectée + "saga"représentations de plusieurs moments dans un même tableau

C'est fort basé sur la religion donc Dieu est au centre du monde. C'est la présence d'un Dieuomniscient et omnipotent. Parfois nous avons l'impression que nous sommes des racluresperverses et que Dieu est un être parfait. Ce qui a une lourde signification.

(× aux dieux grecs plus humains)

- L'être humain revient au centre du monde, c'est un retour vers la Grèce antique. On observeun développement plus poussé de la pensée avec Descartes et son "Cogito ergo sum". Il utilisebeaucoup la Raison et aboutit à la constatation que si une chose existe, son contraire n'existepas.

- C'est le temps des salons "philosophiques" où les riches personnes (essentiellementaristocrates où c'est le nom qui détermine le pouvoir) invitent des intellectuels, des écrivains,…On n'hésite pas à refaire le monde par la pensée (les explorateurs classifient les nouvellesdécouvertes par l'apparence physique, la couleur, …)

- Clivage dans la société française, ce sont les bourgeois qui prennent le pouvoir

- La bourgeoisie est arrivée au pouvoir, c'est un pouvoir basé sur la débauche d'argent et defrime. En effet l'argent, on peut le perdre comme on peut le gagner, donc du jour au lendemainon peut passer d'un extrême à l'autre. Mais il faut montrer qu'on possède de l'argent et qu'on ale pouvoir, donc on frime. Comment ? A la fois en se distanciant du XVIII° en favorisant lamodernité mais aussi en copiant les aristos se faisant tirer le portrait…

- Nicéphore NIEPCE fait la première photographie du monde. Avant de réaliser saphotographie, Nicéphore était malheureux car il n'arrivait pas à très bien graver, il ne pouvaits'empêcher de mettre une touche personnelle. Car c'est quoi bien peindre, c'est bien copier laréalité.

La photographie est un moyen merveilleux de copier parfaitement et mécaniquement laréalité du monde extérieur. Elle connut un véritable essor grâce aux galeries de portraits desbourgeois (plus on a de photos, plus on a d'importance)

Comment en est-on arrivé là ?

Les Chinois ont inventé la camera obscura. C'était une piècepour peindre. on se mettait dans une espèce de chambre noireavec un petit trou et on recopiait les contours au crayon avantde sortir la toile et peindre dehors

→ Evolution de Bush où on travaille l'image→ On arrive tout doucement vers une société de l'image à forte prépondérance.

Actuellement les informations sont véhiculées par image

Comment s'est passé la transition entre la photographie et le cinéma ?Les photographes essaient de plus en plus être réalistes.

Décomposition de l'image par MUY BRIDGE et MARE.Muy Bridge était un peintre de chevaux de course mais pour un peindre un cheval de

course, il est préférable de le peindre au galop. Or avant que la photographie n'apparaisse,les jambes d'un cheval au galop étaient peintes n'importe comment.

Pour être le plus proche de la réalité, il a eu l'idée de mettre plusieurs appareils les uns à lasuite des autres ; et quand le cheval passerait au galop, le photographe déclencherait lesappareils photos avec une corde. C'est une des premières photos animées qui permettait ladécomposition d 'un corps en mouvement, corps humain, …

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3

1891

28.12.1895

Mare a mis un système au point qui consiste à exposer la même plaque photographique 10à 15 fois de suite lorsque quelqu'un bouge. C'est de la chronophotographie.

Une fois l'image décomposée, il suffit de la recomposerEdison invente le kinétoscope. Il met l'image en mouvement grâce à une manivelle mais

c'est une invention pour les plaisirs solitaires.Les frères Lumières projettent le premier film dans l'histoire mondiale au sous-sol d'un

grand hôtel "Hôtel Scribe", 14 Boulevard des Capucines. Ils ont réussi à faire bouger uneimage et que tout le monde puisse regarder. Pour l'atmosphère bourgeoise on dit que c'estun divertissement.

000111///111000 Langage cinématographiqueIl existe un langage cinématographique qui s'est complexifié au fil du temps, au fur et à mesure de son

évolution, des films mais parfois une nouvelle technique apparaît et disparaît dans le même souffle.En effet au tout début, il n'y avait rien, la grammaire va se mettre en place à partir des années 1910.

Echelle des plansUn plan, c'est quoi ? - au tournage, c'est le fragment de pellicule impressionnée entre le moment où l'on allume lacaméra et le moment où l'on l'éteint. - au montage, c'est la partie utilisée du plan enregistré au tournage. (Avant, on découpait le plan dans la pelliculeet on le recollait avec du scotch dans l'ordre voulu. Actuellement il est plus aisé de monter sur ordinateur.)L'échelle des plans, c'est quoi ? C'est la gradation, la différentiation des plans.

Des plans très larges → des plans plus serrés(- Plan lointain → le sujet n'est plus qu'un petit point sur l'image - Plan général → le sujet est une silhouette) - Plan ensemble → le sujet est dominé par le décor qui l'entoure - Plan moyen → équilibre entre le sujet et le décor

→ moyen → le sujet de la tête au pied→ américain → du genou à la tête ( pour voir les colts dans les westerns)→ rapproché → de la taille à la tête→1° plan → du buste à la tête

- Gros plan → quand le visage, l'élément envahit l'écran - Très gros plan → l'élément filmé n'a plus de rapport avec l'extérieur, l'espace extérieur

a disparu

Angles de prise de vueUn angle de prise de vue, c'est quoi ? C'est la façon dont nous allons incliner la caméra, c'est l'angle sous lequelnous allons filmer notre sujet. - Plongée : cela nous donne une sensation d'écrasement du sujet. - Contre plongée : cet effet nous donne une sensation de supériorité de la part du personnage.

Il est très intéressant parfois d'utiliser ce genre d'effet car cela va induire un sens, une valeur plus importante.

On dit que depuis ce jour- là, iln'y a pas eu un seul jour sansprojection cinématographique.

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Mouvements de caméraAu début, il y a une absence de mouvement de caméra parce qu'on ne se dit pas qu'elle peut bouger. Il y a

cependant un "faux" espoir en 1896 car il y a une ébauche de mouvement. C'est l'opérateur que les frèresLumières ont envoyé à Venise et qui film la ville depuis une gondole sur le canal.

- Travelling : la caméra se déplace sur une sorte de chariotIl a fallu du temps avant que la caméra ne bouge. C'est vers 1912-1914 qu'on va

commencer à utiliser cette technique. Auparavant, c'était le décor qui bougeait. Aveccela, on intervertit un procédé qui se révèle moins coûteux.

(Il faudra encore une dizaine d'années avant de porter la caméra, Murnau utilise ceprocédé dans son film Le dernier des hommes en 1924 (+ dans la fibre réaliste). Dans lamême veine, on se dit qu'on peut se servir d'une grue. Ce qui se fera en 1944 dans unfilm d'Otto Beminger Laura ( Ce réalisateur découvrira Jean Sisberg, grande actrice dela nouvelle vague). Vers les années 1960, on se dit qu'on peut filmer d'un hélicoptère,… Et c'est parti.)

Dans les festivals, les critiques adorent donner des nominations, des prix. Ils n'ont pasfailli à la règle en attribuant le plus beau travelling de l'histoire du cinéma à JacquesDemy en 1962 dans La Baie des Anges (Beau film en noir & blanc avec Jeanne Moreause situant sur la Côte d'Azur à Nice).

(Fin des années 1950, les caméras sont plus légères, donc on peut les porter facilementet faire tous les mouvements de fou possibles.)

- Panoramique : pied fixe mais la caméra tourne sur son axe.Le plus célèbre est celui de La 39° marche d'Alfred Hitchcock 1935

- Zoom : la caméra ne bouge pas, c'est l'objectif.On l'a découvert avant 1927 mais il sera utilisé généralement dans les années 1950. Il offre

cependant un usage très limité.Le plus beau est celui de Pasolini dans L'Evangile selon St Matthieu 1960.

CadrageC'est comme un cadre, on définit ce qu'on met dans une image. Mais cela répond à des règles proches des règlesde l'image oculaire (ou cérébrale), à des lois dont beaucoup naîtront de l'image ???→ Welles va définir une image propre et structurée en profondeur

- Amorce de la profondeur de champ et thématique du champ, objet enavant plan et arrière plan

- Empathie du cadrage : C'est lorsqu'on joue sur le champ et le hors-champ. En effet l'esprit du spectateur continue l'image. On crée beaucoupplus que ce qui est mis dans l'image d'où l'impression qu'il y a aussi autrechose que l'image

EclairageAu tout début, on n'éclaire pas, on filme en lumière de jour donc tout est éclairé (et il n'y a pas d'ombre).Vers 1910, on entrevoit le jeu de la lumière et de l'ombre dans Intolérance de Griffith. Ainsi chaque personnagepossède sa propre ombre, comme si les personnages prenaient enfin consistance, de la vie, soient plus solides(× à la sensation de fantômes dans les premiers films). Ce sera plus décisif avec les expressionnistes, cela donneune sensation de douleur et de mal-être du protagoniste ; les ombres deviendront des personnages à part entière.Exemple: le Nosferatu est une ombre qui tue, cela représente le mauvais côté de la force obscure ; c'est trèssymbolique.

Autres caractéristiques de l'imageNetteté × FlouColorimétrie → A apparu en Grande-Bretagne, pourquoi ? Parce que nous sommes dans une période d'aprèsguerre et qu'il faut faire rêver car l'époque vécue était difficile et que c'est encore dur de vivre maintenant…

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"Le montage consiste à créer par le rapport de deux images uneémotion choc afin de déterminer dans l'esprit du spectateur uneidée et par la suite un ensemble d'idée grâce auquel il est possiblede conduire l'œuvre à sa finalité émotionnelle ou dialectique."

Eisenstein

MontageAu début, il n'y en a pas. Chez les Lumières, c'est un plan. Plus on filme et plus on monte.Monter,, c'est quoi ? C'est assembler minimum deux plans ensemble. C'est le rapport ou le lien que l'on peut

créer entre deux plans. Inévitablement lorsqu'on va les associer, une idée va naître.Méliès commencera à monter mais ce n'est pas vraiment cela. Avec Griffith, le montage se développera car il

va aussi explorer toute l'échelle des plans. Si on fait des plans différents, il faut évidemment monter après.Les réalisateurs soviétiques vont irrémédiablement influencer la pratique du montage avec les films de

propagande, pour expliquer la modernité, le travail, … Ce sera très fort.Effet-Koulechov ⇒ Koulechov va assembler différentes images qui n'ont aucun rapport entre-elles, va les

montrer au public russe et va recueillir les impressions.1° image : visage neutre + 2° image : un bol de soupe + 3° image : le même visage neutre + 4° image : une

femme dans un cercueil + 5° image : toujours la même image neutre + 6° image : un gosse exprimant tour à tourl'appétit, la joie, la tristesse et la tendresse… La seconde image va influencer la première avant qu'elle ne soitfixée dans le cerveau (donc on l'associe involontairement).

Les images qu'on additionne s'influencent les unes les autres. Bref, on ne va pas monter un film avec des plansmais avec des relations entre les plans.

La Corde d'Alfred Hitchcock (Rope 1948)

Alfred Hitchcock (1899-1980) préfère utiliser la technique au service de la narration plutôt que la techniquepure.

Du point de vue plan, ce film est un bon film d'introduction.Par rapport au montage, il y a deux solutions ; soit on montre les coupures, soit on les masque. Ce film

d'Hitchcock comporte 11 plans, ce qui est très peu (c'est le film qui comporte le moins de plans dans l'histoire ducinéma) et il s'oppose à Vertov et son film L'homme à la caméra (qui lui comporte 1700 plans pour montrer lamodernité, la coupure est très rythmée pour montrer que cela va très vite).

Pourquoi filmer un film en 11plans ? Dans le monde du cinéma des années 1940, il existe une espèce de mythede faire un film en un plan. Il n'existait pas à l'époque des bobines de 1h30. Le plan séquence nous plonge dansle film jusqu'à la fin de celui-ci.

Le film est une sorte de plan-séquence, Hitchcock l'utilise par rapport à la narration. Celle-ci raconte l'histoired'un huis clos (action dans un endroit clos)

⇒ série de gens dans un appartement → comment faire ressentir au spectateur l'ambiance que subit lesacteurs. Donc il n'y a aucune coupure de temps.

le spectateur est pris dans la caméra, on ne sait pas en sortir et on est obligé de suivre cemouvement. On est enfermé comme un mort enfermé dans un cercueil.

Il va essayer qu'il n'ait pas de coupure entre deux plans, d'où il va utiliser deux trucs- soit il y a une coupure à un moment où notre attention est prise par l'action ;- soit il s'arrête sur le dos d'un personnage pour couper, changer de pellicule.

Pour l'unité de temps, il y a une grande verrière pour qu'il y ait un rapport chronologique, donc le décor changeet la nuit va tomber.

c'est très difficile dans les montages, très exigeant, très technique de respecter l'unité de temps.Un autre problème fut le déplacement des acteurs avec les immenses caméras et toute l'équipe sonore car il faut

de la place. Une des solutions fut d'avoir des murs escamotables et des marquages au sol pour remettre chaquechose à sa place. Tout cela dans le plus grand silence possible. Tournage le plus complexe possible.

Ce premier film en couleur est anglais et donne une tonalité au film.C'est aussi le premier film qu'il tournera avec James Steward.Atmosphère d'enfermement → comment faire ressentir cela.⇒ On se situe à une époque où le cinéma est une machine à rêve.

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000888///111000 Comment réapparaît le monde extérieur ? - dernier moment où l'on entend les trois coups de feu ( ?)- lorsqu'il ferme les rideaux par peur ?

Avec les néons bleus, rouges, verts et blancs qui éclairent l'intérieur. Cela installe une tension supplémentaire,ça commence à craindre ( juste avant le retour de James Stewart). Les couleurs créent une atmosphère (ex : lerouge nous indique un danger, le vert et le bleu donnent une certaine froidure.

Mais plus en avant du film, il y a le moment où l'on entend une sirène de police quand James Stewart interrogel'acteur qui joue au piano et l'agace avec un métronome. C'est très significatif. On se retrouve à un momentcritique où la tension est telle que lorsqu'on entend la sirène, on sait désormais que le glas a sonné, que l'on sedirige vers une condamnation certaine.

Que représente le monde extérieur ? C'est un endroit où il y a un danger, c'est le monde de la loi et elle nous ditque nous n'avons pas le droit de tuer. Au dernier moment la police arrive et les meurtriers sont pris.

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Auguste et Louis LUMIEREQui sont-ils ? Ce sont eux qui ont inventé le cinématographe. (Ils ont adapté le kinétoscope de Edison en

décidant de projeter de la pellicule).Ce sont tous les deux des fils de photographe. L'invention du cinématographe fut brevetée en 1895.Le but premier des frères Lumière était de vendre des caméras et des projecteurs. Les films qu'ils projetaient

servaient de démonstration des possibilités de la machine.Devant le succès grandissant des films, ils vont réaliser plus d'une soixantaine de films. Ils engagent ainsi des

caméramans à travers le monde qui rapportent les faits dans le monde, ils deviennent donc les premiersproducteurs. Le nombre total de films produits par ses deux frères s'élève à + de 20 000.

Ce sont chaque fois des événements qui ont une durée d'une 50aine de secondes (durée que possède lapellicule). Quelques exemples sont la sortie des ouvriers de l'usine Lumière, l'arrivé en gare de La Ciotat (lors dela première projection, les gens se sont enfuis car ils furent terrorisés en voyant ce train "fonçant" sur eux. Ilsn'étaient pas encore habitués à une image en mouvement), le déjeuné de bébé, l'arroseur arrosé (c'est la premièrefiction), les joueurs de cartes, le congrès de photographe, … Puis on voyage : le Tower Bridge, la gardelondonienne dans le brouillard, le 14 juillet, le folklore mexicain, russe, le couronnement de Tsar Nicolas II, lefolklore japonais, les passants de New York, Venise (avec son travelling fait par Roméo), …

Bref c'est didactique, tous les plans sont fixes, il n'y a aucun montage, et il y a très peu de scénario. Nous avonsà faire face à une caméra descriptive

on filme donc - le réel quotidien- le réel événementiel

Non-existence d'un décor fictif, le cinéma muet durera jusque fin des années 1920 et le cinéma en couleur sedéveloppera à partir de la période après-guerre de la seconde guerre mondiale. (1°mouvement, 2°son, 3°couleur)

On assiste à une naissance super touchante car c'est simple et super fort à la fois même si le cinéma reste uneattraction. Quelques caractéristiques :

→ il reste un rapport à l'attraction→ tous les films ont une même simplicité ⇒ c'est une démo → c'est un regard sur le monde

cela reste une image rétinienne ( effet dans la rétine de l'œil humain)Il paraît logique que cela naît chez nous…Le 1° film avec l'entrée en gare du train a suscité une réaction de panique chez les gens prouvant ainsi qu'ils

croyaient que ce qu'ils voyaient était réel. Cela va donner une idée de génie à un certain Méliès…

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Georges MELIESAyant vu la réaction des gens au film des Lumière, il se dit qu'il est possible alors leur faire croire autre chose,

et, par ce biais-là, inventer des histoires ou tout ce qui nous passe par la tête. Les gens croiront à cette image.Mais qui est ce Méliès ? C'est un dessinateur de base mais il possède un théâtre de magie (Le magicien

s'appelle Robert Oudin). Sa passion pour la magie se retrouve dans sa façon de voir le cinéma. Ce sera le cotémagique qu'il développera.

Il va donc saisir ce potentiel, construire sa propre caméra, créer les 1° studios. Cela permet ainsi de faire croireun monde totalement différent et de créer donc un monde entièrement artificiel.

Il met en place les premières histoires qui sont assez simples avec un scénario qui comporte des détails.

A la conquête du Pôle Nord (1912)Son cinéma fonctionne grâce à l'imaginaire et il n'hésite pas à utiliser tous les trucs qui font rêver.

tous les trucages inventés concrétisent l'imaginaire :- décor qui défile- explosion- les apparitions et les disparitions- les objets volants qui volent grâce à des fils- …

tous les trucs de magie, de cirque, du spectacle, …→ c'est ludique, kitsch, vieux, … (on passe un bon moment)

L'intrigue ? C'est l'aventure du docteur Maboul qui va à la conquête du Pôle Nord avec un colloqueinternational.

L'histoire est assez impliquée dans le contexte mondial de l'époque. Un contexte de conquête, d'explorationréalisée grâce à l'avion, au dirigeable, aux voitures, … bref à la modernité, l'industrialisation.

D'ailleurs le film traite de divers sujets :→ l'industrialisation avec ce plan où nous voyons des machines, beaucoup de rouages et une structure

de hall d'usine typique de fin du XIX°, début du XX° siècle.(Pour illustrer l'industrialisation, on nous montre souvent trois films : celui-ci, "Les Temps Modernes"

de Chaplin et "Metropolis" de Fritz Lang)→ la fascination pour l'espace avec une dispute pour la conquête (non scientifique mais territoriale)→ l'internationalisation avec le travail en commun. On sent les prémices de la S.D.N. On se tourne vers

l'extérieur.→ les suffragettes (femmes qui se battent pour le droit de vote) sont montrées comme des

enquiquineuses, moches, grosses, sans cesse à la charge. Au lieu de défendre leur point de vue, il lesexplose empalées sur le clocher de l'église.

Son cinéma est l'exemple type d'un cinéma commercial, en effet le côté misogyne qu'ildéveloppe fait rire les hommes

Bref la présence des suffragettes est violemment tournée en dérision.

Du point de vue technique, il n'y a aucun mouvement de caméra → les décors défilent (comme au théâtre)

→ la mise en place est un plan fixe et frontal. Le décor se situeautour de la caméra, on reste toujours à la même distance.

il n'y a aucune échelle des plans → distance beaucoup trop lointaine, elle équivaut à celle que nousavons lorsque nous sommes assis dans une salle et que nousregardions la scène. → la caméra est rapprochée seulement quand il y a des maquettes.

Il y a donc une distance que l'on instaure pareil au théâtre pour que les acteurs ne soient pas dérangés par lacaméra.

Il existe un point commun entre tous ces plans, tous ont la même durée. Le scénario se cale dans la duréedes bobines. A chaque bobine correspond une petite action.

→ Le montage est donc un montage fonctionnel, les plans sont collés bout à bout, sans dynamisme, sansaucune volonté propre de montage → il y a comme un rythme mécanique

(Le premier gros plan date de 1902, on le trouve dans "The life of an American fireman". Pour montrer l'alertequi sonne et donc la cause du départ des pompiers, il a fait donc un gros plan sur la sonnette d'alarme.)

Méliès met donc en place la manière de faire un film avec les différentes étapes qui contribue à la réalisation.(Sa boîte de production s'appelle Star Film)

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C'est leplus grandréalisateuraméricain.

"Griffith a toutcréé, tout inventé,il n'y a pas uncinéaste au mondequi ne lui doivequelque chose. Lemeilleur du cinémasoviétique est sortid'"Intolérance".Quant à moi, je luidois tout."

Eisenstein

David Wark GRIFFITH (1875-1948)Il instaure la grammaire cinématographique qui régira dès lors le cinéma actuel. C'est le réalisateur qui a le plus

influencé le cinéma.C'est un bourgeois aisé. Son père fut officier sudiste durant la guerre de sécession. Griffith a fait plusieurs

métiers différents avant d'arriver au cinéma, comme la plupart des "ciné-autodidactes" qui sont arrivésau cinéma par le théâtre. Ce métier permet de voyager à travers le monde, à travers les U.S.A.

Pendant ce temps, il commence à écrire des scénarios de films (courts métrages) et vend sesscénarios à des maisons de production. Il rencontre par le biais de celles-ci Edwin Porter qui luipropose de jouer dans un film (1907, Sauvé d'un nid d'aigle où il a le premier rôle).

Emerveillé par ce monde du cinéma, il réalise son premier court métrage en 1908, s'aperçoit qu'iladore la réalisation et va réaliser beaucoup de courts métrages. Jusqu'en 1914 il réalise plus de 450courts métrages. C'est à travers la réalisation de ces courts métrages qu'il va mettre en place sa grammairecinématographique qui deviendra la grammaire du cinéma actuel. Ses courts métrages servent de zone d'essai.

1915 → 1° long métrage Birth of the nation dans lequel il met en place toute sa grammaire cinématographique.L'histoire parle de la naissance d'une nation, celle des U.S.A., avec la guerre de sécession, l'assassinat de Clinton,le Ku Klux Klan.

ce film est teinté des souvenirs de son père. Sa sortie fut un succès commercial sans précédent (25millions de spectateurs soit ¼ de la population américaine de l'époque) mais il y eut beaucoup de critiquequant au contenu politique du film, la tension augmente et les émeutes par la même occasion. Car on ditqu'il est raciste.

1916 → Intolérance sort. Griffith l'a réalisé pour montrer qu'il n'était pas raciste et que ce film montre lesbeaux principes. Le budget fut un budget de fou (le + cher dans l'histoire du cinéma). C'est une fresquehistorique qui nous montre l'intolérance à travers les âges. Cela ne marche pas des masses même si en Europe ila eu un énorme impact sur les futurs réalisateurs européens.

Le film sera d'ailleurs remonté après la première guerre mondiale en deux films plus courts : The fall ofBabylon et The mother and the law. Mais cela ne récolte pas le succès escompté. En effet le film duraitplus de trois heures (à la base il devait durer 8 heures).

1919 → Création des "UNITED ARTIST" par Griffith, Charlie Chaplin, Mary Pickford et Douglas Fairbanks.C'est une boîte de production différente des autres ( 1 des plus grandes

actuellement)( la grande différence entre le cinéma américain et européen réside en ceci :

- le cinéma américain se développe sur un cinéma basé sur la personnalité du producteur. C'est luiqui décide quel réalisateur, quel scénariste, quels acteurs, … choisir en fonction du film qu'ilveut produire. Le côté artistique que le réalisateur pourrait mettre est mis à la trappe.

Ex : Lang se levait très tôt pour régler ses éclairages et ainsi ne pas être gêné par unéclairagiste qui ne pouvait rien faire.

- le cinéma européen se développe sur un cinéma basé sur la personnalité du réalisateur. C'est luiqui décide qui fait quoi, qui cherche un producteur, … )

Cette boîte va défendre la place du réalisateur, du scénaristepour que ceux-ci aient un contrôle artistique sur ce qu'ils font.

Quand on regarde les films qu'ils ont produit, ceux-ci sontcomme des ovnis dans le paysage hollywoodien. (ils ont produitWoody Allen, Orson Welles, Martin Scorsese, …)

1931 → La Lutte dernier film de Griffith annonce la fin d'une longue série d'une périodeprolifique (il aura produit, en tout, 27 longs métrages) et la fin de l'empire de ce dinosaureincompris (en effet nous commençons à associer le son aux images).

C'est l'histoire d'un alcoolique qui essaie de s'en sortir.Son cinéma s'oppose nettement au cinéma de Méliès. Il aura réussi à maîtriser le

mouvement de la caméra, le montage, l'éclairage, le suspense, …

Intolérance (1916)Ce sont quatre histoires qui se passent à des moments différents.

- 1° : Babylone → histoire de la fille de la montagne, grosse poupée. Un prêtre tombe amoureux d'elle maisc'est une poupée indépendante. Pour la séduire, il commence à inventer un complot qui veutfaire rentrer les armées de Cyrus (ennemi de Babylone) dans la ville. Comme elle est trèsfidèle à son roi, elle va aller dans le camp ennemi pour avoir une idée des forces hostilespuis elle va prévenir son roi mais la bataille a lieu …

L'intolérance gagne.

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"Comme autant d'enfants inventant des jeux inédits, nous bricolions ce jouet tout neuf qu'était le cinéma."Griffith

- 2° : Christ → Les noces de Canaan, la femme adultère, sa crucifixionL'intolérance gagne.

- 3° : St Barthélemy → 1572, massacre des protestants par les catholiques. Histoire de Prosper La Tour quiaime les Yeux Bruns et ils sont tous deux protestants.

L'intolérance gagne.- 4° : 1915 → Drame social, des personnes sont virées d'une usine car elles ont fait grève. Les personnes

sont super pauvres. On suit le héros "Good Boy" et celui-ci commence à voler pour pouvoirsubvenir à ses besoins. Il tombe amoureux de "La petite chérie". Celle-ci est vertueuse et lereconduit sur le droit chemin. Jusqu'au jour où le chef de son ancienne bande est assassiné par safemme avec son ancien revolver. Celui-ci est arrêté et sa femme est désemparée. Pour éviterqu'on assassine son homme, elle va poursuivre le gouverneur, l'arrêter, le raisonner pour qu'ilarrête le processus de la pendaison, …

L'intolérance perd et le bien gagne.

C'est complètement génial car on se rend compte que ces 4 histoires furent, toutes, tournés dans un styledifférent et on les suit parallèlement

→ mais cela ne rencontre pas le succès escompté.

Il y eut un budget de 20 millions $ (20 x plus que le premier)Griffith était partout à la fois, il était à ½ dingue car il apparaissait sur le plateau sans aucun scénario. Il a fait

construire le plus grand décor (conservé jusque dans les années 1930) "La muraille de Babylone" de 600 m delong et de 45 m de haut.

Ce fut un tournage mythique avec, suivant les livres, un nombre de figurants entre 5 et 15 mille figurants. Ondit qu'il était tellement exigeant que, lorsqu'il entendit d'après une personne qu'il allait faire passer les chars sur lamuraille, il demanda qu'on consolide la muraille afin de faire passer les chars dessus. On dit aussi que laprincesse était tellement grosse qu'il a fomenté un canular pour qu'elle maigrisse.

Malgré tout, elle a eu les premiers faux cils de l'histoire du cinéma.Les acteurs qui jouaient les anges étaient attachés à de la ficelle et ils avaient tellement peur qu'ils

vomissaient…

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→ le miroir avec le visage de Mme Jenkins nous montre le poids des anspar opposition au jeune qui n'hésitent pas à faire autre chose qu'elle ;→ le cylindre-sceau qui montre la liberté de l'héroïne ;→ (non-vu) lorsque les bourgeoises ont décidé de créer un orphelinat etn'hésitent pas à prendre les bébés du peuple

GP où P'te Chérie est, au sol, avec le chausson d'un bébé en main.

Il met en place une série d'effets dans l'image. Il va travailler pour attirer l'attention du spectateur sur quelquechose.

Effets dans l'image …→ L'image est un matériau sur lequel on peut travailler

ouverture et fermeture de l'irisouverture parfois décentrée ( apparaître tout un décor.)

Il y a parfois des innovations qui apparaissent et quidisparaissent.

caches latéraux pour centrer sur un personnage ou un détailla croix sur le Christ lors de son premier miraclela grande croix à la fin du filmle fondu enchaîné quand les prisons se transforment en champs de fleurs

Il existe toujours un côté magiquecaméra subjective

seule & unique lorsque Charles IX signe l'édit de la StBarthélemy

→→→→ Chacun est responsable de l'intolérance. → La lumière est très utilisée

sur le petit berceau par un rayon lumineux→ marque le passage d'une époque à une autre & par

ainsi le balancement continuel et incessant du temps.(les 3 vielles au fond sont associées aux Parques, personnagesmythiques grecs qui tissent le fil de la vie des hommes)

ombres des personnages → donnent un côté plus réel, plus solide, palpable,plus structurée. Donc l'image est plus construite etplus réelle

× à Méliès où son cinéma ressembleplus à du dessin animé.

danseuse à contre-jour → devait être méga érotique car on entrevoit ses formesà travers sa robe.

⇒ tous les cinéastes soviétiques (pour montrer la modernité) et les expressionnistesallemands (pour montrer la tristesse, l'angoisse, …) utiliseront la lumière d'unemanière abusive.

→ Le mouvementtrès peu présent : au début le mouvement est gratuit mais il va s'accélérer pour montrer

les coupures entre les différentes époques (avec les travellings dans la poursuite pour voirles poursuivants et les poursuivis).

→ grand travelling de bas en haut dans la salle des fêtes de Babylonecôté magnifique et splendide qu'il veut montrer dans

l'ampleur de sa technique.Comment pouvoir filmer cette scène ? Car, en effet, on descend du haut d'une tour

jusqu'au sol vers une colombe blanche tirant un chariot blanc avec dedans une roseblanche.→ La montgolfière propose une solution aisée mais son inconvénient est qu'elle bougeau moindre coup de vent. Donc il a fallu trouver un autre système.

La solution fut de construire une sorte de tour avec un ascenseur qui descendrait.Ses dimensions sont de 45 m de haut sur 20m de large avec six éléments au sol et ausommet une plate-forme de 2 m2 avec un mec qui tourne la bobine de sa caméra.

⇒ Cela permet une certaine fluidité de mouvement qui était quasi inexistante chez Méliès.Griffith n'hésite pas à mettre la caméra dans le feu de l'action.

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Patron Ouvriersseul en massedans son en désordrebureau dehors

Soldats Femmesdisciplinés sur un rochercouchés en en contrelignes plongée

→ Le montage, moment le plus important dans le film. Non seulement dans chaque scène, il y a unmontage structuré, travaillé mais les plans ont, tous, une longueur différente et on trouvedifférentes valeurs de l'échelle des plans

⇒ on est dans l'action. montage descriptif → on voit ce que les personnages racontent.

image du récit du raconteur

Avec le recul on se positionne d'une manière différente.× Méliès où l'image est un morceau du récit

⇒ Mais le film est surtout un grand montage parallèle, un grand mélange des quatre histoires.

4 histoires qui suivent le même rythme → début lent mais avec une fin rapide. Le passaged'une époque à une autre s'accélère de plus enplus au fur et à mesure du film.

On fait même des flash-back → jugement référence à des événements passés. (On prend le téléspectateur

et on le balade dans le temps.)

× Méliès où il y a une continuité narrativeet temporelle

Les quatre histoires ont chacune leur propre style→ Babylone → grand travelling → grand décor

→ grande époque fastueuse qui n'a jamais eu lieu

→ Christ → plan avec peu de mouvement→ plan très rapproché ( effet petite scène)→ plutôt image comme dans les tableaux d'église

→ St Barthélemy → plans très statiques→ plutôt des tableaux historiques

→ 1915 → il y met la modernité, la simplicité. 3 rasoirs → alignés, même rythme, profondeur structurée

(quasiment dessiné) ouvriers derrière les barrières

→ symbolise une prison(bandes blanches avec les mains des ouvriers qui passent à

travers pendant la scène de grève)

montage en contrepoint

quand les différents protagonistes qui ne semélangent pas se mélangeront lors du montage.

→ les images créent le combat et nous assistons àune bataille différente

lieu de la pendaison → aucun décor

Pourquoi une telle modernité pour cette époque ? On vit dans une époque moderne etc'est cette partie du film qui est la plus importante car il doit convaincre son public qu'ilest tolérant.

