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25 ans de créativité arabe. Un bilan ou un plaidoyer ? Extrait de Voir & Dire http://www.voir-et-dire.net/?25-ans-de-creativite-arabe-Un 25 ans de créativité arabe. Un bilan ou un plaidoyer ? - Décrypter et débattre - V&D décrypte des oeuvres et des expos - Date de mise en ligne : dimanche 6 janvier 2013 Description : Copyright © Voir & Dire Page 1/10

25 ans de créativité arabe. Un bilan ou un plaidoyer · arabe ou questionnent la représentation qu'on s'en fait, ... physique pour dire celle du pôle spirituel de l'islam

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25 ans de créativité arabe. Un bilan ou un plaidoyer ?

Extrait de Voir & Dire

http://www.voir-et-dire.net/?25-ans-de-creativite-arabe-Un

25 ans de créativité arabe. Un

bilan ou un plaidoyer ?- Décrypter et débattre - V&D décrypte des oeuvres et des expos -

Date de mise en ligne : dimanche 6 janvier 2013

Description :

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25 ans de créativité arabe. Un bilan ou un plaidoyer ?

Exposer des oeuvres contemporaines arabes est parfois un risque, parfois une prise de position libre suivie de censure ; c'est avant tout un marqueur de

modernité. À l'occasion de ses vingt-cinq ans, l'Institut du Monde Arabe propose un large panorama. Quarante artistes, choisis personnellement par un

commissaire égyptien, pour poser implicitement la question d'une convergence culturelle possible et suffisamment forte face à la domination des scènes

occidentales démocratiques. Des surprises, de la beauté, une distance ironique et critique ne sont pas les moindres découvertes.

Sans nul doute une exposition à voir, même si la critique en parle si peu. Pour renouveler son émotion et pour décentrer aussi un regard trop français.

Quarante artistes, ce qui est peu, pour s'interroger sur cet univers artistique.

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25 ans de créativité arabe. Un bilan ou un plaidoyer ?

Exposer des oeuvres contemporaines arabes est parfois un risque, parfois une prise deposition libre suivi de censure ; c'est avant tout un marqueur de modernité. À l'occasion deses vingt-cinq ans, l'Institut du Monde Arabe propose un large panorama. Quarante artisteschoisis personnellement par un commissaire égyptien, pour poser implicitement la questiond'une convergence culturelle possible et suffisamment forte face à la domination des scènesoccidentales démocratiques. Prégnance des références religieuses, identités blessées dans un mondeglobalisé, réexploration des racines de l'art sont des thématiques qui perlent dans ce parcours nondidactique. Des surprises, de la beauté, une distance ironique et critique ne sont pas lesmoindres découvertes.

V&D vous propose de découvrir des oeuvres marquantes.

Sans nul doute une exposition à voir, même si la critique en parle si peu.

Pour décentrer un regard trop français. Quarante artistes, ce qui est peu, pour s'interroger sur cetunivers artistique.

Par le passé, les pays arabes avaient l'habitude de mettre en avant un art officiel qui suscitait peu d'enthousiasme

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tant il était empreint d'une vision exaltant la valeur des traditions ou le clinquant d'un avenir nourri aux ressources dupétrole ou du gaz. Les pavillons des Biennales de Venise étaient souvent consternants. Mais il y eut en 2011, dansla cité des Doges, une exposition hardie, directe, prometteuse, parlant tout autant des violences en cours et de larecherche d'un universalisme de valeurs à défendre : « The future of the promise ». Aux printemps arabes semblaitcorrespondre ainsi une autre approche de l'art contemporain, subtile et riche.

Il y eut aussi, cette exposition de l'IMA en 2012, « Le corps découvert »rompant avec les clichés habituels.

De son côté, l'Institut du Monde Arabe s'efforce régulièrement de valoriser des courants artistiques, unifiés par lequalificatif « arabe », afin de leur bâtir une légitimité dans l'effervescence culturelle parisienne. Il faut donc saluer cesinitiatives en tentant de les lire sur un fonds de crise permanente de cette institution soumise aux aléas politiques etaux demandes des pays financeurs.

Des artistes de l'entre-deux.