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… violentes émotions.D'où viennent-elles ? Des conflits comme l'épée du mercenaire qui rentre dans le corps du soldat,

lorsqu'on enfile la cagoule sur le visage de Good Boy, quand P'te Chérie perd son père ou lorsqu'elle sefait embrasser par le chef des mousquetaires des bas quartiers, …

… torrent …Il vient de la juxtaposition des différents plans qui s'accéléreront de plus en plus vite.

→ point de vue narratif : - bataille, poursuite - passage d'une histoire à une autre

→ point de vue technique : plans plus courts pour une dynamique plus rapide… un seul et même …

Point commun entre toutes les histoires, l'intolérance.→ plus précisément en mettant les scènes qui se répondent au même moment dans les quatre

histoires ;→ en créant des liens plus forts à certains moments, d'autres points communs entre les histoires ;

Ex : - les mariages, - les poursuites (qui ont plus de 2600 ans d'écarts avec un même but, celui deprévenir qu'une faute va être commise ; avec un raccord gauche vers la droite ;au même endroit, dans la même plaine, dans le même décor.)

222222///111000 - les jugements avec exécution → pendaison ⇔ crucifixion - les massacres de Babylone et de la St Barthélemy

les liens sont tellement proches que nous avons l'impression que nous pouvons interveniravant qu'une autre action se produise.

important → grande manipulation du temps et de l'espace qui est présente danstout le film

le cinéma est-ce autre chose qu'une manipulation du temps et del'espace ?

Finalement le film se résume à un thème, 4 histoires et une multitude de liens.

POUDOVKINE (théoricien russe du cinéma soviétique) a dit : " Intolérance devient le symbole d'un art futur."

Griffith a voulu créer "un seul et même torrent de violentes émotions."

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Le cinéma soviétiqueGrande révolution d'octobre 1917. Le régime tsariste qui était très féodal est renversé.Le communisme est un pouvoir de la masse, basé sur la théorie de Marx. Ceux qui mettent le pouvoir en place

doivent montrer la modernité à des paysans analphabètes. (Pourquoi sont-ils analphabètes ? Pour éviter que lapensée se développe. Quand on les instruit, les personnes acquièrent un certain jugement et sont difficilementmanipulables.)

Ex : RODTCHENKO montre une femme de 65 ans en train d'apprendre à lire.On va leur montrer les changements de la société → toute une structure de propagande se met en place (par le

théâtre, par …). Ils instaurent le train de propagande qui va voyager dans toute la Russie pour leur montrer despièces de théâtre, donner des tracts pour les plus instruits, montrer des films commentés par les réalisateurs eux-mêmes.

cinéma de propagande → l'image représente le discours que l'on va tenir⇒ Forte évolution du cinéma car tout le discours est contenu dans chaque image.

effet de masse! Quel est le message qu'on veut faire passer ?

C'est un double message : → la modernité, le changement → montrer une société tout à moderne, nouvellela composition de l'image sera moderne ⇒ ce n'est plus, du tout, la

société d'avant ⇒ la société a changé→ on doit sentir le discours politique moderne

bon = peuple × mauvais d'avant = tsar et son armée⇒ mise en évidence de l'ouvrier avec une contre-plongée ("utilisation

abusive")! Quelle est la volonté qu'ils veulent filmer ? Il faut donc une finalité. Pourquoi en parle - t'on encore ? Parcequ'au niveau de la grammaire cinématographique, c'est très fort.

Sergueï Eisenstein (1898 - 1948)Qui est-il ? Issu de la bourgeoisie russe, Eisenstein est un type très cultivé connaissant beaucoup de monde. Il

est très érudit. Il est polyglotte (il connaît même le japonais). Il est fasciné par Freud et la psychanalyse. (Il le litpendant la période d'avant-guerre).

Il découvre le cinéma à Paris en 1906. Il arrive dans le milieu du cinéma par le théâtre (1917). Il dirigera mêmeun théâtre. Il s'engage fort dans la nouvelle société russe. Il se lie d'amitié avec Kasimir MALEVITCH (en 1914,c'est lui qui peint un carré noir sur un fond blanc). Les personnes qu'il fréquente sont d'avant-garde.

Il réalise son premier long métrage en 1924 La Grève → cinéma de propagande, ouvrier contre patron. En1925, il réalise Le Cuirassé Potemkine.

A Berlin, il se lie d'amitié avec FRITZ LANG (Metropolis en 1926 et s'engage dans un cinéma antinazi) etMURNAU (1921 Nosferatu, film majeur de l'époque expressionniste allemande ; 1924 Le dernier des hommes).

En 1928, il devient professeur à Moscou dans une Ecole de Cinéma qui sera une véritable pépinière.Fin des années 1920, c'est le passage au parlant. Plein de réalisateurs s'oppose à cette révolution. ALEXANDROV

et POUDOVKINE écrivent le Manifeste d'Alexandrov et de Poudovkine qu'Eisenstein signera avec d'autres.Pourquoi ont-ils peur ? Ils ont peur que le cinéma ne devienne du théâtre filmé. Beaucoup d'acteurs ne passerontpas car ils ne réussissent pas à adapter leur voix (car elle n'est pas celle de leur physique), leur jeu. Ainsi quebeaucoup de réalisateurs car le parlant nécessite une autre manière de filmer le jeu des acteurs. Mais il y a desexceptions.

Ex : Chaplin bon réalisateur au muet → bon au parlant ⇒ comique → pantomime ⇒ parlant → calembour

Eisenstein est malgré tout intéressé par le parlant. Il va à Paris et aux USA pour voir comment les réalisationsse font au parlant, pour parler avec les réalisateurs pour savoir s'il est intéressant d'utiliser le parlant dans lecinéma russe. Il rencontre COCTEAU (La Belle et la Bête) et LE CORBUSIER ( Fonctionnalisme → bâtiment enfonction par rapport aux habitants. Il les bâtissait en fonction du modulor. Ex : La Cité radieuse à Marseille,premier HLM de l'histoire)

En 1930, il va à New York où il rencontre GRIFFITH, CHAPLIN, WALT DISNEY. Une longe amitié va se créerentre ces quatre personnes.

Il se plait aux USA et va essayer de voir si à Hollywood il peut se faire une place et travailler. Pour lui, leparlant peut servir pour une autre forme de propagande mais il se heurte au refus de Hollywood car il est juif etcommuniste. Il travaillera donc au Mexique. En 1931, il réalise Que viva Mexico ! qui restera inachevé.

Il retourne à Moscou en 1933, il réalisera plusieurs films dont Le Pré de Béjine (1935), Alexandre Nevski(1938) et Ivan le Terrible (1942 - 1946).

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Il commence en 1944 - 1945, deux parties d'une trilogie Ivan le Terrible. Le communisme a changé. En 1946,Staline gère tout. Il condamne Eisenstein à faire une autocritique. Il moura dégoûté 2 ans après. C'est un grandthéoricien du cinéma qui nous quitta même s'il nous reste ses écrits, ses pensées, …

Le Cuirassé Potemkine (1925) (Bromenozets Potiomkin)C'est un film de commande. Il devait réaliser 8 films qui commémoreraient les événements de 1905 (dont les

soulèvements de 1901, les deux grandes grèves qui aboutissent par la pétition des ouvriers dans le final de cefunèbre "Dimanche Rouge"). Cela entraîne un durcissement à Odessa par rapport aux grèves et le massacre qui asuivi → mutinerie du Cuirassé Potemkine

Eisenstein ne va pas faire les 8 films retraçant tous les événements de 1905. Il va faire un seul film qui sera unsymbole de cette période, de cet état d'esprit de l'époque [une partie pour le tout (" pars pro toto")]

Il y a plein d'éléments qui furent embellis ou changés chronologiquement [ex : le massacre de l'escalier dans lajournée alors que ce fut la nuit. A la suite du massacre, les mutins bombardent le théâtre alors qu'ils s'étaientenfuis. Il y avait deux bateaux au lieu d'un et ils ont terminé alcooliques dans un port]

"Fresque historique" des événements qui se sont déroulés 20 ans auparavant.

Le double objectif de ce film est de :→ raconter une histoire→ modernité → mettre en rapport avec la "nouvelle vision"

autre façon de voir. Mouvement, photographiquefonctionne très bien de base, dont les racines sont aux USA vers 1902 - 1903avec RODTCHENKO mais qui se met réellement en place vers 1910. Si on(photographe russe) utilise les caractéristiques, on peut montrer les choses d'une

manière différente ⇒ une vision basée sur les axes, le contraste, les formes géométriques, le cadrage, la plongée et la contre plongée, répétition, …

AnalyseDurant le film :

Composé de différents actes → comme dans la littérature, au théâtre ⇒ très structuré⇒ tout le temps rapport terre - mer⇒ plein de diagonale⇒ gens de la révolution → pas des acteurs⇒ machine → symbole de la modernité, de la guerre⇒ montage tonal

000555///111111 P'tit rappel : Au début on insiste sur les mauvaises conditions de vie. Cela aboutit à une révolte de partdes mutins. Pendant la mutinerie, le meneur fut tué. Les marins ont mené son corps dans le port et lapopulation d'Odessa se recueille.

La troisième partie commence par un montage tonal, pour donner une ambiance. On nous montre unport plutôt calme, recueillant, en tout cas il y parait une certaine quiétude. La population qui se recueillefait référence au mouvement de grève qui est en place à Odessa. C'est une mise en évidence que la foules'organise par elle-même.

On voit le passage du recueillement à la colère de la foule, par les mains.

Post-film :Le film est structuré en 5 actes différents.

1. Des hommes et des versOn nous montre les différentes conditions de vie à bord. Il y a un conflit à cause de la nourriture. Les marins

n'hésitent pas à manger autre chose que la nourriture " officielle". Un officier, lors de la vaisselle des couvertsdes officiers supérieurs, casse l'assiette du prêtre où il était marqué : "Donne-nous notre pain quotidien". Ilcasse l'assiette car ils ne peuvent pas avoir du pain tous les jours.

2. Drame dans la baieC'est le rassemblement sur le pont. Le capitaine demande : "Qui a été satisfait du borchtch ?". Les gradés

supérieurs font un pas en avant tandis que les marins ne bougent pas. Vlakilounitchouck commence à fairecirculer un message "On se réunit près de la tourelle". Mais il y a un morceau qui n'y arrive pas (scène de labâche). Le meneur interpelle la garde en criant : "Frères, sur qui tirez-vous ?". Début de la mutinerie. Lemeneur se fait tuer. On l'emmène sur le rivage.

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3. Le mort demande justiceOn commence avec un montage tonal. On voit la tente avec le mort. C'est une sorte de deuil de la population.

Grâce aux mains, on passe du recueillement à la colère. On hisse un pavillon rouge et on voit la foule surl'escalier.

4. L'escalier d'OdessaOn commence le ravitaillement, puis la fusillade en réponse. Le cuirassé bombarde le théâtre d'Odessa en

riposte.

5. Rencontre avec l'escadreC'est une longue attente qui précède la rencontre de l'escadre. Cela aboutit finalement à une fraternisation.

Les marins de l'escadre les laissent passer.

Liens "inter scènes" On peut remarquer qu'Eisenstein décrit des plans pour annoncer ce qui se passera après, il n'hésite pas à mettre

des éléments futurs dans les scènes présentes.

1. L'assiette que le marin casse annonce le début d'une grosse révolte violente face aux autorités.

2. La scène où l'on amène le corps au port (→ deuil, plan calme, lenteur, vue proche d'une eau calme, …)

3. La foule présente sur l'escalier

4. Le bombardement du théâtre, avec une possibilité que le cuirassé va être bombardé et détruit ou s'en sortirvictorieux.

5. La victoire du cuirassé.

GénéralitésOn peut percevoir que chaque scène est scindée en deux parties distinctes. On oppose une dualité de calme-

hystérie, action, violence.

1. Vie (+) ↔ Mécontentement (-)2. Marin sous la bâche (-) ↔ Mutinerie (+)3. Deuil (-) ↔ Révolte (+)4. Ravitaillement (+) ↔ Fusillade (-)5. Attente (-) ↔ Confrontation (- mais le passage devant l'escadre est positif)

On peut trouver une autre qualification, c'est qu'il y a une partie positive et négative.C'est un film bipolaire, avec une dualité avant - après, le peuple et l'autorité → terre - mer. C'est une vision très

manichéenne.

On retrouve aussi une grande logique de construction dans le film. Pourquoi ? Parce qu'on se trouve dans unelogique de propagande, on a une volonté d'expliquer une société moderne et structurée. C'est cela qui amène unesociété une logique de construction du film.

MontageIl a défini toute une série de montages différents :

- montage tonal : montage d'ambiance et donc sans utilité narrative.→ On décrit l'ambiance, et ici on amène le spectateur vers un recueillement.→ Plan contemplatif, triste, aucun mouvement → on prépare le spectateur dans un état

d'esprit de recueillement, de recevoir le deuil.

- scène de la fin : pour passer de l'angoisse à l'enthousiasme, Eisenstein joue sur la durée et lesvaleurs de l'échelle des plans.

Pour l'angoisse, les plans sont très serrés et se succèdent très rapidement. (Le spectateur seretrouve très étouffé pris dans cette attente insoutenable.)

Pour la joie, l'enthousiasme ; les plans sont très larges avec une grande sensation de libertéet de respiration.

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Analyse de l'acte 4 (→ la scène de l'escalier)On peut dire qu'il y a deux scènes qui diffèrent du point de vue de la structure par quelques éléments.La scène du ravitaillement sert de ban d'essai pour la scène de l'escalier. Il y a une mise en place de certaines

choses, de la nouveauté du point de vue structure comme si voir certaines choses les magnifiait. Cette scènepermet de construire une partie de cet ensemble pour avoir l'idée de ce que sera la scène d'après du point de vuede la structure. Cette scène résume le film et son état d'esprit.

- les petits bateaux permettent de montrer que toute la ville est avec le cuirassé.- certains personnages sont filmés en gros plan pour qu'on s'attache par la suite, on les connaît déjà un peu.- on observe une direction gauche - droite, elle est organisée de façon telle qu'à gauche, il y ait la terre, et àdroite, il y ait la mer. Lorsque les voiles sont toutes relevées en même temps, les yoles sont semblables à depetites flèches des mers ; tandis que lorsqu'elles s'abaissent toutes en même temps, nous nous retrouvons face àun certain chaos.- ports - colonnes : terre - mer → barrière, port sombre, prison = autoritéSi le peuple s'organise, ils iront dans la même direction

- la femme à la voilette enlève sa voile pour sourire- les caches latéraux nous montrent que tout le monde en a assez ( sur l'escalier)- la jeune femme bourgeoise & cul-de-jatte : ce sont deux extrêmes, avec le cul-de-jatte (symbole d'une douleuret d'une mutilation) on entraperçoit qu'il y aura de la douleur.- le plan du ravitaillement est semblable au plan du hamac, il y a une profusion d'axe formé par la pléthore debateaux, privilégiant l'axe gauche - droite par l'arrivée des personnages.- plan suivant, il privilégie l'axe horizontal formé par la direction du ponton, du bateau, de la ligne de terre. Il ya cependant un chaos formé par ouverture des voiles qui sont comme des petites flèches. Ce sont commeplusieurs messages, élément de la ville qui arrivent au cuirassé.

→ on peut remarquer que les éléments du port sont fixes :→ continuité gauche - droite. Semblable à une vue de prison car l'avant - plan estsombre ainsi que les colonnes.

→ tunnel noir avant de passer vers la liberté, vers la lumière. Il existe un passagemais il faudra passer par le long couloir noir.

Vision des personnes faite en légère contre - plongée pour les magnifier, les saluts entre riches et pauvresinsinuent une certaine proximité des classes sociales.Il installe des personnages au physique très reconnaissable → jeune intellectuel, grosse moche

→ plan droite - gauche avec mouvement. Lorsqu'on le voit, on est déjà impressionnépar le fait que la yole va en sens inverse

On peut remarquer que le mouvement de caméra pendant la scène est fixe au début, en mouvement au milieuet fixe à la fin.

Sur le bateau, on voit sans cesse un canon qui inspire une certaine crainte due à sa force de frappe. Il y a lieud'avoir peur si le cuirassé riposte puisqu'on voit le canon pointé vers la ville.

→ plan d'intro, on voit le bateau arriver avec une foule dans tous les sens.→ plan suivi d'un autre, il découpe les plans en deux ou en trois puis n'hésite pas à les mélanger pour donnerquelques effets.

→ lorsqu'ils abaissent leurs voiles en même temps, on voit le canon pointer sur laville. On retrouve cette masse, cette part importante des machineries.

Pendant la scène, on continue de nous montrer l'escalier, avec un super enthousiasme. Rappel de ce que l'on nedoit pas oublier !!! La scène du ravitaillement se fait dans un axe gauche - droite. Avec cette omniprésence ducanon. Sur l'escalier, c'est la joie, les bourgeois se lâchent.

→ on insiste fort sur une notion de malheur.

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*scène de l'escalierIl y a un mouvement de caméra et du peuple de la gauche vers la droite, du haut vers le bas de l'escalier. Lastatue qui aurait put être un homme de loin est toute noire, les soldats blancs très organisés, blancs, face à lamer. Mer au loin avec une grande église blanche fermée au fond.

Critique d'une église qui n'est pas là quand il faut. L'ombre des soldats exprime à la fois la supériorité, uneabsence de personnalité (car on nous montre les soldats comme des êtres sans personnalités, des machines àtuer). Ce côté obscur est impressionnant et donne un côté sinistre à la fusillade.

Le chemin de lumière qui se trouve devant la mère qui porte son enfant annonce une mort héroïque, celled'un martyr de la révolution.

Le landau signifie l'innocence, l'espoir.L'ombrelle blanche est le symbole précurseur du malheur qui les frappera, cela représente un sentiment

d'écrasement par l'armée tsariste avec leur baïonnette.Quand le soldat sabre, on peut se poser la question sur qui il sabre.On nous montre un peuple désorganisé face au pouvoir. Ce sentiment est renforcé car Eisenstein n'hésite pas

à faire un montage en contrepoint en combinant différentes valeurs de plan (plan large des soldats, plan serréde détails dans tous les sens et de tous côtés).

On peut dire que les roues du landau représente le côté mécanique de la mort. On oppose aussi la main del'enfant écrasé aux poings des ouvriers révoltés.

On retrouve la même structure que dans la scène précédente où nous avons des plans fixes au début, untravelling au milieu et des plans fixes à la fin.

111222///111111 petite structurationOn commence par un GP bougé, court → femme qui hurle ; par-là on sous-entend de la douleur et de la peur.

→ "fuite" gens qui descendent un escalierdescendre vers pour

→ armée tsariste en blanc avec baïonnette remonter la masse

→ on montre les gens qui descendent

→ écrasement par le point nordiqueStatue noire imposante qui domine et condamne le peuple

Le peuple est donc considéré comme mort. Les soldats blancs sont alignés, ordonnés (cfr Intolérance deGriffith) par opposition à la foule qui est désordonnée face au pouvoir.

L'église blanche est synonyme de lieu d'asile mais c'est un but inaccessible, avec toujours au loin la mer et leport.

⇒ pour signifier l'angoisse et le chaos, il mélange de plans de valeurs différentes filmés à différents endroits.→ on a une caméra subjective tombant sur l'escalier, bref on meurt très tôt et plusieurs fois dans cette scène.→ on a un retour sans cesse sur l'escalier. On se retrouve partout à la fois.→ la scène est divisée en trois parties : une partie immobile, puis en mouvement, et finalement immobile.

On commence à voir des éléments. On montre des personnes qui viennent et qui partent.Les soldats sont loin, et plus la scène avance, plus les soldats se rapprochent de nous mais jamais on ne verra

leur visage sauf à la confrontation finale.scène mère - enfant

Cette scène est toujours coupée de plans pour montrer et rappeler que nous sommes toujours en pleinchaos.

La mère vient vers nous. Pour nous montrer sa détermination, Eisenstein n'hésite pas à laisser l'actricevenir vers la caméra en dépassant la zone de netteté. Cela complexifie la structure de la scène beaucoupplus que la scène du ravitaillement car en plus de la mère, il y a tout un groupe de femmes qui remonte.Il ne faut pas oublier que la femme n'avait aucune place dans la société tsariste.

Pour montrer que remonter n'est pas évident, on revient toujours sur la débandade de l'escalier.

→ film moderne car époque moderne→ ombre est le côté obscur (recherché chez Murnau)

La mère est tellement forte qu'elle parvient à remonter vers la caméra. Elle a beau être écrasée, ellecontinue de gueuler comme pour se donner de courage et être encore plus forte.

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→ il y a toujours une proximité, les vivants se cachent, ils sont proches les uns les autres maisil y aura toujours une certaine distance à la froidure des soldats.

→ les soldats continuent de tirer, on descend malgré nos efforts pour monter.

→ les morts sont sur la gauche et sur la droite comme soufflé par un vent mystérieux. Lechemin de lumière représente un chemin vers la liberté même si au fond on peut apercevoir lessoldats. L'ombrelle nous rappelle le(s) souvenir(s) de ce qui s'est déjà passé. La mère va semettre à un endroit où elle ne pourra pas être sauvée (elle comme emprisonnée par les ombresdes baïonnettes). L'enfant qu'elle porte est désarticulé, déjà emporté par la mort.

→ une femme tombe quand les cosaques arrivent (on ne voit que leurs chevaux en avant plan flou).Dès leur arrivée, on sait que c'est foutu.

La mère tombe tuée par les ombres des soldats. On peut apercevoir les soldats passer au-dessus denous, bref on est mort une fois de plus.

scène du landaudescente mécanique. dualité mère - landau, mer - port.on passe du visage de la maman, aux roues, puis à nouveau au visage de la maman.

→ GP sur la ceinture de la maman. Ainsi nous pouvons voir ses gants troués, preuve de sapauvreté, et qu'elle est très coquette (par la ceinture).

Les plans de coupes avec la fin annoncent la fin de tout.

→ GP sur la ceinture en sang nous indique qu'elle est déjà en train de mourir. Mort très belle,en sortant de l'écran. Par sa mort, elle laisse apparaître le landau et le bébé.

On revient aux soldats, toujours pressants et toujours présent. La mère, en mourant, pousse le landaucar elle tombe sur elle-même.

Finalement tout se met en place lorsqu'on a des GP sur les visages, la foule, le papy, … Les soldatsachèvent les corps épars de quelques survivants. Avec le plan du soldat qui sabre, on en vient à laquestion : "Qui frappe-t-il ?". Et tout cela se termine par un fondu au noir.

Tout cela fait preuve d'une grande maîtrise du montage.

Pour conclure :Eisenstein résume toute cette logique par cette phrase : "Du mouvement chaotique des civils au mouvement

rythmique des soldats, du mouvement descendant au mouvement ascendant, d'un aspect de roulement (la foule)à un autre aspect de roulement ( la voiture (landau)), plan par plan, on sabre d'une dimension dans une autre,d'une qualité dans une autre. La méthode d'exposition procède par bond, par contraste, par opposition, parcollision. Collision de plan à plan, de séquence à séquence, d'épisode à épisode, de partie à partie, comme deuxcellules élémentaires qui se propagent et se multiplient à l'infini."

Pour plus de renseignement, consultez : MITRY Jean, Eisenstein, pp 93 - 127, Delange, 1978.

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Dziga VERTOV et le cinéma vertovienPour introduire L'homme à la caméra de Vertov, on va introduire le cinéma vertovien avec Jean Vigo.

Jean Vigo (1905 - 1934)Il a fait un seul long métrage.Jean VIGO a eu une enfance pénible. Son père était un militant anarchiste qui fut emprisonné. On le retrouva

mort, en 1917, étranglé dans sa cellule mais la Justice a déclaré qu'il s'était suicidé. Ce qui provoqua un énormescandale.

Pour éviter des représailles, son nom fut changé durant ses études et il fut envoyé dans un pensionnat. Aprèsl'école, il s'inscrit à la Sorbonne en philo mais il souffre de tuberculose ce qui lui oblige à arrêter ses études.

Vers 1928, il s'oriente vers le cinéma et trouve du travail à Nice dans les Studios LA VICTORINE. A Nice, il y aune belle lumière et peu de pluie. Mais cela ne dure pas longtemps.

Cependant il s'est rendu compte que le cinéma l'intéressait. Il réalise sans aucun budget son premier court-métrage A propos de Nice en 1929. Il est aidé dans la réalisation par opérateur Boris Kaufman (frère de DenisKaufman dont le véritable nom est Dziga VERTOV).

Le film est bien apprécié de la part des critiques, et grâce à ce succès on lui demande de réaliser en 1931 uncourt-métrage Taris sur Jean Taris, un nageur de l'époque. Finalement il trouve un producteur pour réaliser en1933 un moyen métrage 0 ! de conduite (film qui parle de ces années de pensionnat et qui critique très fort lesystème scolaire de l'époque. L'école serait une sorte de bagne où les profs seraient des tyrans et où il y auraitune rébellion des élèves qui s'enfuiraient par le toit. Une sorte de 400 coups de TRUFFAUT mais avec 25 ansd'avance. C'est révolutionnaire (⇒ révolution).). Ce sera censuré dès la sortie et ressortira seulement dans lesannées 1980.

En 1934, il réalise L'Atalante, son seul long métrage. C'est assez poétique. Monde de rêve. Il sort la mêmeannée et sera très mal reçu de la part du public. Les distributeurs décident donc de remonter le film contre lavolonté de Vigo. Il a fallu attendre 60 ans pour qu'il ressorte dans sa première version.

Ce sera le premier réalisateur qui va faire du cinéma pour s'exprimer, comme un artiste, pour prendre placedans la société, pour passer un message.

A propos de Nice (1929)C'est un court métrage. Le discours tenu est un discours politique très manichéen. Il oppose le Nice de la plage

et le Nice de la ville. Beaucoup de choses sont dites sans utiliser d'intertitres, tout le discours vient du montage.

On oppose les riches et les pauvres (en hiver).C'est comme si tu arrivais à Nice pour te faire plumer. Les riches vont à la plage (se faire bronzer mais pas

comme les pauvres), font du sport. Les pauvres, eux, vont à la pétanque (cela est amené par la balle de pétanquedans la partie de tennis).

Les riches sont très oisifs (et oiseux). On passe chez les pauvres par une transition de bâtiments. Rues étroiteset sombres, petites ruelles pour que le vent ne s'engouffre pas. On arrive aux lépreux par des gamins quiapportent un plat, d'autres jouent au pierre-papier-ciseaux, pour compter l'arbitre en vient à déformer ses doigts.Puis on voit le visage d'un enfant au visage éclaté et aux mains déformées.

Il y a un parallélisme entre le fameux carnaval de Nice et un enterrement. La sortie de l'enterrement est assezgrotesque car elle est passée en vitesse accélérée. Puis on associe à ces deux défilés, le défilé militaire avec desmilitaires à chevaux. Puis on confond le militaire avec le brassard noir à celui qui montre ses décorations (et quiest pris pour un clown) et les tombes militaires.

La séquence de fin est comme un petit délire de la part du réalisateur : femme, cheminée → vielles regardent lacheminée par opposition aux jeunes filles qui sont en train de danser. Tout cela s'est fait par le montage, donc onpeut dire que nous sommes dans un CINEMA DE MONTAGE. Le discours est tenu uniquement par le montage (plandans un plan, les ralentis ou les accélérés.).

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Dziga Vertov (1895 - 1954)Dziga VERTOV (né sous le nom de Denis KAUFMAN ) fait partie de la bourgeoisie russe. Il fit des études de

musique, de médecine, …Il se mit à écrire. Poète et romancier, il change son nom car il se réclame duFUTURISME.

Le FUTURISME est un mouvement italien apparut en 1909 avec la rédaction d'un manifeste parMarinetti (Philippo Thomaso). Ce texte fut publié dans "Le Figaro" à Paris. Il est rendu célèbre parplusieurs phrases, telle que : "Une voiture de course est plus belle que la victoire de Samothrace.". C'estpour exprimer une idée essentielle. Il est temps maintenant de passer au nouveau. On doit donc détruiretous les palais de Venise pour combler les canaux et construire des usines. C'est une théorisation baséesur le rejet du passé. On commence un siècle nouveau avec de nouvelles bases. C'est un phénomène trèsd'avant-garde. Le futur est dans la vitesse.

Ce mouvement fut repris dans les années 1930 par les Fachos. La guerre est la seule hygiène possible,et il y a un mépris pour les femmes.

Son nom signifie en ukrainien " toupie tourne". Ce mouvement s'insère très bien dans sa tâchecinématographique, la modernité inspirée par le futurisme sera celle de la Russie. Il s'est intéressé au cinéma. En1916, il travail sous la direction de Koulechov. En 1918 il s'investit d'un ciné de propagande. C'est le premierrédacteur d'un journal soviétique qui paraît hebdomadairement "…" (ciné semaine). Dans les années vingt, il faitdes documentaires de propagandes qui seront montrés dans le train de propagande. C'est le premier des grandscinéastes officiels, il filmera tous les événements officiels du régime. Il fonde un magasine de rep.cinématographique KINO-PRAVDA (cinéma - vérité). Il publie plusieurs manifestes sur le cinéma dans la revueLEF (revue futuro-communiste). Il développera son concept cinématographique le KINO-GLAZ ( le cinéma œil).

111999///111111⇒ concept cinématographique : le cinéma - œil (KINO - GLAZ)

• Une condamnation du cinéma de fictionPourquoi ? Vertov dit : " Le drame (fiction) cinématographique est l'opium du peuple, à bas la

fable bourgeoise et vive la réalité telle qu'elle est."On considère la fiction comme un truc de bourgeois. C'est un monde auquel nous devons nous

opposer car il endort les gens.• Vertov pense que le cinéma comme du journalisme artistique

? journalisme : "Il ne faut plus d'histoire, mais des études documentées, des exposés didactiqueset poétiques, une interprétation créatrice de la réalité".… études → recherche, travail sur …… exposés didactiques → le cinéma est là pour expliquer quelque chose

→ l'art est service au de la révolution. L'art, comme tout le reste, est considéré comme émanantde la révolution. C'est aussi la révolution.

la démarche artistique fait partie intégrante de la démarche révolutionnaire.(dadaïsme, John Buysse, Duchamp )

• Comment va-t-on faire ? Mise en évidence des pouvoirs de la caméraLa caméra est un œil (mécanique) moderne. Vertov donnera un regard moderne, un regarddifférent de l'œil humain. Ce sera un nouveau regard sur la réalité.

On a un passage de 3D en 2D, de la couleur au noir et blanc, d'une netteté automatique à uncontrôle de la netteté, d'une image non-cadrée à une image cadrée, une image non faite par lamain mais par la machine.

Le ciné-opérateur apprend à voir (montrer une autre vision que la sienne), le cinémonteur apprend à penser cequi est vu. Le montage est une écriture. Il n'est pas question de s'en tenir à l'apparence objective des choses. Necopie pas sur les yeux (on ne fait pas la même chose avec une caméra que ce qu'on fait avec les yeux). A bas les16 images secondes de l'enregistrement parfait de la réalité.

Ne vous contentez pas de regarder passivement la réalité. Les images de la vie doivent être remaniées,organisée, au fil d'un discours, d'un poème.

⇒ développant une image propre à la caméra.⇒ le film n'est pas du tout comme le regard. On va manifester toutes les techniques cinématographiques.

VERTOV a réalisé quelques longs métrages : Soviets en avant (1926), L'homme à la caméra (1929), Trois chantssur Lénine (1934). Vers la fin de sa carrière, il ne sera plus du tout compris.

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L'homme à la caméra (1929)C'est un film très particulier. Il est basé sur le montage. Cela commence par une espèce d'avertissement : "Que lefilm qu'on va voir est une expérience cinématographique, sans intertitres, sans scénario, sans acteurs." Mais il y adeux acteurs : 1° l'homme à la caméra, 2° la caméra.Le but est de créer un langage international absolu basé sur la complète séparation avec le langage théâtral et dela littérature.

très eurocentriste, internationale communistePas d'intertitres → pourquoi ? Parce que le spectateur doit comprendre de lui-même car il ne sait pas

lirePas d'histoires → c'est un peu faux. En effet il y a deux évolutions dans le film. On raconte une

journée à Odessa (tout le monde dort puis tout se met en place, les gens travaillent puis vont au loisir).Puis on raconte comment on réalise un film, on voit le caméraman filmer et ce qu'il filme.

On arrive à une certaine maturité → on démythifie le cinéma et on le montre. Pourquoi ? Il y a unesprit de modernité mais aussi de la réalité pour que le spectateur soit conscient.

Le discours est clair. On raconte une journée (ville qui dort, qui se met en mouvement, qui arrive àune certaine frénésie, avant d'arriver dan les loisirs). Tout cela est monté parallèlement à un travail demontage, d'une mise en place, d'une expérience cinématographique.

C'est d'abord dans une salle de cinéma, on a la volonté de ne rien caché au peuple. On ne fait pluscroire au spectateur un cinéma de fiction.

Vertov met fin au cinéma de Méliès. Comment ? En démythifiant le truc, le coté magique, leprocessus cinématographique jusqu'à la monteuse.

Le film n'est qu'une grande partie des visions des rushes. Au bout d'un certain moment la caméra selibère enfin fonctionner toute seule. L'apothéose est lorsqu'on voit l'œil dans la caméra. Tout le discoursest clair sans un seul mot.

But : il est atteint → on a réussi à comprendre que l'URSS, pays soviétique, est un payssuper moderne. Parfois cela ressemble à du reportage.

La vision moderne existe déjà (en 1927, Berlin, saveur d'une grande ville, de RUTTMANN) mais cen'est pas dans un contexte de propagande soviétique, mais dans la modernité. Ce n'est pas un processuscinématographique, une mise en abîme.

C'est une démonstration de cinéma. Il utilise tous ce qu'on peut utiliser dans le cinéma. Le filmcomporte 1716 plans (à l'opposé de La Corde). Il n'y a aucune scène qui ne soit hachée (déjà présentchez Eisenstein). C'est un travail énorme sur le film. Cela fonctionne. Déjà des personnes ontexpérimenté le phénomène (génération zapping).

Montage métrique (travail, durée, rythme). C'est une affaire de famille. Denis (réalisateur), Boris(caméraman) et Michals Kaufman (générique)plus la femme de Denis (montage).

Vertov a dit : "Nous avons cru qu'il était de notre devoir de faire des films qui produisent de films."? devoir : comment expliquer ? L'individu a une place à prendre dans la société → on a un devoir

face à la société.suite à ce film : donner l'envie de faire du cinéma. On montre comment on fait, il y a toujours un

type vachement bien (Indiana Jones) présent partout et dans tous les moments de lavie.

C'est un film qui démythifie très fort le cinéma → avec un procédé de mise en abîme. Le cinéma restealors encore plus beau, plus magique, plus grand tandis qu'en réalité rien n'est plus magique.

Par rapport à Eisenstein, ce sont des films très différents (entre eux et par rapport au reste du monde) et trèssemblables.

V : Il montre que c'est super maintenant et que tout le monde peut en profiter. La technique du film estparallèle à la modernité de la société.

E : Il raconte une histoire qui se situe dans le passé avec des techniques modernes.

→ Film très structuré → mais Vertov axe plus son cinéma vers un cinéma de montage (dans le rythme et lajuxtaposition des images).

Pour en savoir plus : SCREEN, n°1, 1977, pp. 9 - 58IMAGE ET SON, n°351, pp109 - 125.

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Godfrey Reggio (né en 1940)Pour illustrer L'homme à la caméra, on verra Koyaanisqatsi de Godfrey REGGIO qui vit aux Etats-Unis. Il a

réalisé un trilogie Koyaanisqatsi (1983), Powaqqatsi (1988) et Naqoyqatsi (2002). Il réalise aussi plusieurs autrelongs métrages. Il a d'ailleurs fait un court métrage pour le WWF.

Koyaanisqatsi (1983)Le titre de ce film provient d'un mot d'une langue indienne (Hopi). C'est le 1° d'une trilogie [Powaqqatsi

(1988) et Naqoyqatsi (2002)].222111///111111 Que signifie ce mot ? Il signifie la vie tourmentée, déséquilibrée, folle, se désintégrant. Une vie qui appelle une

autre façon de vivre.// est évident car il n'y a rien comme texte sauf certains textes chantés en Hopi (prophétie, il y en a trois parmi

les différents chants).Voici leur signification :

- Si on extrait des choses précieuses du sol, cela conduit au désastre.- Au jour de la purification, il y aura des toiles d'araignées qui couvriront le ciel.- Un récipient de cendre peut un jour être jeté du ciel, brûler la terre et bouillir les océans.

→Sorte de film de propagande, mais c'est plus un rapport de l'homme à la nature ou s'opposant au mondede la ville.

Il est célèbre pour sa musique. Celle-ci fut composée par Philip GLASS.

c'est un grand compositeur de musiqueminimaliste. Il a composé en parallèle par rapportau montage. Il a aussi composé pour d'autre film.Ce qui a fait sa renommée fut la composition d'uncélèbre opéra : Einstein on the beach en 1976 quidura 5h. Il créa aussi un opéra sur Akhenaton,Orphée, …

Il est, avec Steve Reich, l'un des deux papes duminimalisme.

c'est un mouvement dans la musique contemporaine, artistique en général. Il existe depuis ledébut des années 60. C'est un mouvement qui travail sur la simplicité.

Ex: Godefroi de Bouillon (statue du 19°) par rapport à un cube d'acier d'1m83 ou de 2 x 18plaques d'aluminium. Les deux dernières œuvres ont plus un rapport à une dimension humaine,on se trouve dans un autre espace défini par l'œuvre elle-même.

On perçoit tout de suite l'œuvre puis on passe à autre chose. On regarde autour. On met enévidence le milieu qui entoure comme l'œuvre de Constantin (un roumain) où tout l'espaceautour de l'œuvre est contenu dans celle-ci.

Dans le cas de 2 x 18 plaques d'aluminium, la façon dont on (se) positionne change notrerapport avec celle-ci. C'est l'artiste qui décide, qui choisi, qui découpe l'œuvre. Depuislongtemps, on n'est plus obliger de réaliser pour être un artiste. On peut décider que telle outelle chose sera une œuvre ou pas.

On fait parler la chose d'elle-même. On voit le matériau. Très simple à tous les niveaux. Pourla musique, on commence vers les années 30.

→ C'est une extrême simplification de moyens et de répétition ( avec d'infimes variations).

→ C'est un film de montage. Toute une série d'image à qui le réalisateur a donné un autre sens ( NASA, USAir Force, National Geographic, … Toutes ces images ont été détournées de leur sens premier.).

Cette esthétique a fort influencé les réalisateurs de clips.

Il y a une opposition entre le cinéma des années 70 et celui des années 80.Celui des années 70 est un cinéma héritier de la nouvelle vague. Donc c'est un cinéma plus direct. On

s'intéresse plus à l'action, le résultat est un film assez plat car peut maîtriser au niveau esthétique.Tandis que le cinéma des années 80 offre une pléthore d'esthétisme ressemblant un peu à un opéra. Travail

énormément sur la couleur, sur la musique, la composition de l'image, le thème. [Travail de fou sur lescouleurs dans Le Mépris(1963). Ressort dans les années 80 et a du succès.]

C'est une beauté du temps quasi abstraite.Le film est très structuré : au début, on commence par une peinture rupestre avec le montage du lancement de

la fusée de fin qui explose.Powaqqatsi est plus un rapport sur le tiers monde et le monde occidental.

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L'expressionnisme allemandC'est un autre mouvement très important des années 20. C'est un mouvement qui a eu lieu parallèlement au

cinéma soviétique mais il est très différent de celui-ci. L'un est un mouvement plus de société (les Russes) tandisque de l'autre côté, il y a plus un travail d'individu. Les réalisateurs allemands créent selon leur envie. On verradeux films : Nosferatu de Murnau et M le maudit de Fritz Lang. (Encore expressionniste mais autre chose.). Onpourrait voir Metropolis mais non, malgré la forte influence exercée dans la science-fiction.Qu'est ce que l'expressionnisme ?

C'est un mouvement artistique dans lequel l'artiste exprime son mal être, son propre mal être.

Dans la peinture, il y a Van Gogh, Gauguin, Munch, Toulouse-Lautrec, Ensor, …Pour Van Gogh, il a commencé comme pasteur mais il n'y arrivait pas. Il se libérera en commençant à

peintre. Là, ce sera le moyen de s'exprimer. Il peindra de façon folle, comme si c'était un besoin. Pour lui, laseule façon d'exister est la peinture. Mais cela ne suffira pas car il se suicidera.

Pour Gauguin, ce sera le moment où il plaquera tout et lorsqu'il partira pour les îles. Il fuira vers lesMarquises → maison du plaisir. C'est un rejet de la société bourgeoise.

Pour Edvard Munch, c'est l'obnubilation de la mort et de la douleur car il fut marqué par la mort de sa mère etde sa sœur quand il était très jeune.

Pour Henri de Toulouse-Lautrec, son physique difforme lui a fait ressentir une sensation de privationd'amour. Il quittera l'aristocratie et s'installera à Paris parmi les rejetés où il vivra d'une vie de bohême. Plusparticulièrement il vivra avec les gens de la nuit. Il peint son rejet dans la peinture.

Pour Ensor qui habitait Ostende et qui peignait sa famille dans un style très chaleureux, il pète un câble. Ilpeindra les mêmes tableaux mais cette fois avec des masques, comme si ces masques n'étaient q'une facette denotre personnalité. Il peint en 1889 L'entrée du Christ à Bruxelles qui représente comme un grand carnaval oùles édits de Bruxelles sont des clowns, où les personnages ont des masques monstrueux.

→ Ils utilisent la peinture pour parler d'eux (comme une thérapie).

Cela s'est structuré comme mouvement en Allemagne en 1905 par la création par un groupe d'artistes (dontErnst Ludwig KIRCHNER est le plus connu) die Brücke (le Pont).

Mais c'est exprimer son mal être par rapport à quoi ? La mort, les classes sociales et la ville (exode rural etl'industrialisation, bref une ville inhumaine). Dans les tableaux, cela ressemble à de la difformité, sale (sombre)ou criard, contours épais, lignes anguleuses ou pointues ou cassées.

Au cinéma, Le cabinet du docteur Caligari de Rober WIENE (1919) est comme un tableau. Dans la littératureou dans le théâtre, l'expressionnisme est aussi représenté.

Bref, c'est un mouvement de révolte par rapport à la société prussienne. Apparition de l'artiste comme unindividu. Cela continuera après 1914 par le cinéma.

Comment transmettre l'expressionnisme au cinéma ? Il n'y a aucune couleur, le rapport à l'image est différent.Les décors sont impressionnants, il y aura un travail énorme sur le clair-obscur, le maquillage, …

Frederich Wilhem Murnau (1888 - 1931)Ce n'est pas son vrai patronyme, il s'appelle Frederich Wilhem PLUMP. Il choisit Murnau en référence à un

village en Haute Bavière où tous les expressionnistes se réunissaient quand ils en avaient réellement marre. C'estun lien très fort qui l'unit avec le mouvement.

Type très érudit, il étudie l'histoire et l'esthétisme (la philosophie) de l'art. Il arrive au cinéma par le théâtre.Lors de la guerre 1914-1918, il est pilote d'avion. Lors d'une mission, il est pris dans le brouillard et arrive à seposer en Suisse. Il en profite pour déserter. Vers la fin de la guerre, il se consacre au cinéma. Il commence en1919 et s'insère dans une esthétique nouvelle. Il fait plusieurs films mais seulement onze films sur les vingt sontaujourd'hui conservé. Le film le plus abouti est Nosferatu dont le sous-titre est la symphonie de l'horreur.

Dès 1924, il change de style. L'expressionnisme est devenu une affaire commerciale. Par Le dernier deshommes (histoire de la déchéance d'un portier), Murnau change dans style plus direct plus simple ⇒ il s'insèredans la fibre du REALISME (KAMMERSPIEL).

on connaît beaucoup mieux le néoréalisme (mouvement italien)

000333///111222 En 1926, il filme Faust (docteur qui pactise avec le diable).Après le succès du Dernier des hommes et après la sortie de Faust, Hollywood appelle Murnau pour venir

tourner aux USA. Il réalise aussi City girl.En 1931, il tourne Tabou en Polynésie. C'est un film qui raconte la nostalgie et la maladie d'un amour

impossible.Il meurt en 1931 dans un accident de voiture sur la route qui devait le conduire à l'avant-première de son film.

Mais une bonne partie des gens pense que c'est un suicide.

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On se rend compte que la thématique récurrente est celle très pessimiste de l'interdit, de la déchéance, del'amour interdit.

En effet quand on approfondit la biographie, on se rend compte qu'il était homosexuel. On comprend mieuxmaintenant sa thématique.

Nosferatu ou la symphonie de l'horreur (1922)Pourquoi Nosferatu est-il si fort ? Parce que Murnau exprime si fort son mal-être. Son ami étant mort à Verdun

lors de la guerre 1914-1918.vraisemblablement = Murnau

Il paraît que le film a eu beaucoup de succès car il s'installe dans la fibre fantastique. Mais le premier filmfantastique était un film danois La sorcellerie à travers les âges qui n'eut pas le succès escompté.

Nosferatu eut tellement de succès qu'il a favorisé un style comme le fantastique, d'un développement ducinéma.

Ce film est l'adaptation de Dracula de Bram STOCKER sorti en 1897, livré inspiré d'une légende roumaine.

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- l'araignée : elle symbolise le fonctionnement de Dracula. Elle vide la mouche de l'intérieur.- les animaux examinés les scientifiques : ils illustrent Dracula dans la nature. Le polype est un

fantôme qui mange, tandis que la plante carnivore est levampire du règne animal.

Par rapport à tous ces thèmes, les images romantiques font référence à la peinture de Caspar DavidFriedrich (il a peint des tableaux comme Le naufrage de l'Espoir, ou un petit personnage dans une peintureimmense et forte).

l'esthétisme expressionniste :Quels sont les thèmes ? La fatalité du destin, des personnages monstrueux (dans le film, Dracula est en

dehors de la réalité, ni mort ni vivant qui se nourrit de la réalité. C'est sa douleur, son amour impossible), lafascination hypnotique, le dédoublement de la réalité (mort x vivant, tuant x aimant), le clair - obscur (visionmanichéenne du bien et du mal représenté par une mise en évidence des personnages par la lumière etl'ombre, l'ombre qui tue, qui représente la mort, le mauvais côté de la force).

Pour les personnages monstrueux, nous pouvons les distinguer facilement. Dans Le cabinet du Dr Caligari,celui-ci est un personnage qui directeur d'un asile. Mais cela peut-il être crédible si l'histoire est racontée nonpas par deux fous mais par deux personnes saines d'esprit ? Toujours dans ce film, Chézaré est unsomnambule qui agit sous l'emprise de Caligari et qui est devin.

Dans Metropolis de Fritz Lang, le robot est un monstre. Le magicien Rowtang est un personnagemonstrueux qui crée par vengeance et par amour un robot qui a le visage de celle qu'il a aimée et quideviendra la monstrueuse Maria.

Nosferatu est un monstre. Il se nourrit de la Mort. Il n'est ni mort ni vivant. Il ne prend toute sa dimensionquand on sait que Murnau est homo et qu'il exprime à travers lui toute sa difficulté à vivre son amour et sadouleur.

Pour Metropolis, on a pendant longtemps diffusé une version lacunaire, mais dans les années 80', certainesimages furent retrouvées dans le scénario de Fritz Lang. Maintenant dans la version restaurée, on peut voirces plans manquants par des photos et un texte explicatif qui nous raconte l'histoire qui aurait du se dérouler.L'histoire de Metropolis est l'histoire de Freder, fils de Fredehrsohn et qui ne connaît pas sa mère Maria,morte pendant l'accouchement. Fredehrsohn est fasciné par ce robot qui ressemble d'une façon étonnante à safemme bien aimée.

Le physique de Dracula est très impressionnant. C'est un type très grand, très maigre, très élancé, qui porteune veste avec beaucoup de bouton. Il est très élancé, possède de grandes mains avec de longs ongles. MaxSchreck qui joue le rôle de Dracula joue un jeu très particulier. C'est un jeu très figé, mécanique, très lent. Cejeu est renforcé par le maquillage ; les sourcils noirs, les yeux noirs expriment mieux le côté fou.

Il y a un dédoublement de la personnalité dans tous les films expressionnistes. Dans Metropolis, il y a deuxMaria : la gentille gardienne des enfants et le maléfique robot.

Dans Le cabinet du Dr Caligari, il y a un Caligari montreur de foire et directeur d'un hôpital psychiatrique,et il y a un Chézaré attraction de foire et assassin.

Les images, qui naissent de ces thèmes, sont très opposées à celle du romantisme. Ce sont des images trèspeu profondes (pour les ombres portées), très moderne (très simple et très géométrique) et une lumière quifrappe les personnages.

→ Entrée du château : jour - nuit, vie - mort

→ sur le bateau, on utilise la contre-plongée ainsi autour

de lui les haubans forment comme une toile d'araignée→ Dracula veut cette personne mais malheureusement ilest emprisonné dans son statut, dans son destin … Il sait qu'il va mourir. Il doit tuerpour vivre mais il mourra d'avoir trop vécu.

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111000///111222 Les procédés fantastiques :C’est très intéressant car les procédés varient en fonction des époques. Les procédés sont déterminés en partie

par une technique. Comme ces dernières années, les techniques ont fort évolué, on peut dire que nous sommesactuellement dans un cinéma abouti dans la construction de l’image et du fantastique dans l’image. Nous nesommes plus dans un cinéma style de La guerre des étoiles où les acteurs se déguisent en monstres, mais dansun cinéma où les personnages peuvent être totalement virtuels.

A chaque époque ses découvertes. Avec très peu de moyens, Murnau met en place du fantastique.

Qu'est-ce qui est fantastique ?• le personnage Nosferatu → par son costume, son maquillage, … bref la façon dont on a transformé le

personnage. De plus, on l'affable d'un costume étroit, avec plein de bouton, samanière de jouer (cette lenteur) renforcent ce côté fantastique.

• l'utilisation récurrente de l'ouverture et de la fermeture de l'iris→ un noir qui revient tout le temps, qui gagne apporte une angoisse, une peurpermanente

• les apparitions et les disparitions de personnages→ passe-muraille, sur le cercueil

• l'ombre→ l'élément expressionniste qui symbolise le mauvais côté (?)

• les accélérés→ l'entré de Jonathan au château, … ⇒ c'est autre rythme établit un autre pouvoir

• le négatif→ Il rentre dans le monde de Nosferatu. Le côté sombre indique le côté opposé à la réalité que vitDracula.

En un plan, le monde dans lequel vit Nosferatu est expliqué.→ la poussière noire en bas de l'image est en fait la poussière blanche crée par le mouvement de ladiligence ⇒ perturbation de la logique noir-blanc, vie-mort (autre explication du monde deNosferatu).

• les choses qui bougent toutes seules→ le passage vers la cale du bateau→ la porte de la chambre de Jonathan→ la porte d'entrée→ …

Montage :Dans les livres, on parle fort du passage du retour à Brême. C'est un montage parallèle dans lequel on retrouve

Nina qui attend Jonathan et Nosferatu, et Rethfield qui attend le maître.La personne qui revient le plus est Nosferatu. On crée par ce montage des liens entre les personnages (Quand

Jonathan va se faire mordre, Nina se réveille et tend les bras vers la gauche, Nosferatu se retourne regarde vers ladroite et crée un lien avec Nina).

Rien n'est dit, tout est suggéré.• lien créé au niveau du choix, du mouvement, des axes dans les plans. Jonathan traverse le cadre de gauche à

droite, Nosferatu suit ce mouvement.• travail différent avec Jonathan (plus dans la fibre romantique) qu'avec Nosferatu (plus dans la fibre

expressionniste).• plan de Nina qui attend sur la plage alors que c'est Nosferatu qui arrive par la mer.

C'est un chef d'œuvre du cinéma expressionniste parce c'est peut-être l'un des premiers films dans la démarchedes artistes du XX° siècle. Eisenstein était aussi homosexuel mais il n'y a aucun lien dans son cinéma car il y aun besoin de société. Avec Murnau, c'est l'individu qui exprime ses sentiments.

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Fritz LANG (1890-1976)Fritz Lang est un des réalisateurs les plus mythiques (favorisé par sa longévité). Il a réalisé plus de 40 films. Ce

côté mythique vient du fait que Lang voulait romancer très fort.Né à Vienne, issu d'une famille bourgeoise, il reçut une bonne éducation. Il étudie l'architecture (pour plaire à

son père) mais il voulait devenir peintre. Il fait une fugue (légende ?) jusqu'en Extrême Orient, puis revient enEurope. A son retour, il découvre le cinéma en 1909 à Bruges. Il s'installe à Paris. La première guerre mondialeéclate. Il rentre en Allemagne. Il est blessé, soigne sa blessure à Vienne et reste dans un lit d'hôpital jusqu'à la finde la guerre. Pendant son internement, il s'ennuie. Pour s'occuper, il commence à écrire des histoires quideviennent des scénarii ou des feuilletons à succès. Ca marche. Les histoires qu'il écrit sont des histoiresd'aventures, d'exotisme, dans un contexte historique donné.

Son premier film date de 1919. Dans Le Métisse, on voit apparaître déjà un thème récurrent : un homme qui estdétruit par l'amour qu'il porte à une femme.

Dans Les Araignées (histoire d'une société secrète qui veut dominer le monde)(1919-1920), il découvre lesuccès. Mais il ne pourra pas réaliser le fameux Cabinet du Dr Caligari.

En 1922, il commence les histoires du Dr Mabuse. Lors du tournage du 1° Dr Mabuse, il perd la vue de l'œildroit. A cette époque, les scénarii de ces films sont écrits par sa femme, Thea Von Haarbuh, qui insuffle dansl'œuvre de son mari un certain germanisme.

En 1924, il réalise Nibelungen (mythologie germanique).En 1933, Lang est le plus grand réalisateur allemand. Il a beaucoup de succès. Metropolis a beaucoup de

succès. Même si les films comme le Dr Mabuse et M le Maudit n'ont pas été appréciés par le pouvoir. Il estconvoqué par Goebbels (bras droit d'Hitler et responsable de la propagande du Reich) et lui demande de dirigerl'industrie cinématographique du Reich. Le soir même, il quitte l'Allemagne et rentre à Paris. Il y a une rupturedans le couple Lang-Von Haarbuh, l'un s'engage dans un cinéma de contre propagande nazie tandis que l'autreest dans la propagande.

En 1934, il tourne en France L'Ilium. Puis Hollywood (AMGM) l'appelle. Il va aux Etats-Unis entamer unelongue carrière est consacrée à des prises de positions antinazies.

Fury dénonce le lynchage, On ne vit qu'une fois dénonce l'injustice sociale, …En 1943, il réalise avec Bertolt Brecht Les Bourreaux meurent aussi (film de propagande antinazie type).Après la guerre, ces films seront très hollywoodiens. Avec Marlène Dietrich, L'ange des maudits (1952). Il fait

des westerns.Il est aux Etats-Unis en tant que directeur de plateau. Mais il veut faire comme en Europe. Il se levait très top

pour pouvoir éclairer ses scènes selon son envie.En 1956, il retourne en Europe. Il refait quelques films dont deux films d'aventures basés sur des scénarii écrits

pendant la première guerre mondiale, Le Tigre du Bengale (1958) et Le Tombeau hindou (1959).En 1960, il clôt la série des Dr Mabuse. Il apparaît une dernière fois dans son propre rôle en 1963 dans Le

Mépris de Godard. Le rôle, qu'il est en train de jouer, a contribué à son mythe, et il nourrit la mythologie ducinéma.

Il meurt à Hollywood en 1976.

Ces thèmes favoris sont : la fatalité, l'amour qui ronge, la fascination des sociétés secrètes, l'amour éternel de ladémocratie.

M le Maudit (1931)Le 1° titre était : Les assassins sont parmi nous. La subtilité réside dans le fait de savoir qui est l'assassin ? M

le maudit ? La pègre ? (symbole du nazisme)C'est un très chouette film. C'est l'un de ses premiers films parlants. Il y a beaucoup d'éléments

expressionnistes. Il traîne devant lui son ombre. C'est un film qui est terriblement engagé idéologiquement contrele nazisme. C'est le portrait d'une société qui va mal.

C'est encore un scénario de Thea. Est-elle passé à côté du film ? Le côté antinazi est plus dans la réalisation.Surtout par le jeu du chef de la pègre (le plus nazi).

Le rôle principal M est joué par Peter Lorre. Avec ce film, il sera l'un des plus grands acteurs allemands par lasuite. Pendant longtemps (jusque dans les années 1980), il fut considéré comme le meilleur film de Lang.Metropolis, une fois restauré, lui détrôna la vedette.

C'est le premier film parlant de Lang. Il travail énormément sur la bande sonore, comme si c'était un acteur quiavait une place dans le scénario.

Le premier grand intérêt : le film est une espèce de portrait critique de la société du début des années trente. Ilvoyait le film comme un reportage (F.Lang dit même : "Mon film est un reportage"). Il y a une volonté de faireun portrait. Il en est très fier des éléments inspirés de la réalité (le vampire de Düsseldorf). Ce film est sorti avantla fin de la recherche du criminel. Il et très fier d'avoir tourné dans les vrais quartiers malfamés de Berlin… Il

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montre aussi une cantine pour pauvre (le prix baisse quand il y a moins de sandwich). C'est très important dansl'accroche à la réalité (ancrage).

Le second intérêt est au niveau de la grammaire cinématographique. Fritz Lang est au sommet de sa maîtrise.Le montage parallèle établit des liens… On parle beaucoup de la matrice formelle.

intro dans laquelle sont présentés les différents éléments du film.Eléments tant au niveau de la thématique qu'au niveau esthétique.(Ex : l'intro dans les Colombos).

111777///111222///000333Après vision du film :Il y a un changement radical vers la dernière partie avec le jugement. M, par son jeu et sa parole, exprime les

émotions, sa douleur, son état (d'ailleurs son monologue était écrit par un psychiatre). M décrit la schizophréniequi le ronge. Ce "monstre" devient presque "humain" par opposition à ces jurés qui deviennent terriblementinhumain au fur et à mesure du procès.

Schrenker joue très bien son rôle de nazi car il est très bon dans la manipulation d'un public. La preuve estl'exaltation de la foule qui agit comme on lui demande d'agir (il y a tout un discours sur le fascisme, …). QuandM raconte son histoire, la foule est prête à l'aider tandis qu'une fois que Schrenker prend la parole, les gens n'ontplus qu'une envie : le tuer.

C'est tout un discours sur la société et la dictature qui se met en place. Cette personne qui dit "Au nom de laLoi …" est Lang. Le réalisateur revient mettre la règle sociale dans son film. Il remet la règle dans un endroit quia banni la Loi. C'est un procès sommaire ["simulacre"](comme la capture de Saddam actuellement).

C'est vraiment un simulacre de la démocratie. La main finale remet la Règle. C'est la main de Lang. On entredans un autre statut du film. C'est super discret et super fort puisque c'est le réalisateur qui rentre et pose un actede démocratie.

Le premier élément est un élément dramatique : c'est la matrice formelleLe film commence par une chanson juste avant l'apparition de l'image. Donc on met l'accent sur le son.

En effet la bande sonore occupera une place importante. C'est le premier film parlant de Lang.A la fin du film, on entend le son d'une voix de femme sur un fond noir qui dit : "C'est à nous de protéger

nos enfants" du nazisme. Bref le son est plus long que la bande image.C'est la chanson d'une comptine d'enfant qui parle d'un méchant croque-mitaine ; et à la fin de la

comptine, l'enfant désigné est éliminé et on recommence. C'est symbolique du film car ça parle d'enfantsdont certains vont être éliminés.

Le mouvement de la caméra est hésitant car au début les caméras n'étaient pas faites pour le son. Ellessont donc isolées dans une cage de verre et comme elle est imposante, il est difficile de la déplacer.

222888///000111///000444 A la fin du mouvement, on voit une mère qui leur dit que la chanson est maudite. Cependant les enfantscontinuent. Pourquoi ? Parce qu'on veut montrer le côté inéluctable du Destin. Une fois que la mère estpartie, on reste sur le balcon vide et on entend que les enfants ont repris, "malgré" les paroles de la mère, lacomptine maudite (= hors champ sonore)

Le son est un gros problème. Pourtant, il le traite comme l'image. Par exemple, il arrive à mélanger deuxbandes sons sonores pour nous faire changer de lieux (du coucou dans la cuisine de la mère d'Elsie au sonde cloche de l'église qui nous entraîne à la sortie des cours).

On voit la police qui aide une enfance. On nous montre une police de proximité mais qui est incapable detrouver un assassin.

Puis il y a un montage parallèle entre la mère d'Elsie qui l'attend pour le repas et Elsie qui revient del'école et qui joue à la balle dans la rue.

La rencontre entre la victime et l'assassin se fait sur l'affiche de prime sur l'assassin. On ne voit pasl'assassin et … sa victime. On travaille sur l'absence, le vide (Il faut savoir que moins on montre, plus onsuggère [scène du meurtre d'une femme dans sa douche dans "Psychose" d'Alfred Hitchcock]). On a doncune affiche (référence au cinéma muet où on avait l'habitude de lire les intertitres). Les personnagesapparaissent avec le ballon d'Elsie qui rebondit sans cesse et l'ombre de M qui apparaît sur le mot "Mörder"(Ce sont des symboles. Le ballon représente l'innocence, la jeunesse et le jeu tandis que l'ombre est lamort). La répétition est un appel vers le meurtrier. L'ombre se place sur le mot "meurtrier". Avec sonchapeau, l'ombre nous donne un côté beaucoup moins sympathique au p'tit rondouillet qu'est M. Cela resteune rencontre où il n'y a personne.

On voit apparaître le clochard, donc la pègre. Il est aveugle. C'est lui qui permettra d'identifier M. C'estlui le héros. On entend aussi la musique que siffle M.

Fausse consécution, la mère attends sa fille. La porte sonne, elle croit que c'est sa fille mais s'aperçoit quec'est le facteur (on peut remarquer qu'à part la mère, tout le monde s'en fout de l'absence d'Elsie).

On a un fort travail sur l'absence. On montre l'inquiétude d'une mère et on voit tous les endroits où lagamine pourrait être (sur le hors champ sonore avec le cri de la mère vers la petite cour).

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On voit le crime être commis par le ballon qui s'envole (cfr âme) pris dans les fils électriques et on voit laballe rouler. On entend symboliquement le cri de la mère comme un écho au drame.

La matrice formelle ne peut se terminer que par un fondu au noir (représentation de la mort)

On a donc tous les éléments : les différents protagonistes, la répétition, le montage parallèle, le montagesonore, présence de l'absence, présence d'un espace sonore symbolique, voixoff, …

Le son :Il occupe une place très importante. C'est le premier film parlant de Lang. Il utilise le son de manière narrative.

La bande sonore est plus longue que l'image. La bande son explique l'histoire, et la phrase finale donne tout sonsens au film de Lang.

L'espace sonore est symbolique. Prenons un exemple : nous entendons la mère crier en direction de la courtandis que nous regardons les conséquences du meurtre de sa fille.

On utilise un montage sonore ( quand le son du coucou est mélangé au son extérieur de la cloche de l'église).C'est un film dans lequel il y a énormément de silence. Le cinéma muet n'est pas un cinéma silencieux, il y a

toujours un fond sonore et les personnes peut-être parlaient. Ce film comporte pas mal de plans silencieux.

Du point de vue narratif :Ca a beaucoup d'importance. L'air que siffle M est porteur de sens. C'est un fragment du poème symphonique

de Peer Gynt de GRIEG dans le thème de la danse macabre (danse avec des sorcières et des squelettes). C'esttrès porteur de sens car il ne siffle cet air quand il est dans sa pulsion. Le contenu de l'air sifflé explique ce quise passe ou va se passer. D'ailleurs l'aveugle le reconnaîtra grâce à ce thème.

Quand il est planqué dans la banque, il sera retrouvé par le son qu'il fait en essayant de tordre un clou pourcrocheter la serrure.→ on met en place un nouveau récit

On entend le fameux monologue de M où tout est dit (cela n'aurait pas eu le même impact si on l'a fait au muet).Le cinéma décolle et entre dans une autre dimension.

A la fin, on voit une main et on entend : "Au nom de la Loi …". Il pose ce geste pour exprimer un message,essaie de dire quelque chose sur la société (montrer la dérive de sa société). Il dit pourquoi il a fait le film.Lang touche le "lépreux".

Le montage :Le montage parallèle qui est fort étudier est celui entre la réunion de la pègre et de la police. Le travail de Lang

réside dans le fait de la mise en parallèle. Comment arrive-t-il à unifier ces deux scènes ? Les flics et les voyousmènent-ils le même combat ? Le pouvoir en place ne fait rien pour empêcher le nazisme de se mettre en place.En fait, la pègre gagne car elle a attrapé M.

Les liens : - les deux réunions se passent dans un endroit enfumé. Une tension s'installe. C'est la mêmeambiance, le même contexte visuel seul le nombre diffère ;- quand l'un pose une question, c'est le parti opposé qui répond ;- quand l'un est en train de faire un geste, c'est un membre de l'autre parti qui le termine.

Bref, il arrive à associer deux recherches (par le même but, les gestes qui se répondent). Ce n'est pas anodin.Ce serait comme si le pouvoir en place favorisait la montée du nazisme.

Que reste-t-il d'expressionniste ?Il faut savoir que Lang ne se considérait pas comme un expressionniste. L'expressionnisme est un mouvement

à la mode et qui a influencé indirectement Lang.