À lire les cartels, il ressort que les artistes présentés ici sont souvent dans l'entre-deux des cultures, leurs lieux detravail étant aussi à Paris, Berlin ou aux États Unis. Qu'ils soient déracinés, exilés, ou à temps partiel dans leur paysnatal, ils ont un double regard, une culture multiple. C'est ce qui explique la familiarité de ton, de technique,d'approche qu'un oeil occidental peut appréhender alors que les thématiques puisent spécifiquement dans le mondearabe ou questionnent la représentation qu'on s'en fait, comme chez Youssef Nabil, égyptien-newyorkais.

Pour mieux apprécier cette hybridation, il suffit d'admirer l'oeuvre vidéo de Mounir Fatmi, « Les temps modernes.La chute » qui ne peut faire polémique contrairement à celle qui avait été présentée à Toulouse en 2012 : ici, uneimmense machine à la Chaplin dont les rouages calligraphiés évoquent les effets de l'industrialisation dans les paysarabes. Fascinant comme ses autres oeuvres, d'ailleurs.

La splendide composition photographique d'Arwa Abouon (Libye) représente, de son côté, un horizon à la JanDibbets ou un ciel nuageux relevant de la plus pure tradition occidentale. Au-dessus, une femme en burqa,arc-en-ciel et non noire, puisant dans la symbolique des coloris gay. Son mouvement est décomposé de façonélémentaire comme dans les photos de Muybridge, qui, en 1878, étudiait le marcher de l'homme nu ou le galop du

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cheval. Dans ce mouvement où elle bascule progressivement dans la prière, tout est évoqué à la fois : l'attitudereligieuse traditionnelle, la place de la femme arabe et l'espérance des bombes humaines dans l'au-delà. L'ambiguïtéironique féministe est ici poussée très loin mais ne peut heurter personne.

Le collectif plus que l'individu.

Si les artistes contemporains occidentaux utilisent souvent leur histoire personnelle et leur propre corps commesupport d'un discours sur l'art et la société, il apparaît clairement que les artistes exposés sont dans le nous collectif,et à ce titre proche de l'Umma, la communauté des musulmans fondée sur le religieux, pour aborder une questionforte.

C'est pourquoi, l'ensemble « Fair Skies 2011 » Mahmud Obaidi qui dénonce sur un mode sarcastique le contrôle aufacies dans les aéroports américains est un peu singulier. Il propose des distributeurs de produits de maquillage pourhomme permettant d'éviter d'être assimilé à un terroriste. À l'aide d'une vidéo ou de bonshommes en plastique issusde la culture des jeux de guerre pour enfants, l'artiste se met en scène sous la forme de clones de lui-même, tell'artiste français Gilles Barbier. À l'inverse, quand Adel El Siwi (Égypte), avec « The Water Guards », veut évoquer samère et les questions de l'eau, il revient à de grandes formes peintes de la femme issues de l'art primitif et leurdonne un esprit oriental.

Le poids de la référence religieuse et la force d'une

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spiritualité.

Si l'art contemporain occidental réexplore périodiquement les thèmes du religieux, il semble que les artistes del'exposition ne les aient pas quittés ; la question du spirituel n'est pas que latente, elle est ouvertement présente.Mais au lieu d'une pensée traitant du fondamentalisme ou revendiquant une approche de la modernité critique, on ydécouvre des approches sensibles intéressantes ou esthétiquement fortes, mais « politiquement correctes ». Avec «Magnetism », le Saoudien Ahmad Mater aborde la réalité de l'attraction mentale exercés par la Kaaba à La Mecqueà l'aide d'un aimant cubique noir et de la limaille de fer prenant alors diverses formes : la gravitation universellephysique pour dire celle du pôle spirituel de l'islam.

La présence soufie se remarque avec ces grandes photos d'un voile tournant sur lui-même mais c'est dans unensemble de quatre photos N&B colorées à la main avec des tons saturés et représentant un homme entrantprogressivement dans la mer jusqu'à y disparaître que l'on touche de manière émouvante à l'universel : le passagedu temps et la mort.

L'identité blessée par la guerre et les nouvellesconfigurations mondiales.

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Les oeuvres portant cette question sont ici nombreuses et affirment la représentation d'un monde arabe assiégé oumeurtri. L'exposition commence d'ailleurs par l'oeuvre du collectif libanais Bokja Besign, un amas de pneus, ici,délicatement enveloppés de matières soyeuses. En effet, brûler des pneu à Beyrouth est une réaction fréquente enréponse à un événement régional, même éloigné, et risque d'accroître l'instabilité du pays. Cette oeuvre protestedonc contre l'utilisation récurrente de ces moyens de protestation...