Les divers éléments qui nous font dire que ce film est expressionniste sont :- les ombres (surtout l'ombre de M sur l'affiche)- la dualité du personnage (c'est plus psychologique, M est à la fois un être normal et unvioleur.)- le monstre (que représente le mauvais côté de M)- le destin (avec les répétitions incessantes)(- une mise en évidence du mauvais dans la société)- la mort- la fascination (lorsqu'il est "en position d'attaque", lorsque son mauvais côté prend ledessus, il parvient difficilement à se soustraire à cette pulsion), parfois elle peut être quasi

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hypnotique (la foule dans le procès sommaire agit comme on lui demande d'agir sans aucunerésistance)- le jeu du monologue de M est très sur-joué (de façon plus juste), de plus le côté dramatiquede sa prestation est renforcé par le jeu de l'éclairage sur le clair-obscur.

Il y a donc pas mal d'éléments expressionnistes.

Structure de l'image autour de M (Comment est montré M ?)1. L'ombre : quand elle apparaît seule sur le mot Mörder nous informe que c'est l'ombre du meurtrier qui vient

d'arriver. C'est très stigmatisé (= marqué, stéréotypé). Ce n'est rien d'autre qu'un meurtrier.2. Le son que siffle M (lorsqu'il achète un ballon à Elsie) le stigmatise encore plus dans un statut de criminel.

Les gens le considèrent comme un animal (vers la fin).3. Lorsqu'un le voit écrire la lettre au journal avec un crayon rouge, Lang décide de ne pas nous le montrer.

Pourquoi ? Peut-être pour laisser du suspense dans un premier temps, puis aussi pour dire que l'assassin est monsieur tout le monde.

4. Quand M sort de chez lui comme un figurant. Puisque Lang nous l'offre, on ne le voit pas. On s'attend à voir quelqu'un de très monstrueux.

On n'hésite pas à le stigmatiser de plus en plus (par exemple avec un système de jeu de miroir)

5. On le voit acheter et manger un fruit (une pomme). M mange le fruit défendu.6. On voit son reflet dans la vitrine et dans un miroir devant la vitrine d'une coutellerie (On a l'arme)

On voit une vitrine de jouets dans laquelle on voit une marque "Matador" (ce mot nous est plus connu par lescorridas où le matador est celui qui achève le taureau).

7. On suit une petite fille (ex-future victime) et on arrive devant une libraire, dans laquelle on voit une spirale qui bouge (ça fait référence à l'hypnose du personnage [pratique fort utilisée par Freud]) et une flèche qui monte et qui descend (fait référence à ses pulsions [théorie de Freud]). On remarque que l'ombre va directement dans la flèche.

8. On voit le visage de M depuis une vitrine de jouet, à travers les jambes d'un pantin qui forment un M. (Le pantin nous réfère à quelqu'un qui est guidé par quelqu'un d'autre.)

9. On lui met la marque M sur le dos. Il est marqué comme une bête (M pour meurtrier)

Cette marque nous rappelle celles subies par les juifs, les homos, … avant et pendant la guerre. M marche dansla rue avec la marque de son statut.Lang fait basculer le film et M devient du statut de monstre un être humain. Il est victime de ses pulsions et dunazisme qui monte

Comment est définie la pègre ? La pègre est-elle nazie ?M est vu comme un goret à l'abattoir (au jugement sommaire). Il devient humain. La foule est variable et est

pour celui qui a crié le dernier.Schrenker est le chef de la pègre et le prototype même du nazi. Il en possède toutes les qualités requises :

- il dirige la foule- il est charismatique- il est grand, baraqué, impressionnant, … arien- il porte un imper dans un style qui nous rappelle la gestapo- il porte des gants en cuir (et n'hésite pas à mettre sa main sur la carte de Berlin, symboled'un pouvoir noir qui s'imposera sur la ville)- il a une ombre très importante (et veut qu'elle le reste)- il hurle- dans ses discours, il utilise différentes références déjà présentes et qui seront plus tard trèsutilisées par les fascistes et les nazis (il dit qu'il faut empêcher M de nuire pour le bien de lasociété ; mais est-ce vraiment M qu'il faut arrêter ?)- il n'hésite pas à assassiner- il est le chef d'une société secrète (on sait que c'était un thème favori de Lang, mais celaprendra toute une autre ampleur.)- il est le juge d'un tribunal sommaire- …

Conclusion :Rappelez-vous combien Lang s'attache au réel. Il était très fier d'avoir tourné ce "reportage". Il y a une volonté

de réalisme qui même dans la scène du monologue montre un discours sur la société. N'a-t-il pas dit : "Mon filmest un reportage".

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Le cinéma surréaliste : Le Chien andalou (1928)Le surréalisme est un mouvement artistique né en 1924 par la rédaction d'un manifeste par André Breton.

André Breton a fait partie des dadaïstes.le dadaïsme : mouvement artistique créé en 1916 et qui s'oppose à la guerre de 1914-

1918. Ce mouvement montre l'absurdité de la société. Il prône l'anarchie ("SansDieu, ni maître") et le nihilisme (théorie fondée sur le rien destructeur (?)). Cefut un mouvement profondément libérateur parce que montre l'absurdité de lasociété du XIX° siècle qui s'effondre avec la guerre 14-18 (le XX° siècle necommencera qu'après la fin de la 2° guerre mondiale). Ce sont des espèces degrands gamins qui ont décidé de créer un grand mouvement. L'œuvre qui peutillustrer cette idée est "l'Urinoir" de Marcel Duchamp. Cette œuvre montre bienl'absurdité et l'état d'esprit du mouvement (liberté de l'artiste). Ils se retrouventtous à Paris et sont rejoints par des écrivains. Mais après la guerre, l'état dumouvement n'a plus lieu d'être. On est dans une fibre positiviste. Breton etTzara sont deux chefs de file et Breton décide de quitter le mouvement en1923. Peu après son départ, le mouvement n'a pas fait long feu.

Il se détache du mouvement en 1923 pour fonder le surréalisme par la rédaction d'un manifeste. C'est unmouvement qui s'insère dans l'état d'esprit d'avant-garde du 20° siècle. Tant de choses nouvelles furent crééesqu'il a fallu trouver un autre lieu de création artistique. C'est l'inconscient. On explore le monde de l'inconscient.

L'inconscient fut découvert par Sigmund Freud. Il publia en 1899 un texte fondateur sur l'inconscient.Freud est viennois (Vienne était l'une des plus grandes villes importantes en Europe au XIX° avec Paris) etpsychiatre (discipline médicale qui s'occupe de soigner le cerveau par opposition au psychologue qui travaillesur la pensée. Un psychologue ne peut faire pas une ordonnance médicale contrairement au psychiatre.).

Freud fait un stage à Paris chez Charcot. Charcot est un psychiatre qui travaille parmi les hystériques (cesont des personnes normales qui lors de certains moments sont tétanisées nerveusement mais restentconscientes). Il traite l'hystérie par l'hypnose et l'enseigne à Freud. Freud apprend donc l'hypnose mais veutsavoir qu'est-ce qui se passe au cours de l'hypnose. Il constate que nous dormons éveillés, comme si on avaitdeux niveaux dont l'un est endormi pour révéler l'autre : le conscient et l'inconscient (partie immergée d'uniceberg).

Freud explore l'inconscient (il a énormément travaillé sur des femmes) et le résume à 2 pulsionsfondamentales : EROS et THANATOS (l'amour et la mort). On est, tous, géré par ces deux pulsions comme unetélécommande de voiture.

L'inconscient se forme très tôt. Vers 4-5 ans, celui-ci est déjà formé. De la même façon, si nous faisons dusport avant 20 ans, notre corps s'adaptera beaucoup plus que si nous faisons du sport à 40 ans.. Ce qui estimportant pour la formation de l'inconscient (le disque dur) est le cercle familial qui sera, pendant nospremières années, et la relation qu'on a avec celui-ci. Donc si on a des problèmes, c'est à cause de notredisque dur. Le conscient est un très bon gardien. C'est une très bonne barrière sauf quand sa garde estrelâchée (dans les rêves, par les lapsus, par les actes manqués, et sous l'influence de drogue et d'alcool (cesont tous deux des inhibiteurs)).

Freud met donc en place la psychanalyse et où le conscient est en confiance et laisse parler l'inconscient(c'est une sorte de catharsis, le patient se purifie). Donc on se souvient des éléments qui se sont passés dansnotre plus tendre enfance.

Avant que l'inconscient ne soit découvert, il y avait des fous et la Raison. Les fous allaient en asile. On setrouvait sur une ligne entre la Raison et la Folie, comme sur un curseur mobile entre les deux.

La meilleure façon de faire exprimer son inconscient est de faire un "cadavre exquis" (un "cadavre exquis"provient du premier exercice qui consistait à écrire un mot, puis de le passer à son voisin pour former une phraseou un dessin. Lorsqu’ils ont fait cela pour la première fois, ils ont obtenu comme phrase : "Les cadavres exquisboivent le vin nouveau". Depuis lors on garde le nom en référence à cette phrase.). C’est donc un acte raisonnébasé sur le hasard ou sur toute autre chose qui n’est pas réelle. C'est donc des associations d’idées ou d’imagesqui permet une créativité sans borne. On peut percevoir cela dans la peinture car elle sert de support pour cesrébus.

Comment le transposer au cinéma ? Le cinéma ne faisait pas partie des arts surréalistes avant que SalvadorDali et Luis Buñuel ne leur présentent Le chien andalou. Ce film est donc basé sur l’association d’idée. Dès lorsque le film plut aux surréalistes, les deux réalisateurs sont devenus membre de ce mouvement. Cela permis àLuis d’être un réalisateur et de faire l’Age d’Or. Ces deux films sont les plus forts de la fibre surréaliste.

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Ce film put être réalisé grâce à des mécènes (Vicomte et vicomtesse Noailles près de Paris). Ill’écrivit dans leur château. Le film commence par un cours de zoologie sur les scorpions, et puisil y a tout un discours sur un couple qui n’arrive pas à copuler. Dans la scène de fin, le marquisde Sade s’enferme dans un château avec de jeunes filles, il ressort en Jésus, re-rentre et revientcouvert de sang. Il y a donc une forte présence anticléricalisme car la religion est contre lespulsions, voire très potache.

Lors de sa première représentation, c’était très impressionnant car les gens s’étaient habillésfaçon XVIII° et le film était très révolutionnaire. Dans les salles, on vit la gauche et la droite sebattre car ils ne supportaient pas de voir cette libération. Il fut donc censuré jusqu’en 1981,quand Mitterrand décida de le sortir de la censure.

000444///000222 L'écriture automatique : l'inconscient écrit car le conscient a relâché sa garde au bout d'un certain moment. Unepartie du manifeste surréaliste fut écrit en écriture automatique.

Le chien andalou (1928) : analyseLa structure du récit est complètement perturbée, comme dans un rêve. Si l'artiste avait expliqué son film, le

film n'aurait pas eu le succès escompté. Il y a donc très peu d'explication.Normalement, un récit classique se structure en trois unités : unité de temps, unité de lieu et unité d'action. Ici

l'unité d'action est perturbée, de même que l'unité de temps (il n'y a aucun sens logique temporel) et idem pourl'unité de lieu (on passe du niveau intérieur au niveau extérieur : d'un appartement en ville au 3° étage puis rez-de-chaussée à la plage).

On travaille en brisant les structures. On libère l'esprit. Il faut créer sur autre chose que la logique, si ce n'est lepas-logique. Le travail de Lynch n'existerait pas s'il n'y avait pas eu le surréalisme.

On travaille énormément sur l'association d'image (ex : les fourmis dans la main, oursin - aisselles, le typemeurt et tombe sur une femme nue dans un parc).

La logique du rêve est guidée par l'inconscient.Buñuel a un très fort intérêt sur l'entomologie puisqu'il accorde une grande place aux insectes. On travaille fort

sur l'association (œil - lune) et sur les sensations (il est si bien aiguisé qu'il l'essaie sur son ongle). Il y a aussi uneforte présence sur les pulsions de mort (la femme à la main qui meurt écrasée sous une voiture) et d'amour (ondésire la femme, le type la veut très fort avec les yeux révulsés et il bave) ou bien il y a les deux (l'amour sur laplage et les morts ensevelis).

Le type qui tire deux cordes tire le poids de la Raison [les tables de la Loi, la religion (il y a une très forteprésence anticléricalisme chez les Espagnols car la religion est très présente ; prenons l'exemple de la processionde Pâques chez les Italiens où on a une très forte sensation de mort) et la culture (les pianos avec les chevauxmorts représentent la culture. Ne dit-on pas "Un âne mort" ? On représente tous les acquis de la société)].

On ouvre une brèche vers l'inconscient.Magritte, pour nommer ses tableaux, faisait passer un chapeau melon dans lequel les invités et il tirait deus ou

trois mots pour former le titre. Pourquoi a-t-il une obsession des chapeaux melons, de femmes voilées ? Quandon retira le corps de sa mère modiste qui était voilée.

Bref c'est génial de faire des choses très libres, osées en 1929.

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Orson WELLES et le cinéma classiqueLe professeur considère Citizen Kane comme le cœur du cinéma, le film le plus important de l'histoire du

cinéma parce que c'est un film dont l'essentiel réside dans la maîtrise technique et grammaticale. De plus, commenous sommes dans une école technique, on insistera plus sur le côté technique du film et on analysera les scènescouramment analysées.

Ce film devient le cinéma classique de référence. Il fut détruit par la nouvelle vague. Il est relativementinintéressant, voire chiant mais génial à travailler car il ouvre les yeux. On se rendra compte que nous n'avonsrien vu. C'est très étonnant de dire cela car la première fois qu'on le voit, c'est très chiant pourtant parler deCitizen Kane est très plaisant.

Orson WELLES (1915 - 1985)Orson Welles, la légende. C'est un personnage mythique, un monstre sacré. C'est un monstre physiquement,

créateur à l'extrême, il impose sa volonté, ses goûts, ses choix. C'est un être phallique (terme psychologique.Bush et Zarco le sont. Jospin ne l'est pas, il est seulement un bon technocrate par rapport à Mitterrand. Lesartistes le sont en général.)

Dès son enfance, il est un génie. Ce n'est pas facile car il y a des problèmes d'adaptation. Plein de chose circulesur lui. On dit qu'à 7 ans, il jouait de mémoire tous les personnages du Roi Lear de Shakespeare.

[Shakespeare est un monstre de la littérature anglaise. Quand il écrit ses pièces de théâtre, il y a toute unestructure semblable aux mathématiques.]

Welles fut passionné par cet écrivain et la façon d'écrire de Shakespeare l'a fort influencé dans son rapport à lanarration. C'est comme un super-jeu vidéo. Par exemple, il y a 6 fondus au noir pour exprimer la mort, l'échec.

Dans son enfance, il connut la mort de sa mère à 7 ans et la mort de son père à 13 ans. Il aura un tuteur qui étaitl'amant de sa mère, le Dr Bernstein. Dans Citizen Kane, Kane a un secrétaire Bernstein. Pour lui, avoir commetuteur l'amant de sa mère est une grave humiliation, et celle-ci ressortira dans son premier film où il n'hésite pasà demander n'importe quoi à son secrétaire. D'autant plus que le personnage de Kane est joué par Welles. Il aalors une vingtaine d'années et se vieillit. Il se projette comme étant vieux, gros, moche et abandonné. C'estétonnant de voir combien sa vision de lui, plus vieux, est juste. Peut-être s'était-il attaché à son personnage.

Vers 15 - 16 ans, il voyage et quitte les Etats-Unis. Il rencontre Houdini à Paris et apprend la magie (et par cebiais que le cinéma influence le spectateur).

A Berlin, il y a un grand théâtre. Il les bluffe en disant qu'il est un acteur connu à New York. Il rentre dans latroupe "Gate Theatre".

En Espagne, il apprend la tauromachie avant de retourner aux Etats-Unis.Il publie dès l'adolescence des livres sur Shakespeare à 13 et à 16 ans aux Etats-Unis.Entre les trois activités qu'il a exercées, il choisit de faire du théâtre et devient acteur et metteur en scène dès

1934. Il crée sa propre troupe "Mercury Theatre" dont il prendra tous les acteurs pour Citizen Kane. On parlebeaucoup de la troupe car il va jouer des drames de Shakespeare de façon très moderne (et courageuse). Parexemple, il joue des pièces très connues comme Jules César en transformant tous les costumes classiques despersonnages par des chemises noires (référence au fascisme italien). Il met en scène une société autoritaire quereprésente l'Italie. Cela provoque des scandales et des passions.

Il monte ensuite Macbeth et en fait une adaptation dont le lieu est Haïti et les acteurs sont noir. C'est un grandchoc car les noirs n'avaient pas encore une énorme place dans la société américaine. Il pose un acte politique.Cela provoque scandale et passion et devient célèbre.

En 1934, il réalise un court métrage surréaliste muet Hearts of Age. En même temps, il fait de la radio, desdramatiques radiophoniques (pièces de théâtre à la radio). Il travaillera à la radio jusqu'en 1947. C'est dans cecadre que le 30 octobre 1938, Welles avait adapté sur CSB La guerre des mondes (ce sont des martiens quiattaquent la Terre) du très célèbre romancier H.G. Wells. Les gens ont cru que c'était vrai et que les Martiensarrivaient. Les gens ont fui New York, se sont jetés des toits des buildings. En une nuit, Welles devient supercélèbre et devient une star.

Hollywood pointe son nez et lui propose à 24 ans le "contrat du siècle". C'est le contrat qu'Orson a eu pourréaliser Citizen Kane. La RKO offre à Welles un contrat pour la réalisation de deux longs métrages dont il seracoproducteur, réalisateur, scénariste et premier rôle principal.

Il eut un budget de fou, c'est une folie pure. Il se dit que peut-il bien faire. Il hésite entre un film d'aventure (deConrad Au cœur des ténèbres) ou de ne filmer rien qu'en caméra subjective, … Il réalise en 1941 Citizen Kane.Le film est considéré comme un chef-d'œuvre par la critique mas le public ne suit pas car les distributeurs sontsous-pression, …C'est un film de technicien pour les techniciens, les cinéphiles mais il a son contrat et réalise en1942 son deuxième long métrage The magnificent Ambersons. La RKO est très sceptique, brise le contrat qui lelie à Welles et modifie le montage final. C'est le début de ses innombrables bides commerciaux.

Il devra dès lors jouer comme acteur pour pouvoir financer la réalisation des films à venir.

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En 1948, il réalise La dame de Shanghai avec la Columbia. Il y arrive car la star totale de Columbia, RitaHAYWORTH, est la deuxième femme de Welles. Elle mit la pression à Columbia pour pouvoir financer le film etavoir le rôle principal. C'est un film policier qui a un très beau final dans une galerie de glaces par un règlementde compte. C'est trop beau, la critique adore mais le public ne suit pas. Pourquoi ? Parce que l'histoire est peuintéressante (très bizarre) mais aussi parce qu'il n'était pas prêt à accepter qu'une étoile meure à l'écran (resteencore très présent dans le cinéma américain. Les gros acteurs ont des contrats pour ne pas entacher leur imagequ'ils essaient de garder aussi belle que possible).

Malgré ce nouveau bide, il fera plus de 15 films au total. Il arrive à adapter Macbeth au cinéma sans argent,seulement avec quelques parois et beaucoup de brumes. Hollywood lui demande gentiment de quitter les lieux.

Il s'établit en Europe dans les années 1950 en France (peut-être dans le Sud). Il fut couronné à Cannes pourOthello en 1952. Il fait plein de trucs. La soif du mal en 1968.

En 1963, il adapte Le Procès de Kafka. Il le fait à Paris avec Anthony Pursing (il joue dans Psychosed'Hitchcock) et Jeanne Moreau (elle a réellement le jeu d'un personnage wellesien.). Quelques jours avant letournage, la production laisse tomber. Orson ne sait pas quoi faire et voit la gare d'Orsay abandonnée. Il décidede tourner son film dedans. C'est l'histoire d'un type qui a fait quelque chose mais qui ne sait pas quoi et est jugé.Le générique est parlé. A la voix de Welles, il déclame tous les noms des personnes sur le tournage et se cite endernier en tant qu'acteur et producteur, c'est super impressionnant.

Dans les années 60, il fait de la télévision. Sa dernière réalisation date de 1979. Mais il voulait surtout réaliserl'adaptation du Roi Lear (qu'il ne fera pas).

Citizen Kane (1941)

Genèse du film :Le contrat date du 21 juillet 1939 entre la RKO et le Mercury. Il travaillera avec l'un des plus grands

scénaristes de l'époque : Herman Mankiewicz [frère de Joseph Lee (grand réalisateur du péplum Cléopâtre et dufabuleux Suddenly last summer. Il montre le cinéma d'un autre Hollywood, celui plus intelligent)].

La base du travail, l'idée, c'est une sorte de société secrète qui aurait à sa tête une sorte de millionnaireséduisant et haïssant avec une mise en abîme par les news cinématographiques dans lesquels on apprend toute lavie du personnage et se trouve dans la salle de cinéma. On le verrait là.

Comment crée-t-on un film ? Il est parti d'une image, puis des news, ensuite de la mise en abîme pour arriverau personnage. Il travaille sur le projet du scénario et met en place une narration à plusieurs voix. Les relationsentre Welles et Mankiewicz étaient très difficiles car Welles ne voulaient pas que le nom de Mankiewicz augénérique. Welles devait être vachement irascible.

C'est un personnage qui vieillira (le film couvre une période de 70 ans de vie active). Il engage les comédiensde sa troupe pour le film sauf deux qui n'ont rien à voir au cinéma.

Il tourne de juillet à octobre 1940. La première scène est la salle de projection. Il tourna cette scène avant letournage officiel dans la salle de projection de la RKO. C'est une réunion de journalistes (acteurs) qui parlent. Onvoit des silhouettes dans le noir total.

Il s'entoure d'une équipe assez jeune (de 25 à 40 ans) par rapport aux autres tournages.Il aura un gros problème car l'histoire est celle d'un magnat de la presse qui existe dans le réel et a plein de

point commun avec Citizen Kane. Il n'a pas envie de parler de ce qui est relaté dans le film et veut empêcher lasortie du film. Il propose de racheter la pellicule au prix coûtant de tous les frais couverts par la RKO pour lefilm. La RKO refuse et Hearst décide de mener un procès. Finalement il n'y a aucun procès car il ne veut pas quesa vie privée soit comparée au film. Ce serait mal vu de découvrir tous ces défauts mais il fait des pressionsimportantes parmi les distributeurs.

Le film a beaucoup de succès en Europe car Hearst a atténué le feu en Amérique. Le 1° mai 1941, il fait unesortie triomphante à New York mais les recettes sont défavorables…

111111///000222 Analyse :On constate que ce que Kane a perdu est la période de son enfance. On va analyser le film sur le canevas

structure - image - montage. Il y a une grande construction présente à tous les niveaux (c'est le travail essentielde Welles).

Structure du film :Structure narrative

D'abord nous allons analyser la structure narrative.De façon simple, ce sont deux récits qui se mélangent : la vie de Kane (qui s'étale de 1863 à 1941, soit une

période de 78 ans mais sa vie active doit recouvrir 60 ans) et la recherche de Thompson (journaliste qui veutparfaire les news en enquêtant pendant quelques jours).

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La structure narrative est faite au départ de différents témoignages : - THATCHER (ex-tuteur) → on ne le questionne pas, on lit ses mémoires- BERNSTEIN (secrétaire)- JEDEDIAH LELAND (ami) → peut-être son meilleur. Ils se sont rencontrés dans les écoles où ils se sont

faits virer ensemble. Ils sont restés ensemble. Leland est issu d'une famille riche, mais sonpère s'est suicidé en laissant des dettes. Pouvons-nous dire qu'il vit dans la cour de Kane ?

- SUSAN ALEXANDER (2de épouse) → Pourquoi n'interrogeons nous pas sa première épouse EmilyNorton ? Nous savons à travers les news qu'elle est morte dans un accident de voitureavec son fils.

- RAYMOND (majordome[de Xanadu])

Pour tous ces témoignages, Welles utilise le flash-back. Il remet au goût du jour une technique qui futabandonnée dans les années trente. Rappelons -nous Intolérance dans la scène du procès, on se rappelle.

La structure narrative est terriblement complexe (multiplications des points de vue, structure illogique,redondance des témoignages, …), ce qui est une des nombreuses raisons de son insuccès.

De plus le film commence par la mort du personnage (ce qui n'est pas dans la logique). Et après la mort, on a lenouvelles cinématographiques dans lesquelles on apprend tout. Au moment où le moment "FIN" apparaît àl'écran, c'est pour nous le début de l'histoire.

Donc c'est une toute nouvelle structure qui est mise en place. Il y a tout un travail sur l'apparition de Welles. Ilest super célèbre,, très populaire (cfr la nuit du 30 octobre 1938). C'est un jeune premier. Il soigne son apparitionen la retardant, ce n'est pas celle qu'on montre dans les news, ni celle d'un vieux personnage bouffon ou encoremoins celle de son enfance. Ce n'est pas celle qu'on attendrait habitué dans les manchettes. Le premier flash-backest celui de son enfance. Il va falloir attendre le moment où Thatcher lit plein de journaux. Au moment où ilabaisse son journal, on aperçoit un acteur hollywoodien. C'est un type très cool, humoristique, sympathique,jeune, souriant, … Preuve indéniable qu'il soigne son image.

ThompsonThompson est un personnage dont on aperçoit la silhouette, le chapeau, des lunettes et très souvent de dos. On

ne voit pas son visage. Il se situe souvent droite cadre, toujours au bord ou quasiment hors-champ. Pourquoi ?Il n'est là que pour amorcer le flash-back. Il est présent pour structurer l'histoire et est effacé pour nous laisser

la place.Généralement dans une interview, on a dans le montage des champs/ contrechamps. Mais, ici, il n'y en a pas du

tout. Ce personnage est présent pour illustrer la relation que le témoin avait avec Kane mais il n'intervient jamaisdans le récit.

Il se décale pour nous permettre de voir le témoin. Il est toujours dans l'ombre pour montrer qu'il n'existe pas.

Structure symétrique et circulaireWelles commence et termine son film par les mêmes images : celle de la grille avec

le panneau "No Trespassing". On monte au début pour entrer et on descend pour sortir.Le fait de passer la grille nous apprend que le côté voyeur existe car le mot "Bouton deRose" est privé et on brave un interdit. On entre dans Xanadu mais on en ressortfinalement assez bredouille.

Les mouvements de caméra du début et de fin sont des moments où la caméra estlibre de survoler, de courir, …Elle entre dans le domaine (dans le prologue) et elle surplombe tous les trésors queKane a amassés (dans l'épilogue).

Le côté symétrique où le film se referme sur lui-même sans qu'on ait appris grand chose se finit quand laboucle est bouclée.

Cette structure circulaire avec Thompson et le(s) témoin(s) -le fondu enchaîné-le flash-back-le fondu enchaîné-Thompson et le(s) témoin(s) est très présente dans l'histoire et permet de faire "passer" le temps.

- Bernstein : début → orage, il pleut dans la journée, on voit la ville de New -York par la fenêtre fin → on se retrouve dans le même décor sauf que la nuit est tombée et il ne pleut plus

- Susan Alexander (la deuxième fois) : début → il fait nuitfin → le jour se lève (on le sait car Susan termine son verre decognac et dit: "It's morning already")

- Leland : début → on aperçoit dans le fond des personnes couchées dans des chaises longues.fin → on ne voit plus les personnages et on voit deux infirmières prêtes à le conduire danssa chambre.

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Cette symétrie circulaire se retrouve même dans l'articulation de certaines scènes (ex : la scène du petitdéjeuner entre Kane et sa première femme). On commence par un travelling de la pièce vers la femme au débutet à la fin du mari vers un plan large.

On aboutit ainsi vers une structure trop prévisible mais Welles n'hésite pas à la briser par 2 fois par deséléments qui n'ont pas leur correspondance.

les news (pas de témoin - montage cut - …)la première rencontre avec Susan : on y entre (par l'enseigne lumineuse "El Rancho" de Susan

Alexander Kane Twice Nightly, et par la verrière) et on ne sortirapas car Susan ne veut pas parler (donc fondu enchaîné autéléphone et fondu au noir pour marquer l'échec). On la verra unedeuxième fois la nuit et on en ressortira le matin par la verrière carelle aura parlé. On la verra toujours deux fois.

Analyse des newsA quoi servent-elles ? Comment sont-elles montrées ? En ce qui concerne le langage

cinématographique ?C'est un avant grand plan du film. C'est une "matrice anti-formelle". Elles sont très

intéressantes à plusieurs niveaux de point de vue.

Les News on the March sont une copie de "March of Time" qui était les véritables informationscinématographiques de l'époque, et il n'y a pas de problème de droits d'auteurs car c'est la RKO qui produit cesnews. Ce sont les mêmes graphismes, la même structure, le même speaker (avec une voix très reconnaissable[comme PPDA pour not'e t'uc]).

Que pensons-nous de ces nouvelles ? Comment sont-elles ?Elles sont très rapides (comme des nouvelles) au niveau du montage, basé sur une musique rapide qui change

en fonction du thème de chaque chapitre. La voix du speaker est emphatique, celle d'un bonimenteur, crieur pourvendre son information. Il change le rythme de sa voix en fonction de chaque titre.

C'est à la fois beaucoup et cassé. Les plans sont trois fois plus court dans les news que dans le film. Les imagessont fort claires tandis que le reste du film joue sur le clair-obscur. Celles-ci sont encastrées entre la mort et laréunion des journalistes. Les images ne sont pas construites sur le clair-obscur et elles sont floues (par oppositionà la netteté maladive présente dans tout le film.

Ce sont des images de paparazzis, toujours en mouvement, avec aucun travail sur la composition. Les imagessont plates, essentiellement narratives.

Pourquoi y croit-on ? Parce que c'est réel. C'est très important cette ressemblance au réel où il y a des titres etdes intertitres (référence au cinéma muet). Il y a deux erreurs dont l'une est flagrante, c'est le moment oùThatcher devant le congrès parle de Kane or c'est un document de 1925 et il n'y avait pas de son à cette époque.

On fait une référence au traîneau, mais normalement il n'y a pas lieu de citer cette anecdote si ce n'est pournous le fourrer dans notre crâne.

On se rend compte que c'est terriblement du rythme du film. Les mauvais plans sont mis exprès pour fairenews et pour mettre en avance la beauté du film.

C'est une esthétique anti-formelle, l'esthétique du film est carrément prise à contresens. On monte cut parrapport au reste du film où toutes les transitions entre les plans sont des fondus enchaînés.

A quoi servent-elles ?- Elles nous montrent un grand résumé de sa vie (tous les événements du personnage). On nous apporte tous leséléments nécessaires. On veut faire croire à la réalité du personnage.- Pour montrer un film plus beau, c'est une démonstration par l'absurde. On met les qualités artistiques du filmen évidence.

111888///000222 - il y a une mise en abîme en deux niveaux :- l'ensemble de cette scène est dans une salle de ciné. On le voit à la caméra où la caméra change d'axe eton voit l'écran de profil.- c'est une mise en abîme du film puisque l'ensemble de la vie de Kane est reprise dans les news.

Ex : - on voit la manchette où Emily Norton est morte avec son fils et le moment où la photo est prise ;- la manchette avec la porte n°185 avec le scandale de Susan Alexander (la porte qui devientmanchette) ;- le mariage de Kane et de Susan Alexander dans les news (pour faire croire à la véracité des faits)et le même événement filmé de manière plus propre ;

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- quand qu'on parle de son enfance : peinture maison → p'ti Kane qui jette des boules de neige surl'enseigne

portrait mère-enfant qu'on revoit quand la caméra survoletoutes les caisses juste à côté du traîneau ;

- le portrait officiel de Kane dans l'Inquirer et on le retrouve au-dessus de lacheminé de Bernstein ;

C'est une mise en abîme parce qu'elle reflète toute une série d'image précise.

Organigramme de la structure du filmDEFENSE MORT DE NEWS SUSAN THATCHER BERNSTEIN LELAND SUSAN RAYMOND LUGE DEFENSED'ENTRER KANE ALEXANDER (Archive) ALEXANDER D'ENTRER

* Les news et Raymond représentent la vie publique (on voit tout, on connaît son parcours) et la vie privée(tout ce que la presse ne nous dit pas).

* Ce sont les deux personnes qui ont accompagné Kane toute sa vie et l'ont connu dans son enfance. Thatcherétait son tuteur et Leland a vécu la même chose que lui.

* C'est la mort en lui-même tandis que la luge, c'est la mort symbolique ("Rosebud", son secret) du personnage.

C'est une symétrie parfaitement récurrente. Plus on progresse, plus on sait qu'on ressortira par les mêmesétapes.

Il se clôt comme un miroir. C'est un film qui se referme sur lui-même, dans lequel il est interdit d'entrer, danslequel on ne découvre que la décrépitude du personnage, sa solitude.

Présente dans tout le film, dans tous les témoignages, cette symétrie l'est aussi dans certains flashes-back.Il ne faut pas oublier que sa référence est Shakespeare, avec le classicisme et sa structure (cfr littérature

anglaise, si on ne voit pas, référons-nous à la littérature française du XVIII° siècle). Cela répond en effet à desrègles bien particulières

Image du filmIl faut savoir que Gregg TOLAND se propose de seconder Orson Welles dans la réalisation de "Citizen Kane".

C'est un chef opérateur dont on parle à Hollywood car il est novateur, talentueux. En 1939, il a travaillé sur deuxfilms dont l'image était très aboutie : Les Hauts de Hurlevent (traduction française de Wuthering Heights d'EmilyBrontë) adapté par William Willer et Les Raisins de la Colère (traduction française de The Grapes of Wrath deJohn Steinbeck) adapté par John Ford.

[les hauts de Hurlevent sont un lieu dit en Ecosse, dans les marais et dans les landes. Cela raconte l'histoired'une famille]

[c'est l'histoire de la crise du début des années 1930, mélange du crack de Wall Street et de la sécheresse dansle centre des USA, du "Dust Bowl", mini-désertification appauvrissant de plus les fermes ("maison" de plage).C'est malheureusement le bon moment pour la photographie sociale]

La profondeur de champWelles et Toland vont travailler l'image avec une idée (comme pour la structure dont l'idée était celle de faire

une symétrie close). C'est idée est celle basée sur la profondeur de champ et son utilisation, ce qui apporte uneexcessive netteté. Il faut savoir que 2 inventions sont apparues permettant de créer une nouvelle image en 1939.Eastman Kodak invente une nouvelle pellicule avec des grains plus fins, et donc plus sensible. Avantage pour leseffets spéciaux car ceux-ci faisaient perdre trop de définition. Un nouvel objectif est apparu avec des lentillesantireflet (on gagne plus de lumière grâce à l'absorption de lumière des lentilles et ne plus la perdre parréflexion). Tout le monde en profite à Hollywood pour pouvoir baisser les éclairages de plateau (en effet, ilfallait surexposer car la pellicule était peu sensible et donc il y avait surchauffe sur le plateau).

Au lieu de faire comme tout le monde, Welles et Toland vont garder le même éclairage mais ils vont fermer deplus en plus le diaphragme. La conséquence sera une image très accentuée dans la profondeur de champ. Laconséquence sera une image très profonde et nette jusqu'à l'infini. Il y a tout un travail sur la construction del'image, il n'y a pas de latéralité mais la profondeur y est. Rien n'est mis en évidence en 2D mais en 3D, c'estétonnant.

Très étonnant car cela crée une image trop nette, profonde, parfaite. Nous ne voyons pas ainsi. On gère lanotion de profondeur avec la netteté. L'image est différente de celle de l'œil humain. Cela fait référence auxtableaux de la Renaissance.

(cfr. la peinture où le tableau est basé et construit sur la perspective. La Vierge au Chancelier Rolinde Van Eyck. Les peintres peignaient avec une plume que les perdrix ont sur leur patte. Cette plume

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permet de peindre les moindres détails. C'est une sorte d'expérience du monde pour voir commentc'était. Les époux d'Arnold Fini de Van Eck sont une autre expérience de ce peintre. Si on commence àvoir les coups de pinceaux, ce n'est plus une fenêtre sur le monde)

L'image est fausse car elle est trop maîtrisée. L'image est comme un tableau 2D. "Comme un théâtre de laRenaissance", les décors sont construits sur les axes et les perspectives. Ce n'est pas une image de la vie, dumonde réel, du monde extérieur.

On a défini à partir de l'utilisation de la profondeur de champ "le couloirscénique". Tout se joue ainsi dans le film. Ayant comme base l'œil du spectateur,la caméra a très peu de mouvement car le décor est fait pour le point de vue central (Ex :l'Eglise St Ignacio où tous les décors au plafond sont des trompes -l'œil qui ne fonctionnent que pour lesfidèles).

Le couloir scénique va être utilisé pour mettre la profondeur de champ enévidence. On va faire bouger les personnages non pas de gauche à droite mais del'arrière à l'avant. Si on filme la mer, cela ne sert à rien d'avoir uneprofondeur de champ.

On va donc travailler sur le décor en fractionnant la profondeur dechamp : on va le fractionner en différents niveaux. C'est quelque chose

de tout à fait nouveau (par opposition à Méliès). Du point de vue de l'optique, c'est quelquechose de totalement différent.

Il y a la mise en place des comédiens, placé à différents niveaux. Il y a de rares moments oùles personnages seront au même niveau donc une nouvelle valeur au niveau du pouvoir (lascène de chantage entre Gettys et Kane).

L'utilisation de l'ombre et de la lumière dans la profondeur de champ permettra d'avoir uneidée sur le discours du personnage. Il est évident que les passages clairs et ombragés mettenten évidence la profondeur et quand le personnage parle dans l'ombre ou la lumière, le discoursqu'il tient n'est pas le même. (Il écrit sa profession de foi dans l'ombre et dès lors on sait qu'ilne va pas la respecter).

La présence obsédante des plafonds est intérressante car au cinéma, il n'y a généralement pas de plafond car onéclaire par le haut. Par la création des plafonds, nous sommes obligés d'éclairer latéralement. Les plafondsaccentuent la profondeur du décor, le côté boite de la chose. Cela clôt l'image.

(image close : on est enfermé dans l'image car il y a très peu de mouvement de caméraou "recadrage". Les rares mouvements sont l'entrée et sortie de chez Susan Alexander, laséquence du petit déjeuné, quand on suit Thompson dans la bibliothèque de Thatcher cardans Xanadu nous avons une image close et fermée par le plafond. On ne rencontre quetrès peu de hors-champ et quand les personnages sortent du champ, ils sont rattrapés pardes reflets dans les miroirs. Et quand deux personnages discutent d'une tierce personne,on la voit entre deux soit réelle, soit reflétée.)

On va analyser plus particulièrement la profondeur de champ dans la première scène après le crack de 1929 etdans la deuxième qu'est la tentative de suicide de Susan Alexander.

1° Kane revend une partie de ses avoirs à ThatcherCe qui est génial, c'est la découverte des personnages et de la profondeur de la pièce.

On commence par la lecture de Bernstein dans lequel on apprend que Kane doitrevendre une partie de ses avoirs. On a l'impression d'êtredans une pièce de taille moyenne, qu'on verra par la suitedans la mise en scène. On se rend qu'il y a Thatcher quand

Bernstein dépose son journal (Thatcher est un vieux dragon sur ses sous (aussi vagueimpression de miroir)). Kane apparaît par le son. On l'entend en hors-champ. Il arriveet s'éloigne vers le fond de la pièce. On se rend compte que les fenêtres sont cellesd'une pièce immense. On travaille sur le son car il y a de l'écho. Il a travaillé sur l'impression de grandeur (il faitdes petits pas). De plus le plancher était légèrement surélevé pour mettre en évidence la profondeur dans lapièce. On a aussi deux personnages en quinconce pour parler d'une tierce personne (qui se trouve entre les deux).

Au niveau du thème (du pouvoir), au moment où il est dans l'ombre, il apprend qu'ilgardera un droit de regard, qu'il perd son indépendance.

Il y a une utilisation très brillante de la profondeur de champ. Les zones d'ombresaccentuent la profondeur du décor et la thématique de l'échec de la phrase qu'en onl'écoute.

Kane

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2° Tentative de suicide de Susan AlexanderOn a d'abord un fondu au noir (échec- mort). On commence par le son d'une respiration et d'une image très

particulière. Nous avons un décor très structuré, travaillé au niveau de la profondeur de champ. Nous avons tousles éléments qu'on a déjà eus.

La chambre est aussi fractionnée par l'antichambre, rideau, porte, lumière.Il y a une nouveauté, la caméra est placée sur une table de chevet avec un plateau, un verre avec une cuillère et

un flacon débouchonné. Nous voyons le corps de Susan Alexander entrain d'agonirdans l'ombre. On regarde cette porte avec le son, et on voit des ombres de pasderrière. On rentre, on s'arrête, toujours deux personnages en quinconce. Kanes'approche et relève la tête de Susan Alexander. Kane est puissant et vivant tandisque Susan Alexander ne l'est pas.

On constate qu'il y a un gros problème de netteté (net -flou- net). Comment l'a-t-il fait ? On ne peut avoir de la profondeur de champ que quand c'est net. Or ceplan, Welles veut l'avoir sombre donc il se trouvecoincé. Il a trouvé la solution en tournant la scène en

deux fois (le plan avec Hitler est très limite). On ne peut pas se permettrede faire de la post-production avec des images trop travaillées. Donc on fait untrucage en enregistrant le plan en deux fois (l'une moitié et puis l'autre). Quand Kanevient dans l'ombre, il y a un flou qui est la jonction entre les deux demi- écrans.

Puis nous avons un fondu au noir puis une ouverture qui se fait par la sacoche du médecin qui est noir maisl'éclairage a changé car elle vit. On voit le même décor tout éclairé avec les personnages en quinconce.

On a aussi une ouverture en éventail autour de Kane avec la sacoche du docteur et le mouvement del'infirmière.

Le chaos sonore qui précède le plan où elle est obligée de chanter est présent quandon montre plein de plan sur les manchettes, le public sceptique. On continue d'entendreses cris dans la fin de Salammbô (où elle meurt), puis le cri se termine.

Nous avons après un fondu au noir car nous avons une scène de mort. L'objet enamorce de la profondeur de champ nous indique la thématique du suicide de Susan(tandis que la porte au fond nous indique que le secours viendra de là).

Le clair - obscurIl n'y a pas qu'un travail sur la profondeur de champ, il y a aussi tout un travail sur le clair-obscur qui met en

évidence le drame (comme la dramaturgie au théâtre). C'est l'héritage que l'expressionnisme allemand nous alégué. Le gros problème de Toland était la création de plafond donc il a fallu un éclairage latéral. L'éclairagebaigne le décor en créant des zones d'ombres (en mettant des caches).

On remarque que le film s'assombrit au fur et à mesure. A Xanadu, on est dans un film qui est très sombre. Il ya une scène très intéressante concernant l'utilisation de l'éclairage : la scène du chantage de Gettys.

Kane va être élu gouverneur et dit publiquement qu'il mettra en tôle Gettys (lemafieux). Gettys le fait chanter sur sa relation extraconjugale. Il fait envoyer par lamaîtresse de Kane une lettre à Emily Norton. Kane l'accompagne. Ils sont donc piégéspar Gettys.

Il y a une énorme maîtrise sur la mise en scène. On travaille sur l'utilisation du clair-obscur complètement irréaliste. Ils sont ombre ou lumière quant à ce qu'ils ont à dire.

Il y a une maîtrise sur le travail du déplacement des personnages. La technique est utilisée pour porter un sens.On commence par un plan structuré avec deux personnes sur le même niveau.

Ce sont deux statues, l'un à gauche en noir et l'autre à droite en blanc (car elle n'a pas péché). Ils sonnent à laporte et la bonne dit : "Bonjour M. Kane" (et le condamne).

Susan, seule dans l'entrebâillement de la porte. Emily passe et Kane la dépasse. L'image se base autour d'unvide. On attend quelqu'un avec une porte blanche, lumineuse.

3 personnes qui créent son axe vers cette personne. Kane s'interpose entre les deux femmes. Susan est en noirtandis qu'Emily est en blanc (Susan n'est pas aussi pure car elle vit un adultère). Il y a une mise en scène àl'arrivée de Gettys. Il se place à contre jour et les trois acteurs le regardent. Il est aussi fort que les trois et enopposition de force. On présente toujours quelqu'un à sa femme (par politesse). Gettys se présente, et il y a uneforme de mépris dans la réponse d'Emily. Susan a changé son regard, celui-ci est dsr9.7(ngé)-ve.6(ga)-7.2à s4-11.7(a)-e.6(ga)au.

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On change les couples. On met en évidence le couple illégitime et le "couple" du bien et du mal. Avec tous lesregards sur Emily.

Les deux personnages sont au même niveau, au même noir, dans la même opposition de force. L'enjeu, c'estEmily toute en blanc.

On voit aussi qu'il y a une utilisation des différents axes caméras. La contre-plongée nous indique le choc destitans (Emily, Gettys et Kane). Susan n'est rien.

→la plongée et la contre-plongée viennent de l'expressionnisme pour nous indiquer l'inégalité et laviolence des rapports de force entre deux personnages.

Nous nous situons dans une scène où il y a une lutte de pouvoir. Kane est en noir dans un décor noir et Emily esten blanc dans un décor fort lumineux. Les deux regardent le billet qu'Emily tient au centre et qui sert de preuve.

Emily est en blanc et Susan rejoint Kane en noir. On sent qu'il en faut deux pour égaler Emily.On déplace légèrement la caméra. Emily est en amorce, et à contre-plongée en contre-jour dans leur noirceur,

Gettys et Kane sont au même niveau.On voit apparaître une autre utilisation de la lumière. Gettys apparaît dans la lumière pour prendre le pouvoir.On revient dans une structure tripartite, Emily et Gettys avec Kane entre eux. Evidemment Susan se met,

devant Kane, soumise au fond.Kane se redresse quand il entend qu'il devra se retirer pour cause de maladie comme pour signifier que ce ne

sera pas facile. D'ailleurs, il reviendra dans la lumière.Là, pour Mme Alexander, elle est au milieu mais sans pouvoir. Elle n'est ni éclairée

ni sombre. On ne l'écoute même pas.Tous attendent la réaction de Kane, il vient dans la lumière. Du côté Kane, c'est un

grand contre-champ. On voit une grande ombre noire qui domine et écrase les autres etau milieu, Emily est en blanc.

Elle qui est fort dans la lumière tout le temps a le visage maintenant dans l'ombre

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Nous avons aussi un fondu enchaîné sur la porte qui n'est pas la même. Dans le premier décor, avant que lasecrétaire n'arrive à la grande porte, le fondu permet de la "rétrécir".

Dans cette scène, il y a trois plans :- celui sur la statue de Thatcher (qui mesure 60 cm de haut). On va utiliser un système decache pour faire croire que l'image bouge, le cache chasse cette image vers le haut ;- celui quand on voit Thompson et la secrétaire de la bibliothèque de Thatcher. L'écho defou dans le son nous permet de ne pas douter de la grandeur des lieux. Quand la secrétairese dirige vers la porte, on s'arrête plusieurs pas devant avant le fondu enchaîné [avec ça,nous pouvons facilement imaginer la taille de 2m30 de la porte. Que serait-il passer s'il n'yavait pas eu de fondu ? La porte mesurerait-elle 4m de haut ?]. Celui-ci marche car nousavons un repère où l'œil situe la tête de la secrétaire et l'alignement par rapport à la porte ;- nous nous trouvons face à la porte mais pas à la même distance que dans le planprécédent. La secrétaire ouvre la porte sur une deuxième pièce qui est, de nouveau,immense.

Ce qui fait croire à l'unité est le son (par la réverbération, l'écho) qui montre la grandeur du décor.Il y a quelques erreurs comme l'ombre d'une perche sur la porte quand Thompson entre dans la pièce et le

moment où la secrétaire ferme la porte, on voit la caméra. (Est-ce voulu maintenant ?).

C'est génial quant au reste du décor en général. Malgré tout il y a des décors pathétiques, comme dans lesdécors de Xanadu ou du pique-nique aux Everglades.

Welles a utilisé deux techniques pour éviter que le budget du décor ne soit faramineux :les glaces peintes et les écrans transparents.

Les glaces peintes permettent de faire croire à un décor qui aurait coûté une fortune s'ilavait été construit ou pour faire croire à une grande verrière, lehaut d'un bâtiment, la plage des Everglades, bref un décorimpossible à filmer et qui est fixe.

Les écrans transparents permettent une projection, dans le cadre du pique-nique auxEverglades, des images d'une végétation luxuriante (style mangrove) avec des oiseauxqui volent. Ces images proviennent du film Le fils de King Kong produit par la RKOantérieurement à Citizen Kane. Les oiseaux sont des ptérodactyles. Cela peut donner l'impression d'un dessinanimé.

On peut terminer parce que les analystes concluent souvent : si on prend les caractéristiques de l'image (letravail dans la profondeur, l'utilisation de la plongée et de la contre-plongée, l'utilisation du clair -obscur), onpeut fort penser que Welles fut influencé par les bandes dessinées lues dans sa jeunesse.

Pour le plaisir de nous montrer que le cinéma est quelque chose de très référentiel, on a vu, dans Le Père Noëlest une ordure, une référence très claire à Citizen Kane. On y retrouve l'amorce (un téléphone), les personnagesen quinconce à différents niveaux, la profondeur de champ.

MontageOn se rend compte que peu de films résident sur le montage et le raffinement du montage. On met en place une

série d'effets, parfois complètement fous (on utilise le flash d'un photographe dans Xanadu pour se déplacer plusrapidement dans l'espace).

La richesse est tant au niveau de l'image qu'au niveau sonore, de plus on se rend compte que le montage est,pour Welles, un outil de narration.

Le fondu enchaînéLe film étant trop complexe (flopée de témoins, des témoignages qui s'entrecoupent, … ), le montage n'aura

qu'un seul but : servir à gérer les transitions (comment passer d'un temps à un autre, d'un lieu à un autre, … ) defaçon aussi douce que possible pour qu'à aucun moment le spectateur ne décroche (en dissimulant la fracture del'espace et du temps sous la fusion des images).

Comment faire ? Utiliser le fondu enchaîné la plupart du temps. Le film compte 631 plans avec les news. Si onenlève les news, il en reste 425 et plus de 150 fondus enchaînés. Ce qui correspond à plus d'une transition surdeux est un fondu enchaîné.

N.B. : Il y a également des fondus au noir. Sur la logique du film, ils sont consacrés à l'échec ou à la mort. Ilssont au nombre de 8 dans le film.

- un quand l'infirmière recouvre le corps de Kane mort d'un drap noir ;- un quand on voit disparaître la chambre ;- un quand on revient de la veine tentative d'interroger Susan Alexander (le fondu est pour nous, spectateur) ;

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- un à la fin de la séquence du crack de 1929 (quand Kane est dépouillé de ses biens) ;- deux fondus qui encadrent la tentative de suicide de Susan Alexander ;- un quand Susan est dans son lit et qu'elle a survécu à son suicide (étonnant car c'est une victoire pour Susan,mais c'est le début de l'enterrement à Xanadu) ;- un quand c'est la rupture entre Leland et Kane.

Ces huit fondus au noir nous indiquent chaque fois l'échec. Ils s'opposent aux flashs blancs (des photographes)qui permettent de passer d'un endroit à un autre ou celui des éclairs (chez Susan à la première visite).

On se rend compte aussi que Welles ne s'est pas amusé à faire bêtement un fondu enchaîné avec deux plansmais qu'il a essayé que la transition soit douce entre deux moments de rupture narrative.

→ quand on passe de la lecture du texte de Thatcher à son contenu (un gamin qui fait de la luge).au niveau du son, on passe d'un thème énigmatique (un p'tit peu celui des enquêtes

policières) à un thème féerique (un p'tit peu Noël)

au niveau de l'image, nous avons deux images blanches avec un petit peu de noir dessus(la lettre et le petit bonhomme), et les mots disparaissent vers la gauche laissant apparaîtrede droite à gauche.

→ comment passer de la bibliothèque de Thatcher à Bernstein ? Par un fondu enchaîné de deuxplans qui ont des caractéristiques communes (le tableau et l'ouverture à droite)

→ le passage de El Rancho à Xanadu se fait par l'enseigne.

Il existe d'autres fondus enchaînés comme l'œil de Susan et celui du vitrail de Xanadu, où comment passer dela première de Salammbô à la remarque négative de Leland ? On passe du visage déconfit de Kane au visagesouriant de Leland sur la manchette de journal. Il y a aussi la porte du nid d'amour de Kane à la photo dans lejournal.

L'ellipse temporelleOù le travail est le plus brillant est au niveau de l'ellipse temporelle (disparition de tout une partie detemps faite sciemment). Les plus célèbres dans le film sont au nombre de trois :

- on ne parle pas de l'adolescence de Kane. On passe de l'enfance à la majorité de Kane, où il a ledroit de gérer lui-même ses biens. Cette transition se fait en cinq plans.

1°- plan sur le traîneau2°- plan sur le traîneau (plus de neige en plus) avec le train qui siffle au loin emmenantKane3°- fondu enchaîné sur le traîneau et l'emballage cadeau d'un traîneau. On a ensuite lediscours entre l'enfant et Thatcher (en contre-plongée, donc sentiment d'écrasement)4°- contre-champ en plongée sur l'enfant qui répond "Merry Christmas" à Thatcher. Lespersonnes qui entourent Kane montrent un Noël pas joyeux du tout et la dureté de sonéducation5°- montage cut car il y a un enchaînement dans le son même s'il y a 17 ans de différenceentre les deux plans. Dans l'image, il y a une fenêtre et on voit la neige dehors. Il y a unelégère plongée car nous sommes maintenant dans le même rapport.

- le moment où Kane est devant la photo du staff du "Chronicle" et les 6 années dedéveloppement de "Inquirer" avec le staff du "Chronicle". Cette transition se fait en quatre plans.

1°- on commence par la profession de foi de Kane publiée dans l'"Inquirer". On entend dela musique comme s'il y avait une animation et des gens qui vendent les journaux.

Le lien qui relit ces deux plans sont le titre du journal, et les gamins quivendent les journaux (en reflet sur la vitrine).

2°- la vitrine de l'"Inquirer" prise de l'extérieur. On voit la vitrine, le tirage et nos troispersonnages.

Le lien qui relit les deux plans sont le titre, ainsi que le mot "circulation".3°- nous sommes au même endroit, sauf que les personnages sont à l'extérieur en refletdans la vitrine

Le lien qui unit au plan suivant est la photo.4°- on a l'impression d'approcher une photo, et aussi un léger travelling qui nous rentredans la photo, et Kane rentre dedans.

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Le principe du magicien est de cacher son truc. Quand on se rend compte d'une anomalie, la coupure aeu lieu très tôt.

Dans le troisième plan, on incruste le photogramme du plan suivant. La photo du plan 4 est impriméeen postproduction dans un cadre dans la vitrine. Dans le plan suivant, c'est le décor qui est autour qui estimprimé en postproduction. L'impression de photo de ce plan est une légère modification subtile del'éclairage qui modèle les visages et donne une profondeur manquante. De plus le journaliste relève latête avant que Kane n'apparaisse dans l'image (ce sera le même trucage pour le passage de la porte du185 à l'article de journal). De plus on s'est légèrement rapproché visuellement, et on continue cemouvement et ensuite le trucage disparaît.

On ne voit le changement véritable car on a l'impression qu'il fait prendre la photo qu'on a vue alorsque le dialogue continue sans interruption. Tout ça est possible grâce à l'unité sonore.

- le début de la relation entre Susan et Kane au meeting électoral. C'est une très belle ellipse temporellequi est très aboutie au niveau sonore. On gomme une relation de plusieurs mois en 38 secondes. Susanjoue un morceau, le décor change, le piano est devenu meilleur ainsi que sa voix qu'elle a travaillée. Lepassage entre Leland et Kane se fait par les applaudissements et le même discours. Le fondu enchaînése fait par le mélange de deux images semblables.

Susan commence la cavatine de Rosine du Barbier de Séville de Rossini, Una voce pocofa, sur un piano mal accordé, avec un touché lourd, en anglais, dans le salon de la pension dela propriétaire de Susan. Nous avons un fondu enchaîné sur quasi la même pièce, sauf qu'ellechante italien, la sonorité du piano est meilleure ainsi que son touché, que Kane l'écoutemais de plus loin. On constate donc que Kane lui a payé des cours (de chant, de piano), unnouvel appartement, un nouveau mobilier (on peut remarquer qu'il y a une poupée sur le litau fond, la même dans la scène de rupture entre les deux), …Le fait que Kane l'écoute deplus loin met en évidence la grandeur de la nouvelle pièce.

Le lien entre un intérieur avec deux personnes et le meeting de Madison Square Gardenétait impossible s'il n'y avait pas un plan entre les deux. Ce plan, il le fait avec Leland quitient le même discours que Kane. Cela se fait par les applaudissements de Kane à ceux desbadauds. Puis la caméra fait un mouvement qui monte sur le visage de Leland pourredescendre sur celui de Kane. Welles ose monter "cut"car il y a une unité sonore comme dans le MerryChristmas et le Happy New Year. Welles cependantchange la voix avant de changer le plan. On voit le visagede Leland qui a la voix de Kane (la tonalité de la voixn'est pas la même).

Avec la maîtrise des ellipses temporelles, on se rend compte quec'est le montage qui crée la narration du film avec cette volonté demasquer la rupture. Quand on se rend compte de la rupture, elle a déjà eu depuis bien longtemps. C'esttout un travail sur le temps. Cela permet aussi de faire un raccourci qui signifie que sa relation aura desconséquences sur son mariage et sa vie politique.

Concernant l'ellipse temporelle, il y en a une belle (et la plus longue) dans "2001 : A Space Odyssey" deStanley Kubrick. C'est l'os qu'utilise un singe qui devient un vaisseau spatial. C'est un singe qui réfléchit quand ilfrappe avec un os sur une carcasse de tapir. Kubrick nous insert pendant la frappe pour mettre des images d'untapir qui meurt. C'est une forme de réflexion sur le futur… Ensuite il jette l'os en l'air et nous avons un fondu surun module spatial.

La gestion de l'espaceLa scène qui est fabuleuse sur la gestion de l'espace est la scène de la mort de Kane. On termine le plan

comme il a commencé. Kane reste fort malgré sa mort. On a une transition à la neige de la boule.Au début, on est à l'extérieur de Xanadu, et on voit de la lumière, un rideau et on entrevoit un lit.

Ensuite nous nous trouvons à l'intérieur de la chambre quand le jour se lève, on s'en aperçoit car lerideau a changé de place. Puis la neige apparaît pour nous faire comprendreque nous nous trouvons dans le monde de Kane, dans la boule, dans cedernier souvenir. Il neige jusqu'au moment où la boule explose car c'est à cemoment qu'il est mort. Avant d'expirer, il murmure "Rosebud". Nous nous

situons dans un espace onirique, symbolique.Nous avons comme un fish eye dû part le verre de la boule quand l'infirmière

rentre dans la pièce.

Leland Kane

"…who entered upon this campaign …with one purpose only."

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Puis nous avons un plan où nous voyons la maison, l'extrémité de la boule, les vitraux, le corps de

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On commence par une scène qui se passe super bien. Ils ont été dansés toute la nuit et ilsrentrent au petit matin. Bref, ils s'amusent. On remarque qu'ils sont en habit de soirée et Kane,lui-même, porte la nourriture à sa femme. La table est petite et ils se sont mis l'un à côté del'autre. La table ne les sépare pas encore.

On sent qu'on est encore dans le travelling avant.

Elle dit : "Charles" comme un soupir, un désir mais c'est le même quepour un reproche qu'on retrouve dans le deuxième déjeuné.

C'est un reproche assez gentil mais les décors ont changé ; ils sont,chacun, dans leur peignoir et le contenu de la table a aussi changé.

Le système est le même. On entend Emily dire : "Sometimes" del'autre phrase et on se rend compte que tout a changé. Emily est plusstricte, plus foncée, plus austère ainsi qu'elle est habillée. Donc on conclue qu'ils ne dormentplus dans la même chambre et ils ne se voient qu'au petit déjeuné. Elleest prête à sortir tandis que Kane est dans un peignoir à peine noué.

Il n'y a plus aucun respect et il y a plus de chose dans l'image. Ons'aperçoit que cela ne va pas. Plus le décor est complexe, moins cela sepasse bien dans le couple. Et le temps qu'on passe au petit déjeunédiminue de plus en plus.

Cela change très fort. C'est le même système avec la phrase "Your M. Bernstein". Cela acomplètement changé, Emily est totalement prête pour sortir.Maintenant nous avons des corps plus froids, plus dures, droites,coupantes (argenterie, bougeoirs, …), verticales, carrées par rapport à

avant. La musique aussi. Kane est aussi habillé. La froideur nous indique que nous noustrouvons dans un petit déjeuné officiel, très distant dans les rapports.

De plus Emily dit que le style des amis de Kane n'ont aucun goût, que c'est horrible. Onsent tout le poids de sa classe sociale dans ce reproche. Kane répond en disant que Bernstein viendra peut-être etqu'il faudra garder ce discours.

Toujours le même système. Emily est super bien habillée. On la sent plus agressive. Lesbougeoirs de part et d'autre d'Emily donnent plutôt l'impression dedîner officiel. Kane est devenu de plus en plus gros et entouré dechoses rondes comme un gros porc. On montre l'ampleur d'un

personnage qui n'a plus aucune retenue.Maintenant ils n'ont plus rien à se dire. Le silence est celui du plan

d'après. Dans la partie d'Emily, nous voyons tous les éléments verticaux et lit le "Chronicle".Ils ne se parlent plus et font la guerre. On regarde Kane, on ressort de la scène par untravelling, on constate que la table est devenue beaucoup plus grande etque la lumière a changé.Les fleurs derrière Kane, il y a toujours des fleurs. Pourquoi ? Pour

montrer une distance qui apparaît, qu'il s'éloigne de plus en plusd'Emily. Le décor de Kane est le même, même si cela changesubtilement. Kane est dans son monde. Le décor d'Emily est de plus en plus triste au fur et àmesure qu'il évolue.

C'est très intéressant car, au travers d'une série d'ellipses temporelles dans le temps, on arrive à signifierénormément de chose à la fois tant dans les décors (table qui s'allonge, mobilier qui évoluent, …) que dans lesdialogues, les tenues des personnages (cheveux, habits, …). Il y a une très grande continuité au niveau dumontage et un lien sonore quand le temps passe.

Bien entendu, le champ/ contrechamp avec Emily n'est pas le même avec Susan. Avec sa deuxième épouse,Kane entretiendra un rapport de dominant- dominé. Il ne le fait pas avec Emily car ils sont tous les deux dumême monde, de la même classe sociale. Avec Susan, l'utilisation de la plongée et de la contre-plongées'accentue au fur et à mesure ainsi que l'utilisation du clair-obscur. Nous avons ainsi tout un discours sur lepouvoir et la soumission (entre Emily et Kane, ils se lancent des vannes mais personne ne s'effondre).

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La scène quand Kane va chercher les souvenirs de son enfanceC'est assez intéressant car cela commence par un plan assez long, où les comédiens se

tiennent à la même distance de la caméra donc on signifie qu'il y a une relation d'égalité. Puisil y a 6 plans alternés puis on revient au plan où ils sont de nouveau au même pied d'égalité.

Par contre, quand on a réellement le champ/ contrechamp, on se rend compte qu'il y a unelégère plongée et une légère contre-plongée. On sent qu'il y a un rapport de force (absent

entre Emily et Kane).Les visages sont en partie ombrés, signification d'une relation conflictuelle et négative.

Cela ne colle pas à la réalité car ils se ressemblent visuellement. Même quand ils sontdans la pleine lumière, ce n'est pas le parfait bonheur. On a l'impression qu'il déplace larelation de mère -Kane à Susan- Kane.

La scène de la chambre d'hôtel à Chicago après la 1° de Salammbô où Susan hurle plutôtqu'elle ne chante

Il ne faut pas avoir fait une licence en anglais pour savoir que Susan parle un mauvaisaméricain. Elle a des expressions qui ne sont pas les mêmes que les gens de la Haute.Depuis les années 1940, l'accent populaire a envahi les écrans tandis que l'accent (que Kaneparle) est celui des intellectuels dans les hautes écoles.

Il y a aussi tout un jeu sur la plongée et la contre-plongée. Susan ne comprend pas ce quise trame et que le chèque est en morceau. Quand il ouvre sa profession de foi, c'est pour que nous puissionscomprendre de quoi il s'agit.

Le montage s'accélère de plus en plus, tout étant uni par le dialogue. Nous avons lorsqueSusan se redresse, qu'elle va faire comme la mère chez Eisenstein, un mouvement decaméra. Malheureusement, Kane se rapproche et elle se ragenouille, nous avons unecontre-plongée qui est très forte mais le mouvement de caméra est étouffé.

Le visage de la star hollywoodienne subit l'arrivée de l'ombre de Kane. On masque levisage de Kane, elle s'agenouille car elle a préféré abdiquer.

On peut remarquer que cela se passe dans le même décor que la scène de suicide de Susan.

La scène après la scène du suicide de Susan, après l'intervention du Dr CoreyC'est une scène très sombre car c'est un discours sur l'échec. Nous avons une plongée et une contre-plongée

beaucoup moins dure, plus douce. Cependant, elle est beaucoup plus forte que dans la scène de la rencontre. Ona le personnage en bord cadre, Susan moche avec la lumière de la fenêtre dont l'ombre est celle des barreauxd'une prison. Sur la porte, il y a aussi cette ombre qui est injustifiée.