L'oeuvre vidéo à multicanaux de Ammar Bouras « Tag Out » sur les conditions de l'assassinat du leader algérienMouhamed Boudiaf réussit à transmettre l'angoisse de toute une période vécue par l'artiste.

Les photos sur le mode des écrans de contrôleurs des aéroports, non plus des bagages mais des formes humainespréfigurant les futurs scanners corporels souhaités par les Américains sont les fondements de l'oeuvre de MahaMALLUH (Arabie Saoudite) « Barcoding I et II ». L'installation faites de cercueils contemporains présentés sur lemode de découvertes d'archéologues de l'an 3000 est réellement lugubre et semble exprimer plus qu'un délired'artiste !

Le climat de violence sociale et imaginaire est une marque de cette exposition, même si elle emprunte à d'autres

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désignations artistiques que chez les artistes occidentaux. Il y a bien là une spécificité, jusques et y compris ce désirde libération comme ce triptyque (ô combien religieux occidental) d'un ciel où le premier plan est fait de grillagesdéchirés, comme à Guantanamo.

Les principaux artistes appartiennent bien à ce monde globalisé de la culture et de la violence, mais ils l'abordentavec une sensibilité qui résonne de l'un à l'autre. En effet, ils ont en commun l'arabe comme langue et le vécu de ladésignation comme « autre » après le 11 septembre...

La critique des pouvoirs.

Elle n'est pas frontale mais, pour l'IMA institution très officielle, se veut amusante et légère. Elle a le mérite d'exister.Le summun est donné par l'immense tampon de Abdulnasser Gharem (Arabie Saoudite) où il est inscrit « Inch'Allah,engagez-vous un peu plus de rigueur intellectuelle, soyez plus brave, ayez davantage foi en vos convictions »exprimant le délire bureaucratique de l'Arabie saoudite. En s'affirme comme sa propre autorité, le plasticien fait uneprofession de foi moderniste.

En revanche, Safaa Errus a recréé les 22 drapeaux de la Ligue Arabe avec des perles crème sur des tissus blancs.Tous identiques ! Une représentation selon les codes esthétiques vestimentaires anciens, doucereux et clinquants...

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Le contraste entre cette représentation symbolique et la réalité de pays autoritaires est si grand qu'il prête à sourire.

L'ancrage dans une tradition de l'art.

Sans nul doute, dès l'entrée dans cette exposition, le spectateur sait qu'il se trouve face à des artistes arabes usantde codes ou de matériaux bien connus dans cette vaste aire géographique. Et ces artistes n'hésitent pas à se jouerdes clichés qui, certes, ne sont pas ceux de l'exposition de l'étage supérieur, « Les Mille et Une Nuits » etl'orientalisme, mais qui existent bel et bien, quoique modernisés.

En revanche, il y a de la subtilité et de la vérité quand Armen Agop (Egypte) travaille le granit dans la plus puretradition locale selon un mode épuré saisissant. Ici tradition et modernité se rencontrent pour le plus grand bonheurdu visiteur.

En attendant une autre exposition...

En fin de parcours, un spectateur ne maîtrisant pas l'arabe peut avoir le sentiment d'être passé à côté de bien deschoses, en effet l'écriture est présente dans nombre des oeuvres et la faiblesse de l'information donnée (pas delivret, pauvreté des cartels) est regrettable. Il est évident qu'il y a quelques oeuvres faibles ou relevant de choixdifficilement compréhensibles. Quarante artistes pour tous les pays arabes, le pari était a priori intenable pour uneinstitution comme l'IMA.

Les choix du commissaire et critique d'art égyptien Ihab El Laban sont réellement intéressants car ils offrent desdécouvertes.

Alors après la Chine, l'Inde, une scène des arts visuels contemporaine arabe semble se construire pas à pas.Les artistes déjà installés dans les pays occidentaux, jouent un peu les rôles d'ambassadeurs.

Mais la question fondamentale est de savoir comment cette scène contemporaine peut se développer en

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toute liberté dans chacun des pays au demeurant très différents.

Du 16 octobre 2012 au 03 février 2013Salle des expositions -1/-2 & Mobile art.

Post-scriptum :

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