On entend un fond musical très éloigné comme s'il était dans la tête de Susan. On a le contrechamp de Kane,un long silence puis un fondu au noir. C'est le début de la sombritude et de l'enterrement à Xanadu.

La scène de pique-nique aux EvergladesC'est une scène qui correspond un petit peu à celle qui a eu lieu dans la chambre d'hôtel à

Chicago. Cela fonctionne très bien, et c'est très plaisant à analyser.Cela commence avec une rupture avec un gros plan sur un chanteur noir qui chante I

Can't Be Love (et continue par For there is not true love, etc.) et termine par Je medemande ce que c'est.

On est à l'intérieur de la tente, qui est comme une petite maison. C'est très intéressant car il y a beaucoup dechoses qui changent.

Kane a fort gonflé, avec une légère contre-plongée sur lui. Dans l'intimité, ce personnageest écrasé parce qu'il est trop gros.

Ce qui est très étonnant, c'est que, dans cette image, on a Susan en légère plongée quiregarde Kane vers le bas.

Nous avons une plongée de Kane et le visage de Kane est beaucoup plus sombre. C'est la même ombre qui était

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On a deux scènes semblables, celle dans l'hôtel et celle-ci. Celle dans l'hôtel, Susan s'agenouille et abandonnetandis que, dans la scène de pique-nique aux Everglades, elle est agenouillée mais dans la lumière. Au momentoù elle est giflée, il y a des cris de femme. C'est un son symbolique (où elle souffre intérieurement), cris qu'elle adu crier à un autre moment mais qui font référence à une habitude.

Le dernier champ/ contrechamp est la scène de rupture entre Susan et KaneOn joue encore avec la lumière. "Ne me fait pas ça" était le mot de trop. C'est comme sa poupée. D'ailleurs la

chambre de Susan est comme une chambre de poupée. La révolte de Susan est celle de la femme objet. Il adécidé de tout sauf de son départ.

Pour un type qui refuse les ruptures, il n'hésite pas à nous fermer la porte au nez pour nous faire passer àl'intérieur de la chambre. Nous avons un plan aussi avec une valise (thème du départ) en amorce à contre-jour eten contre-plongée.

L'objet en amorce, la poupée de Susan, indique la thématique de la femme objet. Nousavons une égalité des personnages en contre-plongée. Susan a la même puissance de Kane.C'est la première fois qu'on les revoit égaux et dans le même angle de prise de vue de Kane.Susan est cependant plus petite que Kane (Emily était un poil plus grande que Kane). Susanest dans la lumière et Kane est dans l'ombre.

Elle part et il la retient. C'est un drôle de décor. C'est un plafond super-bas (parfois toile de lin pour pouvoiravoir un éclairage).

On reprend le plan de tout à l'heure avec Susan sur le pas de la porte. Kane la rejoint et semet dans un endroit sombre. Il reprend un peu de lumière mais il laperd réellement.

Quand Susan s'en va à travers le couloir, dans les passages d'ombre etde lumière, c'est pour montrer tout le long cheminement de l'histoire de la rupture et duprocessus de séparation.

La surcharge de la scène enferme Kane dans le décor, avec toujours une utilisation de la contre-plongée sur lui.

Conclusion :Le refus du plan-séquence dans les champs/ contrechamps, le rapport à ces femmes indique bien la volonté de

Kane. La scène du petit déjeuné est bien liée au niveau montage sonore, à l'utilisation des décors et descostumes. On remarque, dans la relation avec Susan, que l'utilisation de la plongée et de la contre-plongée etcelle du clair-obscur permet de mettre en évidence le rapport de force de chaque personnage à chaque moment.

Re-diversIl y a quand même une scène à montrer car Welles a bien mis en évidence la manipulation

du spectateur. C'est déjà très présent dans la première scène, quand le film commence.On remarque que la fenêtre est toujours au même endroit. On nous montre la grandeur, la

multiplicité de Xanadu mais qui doit nous conduire vers un endroit,vers le seul et unique propriétaire de ce domaine.

On montre cette grille, on fait apparaître différent lieu de Xanaduavec toujours la même fenêtre à droite. On s'approche du château, quin'a qu'une seule lumière.

Nous avons maintenant l'habitude mais on se rend compte que dans les différents endroits,il n'y a plus qu'une personne qui habite là.

Il n'y a pas de générique au début, et il est parlé pour les Ambersons.

Conclusion :On pourrait aller plus loin, consacrer un chapitre sur la bande sonore, mais il vaut mieux passer à autre chose.

On dit qu'un nouvel âge du cinéma commence.Avec du recul, on se rend compte que le classicisme est un cinéma travaillé, structuré, fort basé sur la

technique, précis, maniaque, réaliste (?). On plonge le spectateur dans ce monde où la technique est porteuse desens.

Par rapport au réel, c'est un cinéma du faux. Dans le sens où tout est construit, maîtrisé, irréel, dans un studioavec un éclairage qui ne correspond pas. Tout est basé sur l'illusion. On fait croire à une réalité mais c'est celledu studio, des décors en carton pâte, avec des jeux de comédiens, de la plongée/ contre-plongée.

C'est ce qui va lasser car c'est très brillant et l'image est irréprochable. On s'aperçoit que c'est trop du faux.

Pour plus de renseignement, on peut consulter : BERTHOME Jean-François et THOMAS François, CitizenKane, Cinéma, Flammarion, 1992.

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La nouvelle vagueLe cinéma classique va lasser la génération suivante. Les jeunes ne se retrouvent plus dans ce cinéma qui ne

reflète pas leur réalité. De plus la nouvelle vague correspond à un changement de société.La société de ceux qui avaient 20 ans en 1940 n'est plus la même société de ceux qui ont 20 ans en 1958-1960.

Ceux qui avaient 20 ans en 40' ont fait la guerre, l'ont vécu tandis que ceux qui ont 20 ans en 1958 sont des gensqui n'ont pas vécu de guerre. Ils ne se reconnaîtront plus dans cette société et en auront marre de cette référence àla guerre qu'ils n'ont pas vécue.

Pour eux, ce n'est pas la guerre, ils ont envie d'une autre vie, d'avoir une jeunesse. Ils veulent surtout avoir uneplace dans la société. Ils mènent une vie faite de jazz, de fêtes à St Germain des Prés. Ce ne sont plus les mêmesfêtes qu'il y a 20 ans (c'était les soirées mondaines, l'opéra, …).

Toutes ces idées-là feront mai 68. Il est évident que la révolution de la nouvelle vague est annonciatrice de larévolution de mai 68. Le cinéma fut, était et sera toujours une préfiguration de la société. Welles voulait faireune critique de sa société qui était basée sur le pouvoir, la mégalomanie tandis que les jeunes de 58 veulenttrouver leur place dans une société qui ne serait plus comme avant.

En 1968, il y a quelque chose de fondamental dans la société d'avant ainsi que dans ces valeurs. Prenonsl'exemple français. Les "vieilles" personnes vénéraient de Gaulle car il avait sauvé son pays, il était doncinattaquable. Mais les jeunes n'en ont rien à faire de cette France d'avant 68. Cette France, Louis de Funèsl'incarne bien dans tous ces rôles (Oscar, le gendarme Cruchot, Rabbi Jacob [dans celui-ci, l'Europe d'avant-guerre est très bien représentée par Pivert, bon bourgeois qui s'étonne que son chauffeur soit juif. Ce film portetout un discours sur le racisme qui existait avant (mais qui existe toujours avant)]).

Avant la guerre, les Français étaient très nationalistes, et l'éducation était très 19°. La place des jeunes étaitinexistante. C'est très intéressant de voir que les jeunes n'avaient pas de place, ils n'existaient pas dans la sociétécomme enfant. Ils étaient considérés comme des adultes miniatures. "0! de conduite" de Jean Vigo montre desgamins qui prennent position dans la société. Les enfants étaient des bêtes non-pensantes. "0! de conduite" deVigo, "Les 400 coups" de Truffaut sont très important car ils donnent une place à l'enfant dans cette société quileur refusait une place. Actuellement, cette tranche d'âge est visée par le commerce car ils représentent unmarché nouveau. Kyo représente bien cela. Ils font de la musique pour gamin. Même si la tranche d'âge a plutôtévolué vers l'adolescence.

Belmondo et James Dean vont marquer cette nouvelle période. Actuellement, si on remonte le film de Welles,on consacrera un tiers du film à sa jeunesse.

On a un rajeunissement de la société (syndrome de Peter Pan). L'abolition du service militaire a fait perdre lanotion de service pour la patrie. C'était en quelque sorte un rite vers l'âge adulte. En l'abolissant, on ne perçoitque plus difficilement cette barrière entre le monde des adultes et celui des enfants.

Avant 1958, les jeunes n'étaient pas considérés comme un public. En 1968, c'est la révolution estudiantine quise manifeste. C'est aussi la période de la Beat Generation (avec Jack Kerouac) et des hippies.

Les choses ont aussi changé dans les arts. On remet en question le pouvoir en place. Les intellectuels (commeSartre) ont suivi le mouvement, en expliquant aux ouvriers pourquoi mener une grève.

Cette révolution changera profondément la société (liberté de pensée, liberté sexuelle,…).

Nous, nous en parlerons au niveau du cinéma : La nouvelle vague.Les personnages de ces films vivent la vie de 1968. Cela correspond au côté hippie (comme contre Bush). Ce

n'est plus la vie de 1945. Au cinéma, cela se passe surtout en France, mais on pourrait parler de cette révolutionau cinéma italien ou américain. Il y a donc matière à travailler.

Cela se passe autour d'un groupe de gens qui vont à la cinémathèque de Paris (cfr le début du cours). Ce groupequi y va systématiquement voit Langlois, discutent avec lui et seront les nouveaux réalisateurs de la nouvellevague : Godard, Truffaut, … Il y a chez eux une grande connaissance de la culture cinématographique pourpouvoir faire des films proche du spectateur. Ils voudront montrer la vraie vie, la vraie vie des gens.

Avec "A bout de souffle", tous les jeunes vont au cinéma et se reconnaîtront aux acteurs (Belmondo et JeanSisberg).

Il y aura quand même des films de transitions.

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"Ascenseur pour l'échafaud" de Louis MALLEC'est exactement un film de transition car il est à la fois classique mais il porte déjà, en lui, les germes de la

révolution. Après viennent les "400 coups" de Truffaut et "A bout de souffle" de Godard.On pourra donc faire référence à Welles et voir ce qui a évolué.

Louis MALLE (1932-1995)Il a fait des études de cinéma. Après ces études, il est l'assistant du Commandant Cousteau quand celui-ci

réalise "Le monde du silence". Comme le commandant Cousteau est océanographe, qu'il s'intéresse seulementaux poissons, il a décidé de prendre un assistant qui saurait manier le langage cinématographique. Depuis cefilm, on se rend compte de tout le travail du commandant pour montrer qu'il y a un équilibre dans les océans.

Ce film est génial car il ouvre les yeux au public. Ca n'a pas mal de succès aussi quant à son contenu. Le succèsde ce film en a profité à Louis Malle.

Au moment où il se pose la question d'être réalisateur, il se trouve dans les prémices de la nouvelle vague.Il tourne "les Amants" en 1958, "Zazie dans le métro" en 1960, …

C'est l'adaptation du roman de Raymond Queneau (surtout connu pour ces exercices destyles [la même histoire racontée de 100 manières différentes]). C'est l'histoire d'une gaminequi veut aller dans le métro.

La première phrase du livre est :" Mèdoukipudonktan". C'est la révolution totale dans lemilieu littéraire. Cela va favoriser l'apparition du roman nouveau, roman dans lequel on briseles structures traditionnelles du récit. Alain Robbe-Grillet sera un écrivain phare de ce genrelittéraire. Il a écrit d'ailleurs "Djnn".

Godard filmera et montera n'importe comment. Les règles grammaticales sont quelquechose de très important car elles apportent une certaine rigueur. Quand la petite Zazie estdevant un passage pour piéton et qu'un automobiliste dit qu'elle l'emmerde, Zazie répond :"Elle t'emmerde la nouvelle vague". On l'associe donc en force à la jeunesse.

111777///000333 Le film commence par l'arrivée à Paris et un tour en taxi. Le chauffeur passe toujoursdevant la même rue, cite divers noms de bâtiments en passant toujours devant la mêmecaserne. Cela tourne en dérision le point de vue de l'époque. Parfois, cela peut paraîtrecomplètement dérisoire.

Il y a un parallèle avec le "Swimming London", époque de Charles Lester avec les Beatleset leur "Yellow Submarine". C'est aussi l'époque de la Pop et du dessin animé.

Autant, le reste est une démarche intellectuelle que la farce qu'est le tour en taxi.Il réalise en 1961 "Vie privée" sur le mythe de la star (que jouie Bardot). Ce film magnifie complètement

Bardot car il atteste que c'est une star.Il réalise plusieurs autres films comme "Lacombe Lucien" en 1974. C'est film sur la collabo de certains

français avec les allemands pendant la guerre. C'est une critique sur la politique de Giscard d'Estaing. Il parled'un tabou. C'est la grosse polémique de l'époque. Malle aime bien, à travers la vie de quelques personnes, parlerde l'Histoire.

Suite à cette polémique, il part aux States. Il réalise en 1981 "Atlantic City". Ce film a le même impact queceux de Woody Allen.

Il retourne en France et tourne en 1987 "Au revoir les Enfants". C'est le même système. On parle de l'horreurde l'holocauste. C'est un récit autobiographique. C'est l'histoire d'un juif qui est caché dans une classe. Les nazisdemandent qui est juif dans la classe et des enfants non-juifs se retournent et regardent leur camarade juif. Mallea toujours que c'était un récit autobiographique, donc il a du faire partie des enfants qui se sont retournés versson copain.

En 1990, il réalise "Milou en mai". A travers ce film, il dépeint le changement qu'apporte la révolte de mai 68.Il retourne aux Etats-Unis en 1994 et adapte "l'Oncle Vania" de Tchékhov au cinéma sous le titre "Vania".Il réalisera plus d'une vingtaine de films. Au fur et à mesure, son cinéma devient de plus en plus mur, touchant

maîtrisé au niveau des sentiments humains.

Ascenseur pour l'échafaud (1958)Introduction

Malle décide d'adapter un roman policier. Pourquoi ? Parce que c'est ce qui marche le plus dans le cinémaclassique. Le film noir est un film pour les français. Il adapte le roman éponyme de Noël Calef. Il le transforme(l'adapte librement).

L'une des transformations est le personnage joué par Jeanne Moreau qui est Florence Carala et la femme de lavictime. Elle joue un rôle très présent dans le film, alors que dans le roman elle est un écho. Jeanne Moreau estconnue mais ce n'est pas une grande star. C'est ce film qui la consacre. Elle est mise en image différemment Elledeviendra en 1961, dans "Jules et Jim" de Truffaut, un des personnages féminins emblématique de la nouvellevague.

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L'acteur principal, Jules Tavernier, qui est Maurice Ronet est l'amant de Carala F. Le film est aussi pour lamusique qui l'accompagne que Miles Davis a composé. C'est du jazz.

Le film est très apprécié et reçoit le prix Louis Delluc (qui était un critique de ciné). Malle a 26 ans. Le film estdéjà révolutionnaire. On le compare à Welles. Mais il y a toujours un débat car certains disent toujours que c'esttrop classique car ils voulaient garder le cinéma classique et puis la révolution ne vient réellement qu'avec "About de souffle".

Parallèlement à Welles, il y a une mise en évidence d'une nouvelle génération de français. On le compare aussiavec Yves St Laurent et François Singam.

Pour en savoir un peu plus, on peut lire : FRENCH (Philippe), Conversation avec Louis MALLE, Denoël,1995. On passe en revue la carrière cinématographique de L. Malle.

Ce n'est pas un film très long. On peut le regarder de façon très critique. Qu'est-ce qui est classique ? et ne l'estpas ? Il aurait pu se passer deux choses avec le film : soit il reste dans le classique (chemin abandonné) ouplonger dans la nouvelle vague (ce qu'il fera).

On pourrait faire deux colonnes tant au niveau des thèmes abordés que dans le langage cinématographique. Il yaura des choses très classiques (la scène du petit déjeuné) et nouvelles : la scène de Jeanne Moreau marchantseule dans les Champs Elysées éclairée par l'éclairage ambiant → on montre quelque chose de très réel. De plusla musique de Davis rend le tout mythique.

Ce qui peut heurter nos oreilles est l'intonation de Moreau. C'est hyper théâtral pour nous. Les femmes dans lecinéma français des années 60 ont une drôle de manière de poser leur voix. Cela crée une certaine distance. Deplus cela commence avec une scène intime (comme dans le "Mépris", où Bardot a une tonalité très distante dePiccoli). Pour Godard, le cinéma peut et doit transfigurer le réel.

Pour la nouvelle vague, il faut une légèreté pour la nouvelle vague sinon on tombe dans le reproche qu'on faitau classique d'être trop éloigné du réel.

Analyse après vision du film :On peut dire quels sont les éléments classiques, techniques, très maîtrisé, voire qui font référence à Welles et

les éléments totalement novateurs . On va analyser selon le principe structure -image -son ainsi que l'analyse decertaines scènes : Jeanne Moreau sur les Champs Elysée (quelque chose de très trivial,…), le début et la fin dufilm.

StructureLa structure du film est celle d'un roman noir américain donc il y a une intrigue. Malle est influencé par le

cinéma américain (fascination pour les acteurs, le cinéma américains), par Hitchcock (genre intriguepsychologique) et également par Robert Bresson

Malle fut assistant de Bresson dans "Un condamné à mort s'est échappé". On voit un //évident à faire entre Julien Tavernier coincé dans l'ascenseur et le condamné dans sa prison.Il y a aussi quelque chose de très épuré. La mise en place d'un objet est là car c'est quasi uneellipse temporelle. Ex : dans l'ascenseur, les cigarettes égarées par terre donnent une idée surle temps qui a passé. Les éléments de décor signifient énormément quelque chose.

L'histoire est assez banale. Le plus intéressant est la structure narrative au niveau des liens qui existe oùn'existe pas entre les personnages.

On a deux couples : un de vieux et un des jeunes. Il y a une volonté de rejeter les adultes pour avoir une placedans la société. L'un se remplace par l'autre → il y a tout un discours sur la jeunesse.

Entre Julien et Françoise, il y a un rapprochement sentimentalement mais un éloignement physique. On ne lesvoit ensemble à la fin que sur la photo à la fin. Quand ils se parlent, c'est au téléphone. Pendant tout le reste dufilm, ils sont éloignés. Le seul moment où ils seront proches, ils seront séparés par la grille.

Tout est suggéré dans le film. Les personnages disent très peu de choses.C'est étonnant car on a l'impression que le film est très froid même si par définition, le film noir est froid. Il y a

quand même une grande part de sentiments dans le son et la narration.Ici, la jeunesse est ridicule pour leur âge, on a l'impression qu'ils sont encore à l'école. Il y a une incapacité à

montrer les jeunes nature.

Dans ce film, il y a des thématiques qui reviendront dans l'ensemble de la filmographie de Malle : la violence,la mort et la toile de fond politique et social, et le jazz.

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ImageQuand on lit les critiques, on dit qu'il y a une influence de Welles. Le bureau du patron, le plan de la cafétéria,

les reflets dans le miroir,…, l'utilisation du clair-obscur dans la scène du bain et l'interrogatoire (avec l'alternancedramatique du clair-obscur) sont autant d'éléments du classicisme. La scène de l'interrogatoire est composée d'unseul décor. Les deux flics se relaient pour questionner Julien. Ils apparaissent dans la lumière et disparaissentdans l'obscurité.

Dans la scène de l'ascenseur, il y a la même chose. Nous avons la thématique d'Hitchcock mais la profondeurde Welles. On a une dérive du cinéma classique dans la tuerie des allemands. Il y a aussi quelques références àWelles.

En opposition à ces images de studio, il y a des images totalement différentes qui n'ont pas de place dans lecinéma de l'époque : ce sont les plans en extérieur.. Ce sont des plans qui ont été réellement tourné en extérieurpour faire des extérieurs. Le bête carrefour de voiture montre aussi toutes les impuretés qu'il peut y avoir.

Evidemment, c'est ça qui est révolutionnaire. Quand Jeanne Moreau marche dans la nuit, c'est la premièrescène que Louis Malle a tournée. C'est la scène qu'il a envie avant tout de tourner. Il cale la caméra sur un landauet il n'y a aucun éclairage additif. C'est très bouleversant car cela change complètement l'image de la star.

Dans le cinéma hollywoodien, la star est éclairée de trois côtés. Ce sont les trois points lumineux (tree pointlighting) de la star. De plus, elles sont super maquillées comme au théâtre pour prendre de la lumière. Ici, on a lastar qui n'est ni éclairée ni maquillée car elle n'est plus la jeune première ; elle apparaît très naturelle. LouisMalle disait de Jeanne Moreau : " Elle pouvait être laide et 10 secondes après, elle tournait la tête et d'uneincroyable beauté. Elle n'est pas parfaite tout le temps, on est ici face à une vraie beauté, et en plus en premièreséquence. Quand les techniciens ont vu les rushs, ils ont dit que c'était une catastrophe et que cela arrêterait lacarrière de Jeanne Moreau, qu'il fallait tout arrêter. Mais le regard du public a changé ainsi que le regard sur labeauté. Il y a aussi logiquement une présence du flou.

On peut voir aussi tout le travail sur la lumière ainsi que sur la réalité du flou.

Jusqu'à présent, le flou était un truc non-maîtrisé. Ici, il a un sens car il y a la psychologie du personnage, sonisolement dans le monde.

On est dans une autre image, on montre combien on a une liberté dans la maîtrise et la technique. Ils ont tournéla scène, et ils ont pris ce qui fut le plus intéressant. Il y a une façon de tourner la scène totalement différente ; lerésultat est une nouvelle sensibilité qui apparaît grâce au flou et à la musique qui donne le ton de l'atmosphère. Ily a une opposition entre quelque chose de très trivial (avec le mec au flipper) et de très mythique (avec lamusique).

La modernité vient dans cette confrontation. L'émotion est plus créée par le jeu des acteurs que par l'action.Nous sommes dans une toute nouvelle esthétique, ce qui provoque une cassure à tous les niveaux par rapport aucinéma classique. Nous avons un rapport aux gens plus personnel qui donne quelque chose de nouveau avec unevolonté de l'ancre dans la vie des gens. La nouvelle vague est un cinéma de jeunes, pour les jeunes, par les jeuneset à propos des jeunes.

222444///000333 Musique (ou bande son)Ce qui est étonnant, c'est la présence du silence. Il y a très peu de musique et de dialogues dans le film.Ce qui est intéressant, c'est de voir l'opposition du silence à celle de la musique du cinéma classique,

hollywoodien des années 30 car elle était omniprésente.Donc la bande son est très épurée. Parfois des choses sont dites mais nous n'entendons pas. Par exemple, quand

elle cherche Julien, on la voit en train de parler et son départ fait comprendre que l'objet de sa recherche n'est paslà.

Si la bande son n'avait pas de silence, cela n'aurait pas le même impact (ex: Françoise demande si Julien n'étaitpas venu au barman). Le silence est une sorte de vide. Il y a aussi une grande place des monologues (importantesellipses) qui sont des dialogues où Julien est absent.

Le silence est là comme une volonté de la réalisation, d'une volonté créatrice.De l'autre côté, il y a les bruits (l'ascenseur, Louis qui cale sur la première, …). Ils sont aussi épurés.

Le travail sur l'épure de la bande son est à mettre en parallèle avec "Le Monde du Silence". Son premier travailfut de tenir un discours avec des poissons. Le questionnement sur le "silence", il a du le faire car il travaillaitavec des acteurs qui ne parlent pas même s'il y avait une voix over qui permettait de tenir un discours.

De plus il y a la fascination qu'il y avait pour Jacques Tati (qui fait ses films basés sur les borborygmes et passur les dialogues ["Jour de fête" où il y a un facteur qu'on reconnaît à sa casquette et "Les Vacances de M. Hulot"dont l'essentiel est la silhouette, l'élégance, le décalage caractérise M. Hulot et sa maladresse]). Il y n'a aucune

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présence des dialogues. Cette omniprésence du silence et le grand rôle qui joue dans le film, on peut aussi leretrouver actuellement dans les réalisations de Gus Van Sand "Elephant" et "Gerry".

C'est un film différent, beaucoup plus créatif. Là-dessus s'ajoute la musique.Le jazz est une musique différente, jeune que les jeunes écoutent en Europe. L'ambiance des caves de St

Germain des Prés n'est pas la même que celle des guinguettes d'avant-guerre au bord de l'eau.Le jazz est une musique relativement enivrante. Il est intéressant que Louis Malle adorait Miles Davis. Ainsi il

avait mis une pochette de ce musicien à côté de l'évier dans la chambre de bonne de Véronique.Quand il fait un premier montage, il se rend compte que c'est fort silencieux. Louis Malle a comme ami Boris

Vian ("Les Cœurs écorchés", il travail chez Philips comme dans la section de jazz). Quand Miles Davis fait unetournée à Paris, B.Vian le rencontre et demande à M.Davis de rencontrer L.Malle. Miles Davis accepte l'offre etrencontre Louis Malle. Mais il y a peu de temps pour faire une bande sonore car il a un creux d'un jour dans lesdeux semaines de présentation à l'affiche.

Il y a quelque chose de révolutionnaire dans la démarche artistique car la musique est improvisée. Avant, lamusique était toujours préparée à l'avance avec les symphoniques. Ici, c'est totalement révolutionnaire car lamusique est en fonction du sentiment de l'instant. C'est l'émotion du vécu, du réel.

C'est un moment dans la musique de film. On l'entend à des moments très spécifiques. C'est du non-maîtrisé.Dans le film d'1h30, il y a 18 min de musique or on a l'impression qu'elle est omniprésente. Elle irradie

l'ensemble du film. C'est impossible à la dissocier du film.Et vice versa. L'image est soudée à la musique.Cependant, elle n'a rien à voir avec la tentative de suicide des gamins car c'est du baroque.

Le tout est formel au niveau de la musique et le processus de création. Ce sont des choses totalementrévolutionnaires.

Il est rare qu'un film tienne autant par le son que par l'image car d'habitude, c'est une musique additive.

Les nouveautés dans le filmOn a parlé de la bande son et de l’image. Si on lit la critique de l’époque, on retrouve ce mot : "un ton jeune".On fait référence à 2 choses qui choquent et qui paraissent terriblement nouvelle ; ce sont la scène de

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la pub, les gens, les enseignes lumineuses, les cafés,… On a une vision de la vie de tous les jours. Quand noussommes dans la rue, nous n'avons pas besoin de sursignifier.- Quand c'est la nuit, sur les champs Élysée, on n'a pas besoin de montrer l'Arc de Triomphe. Nous sommesdans un Champs Élysée de cinémas et de théâtres voilà pourquoi on ne montre pas l'Arc de Triomphe. Dans lecinéma classique, le spectateur est un touriste. Nous sommes dans un cinéma du vécu. Le fiat de ne pasmontrer l'Arc de Triomphe montre le réel quotidien des Parisiens. On vit de façon moderne, nouvelle.- Le motel, l'appareil photo avec l'étiquette pour le développement automatique, tout ça est moderne.

Il y a un engagement politique et un discours sur la nouvelle génération (avec les blousons noirs).Il y a des seconds rôles qui n'existaient pas avant (peut être à l'écran car exister à l'écran est exister).

Ces jeunes sont des enfants qui existent, ils sont habillés comme des jeunes. Ils sont insouciants, cool. On n'estpas dans une volonté de reprendre la boîte des parents. Ils ont déjà la caractéristiques propres d'être dans leprésent. Ils n'ont plus aucune envie d'être des bébés adultes.

Véronique travaille mais rêve d'un mec avec une grosse voiture. Louis est un pseudo loubard. On ne sait riende lui. On sait qu'il lit donc il commence à avoir une identité. Mais ce n'est pas comme révolutionnaire, c'estcomme trop tôt. Ils sont pathétiques.

Dans leur suicide raté, leur maladresse sauve leur vie. Ils ne sont que des gamins. Mais nous sommes dans uneautre génération. D'un côté, ils existent et de l'autre, ils ont un positionnement particulier. Ils sont dans le présentmais ils sont malhabiles. Le gamin dit : "On aime rouler ou pas rouler. Le reste, on s'en fout.".

Début et fin du filmDébut

C'est révolutionnaire car on commence par un gros plan et pas par une mise en place.On change la structure narrative car on ne commence pas par une histoire. On est déjà dans l'action, il y a des

choses qui sont passées.En plus, on entend qu'il y a déjà quelques choses qui se dit. Et on est au téléphone. On inverse la mise en place.

Il y a aussi une omniprésence du silence. Au découpage, on se rend compte qu'il se parle au téléphone. On voitson alliance. Au champ/contrechamp, on voit son amant qui ne possède pas d'alliance. On constate que c'est unamour coupable qui doit être puni. On les condamnera comme les jeunes. On passe du champ au contrechamp,pour faire le lien, on a l'impression qu'il vient de prendre le téléphone. C'est un lien mobile (dans "Citizen Kane",

les liens sont fixes). On se rend compte de la relation extraconjugale (Horreur !!! ). Après le silence ("Sans tavoix, je n'aurais que le silence"), la musique commence ainsi que le générique. L'essentiel est dit au début. Elledit : "Tais-toi.". On ne les entend plus parler. On ne les entend plus car la caméra est à l'extérieur de la cabinetéléphonique. Il en va de même pour le champ/contrechamp sur Maurice Ronet. On continue le long travellingarrière qui montre la modernité du bâtiment (les lignes et le graphisme mis en évidence).

Nous sommes dans une modernité du langage cinématographique et de lieu.A partir du silence, partie prenante du film, et de la modernité du jazz, on se trouve dans un autre film.Quand on revient dans la narration, on est sur Jeanne Moreau. Rien n'est laissé au hasard (vestige du

classicisme).

FinTout le temps de la scène dure le temps de la photo qui les condamne et on revoit l'alliance. Cette photo qui

apparaît est la preuve qu'il y a eu une relation extraconjugale.Il y a une grande maîtrise en noir et blanc. On a au fond Lino Ventura dans le flou et dans le noir. C'est

Françoise qui est la plus importante, elle est nette, elle est dans son trip…A l'envers, on a le bac avec les photos de leur bonheur où on les voit ensemble. Il y a un endroit où il n'y a pas

de photos car il y a son reflet. Elle touche la surface du bain avec sa main qui porte son alliance e son refletdevient flou.

On plonge dans quelque chose de nouveau quand il dit sa condamnation. Il est sortit du champ depuislongtemps. Elle dit deux mots, se décale. On est en réponse par rapport au monologue du début.

On termine par un regard caméra. Moreau est devant la caméra mais elle ne nous regarde pas car elle s'adresseà Julien. Ce regard va plus loin et fait référence au début. Dans "A bout de souffle" de Godard, Belmondos'adresse au spectateur.

Finalement, le fondu au noir final classique se fait par l'intermédiaire du noircissement de la photo dans lerévélateur. Les reflets ne sont pas sans nous rappeler Citizen Kane.

ConclusionOn est dans un mélange très classique à l'écriture comme au montage, au tournage mais avec une lecture

totalement révolutionnaire.

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Jean-Luc GODARD (né en 1930)Jean-Luc Godard est le génie, l'enfant prodige, le gauchiste,… C'est un personnage très controversé qui

entretient cette controverse. Il n'hésite pas non plus à se remettre éternellement en question.C'est un réalisateur français d'origine suisse. Il arrive en France en 1949 pour suivre des études universitaires

d'ethnologie à la Sorbonne. Il fréquente assidûment la cinémathèque (creuset de la nouvelle vague). On constateque les réalisateurs sont, avant tout, des cinéphiles. Ils osent brisé le cinéma classique car ils en connaissenttoutes les règles. Après moult débats, ils se rendent compte que le cinéma doit changer.

Godard est, avant tout, un critique de film (dans les Cahiers du Cinéma).Avant 1959, il tourne divers court métrages. En 54', il tourne un documentaire "Opération Béton" sur un

chantier de barrage en Suisse auquel il y participait comme job d'étudiant.En 1960, il tourne "A bout de souffle" mais ce n'est pas le premier des films nouveaux. Il y avait déjà eut "Moi,

un noir" de Jean ROUCH (côté de l'Afrique vu par les noirs de Trechville). C'est un important changement de lasociété car on ose montrer un autre côté des choses. Il y a aussi "Ascenseur pour l'échafaud" de Louis MALLE,"Les liaisons dangereuses" de Roger VADIM en 1959, "Orphée ou Négro" de Camus, "Hiroshima, mon amour","Le beau Serge et les copains" de Claude CHABROL, "Les 400 coups" de TRUFFAUT, "La Vérité" de GeorgesCLUZOT, …

→ "Les liaisons dangereuses" est un film adapté du roman éponyme. Vadim le rend moderne car l'actionse déroule à Paris et dans une station de ski, et que la lettre de rupture est envoyée par télégramme ;→ " Hiroshima, mon amour" est un film qui parle de l'histoire d'amour entre une jeune chinoise et unjaponais. L'histoire d'amour fait référence à la bombe qui fut lancée sur la ville en 1945.

Tous ces films n'auront pas le même impact qu' "A bout de souffle" pour plein de raison. C'est un pivot dansl'histoire du cinéma.

C'est un film de toute une génération car les jeunes s'identifient aux héros et tous iront voir le film.C'est la carrière assurée pour Godard. Il continue avec "Le petit soldat" de remettre en question les événements

(= la guerre) en Algérie. Il réalise en 1961 "Une femme est une femme".Il tourne en 1963 "Le Mépris". C'est le film préféré du professeur. Dans ce film, il y a les acteurs Piccoli et

Bardot. Nous sommes dans un cinéma de réflexion sur le statut du cinéma, sur le couple et la modernité.Il continue en 1965 avec "Pierrot le fou" qui traite du terrorisme. Dans le film, Belmondo joue les terroristes

pour bouter les communistes et leurs délires de régressions totalitaires. On devrait le passer en boucle à lamaison blanche car actuellement nous sommes dans un terrorisme pour une certaine liberté.

On constate qu'il y a toujours deux thèmes récurrents dans la filmographie de Godard : le couple et la politique.Le reste est un exutoire par rapport à ces deux thèmes pour l'Européen. Le surf et le plaisir est consacré à leursheures de loisir.

Mai 68' arrive mais avant, il tourne en 1967 "La Chinoise", film fondamentalement communiste, et c'est à cemoment-là qu'il dit : "Je fais politiquement du cinéma". Il réalise aussi "Vent d'Est" et "Pravda" en 1969. Il y aune référence claire à Moscou et au communisme.

Dans les années 70, il fait de la télé (style ARTE). Chez lui, le scandale est récurrent. En 79, il tourne "Sauvequi peut". Il continue de faire des films : "Je vous salue Marie" en 1985, "Nouvelle vague" en 1990, "JLG/JLG",… et actuellement, il fait des films d'émission : "Histoire(s) du cinéma". C'est une réflexion sur le statut ducinéma.

Godard est un grand théoricien et un grand praticien du cinéma car chaque film dénote d'une démonstrationd'une théorie ou d'une réflexion sur le cinéma.

A bout de souffle (1959-1960)

IntroductionC'est un scénario de Truffaut et d'E.Molinaro. C'est un film noir car c'est ce qui marche le mieux. C'est basé sur

un fait divers. Le film est fort influencé par le cinéma américain. D'ailleurs le film est dédicacé à MonogramPictures, boite de production des mauvais films de séries B. Godard aimait cela car cela montrait toutes lesimperfections du cinéma classiques.

Ce type qui connaît tout dédie ça (sa carrière) pour "Starsky et Hutch". C'est bien mais c'est autrement bien queWelles.

Le film fut tourné durant l'été 1959 et sort le 16 mars 1960. L'histoire n'a aucun intérêt, c'est un bête scénariomais la morale est crapuleuse. Ce n'est plus la morale du cinéma classique. Le sujet du film n'est pas le scénariomais le mode de vie de la nouvelle génération.

Les deux acteurs sont Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg. Le Lazlo Kovackz n'est pas sans faire penser àCasablanca (41, juste avant le film de Welles). Jean Seberg joue le rôle de Patricia qui fait des études non-suiviesà Paris.

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Le film commence par un grand journal qui tombe et Belmondo qui dit : "Après tout, je suis con, … Aprèstout, il faut…il faut.". C'est Godard qui s'exprime à travers lui. Il faut faire un film. Tout de suite, il y a uneidentification Godard-Belmondo.

Godard brise systématiquement la grammaire cinématographique. C'est un peu le genre de Queneau. Lediscours est ailleurs, on ne peut plus rien prétendre au niveau technique.

Godard nous met dans l'ambiance de l'été 59.

333111///000333 Après le filmCe qui est intéressant, c'est que le film fut tourné dans un décor naturel (ce n'est pas du studio). C'est la

nouveauté par rapport à avant car c'était du studio, du maîtrisé. Ici, le film tient plus du reportage, dudocumentaire ; c'est tout sauf un film. Cela bouleverse complètement le statut du cinéma de l'œuvre de fiction.Le but de Godard est atteint.

Le film fut tourné à Marseille, sur la N7 et à Paris. Le fait que le film ne soit pas tourné en studio coûtebeaucoup moins cher (ce en est une conséquence). En plus, il y a des nouveautés au niveau technique, lesmoyens sont plus légers. On s'oppose au studio et à toute la machinerie. En tout cas, cela coûte moins cher.

Le succès de ce film va porter atteinte à l'industrie des studios en France. Ils vont tous péricliter jusqu'à lafermeture. Les studios ont connu leurs heures de gloire avec le cinéma classique, depuis plus jamais ils n'aurontla même gloire.

Il n'y a pas de star, donc ça fait encore plus réel. Le fait de ne pas mettre d'étoile accentue le côtéde la réalité dans le film.

Quel est l'état d'esprit de l'époque ? Godard a déjà réalisé 5 courts-métrages. "Les400 coups" de Truffaut est montré à Cannes en mai et sort en salle en juin.Godard se dit : "Il est grand temps que je m'y mette car Welles a fait son œuvremajeure à 26 et Eisenstein l'a fait à 25". C'est la phrase du début avec le plan dejournal (→ référence à Welles) d'autant qu'on sait qu'il y fait référence. En effet,il y a eu Bresson, il vient d'y avoir "Hiroshima, mon amour". Il faut clore uncertain genre de cinéma.

C'est un scénario de François Truffaut. Il écrira combien Godard était très proche de Poicard. Godard n'a pasun rond et tourne le film qui changera l'histoire. De plus, Godard change une partie des dialogues et la fin (oùBelmondo s'enfuit). Il voulait que le flic dise à l'autre : "Vise la colonne vertébrale". Truffaut dit que Godard avoulu une fin violente car il était plus triste que lui quand il a fait le film.

Godard n'hésite pas à dire : "Aux rushs, toute l'équipe et l'opérateur, y compris, trouvent la photo moche ; moi,je l'aime"1. Il est à l'opposé du travail de Welles. "L'important, ce n'est pas que les choses soient filmées de telleou telle façon mais simplement qu'elles soient filmées et qu'elles ne soient pas floues". Nous sommes dans uncinéma du sujet, du réel opposé à la technique ("Mon travail consiste à éloigner l'équipe des lieux de tournage"disait-il).

"Si nous avons pris la caméra à la main, c'était pour aller plus vite tout simplement."Il y a une révolution mais ce n'est pas tant au niveau technique mais pour que cela aille plus vite. Pourquoi ?

Parce que c'est moins cher, pour que ça aille plus vite, il s'oppose au cinéma classique mais il veut montrer lecinéma classique. C'est la vie à tout prix. C'est le symbole de la nouvelle génération. Le cinéma classique n'aaucun sens pour cette nouvelle génération qui voulait être libre, légère. Il fallait inventer un nouveau langagecinématographique.

Avec "A Bout de Souffle", Godard crée la technique de la nouvelle vague. L'envie était déjà là mais pas latechnique. Jean-Luc Godard crée la mise en place. Il dit : "Avec "A Bout de Souffle", tout était permis, c'étaitdans sa nature. Quoique fassent les gens, tout pouvait s'intégrer au film. J'étais même parti de là". Ex : QuandBelmondo tire dans le soleil, il dit: "C'est beau le soleil".

"Je voulais partir d'une histoire conventionnelle et refaire différemment tout le cinéma qui a déjà été fait". Avecce principe, Godard fait un résumé destructeur de cinéma dans ce film.

1 Il voulait que son film ressemble à un reportage. Le réalisateur est quelqu'un qui a une idée précise. Celui-cien avait marre du cinéma classique. Le thème, c'est les jeunes. Pour que son film ressemble à un reportage, il netourne pas dans des studios, il tourne caméra épaule. La pellicule qu'il utilise est celle d'une pellicule photo de17m50 ILFORD EXT qu'il colle bout à bout et qu'il est obligé de développer artisanalement (sans étalonnage,sans mise à niveau). L'image reste donc dans les conditions dans lesquelles elle a été prise. C'est du brut. Lesopérateurs trouvent ça dégueulasse car ce n'est pas parfait, net, … On peut constater que d'une image à une autrela qualité change.

Godard disait à propos d'"A Bout de Souffle" : "Je veux briser les limites du cinématographiable". Lecinématographiable est toutes les choses qui rentrent dans la définition du cinéma, tant au niveau des thèmes quede la technique. Il y a une volonté de révolution, de rupture irrémédiable. Briser indique une idée de violence. Ilveut briser les limites. On fait du cinéma avec des choses qui ne peuvent pas faire partie du cinéma.

Un certain cinémavient de se clore. Ilest peut être finialors mettons-y lepoint final.

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Comment briser le cinématographiable ? En ayant une grande connaissance du cinéma. Ce sont des cinéphilesde la médiathèque de Paris. Godard a dit que leurs premiers films étaient avant tout des films de cinéphiles.

Il y a plein de référence à l'histoire du cinéma, du film noir américain, on a une fermeture et une ouverture àl'iris.

La place du cinéma est omniprésente, elle sert aussi lieu de refuge. Belmondo s'identifie à Humphrey Bogart,héros de film noir américain, star de "Casablanca", le privé. C'est pas un vrai héros, il boit, il fume et il esttimide. Il y a déjà en germe quelqu'un de faible, romantique, amoureux et dont les circonstances font qu'il est unhéros. Dans Casablanca, Humphrey ne résiste pas aux amourettes. C'est une personne terriblement sensible quidevient un héros.

Quand Belmondo passe devant une salle de cinéma, le film à l'affiche est Plus dure sera la chute où Bogartjoue. Quand Jean Seberg se réfugie dans une salle de cinéma, et s'enfuit, c'est un film noir qui la sauve. C'est unfilm d'Otto Preminger dans lequel Jean fut révélée.

L'histoire que Belmondo raconte et que Jean trouve sympa est Gun Crazy produit par Monogram Pictures. Il ya une telle présence du cinéma que nous avons l'impression que c'est notre histoire.

Quand Belmondo assomme un type pour lui voler son fric, le film qui passe est La Femme Abattue.Quand ils sont tous les deux dans une salle de cinéma entrain d'attendre, ils regardent le film projeté à la mode

Le Western de Napoléon. On les voit de profil et on entend le dialogue. On peut se demander qu'est-ce que c'estcomme histoire ? Si on fait attention, on se rend compte qu'on déclame de la littérature française mais qu'on nevoit pas un film de western. On entend le poème d'Aragon qui est un fragment du poème d'Apollinaire.

Godard (dans le rôle du shérif) : "Méfie-toi Jessica, au biseau des baisers,les ans passent trop vite,évite, évite, éviteles souvenirs brisés."

Jessica : "Vous faites erreurs, shérif, notre histoire est si noble et tragiquecomme le masque d'un tyran,aucun détail indifférentne rend notre amour pathétique."

On est dans le monde du cinéma. Il y a énormément de référence. Pensons au Père Noël est une ordure, où letravelo, Katia que tout le monde appelle Branson, passe devant le cinéma où passe Charles Branson.

Briser, oui ; d'autant qu'il y a plein de référence au cinéma : l'histoire du cinéma, le film noir, la littérature, laculture.

La thématiqueC'est totalement nouveau puisqu'on parle d'un couple de jeunes, d'eux, de leurs modes de vie.Lui, il est boxeur mais il fait du théâtre et a monté une petite troupe avec Annie Girardeau et Galabru. Il a

tourné dans des courts métrages tels que Tous les garçons s'appellent Patrick.Elle, elle est découverte par Otto Preminger dans Saint Jean en 56' et Bonjour Tristesse en 57'. Ce qui est

nouveau est son physique avec ses cheveux courts.Il y a une lettre où Godard dit : "Jean Seberg est affolée, elle regrette de faire le film, je commence demain

avec elle et je vous dit au revoir car il faut que je trouve ce qui va être filmé demain". Dans A bout de souffle,Godard a cherché le sujet pendant le tournage, finalement c'est Belmondo, puis lui et la jeunesse.

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MontageIl y a une grande liberté point de vue montage. C'est un montage qui mélange de grands moments (les plans

séquences de la fin où les voix se chevauchent ou la scène à la banque) et à côté des plans nuls sans aucun lien.On a un montage très rythmé car "A Bout de Souffle" doit faire sentir qu'on est dans une course vers le

quotidien et son film est trop long. Il doit donc couper pour pouvoir le distribuer. Il décide de retirer tous lessilences ainsi que des morceaux dans des champs/contrechamps ; il ne veut en effet ne perdre aucune scène doncil joue à pile ou face pour savoir quel champ ou quel contrechamp enlevé. C'est très dérangeant mais cela permetde donner une idée de rapidité.

Le film est tourné en muet. Tout est donc postsynchronisé (on peut remarquer que tous les petits rôles fémininsont la même voix). Le résultat est assez saisissant car il y a une discontinuité dans les images tandis qu'il y a unetrès grande continuité sonore (voilà l'explication de l'impression d'un ton décalé).

Il y a un style brouillon, mais il y a une volonté brouillon (n'oublions pas MEDOUKIPUDONKTAN). On s'opposeau cinéma classique et à la grammaire cinématographique.

La présence de phrases insensées existe aussi. Est-ce que je peux pisser dans le lavabo ?

Scène de la N7Cette scène bouleverse le cinéma français, elle l'explose. Belmondo chante Buenas noces mi amor. C'est le

tube de l'été 59. Tout le monde le chantonne et Belmondo n'hésite pas à fredonner l'air faux. Cela permet decaractériser la réalité du film dans la jeunesse et l'ambiance de l'été 59. C'est tout à fait nouveau. C'est ancrerdans la réalité, il n'y a jamais eu ça auparavant.

De plus Belmondo ne parle pas bien. On dit que c'est lui qui a amené l'argot dans le cinéma français. La bandeson est unitaire. Le cinéma de Welles n'a plus raison d'être avec cette scène.

Au niveau des axes, nous ne sommes plus dans la logique de mise en place que nous avons eu avec Eisenstein.Ici, elle n'a plus aucun sens. On se retrouve à l'arrière puis à côté dans la voiture.

Si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la ville, ……allez vous fairefoutre.

On sort de la 2D et on travaille sur l'axe perpendiculaire. Non seulement, on regarde la caméra mais aussi lespectateur. La place du spectateur existe car le réalisateur est avant tout un grand cinéphile qui existe dans lecinéma de Godard. De plus, dès qu'on existe, on se fait engueuler. Après c'est interdit, tout retombe.Parallèlement, on a des choses super importantes et d'autres qui enlèvent tout le sérieux au film. Oh oh, …despetites filles qui font de l'auto-stop. C'est irrécupérable car on n'est pas au même endroit.

On écoute la radio. Pour se rapprocher du réel, on entend toujours du bruit même s'il dépasse ce qui est dit.Exemple dans la chambre d'hôtel qui donne sur Notre Dame et la scène. On fait aussi référence au côté suisse deBelmondo. Dans l'auto, on entend Georges Brassens chanter Il n'y a pas d'amour heureux et Belmondo lereprend à la fin.

Dans un film noir, on vole la voiture et c'est normal de trouver un flingue dedans. "C'est beau le soleil" et ontire dedans, on ne sait pas comment l'interpréter mais c'est très beau. "Les femmes au volant, c'est la lâchetépersonnifiée. Pourquoi elle dépasse pas ? A ouais, des travaux".

Il y a des vraies phrases d'auteurs et des phrases de rien du tout. Les voitures sont faites pour rouler, pas pours'arrêter de Bugatti.

On s'engage ensuite dans une poursuite et on a un meurtre. La scène se fait en trois plans. On a donc desproblèmes d'axes et de grosseurs des plans. Nous avons un très gros plan d'un revolver axé sur la droite, puis leflic qui tombe à gauche, et un plan hyper large. Cette suite de plan est totalement interdite dans le cinémaclassique. Cette rupture dans l'échelle de plans et dans les axes est un non-sens ( ).

Cette scène révolutionnaire est aussi importante que la scène de l'escalier chez Eisenstein. La volonté de celui-ci était de montrer une société structurée et libre tandis que Godard montre la modernité et la liberté.

Ici on a un montage qui a une fonction rythmique chaos - libératoire.

Bande sonIl y a les bruitages, des dialogues,, des références musicales, une voix off. Il y a aussi les scènes où ils coupent

: les journalistes, la scène du bar du 1° étage. Il y a une grande présence du jazz mais ce n'est plus le jazz deMiles Davis. Ici, le jazz est pour faire ambiance, il est purement additif.

Rapport entre Godard et BelmondoBelmondo est Godard pour plusieurs raisons. Effectivement, le plan du début où Godard doit faire son film. Ils

s'habillent de la même façon (idem pour Jean-Pierre Melville), ils veulent ressembler au héros du film noir. Ils'identifie à ce héros est faible mais qui existe. Ce ne sont pas des gangsters car ces derniers n'ont aucune

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personnalité ambiguë. Il y a aussi des références à la Suisse. Truffaut explique qu'ils sont tous les deux dans lemême état de pauvreté, de misère. Melville dit des choses importantes, il y a tout un discours politique. Choseétonnante est le fait que Godard donne son héros.

Dans Le Mépris, il y a aussi une première confrontation entre Piccoli et le réalisateur se fait par cette phrase :"Dégagez, vous êtes dans le champ". Il y a un rapport identité et conflit. Il y a eu pas mal de réalisateurs quis'identifient à leurs premiers comédiens (Truffaut/Léaud, Fellini/Mastroiani [dans 8 et ½]).

Réaction par rapport à ce filmCe film a été une bombe, ça amené un vent de liberté. Il y a vraiment une fracture dans le cinéma français entre

les vieux réalisateurs et leurs équipes et la nouvelle vague.Ce film a reçu le prix de la mise en scène à Berlin (02/68) puis celui de Jean Vigo (décerné pour

l'indépendance d'esprit). Dans la critique, il y a une scission entre deux pôles Positif et Les Cahiers du Cinéma.Comme Godard est critique dans Les Cahiers, Positif titre A Bout de Souffle comme un piège à con. C'est dun'importe quoi. De l'autre, Les Cahiers l'encense. Il y a une interview en 1962 dans le n°138 où il parle de lanouvelle vague.

Leur cinéma, c'était l'irréalité totale. Ils étaient coupés de tout. Ils ne vivaient pas leur ciné. J'ai vu Delannoyentrer au studio de Billancourt avec sa mallette : on dirait qu'il entrait dans une compagnie d'assurance. On al'impression que le cinéma est un boulot comme un autre.

Avec la guerre, entre par exemple La Belle Equipe de Duvivier et La Bête Humaine de Renoir, il y auraittoujours une différence mais seulement de qualité tandis que maintenant entre un de nos films et un de Verneuil,Duvivier ou Carmé, il y a une différence de nature. Ici, Godard définit le cinéma de la nouvelle vague comme uncinéma de nature. D'ailleurs A Bout de Souffle est encore sujet à controverse.

Chez Laffont, on peut trouver une critique négative concernant le film : La seule raison pour laquelle A Boutde Souffle doit être mentionné aujourd'hui, c'est qu'il marque comme une borne millénaire l'entrée du cinémadans l'ère de la perte de son innocence et de sa magie naturelle. […]Après A Bout de Souffle, le cinéma commeblessé sera plus triste, moins créatif, plus conscient de lui-même. Ce n'est pas totalement faux car le cinéma aperdu son innocence et sa magie naturelle, en effet on rentre dans le réel car le spectateur existe. Belmondodéchire l'écran car il matérialise la relation qui existe entre le spectateur et l'écran ou plutôt que l'écran avec lespectateur. Pas que la magie rend heureux. Le cinéma des cinéphiles remet tout leur travail sur le cinéma et leremet en question. Ce sont des films conscients de leur évolution.

C'est une sorte de mise en abîme du cinéma car il y a plein de références (comme on voit les salles où ils s'yréfugient.

Pour en savoir plus, on peut consulter : MARIE (Michel), La nouvelle vague, Nathan Université, Paris, 1997.(Marie Michel est un grand critique de cinéma. Il a beaucoup écrit sur le processus de l'analyse du film, et entreautre, la nouvelle vague) et on peut aussi entendre La bande originale des films de Godard ou Sacrebleu deDimitri (grand chercheur sur la nouvelle vague. Il y a plusieurs samplers sur ces films).

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Le Mépris (1963)C'est un film très intéressant car Godard a mis fin au cinéma classique avec A Bout de Souffle. Il est tout aussi

intéressant tant au niveau du contenu thématique du film que tous les changements de valeurs, de morales etaussi au niveau de la grammaire cinématographique.

Le film est intéressant car il est vrai qu'il est considéré comme le meilleur du cinéma, avec une esthétique trèsaboutie. Il est aussi très intéressant dans le contexte de l'analyse cinématographique car le film est unquestionnement sur le cinéma.

C'est un film sur le tournage d'un film. Il y a tout un discours sur le cinéma. On sait aussi que Godard a apportéla réalité à l'écran. Dans Le Mépris, le film que Lang réalise est l'Odyssée. Seul ce film est faux dans l'histoire.Tout le reste est vrai. On se trouve sur un discours en vrai dans l'histoire comme si on assistait à une conférencedans laquelle Godard interroge Lang. Pour nous, qu'est-ce que c'est un film, regarder, réfléchir, bref la perceptionspectatorielle est très intéressant. On se trouve entre la fiction pure Big Fish et le documentaire pur Le dinosaureet le bébé. Ce n'est pas que Le Mépris est intéressant dans le cadre de ce cours, c'est ce qu'on sait de Lang, deGodard, du cinéma américain. On sait aussi que Godard a aussi engagé le cinéma dans une voie politique.

Il y a deux histoires, celle d'un couple et celle du cinéma. La comparaison du discours sur le couple entre lecouple mythique d'Homère et le couple moderne de 1963, d'après la nouvelle vague, formé par Piccoli - Bardot.Les couples dans la nouvelle vague sont intéressant à analyser car dans Ascenseur pour l'échafaud, Véronique etLouis étaient deux ados qui ne sont pas installés dans la vie, dans A Bout de Souffle, Belmondo et Jean sont deuxjeunes qui parlent d'amour et qui ne sont pas installé dans la vie contrairement à Bardot - Piccoli qui sontinstallés dans la vie. On a vieilli et ce n'est pas évident d'être un couple en 1963.

Il y a deux concepts du cinéma dans le film. Il y a celle du producteur américain donc qui veut que son filmmarche, la conception mercantile du cinéma. Il n'hésite pas à demander à un scénariste (Piccoli) de réécrire lefilm de Lang. Il y a celle de Lang ou le cinéma d'auteur, définie dans le film comme le cinéma classique.

On est comme dans un discours à l'Antiquité, les dieux vont influencer le destin du film. Il tient un discours surles deux. C'est très intéressant car nous nous rendons compte qu'il y a du changement mais il n'y a pas de recul.

C'est un film très intello, très contemplatif mais qui réserve bien des surprises.

Histoire du filmLe film fut tourné en Italie à Rome et à Capri. Il fut tourné dans les studios La cinetchita à Rome. Ces studios

furent créés sous Mussolini. Il est intéressant de savoir où un film est tourné. A Capri, il fut tourné dans unesomptueuse villa La Casa MALAPARTE. Elle fut la demeure de Curzio Malaparte, écrivain engagé. Cette villa sesitue sur un promontoire rocheux avec un escalier permettant d'accéder sur le toit pour une bronzette. L'écrivainavait décidé de léguer sa maison au gouvernement chinois car le paysage de pinède ressemblait à des caractèreschinois. Comme il fut plutôt communiste, il décida que sa maison devait servir de "ermitage" pour les écrivainschinois. Or la famille lorgnait sur cette villa, et s'opposa à la décision testamentaire de Curzio. Il y eut un procès,la maison fut mise sous scellé et Godard eu une autorisation pour tourner gratis dedans.

Le film fut tourné au printemps 1963 avant de sortir le 27 décembre de la même année. C'est une adaptation duroman d'Alberto Moravia. Celui-ci était un écrivain engagé comparable à Camus ou à Sartre. C'est l'écrivainfavori de Godard.

Il y a une phrase que dit Godard à propos du film : "Je voulais faire un film sur des naufragés du mondeoccidental, des rescapés du naufrage de la modernité qui abordent un jour, à l'image des héros de Vernes et deStevenson, sur une île mystérieuse dont le mystère est inexorablement l'absence de mystère, c'est-à-dire lavérité." Il est vrai que la société change très fort. Il y a aussi un naufrage car on a cassé le cinéma et puis après,on va où ? Donc le mystère n'est rien, il n'est plus. Il y a un grand discours sur le couple qui merde, qui n'arriveplus à rien, à se ressaisir. Mais il y a aussi ce côté aventure, héros, mythe.

C'est un film qui a peu de rapport avec ses premiers films. Le triomphe d'A Bout de Souffle a lancé la carrièrede Godard et celle du producteur Beauregard. Il va également être un élément dynamique de la nouvelle vague etpratiquement tous les films de Godard. Le film est une coproduction internationale entre la France, l'Italie et lesUSA (Joe LEVIN). Ils ont du faire appel à ce producteur car ils n'auraient pas eu les fonds pour payer BrigitteBardot et aussi le producteur du film de Lang. On sent qu'on va mélanger le réel et le film dans le film.

On peut comparer le financement de A Bout de Souffle et celui du Mépris. Pour A Bout de Souffle, Godard adéboursé 400 000 FF tandis que Le Mépris a coûté 5 000 000 FF. C'était le rêve de Godard de faire un film avecun gros budget mais il se rend compte qu'après avoir payé Bardot (la star), Lang (le dino) et Jack PALANS dans lerôle du producteur US, il n'avait plus un sou. Donc, il va s'arranger et finalement il tourne à la cinetchita dans leshangars (donc gratuit) ; dans une très belle villa de Rome sur la Via Appia qui fut louée pour Bardot (elle refusace lieu de repos car elle le trouvait trop grand et qu'elle se sentait seule) mais qui servit pour différents décors etle logement de l'équipe ; dans un appartement à Rome, dans un cinéma Silver Ciné, cinéma de quartier, jour defermeture ; il filme l'attraction (ici, c'est une chanteuse mais cela peut être un magicien, …) ; puis il tourna à laCasa MALAPARTE, villa magnifique sur Capri.

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A la différence d'A Bout de Souffle, on est dans un processus traditionnel du cinéma ne laissant aucune place àl'improvisation. Godard se dit qu'après avoir cassé le cinéma classique, il fera un film tout beau pour prouverqu'il sait faire un film.

Il tourne, monte et le présente aux producteurs. Le producteur américain n'est pas satisfait car Bardot était lafemme sexuée qu'on montre à poil. Il veut plus de scène de Bardot nue au lit. Godard acquiesce et retourne unescène qu'on retrouve au début où Bardot est nue dans un lit. C'est une scène très belle dans la façon dont Godardl'a réalisé car, sans raison apparente, il change les éclairages de la scène. Godard a dit : J'ai éclairé cette scène enrouge et bleu pour qu'elle ait un aspect plus irréel, plus profond, plus grave que simplement Bardot sur un lit.J'ai voulu la transfigurer parce que le cinéma peut et doit transfigurer le réel. Dès le générique (parlé), on passeà cette scène.

Il y a une scène qu'il a enlevée dans laquelle on voyait le producteur voir Brigitte se rhabiller. C'est un bonrésultat pour Godard mais moyen pour Bardot avec une critique très mitigée. Il tombe dans l'oubli avant deressortir en 1981 et triompher. On le considère dès lors comme l'un des films majeurs du cinéma français. C'estbizarre que le film marche en 1981 beaucoup plus qu'en 1963. Il y a à la fois un côté très 60' et très moderne, etun côté très intemporel car mythique. L'emprise du temps n'existe pas. On peut se permettre de penser quel'esthétique du Mépris a influencé l'esthétique des années 80. Les années 70 étaient assez orange et plastiquetandis que les années 80 sont plus influencées par le rouge, le bleu et le jaune.

C'est étonnant de voir un destin aussi étonnant que le Mépris.

Le styleIl est totalement différent de celui d'A Bout de Souffle. Il y a des plans super maîtrisés. Tout est épuré, il y a une

volonté de style et de qualité comme un film d'Hitchcock ou d'Antonioni…Il y a un parallèle évident avec Antonioni avec cette épuration, La Note, L'Eclipse, Blow Up (1967) (film qui se

passe à Londres).… Et je m'inspire de Viaggio in Italia de Roberto Rossellini, tourné en 1954. C'est en référence à ce titre que

Scorsese fera Mon voyage en Italie, réflexion sur le cinéma italien qui a influencé son enfance. Rossellini est unréalisateur italien fasciste puis néoréaliste. Il rencontre Ingrid Bergman qu'il épouse et dont ils auront une petitefille qui sera mannequin puis actrice. Il fait des films très beaux. Voyage en Italie est un film majeur en noir etblanc qui parle de la dérive d'un couple en Italie. C'est un voyage entre Rome et Naples, avec des visions desstatues de Pompéi et d'Herculanum. A la fin, il y a un miracle et face à ce miracle, ils se remettent ensemble. Il ya un beau plan où l'un veut aller à droite, l'autre veut continuer tout droit. La voiture continue tout droit mais lacaméra suit la route à droite.

Dans le cinéma, Piccoli et l'équipe vont voir Voyage en Italie qui va l'aider à faire son film. Ce qui est étonnantpuisque c'est la base du Mépris.

Avant de regarder Le Mépris, on va regarder un court-métrage documentaire tourné par Rosier et présenté parFrédéric Mitterrand. Il y a tout un discours sur le mythe du cinéma et sur le cinéma.

222888///000444 StructureOn se rend compte que le film est divisé en trois parties sans compter le générique et la première scène : 1° à la

Cinetchita, la 2° dans l'appartement et la 3° à Capri.La première partie reprend donc la partie à Cinetchita et dans la villa de Prokosch (producteur US) à Rome.La deuxième partie reprend la partie dans l'appartement et au cinéma Silver ciné.La troisième partie reprend la partie qui se déroule à Capri et dans la station service.

Les trois parties sont à peu près égales au niveau du temps. On dit que le film fut coupé en deux parties avec unentracte entre le Silvercine et la partie à Capri, comme le cinéma italien.

C'est intéressant car le film n'est pas défini par le temps et par le lieu. Le temps, quant à lui, est résolumentartificiel car il est calé dans deux jours. Le premier à Rome et le second à Capri. (Par exemple : quand Paul dit àCamille : Tu changes d'avis tout le temps, avant hier tu le trouvais génial).

Le récit est très structuré car il fait référence à Homère. Si on analyse le contenu pour la première partie, onconstate que nous avons une présentation classique des protagonistes à la fois ceux du monde du cinéma et ceuxdu couple. Nous avons le scénariste Paul, le producteur Prokosch, le réalisateur Lang et le couple Paul etCamille. On met en place les personnages importants. Francesca n'est qu'une interprète.

On met en place le discours du cinéma plus que sur le couple. On parle vraiment sur le ciné (on est dans uneatmosphère).

On peut définir cette partie comme une victoire du producteur. Il gagne car il refuse ce que Lang fait etdemande une réinscription du scénario. Quant il signe le chèque pour que ce petit français qui a fait Toto contre

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Hercule (succès aux Etats-Unis), il le fait sur le dos de l'assistante et au loin on voit une phrase de Louis Lumière: Le cinéma est une invention sans avenir. C'est en effet la fin du cinéma classique, du cinéma d'auteur.

On voit Prokosch devant une estrade expliqué qu'il va construire des Prisunic et que c'est la fin mais Piccoliréplique que le cinéma sera toujours là. A un autre moment, on entend le producteur crier : C'est mon argent,mon film. et Lang d'abdiquer en la bouclant.

C'est la mort symbolique d'une conception du cinéma, celui du classique. A la fin, Piccoli dit qu'il préfère lecinéma d'auteur.

La deuxième partie se passe dans l'appartement à Rome et au SilverCiné. On parle du couple puisqu'on estdans l'intimité de leur appartement. Le cinéma est toujours là mais comme en écho. On va au cinéma mais on nevoit pas le film. On en parle un peu.

Et il y a aussi une référence à Welles quand Paul frappe à la machine et la caméra monte sur le mur et on voitun tableau représentant une salle de théâtre. Cela fait référence à la critique négative à la première de Salammbô.Il y en a une autre à Capri où Paul et Camille sont assis sur une marche mais sur la contremarche est inscrit enbleu No Trespassing. Il y a un autre plan, toujours à Capri où on voit la lettre de rupture de Camille avec uneécriture du XIX qui fait référence à la lecture de Thatcher qui fond sur un fond blanc.

Mais évidemment il y a tout un discours sur le couple. Ici, c'est la mort du couple. Quand Paul quittel'appartement, il va chercher un revolver derrière la bibliothèque.

La troisième partie se déroule à Capri. On retourne dans le monde du cinéma et on va redistribuer les couples.Qui redistribue les couples ? Le Destin personnifié par les dieux.

Il y a très peu de déplacement sauf quand Paul et Lang se dirige vers la Casa Malaparte. Ca a un côté trèsromantique et peu faire penser aux tableaux de Friedrich. A la place, on viot le tableau de Poséidon (ça peut êtreZeus) car c'est l'ennemi mortel d'Hercule.

Quand Paul est seul, quand Camille est dans la voiture, on voit Poséidon. Il y a une redistribution des couples :Camille et Prokosch, Lang et Paul.

Cela se termine par Piccoli qui monte les marches de ce temple au sommet duquel Lang termine son film seul.C'est le triomphe du cinéma d'auteur. Finalement, Prokosch meurt, puni par le destin. On termine seulement lefilm sur le cinéma.

PersonnagesCe qu'il y a de remarquable par rapport au roman de Moravia est une simplification de l'histoire et des

personnages. Il y a 5 personnages principaux, naufragés, quasi seuls. Même à Cinetchita, le lieu est désert. Doncle fait de résumé l'ensemble des personnages à 5 rajoute une grande force symbolique.

Il y a des personnages référentiels comme Ulysse, Pénélope, Homère, Neptune et Minerve. En plus de cela, il ya Godard qui joue le rôle de l'assistant réalisateur, donc l'assistant de Lang. Il y a quelque chose d'intéressantquant à l'utilisation des acteurs pour incarner les personnages.

Il y a quelque chose de différent par rapport au reste du cinéma. Normalement dans un film, on choisit unacteur sur son jeu, son physique (pas la gamine de 12 pour faire le rôle d'un grand boxer noir), sa voix, sapersonnalité (pour voir si on peut s'adapter au personnage). Que se passe-t-il quand un acteur interprète ? Il dotdisparaître pour devenir celui qui l'incarne. On doit croire au personnage et oublier le jeu de l'acteur. On ne doitplus voir une gamine de 12 ans qui joue Muhammad Ali.

Ce que fait Godard n'est pas ça. Il va utiliser les personnages pour ce qu'ils sont aux yeux du public, et tout leurbagage cinématographique. On va dans la salle avec notre bagage de spectateur. Donc il va voir le film en ayantà l'esprit les autres films qu'ils ont déjà vus.

L'Entrée du train en gare de La Ciotat est une réflexion sur la réalité mais pas sur le cinéma car il faut qu'il yait une évolution. De plus, c'est intéressant à deux niveaux : premièrement parce que c'est une réflexion sur lecinéma et deuxièmement parce que Godard est un critique de cinéma, un cinéphile qui a réfléchit et cassé lecinéma classique de Welles avec A Bout de Souffle.

Donc le film aura une certaine distanciation par rapport à l'action.

- Jeremie Prokosch : joué par Jack Palance, acteur américain connu pour son physique particulier. C'est unancien boxeur qui fut spécialisé dans les rôles de méchant dans les westerns.

Quand il apparaît à l'écran, on sait que c'est un méchant et un américain. C'est un tueur.Directement on sait que c'est un personnage négatif. Ce n'est pas James Dean.

Dès qu'il apparaît, on ne connaît pas ses caractéristiques. On peut se dire qu'il est gentilmais comme il reste lui-même, on se dit, tout de suite, que c'est un méchant qui représentele cinéma américain.

Ce personnage colle à sa peau. Il a vendu Cinétchita pour des Prisunic. C'est le fossoyeuraméricain. C'est la caricature du capitalisme et de l'argent américain.

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- Fritz Lang : joué par Fritz Lang. Il ne tourne plus. Son dernier film est le dernier de la série des Dr Mabuse. Ilest connu car c'est un monument du cinéma classique. Il est à la mode car il y a eu la parution d'unbouquin sur Lang et toute son œuvre. D'ailleurs, Bardot le lit dans son bain.

Les Cahiers défendent le travail de Lang et surtout sa période américaine. Paul dit à Lang (etGodard par la même occasion) d'une certaine manière que les Cahiers le soutiennent. A part eux,tout le monde trouve que cette partie américaine est catastrophique.

Dans le roman, le personnage que joue Lang est Rheingold. C'est aussi un allemand mais c'est unepersonne fictive. En transformant le nom du personnage, Godard s'était trouvé face à un dilemme :soit Lang prenait le rôle de ce personnage, soit Godard changeait le nom du personnage. Latransformation de Rheingold en Lang a changé beaucoup de choses car cela rend le film très réel.L'essentiel de l'œuvre tient dans ce personnage. C'est très fort. Lang représente le cinéma classiqueet l'histoire du cinéma.

Car quand Paul dit à Prokosch : Lang acceptera-t-il ? ; on fait référence à l'histoire du cinémamais pas seulement. C'est aussi la sagesse, la mémoire, la culture européenne. Il fait plein deréférence à Dante, Brecht, Heuderling, Corneille, entre autres.

Piccoli connaît un peu car il reprend le producteur américain moins cultivé.Il est très fidèle à Homère.Il a une culture classique. Godard a dit à propos de Lang : C'est un vieux chef indien serein qui a

médité longtemps et enfin compris le monde et qui abandonne le sentier de la guerre aux jeunes etturbulents poètes.

- Camille Javal : jouée par Brigitte Bardot. Elle est au sommet de sa carrière. Elle fut lancée par Dieu créa lafemme de Vadim en 56, qu'elle épousera. On doit entre autre à Vadim l'adaptation LiaisonsDangeureuses.

Dieu créa la femme est un très beau film mis en valeur par le superbe physique de Bardot (entout cas pas l'actuel ) et le rôle que lui fait joué Vadim est novateur. C'est celui d'une femmequi est indépendante, libre, qui danse sur des tables et qui est en possession de son corps.

Bardot est une fille de très bonne famille de la banlieue parisienne. Elle est à la fois un sex-symbol et un nouveau statut de la femme (ayant une liberté dans sa sexualité). C'est ce mythe-làà qui il a fait appel, en plus elle vient de finir Vie privée de Louis Malle (film qui parle de la vieprivée violée d'une star qui se suicide).

A part Le Mépris, La Vérité de Cluzot et Dieu créa la femme, elle tourna pratiquement dansles séries B. Elle se retire des studios en 73. Elle a sombré, écrivit un livre, fut déchirée parFogiel (Fiel) et vit avec un type qui clame haut et fort Vive le Front National.

Dans le film, ce n'est pas qu'une belle blonde avec de gros seins. C'est aussi le mythe de lafemme, la femme et la beauté. Il y a un parallèle avec Pénélope et flirte avec ce personnage. Sonjeu est figé, sa voix est monocorde, elle a une déclamation qui fait référence à la tragédie.

Elle représente le cinéma français.

- Paul Javal : joué par Michel Piccoli. Il est très connu. Il a joué dans plus de 30 films. Dans le roman deMoravia, c'est lui le narrateur. Il a un jeu totalement opposé à celui de Bardot. Il crie, il s'emporte,il est saccadé, … il est plus réaliste. C'est l'Ulysse des temps modernes.

Il s'oppose très fort au véritable Ulysse et défend la théorie de Prokosch (Ulysse n'aime pas safemme). Il questionne sur l'amour et le lien.

De façon plus intéressante, Paul écrit des scénarios sur commande. Il est totalement dénigré parles Cahiers et surtout il s'identifie à Godard. Il est la projection écranique de Godard à plusieursniveaux. Dans ce qu'il fait car Piccoli réadapte un texte (celui d'Homère) comme Godard avec leroman de Moravia. Ils ont le même look, celui de Belmondo et de Melville. C'est une référencevivante à un truand dans un film noir américain. Ils vivaient leur ciné.

Bogart est entre le gangster des années 30 et Brando & Dean (dont Godard s'identifie). C'est unprivé sensible. Image d'un héros qui n'en est pas un. C'est l'image d'une génération qui a trouvéune échappatoire dans l'alcool.

Ils ont la même culture cinématographique. Et évidemment, le point commun entre les deux estl'admiration pour Lang. Il est gêné par rapport à Lang.

Et en même temps, il y a quelque chose de très conflictuel puisque la première fois, Godard dit :Dégagez, vous êtes dans le champ, du style T'es là mais tu pars comme dans A Bout de Souffle.Paul est confronté à ces deux doubles : d'un côté Godard, assistant réa ; et de l'autre, Ulysse.

La mortn'est pas uneconclusion

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- Francesca Vanini : jouée par Giorgia Moll. C'est une référence à nouveau au cinéma en hommage à Rossellinien 61 Vanina Vanini. Elle représente le cinéma italien. Elle garde l'accent italien dans toutesles langues qu'elle interprète. Elle garde la tradition de toute l'Europe occidentale.

Ce qui est très intéressant, c'est qu'elle sert le lien entre tous les personnages, le traitd'union. Sans elle, tout le monde est perdu. Elle essaie d'arranger pour que tout se passe bien.

Elle est là pour aider les choses, comme Hermès (Mercure) avec ses cothurnes.Ce film se passe en plusieurs langues. Pourquoi ? C'est une reproduction et puis après, on post-

synchronise en français. On ne double pas ce qui est dans sa langue. Tout le reste oui. Ce que Godard afait, c'est montrer ce qu'est un tournage international.

En plus, il y a un sixième personnage.- Godard : joué par lui-même. C'est l'assistant réalisateur. Il se choisit la meilleure position possible. C'est

l'assistant de Lang. C'est le personnage fictif par rapport au roman. Il n'apparaît qu'à Capri. Il nedéclame pas le générique. Il sera de plus en plus présent. Il donne les ordres de tournage repris enporte-voix en italien. (Référence au chœur antique).

Scène où Piccoli va voir Lang après que sa femme l'ait quitté.Piccoli s'en va mais fait demi-tour pour dire au revoir à Lang. Il monte au temple voir le prêtre Lang.On a téléphoné de Rome, ils sont morts. On peut pas s'imaginer en véritable narrateur. Mais ce n'est pas la

phrase qui est dite à ce moment-là. C'est ce qu'ils ont tous dans la tête à ce moment-là. Quand il dit Alors aurevoir, c'est sur un autre ton. Il montre les marches vers le sommet du temple. En Mésopotamie, on surélève lesacré car les terres sont inondables.

Une fois en haut, on trouve Piccoli, seul, face à la mer Méditerranée (côté tragique). Piccoli avance seul. Onmélange les deux films pour n'en faire plus qu'un. Au moment où on dit Ulysse, celui-ci entre dans le champ.Son premier regard est vers Ithaque. Nous avons une confrontation car il répète ce qu'il va jouer mais ce n'est pasça. Il court vers Paul pour aller le tuer mais il n'y arrive pas à le tuer car ils ne sont pas l'un en face de l'autre. Ona les deux Ulysse. Il ne le tue pas car ils ne sont pas du même temps. C'est une confrontation impossible.

On est totalement dans le monde du cinéma. C'est très beau, un très bel endroit. Lang dit :Qu'est-ce que vousferez ?. Et Godard de répondre Le point. à la place de Piccoli. A ce moment, Godard est aller se cacher derrièreLang. Puis il revient régler quelques problèmes puis revient se cacher derrière lui de nouveau. On sait que là, il ya une identification totale entre les deux Lang et Godard, et il est complètement en accord avec Paul. On terminece qu'on a commencé et Lang termine par un A bientôt, j'espère. A ce moment-là, il y a la rupture car Paul part àRome et Ulysse retourne à Ithaque. La caméra suit un peu Paul et revient. L'identification à Ulysse est terminée.Il reste maintenant Ulysse, Godard et Lang. C'est à ce moment-là que les deux films vont se fondre. Lang ditCaméra de Godard d'enchaîner Caméra et le chœur Mottori.

A un certain moment, on voit que Godard se met là pour pouvoir diriger les deux caméras : celle du Mépris etcelle de L'Odyssée. Le travelling est pour les deux caméras à la fois. C'est plus fort que ça., les deux travellingsvont atterrir sur le même cadre et on arrive à ce plan qui unit les deux films. Ce plan dure longtemps, troplongtemps. Pourquoi Godard dit-il Silence car il n'y a pas de bruits sauf si ce n'est le bruit que feraient lesspectateurs dans la salle. Et puis le film se termine, il n'est valable que si on se souvient du générique du début.

MontageLe montage est très travaillé, maîtrisé, épuré, très réfléchi. On a l'impression qu'on sacrifie les plans. Il suggère

pas mal de chose.C'est le parti pris du réalisateur que d'enlever les séquences de transitions, les trajets et de les remplacer par des

plans sur les statues des dieux. Les seuls plans qui font exception sont le retour vers la villa Malaparte et la mortde Camille et Prokosch. Les ellipses sont montées cut. On quitte le narratif pour aller au symbolique (les plansfilmés par Lang). C'est une mise en évidence du destin personnifié par les dieux.

En opposition, nous avons des longs plans séquences. Cette utilisation se développera pas mal dans les années60. Par exemple, la scène de la dispute à Capri où Paul refuse le scénario, la scène de drague malhabile deFrancesca par Paul à la villa de Prokosch et le moment de dialogue entre Paul et Camille dans leur appartementavant le départ pour le SilverCiné.

Pour cette scène, on ne choisit pas les champs/contrechamps pour éviter de les rapprocher. L'abat-jour lesétouffe et empêche tous rapports physiques.

Puis nous avons des moments de montage très courts avec la scène de mort. Il y en a 3 qui sont des momentsde montage différent au niveau de montage. On appelle ces moments des moments de montages courts. Ce sontcomme des espèces de flashs images. Il y en a deux dans la villa et un dans l'appartement.

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Les deux premiers ne sont pas dans toutes les versions. La première a lieu quand l'interprète arrive en vélo. Onest à un moment où Camille se sent objectale. On a quelques plans particuliers (6).

1° quelques dizaines de minutes avant le moment où la voiture de Prokosch s'interpose entre Paul et Camille ;2° elle se coiffe devant une maison. On se rend compte qu'on est dans ses souvenirs. On est un temps en avant,avant celui de Rome. On a un passé plus ancien qui s'oppose à un passé plus présent.

Le deuxième temps est quand Paul la touche dans le jardin de la villa. Nous avons deux plans d'elle, un dePaul, un de Jerry, 2 de Francesca. Ce sont les images du souvenir de Camille. Mais il y a un plan du film où ellen'était pas là (le plan où Paul rencontre Francesca). Camille arrive bien plus tard à Cinetchita. Donc on peutconclure que ce n'est pas simplement la mémoire de Camille mais aussi de la mémoire du spectateur. Ce n'est pasun flash-back de l'esprit de Camille.

Le troisième montage court est un peu plus long. Nous voyons différents plans de Camille et de Paul.1° - Bardot est sur un fond blanc.2° - impression d'un flash-back avec Camille qui court au bois de la Cambre.3° - c'est un plan étonnant car ce n'est pas un plan vu par le spectateur, mais on sait que c'est ce jour-là car c'estla perruque achetée le matin même.4° - Bardot est nue sur un fond bleu5° - nous sommes dans une somme dans une scène qui vient d'avoir lieu6° - la narration du récit change. Le il et elle devient narrateur et ce n'est plus le je. De plus nous n'avons pas vucette scène.7° - Elle est nue sur un fond rouge. C'est la couleur du film, couleur de la France, de la Méditerranée, de latrame du rouge8° - A Capri, projection dans le futur, flash forward. Scène de rupture, de la fin du couple.

111222///000555 Ce n'est pas par hasard si on retrouve une pareille structure chez Godard car c'est avant tout un cinéphile quiapporte sa réflexion du cinéma sur le cinéma.

MusiqueC'est une musique très importante car elle a un caractère répétitif, inlassable (ad nauseam). Elle prend une part

importante dans le film, si importante qu'elle recouvre parfois le niveau sonore des personnages.Elle est composée par Georges Delerue. C'est un parti pris du cinéma classique. On fait référence à l'époque

romantique, très proche de Brames ou de Chopin.Pourquoi ? C'est quelque chose de très classique, de très sérieux. On veut donner du poids. On veut sacraliser

les choses car on se référence à l'Antiquité, à Ulysse et Pénélope, au tournage de Lang.Sans la musique, les phrases n'auraient pas le même poids. Quand Lang dit : La mort n'est pas une conclusion.

et puis que nous entendons la musique, nous sommes imprégnés d'une atmosphère de sacré. L'effet n'est pas lemême si Piccoli répond directement : T'es un vieux réalisateur et je m'en fous.

Le côté sacré de la musique s'oppose à la trivialité des dialogues.

CouleurIl y a une grande simplicité dans les couleurs. On peut dire que le film se décline en quelques couleurs de base.

Nous avons le bleu, le rouge et le jaune. Il y a une volonté de tout simplifier. Les couleurs sont déjà présentesdans le film et renforcées par la scène que Godard a du rajouter.

Les décors (ceux de l'appartement de Paul et Camille sont rouges ou la salle de projection bleue où on voit lesrushs du film de Lang), les personnages (quand Francesca enlève son pull jaune pour mettre un rouge ou lespeignoirs jaune à Capri), … en sont de bons exemples.

On sait que Godard aimait beaucoup La Fureur de Vivre de Nicolas Ray où la couleur rouge est très présente.Dans la scène de poursuite, une voiture est rouge ; la veste de James Dean est rouge ; dans le planétarium, legamin qui va se faire descendre porte la veste rouge de Dean. C'est une utilisation symbolique des couleurs.

L'esthétique du film semble avoir eu une forte influence sur l'esthétique des années 80'.

Générique (du début)Le titre est en rouge. Tout de suite, on est dans le monde du cinéma, dans la mise en abîme du cinéma. On se

situe dans la désacralisation du processus cinématographique car rapidement on nous montre comment et où sepasse un tournage. Nous sommes habitués dans un générique d'avoir dès le début une réalité imaginaire danslaquelle nous y sommes plongés. Godard montre l'envers de l'écran, il nous fait quitter le côté Méliès du cinéma.C'est à nouveau un coup porté au cinéma. Comme si, dès le lever de rideau, on voyait un magicien de profil avecun lapin scotché dans le dos ; comme Belmondo brisant le quatrième mur dans A Bout de Souffle.

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Il y a tout de suite la musique qui rend ce processus de désacralisation sacré. Du coup, cela devient le truc etc'est ce qui sera récurrent.

C'est un plan séquence. C'est un générique parlé (comme Welles dans La Splendeur des Ambersons et dans LeProcès). On peut le parler. Cela a beaucoup plus d'impact qu'un générique qui défile. De plus, le générique parlécombiné à la musique donne une toute autre dimension au film.

On peut remarquer que c'est un travelling mais un travelling dans l'axe. Il y a de temps en temps un légerrecadrage. On se rend compte, tout de suite, que nous n'avons aucune information concernant le lieu dans lequelon se trouve. Ensuite nous voyons une bonne femme qui lit quelque chose avec son pull jaune mais on ne saitpas qui c'est (après une première vision du film, nous pouvons conclure que c'est Francesca).

Il y a plusieurs pistes pour trouver la solution. Celle-ci est la plus plausible. Qui filme là ? Nous savons que c'estune femme qui est filmée, que c'est Francesca (le lien) dans les studios en Italie. Dans le film, nous avons deuxcaméras : celle de Lang qui filme L'Odyssée et celle de Lang qui filme son film.

Il y a donc un problème car qui est cette troisième caméra ? C'est nous, spectateurs. Nous nous situons dans lasalle au même niveau que la caméra qui filme maintenant (vu la position des rails de la caméra), donc nousavons forcément une mise en abîme. D'office, nous avons une réflexion sur le cinéma. Plus les personnagesavancent, plus ils sortent du champ de la caméra.

Que se passe-t-il une fois que les personnages sont hors cadre ? Le chef opérateur vérifie que la lumière estcorrecte, tourne la caméra. On voit que la caméra nous filme et que la perche set juste au-dessus de nous pourenregistrer les éventuels sons que nous ferions.

Le générique est encore plus fort par cette phrase qui est dite après les noms principaux : Le cinéma, disaitAndré Bazin, substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs. Le Mépris est l'histoire de ce monde.En gros, à la place de notre regard, nous avons une caméra, donc tout peut se passer au cinéma. Elle vient seplacer là après une énumération technique. C'est toujours une réflexion sur ce qu'est le cinéma.

La caméra se tourne ensuite vers nous et nous entendons Bardot (plutôt la fille plus intéressée par son cul quepar le cinéma) qui répond à la phrase en disant Je ne sais pas. C'est le même effet que produit Belmondo par Sivous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la ville, … allez vous faire foutreet continue par Oh oh, …des petites filles qui font de l'autostop.

Ce qu'a dit Godard à propos de l'image : Ce sont des gens qui se regardent et sont regardées par le cinéma. Ettout à coup, la caméra de Godard regarde le spectateur (le public). Ce plan est apprécié par le professeur car ilfait référence au travail effectué tout au long de l'année.

C'est donc plus qu'une simple mise en abîme puisqu'on devient acteur. On a toujours vécu le cinéma dansl'autre sens. Godard, lui, nous regarde.

Pour en savoir plus, on peut consulter l'ouvrage suivant : MARIE (Michel), Le Mépris, Coll. Synopsis, Nathan, 1990

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Les Idiots de Lars VON TRIER

IntroductionIl y a un rapport direct entre Dogme 95 et la nouvelle vague. C'est en quelque sorte une seconde nouvelle

vague.On aurait pu voir Manhattan de Woody Allen pour illustrer le cinéma des années 70. C'est un film

autobiographique. On aurait pu voir aussi C'est obscur objet du désir de Buñuel qui est très intéressant mais trèsplat du point de vue de l'esthétique.

Pour le cinéma des années 80', nous savons que c'est un cinéma très opéra. Nous en avons un très bel exempleavec Koyaanisquatsi. On montre une contemplation de l'image est de l'éclairage

En 1990, il y a une rupture par rapport au cinéma fictionnel. On se situe plus au niveau du reportage et onn'hésite pas à éclater la limite entre la fiction et le documentaire.

Lars VON TRIER (né en 1956)C'est un réalisateur danois. Il a fréquenté la Danish Film School. Il en sort en 1983 et est déjà connu par ces

courts métrages primés. Dès Image de la libération qui parle de la libération du Danemark vu par un soldatallemand, il se place dans la provocation.

Son premier film sort en 1984. C'est Element of Cry. Le film fut présenté à Cannes. Lors de son arrivée, LarsVon Trier commence une relation ambiguë et provocante. En effet, nous sommes encore dans le mouvementpunk et donc, il monte les marches habillé en punk. Il dénota très fort car le festival, et surtout la montée desmarches, est le spectacle du faux ; cela fonctionne car on ne peut monter les marches qu'en smoking.

Il ne remporte pas de prix à ce festival mais une notoriété, ce qui lance sa carrière.Il réalise Epidemic en 1987 considéré comme le film le plus mauvais jamais tourné au Danemark. Depuis, il

tourne pour la télévision. Il réalise en 1991 Europa et cela marche. En 94, il commence la série Kingdom (traduiten français par L'hôpital et ses fantômes). C'est une série télévisée d'épouvantes tournée à l'Hôpital Royal deCopenhague.

Il réalise ensuite Breaking the way en 1996. Il recevra en outre le Grand Prix du jury à Cannes. C'est un filmsur la mort et la trame humaine dans toute sa splendeur pour mettre en évidence les sentiments humains. Onraconte que pendant le tournage, il pleurait beaucoup ; même qu'une fois, il pleurait tellement que les acteurs ontdu le réconforter et lui dire que le héros mort n'était qu'un acteur.

Il continue la réalisation avec une deuxième série pour Kingdom en 97 qui sera primée à Cannes, Les Idiots en98, Dancer in the dark en 2000 (film avec Bjork et Catherine Deneuve qui parle de la manipulation d'une mèrequi se sacrifie pour sa fille) primé à Cannes et en 2003 Dogville avec la même thématique.

C'est un cinéma très intéressant pour la mise en scène et l'utilisation de la grammaire cinématographique.

Les Idiots (1998)Analyse

Le scénario fut écrit en trois jours. L'idée des idiots est venue lors de la rédaction du manifeste de Dogme. Lecasting que Lars a fait ne fut pas un casting normal et de plus, il n'engagea que des néophytes. Au départ, le filmaurait du se tourner en 35mm mais finalement, il fut tourné en vidéo.

C'est l'histoire d'une bande de jeunes qui régressent dans une maison. Tout le monde est enfermé, vit ensembleavant le tournage. C'est plus ou moins improvisé.

[Le concept du Loft est basé de ce film. De ça, la seule chose de positive qui fut crée, c'est Operunity créé parles Anglais. Les chanteurs sont formés pour chanter un soir à l'Opéra Royal de Londres. Le casting est un coursde chant. C'est tout un discours sur la culture. Ce n'est pas la Star Ac' car ils ne sont pas formés pour être desstars.]

Ils ont appris à vivre ensemble, à régresser, à voir des institutions pour autistes. Au bout de six semaines detournage, il y a eu 130h de rushs.

Dogme 95Ce mouvement fut fondé en 1995 par rapport au 100 ans du cinéma. C'est plus un manifeste qui comporte une

série de caractéristiques pour que le film soit un film Dogme.C'est un mouvement intéressant car il y a deux caractéristiques essentielles : l'esthétique actuelle de la caméra

épaule et le travail sur la limite entre la fiction et la réalité (ce qui a apporté un intérêt pour le documentaire). Ils'oppose à l'hypertechnicité du cinéma comme Matrix, Troy, Le Seigneur des Anneaux, … par un rapport à laréalité. C'est une opposition au cinéma américain où par la technique on crée l'illusion du sentiment. Le Dogmeforme l'esthétique du tournant du siècle. En plus, nous avons une remise en question du statut du cinéma (but,esthétique, …) comme la nouvelle vague.

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Le mouvement s'est déjà illustré comme la nouvelle vague par des films annonciateurs (ex: C'est arrivé près dechez vous) de ce mouvement mais qui n'avaient pas créé la rupture. Nous avons une caméra qui court derrière lesacteurs et qui est très proche de leur intimité physique.

Il a permis à pas mal de réalisateurs (Les frères Dardenne) de s'en inspirer pour leurs films.Donc c'est un cinéma très différent qui est mis en place. Il a été reconnu mondialement car Les Idiots furent

primés à Cannes.Lars Von Trier, à travers ce genre, entretient son côté provocateur et son discours de la société ambigu et

religieux. Les frères Dardenne ont un discours plutôt socialiste.

Lors de la présentation de ce film, Lars Von Trier remis un document (Le manifeste de Dogme95) auxmembres du jury pour leur faire connaître le mouvement. Pourquoi a-t-il choisi 95 ? Parce que c'était à l'occasiondes 100 ans du cinéma.

Lors de la lecture de ce manifeste, on peut se rendre compte que les propos tenus se ressemblent fort à ceux dela nouvelle vague. On dit que le cinéma va mal, que la nouvelle vague était utile mais qu'elle n'a pas abouti etque depuis les années 60, nous sommes rentrés dans un cinéma du cosmétique, du faux. De plus Lars Von Triertient un discours antibourgeois. On sent son influence chrétienne car il définit les principes de Dogme95 commedes vœux de chasteté.

Il est intéressant de remarquer que ce manifeste est une opposition à l'hypertechnicité du cinéma actuel. On lebannit pour essayer de revenir à l'émotion des acteurs. Pour eux, l'important est de capter l'émotion que lesacteurs réussissent à transmettre.

Ce qui est marrant, c'est que Les Idiots est le deuxième Dogme. Le premier est Festen de Th.Vinterberg. Oncommence le film par un diplôme qui montre que le film a rempli toutes les clauses pour être un film Dogme.Seulement, cela marche moins bien car on ressent la mise en scène, la narration.

On peut reprendre quelques clauses illustrées ci-dessous :" 1 - on ne tourne pas dans un studio, de ce point de vue, on se rapproche fort de la nouvellevague ;" 2 - la musique ajoute un sentiment ;" 3 - normalement on fait une scène là où se trouve la caméra ;" 7 - on ne fait pas un film sur la guerre de Troie à Troie ;" 8 - science-fiction, western ;" 10- il n'y a pas de réalisateur mais une équipe.

Il refuse l'idée de réalisateur, d'artiste, de créer une œuvre. C'est le refus du bon goût et de l'esthétique. Enparallèle, on est dans l'esthétisme du banal en photo avec Nam Goldin, entre autre, en opposition auxmannequins déifiées Naomi Cambell, Claudia Schiffer, Cindy Crawford et Lindsay Frangelisbar.

Généralement les films de Dogme sont de films à petits budgets dans lesquels on peut trouver une grandeliberté avec une volonté de mettre tout le monde au même pied d'égalité. Le réalisateur disparaît pour faire placeau jeu des acteurs. Donc l'équipe est réduite au minimum ; en gros, nous avons un preneur de son et uncaméraman. Les acteurs sont ainsi plus nombreux que les techniciens.

D'ailleurs, Lars Von Trier a commencé à prendre la caméra sur le tournage de Europa car il était tellementchiant que l'opérateur lui a dit de s'occuper lui-même de l'image.

Ce style n'est pas simplement du style mais aussi une opposition au cinéma américain par la captation desémotions des acteurs.

La chose la plus importante était la compréhension du manifeste. On passe à une esthétique totalementdifférente de ce qui avait été fait au cinéma. C'est en quelque sorte une non-esthétique car on ne peut pasimaginer qu'il y a une volonté particulière au niveau du montage, de l'éclairage, …

L'esthétique se subordonne aux faits et à l'émotion. Cela donne effectivement une sorte de qualité brute de lamatière qui fait croire à la réalité. Tout réside là dedans.

Normalement, la réalité naît de la technique. Ici, c'est l'inverse mais cela fonctionne. Le réglage de la mise aupoint accorde du crédit. C'est un tournage qui n'a rien à voir avec un tournage classique. On ne cherche pas leraccord, la script peut s'inscrire au chômage. Ici, c'est l'émotion qui prime, qui passe. Quand ils pleurent, ilspleurent. Il n'y a pas de problèmes d'éclairage car il n'y a pas de lumière.

Tous ces éléments, avec un montage tout sauf fluide basé sur la narration, prouvent que le montage n'est pasréfléchi au moment du tournage. Le résultat est un leurre de la réalité. C'est une manipulation.

Il paraît que le tournage fut très intéressant pour le réalisateur et les acteurs car les acteurs pouvaientimproviser.

Lars Von Trier disait : Je dépendais d'eux bien plus qu'eux dépendaient de moi. Le réalisateur est obligé detrouver ses ressources ailleurs que dans la technique.

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InterviewsA la base, elles ne sont pas prévues dans le scénario. Donc, ce sont de fausses interviews. Lars Von Trier a

demandé aux acteurs d'improviser une interview pendant deux heures pour penser à la fin et à l'après.Quand on a l'impression que le type est avec sa femme, il joue. Il est dans son personnage. C'est aussi

impressionnant que la fin de l'expérience, la sortie et le retour à la réalité. Cela apporte une certaine crédibilité aufilm mais c'est une manipulation. C'est une sorte de mise en abîme relative.

Scène de finCette scène transforme la lecture du film. Le film est autour du personnage de Karen. Elle rentre dans le groupe

et veut téléphoner.Quand elle va dans sa famille, on comprend le discours sur la folie. Elle a disparu la veille de l'enterrement de

son fils. Elle est potentiellement dans l'état de folie face à la réalité et à leur cruauté. Le passage avec le mondeextérieur est impossible pour les autres membres du groupe. Karen, elle, est prise entre le choix de partir ou derester, de choisir entre la raison et la folie, de faire la débile ou être débile. Elle est folle si elle reste car elle a àassumer tout ce qu'elle a fait. A son retour, on sent qu'elle est rejetée. Si elle reste, elle rentrera dans une foliefurieuse et si elle part, elle plongera dans une autre folie. Etre folle ou jouer la folle ? That the question. Karen asurvécu pendant 15 jours grâce aux Idiots. Au moment où elle quitte ses parents, c'est une refus de la réalité, unrefus du monde. Les autres, quand ils retournent à la réalité, choisissent la raison.

Ce qui est très étonnant, c'est le moment où ils sont tous dans le couloir. Quand Karen remercie tout le monde,elle oublie Stoffer.

Concernant la scène de partouze, il n'y a plus de censure au Danemark depuis 1969.

Il y a une phrase pour exprimer le film. Quand les personnes ont reçu le dossier de présentation, ils ont reçu lemanifeste et le slogan : A film by Idiots about Idiots for Idiots. Ce n'est pas sans rappeler cette phrase de lanouvelle vague : Un film sur des jeunes par des jeunes pour des jeunes.

Si on veut s'intéresser un peu plus, nous pouvons trouver des informations complémentaires dans :Les Cahiers, mai 1998, n°524, pp 73-87, Du cinéma réinventé.